Mme Esther Benbassa. Islamophobie !

M. David Assouline. Sommes-nous donc les seuls à le voir ? Non !

Quand M. Zemmour peut s’exprimer en direct sur LCI ;…

Mme Esther Benbassa. Islamophobie !

M. David Assouline. … quand M. Zemmour a pignon sur rue ; quand on permet à M. Zemmour de chroniquer dans la presse française tranquillement, alors qu’il a été condamné pour incitation à la haine religieuse et que le racisme est, non une opinion à débattre, mais un délit ; quand on est dans cette situation, on doit s’interroger sur l’opportunité des débats ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Joyandet. Quel est le rapport ?

M. David Assouline. Je suis intransigeant dans la lutte contre l’islamisme politique…

M. Pierre Charon. Ce n’est pas évident !

M. David Assouline. … et, aujourd’hui, je reste Charlie ! Je le répète, ceux qui ont été tués le 7 janvier étaient mes amis ! Mais regardons l’histoire de ce pays et celle de cet hémicycle : qui s’est battu pour la loi de 1905 ?

M. Jean-Claude Requier. Les radicaux !

M. David Assouline. Qui s’est battu contre la loi Falloux ?

M. Jean-Claude Requier. Les radicaux !

M. David Assouline. Relisez les débats !

À l’inverse, qui a été soutenu massivement par Sens commun, lors d’une campagne électorale qui a mobilisé l’Église et tout le réseau privé catholique (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.),…

M. Jacques Grosperrin. Il ne faut pas tout mélanger !

M. David Assouline. … pour aller à l’encontre du mariage homosexuel, après avoir lutté contre le droit à l’avortement ? Qui ? (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)

Je vous le dis très tranquillement,…

M. le président. Il faut conclure !

M. David Assouline. … dans un débat comme celui-là, il faut de la sincérité, faute de quoi l’on brouille les lignes. (Vives protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.) Et je vois que les grands laïcs tolérants montrent leur vrai visage !

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article. (Mouvements divers. – Oh là là ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Esther Benbassa. Encore M. Masson ? Ce n’est plus possible !

M. Jean Louis Masson. Mes chers collègues, dans le cadre de cette proposition de loi, on parle beaucoup des femmes voilées, mais on ne parle pas du tout des enfants.

On dit que les femmes voilées ont des droits. Mais, lors des déplacements scolaires, trouvez-vous normal que vos enfants ou vos petits-enfants, qui, je l’espère, ne sont pas habitués à côtoyer l’obscurantisme voilé, soient encerclés par des femmes voilées qui font du communautarisme ?

Les enfants sont des usagers du service public : en cette qualité, ils ont le droit de ne pas être confrontés au prosélytisme communautariste.

Mme Esther Benbassa. Où est-il, le prosélytisme ?

M. Jean Louis Masson. J’ajoute qu’ils sont plus fragiles que les adultes !

On s’apitoie sur le sort de cette mère de famille : « La pauvre, quelle misère ! » Mais elle n’avait qu’à ne pas mettre son voile, elle n’aurait pas eu de problème : c’est tout ! La question était réglée.

Je le répète, est-ce que l’on pense aux enfants ?

Mme Esther Benbassa. On ne fait que cela !

M. Jean Louis Masson. On pourrait choisir n’importe qui pour les accompagner lors des voyages scolaires : pourquoi pas les sorcières d’Halloween, tant qu’on y est ? (Exclamations et protestations diverses.)

Mme Esther Benbassa. Ça suffit !

M. Fabien Gay. Faites-le taire !

M. Jean Louis Masson. C’est scandaleux ! Nos enfants ne doivent pas être pollués par ce type de prosélytisme. Ce n’est pas à nous de nous aligner sur les communautaristes ; c’est aux communautaristes qui vivent chez nous de s’aligner sur notre société ! Et, s’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à retourner d’où ils viennent ! (Huées sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

M. Guillaume Gontard. Quelle lourde responsabilité pour la majorité sénatoriale : elle a donné la parole aux extrêmes – on vient de l’entendre –, créé l’amalgame, clivé, divisé et stigmatisé. Nous n’avons pas besoin de cela et, par définition, nous n’avons pas besoin d’une loi inutile !

Au passage, je note que l’on s’en prend toujours aux mêmes : aux mamans, aux femmes. Mais pourquoi parler d’un sujet qui n’existe pas ? Pourquoi parler d’un non-problème ?

Chers collègues de la majorité sénatoriale, je vous pose la question : de quoi avez-vous peur ? Les valeurs de la République ne vous suffisent-elles plus ? Pourtant, la laïcité, c’est la liberté ; la laïcité, c’est l’égalité ; la laïcité, c’est la fraternité. La loi de 1905 assure ces valeurs, un point c’est tout.

Souvenons-nous des mots prononcés par Aristide Briand avant le vote de la loi de 1905 : « La réforme que nous allons voter laissera le champ libre à l’activité républicaine pour la réalisation d’autres réformes essentielles. »

Alors, passons à l’essentiel et parlons des vrais problèmes, c’est-à-dire l’urgence climatique, la santé, la précarité, la pauvreté qui augmente, avec plus de 9 millions de personnes touchées, les services publics qui ferment, nos biens communs qu’on abandonne. Mais peut-être ne voulez-vous justement pas en parler ?

Je citerai, pour conclure, une poésie de Brigitte Fontaine qui résume selon moi ce texte d’opportunité :

« Le voile à l’école

Frivoles paroles

Le voile à l’école

Folles fariboles ».

Faut-il donc en faire, à chaque réveillon, un plat que nous sert la télévision ? (M. Pierre Laurent applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.

M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, je voudrais faire deux remarques.

Premièrement, certains de nos collègues pensent calmer les esprits avec ce type de proposition de loi. Or rappelez-vous la dernière fois où l’on a voulu régler définitivement le problème de la laïcité : c’était à l’époque du projet de grand service public unifié et laïque de l’éducation nationale, le SPULEN, qui a mis une bonne partie de la France dans la rue. Peut-être n’étiez-vous pas du même côté qu’aujourd’hui lors de ces manifestations ? Il faut donc toucher à ce sujet avec beaucoup de précaution !

Deuxièmement, on nous « bassine » – passez-moi l’expression ! – avec le service public de l’éducation nationale. Il s’agit certes d’un service public, mais c’est aussi plus que cela.

Ce n’est pas un service public comme celui de l’eau ou du gaz…

M. Pierre-Yves Collombat. C’est une ardente obligation et la condition nécessaire pour faire des esprits républicains, c’est-à-dire des esprits libres, capables, quoi qu’ils pensent, de se faire leur propre idée sur tout.

C’est cela, faire des consciences libres ! Voilà pourquoi on a procédé notamment à la laïcisation des personnels enseignants.

J’aimerais que l’on m’explique en quoi la présence d’une mère lors d’une sortie, et non entre les murs de l’école, qui a été sollicitée pour accompagner les enfants, et dont les cheveux sont masqués conformément aux préceptes de Tertullien, serait une atteinte à ce principe de formation des consciences libres. C’est se moquer du monde ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, sur l’article.

Mme Nassimah Dindar. Puisque la présente proposition de loi tend « à assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l’éducation », devons-nous considérer le poutou ou le kishali, que toutes les femmes mahoraises ou comoriennes portent sur la tête, comme des signes de distinction religieuse ?

Dieu sait, monsieur le ministre, si ces femmes demandent que l’on construise sur leur territoire, à Mayotte, des écoles de la République française pour que leurs enfants puissent recevoir l’enseignement que la République leur doit !

Considérons-nous, encore une fois, que le poutou porté par les Tamouls à la Réunion ou dans d’autres territoires par des personnes qui sont françaises, est un signe de distinction religieuse ?

Je comprends la proposition de loi. Je vous le dis très sincèrement, je vis sur un territoire français, le département de la Réunion, où toutes les cultures, toutes les religions, coexistent de manière pacifique. On a pu y voir, voilà quelques semaines, l’évêque remettre les insignes de la Légion d’honneur à un imam, et ce dans l’esprit de la République.

Je préfère que les femmes qui portent ce petit foulard ne soient pas assignées entre leurs murs, comme si elles n’appartenaient pas à la République, et qu’on ne les oblige pas à rester chez elles. En effet, dans ce cas, les enfants ne les reconnaîtraient pas comme faisant partie du système scolaire, tandis que, dans le même temps, on reconnaît un homme qui porte dans l’espace public ce qu’on appelle chez nous le bazou.

La mère de famille est un usager, même quand elle accompagne son enfant. Je connais la tolérance de notre collègue, et je ne doute pas un seul instant qu’elle nous soumet cette proposition de loi dans un esprit républicain.

Je vous le dis sincèrement, nous allons à contre-courant de ce que la République nous demande de faire en poussant ces femmes dans leurs retranchements.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Nassimah Dindar. S’il faut lutter contre le radicalisme, et je suis bien consciente qu’il faut le faire, ce n’est ni en mettant la République et l’école sur le devant de la scène, ni en séparant les élèves ou les parents qui les accompagnent. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, LaREM, SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. Cela a été dit précédemment, le Conseil d’État, interrogé par le Défenseur des droits pour obtenir des clarifications sur le statut des accompagnateurs, a constaté, « à travers les réclamations reçues, que beaucoup d’incertitudes demeurent quant au champ d’application de ce principe de laïcité ». Il n’est donc pas illégitime de légiférer.

Pour autant, j’ai du mal à comprendre la position du Conseil d’État, que vous avez fait vôtre, monsieur le ministre, au prix de quelques contorsions, lorsqu’il énonce que les parents ont le statut de simples « usagers », n’exercent pas une mission de service public de l’éducation et ne seraient donc pas soumis au principe de neutralité, issu de la laïcité.

Il ne saurait être question de faire peser sur les directeurs la responsabilité d’interpréter les modalités applicables à ces accompagnants différemment selon les établissements ou selon le contexte. Cela doit en effet, à mon sens, relever de la loi, c’est-à-dire de la règle commune, sauf à s’engager sur la voie des accommodements déraisonnables, de surcroît quand il s’agit de l’école, et à aller contre une partie de notre héritage républicain.

C’est notre singularité, je crois, qui est précisément vilipendée parfois par les instances anglo-saxonnes qui, elles, ont fait le choix de reconnaître une forme de communautarisme. Or c’est l’honneur de notre histoire nationale que de faire de l’école un lieu sanctuarisé, dévolu à la transmission et protégé contre toute intrusion idéologique ou religieuse par le principe de neutralité religieuse.

Je ne crois pas qu’il faille que notre pays s’aligne peu à peu, d’accommodement en accommodement, sur le modèle de sécularisation qui prévaut dans d’autres pays européens, c’est-à-dire sur la laïcité libérale qui, au nom d’une conception dévoyée de la tolérance, laisse une place aux influences religieuses, quelles qu’elles soient, dans les lieux ou dans le temps de l’école.

L’école en dehors de l’école, à travers les sorties pédagogiques, c’est encore l’école !

Robert Badinter n’a pas dit autre chose sur la valeur de cette laïcité, qu’il a récemment qualifiée de « grande barrière contre le poison du fanatisme religieux ». Il a ajouté : « L’idée que l’on doit respecter l’autre signifie aussi que l’autre doit vous respecter. »

Il convient par conséquent de donner aux collaborateurs occasionnels du service public de l’éducation un statut spécifique, en fixant clairement leurs obligations et en tirant les conséquences de leur participation au temps pédagogique du point de vue du principe de neutralité, issu de notre laïcité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a, d’un côté, le texte – je ne reviendrai pas sur notre opposition, Pierre Ouzoulias en ayant présenté les principales raisons – et, de l’autre, le contexte.

J’ai un différend avec M. le rapporteur, qui nous invite à ne pas tenir compte de ce contexte. Or on ne peut en faire fi !

Sans remonter à l’épisode de Creil que citait notre collègue, considérons ce qui s’est passé au cours des dernières semaines. Il y a d’abord eu la convention de l’extrême droite organisée par Marion Le Pen, Zemmour et compagnie, lesquels ciblent nos compatriotes musulmans comme un ennemi de l’intérieur. Puis l’agression verbale par un élu du Rassemblement national d’une femme qui donnait de son temps pour accompagner des enfants lors d’une sortie scolaire destinée à leur faire comprendre nos institutions. Je peux dire qu’il s’agit là de radicalité républicaine ! Et, hier, un attentat islamophobe a été orchestré par un individu, ex-candidat du Rassemblement national aux élections départementales.

Le climat est malsain et délétère à l’encontre de nos compatriotes de confession musulmane, en particulier les femmes qui portent le voile. Voilà le contexte !

On observe, en outre, une orchestration et une libération de la parole islamophobe, de la parole publique de l’extrême droite et d’une partie de la droite, et ce avec le soutien des médias. Un éditorialiste a tout de même comparé le voile à l’uniforme SS ! Un autre a dit qu’il quittait le bus dans lequel il était monté lorsqu’il y avait une femme voilée !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est son problème ! (Sourires.)

M. Fabien Gay. Nous en sommes arrivés là !

Il faut arrêter cette stigmatisation parce qu’elle renforce le communautarisme que vous êtes censés vouloir combattre. Ce sont les deux côtés de la même pièce ! Cette haine et ce rejet de l’autre renforcent la stigmatisation, le repli sur soi et le communautarisme.

Il faut donc parler d’une voix claire et forte. Liberté, égalité, fraternité, tel est évidemment notre combat commun, mais c’est une autre question.

À la société de vigilance, qui conduit à une société de délation, je préfère une société de la confiance et du vivre ensemble qui veut aller vers un monde de paix ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, sur l’article.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques décennies, la question du port du voile par des femmes accompagnatrices lors de sorties scolaires ne se posait pas. Aujourd’hui, malheureusement – on ne peut pas dire le contraire ! –, ce prosélytisme religieux prospère et de nombreuses femmes sont obligées de se voiler, même s’il est vrai que certaines choisissent de le faire.

J’ai trop vu, lorsque j’étais enseignante, des jeunes filles habillées à l’européenne être du jour au lendemain contraintes – ce sont elles qui me le disaient – de s’habiller avec des vêtements les couvrant de la tête aux pieds !

L’école de la République, dont vous êtes le garant, monsieur le ministre, et dont nous sommes tous ici les garants, doit rester gratuite, mixte, mais aussi laïque. Il est question ici non pas, bien sûr, de stigmatiser qui que ce soit, mais bien au contraire de garantir cette laïcité que vous avez tous défendue, mes chers collègues, lors de la discussion générale.

C’est pourquoi je voterai sans hésiter ce texte qui donne un cadre et aide les directeurs d’école, bien souvent pris entre le marteau et l’enclume, entre des parents qui se fâchent en voyant des femmes voilées et des femmes voilées qui insistent pour accompagner les sorties. Il faut donner un cadre, surtout à l’heure où des femmes se battent, dans le monde, pour avoir la liberté de porter ou non le voile, et finissent en prison.

Nous sommes aujourd’hui les garants de la laïcité et nous devons permettre aux jeunes filles qui n’ont pas envie de se voiler de ne pas rentrer dans le carcan de ce prosélytisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l’article.

Mme Samia Ghali. Cet après-midi, nous faisions visiter le Sénat à des mamans de Marseille.

Cette visite était organisée depuis six mois. Ce sont les hasards du calendrier ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous savez très bien que les visites ne s’organisent pas au pied levé, mais bien en amont ! Celle-ci avait donc lieu le jour de la présentation de cette proposition de loi.

Les enfants qui accompagnaient ces mamans m’ont dit qu’ils ne comprenaient pas de quoi l’on parlait. Il a fallu leur expliquer, monsieur le ministre, ce que l’on était en train de dire. « Pourquoi ils veulent du mal à ma maman quand elle nous accompagne ? », ont-ils réagi. (Protestations sur les mêmes travées.) Oui, parce que c’est comme cela qu’ils le comprennent !

C’est ainsi que l’a compris également l’enfant qui s’est mis à pleurer, dans ce conseil régional, parce qu’on avait humilié sa mère en public !

M. Alain Joyandet. Vous n’y étiez pas !

Mme Samia Ghali. Je vous assure que j’aurais eu les mêmes larmes aux yeux et la même peine si on avait humilié ma grand-mère de cette façon-là !

M. Alain Joyandet. C’est du racolage !

Mme Samia Ghali. C’est vous qui faites du racolage auprès du Front national !

Où est la « douce France » de Charles Trenet, celle que nous chantions quand nous étions enfants ? Vous l’avez effacée pour laisser place à cette haine qui n’est pas la France, qui n’est pas la République et qui exclut, malheureusement, une partie des Français, lesquels ont aussi le droit d’exister.

Je veux répondre à Mme Goy-Chavent qu’il y a la liberté de ne pas porter le voile, mais aussi celle de le porter quand on choisit librement de le faire.

Interdire le voile, cela revient à reconnaître une conception de la liberté, un regard et un dress code qui vous conviennent, même s’ils ne conviennent pas aux autres. Prenez garde de ne pas devenir des extrémistes de cette liberté !

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.

Mme Annick Billon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parce que j’estime qu’on ne doit pas laisser les directeurs seuls pour décider d’accepter ou non les signes ostentatoires lors des sorties scolaires, parce que j’estime que ces sorties effectuées sur le temps scolaire doivent respecter le principe de neutralité, parce qu’il est utopique d’imaginer qu’un enfant de quatre, six ou huit ans est capable de discernement, et de faire la différence entre un accompagnateur et un intervenant, mais aussi parce que je crois à l’égalité entre les femmes et les hommes et que je n’oublie pas que, dans certains pays, des femmes risquent la mort, car elles refusent de porter le voile, et parce qu’aucune religion n’impose le port du voile, parce que parfois aussi – je dis bien : « parfois » ! – le voile est un signe de soumission à l’homme,…

Mme Annick Billon. … je voterai la proposition de loi de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio.

Je n’accepte pas non plus que l’actualité tragique nous pousse à nous dédouaner de nos responsabilités aujourd’hui.

Mme Annick Billon. Ce contexte ne doit pas nous empêcher d’adopter une position, comme nous l’avions fait lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance. Cette proposition de loi n’a pas créé le contexte ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, sur l’article.

M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle est la fonction première de la loi ? Protéger les plus faibles, les plus fragiles !

Or dans notre société, parmi les plus fragiles il y a, à l’évidence, les enfants, nous en sommes tous d’accord. C’est fort de ce constat que, depuis Jules Ferry jusqu’à aujourd’hui, tous ceux qui ont contribué à bâtir le système de l’école publique laïque l’ont composé de cette façon.

Parce que les enfants sont en croissance, le corps et l’esprit en évolution, ils ont besoin qu’on les protège.

Pour ma part, en cas de conflit d’intérêts entre un enfant et un adulte, je n’ai jamais hésité, j’ai toujours choisi l’enfant. Voilà pourquoi je voterai cette proposition de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, sur l’article.

Mme Sophie Taillé-Polian. Ce que vient de dire notre collègue me stupéfie ! De quoi faut-il protéger les enfants ?

Mme Catherine Troendlé. De l’image délétère de la femme !

Mme Sophie Taillé-Polian. En quoi le fait de voir une femme voilée, ou toute autre personne pourtant un signe ostensible d’appartenance à une religion, quelle qu’elle soit, serait-il une maltraitance, provoquerait-il une souffrance ?

Je vous confirme, mon cher collègue, que dans nos quartiers, lors des sorties scolaires ou devant la porte des écoles, des enfants voient des femmes voilées et des hommes portant tel ou tel signe d’appartenance à leur religion. Mais attention, ne confondons pas tout ! Comme cela a été dit à plusieurs reprises, il y a le texte et il y a le contexte.

Or le contexte dans lequel nous sommes est extrêmement alarmant et, avec cette proposition de loi, vous donnez du grain à moudre à ceux que vous prétendez combattre !

L’école sert, entre autres, à apprendre la culture du respect et de la compréhension de l’autre. Non, porter le voile, ce n’est pas forcément faire du prosélytisme, cela peut être un choix personnel.

J’en ai d’ailleurs un peu assez que l’on parle des « mamans », ce que l’on ne fait nulle part ailleurs.

M. Jacques Grosperrin. Elles sont là en tant que mamans !

Mme Sophie Taillé-Polian. Ce sont des femmes libres, pour la plupart, de choisir. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) Il ne faut pas les infantiliser ainsi !

Certaines de ces femmes font ce choix. D’autres, qui ne portent pas le voile, sont tout aussi asservies à leur domicile. J’aimerais que cesse ce féminisme de circonstance ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Max Brisson, rapporteur. Il faut lire le texte !

Mme Catherine Troendlé. Vous n’avez pas le monopole du féminisme !

Mme Sophie Taillé-Polian. Nous saurons vous redire, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, notamment lors de l’examen du projet de loi de finances, à quel point vous n’êtes pas au rendez-vous de la lutte contre les féminicides et de l’égalité entre les femmes et les hommes ! (Protestations sur les mêmes travées.)

Je pense, quant à moi, que ces femmes sont, pour la plupart d’entre elles, des citoyennes qui font leur choix, que l’on soit d’accord ou non avec ce choix.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Sophie Taillé-Polian. C’est à ce titre qu’elles interviennent au sein de l’école en tant qu’accompagnatrices, dans le cadre de leur choix personnel. En tant que parents, elles ont le droit de rester qui elles sont.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, sur l’article.

M. Rachid Temal. Je vais essayer de calmer les passions… On le voit, ce texte suscite de nombreux débats, tout comme la question du voile dans la société française. Mais nous pourrions, d’abord, regarder quels sont nos points communs, les points qui nous rassemblent.

Dans cet hémicycle, nous sommes tous favorables au principe de laïcité. Il faut qu’on se le dise, il n’y a pas à cet égard deux camps qui s’opposent, même si nous pourrons avoir des débats le moment venu.

Nous sommes tous favorables à la lutte contre le communautarisme et l’intégrisme, d’une part, et contre les identitaires, de l’autre. Parfois, les deux ont partie liée et s’organisent ensemble parce qu’ils ont, les uns et les autres, comme l’a dit Laurence Rossignol, une vision particulière de la société française. Nous sommes là pour les combattre.

Nous pouvons également nous dire que l’égalité entre les femmes et les hommes est un objectif partagé et soutenu sur toutes les travées.

M. Rachid Temal. Nous pouvons aussi convenir que la question de l’unité nationale est un bien précieux, et que la laïcité est un élément essentiel qui permet à tous de croire ou de ne pas croire, et à toutes les religions de notre pays d’exister.

Il existe par ailleurs dans notre société des forces, de diverses origines religieuses, qui souhaitent que leur dogme dépasse la République. Nous devons les combattre.

Cela étant dit – et je crois que nous sommes d’accord sur ces points –, on peut se demander pourquoi ce texte est présenté.

S’il s’agit du bien de l’enfant et de son développement, on pourrait décider que des personnels de l’éducation nationale participent à chaque sortie scolaire et l’organisent, auquel cas la question de la présence des parents serait totalement réglée.

S’il s’agit du port du voile, la question posée concerne le prosélytisme religieux, que nous combattons. Mais, dans ce cas, quelle sera la prochaine étape ? Après l’école, il faudra aller toujours plus loin…

Je préfère une société qui organise aujourd’hui un débat sur le vivre ensemble et sur la façon de faire vivre la laïcité au XXIe siècle. Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce que l’on modifie la loi de 1905, car elle nous permettra parfaitement d’avancer.

Je considère que cette proposition de loi est un texte d’opportunité qui n’apporte pas de réponse et ne résout rien. Je m’y opposerai donc. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.

M. Laurent Duplomb. La question est simple. Si l’on considère que la sortie scolaire est le prolongement logique de la classe, et qu’il s’agit d’un temps scolaire au même titre que la classe, alors les règles qui s’appliquent dans ladite classe doivent aussi s’appliquer à l’extérieur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est aussi simple que cela ! Le reste, c’est de la politique ou de la posture !

À titre personnel, si la question se posait, je voterais contre le principe d’une interdiction des signes religieux dans l’espace public. Or nous ne parlons pas de cela ! Le sujet est celui des sorties scolaires dans le cadre de la classe. Les règles doivent s’appliquer dans la droite ligne de ce que d’autres, avant nous, ont prévu dans les différentes lois relatives à l’espace scolaire – la classe, la cour – et aux intervenants. Il est logique d’appliquer les mêmes règles à l’extérieur de la classe, lorsqu’il s’agit de sorties dans le cadre scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)