M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites.

M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur René-Paul Savary, je m’adresse à vous en tant que rapporteur pour l’assurance vieillesse, mais aussi en tant que membre du Conseil d’orientation des retraites. Je voudrais donc saluer aussi, sous la houlette du président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, et de son rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, tous les travaux qui ont été engagés par le Sénat pour soutenir un système par points et toutes les contributions de la Haute Assemblée pour trouver un juste équilibre dans un système de répartition entre les jeunes actifs et les retraités.

Il ne vous a pas échappé que le Conseil d’orientation des retraites tient son conseil d’administration demain et votre intervention s’inscrit probablement dans le droit-fil de celle que vous ferez devant les membres pluralistes de ce conseil pour justifier votre position et vos solutions, monsieur le sénateur. Le président Pierre-Louis Bras remettra demain officiellement au Premier ministre son rapport. Les 25 et 26 novembre prochain, le Premier ministre recevra la totalité des organisations syndicales pour leur demander très concrètement, à la suite de la commande qu’il a faite le 19 septembre dernier, de lui indiquer l’état réel du déficit du système des retraites.

En effet, entre la campagne présidentielle et aujourd’hui, deux ou trois estimations ont pu créer un trouble ou susciter des interrogations, y compris des raisonnements curieux selon lesquels plus on diminuerait le nombre de fonctionnaires, plus le solde de notre système des retraites deviendrait déficitaire.

L’engagement que nous avons pris avec un système par répartition, dont le plafond sera le plus élevé des pays développés, c’est d’assumer l’universalité des droits, mais aussi la responsabilité qui consiste à ne pas faire porter sur les jeunes le poids d’un déficit que nous n’aurions pas réglé. Par conséquent, nous assumons, dans les discours du Président de la République, dans ceux du Premier ministre et dans les miens, que, à la suite de la remise de ce rapport, les décisions seront prises pour assurer aux futures générations un système juste, équilibré et solide, parce que nous ferons en sorte qu’il soit installé sur une base de zéro déficit. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour la réplique.

M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, c’est votre réponse, mais ce n’était pas ma question ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ma question portait sur les mesures à prendre pour résorber le déficit. On sait bien que, pour équilibrer le système actuel, soit on baisse les pensions – c’est l’orientation que vous donnez dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 –, soit on augmente les cotisations pour augmenter les recettes, mais ce pays est suffisamment chargé, soit on étudie des mesures d’âge, parce qu’avec une espérance de vie plus longue on peut peut-être songer à répartir un temps de travail plus long par rapport à un temps de retraite plus long.

En revanche, monsieur le ministre, dans un système par points, vous introduisez un critère nouveau, qui est la valeur du point. Si le système n’est pas équilibré, plus le point est bas, plus les retraites sont basses et, au lieu d’avoir des gagnants et des perdants, vous pouvez n’avoir que des perdants ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Par conséquent, si l’on veut rétablir la confiance, il est temps de dire la vérité aux gens. À vouloir tout changer, parfois on ne change rien. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

tolérance zéro au volant et sociabilité dans les territoires non urbains

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe Union Centriste.

M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes tous particulièrement attachés à la France rurale, parce que beaucoup de nos concitoyens y vivent, parce que l’on y trouve aussi des produits de grande qualité, solides – la gastronomie française est réputée –, mais aussi liquides. (Exclamations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Nos terroirs sont reconnus pour leurs boissons, qu’il s’agisse du vin – Côtes du Rhône, Bordelais, Bourgogne –,…

M. François Grosdidier. Et la Moselle ! (Sourires.)

M. Michel Canevet. … du cidre de Bretagne ou du pastis de Marseille ou de Pontarlier, bref tout ce qui fait la force de nos terroirs. (Exclamations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Beaucoup de nos concitoyens ont été étonnés d’entendre M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation prôner, dimanche dernier, la tolérance zéro concernant la consommation de boissons et la conduite. Nous avons déjà un arsenal répressif extrêmement fort. Que veut-on ? Veut-on encore pénaliser les territoires ruraux, déjà affectés par la réduction à 80 kilomètres par heure de la circulation sur les axes secondaires ? Non.

Nous apprécions tous les boissons. Il faut les consommer avec modération. Je souhaite donc connaître, monsieur le Premier ministre, la position du Gouvernement sur ce sujet. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Michel Canevet, vous avez raison : nos terroirs sont riches en gastronomie. Celui qui vous répond a soutenu pendant de longues années la Fédération nationale des bistrots de pays, le dernier commerce de proximité. (Exclamations sur les mêmes travées.) Vous avez également évoqué nos produits liquides du terroir, notamment le pastis de Marseille. Permettez-moi d’évoquer celui de Forcalquier, qui est tout de même nettement meilleur ! (Sourires.)

Au-delà de ce clin d’œil, monsieur le sénateur, ce dont on parle, c’est de la lutte contre l’insécurité routière, ce combat majeur qui doit tous nous rassembler pour sauver des vies, empêcher les accidents mortels, mais aussi les accidents extrêmement graves qui laissent des traces tout au long d’une vie. Nous sommes totalement mobilisés sur ce sujet.

Il est vrai que, dans le cadre du comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier dernier, plusieurs mesures ont été proposées et mises en place pour lutter contre l’alcoolémie. Lutter contre l’alcoolémie ne signifie pas interdire de boire.

Je vais être extrêmement clair, monsieur le sénateur : non, le Gouvernement n’envisage pas de revenir sur le taux d’alcool au volant et de l’abaisser à 0 gramme par litre de sang. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Toutefois, monsieur le sénateur, chacun sait ici qu’il n’est pas sain de boire avant de prendre le volant. C’est cela que le ministre de l’agriculture a voulu rappeler. (Murmures sur les mêmes travées.) C’est une invitation à la citoyenneté, non seulement pour se protéger soi-même, mais aussi pour protéger tous les autres usagers de la route, notamment ceux qui ne sont pas au volant.

Nous ne sommes pas favorables à un taux de 0 gramme d’alcool par litre de sang pour plusieurs raisons, notamment des raisons très pragmatiques. D’une part, entre 0 et 0,5 gramme, on recense assez peu d’accidents de la route et encore moins d’accidents mortels. Dans les accidents mortels, la moyenne est de 1,5 gramme, soit des proportions largement supérieures. D’autre part, cela obligerait à mobiliser nos forces de sécurité intérieure pour des contrôles qui seraient aléatoires et peu efficaces, alors même que nous savons que nous avons besoin de les mobiliser pour la sécurité des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.

M. Michel Canevet. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir rassuré les populations des territoires ruraux. C’était important, parce qu’elles n’ont pas d’autre choix que de prendre la voiture.

Je suis totalement d’accord avec vous sur le fait qu’il faut consommer avec la plus grande modération. Cela ne doit pas nous empêcher d’apprécier les produits du terroir ni de cultiver la sociabilité dans les territoires ruraux. Il est important que l’on puisse continuer à fréquenter les débits de boissons. Il est important que l’on puisse aller déjeuner chez des amis ou chez des parents, sans avoir à craindre quoi que ce soit. Il est important que l’on puisse continuer à se déplacer.

Nous vous remercions de veiller à ce qu’il en soit encore ainsi à l’avenir pour la liberté des ruraux ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

industrie automobile

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, à Bercy, quand il le faut, on sait être pragmatique. À l’occasion de la fusion entre Fiat et le groupe PSA, l’État, actionnaire, a indiqué le chemin de l’efficacité en choisissant comme siège social Amsterdam. Il faut dire que ce n’est pas nouveau : cela s’est fait dans le passé pour Renault-Nissan, Airbus et quelques groupes privés, mais nous pensions que ce temps était révolu.

Il faut reconnaître que l’on peut être séduit par la fiscalité sur les grandes sociétés aux Pays-Bas, ainsi que par la stabilité fiscale. L’État néerlandais utilise l’aéroport comme un point d’attraction pour les grandes entreprises internationales.

Dans le même temps, le patron de Tesla, pour l’implantation de son usine en Europe, a choisi Berlin. Nous avions plusieurs sites à proposer, en particulier Saclay pour ses ingénieurs, le problème foncier pouvant être résolu avec l’emprise d’ADP, mais il a préféré Berlin. La ville est dotée d’un aéroport public, qui est un outil industriel, et on parle du futur aéroport. Mais surtout, c’est la possibilité de faire vite pour construire vite qui a prévalu.

Or l’implantation de Tesla représentait 4 milliards d’euros d’investissements et de 5 000 à 8 000 emplois. J’ajoute qu’un fabricant japonais de batteries a également investi, quelques semaines auparavant, 2 milliards d’euros à Berlin. Alors je voudrais savoir qui, à Bercy ou au Gouvernement, s’occupait de traiter ce type de dossier, pour faire en sorte que la France reste attractive. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Dominati, vous avez raison, les deux dossiers que vous évoquez, l’investissement dans une usine de batteries électriques, d’une part, ou l’investissement dans une usine de Tesla, d’autre part, montrent l’importance de mener une politique d’attractivité sur le territoire français.

En termes d’attraction des projets industriels et de R&D, je citerai les chiffres, tout simplement, sans me limiter à quelques cas qui, s’ils ne sont pas anecdotiques, car importants, ne traduisent néanmoins pas la réalité de la situation.

En 2018, Ernst & Young (EY) indiquait que la France accueillait plus de 330 projets d’investissements industriels, là où la Turquie, en deuxième position, en recevait environ 200 et l’Allemagne, que vous avez citée, 150. Donc factuellement, en 2018, la France accueille deux fois plus de projets industriels que l’Allemagne.

Pour ce qui est de la R&D, par exemple, en 2018, toujours selon cette enquête extérieure – ce ne sont donc pas des statistiques gouvernementales susceptibles d’être critiquées –, la France accueille autant de sites que l’Allemagne et le Royaume-Uni réunis. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Pourquoi cela ? Parce que, depuis deux ans et demi, nous avons mené une politique d’attractivité, dont vous connaissez les fondements. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier. Et l’impôt sur les sociétés, vous l’avez baissé ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Cette politique d’attractivité, c’est une politique fiscale adaptée pour attirer les investissements étrangers, mais aussi français, en France ; c’est toute la politique fiscale sur la taxation du capital. C’est également une politique facilitant les conditions d’emploi et la formation, car vous le savez, le premier obstacle au développement des entreprises aujourd’hui est non pas le manque d’argent, mais le recrutement.

Enfin,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. … la simplification est le dernier angle, et c’est celui dont nous nous emparons, notamment dans le cadre du pacte de production. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour la réplique.

M. Philippe Dominati. Madame la secrétaire d’État, vous m’avez répondu : personne, à Bercy, n’a fait le lien avec ces deux industriels ! Sans doute était-on trop occupé à reporter la baisse de l’impôt sur les grandes sociétés à un budget ultérieur, à établir une taxe ciblée sur les bureaux en Île-de-France ou sur les billets d’avion,…

M. Philippe Dominati. … ou à opérer un prélèvement pour financer le contrat de plan…

M. le président. Il faut conclure !

M. Philippe Dominati. En réalité, j’aimerais que l’on s’occupe de la région capitale, dont l’attractivité n’a manifestement pas l’air d’être une priorité au Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

politique agricole commune

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Joël Labbé. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. (Ah ! sur des travées des groupes UC et LR.)

Monsieur le ministre, lors du dernier comité État-régions, vous vous êtes prononcé contre une augmentation du transfert actuel de 7,5 % du premier pilier vers le second pilier de la PAC pour 2020, estimant que le taux actuel suffirait à garantir le bon financement des mesures jusqu’à la fin de la programmation.

Or on sait que cette somme est bien insuffisante : les régions ont déjà consommé une grande partie, voire la quasi-totalité de l’enveloppe prévue pour les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et les aides au bio. Ainsi, certaines restreignent déjà l’accès à ces financements, réservant par exemple les aides à la conversion en bio aux seuls projets portés par les jeunes agriculteurs.

Comment comptez-vous répondre aux demandes communes des agriculteurs et des citoyens afin d’assurer les financements nécessaires à la transition agroécologique dans les territoires ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Labbé, il vous reste une minute et quatre secondes pour une réplique qui, à mon sens, est déjà écrite… (Protestations indignées sur de nombreuses travées.)

Je veux vous dire que le risque que vous évoquez n’existe pas. Une organisation syndicale l’a évoqué lors du comité État-régions, mais ce comité a estimé à l’unanimité que le prélèvement de 7,53 % entre le premier pilier et le deuxième pilier avait suffi en 2019 et suffirait en 2020. Nous avons décidé, avec le président de Régions de France, Hervé Morin, avec l’approbation du Premier ministre, que les régions pourraient effectuer de la surprogrammation. Donc, il reste de l’argent. Nous sommes convenus unanimement qu’il n’y avait aucun risque pour les MAEC et le bio, que les aides seraient apportées par les régions et leur surprogrammation, validée par l’État.

Quant à l’installation, oui, c’est un choix : nous avons voulu privilégier le travail accompli par les jeunes agriculteurs, qui connaissent très bien le dossier. C’est sur la base de leurs propositions, sans exclusive, que nous voulons travailler.

Monsieur le sénateur, je vous le répète, il n’y a pas de risque. On ne peut pas travailler en l’air sur des réflexions théoriques. Pratiquement, toutes les régions pourront aller au bout des aides qu’elles doivent apporter aux MAEC et au bio. C’est l’engagement qu’ont pris unanimement Régions de France et le Gouvernement, et je pense que c’est ce qui se produira en 2020, comme en 2019. Nous conservons le taux de 7,53 % parce que nous pensons qu’il est suffisant ; la surprogrammation des régions leur permettra de tout financer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, c’est absolument insuffisant. Votre réponse ne me satisfait pas du tout. En d’autres temps, elle aurait même pu m’énerver ! (Sourires.)

M. Jean Bizet. Il s’améliore !

M. Joël Labbé. Puisque ma réplique était selon vous déjà préparée, je m’adresserai directement au Premier ministre, car ces sujets ne se jouent pas, on le sait, au niveau du ministre de l’agriculture, mais au-dessus.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes à l’écoute du monde agricole, mais surtout à celle des tenants d’un modèle agricole qui a conduit une grande part de nos agriculteurs dans les difficultés, la pauvreté, la désespérance. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Il existe des alternatives, mais il faut s’en donner les moyens !

Les tenants de ce modèle continuent alors qu’ils devraient muter…

M. le président. Il faut conclure !

M. Joël Labbé. Pour eux, il est hors de question de sortir du glyphosate, d’imposer des zones de non-traitement… Nous allons pourtant devoir le faire, monsieur le Premier ministre. Je vous invite à écouter tous les sons de cloche agricoles, et pas un seul ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

intempéries dans la vallée du rhône

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les chutes de neige de jeudi dernier ont provoqué une situation difficile et inédite dans de nombreux départements, en particulier dans la Drôme. J’associe donc mes deux collègues drômois Gilbert Bouchet et Bernard Buis à cette question.

Dans la Drôme, 88 000 foyers ont été privés d’électricité et, hier soir, 7 000 étaient encore concernés. Pas d’électricité en cette saison, cela veut dire plus de chauffage, plus d’eau chaude, parfois même plus d’eau du tout, plus de communications possibles. Depuis six jours, cela a été ponctuellement dramatique et pourrait l’être encore si nous n’agissons pas.

Cette situation est due à des chutes de neige abondantes précoces, avec une neige lourde et collante, à une période où les arbres portent encore leurs feuilles et sont donc plus sensibles au poids de la neige. Beaucoup sont tombés sur les routes et sur les installations électriques. Souvent aussi, les installations elles-mêmes ont cédé, pylônes compris.

Je veux rendre hommage aux agents d’Enedis, qui sont intervenus aussi vite qu’ils le pouvaient, mais surtout saluer le dévouement des maires et de nombreux élus qui sont restés sur le pont, nuit et jour, et tiennent bon, même s’ils sont épuisés par cette épreuve. Aujourd’hui, cela fait six jours que cela dure et ils se sentent bien seuls face au désarroi et aux interrogations légitimes des habitants. Ce qui se passe au moment où je vous parle est grave. Les plus fragiles sont en danger et il faut y apporter des solutions sans tarder. À l’avenir, avec le changement climatique, ce type d’épisode neigeux risque de se reproduire.

Aussi, madame la ministre, compte tenu de la situation et des dégâts très importants, je souhaite vous soumettre trois questions : que va faire l’État pour rétablir l’électricité dans tous les foyers encore concernés ? Quels nouveaux dispositifs pourraient être mis en œuvre pour sécuriser les réseaux électriques afin d’éviter que cela ne se reproduise ? Peut-on envisager que ce type d’événement puisse être reconnu comme catastrophe naturelle ou trouver un autre moyen d’indemnisation ? (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Monier, vous avez raison, c’est un épisode très difficile qui a été vécu dans le grand Sud-Ouest (Sud-Est ! sur les travées du groupe Les Républicains.) le grand Sud-Est, veuillez m’excuser, depuis de la semaine dernière. Je me suis rendue dans la Drôme, à côté de Valence, vendredi dernier, et je voudrais à mon tour rendre hommage aux élus, aux gendarmes, aux pompiers, aux renforts militaires, aux agents d’Enedis et de RTE, qui se sont mobilisés sans relâche.

Vous l’avez dit, cet épisode est dû à de la neige lourde, collante, tombée rapidement sur des arbres qui avaient encore des feuilles. De nombreux arbres sont tombés, qu’il a fallu déblayer sur les routes, beaucoup de poteaux sont tombés, qu’il a fallu remettre en service. Sans aucune visibilité, les hélicoptères ne pouvaient pas décoller pour faire suivre les lignes.

C’est ainsi que 330 000 foyers ont été privés d’électricité. La situation est en train de revenir à la normale, mais, à la fin du week-end, environ 30 000 foyers, essentiellement dans la Drôme et en Ardèche, restaient concernés ; aujourd’hui, il en reste encore 7 000 dans la Drôme et quelques-uns en Ardèche.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. Face à cette situation, 2 300 agents ont été mobilisés, travaillant jour et nuit pour remettre les lignes en service ; des centres d’hébergement ont été ouverts, notamment par la préfecture de la Drôme ; des groupes électrogènes ont été mis à disposition, même s’il doit en être fait usage avec beaucoup de précautions – nous avons déploré un accident en Isère.

Pour la suite, Enedis continue à enterrer des lignes. Ainsi, 18 000 kilomètres de lignes sont enterrés chaque année et 50 % du réseau est souterrain.

Enfin, les assurances peuvent déjà indemniser les faits de neige ou de grêle. Nous n’avons donc pas besoin, dans ce cas particulier, de déclarer l’état de catastrophe naturelle. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

finances locales

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laure Darcos. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

Monsieur le ministre, le Président de la République aime les élus - d’ailleurs, il n’a cessé de le répéter hier, lors du congrès des maires de France -, mais votre gouvernement a tout de même la fâcheuse habitude de s’immiscer dans les finances locales.

Concernant la taxe d’habitation, François Baroin a eu raison de rappeler hier au Président de la République que vous aviez décidé de supprimer un impôt qui ne vous appartient pas.

Il faut que la considération aille de pair avec le respect. De respect, il en est question quand votre gouvernement dépose sur le projet de loi de finances pour 2020 un amendement prévoyant qu’une partie des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) perçus par les départements franciliens et la Ville de Paris sera prélevée au profit de la Société du Grand Paris (SGP) !

Excusez du peu : 75 millions d’euros en 2020, puis 60 millions d’euros par an à partir de 2021 pour financer, tenez-vous bien, les engagements de l’État inscrits dans le contrat de plan État-région 2020-2022 sur les transports.

Mme Anne Chain-Larché. C’est scandaleux !

Mme Laure Darcos. Coût pour mon département : plus de 3 millions d’euros, alors même que l’Essonne pâtit d’infrastructures de transports surchargées et vieillissantes.

Non content d’avoir reporté la construction de la ligne 18, qui devait dynamiser le plateau de Saclay, des Yvelines jusqu’en Essonne, ou le Charles-de-Gaulle Express, qui devait faciliter l’accès au village olympique en Seine-Saint-Denis, l’État nous ponctionne a posteriori pour sa mauvaise gestion !

Je veux bien vous accorder que vous n’êtes pas les seuls responsables du passif de la SGP, mais quand on exerce des compétences, il faut en assumer les responsabilités et le financement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. C’est sûr.

Mme Laure Darcos. Aussi, ma question est simple, monsieur le ministre : quand le Gouvernement va-t-il cesser de dévitaliser les collectivités locales, et en particulier nos départements, au mépris des élus et des populations que nous servons ? Et cela, vous l’avez compris, n’est pas qu’un problème francilien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Madame la sénatrice Laure Darcos, les impôts n’appartiennent ni aux collectivités ni à l’État ; ils sont payés par les contribuables et l’objectif du Gouvernement est de baisser les impôts pour rendre du pouvoir d’achat aux contribuables. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Vous nous interpellez sur le financement des travaux d’infrastructures prévus par la Société du Grand Paris. Nous avons retenu deux solutions : l’une, issue d’une initiative parlementaire, consiste à moduler la taxe sur les bureaux – elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, vous l’étudierez prochainement ; l’autre vise effectivement à affecter une fraction des DMTO des départements de la petite couronne au financement de ces infrastructures.

Cela répond à un besoin d’infrastructures, vous l’avez noté, mais vous auriez pu également relativiser le coût pour les départements, en rappelant combien les DMTO ont été dynamiques au cours des dernières années, ce qui relativise grandement la « ponction » évoquée, puisque vous avez utilisé ce terme.

Au-delà, vous nous demandez comment le Gouvernement entend continuer à aider les collectivités territoriales et vous nous dites même craindre une forme de dévitalisation. Je vous répondrai en trois chiffres.

Le premier concerne les dotations de fonctionnement. Le Gouvernement a fait le choix de la stabilité, et vous aurez l’occasion de constater dans le projet de loi de finances que le total des concours financiers de l’État aux collectivités passera de 48,3 à 49,1 milliards d’euros en 2020. Après 11 milliards d’euros de baisse de 2014 à 2017, il est juste et utile de rappeler cette stabilité. (M. Philippe Dallier sexclame.)

Le deuxième chiffre concerne le maintien des dotations d’investissement. Aux 2 milliards d’euros de dotations pour le bloc local, il faut ajouter 7 milliards d’euros de droit commun pour participer aux investissements des collectivités : au total, l’État consacre 9 milliards d’euros au soutien à l’investissement des collectivités locales.

Le troisième chiffre porte sur la solidarité, avec les dotations de péréquation, la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR), qui progressent au même niveau que les années précédentes, soit 90 millions d’euros.