compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Yves Daudigny,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 3 octobre 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Éloge funèbre de Philippe Madrelle, sénateur de la Gironde

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, madame, c’est – souvenons-nous – avec beaucoup d’émotion et de tristesse que nous avons appris, le 27 août dernier, la disparition du doyen de notre assemblée. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, et M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales, se lèvent.)

Philippe Madrelle nous a quittés au terme d’un combat contre la maladie qu’il menait courageusement, en poursuivant ses activités. Nous avons encore tous en mémoire – c’était au cours de la première session extraordinaire de cet été – l’intervention qu’il avait tenu à faire lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement.

Présent à ses obsèques, le 2 septembre, en l’église Notre-Dame de Bordeaux, je lui ai rendu un premier hommage, au nom du Sénat tout entier, lors de cette cérémonie d’adieu à laquelle assistaient un millier d’habitants de la Gironde et de nombreuses personnalités politiques, dont le président de son groupe, le groupe socialiste et républicain, Patrick Kanner.

Figure emblématique du département de la Gironde, Philippe Madrelle voua sa vie entière à un engagement inlassable au service de ses compatriotes et de l’intérêt général. Ses grandes facultés d’écoute et d’empathie, son humanisme, son indéfectible esprit de justice, de solidarité et de fraternité étaient unanimement salués et suscitaient le respect de tous.

Profondément ancré dans son territoire – oui, « son » territoire ! –, il exerça avec une longévité exceptionnelle, et sans doute inégalée, ses mandats locaux et nationaux. Il fut maire de Carbon-Blanc pendant un quart de siècle, de 1976 à 2001. La confiance des électeurs du canton de Carbon-Blanc, jamais démentie, renouvelée à sept reprises, lui permit de siéger sans discontinuité quarante-sept années durant au sein de l’assemblée départementale. Il présida aux destinées du département de la Gironde pendant trente-six ans, jusqu’en 2015, avec une brève interruption de 1985 à 1988. Élu pour la première fois au Sénat en 1980, après douze ans de mandat de député, et ensuite réélu sénateur à quatre reprises, il siégea pendant près de trente-neuf ans dans notre hémicycle.

Comme il en convenait lui-même en prenant la parole devant le Sénat, à cette place même, comme doyen d’âge en 2017, « sans doute ne sera-t-il plus possible, à l’avenir, de s’exprimer avec le recul de cinquante années de vie parlementaire ». Et pourtant, ce recul n’est pas inutile, me semble-t-il, à notre vie démocratique…

Philippe Madrelle était né le 21 avril 1937 à Saint-Seurin-de-Cursac, petite commune du Blayais dans le nord de la Gironde, là même où il repose aujourd’hui.

Il fut immergé dans la vie politique dès son plus jeune âge. Son père, contrôleur des contributions, était aussi un militant SFIO et un élu local, conseiller municipal, puis maire de la commune.

Le sport occupa une place importante dans sa jeunesse. Coureur de fond, il fut plusieurs fois champion universitaire de 400 mètres. Ainsi qu’il le déclara plus tard, cette dure école du sport lui donna des leçons de courage, d’endurance, d’humilité et de loyauté.

Titulaire d’un baccalauréat de philosophie et d’un certificat d’études littéraires générales de la faculté de Bordeaux, il débuta dans la vie professionnelle comme instituteur dans un village, puis comme professeur d’anglais.

Mais Philippe Madrelle fut très tôt attiré par la vie politique, où l’entraînèrent tant ses inclinations personnelles que cette solide tradition de militantisme familial. Son père déclarait pourtant qu’il l’avait plutôt poussé vers l’enseignement, car « la politique, c’est instable. Mieux vaut avoir un métier ». (Sourires.) De même, son frère Bernard, également enseignant à l’origine, s’orienta ensuite vers la politique et fut longtemps député de la Gironde, de 1978 à 2007.

Dès 1965, à l’âge de 28 ans, Philippe Madrelle fut élu conseiller municipal d’Ambarès. Deux ans plus tard, il devint le suppléant du député René Cassagne. Cet ami de son père, autre grande figure du socialisme girondin, fut, selon ses propres dires, « l’inspirateur de toute [sa] carrière ».

Philippe Madrelle lui succéda à l’Assemblée nationale en 1968. À l’âge de 31 ans, il fut alors le plus jeune député de France et le benjamin du groupe socialiste. Il ne savait pas encore que le destin le conduirait, cinquante années plus tard, à devenir le doyen du Sénat.

Il fut successivement conseiller général en 1969, adjoint au maire de Carbon-Blanc en 1971, puis, comme je l’ai évoqué, maire de cette commune.

Quelques mois après son élection comme maire, il devint, à 39 ans, le plus jeune président de conseil général de France.

Il s’investit avec passion dans cette fonction. Il s’attacha sans relâche à favoriser le développement de son département – un développement, je souhaite le préciser car c’est un point auquel il tenait par-dessus tout et dont il m’avait entretenu, équilibré entre espace urbain et monde rural, entre la métropole bordelaise et les autres composantes du plus vaste département de France métropolitaine.

Pour ce faire, il dota l’assemblée départementale d’instruments d’action novateurs, comme le fonds départemental d’aide à l’équipement des communes. Il mit également en place des contrats de développement social, urbain et rural, pour soutenir tant les quartiers sensibles que les zones rurales fragilisées.

En 1980, il fit donc son entrée au Sénat. Expliquant son choix de quitter l’Assemblée nationale pour rejoindre notre assemblée, il déclarait alors que sa fonction de président de conseil général l’orientait tout naturellement vers la chambre représentant les collectivités territoriales.

En 1981, il succéda à André Labarrère comme président du conseil régional d’Aquitaine. Pendant quelques années, il fut à la fois sénateur, président de conseil général et président de conseil régional ! (Murmures amusés dans lassemblée.)

C’est une frange de l’histoire qui passe, avec cet hommage que nous rendons, aujourd’hui, dans cet hémicycle, à notre collègue Philippe Madrelle !

À un journaliste du Monde, qui l’avait interpellé sur le cumul de ces lourdes responsabilités, il avait rétorqué qu’il serait prêt à donner l’exemple en cas de vote d’une loi limitant le cumul des mandats, tout en faisant observer que « la carte de visite est imprimée par le [seul] suffrage universel ». (Sourires.)

Au Sénat, Philippe Madrelle choisit de siéger à la commission des affaires étrangères et de la défense, dont il fut membre pendant plus de vingt ans avant de rejoindre la commission de la culture en 2011, puis la commission de l’aménagement du territoire en 2014. C’est donc tout naturellement qu’il prenait régulièrement part aux débats sur les questions de politique étrangère ou de défense.

Il avait gardé de sa jeunesse un intérêt particulier pour le milieu sportif et avait à cœur d’intervenir, presque chaque année, sur le budget de la jeunesse et des sports.

Il profitait également, le plus souvent possible, des séances de questions orales pour défendre les intérêts de son cher département de la Gironde sur des questions qui lui tenaient à cœur.

Philippe Madrelle fut un acteur majeur de la décentralisation en Gironde. Décentralisateur acharné, il était, dans tous les sens du terme, un « Girondin ». Dès 1980, il déclarait croire profondément en l’avenir de la décentralisation, « cette réforme essentielle pour l’avenir démocratique de notre pays ». Aussi s’engagea-t-il avec conviction en faveur des lois de décentralisation initiées par le président Mitterrand et Gaston Defferre.

Il fut en même temps, tout au long de sa carrière politique, un défenseur du monde rural et des collectivités territoriales, tout particulièrement du binôme département-communes. Son épouse me disait combien la rencontre avec les maires, jusqu’au dernier instant, était pour lui un moment où il nourrissait son action.

En 1998, il écrivait dans une tribune libre publiée dans Le Figaro : « Comment imaginer de renoncer à l’inestimable atout de proximité que constitue le couple département-communes ? » Il considérait ces collectivités comme des « socles de notre démocratie ».

En 2002, il défendait, cette fois dans le journal Sud-Ouest, l’avenir du département comme « territoire de référence et d’appartenance » et « collectivité de solidarité ».

En 2014, au cours de la campagne pour les élections sénatoriales, il dénonçait, transgressant même le périmètre établi par sa propre formation politique, la réforme territoriale en cours comme portant atteinte à ce binôme département-communes, qui avait permis – je reprends ses mots – de « mettre fin à des siècles de féodalité ».

Philippe Madrelle avait pressenti, avant tout autre, le péril mortel que ferait courir à notre démocratie une fracture territoriale qui ne cesse, depuis des années, de s’élargir. Souvenons-nous de son allocution de président d’âge en 2017 : « nous avons tous conscience qu’il y a urgence à prendre en compte la lassitude et les attentes des élus locaux, qui animent dans la proximité les cellules de base de la République et de notre démocratie représentative ».

Sa carrière de parlementaire et d’élu local l’avait également convaincu, depuis longtemps, de la nécessité d’une seconde chambre, assurant la représentation de la Nation selon une approche fondée sur les territoires, et ce même s’il pensait que le Sénat devait sans cesse s’adapter et se moderniser.

Je reviens une fois de plus à l’allocution qu’il fit, en qualité de doyen d’âge, en 2017. Il avait tenu à se référer, en tant que Girondin, à Montesquieu, pour qui le bicamérisme était une condition essentielle de l’équilibre des pouvoirs. Il avait également rappelé que le bicamérisme était « la marque des régimes démocratiques ». Selon ses propres mots, le Sénat, loin d’être l’assemblée conservatrice parfois décrite par ses détracteurs, était l’assemblée de l’approfondissement du travail législatif, « un lieu de travail serein et sincère, dont la valeur essentielle est le respect : respect des principes de la République, respect du Gouvernement, respect du pluralisme et de la diversité idéologique, et surtout respect des collègues et de leurs expressions ou opinions, en toutes circonstances ». Ces mots, je crois, sont la meilleure présentation du Sénat.

Soucieux de la préservation et de la transmission de la mémoire de l’action des sénateurs, Philippe Madrelle a tenu à déposer au Sénat, au début de cette année, son fonds d’archives privées liées à l’exercice de son mandat sénatorial.

L’hommage que nous lui rendons aujourd’hui n’est pas uniquement solennel ; il est aussi affectif. C’est un hommage à un parlementaire estimé, un humaniste. C’est un hommage à un défenseur inlassable de la ruralité et des collectivités territoriales, un acteur majeur de la décentralisation et de l’aménagement du territoire, un partisan du bicamérisme, et notre doyen – ce qui a un sens pour chacun d’entre nous, quel que soit le groupe dans lequel nous siégeons.

À ses anciens collègues des commissions des affaires étrangères, de la culture et de l’aménagement du territoire, à ses amis du groupe socialiste et républicain, j’exprime toute notre sympathie.

À son épouse, à ses enfants, à toute sa famille et à tous ceux qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur chagrin.

Philippe Madrelle, nous ne l’oublierons pas comme ça, comme le temps qui passe !

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame, nous sommes aujourd’hui réunis pour honorer la mémoire du sénateur Philippe Madrelle. En tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, j’ai témoigné, lors de ses funérailles à Bordeaux, au nom du Gouvernement, de la reconnaissance de la République à l’un de ses plus fidèles serviteurs.

Philippe Madrelle aura connu un parcours politique exceptionnel. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, lui-même indiquait, lors du discours qu’il prononça comme doyen d’âge du Sénat, à l’ouverture de la séance ayant suivi le dernier renouvellement de la Haute Assemblée, en 2017, que des parcours comme le sien ne seraient bientôt plus possibles.

Il aura en effet exercé les mandats de sénateur, député, maire de Carbon-Blanc, président du conseil général de la Gironde et président du conseil régional d’Aquitaine. C’est une vie entière consacrée à la politique et au bien commun !

Cet engagement tient sans doute à un atavisme paternel. C’est son père Jacques, adhérent de la SFIO et lui-même maire, qui l’éveillera à la politique et au militantisme.

Mais il y a une dimension personnelle dans ce parcours hors du commun : Philippe Madrelle aimait la politique dans le sens le plus noble du terme, parce qu’il aimait les gens et ne répugnait pas non plus au combat politique – on peut même dire qu’il en avait le goût. « Seule la victoire a un intérêt », avait-il confié à son biographe dans la perspective de la publication d’un ouvrage retraçant son parcours.

Cette ardeur au combat politique n’était peut-être pas étrangère à son goût pour la compétition sportive, qu’il pratiqua dès son plus jeune âge, remportant, année après année, le cross de l’école primaire avant de devenir le champion de 400 mètres que vous avez évoqué, monsieur le président.

Mais cet homme politique d’une redoutable pugnacité était aussi un homme chaleureux et sensible. L’un n’allait pas sans l’autre, et la longévité de son parcours illustre la confiance qu’il aura su inspirer à ses électeurs, pour lesquels il éprouvait un attachement sincère et réel. Il savait se montrer à l’écoute de chacun, avec une curiosité inépuisable et une profonde empathie.

Après ses premiers pas dans l’enseignement à Ambarès, il fut élu conseiller municipal SFIO en 1965, à l’âge de 28 ans, puis succéda à René Cassagne en qualité de suppléant, devenant à 32 ans le plus jeune député de France, du département le plus grand de France métropolitaine.

En 1967, il devient président du conseil général, fonction qu’il exercera, à l’exception d’une période de trois ans, entre 1985 et 1988, jusqu’en 2015.

Précurseur de la décentralisation, il crée en 1977 un fonds départemental d’aide à l’équipement des communes, qui constituera un instrument d’aménagement précieux au service d’une exigence de justice et d’équité territoriales. Seul le Lot de Maurice Faure et la Nièvre de François Mitterrand s’étaient alors dotés d’un instrument comparable.

Il manifesta ainsi précocement les qualités qui feront de lui le grand aménageur auquel les lois Defferre permettront de donner sa pleine mesure. « Pas de Gironde à deux vitesses », se plaisait-il à dire, et il mettra en place, au fil des années, les instruments permettant aux 535 communes de son territoire, qu’elles soient petites ou grandes, de se couvrir d’équipements structurants : places, salles polyvalentes, gymnases – tous ces lieux où se tissent les liens invisibles et indispensables qui font la cohésion sociale.

En 2017, dans son discours d’ouverture de la séance publique, il portait un regard rétrospectif sur son action et disait avoir découvert, dans ses fonctions d’élu local, « l’importance déterminante du rôle des politiques d’aménagement et de solidarité mises en place par des institutions de proximité comme le conseil départemental ».

À cette attention portée à l’équilibre territorial s’ajoutait un combat contre les inégalités. Philippe Madrelle s’investit tout particulièrement dans la politique de l’aide sociale à l’enfance, qui constitua l’un des axes de ses mandats de président de département et fut sa fierté, lui qui avait débuté sa carrière en tant qu’enseignant.

Son territoire, il en avait une intime connaissance, connaissance des lieux, du patrimoine – du plus grandiose au plus modeste –, des élus aussi. Hervé Gillé, qui lui succède, a confié à la presse ses souvenirs de la campagne électorale de 2014, et son admiration de voir Philippe Madrelle appeler par leurs nom et prénom tous les maires et les adjoints rencontrés à cette occasion. Évoquant son souvenir, votre collègue Françoise Cartron a pu déclarer facétieusement : « Pas besoin de GPS avec Philippe Madrelle : il connaît toutes les routes de Gironde ! »

C’est fort de cet enracinement local que Philippe Madrelle deviendra député, puis sénateur. Après avoir siégé à l’Assemblée nationale de 1968 à 1980, il entra au Sénat et fut réélu à cinq reprises. Il y siégera près de trente-neuf ans.

Ardent défenseur du bicamérisme, il voyait la Haute Assemblée, non seulement comme une « tribune » des territoires, pour reprendre le terme qu’il employait, mais aussi comme une institution essentielle à l’équilibre des pouvoirs, cher à Montesquieu, comme lui Girondin.

Philippe Madrelle avait une longue expérience, mais ne se laissait pas entraîner à la facilité d’une nostalgie stérile. Il constatait les modifications profondes d’exercice du mandat parlementaire, en particulier, et des mandats politiques, en général. Il appelait de ses vœux l’approfondissement du travail des assemblées, tout en souhaitant que le Sénat puisse continuer à relayer les préoccupations de toutes les collectivités territoriales.

Ce fut un homme qui suscita des vocations et forma des générations de jeunes élus talentueux et dévoués. Pour son territoire, pour la République, il eut la générosité de se projeter au-delà de lui-même. Il était conscient de la défiance manifestée par nos concitoyens envers nos institutions et ceux qui les incarnent, et appelait à la vigilance face à une lassitude des élus.

Le projet de loi que le Sénat s’apprête à examiner lui aurait sans doute donné l’occasion de débattre avec le Gouvernement des moyens de conforter ces hommes et ces femmes politiques sans lesquels la démocratie ne peut fonctionner.

Philippe Madrelle aura incarné une certaine génération d’hommes politiques, pour lesquels l’engagement était celui d’une vie. Fidèle à ses électeurs, fidèle à son parti, fidèle à son territoire, inlassable bâtisseur, il laisse un vide béant pour ses proches, pour son épouse, ses enfants, sa famille, ses collaborateurs, ses concitoyens, ses collègues du groupe socialiste et républicain, l’ensemble de ses collègues au Sénat. Je leur adresse à tous, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, mes condoléances attristées.

M. le président. Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de notre doyen Philippe Madrelle. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme et MM. les ministres, observent une minute de silence.)

3

Hommage aux victimes d’une attaque à la préfecture de police de Paris

M. le président. Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de suspendre la séance, conformément à notre tradition, en signe d’hommage à Philippe Madrelle, je vous propose maintenant d’avoir une pensée pour les quatre fonctionnaires de la préfecture de police de Paris, morts en service jeudi dernier et auxquels la Nation a rendu hommage ce matin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme et MM. les ministres, observent une minute de silence.)

Nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que le Sénat sera appelé à se prononcer le jeudi 10 octobre, à dix heures trente, sur les conclusions de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable relatives à la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête afin d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.

Le délai limite pour le dépôt des amendements sur cette proposition de résolution est fixé à demain, mercredi 9 octobre, à dix-sept heures.

Avant le vote du texte, la parole sera accordée pour explication de vote à un représentant de chaque groupe pour une durée de deux minutes trente.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

5

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Article additionnel avant le titre Ier - Amendement n° 745 rectifié bis

Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (projet n° 677 rectifié [2018-2019], texte de la commission n° 13, rapport n° 12).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, État et collectivités ont la République en partage. Les élus locaux, au premier rang desquels les maires, sont au plus près des citoyens, de leurs demandes, encouragements ou récriminations.

Dans tous mes déplacements, je constate la volonté inébranlable de femmes et d’hommes portés par la fierté d’agir au quotidien pour leurs habitants. Ils conduisent leur mandat avec un engagement sans limite.

Lors des consultations menées dans le cadre du grand débat national, les maires ont pu témoigner de cet engagement. Ils ont également confié leurs attentes et leurs aspirations. Ces attentes, je les comprends au regard de la complexité de la tâche à accomplir et de leur farouche volonté d’apporter à nos concitoyens les meilleures réponses à leurs problèmes du quotidien.

Le projet de loi dont votre assemblée entame l’examen est une première réponse concrète. Il est porté par Sébastien Lecornu, qui a mené une large concertation, tant avec les élus locaux qu’avec les parlementaires.

Ce texte propose deux leviers majeurs. D’une part, il redonne des libertés locales, afin que les élus retrouvent des capacités d’action et que les décisions se rapprochent du terrain, en proposant une meilleure articulation entre communes et intercommunalités. D’autre part, il lève certains freins à l’engagement et au réengagement des élus locaux dans la perspective des prochaines élections municipales.

Les propositions de ce texte sont résolument pragmatiques : elles visent à donner plus de souplesse et à remettre de la proximité dans l’exercice des politiques publiques.

Ces actions sont très attendues au sein des territoires. Elles s’inscrivent dans la droite ligne de la mission que je mène à la tête de mon ministère : relever le défi de la cohésion des territoires.

À cette fin, nous avons renouvelé notre cadre d’action publique. Nous partons des besoins, des modes de vie locaux, pour proposer un accompagnement sur mesure des projets de territoire à travers les programmes d’appui. Nous travaillons en partenariat avec les collectivités territoriales pour revitaliser les centres-villes, promouvoir le retour de l’industrie dans nos campagnes, conforter le lien social et l’emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou encore assurer le déploiement du service public. De manière générale, nous voulons que chacun de nos concitoyens dispose des mêmes chances et des mêmes possibilités, quel que soit l’endroit où il habite.

L’État devient facilitateur, accompagnateur des élus locaux, au lieu de se conduire en prescripteur. C’est ainsi que nous avons conçu l’agenda rural, que le Premier ministre et moi-même avons présenté au congrès des maires ruraux, le 20 septembre dernier à Eppe-Sauvage, dans le département du Nord. D’ailleurs, nombre de mesures inscrites dans le projet de loi que nous vous présentons aujourd’hui sont la traduction de mesures proposées dans cet agenda rural.

C’est cette même philosophie qui guide les travaux préalables au prochain acte de décentralisation et de différenciation ; ce nouveau texte, appelé désormais « 3D » – décentraliser, différencier, déconcentrer –, vise plus largement à incarner les nouvelles relations entre l’État et les collectivités. Il permettra de développer une boîte à outils pour adapter notre action commune aux réalités locales. Il sera le réceptacle pour envisager de potentiels transferts de compétences entre l’État et les collectivités ou entre les collectivités elles-mêmes. Il sera également le réceptacle des mesures qui permettront, demain, d’assouplir la procédure d’expérimentation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de céder la parole à Sébastien Lecornu, je tiens à vous le dire une nouvelle fois : l’État et les collectivités – j’en ai la conviction – ont destin lié pour dessiner l’avenir de nos territoires. La cohésion des territoires, objectif qui nous réunit, c’est le pari d’une France conquérante, parce qu’elle est attractive. Nous ne relèverons ce pari qu’en faisant alliance avec les collectivités territoriales, qui ont fait la démonstration de leur pleine maturité.

Je n’en doute pas : le Sénat, dans sa grande sagesse, mettra tout en œuvre pour renforcer ces libertés et responsabilités locales, comme il l’a encore signifié récemment.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ces enjeux sont tellement importants pour l’avenir de nos territoires qu’il nous faut y travailler collectivement, et de façon constructive ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président du Sénat, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, Jacqueline Gourault vient de le rappeler : la question territoriale a déjà fait l’objet de nombreux actes législatifs. Je pense évidemment à la proposition de loi de Mme Gatel relative aux communes nouvelles,…