M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Claude Haut, je vous prie avant tout d’excuser Mme la ministre des armées, qui est actuellement en déplacement.

Vous décrivez fort justement dans votre question l’enjeu de sécurité nationale que représente l’espace pour notre pays. C’est à la fois un enjeu de compétition, mais aussi, comme vous l’avez dit, un enjeu potentiel de conflictualités.

Face à cet enjeu et – je dirais même – à ces menaces, nous avons décidé de renforcer notre action. Notre autonomie stratégique dépend en effet de notre capacité à sécuriser nos moyens spatiaux. Comme vous l’avez rappelé dans votre question, cette préoccupation était au cœur de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, qui prévoit le renforcement de nos capacités nationales de surveillance de l’espace exoatmosphérique et de connaissance de la situation spatiale, par le biais, entre autres, du renouvellement de tous nos satellites militaires de renseignement.

La nouvelle stratégie spatiale de défense décidée par le Président de la République permet d’aller encore plus loin. Il s’agit désormais d’étendre notre surveillance des activités en orbite et de disposer des capacités nécessaires pour protéger, si besoin activement, nos intérêts spatiaux.

À la suite des annonces faites par le chef de l’État, le 13 juillet, à l’hôtel de Brienne, comme vous l’avez rappelé, le grand commandement de l’espace qui sera créé d’ici à septembre au sein de notre armée de l’air rassemblera immédiatement 230 spécialistes.

Il sera progressivement développé, tout particulièrement à Toulouse, siège du Centre national d’études spatiales, d’où nous mènerons nos opérations spatiales militaires. Mme la ministre des armées détaillera ce projet à Lyon, le 25 juillet prochain.

C’est au travers de cet effort que nous protégerons nos satellites et nos moyens d’action dans l’espace, afin de contrer d’éventuelles menaces, et que nous garantirons l’usage pacifique de l’espace, dans le cadre fixé par les traités internationaux, auxquels le Gouvernement est particulièrement attaché. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

déficit budgétaire et dette

M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Ronan Le Gleut. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Je vous donne un chiffre, monsieur le Premier ministre : 2 359 milliards d’euros, voilà le montant de la dette publique française au premier trimestre ! Ce n’est plus une petite montagne de dettes, c’est un Everest de dettes !

Pour bien se rendre compte de ce que chiffre vertigineux représente, il faut le ramener aux 67 millions d’habitants de notre pays. Notre dette s’élève, par habitant, à 35 210 euros. Ainsi, une épée de Damoclès plane au-dessus de la tête de chaque Français.

Face à cet Everest de dette, quel choix faites-vous ? Vous augmentez encore les dépenses publiques ! C’est une hausse de 4,6 milliards d’euros, pour un budget de 267,5 milliards d’euros, alors qu’il existe des économies à faire en revoyant le train de vie de l’État, en réduisant le périmètre de la fonction publique, en réformant l’AME, ou encore en réévaluant l’efficacité des politiques publiques. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

J’en viens à ma question : pourquoi abandonnez-vous la promesse électorale, faite par le candidat Emmanuel Macron, de faire montre de plus de sérieux budgétaire et de « ne pas léguer une dette insoutenable à nos enfants » ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le sénateur Le Gleut, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), nous avons trouvé 3,4 % de déficit.

Le projet de loi de finances que je présenterai à l’automne avec Bruno Le Maire ne présentera plus qu’un déficit de 2,1 %, soit une différence de 28 milliards d’euros en deux ans ; tant la Cour des comptes que les commissions des finances l’auront constaté. D’ailleurs, M. le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui appartient à votre groupe, monsieur le sénateur, s’en est félicité lors du débat d’orientation budgétaire, la semaine dernière.

On peut toujours se dire qu’il faut baisser les dépenses publiques. Dans ces cas-là, attendons d’avoir une relation normale et constructive entre les chambres. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas au niveau !

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez, monsieur le sénateur, voté contre toutes les baisses de dépenses publiques que nous avons présentées à l’approbation de cette chambre. (MM. Julien Bargeton et Martin Lévrier applaudissent.)

Celle-ci a voté, et vous-même, monsieur le sénateur, avec sa majorité, contre la mission Travail lors de l’examen de la dernière loi de finances, mais aussi de la loi de finances pour 2018, prévoyant la suppression d’une grande partie des contrats aidés. Vous avez voté contre les économies en matière de logement. Les deux thèmes que je viens d’évoquer ne représentent, certes, que 3 milliards d’euros de baisse de la dépense publique. Il est vrai que c’est compliqué de faire baisser la dépense publique !

Quant à la mission Agriculture, qui a été portée par M. Guillaume et son prédécesseur, je vous renverrai à la question que vient de poser M. Raison, que je vois assis juste à côté de vous, monsieur le sénateur : vous parvenez, dans une même séance, à nous reprocher de ne pas assez dépenser pour l’agriculture, puis, quelques secondes après, de continuer à dépenser trop ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez, monsieur le sénateur, voté contre la mission Écologie. Or j’ai déjà eu à répondre, au Sénat, à sept questions relatives à la réforme des trésoreries. En effet, nombre de sénatrices et de sénateurs, sur ces travées, tous très sincères dans leur démarche – j’en suis tout à fait convaincu –, souhaitent que nous ne fassions pas d’économies au sein de la fonction publique, notamment à la direction générale des finances publiques.

Mme Sophie Primas. Baissez la fiscalité !

M. François Grosdidier. Vous faites faire les économies par d’autres !

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez voté, monsieur le sénateur, contre toutes les baisses de dépenses. (Cest faux ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

C’est vrai qu’il y a pire. Vos collègues de l’Assemblée nationale, il y a quinze jours, ont présenté une proposition de loi qui contenait 17 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.

Mme Sophie Primas. Deux mensonges ne font pas une vérité !

M. Gérald Darmanin, ministre. En cette matière, monsieur le sénateur, vous êtes manifestement croyant, mais pas pratiquant ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.

M. Bernard Cazeau. Il aurait mieux fait de se taire !

M. Ronan Le Gleut. Notre dette publique représente 99,6 % de notre PIB ; voilà son montant réel ! Près de 100 % du PIB ! Si les taux d’intérêt augmentent, vous faites courir une véritable catastrophe financière à la France ! L’épée de Damoclès s’abattra alors sur les Français. En ne faisant pas d’économies, vous faites courir un risque réel au pays. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe La République En Marche.)

Il reste deux mois pour revoir votre copie. Le Sénat vous proposera des économies. Écoutez le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

déploiement de la 5g

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Marc Laménie. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’action et des comptes publics, ainsi qu’à M. le secrétaire d’État chargé du numérique, parmi d’autres !

Les contours du lancement de la 5G se précisent. L’attribution des fréquences devrait avoir lieu avant la fin de l’année. Bercy peut apprécier, puisque la cession des fréquences devrait lui rapporter entre 3 et 5 milliards d’euros.

Cependant, monsieur le ministre, vous êtes face à un choix : soit tirer le maximum de profits pour l’État, soit imposer aux opérateurs des investissements permettant de couvrir rapidement l’ensemble du territoire, même le plus éloigné. Pour ce faire, il convient de baisser les recettes.

Selon le choix qui sera fait, les déserts numériques en France s’accentueront ou reculeront. L’État a-t-il la volonté, monsieur le ministre, de faire de l’aménagement du territoire une priorité ?

Malgré un discours qui se veut rassurant, il semble que l’État ait aujourd’hui choisi de privilégier les recettes. En 2025, deux tiers de la population seraient couverts, ce qui veut dire qu’un tiers ne le serait pas ! La fracture numérique va encore se creuser.

Il ne faut pas renouveler les erreurs du passé. Le déploiement de la 4G avait privilégié les villes. N’oublions pas nos territoires ruraux ! Avec une recette aussi élevée que celle que vous escomptez, l’histoire risque malheureusement de se répéter.

Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à renoncer à ces recettes pour permettre aux opérateurs, au travers d’un cahier des charges très exigeant, d’investir et de consacrer ces sommes à la disparition rapide et totale dans notre pays de la fracture numérique, qui alimente la fracture territoriale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances et du ministre de laction et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Laménie, comme vous l’avez dit, le cahier des charges des enchères 5G vient d’être soumis à la consultation publique par l’Arcep. Il reprend d’ailleurs les grandes orientations qui avaient été données par le Gouvernement en avril dernier.

Je veux vous assurer que les objectifs du Gouvernement en la matière sont exigeants. C’est pourquoi nous souhaitons, notamment, mettre l’accent sur le développement des usages professionnels, par le biais de services différenciés, y compris dans les zones rurales. La volonté du Gouvernement est en effet – vous avez bien soulevé le problème sur ce point – de trouver un équilibre entre rendement et couverture du territoire. Pour ce faire, nous avons décidé de changer quelque peu l’approche qui a été la nôtre par le passé et de ne plus avoir une approche seulement financière.

En effet, c’est un enjeu d’équité pour le territoire. Nous espérons que chaque opérateur aura, en 2025, 12 000 sites équipés en 5G. Pour mémoire, aujourd’hui, le réseau de chaque opérateur compte environ 20 000 sites. De plus, avec la montée en débit de la 4G et le déploiement de la 5G d’ici à la fin de 2025, 90 % des sites mobiles seront capables de délivrer plus de 240 mégabits par seconde, contre 100 mégabits aujourd’hui ; ce sera donc un très bon débit.

Nous avons en particulier demandé que 20 % à 25 % des sites équipés le soient dans les campagnes comme zones de déploiement prioritaire, et ce dès 2024. L’objectif en effet n’est pas que les opérateurs fassent toutes les villes au début et les zones rurales à la fin. Ce déploiement sera donc rapide.

Monsieur le sénateur, vous l’avez dit : il est important de rappeler que les fréquences radioélectriques font partie du patrimoine de l’État. Nous avons ainsi tiré toutes les leçons des procédures d’enchères de nos voisins, pour que ce patrimoine soit valorisé, sans toutefois, je le répète, mettre en danger la capacité des opérateurs à déployer rapidement cette technologie sur tout le territoire.

Le Gouvernement est en train de mener une étude de valorisation de ces fréquences afin de déterminer le montant des redevances qui seront associées à ces nouvelles attributions. Nous saisirons la Commission des participations et des transferts, qui devrait rendre un avis à ce sujet vers la fin du mois de septembre prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.

M. Marc Laménie. Monsieur le secrétaire d’État, il faut reconnaître que ce sujet n’est pas simple. Il convient de donner la priorité à l’aménagement du territoire. L’aménagement numérique et la lutte contre la fracture numérique sont une priorité depuis des années.

Naturellement, on compte sur l’engagement total du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il est seize heures pile, signe que chacun a respecté le temps de parole. Merci !

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 23 juillet, à seize heures quarante-cinq.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Article additionnel après l'article 3 terdecies - Amendement n° 73 rectifié bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'énergie et au climat
Article additionnel après l'article 3 terdecies - Amendements n° 70 rectifié ter  et n° 436 rectifié ter

Énergie et climat

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’énergie et au climat.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'énergie et au climat
Article additionnel après l'article 3 terdecies - Amendement n° 435 rectifié ter

Articles additionnels après l’article 3 terdecies (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 70 rectifié ter est présenté par Mme Ghali, M. Iacovelli, Mme Monier, M. Manable, Mme Lepage et M. Mazuir.

L’amendement n° 436 rectifié ter est présenté par MM. Jacquin, J. Bigot, P. Joly, Roger et Marie, Mme Blondin, M. Montaugé et Mme Perol-Dumont.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3 terdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l’article L. 5321-1 du code des transports est complété par les mots : « en prenant en compte la pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre générées par le séjour du navire en port ».

La parole est à Mme Samia Ghali, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié ter.

Mme Samia Ghali. Il a fallu suspendre précipitamment la séance ce matin et nous n’avons pas pu aller au bout de la discussion sur les navires polluants.

Je ne suis pas contre le tourisme, bien au contraire. La question économique est importante, notamment quand il est question des ports. Il n’y a pas de débat sur ce point. En revanche, on ne peut pas demander aux Français des efforts pour polluer moins avec leur véhicule, alors qu’un bateau de croisière pollue autant qu’un million de véhicules !

Madame la ministre, on ne peut pas faire comme si cette réalité n’existait pas. Il faut donc prendre des mesures. Vous évoquez l’électrification des quais : même si des efforts ont été consentis, elle existe seulement pour les bateaux qui font la navette entre Marseille et la Corse ; elle ne concerne donc pas l’ensemble du port de Marseille.

C’est pour cela que ma question est importante. On ne peut pas se contenter d’attendre 2025 en espérant que tout soit résolu à cette date.

Cet amendement vise donc à mettre en place une taxe permettant de financer plus rapidement l’électrification des quais, afin que les bateaux qui stationnent sur le port de Marseille puissent se raccorder à l’électricité et ne pas laisser tourner leurs moteurs qui utilisent un fioul lourd très polluant pour la ville.

J’entends les propos du rapporteur et les vôtres, madame la ministre. Pour autant, je ne peux m’en satisfaire…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Samia Ghali. … et, jusqu’en 2025, accepter que les bateaux continuent de polluer lors des pics de pollution.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 436 rectifié ter.

M. Olivier Jacquin. Cet amendement identique a un objet proche de l’amendement qui a été défendu ce matin, avant la suspension.

Il s’agit de prendre en compte la pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre des navires de croisière stationnant dans les ports dans la fixation des droits de port. Il s’agit non pas d’interdire, mais, pour le temps du stationnement, de tenir compte de la pollution dans le calcul des droits de port.

Ainsi, selon l’étude récente du think tank Transport & Environnement, les 47 navires de la compagnie maritime Carnival émettent plus de soufre en un an que l’ensemble des voitures circulant en Europe. En France, quatre ports figurent dans le top 50 des ports les plus pollués par ces navires qui auraient émis plus de 5,9 tonnes de soufre sur notre territoire : Marseille, Le Havre, Cannes et La Seyne-sur-Mer.

Madame la ministre, vous avez affirmé que des pistes intéressantes étaient en cours d’examen. À partir de 2021, un nouveau carburant permettrait de diviser par sept les quantités de soufre émises. Malgré tout, ce carburant polluerait toujours 500 fois plus que le diesel utilisé par les véhicules automobiles. Ce serait un progrès, mais il serait insuffisant.

La perspective d’une alimentation des navires stationnant à quai par du gaz naturel liquéfié, ou GNL, et des branchements prendra un certain temps à se concrétiser. Il s’agit donc d’envoyer un signal en amont.

M. le rapporteur a précisé avant la suspension que, telles qu’elles sont rédigées, les mesures contenues dans ces amendements viseraient tous les navires. Or il s’agit bien du temps de stationnement dans les ports. Un chalutier rentré au port ne fait plus tourner son moteur. En revanche, un navire de croisière et de tourisme consomme du carburant pendant son arrêt.

Selon vous, madame la ministre, il vaudrait mieux agir à l’échelon européen. Mais on connaît ces arguments ! Le Gouvernement l’utilise quand ça l’arrange. L’écocontribution pour l’aérien sera proposée dans le cadre du prochain projet de loi de finances ; c’est une bonne chose. Le Gouvernement a décidé d’envoyer le signal qu’a adressé la Suède l’an dernier pour montrer une direction très forte ; il en est de même pour la taxe GAFA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques. L’adoption de ces amendements identiques alourdirait encore la fiscalité sur les entreprises et donnerait le sentiment d’une forme d’écologie punitive. (M. Olivier Jacquin sexclame.)

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà expliqué. Le problème est simple : voulons-nous que les ports français deviennent des déserts, dès lors que l’on n’a pas une politique européenne en matière de fiscalité ?

Je partage votre préoccupation, mais il faut assumer les conséquences de nos décisions. Or celles-ci pénaliseraient la France sans apporter de réponse à l’enjeu climatique.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Enfin, une telle mesure serait excessivement complexe à mettre en œuvre. Comment savoir que tel navire dépasse les plafonds d’émissions lors de son passage et qu’il faut lui appliquer telle modalité de droit de port ? Il faudrait effectuer des tests sur tous les navires à chaque entrée dans le port…

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques, même si nous partageons l’idée qu’il faut trouver des solutions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Je l’ai dit ce matin, je partage tout à fait cette préoccupation. Personne ne peut se satisfaire d’une pollution liée à la présence de navires au cœur des villes, dans nos ports.

Mme Samia Ghali. On le sait très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement agit avec force. Ainsi, une nouvelle norme sur le soufre qui s’appliquera à partir du 1er janvier 2020 conduit à diviser par sept les émissions. Par ailleurs, la France soutient la création d’une zone à faibles émissions en Méditerranée, qui conduira à diviser encore par cinq les émissions de soufre. On parviendra donc à une division par trente-cinq, si mes calculs sont bons.

Par ailleurs, il faut favoriser le branchement à quai et proposer des carburants alternatifs, notamment le GNL. Il faut s’assurer que les avitaillements en GNL soient possibles dans tous les ports français.

Enfin, ces amendements identiques sont satisfaits. De fait, un certain nombre de ports ont déjà mis en place des récompenses environnementales à destination des navires en fonction de leurs émissions. En outre, à l’échelon réglementaire, nous comptons permettre aux ports de moduler leurs droits en tenant compte de l’efficacité et de la performance environnementale des navires. Ces dispositions seront donc bien mises en place.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Il faudra avoir ce débat, car ces amendements posent question. D’ailleurs, sur Twitter, Mme la présidente de la commission des affaires économiques a déclaré que c’était un vrai débat. (Sourires.)

C’est le gigantisme de certains navires qui est en cause – je suis d’accord avec M. le rapporteur, on ne peut pas mettre tous les bateaux dans le même sac – : 200 navires de croisière polluent en dioxyde de soufre autant que les 260 millions de voitures qui circulent dans l’Union européenne.

Cela pose d’autres questions. Quel accueil pour le tourisme ? Nous sommes un pays de tourisme et avons vocation à le rester, mais Venise se pose aussi ces questions.

Oui, madame la ministre, des choses vont être faites, et c’est tant mieux. J’entends bien l’argument selon lequel on ne peut pas interdire des navires alors qu’ils continuent à naviguer en mer Méditerranée. En même temps, on ne peut pas nous opposer chaque fois que l’on ne peut rien faire tant que l’on ne s’est pas mis d’accord avec tout le monde. Il faut donc un débat public sur le gigantisme de certains navires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il est un point que je n’ai pas mentionné, car on est en train de parler de la pollution au soufre du transport maritime, mais il faut que chacun ait en tête que, en termes d’émissions de CO2 à la tonne transportée, le transport maritime représente 10 fois moins qu’un camion. Il ne faut pas perdre cela de vue.

Nous ne sommes pas en train de débattre d’un projet de loi sur le transport maritime – cela mériterait sans doute d’être prévu à l’avenir –, mais, en termes d’enjeux climatiques, c’est 10 fois moins de CO2 à la tonne-kilomètre.

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. Il s’agit d’un enjeu pour Marseille, la Corse et le pourtour méditerranéen. Personne ne refuse le tourisme, mais comment accepter ces bateaux qui sont des usines à cancer ? Il faut avoir le courage de dire que nous n’en voulons pas autour de nos villes, voire dans nos villes, car ces bateaux de croisière pénètrent dans la ville.

Comment expliquer aux Marseillais que, sous prétexte que la ville a besoin du tourisme, ce n’est pas grave s’ils sont pollués pendant ces pics de pollution – 28 jours depuis le début des grosses chaleurs –, alors qu’on leur impose la circulation alternée ? Ce sont ces gros navires de croisière, de la taille de grands immeubles, qui polluent considérablement, car ils n’ont pas de branchement électrique et tournent à plein régime !

Comment faire ? On ne peut pas leur faire payer de taxes, on ne va pas leur interdire d’entrer dans le port. C’est donc la loi du plus fort ! C’est dommage, madame la ministre. Vous affirmez qu’il faut discuter avec le port, mais le port, c’est l’État dans l’État ! Qui peut discuter avec le port ? C’est pour cela que je vous interpelle au nom des Marseillais sur cette question.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il n’y a pas que Marseille !

Mme Samia Ghali. On ne peut pas, quand Paris connaît un pic de pollution, vouloir que tout monde se mobilise et considérer que, à Marseille, comme cela concerne les bateaux de croisière, ce n’est pas trop grave au regard de l’enjeu économique. Vous n’invoquez pas de tels arguments quand il s’agit de Paris !

Marseille aussi a besoin qu’on la regarde. Les Marseillais ont le droit de respirer correctement et de ne pas subir les problèmes de santé qui sont réels dans le sud de la France.

Nous sommes tous comptables de la santé de nos concitoyens, des Marseillais comme des autres.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Monsieur le rapporteur, vous l’avez souligné, il est impératif que l’Europe traite de cette question. Le problème, c’est que l’on risque d’attendre longtemps. On va continuer à polluer massivement, et presque allègrement, les villes qui, comme Marseille, sont victimes de ces navires.

Il n’y a pas trente-six solutions. Oui, madame la ministre, je sais que vous étudiez un dispositif, mais nous avons là l’occasion d’envoyer un signal fort en adoptant ces amendements. Ne nous en privons pas !

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Madame la ministre, vous donnez des explications satisfaisantes concernant les émissions de gaz à effet de serre, mais ce n’est pas de cela qu’il est question. Il existe différents types de polluants. On parle là du soufre et des oxydes d’azote que contiennent les fiouls lourds. Ce n’est pas la même problématique que la pollution par le diesel des automobiles. On dispose d’études épidémiologiques montrant que la situation est catastrophique dans certains endroits ; ma collègue Samia Ghali vient de le dire.

Comme vient de le rappeler Roland Courteau, il s’agit d’envoyer un signal qui témoigne d’un souci de justice entre les différents types de carburant et les différentes activités de transport. Ce n’est tout de même pas la même chose de prendre sa voiture le matin pour aller au boulot et de partir en croisière sur un paquebot en polluant ceux qui ne peuvent pas partir en vacances. Je ressens très fortement cette exigence dans le débat qui monte actuellement.

Selon vous, madame la ministre, ces amendements pourraient être satisfaits du point de vue réglementaire – vous nous donnez presque raison –, mais, comme le souligne mon collègue Roland Courteau, autant que le Parlement envoie ce signal. Ce serait un progrès utile dans ces temps difficiles.