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Candidature à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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Article 73 C (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Seconde partie

Loi de finances pour 2020

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Pouvoirs publics, Conseil et contrôle de l'État, Direction de l'action du Gouvernement et Budget annexe : Publications officielles et information administrative

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Pouvoirs publics

Conseil et contrôle de l’État

Direction de l’action du Gouvernement

Budget annexe : Publications officielles et information administrative

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Pouvoirs publics - État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État » (et article 75 bis), « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez tous, la mission « Pouvoirs publics » est particulière, du fait de la nécessaire autonomie financière des pouvoirs publics. Elle retrace les crédits alloués sous forme de dotations à la présidence de la République, aux deux assemblées, aux chaînes parlementaires, au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République, tant que celle-ci existera.

Parmi les traits saillants de ce budget, on observe une très légère augmentation de la dotation allouée à la présidence de la République, passée de 103 à 105 millions d’euros. Cette hausse est principalement imputable à un effet de périmètre, qui fait suite à des remarques de la Cour des comptes. Certains de mes collègues vous en parleront plus longuement tout à l’heure.

Les dotations aux assemblées parlementaires sont stables depuis 2012 : environ 518 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 323 millions d’euros pour le Sénat, ce qui fait moins de 5 euros par Français ! Il faut mentionner ce fait trop souvent ignoré. Ce gel sur neuf exercices consécutifs, si l’on prend en compte l’inflation, représente l’équivalent d’une année de dotation perdue. C’est dire si les assemblées font les efforts que ne cessent de réclamer les contribuables ! Il est bon de le souligner.

Après ces neuf exercices de gel budgétaire, je ne vous cache pas qu’il existe cependant une certaine incertitude sur l’avenir de ces dotations. En effet, comment continuer ainsi, alors qu’une hausse des crédits d’entretien serait nécessaire ?

Pour 2020, le Conseil constitutionnel s’est vu affecter une dotation spéciale de 785 000 euros pour le financement de la procédure de référendum d’initiative partagée sur Aéroports de Paris. Nous en avons débattu tout à l’heure, monsieur le ministre, lors de l’examen des crédits d’une précédente mission : l’amendement du groupe socialiste et républicain qui visait à financer la période préréférendaire sur les crédits du ministère de l’intérieur a été rejeté, comme l’avait été un amendement analogue dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2019.

La présidence et les assemblées sont engagées dans d’importants projets immobiliers, inscrits dans un cadre pluriannuel. Il s’agit d’un sujet majeur, parce que cela concerne des bâtiments historiques et que, de ce fait, le ministère de la culture participe parfois au financement des travaux.

On a appris que le compte d’affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » financera une partie des travaux de la présidence de la République. Cela n’était pas prévu l’année dernière – je le sais pour l’avoir demandé à la présidence de la République – mais, il faut le reconnaître, cela a été parfaitement retranscrit dans le bleu budgétaire du projet de loi de finances pour 2020.

A priori, un certain nombre d’immeubles situés rue de l’Élysée, aujourd’hui occupés par les services de la présidence, seront vendus et devraient générer des rentrées d’argent certainement non négligeables pour le CAS. Cela étant, le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » est souvent mis à toutes les sauces. Comme aime à le rappeler Thierry Carcenac, rapporteur spécial, on y inscrit beaucoup de dépenses, et pas toujours autant de recettes. Il faudrait y veiller.

Il faudra examiner de plus près le financement du schéma directeur immobilier 2019-2022 qu’a lancé l’Élysée. En effet, une partie des dépenses sont financées par l’Oppic, l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, qui a une excellente expertise des bâtiments historiques. Si cela se justifie pour le palais de l’Élysée, cela se discute davantage pour d’autres bâtiments – je pense notamment au bâtiment de l’Alma, même s’il n’est pas idiot de prévoir une maîtrise d’ouvrage globale.

Pour financer tous les projets, ces institutions, notamment les assemblées, font appel à des prélèvements sur leurs réserves – c’est l’argent des Français, je le rappelle ! –, sauf que le recours à ces excédents accumulés aura une fin, monsieur le ministre. Il faudra donc à un moment donné réfléchir à la hausse des crédits de cette mission, particulièrement des crédits d’entretien des assemblées.

Je ferai une dernière remarque sur les crédits de la présidence de la République. On a beaucoup espéré de la vente de goodies, ces petits objets dérivés siglés Élysée. Or ceux-ci n’ont en définitive pas rapporté suffisamment – quelques dizaines de milliers d’euros – pour financer l’entretien du patrimoine. Or engager le moindre chantier au palais de l’Élysée coûte cher.

En revanche, l’Assemblée nationale a eu la bonne idée de vendre des objets estampillés Assemblée nationale sur internet et cela fonctionne très bien. Voilà une bonne idée que le Sénat pourrait suivre pour encaisser des recettes supplémentaires ! (Sourires.)

Pour conclure, la commission des finances émet un avis favorable sur les crédits de la mission. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une hausse de 3,6 % des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », qui sera ainsi dotée de 705 millions d’euros.

Cette hausse, non prévue par la programmation triennale, bénéficie essentiellement au programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », qui voit ses crédits progresser de 19,5 millions d’euros.

Cette augmentation devrait notamment contribuer à la création de 93 emplois, dont 59 postes au profit de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Les moyens alloués à cette juridiction progresseront ainsi de plus de 20 % pour atteindre 67,5 millions d’euros, soit un niveau inédit jusqu’à présent.

Monsieur le ministre, cette hausse n’a pas été anticipée par la loi de programmation des finances publiques et se traduit par un dépassement de plus de 5 % du plafond de la programmation triennale. Néanmoins, comment ne pas y être favorable, alors que le contentieux de l’asile s’est littéralement envolé au cours des deux dernières années ?

Je m’arrêterai un instant sur les chiffres : le nombre d’affaires à traiter, de l’ordre de 40 000 en 2016, est passé à 60 000 affaires en 2019, soit une hausse de 50 %. D’ailleurs, ce flux est loin de se stabiliser, puisque, selon les dernières estimations de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), le nombre de recours portés devant la CNDA devrait s’élever à 90 000 en 2020.

Il était donc indispensable d’accroître la capacité de statuer de la CNDA pour ne pas détériorer davantage les délais de jugement. C’est ce que fait ce budget pour 2020 et je m’en félicite : les 59 nouveaux emplois prévus pour 2020 devraient porter la capacité de jugement de la CNDA à près de 90 000 affaires par an en 2021. Les effectifs de la CNDA seront donc, à terme, suffisants chaque année pour absorber les nouvelles affaires, si tant est que leur nombre se stabilise dans les années à venir.

Par ailleurs, cette année encore, cette augmentation laisse craindre un effet d’éviction aux dépens des autres juridictions administratives qui sont, elles aussi, confrontées à une hausse de leur contentieux, principalement imputable au contentieux des étrangers. Ce type très spécifique de contentieux représente plus de 98 000 nouvelles affaires en 2018, soit plus du tiers des flux dans les juridictions administratives et près de 50 % des flux dans les cours administratives d’appel.

Il y a fort à craindre que cette dynamique finisse par peser sur les délais de jugement des juridictions administratives. Dans ce contexte, je note que le Premier ministre a confié au Conseil d’État le soin de réfléchir à une réforme du droit des étrangers pour simplifier les procédures liées à ce contentieux. Monsieur le ministre, sauriez-vous nous dire où en est cette réflexion et quelles sont les pistes de réforme étudiées ?

Je serai plus bref sur les crédits des autres programmes, qui sont quasiment stables par rapport à 2019.

Le budget du Conseil économique, social et environnemental (CESE) bénéficiera d’une augmentation de 4,2 millions d’euros, pour permettre l’organisation d’une deuxième convention citoyenne thématique.

Comme vous le savez, mes chers collègues, en réponse à la crise des « gilets jaunes », le Président de la République a confié au CESE l’organisation d’une convention citoyenne pour le climat, dont les membres sont chargés de formuler des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici à 2030. Les travaux de cette première convention se terminant au mois de janvier 2020, une nouvelle convention citoyenne portant sur un autre thème devrait être organisée au cours de l’année prochaine.

J’aurais aussi aimé savoir, monsieur le ministre, les suites qui pourront être données à cette première convention citoyenne, dont les débats semblent très suivis.

Je conclus mon intervention sur les crédits de la Cour des comptes et des autres juridictions financières, qui restent quasiment stables en 2020, à hauteur de 220 millions d’euros, alors que la programmation pluriannuelle prévoyait une augmentation de près de 2 millions d’euros.

Mes chers collègues, je vous invite à suivre l’avis de la commission des finances et à adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mme Nathalie Goulet et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Canevet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » comportait jusqu’à présent trois programmes : les programmes 129, 308 et 333. Or le programme 333 a été transféré sur la mission « Administration générale et territoriale de l’État », ainsi que cela a été constaté lors de l’examen des crédits de cette mission.

La mission affiche donc un total de 794 millions d’euros de crédits de paiement, en hausse très modérée de 0,7 %.

On observe par ailleurs une baisse des dépenses de personnel de 18 millions d’euros, par transfert de la prise en charge financière de 255 postes rattachés au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, sans compensation budgétaire.

Les créations de postes sont au nombre de 67, dont 42 pour l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), chère à Olivier Cadic, 13 pour le Groupement interministériel de contrôle, (GIC), 10 pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et 5 pour la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Mme Nathalie Goulet. Ce sont les chouchous ! (Sourires.)

M. Michel Canevet, rapporteur spécial. La hausse de 13 millions d’euros des dépenses de fonctionnement est principalement liée à une hausse des fonds spéciaux.

Les dépenses d’investissement progressent également de 10 millions d’euros, en grande partie du fait de projets interministériels dédiés à la défense et à la sécurité nationale.

On notera aussi le transfert de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), jusqu’à présent rattachée à cette mission, vers les services du ministère de l’intérieur. Elle intègre le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).

Assez récemment a été annoncée la suppression de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), financé à hauteur de 6 millions d’euros environ sur le budget de la mission. Le Premier ministre souhaite que cette suppression soit effective en 2020.

L’ensemble de ces changements, relativement significatifs, affectent donc le budget pour 2020.

Pour rester dans une épure budgétaire qui soit exemplaire, je proposerai un amendement de réduction de crédits. Je tiens néanmoins à souligner que ces derniers sont bien gérés, monsieur le ministre. Je sais que la Direction des services administratifs et financiers y est attentive. En particulier, l’opération Ségur-Fontenoy, que j’ai suivie avec beaucoup d’attention, permet de réaliser des économies, par le regroupement de différents services sur le même site.

J’en viens au budget annexe relatif à la Direction de l’information légale et administrative (DILA). Je tiens à souligner les efforts de gestion qui sont également opérés sur cette structure. Son budget est en baisse continue, tout comme ses effectifs : en dix ans, les équipes auront été réduites approximativement par deux !

Ces efforts s’inscrivent dans un contexte budgétaire de réduction des recettes affectées à la DILA. Celles qui sont notamment liées aux annonces légales ont tendance à baisser depuis le vote de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, et notre choix d’exonérer un certain nombre de formalités administratives de contributions financières. Tout cela affecte, bien entendu, le budget de la DILA.

Au regard de cette baisse des recettes, c’est donc, comme je l’ai mentionné, des efforts de gestion qui sont réalisés par les personnels. S’y ajoutent un effort de rationalisation, par regroupement des effectifs parisiens de la DILA sur deux sites, et un effort de modernisation des méthodes de travail.

Ce dernier porte notamment sur les trois sites internet – Legifrance, Service-public et Vie-publique – qui, vous le savez, mes chers collègues, sont des sites de référence depuis la suppression de l’édition papier du Journal officiel, assez fréquemment utilisés par nos concitoyens. Ces sites bénéficient d’une amélioration progressive.

Ce budget, qui répond aux objectifs de réduction de la dépense publique, me semble aller dans le bon sens. La commission des finances a donc émis un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en mon nom et en celui de mon collègue Rachel Mazuir, également rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Mon propos s’articulera autour de trois points : d’abord, la faible transparence dans la présentation des crédits de personnel ; ensuite, l’effort de sécurisation des systèmes d’information de l’État ; enfin, notre incompréhension après la décision de supprimer l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice et nos inquiétudes sur les moyens de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).

Ma première remarque portera sur les crédits de personnel.

Les effectifs progressent – c’est bien ! La structure d’emplois fait apparaître plus de cadres de haut niveau – c’était nécessaire ! Les contraintes salariales sont assouplies pour recruter des spécialistes dans les secteurs où les compétences disponibles sont rares et recherchées – c’était indispensable !

Pourtant, malgré des coûts supplémentaires, les crédits de personnel de titre 2 sont en baisse de 17,6 %. Où est l’erreur ? Elle découle d’un jeu d’écriture entre le SGDSN et le ministère des armées.

À partir de 2020, le programme 129 n’aura plus à rembourser les rémunérations des 255 militaires mis à disposition du SGDSN, de l’Anssi et du GIC. Ils resteront à la charge des armées, dont on sait que les crédits ont du mal à être consommés.

Cet arrangement permet aux services du Premier ministre d’afficher un titre 2 en baisse et aux armées de consolider leurs crédits !

Jeu à somme nulle pour le budget de l’État, me direz-vous… Certes, mais le titre 2 du programme 129 ne reflétera plus les « vraies » charges de personnel. Pour la représentation nationale, qui assure le contrôle des crédits, cette perte de lisibilité complique l’évaluation de la performance de ces administrations. Ces arrangements transforment petit à petit nos comptes publics en usine à gaz et nous éloignent d’une application rigoureuse de la LOLF. Je doute que cela améliore la performance publique !

Ma deuxième remarque a trait à la cybersécurité.

En 2018, l’Anssi a traité 78 événements de sécurité consécutifs à des attaques informatiques ayant touché des ministères. Parmi ces événements, 15 se sont révélés majeurs et l’Anssi a dû engager des moyens importants pour les 3 d’entre eux qui ont fait l’objet d’une opération de cyberdéfense. Les ministères les plus attaqués sont ceux de l’éducation nationale, des armées et des affaires étrangères, ces deux derniers ayant supporté les attaques les plus fortes en intensité.

Face à cet état de la menace, les réponses restent à ce jour insuffisantes. Elles maintiennent nos administrations dans un état de vulnérabilité inquiétant, comme en témoigne le niveau effectif de conformité de systèmes d’information, qui fait l’objet d’un indicateur du programme 129.

Certes, les plans ministériels de renforcement de la sécurité sont plus nombreux, mais ils restent sous-financés pour répondre aux enjeux.

Nous sommes particulièrement inquiets pour le secteur de la santé et la protection des hôpitaux, qui se sont beaucoup digitalisés, mais sans réaliser tous les efforts de protection nécessaires, comme l’illustre l’attaque du centre hospitalier universitaire de Rouen, voilà deux semaines.

Une rénovation de la politique de sécurité des systèmes d’information de l’État est en cours. Nous en partageons les objectifs. Elle doit passer par le renforcement des moyens de contrôle de l’Anssi sur les grands projets de l’État. À cet égard, le décret du 25 octobre 2019 relatif au système d’information et de communication de l’État et à la direction interministérielle du numérique aurait pu être plus directif et plus contraignant. Elle passe aussi par la reprise de la croissance des effectifs de l’Anssi, ralentie depuis deux ans, et par le desserrement de la contrainte salariale pour recruter des collaborateurs de bon niveau au prix du marché.

À cet égard, le projet de loi de finances pour 2020 est satisfaisant et va dans le sens de nos recommandations.

Sans portage politique majeur, sans moyens financiers significatifs et sans outils réglementaires plus coercitifs, il sera difficile de lutter contre une logique valorisant la multiplication des systèmes d’information et des applications numériques. Il faut également rompre avec la logique qui privilégie la baisse des coûts de fonctionnement ou de personnels des services de l’État, sans se préoccuper suffisamment de leur sécurité.

Ma troisième remarque concerne la situation de l’IHEDN et de l’INHESJ.

Il a été décidé de supprimer l’INHESJ à compter du 31 décembre 2020. Cet institut était pourtant devenu l’opérateur public de référence dans les domaines de la formation et de la recherche liées à la sécurité globale et à la justice ; un lieu par lequel sécurité et justice se renforcent des échanges avec le monde scientifique, grâce à des programmes de recherche de qualité ; un lieu de construction de référentiels communs pour des corps amenés à agir ensemble au quotidien, souvent en tension. Il répondait à de véritables besoins. C’est pourquoi la commission des affaires étrangères ne comprend pas cette décision.

La pérennité de l’IHEDN est assurée. C’est un soulagement ! Son nouveau plan stratégique constitue un net progrès, mais son modèle économique reste à construire. La stabilisation de sa trajectoire financière n’est donc toujours pas acquise. De surcroît, cet organisme devra absorber, seul, certaines charges mutualisées avec I’INHESJ et, peut-être, reprendre certaines formations dispensées. Avec quels moyens ? La commission, très attachée à cet institut, est en attente de réponses précises du Gouvernement.

Globalement, l’économie pour le budget de l’État de cette opération de simplification reste à démontrer. Notre commission avait proposé de donner un avis favorable à l’adoption des crédits, mais c’était avant le coup de rabot infligé à l’Anssi et au GIC en deuxième délibération à l’Assemblée nationale… Nous soutiendrons bien évidemment le rétablissement de ces crédits ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) chargée de l’élaboration et du pilotage de la politique gouvernementale dans ce domaine.

Les résultats de cette politique sont encourageants. En 2019, le tabagisme continue à reculer dans notre pays, de même que la consommation globale de substances psychoactives par les plus jeunes, dont l’âge d’expérimentation recule, tandis que la consommation d’alcool se stabilise.

Il convient toutefois de maintenir une vigilance particulière, outre sur l’alcool, sur certaines addictions sans substance, comme l’addiction aux écrans ou aux jeux vidéo, mais aussi sur certains excitants ou euphorisants très à la mode chez les jeunes, voire les très jeunes, comme le poppers ou le protoxyde d’azote.

Les efforts de prévention doivent en outre être renforcés sur le cannabis, dont la consommation reste, en France, la plus élevée d’Europe, chez les adultes comme chez les jeunes. Le marché du cannabis aiguise les appétits d’industriels désireux de profiter des opportunités de légalisation ouvertes dans un nombre croissant de pays – récemment encore, au Luxembourg. Ne laissons pas sa banalisation s’imposer dans le débat public, car sa toxicité sur les jeunes cerveaux est avérée !

Pour relever ces défis, la Mildeca se trouve toutefois dans une situation triplement inconfortable.

D’abord, ses crédits continuent de diminuer. Ils seront de 17,1 millions d’euros en 2020, soit une baisse de 2,3 % par rapport à l’année passée.

Cette baisse correspond essentiellement à une diminution des effectifs de la mission et aux économies de loyer réalisées par son principal opérateur, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Reste que, entre 2012 et 2018, la baisse des crédits de cette mission avait déjà atteint 25 %. L’apport du fonds de concours « drogues », revenu à ses niveaux d’il y a dix ans, soit une vingtaine de millions d’euros, est quant à lui surtout un révélateur de la vigueur des trafics.

Ensuite, le Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022, que la Mildeca est chargée de piloter, semble dépourvu de portage politique fort. Plusieurs fois reporté avant d’être annoncé au mois de décembre dernier, ce plan présente en définitive la luxuriance de plus de 200 mesures assez techniques – même si nous nous réjouissons qu’il tienne compte de certaines de nos recommandations.

Enfin et surtout, le fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 au sein de la Caisse nationale d’assurance maladie pour financer, lui aussi, des actions de prévention, de soutien à la recherche et de marketing social, fait planer sur la frêle Mildeca l’ombre assez menaçante de ses 120 millions d’euros…

En bref, le pilotage de cette politique gagnerait à être rationalisé, pour plus de cohérence, de lisibilité et d’efficacité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois d’abord informer le Sénat des conditions pour le moins singulières dans lesquelles j’ai été amené à rédiger mon rapport pour avis au nom de la commission des lois. En effet, malgré mes demandes réitérées, les services de l’Élysée ont refusé de recevoir le rapporteur que je suis ! (Marques détonnement.)

M. François Bonhomme. Intolérable !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Or cette audition avait lieu chaque année, sans que cela posât le moindre problème. Je tiens à dire ici qu’il s’agit d’un comportement bien peu républicain.

Mme Élisabeth Lamure. C’est louche !

M. François Bonhomme. C’est moche !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Il se trouve que les dépenses de l’Élysée augmentent.

M. François Bonhomme. Tout s’explique !

Mme Nathalie Goulet. Peut-être y a-t-il une relation de cause à effet ?

Mme Élisabeth Lamure. Ceci explique cela !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Peut-être est-ce l’explication, en effet… Je n’en suis pas tout à fait sûr ! (Sourires.)

Les dépenses augmentent, passant de 106 780 000 euros à 110 516 000 euros. La dotation de l’État, qui s’élevait à 100 millions d’euros en 2015, 2016 et 2017, atteindra 105 316 000 euros. La hausse des dépenses à 110 millions d’euros environ entraînera une ponction de 4 millions d’euros sur les réserves de l’Élysée. Or, monsieur le ministre, ces réserves sont de 17 millions et, comme il a déjà été prélevé une somme dont nous ignorons le montant pour l’année précédente, il est certain que cette pratique n’est pas tenable. À ce train, les disponibilités seront épuisées dans un nombre très faible d’années.

Quant à moi, j’ai bientôt épuisé le temps de parole qui m’était imparti, mes chers collègues (Sourires), pour vous parler de l’Élysée – je n’ai fait qu’effleurer le problème –, du Sénat, de l’Assemblée nationale, des chaînes parlementaires, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.

Cela me permet une nouvelle fois, monsieur le président – je sais que vous n’y êtes pour rien, en tant que président de cette séance –, de formuler l’observation suivante : demander que l’on présente des rapports portant sur un champ aussi vaste en trois minutes n’a pas de sens.