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Article 2 bis (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'énergie et au climat
Article 3

Énergie et climat

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’énergie et au climat.

Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus, au sein du chapitre II, à l’article 3.

Chapitre II (SUITE)

Dispositions en faveur du climat

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'énergie et au climat
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 277

Article 3

I. – L’article L. 311-5-3 du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Afin de concourir aux objectifs prévus aux 1° et 3° du I de l’article L. 100-4 du présent code et de contribuer au respect du plafond national des émissions des gaz à effets de serre pour la période 2019-2023 et pour les périodes suivantes, mentionné à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement, l’autorité administrative fixe un plafond d’émissions applicable, à compter du 1er janvier 2022, aux installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles situées sur le territoire métropolitain continental et émettant plus de 0,55 tonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure.

« Les modalités de calcul des émissions pour l’atteinte du seuil de 0,55 tonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure, notamment la nature des combustibles comptabilisés, ainsi que le plafond d’émissions prévu au premier alinéa du présent II sont définis par décret. »

II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant la mise en place par l’État d’un accompagnement spécifique :

1° Pour les salariés des entreprises exploitant les installations de production d’électricité mentionnées au II de l’article L. 311-5-3 du code de l’énergie dont l’emploi serait supprimé du fait de la fermeture de ces installations résultant du même II ;

2° Pour les salariés de l’ensemble de la chaîne de sous-traitance des entreprises mentionnées au 1° du présent II dont l’emploi serait supprimé du fait de la fin d’activité des installations de production d’électricité mentionnées au même 1°.

Ces mesures favorisent notamment le reclassement de ces salariés sur un emploi durable en priorité dans le bassin d’emploi concerné et en tenant compte, le cas échéant, de leur statut. Elles prévoient également des dispositifs de formation adéquats facilitant la mise en œuvre des projets professionnels de ces salariés et précisent les modalités de financement des dispositifs d’accompagnement.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au présent II.

La mise en œuvre des dispositions de l’ordonnance prévue au présent II fait l’objet d’une présentation par le Gouvernement, un an après sa publication, devant les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.

M. Roland Courteau. Plusieurs questions se posent, madame la ministre, concernant les mesures d’accompagnement spécifiques des salariés des entreprises destinées à fermer, ainsi que de ceux qui, appartenant à la chaîne de sous-traitance, verraient également leur emploi supprimé du fait de la fin d’activité de ces entreprises.

Ces mesures seront prises par ordonnance. Nous n’avons aucune raison de ne pas faire confiance au Gouvernement. Toutefois, il me semble tout de même que le Parlement devrait être régulièrement informé de l’évolution de ces dossiers et associé au suivi de la mise en œuvre des mesures d’accompagnement.

La vigilance s’impose, notamment, concernant l’avenir professionnel des salariés et les garanties qui devront leur être apportées. Je pense aux salariés des entreprises appartenant à EDF, comme à ceux dont les entreprises font partie du groupe Uniper. Quelles assurances pouvez-vous nous donner à ce sujet, madame la ministre ? Sans oublier les salariés des entreprises sous-traitantes et les conséquences qui ne manqueront pas de se faire sentir sur les territoires impactés…

Autre remarque, s’il est exact que les salariés des quatre entreprises destinées à fermer sont relativement bien informés de la situation, tel n’est pas le cas des salariés des entreprises de la chaîne de sous-traitance. La plupart d’entre eux sont à mille lieues de savoir ce qui se prépare et ce qui va leur arriver. Cela pose, aussi, un vrai problème.

Concernant la centrale de Cordemais, j’ai noté cette précision indiquée dans l’étude d’impact : si la mise en fonctionnement du réacteur européen à eau pressurisée, dit « EPR », de Flamanville est retardée – et elle le sera, nous le savons –, une production à Cordemais sera nécessaire pour garantir la sécurité d’approvisionnement de l’ouest de la France. Pour cette raison, Yannick Vaugrenard a d’ailleurs présenté un amendement, dont les dispositions me semblent répondre à cette préoccupation.

Enfin, je voudrais dire un mot sur le projet Ecocombust de Cordemais.

Alimenté par les déchets bois de classe B, bois faiblement traités, avec un objectif d’utilisation de 80 % de déchets bois et de 20 % de charbon, ce projet, me dit-on, participerait à l’économie circulaire, alors que, à l’heure actuelle, une partie de ces mêmes déchets bois seraient envoyés en Suède et le reste enfoui et détruit. Il constituerait, en outre, un dispositif expérimental, susceptible d’aboutir au développement d’une nouvelle filière dans bien des pays.

Quelles sont votre position et vos intentions, madame la ministre, par rapport à ce projet ?

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Nous pensons que la fermeture de ces quatre centrales à charbon en 2022 va dans le sens de l’histoire. En effet, si nous voulons respecter les accords de Paris, il faut laisser 80 % des énergies fossiles dans le sol et, même si les centrales à charbon ne représentent que 1 % de la production d’électricité, il faut bien commencer quelque part.

Je voudrais d’abord saluer le travail de Daniel Gremillet, notre rapporteur, sur l’aspect social de ce dossier. Sous cet angle, le texte sortira du Sénat considérablement enrichi – je l’ai déjà dit en commission et je tenais à le redire, ici, dans l’hémicycle.

Néanmoins, les questions sont encore nombreuses, comme Roland Courteau vient de le relever. Quel suivi pour ces quatre centrales, dont la situation, vous le savez, madame la ministre, diffère selon qu’elles appartiennent à EDF – Le Havre et Cordemais – ou à Uniper – Gardanne et Saint-Avold ? Il y a un problème.

Se pose effectivement la question du suivi des salariés qui sont sous statut et qui doivent retrouver ce statut, mais il y a aussi la question des sous-traitants, qui, eux, ne sont associés à rien et découvrent les choses. Quel avenir pour eux ? Sur un site comme celui de Cordemais, ils sont extrêmement nombreux. Et à ces sous-traitants sur site, s’ajoutent ceux du reste de la chaîne de sous-traitance. Je pense notamment à l’activité du port méthanier.

La responsabilité, je le dis, appartient à l’État ! Il faut qu’un véritable plan soit élaboré.

Une troisième série de questions concerne la reconversion des sites industriels. Que vont-ils devenir ? Quelles actions vont être menées sur les bassins d’emploi concernés ? De nouveau, on ne pourra pas invoquer la responsabilité des collectivités territoriales ! Sur ce sujet, également, il faut travailler à un vrai plan de reconversion des sites industriels.

Autre question – essentielle –, madame la ministre, que pensez-vous du projet Ecocombust mené à Cordemais ? Va-t-on lui laisser du temps pour qu’il voie le jour ?

Enfin, et j’essaie là de compléter les propos de mon collègue Roland Courteau, qu’en est-il des pics ? Aujourd’hui, les centrales à charbon nous permettent de passer, non seulement les pics d’hiver, mais aussi les pics d’été, lorsque nos centrales nucléaires ne disposent pas de suffisamment d’eau pour refroidir. Elles peuvent donc avoir toute leur importance, y compris en plein cœur de l’été.

On parlait d’un remplacement par l’EPR de Flamanville… Ce ne sera pas le cas. Que comptez-vous faire pour garantir le bon fonctionnement du réseau d’approvisionnement ?

Voilà de véritables questions que nous voulons mettre en débat, madame la ministre, et, vous l’avez compris, plutôt de façon constructive, en nous appuyant sur les travaux réalisés dans le cadre de la commission.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Poadja, sur l’article.

M. Gérard Poadja. Nous allons examiner cet article 3, qui sous-entend la fermeture au 1er janvier 2022 des quatre centrales à charbon sur le territoire métropolitain. Mais pourquoi limiter cette mesure aux seules centrales à charbon de l’Hexagone et ne pas inclure celles d’outre-mer ?

N’oublions pas que ces territoires sont, faute de volonté de l’État, très dépendants des énergies fossiles : le charbon représente 40 % de l’électricité produite à la Réunion, 40 % de l’électricité produite en Nouvelle-Calédonie et 28 % de l’électricité produite en Guadeloupe.

Si le Gouvernement considère que les centrales à charbon sont une ineptie pour l’environnement et qu’il faut les fermer, il faut y inclure celles qui sont situées sur les territoires ultramarins et proposer à ces derniers des alternatives moins polluantes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, sur l’article.

Mme Agnès Canayer. L’article 3 prévoit donc un plafond d’émissions de gaz à effet de serre, qui va conduire à la fermeture de quatre centrales à charbon à compter du 1er janvier 2022, dont celle du Havre.

Comme nombre de mes collègues, je m’étonne de l’adoption aujourd’hui d’une telle disposition, dont les effets ont déjà été annoncés, tant aux élus locaux qu’aux décideurs locaux économiques, le 12 avril dernier au Havre et après la rencontre avec les organisations syndicales, le 6 juin, au cours de laquelle a d’ailleurs été évoquée une fermeture anticipée de six mois pour cette centrale du Havre.

La décision est donc actée ; elle correspond à l’air du temps et à la mise en place d’une transition énergétique.

Néanmoins, les conséquences d’ordre économique et social sont fortes : sur le site du Havre, ce sont 170 emplois directs et plus de 600 emplois indirects qui sont affectés, la moyenne d’âge des salariés étant de 40 ans.

Comme le prévoit l’article 3, fortement amélioré par le travail remarquable de notre rapporteur Daniel Gremillet et les amendements d’Élisabeth Lamure, que j’ai cosignés, il est essentiel que la fermeture soit accompagnée d’une politique forte à l’égard des salariés, en l’inscrivant directement dans la loi et en affirmant le rôle central de l’État, à l’origine de cette fermeture.

À cet égard, je voterai l’amendement du Gouvernement tendant à permettre la prise en compte dans les procédures d’accompagnement des personnels portuaires, notamment des ouvriers dockers. En effet, la fermeture aura des effets sur toute l’économie portuaire, avec un impact fiscal, économique et social.

La création d’une filière de l’éolien offshore sur notre territoire du Havre, notamment avec l’arrivée du projet Siemens-Gamesa, permettra de le faire évoluer vers les énergies renouvelables. Je me félicite de la pugnacité des élus locaux, des acteurs économiques et portuaires et de l’État pour faire aboutir ce projet, qui, lui, sera créateur de 750 emplois.

De même, je salue l’engagement du Premier ministre d’augmenter d’un gigawatt par an jusqu’à 2024 la production en éolien offshore et, surtout, son inscription dans la loi, grâce à notre collègue Daniel Gremillet. Cela profitera directement à notre territoire.

Enfin, cette bonne nouvelle ne doit pas réduire notre vigilance quant à l’accompagnement social et économique de la fermeture de la centrale à charbon du Havre, ancrée dans notre paysage depuis plus de cinquante ans.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.

Mme Céline Brulin. À mon tour, je voudrais évoquer la situation des quelques centrales à charbon qui demeurent dans notre pays et, en particulier, la situation de celle du Havre, dans mon département.

Je plaide pour que ces outils industriels aillent au bout des projets qu’ils portent – c’est valable aussi pour la centrale de Cordemais.

Chacun sait ici que le charbon n’est pas le combustible le plus propre, mais je voudrais tout de même insister sur les investissements de l’ordre de 220 millions d’euros qui ont été réalisés sur le site du Havre pour, justement, aller dans le sens d’une transition énergétique. Il serait absolument regrettable que ces investissements, importants, passent par pertes et profits. Il faut que l’on puisse mener à terme les études engagées pour s’orienter vers la combustion de produits verts.

Les centrales à charbon représentent une toute petite partie – peut-être encore trop importante, certes – de la production énergétique, mais, au-delà, c’est de notre indépendance et de notre souveraineté énergétiques qu’il est question. Nous ne réglerions aucunement la question si nous nous privions de ces capacités de production, pour importer de l’électricité produite dans des conditions parfois plus détestables encore !

Par ailleurs, nous attendons toujours une réponse à la question soulevée par Fabien Gay.

Nous avons besoin d’un bouquet énergétique, non pas parce que, pour des raisons idéologiques, nous défendrions les uns et les autres tel ou tel type de production, mais parce que l’électricité ne se stocke pas. Il faut donc différentes formes de production pour répondre à différents besoins ! Or je ne crois pas que, aujourd’hui, nous ayons en France de quoi assurer la production de l’électricité consommée aux périodes de pointe.

Le temps me manque pour développer mon argumentaire, mais le sort qui pourrait être réservé au site General Electric de Belfort risque aussi de nous handicaper. Il est question, là, de se séparer de capacités en turbines à gaz. Si ce n’est pas du charbon, si ce n’est pas du gaz, sur quelle production énergétique pourrions-nous nous appuyer ?

Il me semble donc nécessaire de débattre de ces questions de manière sereine et constructive. On ne peut pas se contenter de politiques que je qualifierais d’« affichage », qui ne règlent rien sur le fond et qui, au contraire, produisent de la désespérance dans nos territoires en massacrant des outils industriels.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Mizzon, Canevet, Danesi, Détraigne et Grosdidier, Mme Guidez, M. Henno, Mme Herzog, MM. Kern, Laugier, Le Nay, Longeot, Masson et Moga et Mmes Billon, C. Fournier et Saint-Pé, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer la date :

1er janvier 2022

par la date :

1er juillet 2025

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.

M. Jean-Marie Mizzon. Je partage l’ambition, comme tout un chacun ici, d’une réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, mais j’estime que la date de fermeture imposée aux centrales à charbon ne prend pas suffisamment en compte l’intérêt des salariés de ces centrales, ni celui des collectivités locales. Voilà pourquoi je propose, par cet amendement, de fixer cette date à 2025.

Le Conseil d’État avait lui-même indiqué que, compte tenu de l’atteinte portée par la mesure aux exploitants des centrales, le dispositif devait être subordonné à l’existence d’un délai suffisant entre l’adoption du texte et sa date d’entrée en vigueur.

La date proposée ici permet d’assurer la transition industrielle et l’accompagnement social des sites. Elle est cohérente avec la directive sur le marché intérieur de l’électricité, également utilisée comme référence dans l’article 3.

L’une des quatre centrales se situe en Moselle, au cœur d’une région où tant d’entreprises ont été fermées, dans un passé parfois pas si lointain, et au cœur d’un bassin qui, plus que d’autres, a besoin d’être soutenu, car le chômage, singulièrement celui des jeunes, y est très élevé.

Aujourd’hui, en dépit des efforts des collectivités locales, des quatre établissements publics de coopération intercommunale touchés et des services de l’État, le projet de territoire est très loin d’être achevé. Quand bien même le serait-il, les actions qu’il portera nécessiteront du temps pour produire leurs effets, surtout si elles sont ambitieuses.

Madame la ministre, je vous demande d’entendre l’appel des territoires !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Nous abordons, c’est vrai, un sujet ô combien important. Je puis vous assurer, mes chers collègues, que, en ma qualité de rapporteur, j’ai pu mesurer, au cours des auditions, le traumatisme que ces fermetures provoqueront sur les territoires concernés ; en effet, il y a l’impact direct sur les sites, mais ceux-ci, de par leur fort rayonnement en termes de sous-traitance, irriguent l’ensemble de ces territoires.

J’ai donc souhaité que l’on s’en tienne à la date de 2022, tout en demandant à l’État, notamment au travers des amendements votés par la commission des affaires économiques, d’assumer pleinement sa responsabilité.

Ce ne sont pas les entreprises, ce ne sont pas les départements, ce ne sont pas les régions qui prennent cette décision de fermeture. Celle-ci est liée à une stratégie nationale.

Il appartient donc clairement à l’État d’en assumer la responsabilité : responsabilité au niveau des sites, responsabilité vis-à-vis de leurs salariés – d’où notre sous-amendement visant à faire référence au statut –, responsabilité, sur le plan économique, envers les territoires concernés, compte tenu du rayonnement de ces sites, et responsabilité – nous ne les avons pas oubliés, et je remercie nos collègues qui les ont évoqués – à l’égard de l’ensemble des sous-traitants.

Je connais bien le site de production auquel mon collègue Jean-Marie Mizzon a fait allusion – nous sommes tous deux de la même région, même s’il est plus proche que moi du site – et, de manière générale, je pense que nous sommes nombreux à avoir des histoires ou des liens de par nos territoires avec ces centrales. Mais s’agissant de l’amendement, je propose d’en rester à la colonne vertébrale qui a été établie, c’est-à-dire à l’échéance de 2022, tout en attendant de l’État qu’il respecte ses engagements.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Nous avons permis une avancée en indiquant que les régions, dans le cadre de leurs compétences, pourront apporter un accompagnement.

Toutefois, il s’agit bien d’un accompagnement des personnes en termes de formation, donc dans une compétence qui relève bien, aujourd’hui, des régions – par exemple en appui du projet de territoire non encore achevé qui a été évoqué –, et non d’une substitution au rôle que l’État doit tenir par rapport aux sites fermés.

Quoi qu’il en soit, le report de l’échéance de 2022 ne serait pas un bon signal. Pourquoi ?

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, je ne voudrais pas être désagréable, mais vous dépassez votre temps de parole.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je ne l’ai pas beaucoup dépassé durant toutes mes interventions précédentes, madame la présidente, et je serai bien plus bref après !

Ce que je voulais dire, c’est que nous abordons cette question au Sénat avec clairvoyance s’agissant des dates, mais aussi avec fermeté quant aux exigences que nous pouvons avoir sur le suivi de ces fermetures.

C’est ce qui m’amène à émettre un avis défavorable sur cet amendement, tout en insistant sur l’attente très forte qui est la nôtre envers le Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Je voudrais, pour ma part, souligner que l’enjeu n’est pas anecdotique en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

Ces centrales à charbon, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, représentent 30 % des émissions de gaz à effet de serre du système électrique, soit l’équivalent de 4 millions de voitures. Je me réjouis donc de voir que, sur ces travées, on partage largement l’objectif d’arrêt de ces centrales à charbon.

Cette mesure soulève évidemment des questions importantes, que je mesure tout à fait.

S’agissant de la sécurité de l’approvisionnement énergétique, le rapport publié par le Réseau de transport d’électricité, ou RTE, en avril dernier montre que la fermeture des centrales à charbon ne pose pas de difficultés, même dans des scénarios pessimistes, dans l’hypothèse d’une absence de mise en service de l’EPR de Flamanville, de la centrale de Landivisiau ou des parcs éoliens en mer et des interconnexions.

RTE a donc pu nous rassurer sur notre sécurité en termes d’approvisionnement énergétique, et ceci en toute transparence, puisque les différentes mesures ont fait l’objet d’une communication publique.

S’agissant des outre-mer, le sujet n’est pas oublié. Ces territoires sont bien pris en compte, avec un objectif d’accompagnement de la baisse des énergies fossiles pour atteindre l’autonomie énergétique à horizon de 2030, ce qui signifie que l’on ne recourra plus du tout à ces énergies fossiles à cette échéance.

De ce fait, chacune des programmations pluriannuelles de l’énergie de nos territoires d’outre-mer devra prévoir des efforts massifs en termes de développement des énergies renouvelables, de conversion d’un certain nombre de centrales, notamment à la bagasse, et d’économies d’énergie.

S’agissant des enjeux pour les territoires concernés par les fermetures, le Gouvernement porte l’ambition de construire, avec les collectivités, des projets de territoire pour les accompagner et leur permettre de rebondir sur d’autres activités – je mesure à quel point le choc peut être dur quand un outil de ce type est fermé.

Nous travaillons actuellement sur ces projets de territoire – le délégué interministériel y travaille –, et je vous confirme, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’État soutiendra leur mise en place.

S’agissant enfin de l’accompagnement des salariés, qu’ils travaillent sur les sites ou au sein des entreprises de sous-traitance, le Gouvernement partage complètement les dispositions introduites en commission. Il les complétera même pour intégrer les dockers, également affectés par la fermeture de ces centrales à charbon.

Nous nous inscrivons donc bien dans une vision d’ensemble, incluant l’enjeu en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la prise en compte de la sécurité de notre approvisionnement énergétique, l’accompagnement des territoires concernés, au travers de projets de territoire qui seront soutenus par l’État, et un accompagnement des salariés appartenant aux entreprises exploitantes ou aux sous-traitants, dans le sens des mesures introduites par la commission.

Au regard de ces différents engagements, le Gouvernement est naturellement défavorable au décalage de l’échéance à 2025, donc à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Nous ne soutiendrons pas cet amendement.

Toutefois, madame la ministre, plusieurs questions vous ont été posées. Vous avez répondu à quelques-unes d’entre elles ; nous aimerions savoir si vous entendez également répondre aux autres.

En particulier, le Parlement sera-t-il informé ? Est-il assuré de pouvoir effectuer un suivi des mesures d’accompagnement, puisque celles-ci vont être élaborées par ordonnance ?

La sécurité d’approvisionnement sera-t-elle vraiment garantie dans le cadre des quatre fermetures ? D’après les informations dont je dispose, il me semble qu’il n’y aura pas de difficultés pour Saint-Avold, Le Havre et Gardanne. En revanche, des problèmes sont à attendre avec la fermeture du site de Cordemais, dans l’attente de la mise en fonctionnement de Flamanville. Nous souhaiterions avoir une réponse précise sur ce sujet.

Enfin, j’ai évoqué le projet Ecocombust, sur le site de Cordemais, qui, comme je l’ai expliqué dans mon intervention sur l’article, vise à utiliser une grande partie de biomasse, notamment issue des déchets de bois de catégorie B. C’est un bon projet, me semble-t-il. Quelle est la position du Gouvernement sur celui-ci ?

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je ne vais pas revenir sur les deux questions que vient de soulever Roland Courteau s’agissant du site de Cordemais.

Vous savez que le problème va se poser, madame la ministre. C’est pourquoi, d’ailleurs, vous prévoyez, non pas une interdiction définitive de produire, mais une réduction de la puissance, ce qui peut vous permettre, le cas échéant, de faire tourner le site un à deux mois par an…

O cela, madame la ministre, c’est inacceptable pour les salariés ! On ne va pas les laisser dix mois au chômage technique et leur demander de venir combler les trous un à deux mois par an ! Sommes-nous d’accord, madame la ministre ? Parce que – personne n’est dupe – c’est bien cela le projet.

Par ailleurs, ayant maintenant l’habitude des mots employés par le Gouvernement, je n’ai pas été rassuré quand vous avez évoqué le « suivi » de la reconversion des salariés. Vous avez précisément employé le terme « soutenir ». « Nous soutiendrons les projets de territoires », avez-vous dit… Non ! Non ! Non ! Ce n’est pas ce que nous vous demandons !

Comme l’a expliqué le rapporteur, dans le cadre de la reconversion des sites industriels concernés, les projets de territoire et l’accompagnement des salariés sont de la responsabilité de l’État. Il est question, non pas de soutenir, mais de faire !

M. Fabien Gay. L’État doit prendre en charge les salariés sous statut, les salariés hors statut et les sous-traitants, et non se contenter de soutenir les projets de territoire et de refiler la patate chaude aux collectivités territoriales. Non ! Non ! Non !

Il faut que l’on se mette d’accord sur les mots, madame la ministre. J’ai pris l’habitude avec la loi pour un nouveau pacte ferroviaire : nous avons ferraillé sur les mots, car nous savions bien qu’ils avaient leur importance, et, in fine, ce que nous avions annoncé s’est produit. J’ai bien écouté votre réponse, et il faut lever le doute.

Cela étant, nous ne soutiendrons pas cet amendement visant à reporter l’échéance à 2025. Sans revenir sur les propos que j’ai précédemment tenus sur le sujet, je rappelle que nous partageons l’avis du rapporteur et son souhait d’en rester à 2022.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Je ne soutiendrai pas non plus le report à 2025, mais je partage les deux points de vue qui viennent d’être exprimés et qui s’inscrivent, d’ailleurs, dans la droite ligne des propos de notre rapporteur.

Une décision est prise par l’État. Dans sa souveraineté, l’État décide ; dans sa souveraineté, l’État assume toutes ses responsabilités, madame la ministre !

À un moment, il faut être parfaitement clair. On ne peut pas se contenter de dire que l’on va soutenir ou accompagner. Honnêtement, je vous le dis, ces mots passe-partout ne sont plus audibles ni acceptés par nos concitoyens.

Des choix sont faits, exprimant la volonté du Gouvernement, du pouvoir exécutif. Comme nous vous soutenons, vous avez toute légitimité. Mais l’État doit assumer sa décision, dans sa plénitude, et l’accompagner. Les territoires prendront ensuite leur part de responsabilité.

S’agissant de la prise en charge, puisque la décision est celle de l’État, c’est à lui de l’assurer.

Je voudrais par ailleurs vous donner de nouveau deux ou trois éléments de contexte, madame la ministre. J’ai eu l’occasion de dire que l’on ne tiendrait pas l’objectif de 23 % d’énergie renouvelable en 2020.