Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Les études de RTE prennent bien en compte le scénario le plus pessimiste, à savoir la non-mise en service de l’EPR de Flamanville et de la centrale de Landivisiau. (M. Fabien Gay proteste.) Or ces analyses ont mis en lumière le rôle particulier de la centrale de Cordemais dans l’approvisionnement électrique de l’ouest.

Le Gouvernement ne souhaite pas introduire dans la loi une dérogation relative à cette centrale : il n’entend pas revenir sur les engagements pris. Cela étant, avec le groupe EDF, nous étudions le projet Ecocombust, qui permettrait de répondre aux impératifs de sécurité et d’approvisionnement tout en respectant le plafond des missions.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. M. le rapporteur l’a rappelé : parmi les questions essentielles figure l’avenir de la centrale au gaz de Landivisiau. De plus, le dossier de Cordemais recouvre lui-même plusieurs sujets. Aujourd’hui, la position de RTE est très claire : on ne peut pas fermer cette centrale, qui, selon l’expression consacrée, sécurise la Bretagne électrique tant que les autres modes de production ne sont pas en service.

En prenant un peu de hauteur, l’on retrouve un volet du débat que nous poursuivons depuis hier. Au travers du cas de Cordemais et, plus largement, du dossier de l’alimentation électrique de l’ouest de la France, on le constate clairement : pendant une époque, qui, je l’espère, est révolue, le pilote a disparu de l’avion ! Il faut bien le dire : dans cette affaire, l’État a fait un peu n’importe quoi…

La centrale au gaz de Landivisiau, c’est un chèque de 40 millions d’euros par an au titre du mécanisme de capacité. Or cet équipement n’était probablement pas nécessaire, au regard des évolutions du mix électrique : à l’époque de cet investissement, d’autres productions se dessinaient déjà. Un câble d’éolien offshore arrivera d’Irlande, les énergies renouvelables se développent en Bretagne… Bref, nous sommes face à une véritable gabegie financière !

Madame la ministre, cette décision est d’un autre temps : vous n’étiez pas alors au pouvoir – nous étions sous Nicolas Sarkozy. Mais, sur ce dossier, on a cumulé à peu près toutes les erreurs ! Et, à l’époque, le chèque a été accordé à Direct Énergie.

On a réussi à ne pas prolonger le câble d’éolien offshore de Saint-Nazaire jusqu’à Cordemais. Il s’arrête quelques kilomètres plus loin : pour faire de Cordemais un site de stockage d’hydrogène – il s’agit effectivement d’une solution de substitution, par rapport à Ecocombust –, il faudra donc acquitter le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le Turpe, ce qui aurait pu être évité : mais ce facteur n’a pas été anticipé non plus.

Lorsque l’on dresse la liste des erreurs commises, on aboutit à cette conclusion : il est temps que l’État revienne à la barre.

Enfin, le dossier d’Ecocombust n’est pas réductible à l’échelle locale. Si le processus industriel fonctionne, il pourra être exporté : il répond aussi à des besoins de valorisation des bois de classe B ailleurs dans le monde. En ce sens, il présente un grand intérêt. Mais encore faut-il que le projet soit opérationnel : il faudra être extrêmement vigilant, notamment pour les questions environnementales. J’y insiste : l’État doit retrouver son rôle de stratège.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Mes chers collègues, au nom du désenclavement électrique de la Bretagne, je ne puis que m’élever contre ce discours. Si le projet de Landivisiau a été élaboré, c’est bien parce qu’une réflexion a été menée, au terme de laquelle l’État, la région de Bretagne et les opérateurs ont signé un pacte électrique.

On le sait bien, la Bretagne souffre d’un fort déficit d’approvisionnement énergétique. Il convenait d’assurer sa sécurisation, et la centrale de Landivisiau est indispensable au regard des besoins, lesquels ont été identifiés et rigoureusement définis. Le pacte électrique breton, ce n’est pas simplement une production énergétique supplémentaire : c’est aussi toute une politique d’économies d’énergie, qui est, bien sûr, nécessaire.

Ce dispositif appelle également une sécurisation, qui tient compte de la fermeture de Cordemais. Cela étant, madame la ministre, il est indispensable de créer un nouvel équipement en Bretagne occidentale : il y va de la sécurisation de notre territoire.

Ce dossier a été entravé par de nombreuses oppositions : quel que soit le domaine, tous ceux qui défendent des projets dans notre pays le savent, il est particulièrement difficile de mener à bien une initiative face aux multiples recours engagés, souvent sans fondement, par on ne sait qui… Revenons à la raison : les différents projets destinés à améliorer l’efficacité énergétique de notre pays doivent se concrétiser ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.

M. Yannick Vaugrenard. Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur la grande responsabilité que représente ce vote.

En décembre dernier, les organisations syndicales ont accepté de remettre en service une tranche de la centrale de Cordemais, à la suite d’un défaut d’approvisionnement électrique en provenance d’un pays d’Europe de l’Est – vous le savez, nous sommes, en la matière, connectés à l’ensemble de nos voisins.

Sans cette décision, les problèmes d’approvisionnement énergétique auraient été considérables : ils auraient pu avoir de très lourdes conséquences domestiques et économiques. Je tiens donc à rendre hommage au sens des responsabilités dont les syndicats ont fait preuve en ces circonstances.

De même, l’ensemble des organisations syndicales a travaillé sur le projet Ecocombust, en liaison particulièrement étroite avec EDF. Ce chantier laisse à penser que, d’ici à 2022, à la place du charbon, la centrale de Cordemais pourrait être dédiée à la biomasse à hauteur de 80 % – à condition, bien entendu, que le bois ou les résidus de bois ne viennent pas d’autres continents, mais de l’ouest de notre pays. En tout cas, les perspectives industrielles sont réelles.

Madame la ministre, dans son avis rendu public en avril dernier, RTE déclarait : « En particulier, l’analyse des problématiques de tenue en tension montre qu’il est nécessaire que la fermeture des deux groupes de charbon de Cordemais intervienne seulement une fois que l’EPR sera mis en service. » Quant à votre prédécesseur au ministère de la transition écologique et solidaire, il admettait que « la préservation de la sécurité d’approvisionnement est un prérequis à l’ouverture ».

Je m’appuie sur ces deux prises de position, notamment sur l’avis de RTE, rendu sur la base d’analyses techniques objectives : notre assemblée prendrait un véritable risque si elle ne votait pas cet amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Madame la ministre, on en revient à Cordemais, et vous ne répondez pas tout à fait à la question, alors même qu’un vrai problème se pose.

Chaque année, la France connaît un pic de consommation électrique pendant un mois ou cinq semaines, que ce soit l’hiver, en particulier pendant les hivers rudes, ou l’été, lorsque nos centrales nucléaires sont obligées de réduire leur production pour des questions de refroidissement. Or ces cas de figure se multiplient.

Vous le savez : c’est pourquoi vous n’inscrivez pas dans ce texte de loi les mots précis « fermeture des centrales ». Vous laissez la porte ouverte pour que, pendant quelques heures chaque année, Cordemais puisse fonctionner. Mais si c’est votre souhait, il faut le dire aux salariés : ils attendent cette mise au point !

En outre, nous sommes plusieurs à vous interroger au sujet d’Ecocombust, et votre réponse est tout de même un peu faible… Si les tests effectués avec 80 % d’écocombustibles et 20 % de charbon, voire 100 % d’écocombustibles, sont jugés concluants, on peut choisir de s’engager plus avant : mais, une nouvelle fois, il faut une réponse claire.

Enfin – pardonnez-moi si je vous parais monomaniaque –, il y a quelques instants, vous avez déclaré à M. le rapporteur : « Nous avons une responsabilité au côté des collectivités. » Non ! L’État, et lui seul, a la responsabilité.

M. Fabien Gay. Il faut parler précisément : vous-même, vous choisissez vos mots avec une grande précision. Si cette responsabilité n’est pas clairement établie, il y aura un flou.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et quand c’est flou, il y a un loup… (Sourires.)

M. Fabien Gay. Exactement, ma chère collègue !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ah non, on ne reparlera pas du loup ce soir ! (Nouveaux sourires.)

M. Fabien Gay. Cette question n’a rien d’anecdotique : on ne peut pas la renvoyer au prochain projet de loi de finances. Traitons-la dès maintenant !

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Mes chers collègues, ma remarque peut sembler quelque peu décalée : mais si la Bretagne est aujourd’hui dans une situation difficile en matière énergétique, l’abandon du projet de centrale de Plogoff y est pour beaucoup…

Mme Françoise Gatel. Alors là, on remonte le temps…

M. Franck Montaugé. Certes, mais il s’agit d’un fait historique indéniable : ce rappel méritait d’être formulé. Flamanville va venir au secours de la Bretagne, et je m’en réjouis d’avance : le plus tôt sera le mieux ! À mon sens, les difficultés actuelles justifient pleinement l’amendement de Yannick Vaugrenard.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Mes chers collègues, je suis élu de la région de Cherbourg, qui accueille l’EPR. Or je tiens à évoquer un autre dossier, qui vient à l’appui de l’argumentation développée par Yannick Vaugrenard : celui de la ligne très haute tension, ou THT, Cotentin-Maine.

Cette ligne a été aménagée dans la douleur, sous le feu des contestations : on l’a justifiée grâce à l’EPR de Flamanville, en précisant qu’elle était destinée à l’alimentation électrique du grand ouest de la France. Il existe donc bien une corrélation entre l’approvisionnement électrique de ce territoire et la centrale de Flamanville ! En revenant sur cet acquis, l’on fragilise juridiquement le dossier de la ligne THT Cotentin-Maine.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le rapport de RTE est public, et le communiqué dont il a fait l’objet est tout à fait clair : jusqu’à la mise en service de l’EPR de Flamanville, il faut maintenir en veille la centrale de Cordemais.

M. Fabien Gay. Voilà !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je crois l’avoir dit : je le répète.

Monsieur Gay, vous m’interrogez au sujet du projet Ecocombust.

M. Fabien Gay. Je ne suis pas le seul !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne l’ai pas testé personnellement… Ce que je sais, c’est que, à petite échelle, ce dispositif fonctionne : à présent, il faut s’assurer qu’il est concluant à grande échelle. Nous avons en tête quelques éléments de comparaison, notamment la centrale de Gardanne. Pour de tels projets portant sur la biomasse, il faut à la fois examiner la viabilité technique et les conditions d’approvisionnement : personne n’a envie de créer une filière fondée sur l’importation de déchets – en l’occurrence, de déchets verts.

C’est bien l’ensemble de ces éléments qu’il faut considérer : les études n’étant pas terminées, je ne voudrais pas soutenir des positions insuffisamment étayées !

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Madame la ministre, Ecocombust sera alimenté par des déchets de bois qui sont de classe B, c’est-à-dire moyennement traités. Savez-vous ce que ces déchets deviennent aujourd’hui ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Ils sont exportés !

M. Roland Courteau. On les envoie en Suède, et une grande partie d’entre eux est enfouie ou détruite. Or, avec le projet Ecocombust, on pourrait les valoriser, ce qui, me semble-t-il, n’est pas négligeable !

Mme Élisabeth Borne, ministre. La question est aussi celle de la quantité !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 344 rectifié quinquies.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 232, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

par l’État

La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Les dispositions de cet amendement pourraient être mal comprises… (Rires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Fabien Gay. Oh, ce n’est pas notre genre !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je tiens donc à dire que nous visons, à ce titre, le même but que la commission : ne pas dédouaner l’État de sa responsabilité, mais s’assurer que seront également impliqués l’État, ses opérateurs et les collectivités territoriales, dans la mesure où il s’agit d’un projet collectif.

Au besoin, je pourrai toutefois retirer mon amendement au profit du suivant, présenté par M. le rapporteur. (Exclamations.)

Mme la présidente. L’amendement n° 479, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

l’État

insérer les mots :

, ses opérateurs et les régions, pour ce qui relève de leurs compétences,

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 232.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Mes chers collègues, effectivement… (Sourires.)

M. Stéphane Piednoir. Que dire de plus ?…

M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’amendement du Gouvernement vise à corriger la précision apportée en commission afin de réaffirmer le rôle de l’État dans l’accompagnement spécifique des salariés.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Néanmoins, il ne faudrait pas restreindre le champ des actions susceptibles d’être engagées : j’entends bien l’argument.

Aussi notre amendement vise-t-il à compléter le texte de la commission : en procédant de cette manière, nous préserverons le travail que nous avons accompli, et nous ferons référence aux opérateurs et aux régions, « pour ce qui relève de leurs compétences ». La colonne vertébrale restera bien la responsabilité de l’État.

Madame la ministre, vous avez anticipé ma demande de retrait de l’amendement n° 232 !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 479 ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis favorable à l’amendement n° 479 et, en conséquence, je retire l’amendement n° 232, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 232 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 479.

(Lamendement est adopté.)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Bravo !

Mme la présidente. L’amendement n° 463, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Après les mots :

Pour les

insérer les mots :

personnels portuaires, notamment les ouvriers dockers, et pour les

II. – Alinéa 9, première phrase

Supprimer les mots :

et en tenant compte, le cas échéant, de leur statut

La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. J’ai déjà évoqué le sort des ouvriers dockers : cet amendement tend à prendre en compte leur situation, car ils sont, eux aussi, concernés par la fermeture des centrales à charbon.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 480, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 463, alinéas 6 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le Gouvernement accomplit une grande avancée en faveur des salariés portuaires, qui, jusqu’à présent, étaient laissés pour compte.

M. Fabien Gay. Tout à fait !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Néanmoins, il convient selon nous de supprimer le II de l’amendement gouvernemental : en effet – je tiens à être parfaitement clair –, nous sommes très attachés au maintien du statut.

M. Fabien Gay. Nous sommes d’accord !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 480 ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Cette mention ne me semble pas utile : comme le prévoit déjà le statut des ouvriers dockers, les reclassements seront proposés en priorité au sein de la branche, quand cette solution sera possible.

J’émets donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 480.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 463, modifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 153, présenté par Mme Préville, MM. Courteau, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Tocqueville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Remplacer le mot :

favorisent

par le mot :

prévoient

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Mes chers collègues, en écho à l’une de nos précédentes discussions, l’adoption de cet amendement pourrait répondre au souhait de nombre d’entre vous.

Avec cet article, le Gouvernement nous demande une habilitation à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures permettant la mise en place par l’État d’un accompagnement spécifique pour les salariés qui perdraient leur emploi du fait de la fermeture des centrales thermiques à charbon.

Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 9 indique que ces mesures « favorisent le reclassement de ces salariés sur un emploi durable en priorité dans le bassin d’emploi concerné et en tenant compte, le cas échéant, de leur statut ». Cet amendement tend à remplacer « favorisent » par « prévoient ». En effet, les salariés ne doivent pas être pénalisés par les mesures gouvernementales en matière d’écologie.

Si ces dispositions se traduisent par la fermeture des centrales à charbon, le Gouvernement doit assumer le préjudice subi par le personnel. Il revient donc à l’État de veiller à ce que les salariés qui perdraient leur emploi soient effectivement reclassés : c’est la moindre des choses ! Ce n’est pas comme si nous avions affaire à une multinationale qui délocaliserait son activité je ne sais où, et dont chacun, le Gouvernement en tête, déplorerait les suppressions d’emplois.

L’engagement dans la transition énergétique et écologique suppose une programmation de la reconversion industrielle des sites affectés et des mesures d’accompagnement volontaristes de la part des autorités publiques : in fine, c’est notre mode de production et notre mode de consommation qui, dans leur ensemble, doivent progressivement basculer vers la sobriété énergétique, vers une énergie beaucoup plus verte.

Cet effort implique, à moyen et long termes, une véritable vision, et non un simple affichage. L’Allemagne a prévu de mettre 40 milliards d’euros sur la table pour financer la reconversion des territoires touchés par la fermeture des centrales à charbon à l’horizon 2038. Le programme de fermeture des centrales doit garantir un nouveau poste aux salariés ayant perdu leur emploi : cette responsabilité sociale est du ressort du Gouvernement, dans la mesure où c’est ce dernier qui prend l’initiative des fermetures.

Pour une fois, faisons bien les choses, de manière à être fiers de nos choix : sinon, une tache indélébile viendra ternir notre belle affiche du « zéro charbon » !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le constat est le même que précédemment : tout doit être fait pour reclasser les salariés dans les meilleures conditions possible, mais l’on ne peut pas passer d’une obligation de moyens, qui, au demeurant, a toute son importance, à une obligation de résultat, qui reviendrait à garantir à chacun un CDI dans son bassin d’emploi et, le cas échéant, au statut.

De fait, avec une telle obligation de résultat, l’État devrait employer lui-même les personnes à qui il ne parviendrait pas à trouver un emploi ; ou bien les entreprises sous statut, ainsi que les autres entreprises du bassin d’emploi, seraient tenues de reprendre l’ensemble de ce personnel.

Nous devons faire preuve d’exigence, et nous le faisons : la commission a encore renforcé le dispositif. Mais ne laissons pas croire aux salariés – il y va également de notre responsabilité – que l’État se substituera à leur employeur pour leur garantir un emploi à vie.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, en insistant une nouvelle fois sur l’obligation de moyens qui incombe à l’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Effectivement, les possibilités de reclassement des salariés des industries énergiques et gazières, les IEG, relèvent d’abord de la branche. Par courrier du 29 avril dernier, le Gouvernement a saisi cette dernière, et elle doit lui adresser ses propositions avant le mois de septembre 2019. Dès lors, l’État prendra un certain nombre de mesures qui viendront compléter l’action engagée, d’une part, par les entreprises concernées et, de l’autre, par la branche.

M. le rapporteur le souligne avec raison : nous sommes face à une obligation de moyens, et il ne s’agit pas de passer à une obligation de résultat.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, les dispositions proposées par Mme Préville sont très importantes : l’enjeu, c’est la crédibilité de la transition énergétique dans les milieux populaires, qui sont frappés de plein fouet par la désindustrialisation. Cette crédibilité ne pourra subsister que si, en dernier ressort, l’État se porte garant d’un emploi dans des conditions correctes, à proximité du territoire concerné.

C’est précisément ce que font d’autres pays : aux États-Unis, un certain nombre de sites industriels ont fermé. À ce sujet, un grand débat a eu lieu entre démocrates et républicains, et, dans certains États, une mesure dite « d’État responsable en dernier ressort » a été mise en œuvre.

En remplaçant « favorisent » par « prévoient », cet amendement vise à obliger l’État à agir : dès lors, non seulement ce dernier jouera son rôle d’accompagnateur, mais il sera proactif. Au mieux, il suscitera des réponses nouvelles, trouvera des solutions avec les acteurs locaux et les territoires concernés ; et, en dernier ressort, il jouera un rôle de garant.

Les salariés ont été vaccinés par les plans de reconversion qui, depuis plus de dix ans, se sont multipliés : on leur a tant de fois promis des milliards et des milliards pour garantir leur reconversion ! Résultat des courses : il n’y a quasiment plus d’emplois industriels dans ces régions, qui sont sinistrées.

Voilà pourquoi la crédibilité de l’État est en cause. En l’occurrence, nous parlons de quatre centrales : certes, beaucoup de salariés sont concernés, mais cet engagement est à la portée d’une nation riche, puissante, et qui doit engager des mutations industrielles pour répondre à la transition énergétique.

Si nous ne faisons pas ce travail, nous subirons le doute permanent de nos concitoyens. Ils perdront confiance en l’État et en la République. Au nom de l’intérêt général, on demande des efforts : les salariés doivent avoir l’assurance qu’ils ne seront pas les seuls mis à contribution !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 153.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 86 rectifié, présenté par MM. Henno, Lafon, Détraigne et Louault, Mmes Férat, Guidez et Vullien, MM. Bockel, Mizzon et Prince, Mme C. Fournier et MM. Cigolotti, Longeot et Delahaye, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Supprimer le mot :

notamment

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à indiquer plus clairement que les mesures mises en place pour accompagner les salariés des centrales de production d’électricité à partir du charbon, appelées à fermer au 1er janvier 2022, favoriseront un reclassement vers des emplois durables. C’est précisément le sujet qui vient d’être évoqué.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Mon cher collègue, j’entends bien votre préoccupation. Mais, en réalité, en supprimant ce « notamment », on limiterait le champ des mesures d’accompagnement qui pourront être mises en œuvre.

La volonté du législateur est claire : favoriser le reclassement vers un emploi durable, en priorité dans le bassin d’emploi et en tenant compte, autant que possible, des statuts particuliers dont disposent les salariés.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Mizzon, Canevet et Danesi, Mme de la Provôté, MM. Détraigne, Grosdidier et Henno, Mme Herzog, MM. Laugier, Le Nay, Longeot, Masson et Moga et Mmes Billon, C. Fournier et Saint-Pé, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans un délai de deux mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant ce qui est envisagé en matière de modalités de financement de l’accompagnement spécifique mentionné au II.

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, depuis hier soir, ou du moins depuis cette nuit, votre ambition pour l’écologie, pour l’environnement et pour la transition écologique est – j’en suis sûr – plus forte que jamais. Plus que jamais, vous avez à cœur de montrer que la transition écologique n’est pas antinomique de la politique sociale : bien au contraire, ces dernières se marient. L’une est le prolongement de l’autre, et vice-versa.