compte rendu intégral

Présidence de Mme Valérie Létard

vice-présidente

Secrétaires :

M. Daniel Dubois,

M. Dominique de Legge.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales - État B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Seconde partie

Loi de finances pour 2020

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales - Relations avec les collectivités territoriales - Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140, avis nos 141 à 146).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Relations avec les collectivités territoriales

Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Relations avec les collectivités territoriales - État B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 77 et 78 à 78 nonies) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les finances locales sont au cœur de ce projet de loi de finances, et je tiens à revenir quelques instants sur nos précédents débats.

L’article 5, que nous avons examiné en première partie, porte sur un sujet qui était très attendu : la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la réforme du financement des collectivités territoriales. J’en suis convaincu : sur cet article, le Sénat a mené un travail essentiel. Il faut donner du temps au temps. Il faut donc repousser à 2022 l’entrée en vigueur de la réforme du financement des collectivités territoriales – c’est ce qu’a adopté le Sénat.

Ce décalage d’un an est sans incidence sur le contribuable, puisqu’il ne remet en cause ni la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales en 2023 ni le dégrèvement total en faveur des 80 % des ménages les moins favorisés en 2020.

Que le Gouvernement ne vienne pas nous dire que ce décalage n’est pas acceptable ou, pis, que c’est une mesure dilatoire : dans le même temps, il propose de ne réviser les valeurs locatives des locaux d’habitation qu’en 2026 ! Quand on sait l’importance de la distorsion de richesses imposée par la non-actualisation des valeurs locatives, on ne peut que déplorer ce calendrier.

Ce décalage d’un an nous permettrait également de disposer du temps d’analyse et de concertation nécessaire pour traiter la question de la péréquation. Ce travail ne doit pas être mené à la va-vite, car il est vital, et pour cause : le reste de l’édifice financier local n’a plus de base tangible.

La fiscalité est régulièrement réformée, souvent sans que les élus locaux le demandent ; les dotations sont dépassées, mais leur réforme n’est visiblement pas pour demain… Restent les dotations et fonds de péréquation, qui, eux aussi, souffrent de dysfonctionnements : en témoignent nombre d’amendements, que nous tenterons de contenir.

En réalité, nous sommes à un carrefour : nous devons nous interroger sur la gouvernance globale des finances locales, et en particulier sur leur encadrement par les contrats de Cahors. Sans aucun doute, ces contrats mettent à mal la libre administration des collectivités, clé de voûte de notre édifice territorial.

J’en viens à la mission qui nous occupe aujourd’hui. Elle est le reflet des maux dont souffrent les finances locales et que je viens d’évoquer.

Dotée de 3,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,4 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) comprend les crédits de certaines des dotations versées par l’État aux collectivités territoriales. Ces fonds ont vocation soit à compenser des transferts de compétences, soit à subventionner des projets, notamment d’investissement.

Les autorisations d’engagement diminuent de 82 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019. Toutefois, le montant des principales dotations en faveur du bloc communal demeure stable. Il représente, au total, 1,76 milliard d’euros en autorisations d’engagement.

Au titre des crédits de paiement, la mission connaît une légère hausse pour 2020, de l’ordre de 13 millions d’euros. Ce solde masque néanmoins des mouvements parfois importants.

Enfin, cette mission connaît un « verdissement » bienvenu. Depuis l’année dernière, une dotation de 5 millions d’euros est versée à 1 122 communes dont une partie du territoire est couverte par une zone Natura 2000. Cette année, une dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité est créée. Elle inclut l’ancienne dotation Natura 2000 : nous devrions y revenir longuement tout à l’heure. (Mme la ministre le confirme.) En effet, beaucoup d’amendements ont été déposés à ce sujet, dont certains me sont assez chers.

Mes chers collègues, je termine en évoquant le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». Ce compte voit transiter le produit des impositions locales versées mensuellement par l’État aux collectivités territoriales, qui devrait s’élever à 110,6 milliards d’euros en 2020.

Nous vous proposerons d’adopter les crédits de cette mission et de ce compte de concours financiers. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial de la commission de finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette mission « Relations avec les collectivités territoriales » a quelque chose de jouissif… (Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Philippe Dallier. Allons bon !

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis de la commission des lois. Quel scoop !

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Mes chers collègues, sur cette mission, qui pèse 3 milliards d’euros, l’on dénombre quelque 120 amendements. Ainsi, le Sénat bat une fois de plus un record d’amendements sur l’une des plus petites missions budgétaires,…

M. Julien Bargeton. Si l’on rapporte le nombre d’amendements au nombre d’euros, c’est certain !

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. … mais c’est bien entendu un plaisir ! (Sourires.)

S’agissant des finances des collectivités territoriales, les principales mesures du projet de loi de finances pour 2020 sont la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la réforme du financement de cette imposition.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la première partie : le Sénat a pris ses responsabilités en décalant d’un an la mise en œuvre du nouveau schéma de financement des collectivités territoriales, sans toucher au bénéfice de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et en amendant le texte pour améliorer la compensation en faveur des collectivités.

De son côté, le Gouvernement nous a demandé de voter le présent texte en se donnant un an pour traiter cette question. C’est un peu comme si l’on vous lâchait depuis une falaise en vous disant : « Ne vous inquiétez pas, on va vous envoyer le parachute ! » (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)

En réalité, un certain nombre d’angles morts persistent : en conséquence, des précisions doivent être apportées. Surtout, il y a ce que certains ont appelé, à juste titre, « la réforme cachée de la taxe d’habitation ». Une fois la taxe d’habitation supprimée, comment recalcule-t-on les potentiels financiers à partir desquels on répartit la dotation globale de fonctionnement (DGF) ou le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) ?

Afin de disposer de tous les éléments, nous devons résoudre l’ensemble de ces problèmes avant de mettre en œuvre cette réforme. C’est le sens des modifications apportées par le Sénat. Madame la ministre, nous espérons que le Gouvernement saura entendre le message que la Haute Assemblée a voulu lui transmettre.

C’est dans ce contexte que nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et les articles qui y sont rattachés. Ce débat nous permettra de revenir sur un certain nombre de mauvaises manières faites aux collectivités territoriales – j’en évoquerai quelques-unes.

L’article 78 prévoit plusieurs évolutions des modalités de répartition de la DGF des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des départements. Il procède notamment à la réforme de la péréquation versée aux communes des départements d’outre-mer. Bien sûr, je salue cette mesure attendue depuis longtemps. Mais, une nouvelle fois, fort de son engagement envers les communes d’outre-mer, le Gouvernement laisse les autres communes financer cette réforme.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Certes…

M. Claude Raynal, rapporteur pour avis. On est toujours plus généreux avec l’argent des autres !

Cet article procède également au décalage, à 2026, de la prise en compte dans le coefficient d’intégration fiscale (CIF) de la redevance d’assainissement.

Mes chers collègues, ne croyez pas que je veuille entrer maintenant dans des considérations techniques. Je relève simplement que cette décision du Gouvernement est révélatrice. Nous avions proposé ce report l’année dernière : il avait été balayé d’un revers de main. Finalement, le Gouvernement le reprend à son compte cette année. Nous en sommes heureux !

Par ailleurs, ce projet de loi de finances nous invite à voter plusieurs dispositions qui concernent les collectivités franciliennes. Nous ne manquerons pas d’y revenir au cours du débat.

À ce stade, j’évoquerai simplement l’article 78 octies, introduit par l’Assemblée nationale, qui reconduit pour un an le dispositif visant à reporter le transfert de la dotation d’intercommunalité des établissements publics territoriaux (EPT) vers la métropole du Grand Paris (MGP) et à suspendre le versement par celle-ci de la dotation de soutien à l’investissement territorial (DSIT).

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, a institué un système de flux financiers complexe entre la métropole du Grand Paris et les EPT. Faute d’évolution du schéma institutionnel de la métropole, ce système a été prorogé en loi de finances pour 2019. Aujourd’hui, comme l’année dernière, nous devons donc statuer sur l’évolution des flux financiers entre, d’un côté, la métropole du Grand Paris et, de l’autre, ses EPT.

Parallèlement, nous aurons à nous prononcer sur le plafond du FPIC. En effet, il est temps de réfléchir au sens de cet instrument de péréquation, que beaucoup souhaiteraient figer, et aux liens qui l’unissent au Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF).

En examinant les articles rattachés, nous nous pencherons également sur le financement de la Société du Grand Paris : le Gouvernement nous propose de financer cette structure par les recettes des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des départements franciliens.

M. Philippe Dallier. Un hold-up !

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Enfin, nos débats porteront largement sur la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR).

L’article 78 nonies, introduit par l’Assemblée, stabilise l’enveloppe de cette dotation en 2020. Nos collègues députés estiment que ses modalités de répartition doivent être revues afin que les territoires ruraux soient mieux ciblés. Nous y reviendrons en détail dans quelques instants, beaucoup d’amendements ayant pour objet cette dotation.

Mes chers collègues, tels sont les quelques éléments sur lesquels je souhaitais appeler votre attention alors que nous entamons nos travaux. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR. – M. Jean-Claude Requier et Mme Sylvie Vermeillet applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette année, la commission des lois n’a pas jugé utile de s’opposer à l’adoption des crédits ouverts au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », la diminution de ces crédits étant essentiellement due à des mesures de périmètre.

Notre commission n’en a pas moins formulé plusieurs réserves de fond, qu’il s’agisse des modalités de répartition de ces crédits et des dotations qui en dépendent ou du contexte général dans lequel s’inscrivent les finances locales depuis une vingtaine d’années.

Les deux rapporteurs spéciaux viennent d’évoquer ce contexte, que nous connaissons tous : celui d’une instabilité chronique et d’une perte de visibilité pour les finances des collectivités territoriales. Or cette situation est difficilement acceptable pour elles. Ainsi, pour ce qui concerne la suppression de la taxe d’habitation, il est permis de douter de la sincérité d’une compensation « à l’euro près ». De telles compensations ont déjà été promises par le passé et n’ont jamais été qu’un supplétif temporaire à une baisse de ressources pour les collectivités.

En outre, alors que nous nous sommes déjà prononcés sur une réforme de la fiscalité locale jugée, de l’avis général, prématurée, la commission des lois a souhaité attirer l’attention sur l’absence de prévisibilité des impacts d’une telle réforme sur les indicateurs financiers. Certes, ces impacts seront progressivement connus. Mais comment se fait-il qu’ils ne soient évalués qu’a posteriori ?

Plus généralement, la litanie des réformes de la fiscalité locale ne laisse pas aux collectivités territoriales le temps de s’adapter aux changements exigés d’elles.

Ce qui est vrai pour la fiscalité l’est aussi pour les dotations d’investissement ou de fonctionnement que l’État attribue aux collectivités. Les élus ne sont ni convenablement informés ni suffisamment associés à des décisions d’attribution qui peuvent avoir un impact déterminant pour leur territoire.

Certes, les commissions DETR, aux pouvoirs limités, ne sont pas la panacée, mais elles ont le mérite d’associer les élus. La généralisation de cette pratique pour d’autres dotations semble, dès lors, relever du bon sens.

Mes chers collègues, la commission des lois vous présentera des amendements tendant à mieux associer les élus aux décisions relatives à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). L’attribution d’une part significative de cette dotation au niveau départemental et la création d’une commission départementale des investissements locaux, chargée de rendre des avis sur les décisions de subventionnement, permettraient de rapprocher les choix des besoins réels du terrain. À défaut, l’on pourrait créer une commission de suivi des investissements locaux chargée d’établir, en lien avec les services de l’État, la stratégie régionale de soutien de l’État à l’investissement local.

La commission des lois entend également s’opposer à la tentation recentralisatrice qui se fait souvent jour dans les modalités de répartition des dotations. L’an dernier déjà, elle s’est attachée à le démontrer : les vingt dernières années ont abouti à une recentralisation méthodique dans l’attribution des dotations d’investissement.

Enfin, la commission des lois a souhaité apporter une solution à un problème récurrent : elle a voté un amendement important ayant pour objet le coefficient d’intégration fiscale et la dotation d’intercommunalité, dont les modalités de répartition ont une incidence directe sur l’organisation institutionnelle du bloc communal.

À l’issue de l’examen de la mission RCT, la commission des lois a donné un avis favorable au vote de ces crédits et adopté neuf amendements au titre des articles rattachés. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’aborder les crédits de cette mission, je formulerai deux remarques liminaires.

En premier lieu, la suppression de la taxe d’habitation et la réforme de la fiscalité locale qu’elle entraîne ne peuvent être menées sans que l’on se penche, plus globalement, sur les dotations et les fonds de péréquation, qui souffrent d’indicateurs souvent obsolètes. À nos yeux, il est donc indispensable de prévoir en parallèle une remise à plat des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

M. Éric Gold. C’est la raison pour laquelle nous estimons qu’un projet de loi de finances spécifique aux collectivités locales devrait être examiné par le Parlement chaque année.

En second lieu, la préconisation du Sénat – reporter d’un an l’entrée en vigueur de la réforme – permettrait de solidifier le dispositif et d’éclaircir les zones d’ombre. Il faut bien le reconnaître : les élus ne sont pas rassurés, qu’il s’agisse du calcul du potentiel financier et fiscal ou de la compensation à l’euro près de la suppression de la taxe d’habitation. Gardons en tête les atermoiements qui ont suivi certaines réformes mal préparées et leurs conséquences sur les collectivités. Nous ne voulons pas voir l’histoire se répéter !

Mais revenons-en à cette mission et aux articles qui y sont rattachés, lesquels réservent quelques bonnes surprises.

Nous saluons la stabilité dont bénéficient les dotations depuis l’an dernier, même si nous craignons qu’elles ne finissent par s’éroder, faute d’être indexées sur l’inflation.

Au titre de la péréquation verticale, les augmentations de DSU (dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale) et de DSR (dotation de solidarité rurale), à hauteur de 90 millions d’euros chacune, restent malgré tout plus faibles que celles qui ont été observées l’année dernière. MM. les rapporteurs le soulignent avec raison : la réforme de la fiscalité locale doit nous permettre de repenser les indicateurs de ces dotations en retravaillant leurs règles d’attribution. Par ailleurs, la DSIL, pérennisée en 2018, est maintenue à son niveau des trois dernières années.

Au titre de la péréquation horizontale, la montée en puissance du FPIC ne permet pas réellement d’aplanir les écarts de richesse entre collectivités. Or les défauts de cet instrument sont de plus en plus manifestes. À cet égard, nous proposons plusieurs amendements : dans l’attente d’une réforme plus structurelle de révision des critères du FPIC, ces dispositions permettront pour le moins de ne pas trop pénaliser certains territoires qui bénéficient de la compensation de la taxe professionnelle.

Le projet de loi de finances pour 2020 engage un alignement bienvenu des montants de péréquation alloués aux communes des départements d’outre-mer par rapport à la métropole. En outre, il amorce une réforme des modalités de répartition de cette enveloppe : nous l’approuvons, car elle renforce la solidarité nationale envers les communes d’outre-mer les plus pauvres et assumant le plus de charges.

De surcroît, nous prenons acte de la traduction anticipée dans ce texte des mesures votées dans le cadre du projet de loi Engagement et proximité, conduisant à une majoration de la dotation particulière « élu local ».

Pour ce qui concerne le programme 122, les crédits dédiés aux aides exceptionnelles sont en diminution : la cohérence de ce choix nous interpelle, au vu de la fréquence des catastrophes naturelles auxquelles nos concitoyens et les collectivités doivent faire face.

Venons-en aux articles rattachés, qui sont, comme souvent, nombreux.

L’automatisation du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) est évidemment attendue : elle permettra de réduire les délais de versement et de fiabiliser les montants prévisionnels donnés aux collectivités. Mais encore faut-il que son coût reste nul ! En conséquence, le report d’un an est logique : il permettra de poursuivre les travaux d’évaluation et, ce faisant, de rendre la réforme acceptable pour les collectivités.

La DETR est gelée à 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 800 millions d’euros en crédits de paiement, pour la bonne cause : mieux concentrer la répartition des crédits sur les territoires ruraux. Plusieurs amendements, dont certains déposés au nom du RDSE, visent justement à en modifier les modalités d’attribution afin de les rendre plus transparentes : je pense notamment à la commission DETR.

Il faut saluer l’initiative du Gouvernement de pérenniser le soutien aux communes nouvelles dans un cadre clarifié pour les fusions qui suivront les élections municipales. De même, nous sommes favorables à la pérennisation du mécanisme de réalimentation des EPCI ayant une faible dotation.

Toutefois, avant de conclure, j’évoquerai un désaccord de fond persistant depuis l’examen du projet de loi pour une école de la confiance. L’abaissement à 3 ans de l’instruction obligatoire alourdit les charges communales ; or les dotations des communes les plus pauvres n’ont pas augmenté ; une compensation financière au profit de toutes les communes a également été écartée.

A minima, il faudrait exclure le surcroît de dépenses obligatoires induit par l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire du calcul de l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales. Nous avons proposé d’inscrire cette mesure dans la loi, sans succès ; mais nous espérons que le ministre de l’éducation nationale tiendra sa promesse sur ce sujet.

Mes chers collègues, nous accueillerons a priori favorablement cette mission et les articles qui y sont rattachés. Toutefois, nous serons particulièrement attentifs au sort qui sera réservé aux amendements déposés au nom de notre groupe. Plus globalement, même si nous approuvons les crédits de cette mission, notre vote ne fera pas oublier cette question épineuse : l’autonomie fiscale et financière des collectivités, à laquelle nous sommes fondamentalement attachés et qui – nous le savons – risque fort d’être remise en cause dans les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la majorité sénatoriale semble avoir rencontré quelques difficultés dans l’examen traditionnel de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », puisqu’elle n’a pu émettre que des critiques laudatives. (M. le rapporteur pour avis sourit.)

Il faut bien le reconnaître : le Président de la République et le Gouvernement ont tenu leurs engagements en mettant fin à la baisse continue que les concours financiers de l’État aux collectivités locales subissaient depuis 2011. Rappelons que, entre 2014 et 2017, cette baisse a représenté 10 milliards d’euros !

M. Philippe Dallier. Presque 11 !

M. Arnaud de Belenet. Tout à fait, chers collègues !

M. Philippe Dallier. Un sou est un sou !

M. Arnaud de Belenet. La visibilité est donc retrouvée.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Des critiques laudatives, avez-vous dit… Paroles de thuriféraire !

M. Arnaud de Belenet. Aujourd’hui, les concours financiers de l’État aux collectivités ne diminuent plus, mais sont en progression. (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.) La hausse atteint 464 millions d’euros par rapport à 2019, sur un total de 48,7 milliards d’euros en faveur des collectivités locales.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Bref, tout va bien !

M. Philippe Dallier. Vous additionnez des choux et des carottes !

M. Arnaud de Belenet. C’est la réalité des faits et des chiffres. (Nouvelles protestations.) Cela vous déçoit, chers collègues, mais cela me réjouit pour nos collectivités.

Peut-être allez-vous rétorquer : « Et la suppression de la taxe d’habitation ? » (Exclamations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Ah, nous y voilà !

M. Arnaud de Belenet. Ce dispositif n’a pas trait directement à cette mission. Je répondrai toutefois que nous en avons, ensemble, voté le principe : par là même, nous reconnaissons ensemble que cette mesure supprime un impôt inéquitable,…

M. Pierre-Yves Collombat. Ensemble… Il y a quand même eu des désaccords !

M. Arnaud de Belenet. … très variable selon les territoires et pesant particulièrement sur les classes moyennes.

L’effacement de la taxe d’habitation redonne plus de 18 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français,…

M. Pierre-Yves Collombat. Mais bien sûr !

M. Philippe Bas. Ils les payent par ailleurs !

M. Arnaud de Belenet. … ce qui, nous le savons tous, est essentiel en ce moment.

À mes yeux, le nouveau schéma de financement des collectivités territoriales est assez simple : la compensation est assurée, d’une part, pour les communes, grâce à la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, d’autre part, pour les intercommunalités et les départements, grâce à une fraction de TVA. Quant aux régions, qui percevaient 300 millions d’euros de frais de gestion de la taxe d’habitation, elles obtiennent une compensation par voie de dotation. (M. le rapporteur pour avis manifeste sa circonspection.)

Les collectivités bénéficieront donc d’une compensation intégrale, et je ne doute pas que nous veillerons ensemble au caractère dynamique de ce mécanisme.

La suppression de la taxe d’habitation mise à part, notre rapporteur pour avis précise que les concours financiers et la mission « Relations avec les collectivités territoriales » constituent – je cite Loïc Hervé – « un pôle de stabilité ».

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. C’est bien de citer les grands auteurs ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Loïc Hervé dans le texte ! (Nouveaux sourires.)

M. Arnaud de Belenet. Ces précisions étant apportées, j’en reviens à notre mission.

Au titre du programme 119, « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », le soutien de l’État à l’investissement local, notamment en direction des communes et de leurs groupements, progresse de 11 millions d’euros. En outre, la DETR, la DPV (dotation politique de la ville) et la DSIL restent stables en autorisations d’engagement et augmentent toutes en crédits de paiement : l’attractivité de ces dotations pour les collectivités locales s’en trouve confirmée.

À cet égard, je souscris à la volonté de la commission des lois d’exiger davantage de transparence dans l’attribution des dotations…