PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

vice-président

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

1 927 814 330

1 812 344 347

Immigration et asile

1 496 260 666

1 380 729 352

Intégration et accès à la nationalité française

431 553 664

431 614 995

Immigration, asile et intégration
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Article 76 nonies (nouveau)

M. le président. L’amendement n° II-49 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Daubresse, Mme Eustache-Brinio, M. Morisset, Mmes Deromedi et Puissat, MM. Bonhomme, Danesi, Pemezec, Schmitz, Savin et Cambon, Mme Lopez, MM. D. Laurent, Cardoux, Regnard et Kennel, Mme Sittler, M. Mayet, Mme Troendlé, MM. Brisson, Gremillet, Longuet, Bascher, Lefèvre, Piednoir et Dallier, Mme Imbert, MM. Laménie, Dufaut, Nougein, Bizet et Charon, Mme Malet, M. Hugonet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. J.M. Boyer, B. Fournier et Allizard, Mmes A.M. Bertrand et Berthet et M. Bonne, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

10 000 000

 

10 000 000

 

Intégration et accès à la nationalité française

 

10 000 000

 

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Soyons clairs, que ce soit sous un gouvernement de droite, sous un gouvernement socialiste ou sous l’actuel Gouvernement, dans la pratique, notre politique migratoire est un échec. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

Pourquoi ? Parce que nous cumulons tous les défauts, sans parvenir à tout remettre sur la table. Je ne vous vise pas personnellement, monsieur le ministre : je vous entends régulièrement et, très souvent, je suis en accord avec vos propos. Mais après les paroles, nous attendons les actes !

Tout le monde respecte le droit d’asile ; personne dans cette enceinte ne le remet en cause. Mais tout le monde constate que, sur 130 000 demandeurs d’asile, une bonne moitié ne relève pas de ce droit. D’ailleurs, entre l’Ofpra et la CNDA, nous constatons 75 % de rejets, et cela depuis des années. Cela montre bien que nous rencontrons un problème relatif au droit d’asile lui-même : pour qui, pour quoi ce droit ?

En matière migratoire, je comprends très bien la nécessité de quotas. Seront-ils ou non instaurés ? Nous verrons bien. La réalité est que nous sommes dans un système fou : 75 % des demandeurs déboutés du droit d’asile restent en France. Ils deviennent progressivement des sans-papiers et augmentent régulièrement le nombre d’immigrés clandestins.

En conséquence, il faut tout à la fois traiter correctement ceux qui ont obtenu le statut de réfugié, les immigrés en situation régulière et les immigrés en situation irrégulière ou ceux qui sont déboutés du droit d’asile, qui deviennent aussi d’ailleurs des personnes en situation irrégulière.

Tout cela coûte excessivement cher, et les capacités en logement sont saturées. En Île-de-France, nous ne pouvons plus loger un seul immigré. Nous recourrons aux hôtels et à tous les hébergements possibles, et nous n’y arrivons pas. Pourtant, je reconnais bien volontiers que, sous le gouvernement Hollande, de nombreux efforts ont été consentis pour créer des CADA. Mais nous n’y parvenons pas plus.

Mon amendement est un amendement d’appel. Monsieur le ministre, au fond de vous, vous savez que nous ne sommes pas à l’équilibre et que cela ne peut pas continuer de la sorte. Le système explose complètement. L’immigration irrégulière coûte extrêmement cher, au détriment des réfugiés ou des immigrés en situation régulière. Si nous voulons que nos efforts en matière d’intégration portent leurs fruits, il faut évidemment limiter le reste.

Je vais retirer cet amendement, parce que je n’ai aucune illusion : la commission émettra un avis défavorable en raison de la LOLF ; vous ferez de même, monsieur le ministre, parce qu’il en sera ainsi, et, à l’Assemblée, vous rétablirez le texte initial. Je me borne donc à vous interpeler, en étant convaincu que, dans le fond, vous êtes d’accord avec moi.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-49 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-318, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

 

20 000 000

 

20 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

20 000 000

 

20 000 000

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Dans la mesure où, depuis 2015, le Gouvernement souhaite réduire le nombre des exilés dont l’arrivée est prévue sur notre territoire national au cours de l’année à venir, l’exécutif justifie la sous-budgétisation et l’insincérité des moyens de la mission « Immigration, asile et intégration » par une prévision erronée de stagnation du nombre de demandeurs d’asile en 2020.

Mes chers collègues, je sais que vous êtes d’accord avec moi sur cette question, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission des lois a refusé de voter les crédits de ce budget. La crise de l’accueil, que nous connaissons, n’est pas près de s’arrêter. Les flux migratoires vont se poursuivre, et nous ne sommes absolument pas prêts à les recevoir.

Ainsi, la réponse du Gouvernement qui ne souhaite pas créer de nouvelles places en centre d’accueil est complètement déconnectée de la réalité et en totale inadéquation avec les constatations de terrain des associations et des professionnels du droit des migrants.

Nous ne pouvons pas accepter l’installation de nouveaux camps de fortune dans nos rues. Les bidonvilles qui ont proliféré à Calais ou aux portes de la Chapelle et d’Aubervilliers sont des hontes humanitaires pour notre pays. En refusant d’accorder davantage de moyens aux centres d’hébergement, le Gouvernement se fait le complice de la souffrance des 2 000 exilés sans domicile qui errent dans les rues de la capitale.

Afin de corriger cette carence, le présent amendement vise à consacrer 20 millions d’euros à la création de 2 000 nouvelles places dans les centres d’hébergement d’urgence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Madame Benbassa, je suis bien d’accord avec vous : les campements n’ont pas fini de fleurir dans nos villes, car, malheureusement, le Gouvernement ne traite pas les causes.

L’une de ces causes est de laisser croire à des malheureux qu’ils peuvent venir en France. Une autre est de laisser prospérer des filières d’immigration de clandestins, qui finissent noyés en Méditerranée.

La dignité pour un gouvernement est d’agir et de s’attaquer à l’ensemble des fausses informations qui circulent sur notre capacité à intégrer et à accepter toute la misère du monde. Qui parle aujourd’hui du contournement du droit d’asile ? C’est le Président de la République lui-même, qui annonce la mort du droit d’asile si l’on n’a pas le courage de regarder la situation en face.

Mes chers collègues, je vous demande de sortir du déni, de passer outre à la bien-pensance et de réfléchir. Madame Benbassa, vous avez raison, le différentiel de niveau de vie entre notre pays et les pays du Sud fait que ce ne sera jamais assez. Il suffit pour s’en convaincre de regarder ce qui se passe à Mayotte et en Guyane. Ce ne sera jamais suffisant !

Néanmoins, par souci de cohérence, puisque j’appelle à rejeter les crédits grandement insuffisants de cette mission, je ne puis accepter cet amendement, qui tend à réduire les crédits pour lutter contre l’immigration irrégulière.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Castaner, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je saisis l’occasion de cet amendement pour aborder la question des interprètes afghans de l’armée française. Ceux-ci se retrouvent dans une situation absolument épouvantable, qui est vraiment la honte de la France en ce moment.

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

Mme Nathalie Goulet. Ils sont à Nantes ou dans la Somme, où l’un de nos collègues, Daniel Dubois, s’est occupé de loger une famille. Franchement, monsieur le ministre, si un droit d’asile mérite d’être accordé, c’est bien à ces personnes sans lesquelles l’armée française aurait été sourde et muette en Afghanistan.

Je ne soutiendrai pas l’amendement de Mme Benbassa, pour des raisons autres, mais, puisqu’il y est question du droit d’asile, je voulais en profiter, monsieur le ministre, pour appeler votre attention sur le sort de ces familles, qui ne peuvent pas subir le traitement qui leur est réservé à l’heure actuelle. C’est vraiment indigne de notre pays.

Le système est ainsi fait qu’ils se dirigent vers un service, mais que ce n’est pas le bon. Ils perdent du temps et, ensuite, sont en retard. Même s’ils sont pris en charge par des bénévoles et s’ils sont très entourés, il conviendrait d’engager une action plus forte et plus collective pour les accueillir dignement, tant ils ont aidé nos soldats en Afghanistan.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je partage totalement les propos de Nathalie Goulet, que j’ai soutenue en commission des finances sur ce sujet.

Franchement, quand on voit que le droit d’asile est parfois octroyé à des personnes venant de pays parfaitement sûrs, les quelques interprètes ayant aidé l’armée française en Afghanistan devraient l’obtenir. Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous allez vous saisir immédiatement de leur dossier, parce que leur situation est injuste et incompréhensible pour l’opinion publique. Je sais bien que l’on oublie très vite ceux qui nous aident, mais, tout de même, un geste de temps à autre ne peut que faire honneur à notre pays !

Par ailleurs, je ne voterai pas l’amendement de Mme Benbassa : je parle sous le contrôle du président Dallier, mais l’accueil normal doit être assuré par les CADA, et non par les centres d’hébergement d’urgence. Initialement, ces centres d’hébergement d’urgence étaient prévus pour les populations précaires, mais nationales, qui rencontraient des difficultés et qu’il fallait loger.

Or ces centres accueillent de moins en moins de populations précaires nationales par manque de places, car ils sont sursaturés de demandeurs d’asile ou d’immigrés, pour lesquels le fonctionnement normal, régulier, serait d’avoir recours aux CADA.

Monsieur le ministre, je suis persuadé que votre excellent directeur qui siège à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et qui gère ces questions pourra vous le dire : le problème est que, une fois que ces personnes sont arrivées en CADA, il est difficile de les en faire sortir ; et nombre d’entre elles, qui n’y ont plus droit, y restent.

Faut-il construire davantage ? Faut-il prévoir des mesures plus incitatives, pour que seules soient en CADA les personnes qui y ont droit ? En tout cas, saturer l’hébergement d’urgence, qui est prévu pour les précaires nationaux, finit par rendre la situation explosive.

C’est une évidence en Île-de-France, mais pas seulement : entre les CADA et les centres d’hébergement d’urgence qui n’ont plus de place et les hôtels de catégorie modeste qui n’en ont plus non plus, la répartition tant vantée par M. Cazeneuve ne s’est toujours pas traduite concrètement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je partage ce qui vient d’être dit.

Même s’il conviendrait sans doute de simplifier le dispositif mis en œuvre ces dernières années, les CADA en sont le cœur si l’on veut accueillir correctement et faire en sorte que les choses se passent bien. L’hébergement d’urgence ne devrait pas servir à pallier le manque de CADA.

À cet égard, mieux vaudrait insister sur la nécessité de développer les CADA. Or c’est précisément ce que vous ne faites pas depuis le début, monsieur le ministre, malgré l’augmentation constante des demandes d’asile. Cela a des conséquences directes sur la capacité des demandeurs à être accueillis dans de bonnes conditions, pour accompagner l’accélération du traitement de la demande que vous appelez de vos vœux.

Je remercie Nathalie Goulet d’avoir évoqué la question des interprètes afghans de l’armée française. Bien que je sois pour ma part très attaché à l’indépendance de l’Ofpra, je signale que le Gouvernement est totalement libre d’accorder un titre de séjour spécifique à une personne dont il considère, compte tenu des services rendus, qu’elle mérite d’être protégée, sans lui demander de suivre la voie classique.

De ce point de vue, tout en respectant l’indépendance de l’Ofpra, le Gouvernement pourrait nous donner quelques explications sur la situation de ces personnes, qui ont accompagné nos efforts en Afghanistan.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre. J’apporterai plusieurs éléments de réponse.

Tout d’abord, je souhaite rappeler au Sénat que nous avons créé 3 000 places en CADA depuis le début de ce quinquennat. C’était effectivement essentiel.

Ensuite, cela a été dit par le sénateur Karoutchi, il y a des occupations indues – je les qualifie juridiquement, sans porter de jugement de valeur.

Entre les dispositifs classiques d’hébergement et le Dispositif national d’accueil (DNA), nous avons des dispositifs croisés. Nous connaissons même des situations pires, notamment au nord de Paris, de personnes qui ont le statut de réfugié et qui sont dans la rue. Quand j’ai rencontré l’ensemble des maires, j’ai indiqué que, en consentant un effort de 4 % sur les « droits de tirage », si je puis dire, qu’ont les acteurs publics – État et collectivités locales –, nous pourrions loger toutes les personnes à qui nous accordons le statut de réfugié.

Par ailleurs, s’agissant de la question des personnels civils de recrutement local (PCRL), nous sommes tous mobilisés et dans le même état d’esprit que le vôtre.

Je vous remercie d’évoquer la distance nécessaire et, bien évidemment, le Gouvernement ne décide pas pour le compte de l’Ofpra. Toutefois, en raison de la situation, ces personnes doivent être protégées. Nous nous sommes engagés à en accueillir près de cinq cents en trois vagues, parce que, non seulement leurs dossiers doivent être instruits, mais il faut aussi veiller à ce qu’ils se trouvent sur le territoire national.

Je n’entre pas dans le détail, mais notre engagement porte sur la quasi-totalité de ceux qui sont identifiés et qui sont demandeurs, avec leurs familles, d’un accueil en France. Leur accompagnement est coordonné par la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (Diair).

Normalement, les logements sont fournis par l’armée et l’accompagnement social réalisé par des opérateurs financés par notre ministère. Nous portons donc une attention toute particulière, et bien légitime, sur cette situation, tant il est nécessaire que nous soyons en cette affaire à la hauteur de notre propre histoire.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Plus qu’une explication de vote, mon intervention s’apparente à un rappel au règlement.

J’ai bien noté dans la discussion générale que le rapporteur spécial souhaitait s’affranchir de la réalité des chiffres. Il peut être bien commode de s’exonérer ainsi de la réalité, mais la motivation de l’avis sur l’amendement en examen a commencé par des propos qui, de mon point de vue, relevaient d’intentions prêtées arbitrairement aux autres, autrement dit de jugements de valeur. Nous étions bien loin de la réalité des chiffres, de l’enjeu budgétaire, de l’argumentation juridique, voire des faits.

J’apprécierais que les prochains avis de la commission soient étayés par des chiffres, des arguments juridiques, des discussions sur la réalité et non sur des jugements de valeur arbitraires. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et SOCR.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-318.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-310 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Troendlé, M. Guerriau, Mmes Berthet, Loisier et Giudicelli, MM. Frassa, Regnard, Grosdidier, Bouchet, Longeot et Cardoux, Mme Kauffmann, MM. Charon et Mayet, Mme A.M. Bertrand, MM. Lefèvre, Kennel et Ginesta, Mmes Thomas et Férat, MM. Wattebled, Courtial, Pierre et Danesi, Mmes Sittler et Deromedi et M. Bascher, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Création de nouvelles places en centre de rétention administrative

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

 

85 443 350

 

85 443 350

Intégration et accès à la nationalité française

 

 

 

 

Création de nouvelles places en centre de rétention administrative

85 443 350

 

85 443 350

 

TOTAL

85 443 350

85 443 350

85 443 350

85 443 350

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jérôme Bascher.

M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre, cet amendement d’Henri Leroy, évoqué précédemment par Édouard Courtial, vise à traduire les propos de votre prédécesseur, Gérard Collomb, qui avait parlé d’un benchmarking des migrants… Il s’agit d’aligner l’ADA sur l’aide versée en Allemagne. En effet, l’écart est de l’ordre de 120 euros, en moyenne.

Nous souhaiterions connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet. Dans sa sagesse, notre collègue Henri Leroy propose un tel alignement sans diminuer les crédits destinés à l’immigration, lesquels pourraient, comme cela a été dit, être utilisés dans les centres de rétention administrative où les conditions ne sont pas bonnes.

Le problème ne date pas d’hier. En revanche, le phénomène plus récent, que nous regrettons tous, est l’explosion du nombre de demandeurs d’asile, notamment de faux demandeurs d’asile.

Henri Leroy propose donc de réorienter ces crédits, pour créer des places supplémentaires et améliorer les conditions dans les CRA, car elles méritent de l’être.

Nous aimerions vraiment connaître votre position, monsieur le ministre, sur les propos tenus par votre prédécesseur sur le benchmarking des migrants et des demandeurs d’asile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Il est un fait que la France est devenue le premier pays pour les demandes d’asile. C’est bien le signe qu’elle est le maillon faible de l’Europe en la matière et que ce droit est contourné. Ce terme de benchmarking, qui a été utilisé sur ces travées par la majorité, renvoie à une vraie question.

Par cohérence, puisque je vous appelle à voter contre les crédits de la mission dans leur ensemble, je vais rester sur ma position et émettre un avis défavorable. Mais je suis moi aussi intéressé par la réponse du Gouvernement. En effet, entre la France et l’Allemagne – sans avoir à évoquer l’écart entre la France et la Hongrie, n’en déplaise à certains –, force est de constater que la France est encore la plus généreuse !

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Castaner, ministre. S’agissant du comparatif de dispositifs similaires à l’ADA, en réalité, quand tous les éléments sont pris en considération, les écarts ne sont pas ceux qui, souvent, sont mis en avant. Il est question de 213 euros par mois pour une personne vivant en France. Pour certaines personnes résidant dans un pays étranger, une telle somme peut être importante, mais la réalité de l’accompagnement de l’ADA pour une personne vivant en France est bien de 213 euros !

À mon avis, la somme n’est pas énorme. Et l’abaisser significativement aurait des conséquences catastrophiques en termes de dignité de ce que nous accordons.

S’agissant de la discussion sur les CRA et sur leur utilité, c’est un choix. Il ne s’agit pas seulement d’une question de places, de fonctionnement du dispositif et du nombre des policiers de la police aux frontières (PAF) qui sont nécessaires.

Les CRA sont un dispositif efficace. Nous constatons que les améliorations apportées par la loi pour une immigration maîtrisée nous permettent d’atteindre une efficacité de 60 % en matière de retours dans certains cas particuliers, notamment quand est dépassé le délai de 45 jours qui a été adopté.

Considérant que la somme de 213 euros par mois reste faible, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre, je vous remercie de ce rappel. Outre cette très modeste allocation, les conditions de logement, qui ont déjà fait l’objet d’échanges intéressants entre nous, ne sont pas aussi indignes en Allemagne qu’elles le sont en France, malgré les flux auxquels l’Allemagne a dû faire face en 2015 et 2016.

L’Allemagne, je le rappelle également, conduit une autre politique : elle favorise l’autonomie des demandeurs d’asile en leur facilitant l’obtention d’un permis de travail. Il n’est pas demandé aux demandeurs d’asile de ne pas travailler pendant trois mois, six mois, neuf mois, un an ou deux ans. Ceux-ci peuvent s’autonomiser et apprendre la langue dès leur arrivée en Allemagne. Cela mérite d’être rappelé, parce que, si nous voulons établir des comparaisons, celles-ci doivent être complètes.

Vous avez rappelé fort justement, monsieur le ministre, combien cette somme était faible. Mais son utilisation est d’autant plus compliquée qu’elle ne se trouve plus sur une carte de retrait, mais sur une carte de paiement, qui n’est pas utilisable partout et qui risque de créer des trafics – c’est d’ailleurs ce qu’il se passe aujourd’hui.

Non seulement nous ne voterons pas cet amendement, bien entendu, mais nous sommes inquiets quant à l’évolution introduite par cette carte de paiement pour les demandeurs d’asile, qui n’auront plus la possibilité de payer de petites sommes en liquide.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. En fait, plus que l’ADA, c’est un climat général qu’il faut traiter. Je ne reviens pas sur l’expression utilisée par les uns ou les autres de benchmarking, mais nous pouvons malgré tout nous interroger sur les raisons qui font que nous accueillons des demandeurs d’asile de plus en plus nombreux d’année en année, alors que les autres pays européens en ont moins.

C’est tout simplement parce que les migrants se disent que, en France, les systèmes sont moins maîtrisés et moins contrôlés. Le problème n’est pas le niveau de l’ADA. Tant que vous êtes demandeurs d’asile, vous la recevez, et c’est légitime. Mais, parfois, vous continuez à la recevoir plusieurs mois après avoir été débouté de votre demande ! Le système ne fonctionne donc pas. Il en va de même du logement en CADA. Parfois, alors que vous êtes déjà débouté, vous y restez.

C’est un système général. Pour beaucoup, c’est parce qu’ils considèrent que, en France, les choses sont plus souples et que l’on peut bénéficier de plus de mesures ; en France, on a fait en sorte que l’accès à l’emploi, l’accès au logement et le maintien de l’ADA subsistent pour ceux qui deviennent irréguliers, une fois qu’ils sont déboutés, sans oublier l’aide médicale de l’État. C’est un ensemble qu’il faut revoir.

C’est pour cela que je disais, en présentant mon premier amendement, que, en réalité, que c’est toute la politique migratoire qu’il faut remettre sur la table.

Comment faire pour mieux intégrer ceux qui sont en France de manière régulière, ceux qui obtiennent le statut de réfugié, en mettant vraiment les moyens sur l’intégration. Et comment faire pour que ceux qui n’ont pas à être sur le territoire national n’y soient pas ? En effet, le coût financier de ceux qui n’ont pas à être là nous empêche de mettre suffisamment de moyens pour ceux qui obtiennent le statut de réfugié.

Il faut trouver une solution. Je ne voterai pas cet amendement ; je m’abstiendrai. Mais, monsieur le ministre, c’est une évidence, et le Président de la République l’a dit, mais nous attendons les actes : nous devons bien accueillir ceux qui ont vraiment le droit d’asile et les immigrés en situation régulière et être très fermes envers ceux qui n’ont pas à être là, qu’ils soient déboutés de leur demande d’asile ou en situation irrégulière.

Tant que l’écart entre les deux situations ne sera pas suffisamment marqué, nous n’y arriverons pas.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je partage totalement le propos de Roger Karoutchi.

Vous avez raison, monsieur le ministre, quand vous êtes un véritable demandeur d’asile, que vous avez été persécuté chez vous, que, pour venir en Europe, vous avez traversé des continents, parfois dans des conditions exécrables, et que vous arrivez dans un CADA, vous pouvez légitimement être déçu. J’entendais M. Leconte dire qu’être logé dans un tel centre était une situation digne. Je l’invite à diriger, comme moi, plusieurs CADA ; il verra ce que l’on y appelle la dignité. Bien souvent, ce n’est terrible !

M. Jean-Yves Leconte. C’est mieux que l’hôtel !

M. Jean-Yves Leconte. Et c’est mieux que la rue !

M. Roger Karoutchi. Mais ce n’est pas extraordinaire !

M. Jérôme Bascher. C’est mieux que rien, et bien mieux que l’hôtel, parce que vous êtes accompagné et encadré, mais, comme l’indiquait Roger Karoutchi, ce n’est pas extraordinaire.

L’important, c’est de dissuader les filières clandestines de demandeurs d’asile, monsieur le ministre. C’est à cela qu’appelle réellement cet amendement, vous l’avez compris, et c’est le cœur du sujet.

Si les demandes d’asile continuent à croître en France, alors qu’elles diminuent dans les autres pays, c’est parce qu’il existe des filières complètes, venant du Caucase et d’Albanie. Je cite ces pays parce que je peux vous donner des exemples concrets, mais vous connaissez ces filières mieux que moi, monsieur le ministre. C’est à elles qu’il faut s’attaquer.

Peut-être faudra-t-il aussi, un jour, reconnaître que certaines demandes d’asile posent question. En effet, quand on vient d’un pays qui est devenu une démocratie, présenter une demande d’asile est tout de même assez étrange.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Je profite de cet amendement pour vous interpeler, monsieur le ministre. Je vous ai écrit voici quelque temps à propos de la réforme, qui a été mise en place le 5 novembre dernier, portant sur la modification de la carte de paiement.

Comme l’a dit à juste titre Jean-Yves Leconte, cette carte de paiement peut créer des trafics. Mais la possibilité de retirer des espèces rendait plus facile l’intégration des personnes accueillies dans des CADA.

Sans espèces, ces personnes ne peuvent pas prendre de transports en commun, aller au cinéma ou s’acheter un paquet de cigarettes ou une flûte de pain. Cette réforme met en péril un système qui n’était pas si mal organisé jusqu’à présent et qui permettait aux personnes accueillies dans les CADA de s’intégrer, avec des sommes très modestes, dans nos territoires ruraux.