Mme Éliane Assassi. Il y a un enfant qui meurt tous les cinq jours !

M. Philippe Bonnecarrère. … mais restons mobilisés. Les propos que le Président de la République a tenus ce matin – « ce n’est pas parce que c’est dans la famille que tous les droits sont permis et que tous les silences sont autorisés » – me paraissent également témoigner d’une prise de conscience de la société française en la matière. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes saisis d’une proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l’enfant, avec une mission clairement définie : « Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni des commissions chargées des affaires européennes, les délégations parlementaires aux droits des enfants ont pour mission d’informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des enfants. En ce domaine, elles assurent le suivi de l’application des lois. » Ces instances pourraient également être saisies pour avis, sur décision des commissions concernées, d’un texte législatif soumis par le Gouvernement.

La convention internationale des droits de l’enfant a trente ans aujourd’hui. Elle a été ratifiée en 1990. Elle comporte cinquante et un articles. Aujourd’hui, nous débattons de la création d’une délégation aux droits des enfants.

L’article 3 de la convention insiste sur l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit être une considération primordiale. Dans des observations de 2013, le Comité des droits de l’enfant indiquait : « Ce n’est pas une obligation discrétionnaire ; elle doit être mise en œuvre par des dispositifs d’évaluation. » L’article 4 évoque les « droits économiques, sociaux et culturels », tandis que l’article 5 mentionne « la responsabilité, le droit et le devoir » des parents et que l’article 6 fait référence au « droit inhérent à la vie », ainsi qu’à la « survie » et au « développement » de l’enfant.

Cette convention est-elle parfaitement respectée dans notre pays ? Certes, parmi les 196 pays à l’avoir ratifiée, certains l’appliquent moins bien que la France, mais ce n’est en aucun cas une raison pour considérer que nous ne devons pas faire mieux. Il nous faut exercer un contrôle en permanence.

La question, madame la rapporteure, n’est pas tant de savoir comment nous nous organisons pour légiférer en matière de droits des enfants, mais comment nous nous organisons pour contrôler la mise en œuvre de cette convention. Vous ne pouvez pas vous borner à dire que, puisque le Gouvernement adresse tous les cinq ans un rapport au Comité des droits de l’enfant de l’ONU, ce dernier nous dira ce qui va bien et ce qui ne va pas. Cela ne suffit pas ! Selon la Constitution, le travail parlementaire est également un travail de contrôle.

Dans son dernier rapport de 2016, le Comité des droits de l’enfant fait des observations qu’il nous faut analyser.

Au paragraphe 7, « le Comité note avec préoccupation que seul un nombre très limité de dispositions de la Convention sont reconnues comme étant directement applicables et que les principes et droits qui y sont consacrés ne sont pas dûment intégrés dans la législation nationale ».

Au paragraphe 9, « le Comité note avec préoccupation que les progrès réalisés en ce qui concerne l’élaboration d’une politique globale durable de mise en œuvre de tous les droits consacrés par la Convention sont insuffisants et que les différentes stratégies relatives à l’enfance mises en œuvre dans l’État partie ne contiennent pas d’objectifs mesurables ».

Au paragraphe 12, « le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le mécanisme de coordination soit doté d’un mandat clair et de pouvoirs et de ressources suffisants ».

Au paragraphe 14, « le Comité recommande à l’État partie d’établir un processus budgétaire » et il se plaint, au paragraphe 15, de l’absence de « données fiables et ventilées sur de nombreux aspects visés par la Convention ».

À la lecture de ces observations, nous constatons que notre mode de contrôle est loin d’être parfait. Ainsi, « le Comité note avec préoccupation que le Défenseur des enfants ne dispose pas de suffisamment de ressources et manque de visibilité au sein de l’institution du Défenseur des droits ». Je rappelle que, lorsqu’il a été créé, le Défenseur des enfants était indépendant. Ce n’est qu’en 2012 qu’il a été rattaché au Défenseur des droits.

Enfin, il n’est peut-être pas inutile de le souligner, le Comité note que « la plupart des enfants ne bénéficient pas d’un enseignement approfondi concernant leurs droits ».

Voilà autant d’observations qui nous poussent à nous préoccuper de l’action gouvernementale.

Vous nous répondez que ce travail de contrôle est réalisé au sein des commissions. Mais quel est le contrôle existant ? S’agissant du Défenseur des droits, je viens de vous indiquer ce qu’en pense l’ONU. La loi de 2016 – je parle sous le contrôle de l’ancienne secrétaire d’État, Laurence Rossignol – avait prévu des observatoires départementaux ; ceux-ci n’existent pas partout en France. Ils sont pourtant essentiels pour connaître la façon dont est mise en œuvre cette convention internationale.

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, je regrette que le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance ne soit pas présent, parce que nous aurions pu l’interroger sur la disparition annoncée du Conseil national de la protection de l’enfance.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. Jacques Bigot. Ce conseil indépendant est susceptible de contrôler un peu et d’émettre quelques observations sur la mise en œuvre de l’action gouvernementale.

Madame la rapporteure, vous avez fortement insisté sur le travail législatif des commissions, et peu sur leur mission de contrôle. L’intérêt d’une délégation réside précisément dans sa transversalité. Lorsque vous dites que toutes les commissions peuvent se saisir du sujet, et certaines plus que d’autres, vous ne faites que reprendre le détail des thèmes qu’elles ont traités. Cependant, jamais, dans les rapports que vous évoquez, il n’est question de l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui, selon la convention, n’est pas discrétionnaire, c’est-à-dire qu’il doit nécessairement être pris en compte. Mon propos n’est pas de dire que les commissions ne font pas leur travail, mais qu’elles n’ont pas cette mission et que, précisément, l’objet d’une délégation est d’ordre transversal.

Enfin, cerise sur le gâteau, vous invoquez l’idée qu’avoir trop de délégations nuit. Or cela n’a nullement empêché le Sénat de créer une délégation aux collectivités territoriales.

M. Jacques Bigot. Pourtant, je n’ai pas l’impression que la commission des lois se désintéresse du sujet, pas plus que la commission des finances.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. Jacques Bigot. Pis, en 2014, au moment de mon arrivée au Sénat, a été instituée une délégation aux entreprises. La commission des affaires économiques ne s’en occuperait-elle pas ?

Devant cet éventail de délégations, dont vous ne remettez pas l’existence en cause, vous nous dites qu’une délégation aux droits des enfants serait inutile. C’est incompréhensible ! Serait-ce parce qu’un groupe politique qui n’appartient pas à votre majorité en fait la proposition ?

Mme Éliane Assassi. Ça y ressemble un peu !

M. Jacques Bigot. Nous nous rallierons à cette proposition de loi, parce qu’elle est utile.

La jugez-vous inutile, madame la rapporteure, parce que vous pensez qu’il n’est pas nécessaire de contrôler plus avant l’action du Gouvernement concernant cette convention internationale ? En toute objectivité, chers collègues, vous ne pouvez pas suivre notre rapporteure sur ce point.

Je vous sais gré, madame la secrétaire d’État, d’avoir dit, à juste titre, que cette question concerne le Parlement et que, dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Dans le même temps, vous nous dites que le Gouvernement a pris des engagements forts. Il est vrai que, dans cet hémicycle, nous ne sommes jamais totalement convaincus des engagements forts de ce gouvernement, mais nous ne demandons qu’à y croire. Une délégation aux droits des enfants serait la mieux dotée pour contrôler l’action du Gouvernement, parce que la démocratie passe aussi par ce rôle de contrôle du Parlement que, parfois, le Gouvernement nous dénie.

En conséquence, mes chers collègues, je vous demande d’aller au-delà de l’avis de notre rapporteure, qui a eu raison de dire que nous faisons notre travail du point de vue de la législation. Mais, franchement, du point de vue du contrôle de l’action gouvernementale – et, plus globalement, au sein de la République, sur ces questions de protection de l’enfance et de droit des enfants –, nous avons à nous améliorer.

M. Jacques Bigot. À mon sens, la délégation aux droits des enfants saura présenter des propositions qui ne vexeront jamais la délégation aux droits des femmes. Il y a en effet tant à faire pour la protection des femmes. Même si, mesdames, vous avez su vous préoccuper des femmes enfants, des mineures victimes, les droits des enfants concernent l’ensemble de nos enfants. Permettez-moi d’ajouter qu’ils concernent également les pères, voire les grands-pères. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)

Mme Éliane Assassi. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « Il n’est qu’un bon moyen de conserver aux enfants leur innocence, c’est que tous ceux qui les entourent la respectent et l’aiment ». Cette affirmation de Jean-Jacques Rousseau dans son essai sur l’éducation a certainement inspiré l’évolution constante des droits de l’enfant à travers les décennies. Nous avons en effet assisté à une meilleure prise en considération de la fragilité des enfants et, ainsi, à un renforcement de leur protection. Cette reconnaissance de droits spécifiques à l’enfant s’inscrit dans la lignée de l’affirmation des droits de l’homme, dont notre pays peut s’enorgueillir d’être le pionnier.

Depuis la ratification de la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, la France s’est engagée à faire primer les intérêts des enfants sur des intérêts concurrents. Je remercie par ailleurs le groupe CRCE d’avoir sensibilisé notre assemblée sur cette question avec cette proposition de loi que nous examinons le jour de l’anniversaire de cette convention, qui est aussi, depuis 1996 – là encore, sur l’initiative du groupe communiste –, la Journée nationale de protection des droits de l’enfant.

Cette protection a connu un tournant avec la loi du 6 mars 2000, qui a créé une nouvelle autorité administrative indépendante, le Défenseur des enfants, chargée de promouvoir et de défendre leurs droits. Le Défenseur des enfants a ensuite été rattaché au Défenseur des droits par la loi du 1er mai 2011 et incarné par l’un de ses adjoints, qui pilote le collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l’enfant.

Par ailleurs, au cours des dernières années, les initiatives législatives spécifiques se sont multipliées, avec de grandes lois générales sur la protection de l’enfance, comme la loi du 5 mars 2007 ou celle du 14 mars 2016, mais aussi avec des lois plus ponctuelles, comme la loi de lutte contre les violences éducatives ordinaires ou celle contre l’inceste.

Cependant, comme le soulignent les rapports annuels du Défenseur des enfants, la protection des mineurs reste malheureusement perfectible en France. Les principales préoccupations concernent notamment les enfants immigrés et enfants de demandeurs d’asile, les « mineurs délaissés » pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, mais non adoptables, ainsi que la question des mineurs délinquants.

Je souhaiterais également appeler votre attention sur une tribune publiée aujourd’hui par le directeur de l’association Aide et Action France-Europe, dans laquelle il sensibilise les pouvoirs publics sur le droit à l’instruction. Dans l’Hexagone, alors que ce droit est reconnu par la loi française pour tous les enfants, français et étrangers, âgés de 3 à 16 ans, près de 100 000 enfants, dont une majorité vit en squat, bidonville, dans la rue ou souffre d’un handicap, ne sont toujours pas scolarisés. Ces chiffres sont indignes de notre pays !

Par ailleurs, je regrette vivement que la proposition de loi contre les violences familiales que nous avons adoptée il y a quelques jours ait complètement occulté le problème des violences faites aux enfants et que tous nos amendements sur le sujet aient été rejetés.

La garde des sceaux a annoncé une réforme de l’ordonnance de 1945 relative aux mineurs délinquants. En tant que rapporteure pour avis de la commission des lois pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », je serai très vigilante aux dispositions de ce texte et serai moi-même force de propositions. J’envisage également avec mon groupe de déposer une proposition de loi visant à favoriser l’adoption simple des mineurs délaissés.

Nous examinons donc aujourd’hui la proposition de loi du groupe CRCE visant à créer une nouvelle délégation parlementaire consacrée aux droits des enfants. Si nous comprenons et partageons l’intention louable qui sous-tend cette proposition de loi, nous considérons néanmoins que la multiplication des délégations, ou encore des organismes extérieurs aux assemblées, éparpille le travail parlementaire, lui faisant nettement perdre en efficacité. Je rappelle qu’il existe déjà cinq délégations sénatoriales, dont l’efficacité est parfois questionnée. Ainsi, les propositions de ces délégations ne sont pas systématiquement suivies en commission, et elles disposent de moyens de fonctionnement moins importants que les commissions permanentes, limitant considérablement leur pouvoir d’initiative.

Notre groupe est particulièrement attaché au débat et au travail parlementaire, tant législatif que de contrôle. Les initiatives de groupes de travail transpartisans, voire entre les deux assemblées favorisent les échanges et le consensus. Malheureusement, l’expérience montre que leurs travaux n’aboutissent pas à des textes concrets votés par l’ensemble des parlementaires. C’est la raison pour laquelle la grande majorité de notre groupe votera contre cette proposition de loi – non pas contre la nécessité de faire de la protection des droits de l’enfant une priorité, mais contre la création d’une délégation dont l’efficacité ne sera certainement pas au rendez-vous. Nous considérons que, pour améliorer concrètement la situation des enfants victimes de violences ou d’injustices sociales, la voie législative est indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion de la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe CRCE est l’occasion de dresser un bilan de l’application de la convention internationale des droits de l’enfant, la CIDE, dont nous fêtons aujourd’hui même le trentième anniversaire de la signature.

Ce texte révolutionnaire a connu depuis 1990 de nombreuses réformes législatives, adoptées en vue de mettre notre droit en conformité avec cette convention. Parmi ces réformes figurent notamment la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance ainsi que celle du 10 juillet 2019 – donc, très récente – relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires. Je rappelle que l’adoption de cette dernière loi a permis à la France de se conformer aux exigences énoncées à l’article 19 de la convention.

Parmi les nombreux défis restant à relever, le Président de la République a souligné ce matin, dans son discours à l’Unesco, l’objectif de donner à tous les enfants les mêmes chances de départ dans la vie. Des mesures ambitieuses ont déjà été prises : renforcement de l’accès des enfants issus de familles pauvres aux crèches ; amélioration de l’accueil des élèves en situation de handicap ; création du dispositif des petits-déjeuners à l’école – qui n’est pas sans nous rappeler Mendès France – ; aide à la mise en place d’une tarification sociale des cantines ; division par deux du nombre d’enfants par classe dans les écoles de quartiers défavorisés ; obligation d’instruction des enfants dès l’âge de 3 ans. Il s’agit là de six mesures importantes en matière de politique de l’enfance.

Le changement climatique fait aussi peser une grave menace sur les droits des enfants, sachant que les pays les moins avancés seront certainement les plus touchés par ce changement climatique.

Des progrès sont également attendus pour répondre aux besoins des enfants qui grandissent dans la pauvreté et l’exclusion. En France, 2,8 millions d’enfants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2017, soit un enfant sur cinq. C’est non seulement considérable, mais intolérable !

Par ailleurs, d’importants efforts sont encore nécessaires pour venir à bout de toutes les formes de violence à l’égard des enfants, pour mettre fin au travail infantile, éradiquer le phénomène du tourisme sexuel impliquant des enfants, renforcer la protection des enfants migrants, à commencer par les mineurs non accompagnés, améliorer le sort des enfants atteints d’un handicap.

Outre la mise en place de ces nombreuses mesures, nous devons réfléchir à la possibilité d’accorder de nouveaux droits aux enfants. En 2014, un groupe de travail présidé par l’ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig, qui est une autorité non seulement judiciaire, mais aussi morale par son expérience en ce domaine, avait formulé pas moins de 120 propositions, dont l’abaissement à 16 ans de l’âge du droit de vote.

La création de délégations parlementaires aux droits des enfants figurait également parmi les propositions de M. Rosenczveig. En 2003, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi allant dans ce sens. Toutefois, ce texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée. C’est la raison pour laquelle, j’imagine, le groupe CRCE a déposé la proposition de loi soumise aujourd’hui à notre examen.

Ce texte part d’une bonne intention. Cependant, notre groupe n’y est pas favorable. La problématique des droits de l’enfant est certes transversale, mais nous craignons que des délégations qui y seraient spécifiquement dédiées n’empiètent sur le périmètre des commissions permanentes, à commencer par celles des lois et des affaires sociales. En revanche, nous serions tout à fait ouverts à ce que soit instauré un débat annuel devant le Parlement sur les politiques d’aide à l’enfance.

Nous considérons que chaque chambre doit conserver sa liberté de dessiner l’architecture de ses organes d’évaluation et de contrôle. C’est une question qui revient de façon assez régulière, mais la création de nouvelles délégations nécessiterait sans doute une concertation préalable entre les deux assemblées dans la mesure où la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale date maintenant de plus de seize ans.

Par ailleurs, nous constatons avec satisfaction que le contrôle du respect des droits de l’enfant occupe déjà une place importante dans les travaux du Sénat. Pour s’en convaincre, il suffit d’énumérer les rapports d’information publiés au cours des deux dernières années : Mineurs non accompagnés ; Situation de la psychiatrie des mineurs en France ; Rythmes scolaires ; Violences sexuelles sur mineurs en institutions. Il convient aussi de rappeler que la commission des lois auditionne régulièrement le Défenseur des droits, qui est notamment chargé de la défense et de la promotion des droits de l’enfant, avec la Défenseure des enfants.

J’ajoute que la commission des affaires européennes est également compétente pour traiter des questions relatives aux droits de l’enfant. Je viens moi-même de la saisir d’une proposition de résolution européenne sur la protection des enfants franco-japonais, en parallèle d’une proposition identique en droit purement français.

Enfin, notre assemblée sera prochainement amenée à se pencher sur la réforme de la justice pénale des mineurs.

D’autres sujets mériteraient sans doute un examen approfondi. Je pense notamment au placement en rétention administrative des mineurs étrangers ainsi qu’à la transcription sur l’état civil français des enfants nés d’une GPA à l’étranger, que nous retrouverons sans doute dans le débat sur le projet de loi Bioéthique.

Nos travaux doivent, de préférence, s’inscrire dans le cadre des commissions permanentes, des missions d’information et des commissions d’enquête. Nous savons tous quelles difficultés nous rencontrons, le mercredi et le jeudi, à courir d’une commission ou d’une délégation à l’autre, ratant une partie des débats.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République En Marche votera contre la présente proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trente ans après l’adoption de la convention internationale des droits de l’enfant, force est d’observer que, malgré des avancées réelles, le constat reste encore très préoccupant. Ma collègue Christine Prunaud a répondu aux arguments bien faibles, pour ne pas dire étranges de Mme la rapporteure pour expliquer le rejet de notre proposition de loi. Mais permettez-moi d’y revenir.

Je dois vous dire que ces raisons, purement formelles, me sidèrent. Comment peut-on oser opposer à une problématique aussi importante que celle des droits des enfants des questions d’optimisation et d’efficacité ?

Mme Éliane Assassi. Toute initiative qui permet la prise en compte et la promotion des droits des enfants et de l’égalité devrait constituer une avancée, d’autant que la création de ces délégations est également une recommandation du Comité des droits de l’enfant de l’ONU. Comment nier que, au même titre que la délégation aux droits des femmes, cette délégation aux droits des enfants a toute sa place et sa légitimité au sein de la Haute Assemblée ?

La question des violences faites aux enfants, par exemple, a été développée par ma collègue. Cette délégation aux droits des enfants pourrait se saisir pleinement du sujet en étant à l’initiative de recommandations et de rapports visant à aiguillonner le travail du Gouvernement et éclairer notre société sur les réalités des situations et, surtout, sur le chemin qui reste à parcourir pour considérer les enfants comme de vrais sujets de droit. Elle pourrait même, de sa propre initiative, déposer des amendements dans les différents projets de loi.

Un autre champ d’action à investir pourrait être l’harmonisation de l’accueil des enfants dans les services d’aide sociale à l’enfance, laquelle est placée sous l’autorité des conseils départementaux, aux moyens disparates sur notre territoire, et dont dépend l’accueil des mineurs non accompagnés, autrement dit des mineurs isolés étrangers dont la situation se révèle de plus en plus inquiétante ; ces mêmes mineurs – des enfants donc ! – qui se retrouvent parfois privés de liberté dans les centres de rétention administrative.

Ce dernier sujet illustre parfaitement la transversalité des problématiques à traiter en matière de droits des enfants, qui relèvent à la fois, s’agissant de l’enfermement des enfants, par exemple, des compétences de la commission des affaires sociales et de la commission des lois.

En matière de transversalité des compétences des commissions, je pense également à la problématique du climat. Comme nous l’indiquons dans l’exposé des motifs de notre proposition de loi, d’après les derniers chiffres de la Banque mondiale, d’ici à 2050, 140 millions de personnes pourraient être amenées à migrer en raison de l’aggravation des effets du changement climatique. Parmi elles, bien évidemment, se trouvent de nombreux enfants, aussi vulnérables face à ces changements climatiques que face à la pollution atmosphérique. Comme l’a récemment révélé l’OMS, la pollution de l’air a tué 600 000 enfants de moins de 15 ans en 2016 dans le monde et affecte plus de 90 % des enfants de la planète.

Dans ce cadre, le 23 septembre dernier, seize enfants du monde entier ont déposé plainte auprès du Comité des droits de l’enfant des Nations unies. Ces jeunes militants ont attaqué cinq pays pollueurs, dont la France, pour protester contre le manque d’engagement des gouvernements face à la crise climatique et demander aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour protéger les enfants des effets dévastateurs du changement climatique. Au lieu de pointer du doigt cette action, la France et son parlement s’honoreraient à travailler sur le sujet en entendant, pour une fois, la voix d’enfants qui se saisissent eux-mêmes de leur droit à vivre sur une planète plus saine et à respirer un air moins pollué.

Quelle commission permanente pourrait s’emparer d’un sujet aussi complexe ? La délégation aux droits des femmes, me répondrez-vous peut-être. Vous avez d’ailleurs établi le lien entre droits des enfants et droits des femmes en commission. C’est tout de même surprenant. Tout comme est surprenant un passage à la page 7 du rapport, que je vous invite à lire, selon lequel le Sénat se saisit déjà pleinement de ces sujets, en illustrant cette affirmation par deux exemples, dont un qui vaut son pesant de cacahouètes : « le droit d’allaiter pendant le temps de travail reconnu aux femmes fonctionnaires », qui résulte d’un amendement introduit par la délégation au droit des femmes dans la loi de transformation de la fonction publique. Comme le disent les jeunes : j’hallucine !

« Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent », écrivait Antoine de Saint-Exupéry. Mes chers collègues, en ce jour anniversaire des droits des enfants, qui n’est pas qu’une date symbolique, tâchons de nous en souvenir !

Toute la société, au premier rang de laquelle les législatrices et législateurs que nous sommes, a le devoir et la responsabilité de donner aux enfants les moyens de construire leur avenir, un avenir fondé sur des valeurs de progrès, de solidarité, de fraternité, de paix, bannissant la violence, quelle que soit la forme qu’elle puisse revêtir. Pour cela, il nous appartient de faire acte de vigilance, de proposer et d’être à l’initiative de nouveaux droits effectifs pour les enfants. C’est le rôle du Parlement, et c’est le sens de notre initiative aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)