Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Pierre-Yves Collombat. … permet cette coopération.

Monsieur le ministre, peut-on espérer voir un jour le Gouvernement défendre de nouveau cette ambition, en supprimant les obstacles administratifs imaginaires au déploiement d’une politique pérenne et générale de prévention de l’inondation et en stimulant la mise en place de structures locales fortement impliquées ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous avez été à l’origine de l’introduction de la Gemapi dans la loi Maptam, en 2014.

Vous avez raison, les moyens sont à disposition, car ils ont été prévus en 2014 par le législateur, en particulier par le Sénat.

Je ne partage pas la totalité de votre propos, dans la mesure où se pose aussi une question de solidarité entre les territoires. C’est le cas pour les problèmes fluviaux : un seul EPCI ne peut pas prendre seul en charge les digues, par exemple, car cela relève de l’intérêt général.

Vous vous retournez vers l’État, et vous avez raison sur un certain nombre de points. Concernant la structuration en Épage et en EPTB, le Gouvernement soutient les éléments de souplesse que vous appelez de vos vœux. Ainsi, le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique prévoit à cet égard de reporter la dérogation jusqu’au 31 décembre 2021, permettant à un syndicat mixte ouvert d’adhérer à un autre syndicat mixte ouvert, sans que ce dernier soit un Épage ou un EPTB.

Toujours dans un souci de souplesse, le Gouvernement entend également décaler d’une année supplémentaire la faculté de déléguer à un syndicat mixte non-Épage ou à un EPTB.

Par ailleurs, s’il est important que les territoires prennent conscience de l’importance de la Gemapi, il faut aussi leur laisser du temps. J’ai été témoin de situations dans lesquelles des syndicats avaient leurs habitudes, notamment pour l’exercice des compétences, et au sein desquels la convergence entre élus était délicate à assurer. Il faut en tenir compte. Les délais peuvent paraître longs, parfois même infinis, lorsque les risques sont très importants ; il faut cependant faire confiance aux élus locaux et faire en sorte que l’intérêt général prime.

Je ne doute pas que tel sera le cas dans l’exercice de cette compétence de gestion des inondations. Le chemin est long, mais nous dialoguons avec nos concitoyens pour leur faire prendre conscience des raisons pour lesquelles ils paient cette taxe. Les assouplissements de l’État s’inscrivent dans ce cadre.

Encore une fois, la confiance donnée aux élus permettra de mettre en place une organisation au plus près des besoins des territoires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Perrot. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme Évelyne Perrot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi Maptam de 2014 a transféré aux EPCI à fiscalité propre la compétence Gemapi. La loi NOTRe de 2015 a fixé au 1er janvier 2018 la date d’effet de ce transfert. Enfin, la loi de 2017 a permis aux départements et aux régions de continuer d’exercer la compétence Gemapi. Ce qui était un assouplissement nécessaire pose aujourd’hui un problème d’exercice de la compétence au niveau local.

Dans mon département de l’Aube, par exemple, le département assure maintenant seul la compétence, les syndicats de proximité ayant été supprimés. Leur fonction était pourtant essentielle.

Nous avons besoin d’une approche qui soit la plus locale possible, pour bien gérer cette compétence, surtout compte tenu des effets du changement climatique.

À ce jour, les maires constatent un retard dans la gestion de proximité et trouvent que le suivi n’est plus évident. La gestion des cours d’eau en milieu rural est devenue difficile.

Monsieur le ministre, le rapport de novembre 2018 sur le bilan du transfert de la compétence constate que son accompagnement doit être renforcé. Qu’est-il donc prévu pour assurer l’exercice local de la compétence Gemapi dans les zones où le chef de filât est assuré par les régions et départements ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous l’avez rappelé, la loi du 30 décembre 2017 dispose désormais que les départements et régions, assurant une ou plusieurs des missions rattachées à la compétence Gemapi, peuvent poursuivre leur engagement en la matière au-delà du 1er janvier 2020. Dans de nombreux territoires, les départements sont en effet des partenaires importants des politiques de l’eau. Ils interviennent notamment dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques, apportant leur soutien financier ou une assistance technique pour certaines opérations d’investissement.

La place du département dans la gouvernance varie selon les configurations locales. J’entends ce que vous dites concernant le département de l’Aube, mais je rappelle que c’est un choix qui incombe aux collectivités. C’est sur autorisation des collectivités que le département peut intervenir. Je ne voudrais pas m’immiscer dans un débat entre collectivités : si le département exerce ces compétences, peut-être est-ce parce que les EPCI l’ont autorisé à le faire à l’échelle du territoire. Cela nécessite sans doute des évaluations internes, mais c’est un problème de gouvernance entre collectivités.

En tout état de cause, il n’existe pas juridiquement de chef de filât assuré par les départements ou les régions en matière de Gemapi. L’État est présent pour accompagner les collectivités et leurs groupements au travers, notamment, des missions d’appui technique de bassin qui ont été prolongées jusqu’au 1er janvier 2020, par décret du 27 décembre 2018.

J’en viens à votre question sur l’accompagnement. Les services centraux des ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires travaillent conjointement pour accompagner les collectivités dans la prise de compétence Gemapi. Des outils d’accompagnement sont d’ores et déjà disponibles. À titre d’exemple, au niveau national, des guides à destination des élus et des techniciens sont désormais disponibles. Un guide sous forme de questions-réponses a été mis en ligne sur les sites des ministères le 27 mai 2019.

Au niveau local, les services de l’État sont également mobilisés pour appuyer les collectivités, notamment par l’intermédiaire des stratégies d’organisation des compétences locales de l’eau (Socle) établies sur chacun des grands bassins versants français de métropole et d’outre-mer.

Enfin, le Gouvernement met en œuvre de nouvelles mesures comprenant l’assouplissement de la réglementation et des leviers financiers, afin de faciliter la mise en œuvre de la Gemapi partout sur le territoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour la réplique.

Mme Évelyne Perrot. Monsieur le ministre, les petits syndicats de bassin et de rivière faisaient un travail remarquable et ils étaient animés par des bénévoles. Les maires ont beaucoup perdu avec leur disparition.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la compétence Gemapi répond au besoin de plus en plus pressant de replacer la gestion des cours d’eau au sein des réflexions sur l’aménagement du territoire.

Les élus locaux, malgré leur engagement, attendent que l’État donne une impulsion réelle pour la reconquête de la qualité des eaux. J’aimerais vous faire part de plusieurs observations d’élus chargés de l’eau dans mon département.

Le premier sujet est la maîtrise du ruissellement des eaux et sa mise en place dans les territoires, avec la trame bleue. La trame verte, qui favorise la promotion des haies, est également indispensable. Pour ce faire, il faut aider les agriculteurs à préserver ces haies.

Le deuxième point est la clarification de la gouvernance locale en matière de grand cycle de l’eau, qui n’est pas toujours une réalité : entre les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), les départements, les régions et les EPCI, on constate encore une trop grande dispersion des initiatives et une sédimentation des responsabilités. Il faut vraiment veiller à mettre en place des actions de simplification pour, au moins, déterminer quelle échelle demeure prescriptive sur les autres.

Troisième observation : la compétence Gemapi, qui est à l’échelle des intercommunalités, et non à celle des bassins versants des cours d’eau, pose souvent des difficultés, notamment lorsque deux intercommunalités voisines ne souhaitent pas mener d’actions concomitantes pour la gestion d’une rivière. C’est problématique pour l’amélioration du bon état écologique de certains cours d’eau.

Enfin, quatrième point, la gestion des milieux aquatiques (GEMA) est fortement subventionnée par la région et l’agence de l’eau par le biais des contrats territoriaux milieux aquatiques. La prévention des inondations, en revanche, n’est pas subventionnée. L’État prévoit-il la mise en place d’aides au financement sur ce poste ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, le premier point de votre intervention concerne le grand cycle de l’eau, et même le petit cycle. Vous soulignez le rôle important des agriculteurs dans ce domaine, ainsi que les actions dans le domaine de la préservation des haies.

Un certain nombre de dispositifs existants, qui ne relèvent pas de la Gemapi, concourent à la lutte contre les inondations. Je pense en particulier à ceux relatifs au ruissellement et aux dispositifs prévus par la politique agricole commune. Des régions ont également mis en œuvre, dans le cadre de contrats de bassin ou avec le soutien de l’agence de l’eau, des mesures en direction des agriculteurs, qu’il faut soutenir.

Deuxième point, vous avez appelé à un travail de simplification. C’est un travail que nous menons au fil de la prise en charge de la compétence.

Troisième point, s’agissant de la mise en œuvre concrète du dispositif, on rencontre en effet des difficultés lorsque deux collectivités ont du mal à travailler ensemble.

Pour avoir présidé un EPCI et été maire d’une commune de petite taille – 700 habitants –, je considère qu’il n’appartient pas à l’État d’intervenir en tant que tel dans ce champ. Le choix qui a été fait, et qui est issu d’un amendement sénatorial, est celui de la libre administration des collectivités. J’essaye de ne pas me déjuger et de respecter ce principe en laissant les collectivités travailler ensemble et s’approprier la compétence.

Parfois, vous avez raison, il est nécessaire que les collectivités dialoguent entre elles : l’échelle de l’EPCI étant trop limitée, la question des inondations doit être gérée au niveau de plusieurs EPCI. Il nous faut tendre vers cela. Mais, comme je l’ai dit à M. Collombat, c’est un long travail d’appropriation par les collectivités.

Il arrive en effet que chaque collectivité raisonne en silo sur ses propres prérogatives. Mais, dès lors qu’il y a une gestion globale des inondations, un cours d’eau en partage ou une même politique de l’habitat, dans le cadre d’un schéma de cohérence territoriale (SCOT) par exemple, il est bon que les collectivités se parlent. Cela peut prendre du temps, encore une fois, mais il faut faire confiance aux élus locaux pour assurer, au bénéfice des habitants, le travail de prévention des inondations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Institution Adour, EPTB couvrant les départements des Hautes-Pyrénées, du Gers, des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, a lancé une étude d’opportunité de classement des systèmes d’endiguement. Les résultats et propositions de cette étude vous ont été transmis.

Il en ressort que le système d’endiguement semble être un outil réglementaire inadapté. Les territoires ruraux, qui disposent de longs linéaires de digues protégeant l’habitat diffus contre les inondations, auront d’énormes difficultés financières à maintenir ces ouvrages classés, et ce malgré l’instauration de la taxe Gemapi. Cette ressource financière est par ailleurs remise en cause par la suppression de la taxe d’habitation. À titre d’exemple, la mise aux normes de la digue de la rive droite de l’Adour maritime, longue de 23 kilomètres, qui protège 350 personnes, est estimée à 33 millions d’euros.

A contrario, certains ouvrages non classés ne peuvent pas non plus être abandonnés, en raison de la présence de population, d’activités économiques agricoles ou d’enjeux de préservation de sites protégés Natura 2000, comme les barthes de l’Adour.

Dans cette perspective, la proposition du décret d’août 2019 consistant à supprimer le seuil plancher de 30 personnes pour le classement des ouvrages n’est pas une solution. Il expose les entités « gemapiennes » à une situation inextricable, compte tenu du faible nombre d’habitants, et alors que les EPCI n’ont déjà pas les moyens financiers de classer des ouvrages protégeant des populations importantes.

Au-delà de cette impasse financière, cette proposition apparaît contraire à la compétence Gemapi, puisqu’elle est de nature à maintenir des contraintes au fonctionnement naturel des cours d’eau.

Ma question portera donc sur trois points.

Comment les entités « gemapiennes » vont-elles supporter le financement des ouvrages classés avec cet abaissement de seuil et la fragilisation de l’assiette de la taxe Gemapi ?

Pouvez-vous clarifier le devenir des ouvrages non classés au regard de l’obligation de mise en transparence hydraulique issue du décret de 2019 ? Qui sera chargé de la réaliser ?

En conséquence, ainsi que le président de l’Institution Adour vous l’a proposé, êtes-vous favorable à la création d’un nouvel outil administratif réglementaire, garantissant la sécurité publique, adapté aux territoires ruraux et qui serait assorti d’un dispositif d’accompagnement financier soutenable ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, la critique apportée au décret du mois d’août 2019 sur la suppression du seuil de 30 personnes pour les systèmes d’endiguement vient d’une lecture erronée de la réglementation antérieure.

Certains acteurs pensent que l’ancienne réglementation leur permettait de conserver les digues protégeant moins de 30 personnes sans être soumis à la réglementation. Or ce n’est pas le cas : la loi prévoit en effet que ces digues non intégrées à un système d’endiguement doivent être neutralisées, c’est-à-dire supprimées. L’ancienne réglementation aboutissait donc à supprimer automatiquement les digues protégeant moins de 30 personnes. La nouvelle réglementation permet de conserver ces digues si la collectivité le souhaite, pour répondre précisément à la question que vous avez posée. Mais cela n’est pas une obligation : c’est le libre choix des collectivités. Cette demande émanait d’un certain nombre de territoires. Là aussi, il s’agit de l’appropriation de la compétence : les collectivités ont, j’y insiste, le libre choix de prendre ou non cette compétence.

Par ailleurs, sur les financements, je ne voudrais pas répéter ce qu’a dit Pierre-Yves Collombat, mais la capacité à lever des financements existe. C’est ce qui est prévu dans le dispositif sénatorial, afin de répondre aux besoins de financement qui pourraient être nécessaires pour les dispositifs similaires à ceux que vous venez d’évoquer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est désormais une habitude pour notre Haute Assemblée, je dirais même une figure imposée des débats sur les compétences des collectivités territoriales : je compte moi aussi vous parler d’eaux pluviales.

Pourquoi évoquer ce sujet ? Cette question est-elle encore d’actualité avec la loi du 3 août 2018 ? Si oui, un débat sur la Gemapi est-il le bon véhicule ?

Cette question, en apparence simple, est le plus beau symbole du dédale technocratique dans lequel on plonge les élus locaux. En conséquence, la question « Qui s’occupe des eaux de pluie en France ? » nécessite davantage de développements que le code du travail suisse.

Puisqu’il faut bien commencer quelque part, que savons-nous ?

Déjà, qu’il faut distinguer les « eaux pluviales urbaines », une compétence désormais autonome qui s’exerce « dans les zones urbanisées et à urbaniser », et le reste des eaux pluviales que l’on nomme « eaux de ruissellement ».

S’agissant de la compétence « eaux pluviales urbaines », celle-ci est obligatoirement exercée à l’échelon intercommunal, sauf pour les communautés de communes depuis la loi précitée du 3 août 2018.

S’agissant des eaux de ruissellement, il semble que nous soyons toujours en présence d’un angle mort.

Cette compétence ne relève pas de la gestion des eaux pluviales urbaines ni de l’assainissement, et elle n’est que voisine de la Gemapi. Par défaut, la jurisprudence la classe avec la voirie.

De fait, ni le rapport d’avril 2018 sur la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement aux fins de prévention des inondations ni le rapport de l’IGA et du CGEDD du 21 octobre dernier n’offrent de réponse claire.

Alors, vers quelle formule nous dirigeons-nous ? Cette compétence « eaux de ruissellement » sera-t-elle un jour rattachée à la Gemapi ? Ou allons-nous assister, comme le propose le CGEDD, à l’émergence d’une compétence unique et intégrée « assainissement et ruissellement » ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous l’avez rappelé, dans son rapport au Parlement prévu par les dispositions de l’article 7 de la loi du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la Gemapi, le Gouvernement a souligné la diversité des moyens techniques pouvant être mobilisés pour assurer une gestion efficiente des eaux pluviales.

Je rappellerai le schéma dans lequel nous évoluons.

Pour les communautés urbaines et les métropoles, la loi rattache désormais explicitement le service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines à la compétence « assainissement ».

Pour les communautés d’agglomération et les communautés de communes, la loi introduit une nouvelle compétence distincte devant être exercée à titre obligatoire à compter du 1er janvier 2020 pour les seules agglomérations.

Vous me demandez, si j’ai bien compris le sens de votre question, pourquoi il en a été fait une compétence distincte. Parce que la gestion des eaux de pluie constitue un enjeu important, à la convergence de plusieurs champs d’action des collectivités territoriales.

Vous avez évoqué le « dédale ». Je reconnais volontiers que, structurellement, c’est bien de cela qu’il s’agit, et j’imagine que vous avez vécu la situation, quand on parle des eaux pluviales, puisqu’elles sont aux confins de plusieurs compétences – pour partie de l’assainissement, de la voirie, voire dans certaines circonstances de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.

Ainsi, il fallait concilier la clarification juridique de la répartition des compétences exercées par les collectivités territoriales et la souplesse utile à la mise en œuvre de ces compétences. C’est bien l’objet des dispositifs qui ont été votés par les parlementaires.

Dès lors, identifier spécifiquement la compétence « eaux pluviales urbaines » et la confier obligatoirement, à l’instar de l’assainissement, aux métropoles et aux communautés urbaines à compter du 1er janvier 2020 constitue une clarification institutionnelle. C’est aussi une simplification financière, car la gestion des eaux pluviales étant une compétence distincte, il n’est plus obligatoire de la financer par le budget de l’assainissement : il pourra être recouru au budget général, voire à la taxe Gemapi, si le traitement des eaux pluviales est lié, comme c’est parfois le cas, à la prévention des inondations par exemple.

Cette compétence demeurera cependant facultative pour les communautés de communes. Il est ainsi laissé aux communes membres d’une communauté de communes le choix d’apprécier au regard du contexte local – c’est donc une liberté locale – l’opportunité ou non d’une gestion à l’échelle de l’intercommunalité.

M. Pierre-Yves Collombat. Il faudra réunir un concile !

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que, dans le cadre du onzième programme 2019-2024, les agences de l’eau voient leur champ d’action étendu, notamment à la lutte contre le changement climatique, ce que l’on peut tout à fait comprendre, votre gouvernement a institué un plafond de recettes à hauteur de 12,6 milliards d’euros.

Avec ce plafond, les six agences se voient amputées de plus de 1 milliard d’euros par rapport au dixième programme. Cette situation induit mécaniquement la diminution et l’arrêt de certaines aides aux collectivités territoriales qui sont toujours nécessaires pour mener à bien les compétences « eau », dont la Gemapi.

Pourtant, il est plus que jamais indispensable de donner aux agences de l’eau les moyens de faire face aux défis liés au réchauffement climatique et à la dégradation des milieux aquatiques, comme il est nécessaire de donner aux collectivités les moyens d’exercer leur compétence « eau ».

Monsieur le ministre, il faut revenir au principe selon lequel « l’eau paie l’eau ».

La compétence Gemapi justifie que les agences de l’eau apportent leur aide aux établissements chargés, pour le compte des EPCI, de la gestion des bassins versants. Le lien est évident entre biodiversité, fût-elle cultivée, des bassins versants et qualité des milieux aquatiques, et donc de la ressource en eau.

Les agences de l’eau sont les mieux placées pour faire le suivi et la synthèse de la relation entre l’eau et la biodiversité à l’échelle des bassins versants.

Comment envisagez-vous d’aider concrètement les intercommunalités chargées de la gestion des bassins versants pour que la biodiversité et les cultures soient utilisées comme moyen de restaurer la qualité des milieux aquatiques et de la ressource en eau ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Franck Montaugé, je vous remercie de votre question, qui s’éloigne quelque peu du sujet de la Gemapi,…

M. Franck Montaugé. C’est lié !

M. Marc Fesneau, ministre. … mais qui en est le corollaire.

Je ne dis pas que ce n’est pas lié : c’est une question attenante à la Gemapi. Un certain nombre des actions que vous avez citées peuvent concourir à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations.

Vous avez parlé des financements. Je répondrai ensuite au sujet des agences de l’eau, mais, au risque d’être répétitif, je redis que, tel que le dispositif a été conçu au Sénat, il est possible de lever des financements au travers de la taxe. Cela permet de répondre en partie à votre question.

Vous avez eu raison de souligner la concomitance des actions, parce que tout est lié : dès lors que l’on travaille sur un cours d’eau, on peut aussi travailler sur les inondations, la qualité de l’eau, la biodiversité… Il faut mobiliser différents outils, en l’occurrence plutôt les agences de l’eau.

Les assises de l’eau ont souligné l’importance de ces actions. Je rappelle qu’un « aqua prêt » de la Caisse des dépôts et consignations a été mis en place pour financer des actions. Près de 57 millions d’euros de prêts ont déjà été engagés au premier semestre de 2019.

En ce qui concerne les paiements pour services environnementaux (PSE), un dispositif a été notifié à la Commission européenne. Il devrait permettre de protéger les ressources en eau et les milieux aquatiques et de répondre, comme vous l’avez souligné, aux questions relatives à la gestion des milieux aquatiques et à la préservation de la biodiversité.

La loi de finances pour 2018 a mis en place un plafond mordant pour les redevances des agences de l’eau, vous l’avez rappelé. Le onzième programme d’intervention des agences prévoit cependant un accompagnement des actions de Gemapi, dès lors qu’elles sont corollaires aux actions de préservation des milieux aquatiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses.

Je me réjouis que vous ayez évoqué les PSE, qui pourraient faire partie du dispositif. Ces PSE pourraient donner lieu à des conventions tripartites entre les EPCI ou leurs établissements, les agriculteurs et les agences de l’eau. Vous le savez certainement, des expériences vont d’ores et déjà en ce sens sur le territoire national, particulièrement en Occitanie, dans mon département, avec l’agence de l’eau du bassin Adour-Garonne.

Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Vivette Lopez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je viens d’un département fortement soumis aux caprices du temps, le Gard – vous pouvez l’entendre à mon accent ! –, dans lequel la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations fait presque l’objet d’une obsession collective, tant elle a pu impacter tragiquement le quotidien de ses habitants. Jugez plutôt : depuis la moitié du XIIIe siècle, le Gard a connu plus de 500 crues.

L’équinoxe d’automne représente pour nous la période la plus critique. Vous comprendrez donc aisément qu’à cette période chaque grosse pluie soit attendue avec tant d’appréhension. Chacun a en effet en mémoire la terrible catastrophe du 3 octobre 1988 à Nîmes, sans compter la déferlante qui s’est abattue sur le Gard les 8 et 9 septembre 2002. Le bilan de ces inondations a été dramatique, avec 22 morts, 299 communes du département sinistrées sur 353 et plus de 830 millions d’euros de dégâts.

Face à ce constat, la nécessité de réduire durablement la vulnérabilité de notre territoire est apparue comme une évidence. Différents acteurs se sont donc attachés, avec plus ou moins de succès, à mener successivement des actions visant à réduire l’impact des inondations sur les personnes, les biens et les activités économiques, avec la création de syndicats départementaux, régionaux, puis interrégionaux, le déploiement de moyens pour l’endiguement et la création de bassins de rétention, pour en citer les principales.

Pourtant, le principe de la protection contre les risques naturels n’a jamais été remis en cause et relève le plus souvent des habitants ou des propriétaires généralement regroupés en associations. L’aménagement du territoire, et particulièrement l’organisation des zones urbanisées, doit aujourd’hui intégrer, outre la satisfaction des besoins liés au logement et aux activités économiques, les atteintes liées à la sécurité des personnes et des biens et celles liées à la qualité de vie et à l’environnement.

La directive-cadre sur l’eau et la directive Inondations ont fixé un cadre et des objectifs ambitieux en matière de gestion équilibrée de la ressource en eau. La mise en place de la compétence Gemapi répondait ainsi opportunément à un besoin de cohérence de l’action publique, de replacement de la gestion des cours d’eau au sein des réflexions sur l’aménagement du territoire, de recentralisation des différents acteurs pour une meilleure efficacité.