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Débat commun (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018
Débat commun

Orientation des finances publiques, règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2018

Suite du débat et rejet en procédure accélérée d’un projet de loi

M. le président. Dans la suite du débat commun, la parole est à M. Arnaud de Belenet.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018
Article liminaire

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec l’examen du projet de loi de règlement, nous achevons le cycle budgétaire tel qu’il est prévu par la LOLF. En constatant l’exécution budgétaire, cette étude permet aux parlementaires d’examiner les comptes de l’État et, plus encore, d’évaluer la performance de la loi de finances initiale.

Nous débattons donc aujourd’hui non pas d’un simple document comptable, mais d’un vrai outil d’évaluation des politiques publiques, dans l’esprit des rédacteurs de la LOLF.

Le projet de loi de règlement, que la commission des finances a adopté, présente les chiffres clés des finances publiques de notre pays : déficit, taux d’endettement, poids des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires.

En 2017, le déficit est passé, pour la première fois depuis dix ans, sous la barre des 3 % du PIB. Rappelons-nous du contexte : ce résultat a été obtenu avec un effort en dépenses de 5 milliards d’euros et le remplacement de la taxe à 3 % censurée par le Conseil constitutionnel pour 5 milliards d’euros.

En 2018, le déficit s’est établi à 2,5 %. Il s’est de nouveau réduit, et davantage que la prévision retenue en loi de finances initiale. Le déficit public est ainsi amélioré de 0,3 point de PIB par rapport à cette prévision.

L’endettement est quant à lui stabilisé, et la charge de la dette diminue légèrement grâce aux faibles taux d’intérêt.

Le poids des dépenses publiques baisse de 0,6 point, atteignant 54,4 % du PIB en 2018. Le taux de prélèvements obligatoires diminue quant à lui de 0,2 point, et s’établit en 2018 à 45 % du produit intérieur brut.

Ces chiffres, mes chers collègues, valident des choix de politique publique attendus par tous, élus comme citoyens.

La baisse de la pression fiscale est une réalité. Je crois que nous pouvons dire qu’il s’agit d’une demande urgente des Français.

La baisse du ratio de dépenses publiques dans le PIB crédibilise l’objectif d’une baisse de 3 points sur le quinquennat.

Ces choix permettent des rentrées fiscales supérieures aux prévisions de la loi de finances initiale. Il s’agit non pas d’une bonne nouvelle – il n’y a sans doute pas de bonne nouvelle en économie –, mais du résultat de choix de politique économique. Je le dis clairement, ces choix ont permis à l’économie française de créer de la richesse.

Autre constatation, qui doit, au-delà de nos différences politiques, nous rassembler : les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales sont en progression, notamment les dotations d’investissement, qui atteignent 1,482 milliard d’euros, et progressent de 409 millions d’euros par rapport à 2017.

Cela est pour beaucoup dans la progression des investissements des collectivités territoriales de près de 8 % en 2018. Le FCTVA a augmenté de 510 millions d’euros l’an dernier. Je rappellerai l’élargissement de l’assiette aux dépenses de fonctionnement et d’entretien des bâtiments publics et de la voirie.

Enfin, et avant la réforme de la fiscalité locale, qui nous occupera à partir de la rentrée, la TVA versée aux régions a augmenté. Ainsi, celles-ci sont largement bénéficiaires du remplacement de l’ancienne DGF des régions. Je veux faire un parallèle avec la réforme à venir à la suite de la suppression de la taxe d’habitation.

Nous le savons, le scénario privilégié est l’affectation d’une part de TVA aux départements, avec la descente des taxes foncières de propriété au bloc communal. Selon ce scénario, les départements auront des recettes plus dynamiques – la TVA des régions a progressé de 4 % en 2018 –, et les recettes de taxe foncière sur les propriétés bâties ont augmenté plus faiblement dans le même temps. Il y a là, je crois, un motif de satisfaction pour les départements en matière de recettes, mais nous devrons rester vigilants quant aux modalités pratiques de la réforme.

Nous devons aussi collectivement souligner la bonne gestion budgétaire que révèle ce projet de loi de règlement.

Je dis « collectivement », car la bonne adéquation entre autorisation en loi de finances initiale et exécution révélée en loi de règlement signifie que le pouvoir d’autorisation du Parlement a été respecté.

Le taux de mise en réserve a été baissé de 8 % à 3 %, et il n’y a pas eu de décret d’avance en 2018, comme l’a souligné M. le rapporteur général de la commission des finances. Par ailleurs, la publication du projet de loi de règlement a été avancée.

Mes chers collègues, je conclurai mon intervention en m’exprimant brièvement sur l’orientation des finances publiques, c’est-à-dire le premier moment budgétaire de l’année 2020.

Ce débat a lieu malgré les incertitudes autour des grandes données économiques.

En effet, il n’est pas aisé de voir précisément où se situe l’économie française dans le cycle. L’inflation serait à 1,3 % en 2019, à 1,2 % selon les derniers chiffres de l’Insee. Il est difficile de dire, dans ces conditions, qu’il y a surchauffe.

Il est évident qu’il y a débat, et nous l’avons ici, sur le niveau d’endettement de notre pays. Je me réfère à l’article d’Olivier Blanchard de février dernier. Faut-il pour autant se réjouir que la France emprunte à taux négatif sur dix ans ? Je crois que cela pose davantage de questions que cela n’apporte de réponses, notamment sur les moyens de politique macroéconomique à notre disposition en cas de choc.

Enfin, débattre sur l’orientation des finances publiques signifie débattre sur les choix. À cet égard, l’année passée nous a montré la difficulté de trouver un équilibre face aux attentes des Français, à leurs exaspérations aussi, légitimes souvent. Se pose en tout cas toujours la question du travail et des inquiétudes face aux mutations profondes, induites notamment par le défi environnemental, qui nous oblige à faire évoluer nos modes de consommation et de production.

Cet équilibre demande des efforts en matière de réduction des dépenses publiques ; cet équilibre demande des services publics plus efficaces, plus présents sur les territoires ; cet équilibre demande, enfin, des baisses de la pression fiscale.

À la suite du grand débat, le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé des mesures, que nous avons saluées : la baisse de l’impôt sur le revenu de l’ordre de 5 milliards d’euros ; la reconduction de la prime exceptionnelle de fin d’année ; la réindexation des pensions inférieures à 2 000 euros mensuels.

Ces mesures, évaluées à 6,4 milliards d’euros, doivent être financées grâce à un effort accru de maîtrise de la dépense publique et par la révision de niches fiscales et sociales.

Étant donné que nous constatons une croissance des dépenses publiques plus élevée que celle qui est prévue dans le programme de stabilité, mon groupe attire l’attention de tous sur les efforts budgétaires à opérer pour que la trajectoire des finances publiques soit vertueuse.

Mes chers collègues, avec pragmatisme, détermination et constance, mon groupe votera en faveur de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 n’est pas qu’un exercice technique consistant à vérifier la bonne exécution du budget de l’année antérieure. C’est surtout, selon nous, l’occasion de jauger l’efficacité et la pertinence des choix budgétaires faits par le Gouvernement.

Au cours du temps de parole – six minutes – qui m’est imparti, je n’entrerai pas dans le détail des recettes et des dépenses de la loi de finances pour 2018. Je me bornerai donc à évoquer quelques faits et constats saillants de cet exercice.

Je souhaite d’abord revenir sur la suppression de l’ISF, décision idéologique très emblématique de ce gouvernement. L’un des arguments justifiant ce choix était de dire que la France était le seul État du monde à appliquer cet impôt. Or, curieusement, un débat sur ce sujet a lieu aux États-Unis en ce moment même. M. Bill Gates, fondateur de Microsoft et deuxième fortune du monde, a ainsi déclaré dans un show télévisé américain en février dernier : « Le système fiscal pourrait prélever beaucoup plus sur les grandes fortunes. »

Il est évidemment un peu tôt pour évaluer les effets de ce choix, mais il est d’ores et déjà possible de relever ici et là quelques indications. Deux sondages réalisés auprès d’anciens redevables de l’ISF confirment que l’élan vertueux espéré au service de l’économie productive se fait attendre. Ces personnes répondent avoir profité de cette mesure pour consommer un peu plus, peut-être en homards et en vins fins, mais surtout en voyages et en œuvres d’art. Fort peu nombreux sont les anciens redevables à avoir investi dans des entreprises. Très grande sécheresse du côté du ruissellement escompté donc.

Un économiste du MIT de Boston, évaluant les effets de la suppression des impôts sur la fortune dans d’autres pays que la France, à savoir le Danemark depuis 1996, l’Allemagne depuis 1997, la Suède depuis 2007, déclare : « Il n’y a aucune démonstration d’un effet visible et traçable sur l’économie ».

Quelque chose me dit que le débat sur ce sujet n’est pas définitivement enterré, monsieur le ministre.

Une loi de finances, un budget, est un outil indispensable pour garantir à chacun de nos concitoyens l’accès aux droits fondamentaux ; un outil, aussi, pour atténuer les inégalités criantes rongeant notre société, créant une situation d’injustice sociale qui a été relevée de manière spectaculaire depuis novembre dernier sur nos ronds-points et dans les rues de nos villes. La pauvreté sévit dans notre pays et les inégalités s’y aggravent. Citons les constats établis dans le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités : en moyenne, les 10 % des Français les plus aisés perçoivent des revenus 8,7 fois supérieurs à ceux des 10 % les plus pauvres après impôts et prestations sociales.

Notre pays est, après la Suisse – excusez du peu ! –, le pays d’Europe où les riches sont les plus riches. En bas de l’échelle, 5 millions de personnes pauvres vivent avec moins de 855 euros par mois. Franchement, ce n’est pas la prime d’activité concédée au mouvement social qui va résorber ces écarts.

Un mot, à ce stade, sur le choix de mettre en place le prélèvement forfaitaire unique, ou PFU, la bien nommée flat tax. Cette décision a été l’un des piliers de la politique du Gouvernement. Le PFU de 30 % sur les revenus du capital n’a pas pesé sur le budget en raison d’une envolée des dividendes distribués en 2018. Notre pays, de ce point de vue, est devenu champion d’Europe ! L’augmentation de versement des dividendes a atteint 24,34 % en un an, à hauteur de 37,11 milliards d’euros. À l’évidence, les entreprises ont décidé de verser davantage de dividendes pour profiter d’une aubaine fiscale. De fait, le Gouvernement a subventionné le transfert des richesses vers les classes les plus élevées de la population. Vous appliquez le vieil adage libéral « trop d’impôt tue l’impôt », l’idée étant qu’un taux d’imposition bas peut rapporter au moins autant qu’un taux important, dans la mesure où la pression fiscale a des effets désincitatifs sur l’activité. C’est la fameuse courbe de Laffer, chère aux spécialistes.

Cette théorie n’a jamais fait la preuve de sa pertinence.

M. Éric Bocquet. Les nombreuses expériences de baisses d’impôts, aux États-Unis comme ailleurs, en France notamment, ne se sont jamais traduites par une augmentation des recettes fiscales, bien au contraire. Elles ont davantage contribué à dégrader les comptes publics, sans compter l’effet des niches fiscales, qui permettent aux plus riches d’échapper à l’impôt. Messieurs les ministres, les baisses d’impôts et de cotisations ont un revers : elles affaiblissent singulièrement le système de redistribution et mettent la pression sur le budget de l’État.

Au titre du bilan de l’année 2018, il conviendra aussi d’ajouter au passif la diminution des recettes du contrôle fiscal pour la troisième année consécutive. Les sommes notifiées par le fisc ont effectivement chuté, passant de 17,9 milliards d’euros en 2017 à 15,2 milliards en 2018. On apprend également, dans un article du journal Les Échos du 20 juin dernier, que le fisc a abandonné un redressement de 1,4 milliard d’euros adressé au groupe Vivendi.

La lutte contre la fraude fiscale ne fut pas évoquée un seul instant dans le discours de politique générale de M. le Premier ministre, prononcé à cette tribune, voilà quelques semaines. Ce silence ne manque pas d’interroger sur la volonté de ce gouvernement de s’attaquer de la plus forte des manières à ce scandale de notre temps. L’idée de création de l’Observatoire de la fraude fiscale garde toute sa pertinence. Faisons en sorte qu’elle ne disparaisse pas dans les limbes du renoncement et des influences.

Ces résultats budgétaires ne sont pour nous en rien une surprise. Ils découlent mécaniquement des choix budgétaires et fiscaux que nous avions combattus lors du débat sur la loi de finances pour 2018. Ils ne prennent pas en compte la réalité économique et sociale de notre pays.

Je citerai, pour conclure, les propos que M. Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’État, a tenus dans une interview récente : « Il faut aussi avoir une vision claire du rôle de l’État dans la période actuelle de globalisation économique, de défis environnementaux et de fracturation de nos sociétés. Face à ces enjeux, l’État n’a jamais été autant concurrencé, subordonné, fragmenté, banalisé et paupérisé. Et pourtant, il reste ce qui fait que la société tient debout et ensemble. C’est le socle sur lequel la Nation s’est construite, dans un monde où les souverainetés sont battues en brèche par des entreprises multinationales qui se jouent des frontières ».

En conclusion, M. Sauvé nous dit : « L’État a été victime de la doxa libérale ».

Cette doxa, messieurs les ministres, nous ne la partageons pas, et c’est donc fort logiquement que le groupe CRCE votera contre le projet de loi de règlement 2018.

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de règlement, couplé avec le débat d’orientation budgétaire, est toujours un moment parlementaire important. Il conduit à se pencher, d’une part, sur le passé, l’exécution effective des crédits, d’autre part, sur les projections pour les années à venir.

Expression de la volonté d’une approche pluriannuelle de gestion des finances publiques, il éclaire particulièrement bien, à l’échelle d’un quinquennat, les choix politiques opérés par une majorité présidentielle.

Je commencerai, si vous le voulez bien, par évoquer le projet de loi de règlement pour l’année 2018.

Il convient, d’abord, de noter quelques points positifs en termes de pilotage budgétaire, liés notamment à la fin du recours à des décrets d’avance et à l’amélioration de la prévision budgétaire, ce qui se traduit par un recul des sous-budgétisations.

De plus, aucun dégel de réserve de précaution n’a été engagé durant le premier semestre de 2018. Ces progrès certains méritent d’être salués.

Évoquons maintenant les grandes tendances budgétaires constatées en 2018.

L’endettement s’établit à 98,4 % du PIB. Le déficit représente, quant à lui, 2,5 % du PIB, soit 76 milliards d’euros, c’est-à-dire qu’il est inférieur de 10 milliards d’euros aux prévisions du projet de loi de finances pour 2018. Il convient cependant de souligner que ce résultat s’obtient principalement par le biais de deux mécanismes.

En premier lieu, notons la plus-value de 8,8 milliards d’euros de recettes fiscales par rapport à la prévision initiale, qui ne découle en rien de l’action du Gouvernement, mais dont nous ne pouvons que nous satisfaire.

En second lieu, nous pouvons constater, voire dénoncer de nombreuses sous-consommations de crédits. Sur le périmètre de la dépense dite « pilotable », ce sont même 1,4 milliard d’euros de crédits qui n’ont pas été consommés, ce qui n’est pas rien !

Je ne reviendrai pas sur certaines de ces sous-consommations, car elles sont légitimes. D’autres ont un impact négatif extrêmement important, ce que vous me permettrez, monsieur le ministre, d’illustrer avec deux exemples.

Premier exemple, le budget de la défense. Il pâtit d’une annulation de crédits extrêmement marquée, qui s’élève à près de 1,4 milliard d’euros en autorisations d’engagement. Ainsi, vous ne respectez pas les règles que votre gouvernement fait voter en matière de financement des opérations militaires extérieures, les OPEX, et des missions intérieures, les MISSINT !

Second exemple, que je trouve particulièrement éclairant et révélateur des orientations politiques portées par votre gouvernement, la mission « Travail et emploi ». Je prends cet exemple, car il y a un an, monsieur le ministre, à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement pour 2017, vous nous aviez expliqué qu’en la matière, tout était de la faute du gouvernement précédent et que cela ne résultait pas de vos décisions politiques.

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est vrai !

M. Claude Raynal. Je suis curieux d’entendre cette année votre justification…

En 2018, donc, les dépenses de la mission se sont élevées à 11,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 14,95 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution, par rapport à 2017, de près de 2,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 700 millions d’euros en crédits de paiement. Cette sous-consommation de crédits, majoritairement d’intervention, destinés aux publics les plus fragiles a des conséquences sociales très claires.

La montée en puissance des parcours emplois compétences, les PEC, qui ont remplacé les contrats aidés, reste inférieure à celle qui était prévue en loi de finances.

En ce qui concerne les plans d’investissement dans les compétences, les PIC, 72,4 % des crédits de paiement ont été in fine consommés, alors que vous aviez été alerté sur l’insuffisance de l’accompagnement prévu pour consommer efficacement ces crédits, pourtant fort utiles à leurs bénéficiaires.

Enfin, évoquons rapidement la garantie jeunes. Là aussi, l’exécution révèle une sous-consommation évidente. Voilà, monsieur le ministre, je viens d’illustrer, en citant le cas d’une seule mission – mais je pourrais multiplier les exemples –, les conséquences de votre politique qui a conduit à une diminution de l’effort fiscal pour les plus aisés et à l’annonce d’actions non financées. Vous êtes amené, pour équilibrer vos comptes, à rogner sur des dépenses votées, sans apporter d’ailleurs aucune justification satisfaisante en la matière.

Au-delà de cette méthodologie budgétaire, qui n’est pas sans interroger, vous vous targuez de résultats meilleurs que ceux de vos prédécesseurs, monsieur le ministre.

Le déficit du budget de l’État est cependant resté très élevé l’an dernier. Il excède de 33,4 milliards d’euros le niveau qui permettrait de stabiliser la dette exprimée en points de PIB.

Alors que, sous le quinquennat Hollande, la charge de la dette était passée au second rang des dépenses de l’État, elle repasse, cette année, au premier rang, signe de votre échec à maîtriser réellement nos finances. Pourtant, nous avons fait, lors de la discussion du dernier projet de loi de finances, des propositions de recettes supplémentaires, mais vous n’avez pas voulu nous écouter. Ne parlons pas de l’impôt sur le patrimoine, du pacte Dutreil, de la niche Copé au bénéfice des grands groupes !

Nous vous avons également invité à « muscler » votre taxe sur les services numériques, qui reste à un niveau de rendement très faible.

Nous vous avons suggéré, à de multiples reprises, de contenir le poids des niches fiscales. Comme l’a souligné le rapporteur général de notre commission des finances, elles ont continué à largement augmenter au titre de 2018. Rien n’y fait à ce jour !

Pour autant, je veux faire preuve d’optimisme et je me dis que mieux vaut tard que jamais. Du moins est-ce le message que je vous adresse aujourd’hui, monsieur le ministre. En effet, vous semblez, de toute évidence, dans l’incapacité d’engager des réformes structurelles pour contenir le poids de la dépense publique, du moins sans pénaliser les personnes qui ont besoin du soutien de la puissance publique.

Votre politique consiste à aider les multinationales, soutenir les grandes fortunes et équilibrer les comptes de la Nation sur le dos des plus faibles. Ce n’est pas acceptable !

Contrairement à vos affirmations toujours très positives, la publication par l’Insee des comptes de la Nation pour 2018 permet d’avoir une approche beaucoup plus nuancée : non, c’est clair, la politique du Gouvernement ne produit pas les résultats escomptés !

La croissance a été de 1,7 % en 2018, en recul par rapport à l’année précédente. La consommation contribue moins à la croissance qu’en 2017, avec 0,7 point.

Enfin, le taux de marge des sociétés non financières décroît également. Si l’on ajoute à cela le retour à un accroissement des inégalités, on ne peut que conclure que la politique conduite par le Gouvernement est injuste sur le plan social et inefficace sur le plan économique.

L’Insee met par ailleurs en avant le fait que, globalement, le seul secteur tirant véritablement son épingle du jeu en 2018 est celui des sociétés financières, dont l’activité se redresse. L’expression « président des très riches » qui fut accolée au Président de la République est donc aujourd’hui toujours d’actualité.

Vous vous en doutez bien, mes chers collègues, d’une part, du fait de ces résultats économiques, d’autre part, en raison de la méthode consistant à sous-consommer des crédits pour équilibrer le budget, le groupe socialiste et républicain votera contre ce projet de loi de règlement pour 2018 !

Je veux enfin, mes chers collègues, évoquer rapidement le rapport préparatoire au débat d’orientation budgétaire. Malgré tous les indicateurs que je viens d’évoquer, le Gouvernement et votre ministère semblent considérer que tout va bien dans le meilleur des mondes.

Il est vrai, c’est indéniable, que la baisse des taux vous donne des marges de manœuvre supplémentaires. Cependant, une remontée des taux, ne serait-ce que moyenne, aurait des conséquences budgétaires dangereuses. Imaginons une remontée des taux de un point en dix-huit mois : quelles nouvelles politiques publiques en feraient alors les frais ? À défaut de réponse, la question mérite, selon nous, d’être posée !

Je souhaite évoquer un dernier point, monsieur le ministre. À chacune de mes interventions dans le cadre de nos débats budgétaires, j’ai le plaisir de vous rappeler les vôtres, ce que je ne vais pas manquer de faire ! Dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le Gouvernement prévoyait un déficit de 0,3 % en 2022 et une dette à 91,4 % du PIB. Aujourd’hui, vous annoncez que le déficit public sera ramené à 1,2 % du PIB en fin de quinquennat et que la dette sera maintenue autour de 97 %.

En juillet 2017, ici même, vous disiez : « Ces engagements sont chiffrés, monsieur le rapporteur général, vous pourrez le vérifier à la fin du mandat : faire baisser de trois points les dépenses publiques, de cinq points la dette et de deux points le déficit. Ces engagements sont extrêmement ambitieux. »

Quelques mois plus tard, M. Le Maire, qui n’assiste plus à cette séance, indiquait : « Je souhaite à présent passer à un cap “trois, huit, un”, l’objectif étant désormais de réduire la dette publique de huit points, pour qu’elle représente moins de 90 % du PIB en 2022. Je considère en effet que nous le devons à nos enfants et aux générations à venir. »

Où en sommes-nous pour 2022 sur la base du nouveau programme de stabilité ? S’agissant de la dépense publique, zéro. Concernant la dette, un. Pour le déficit, un. Autant dire que l’on passe du « trois, huit, un » ambitieux à un « zéro, un, un » plus modeste. Était-ce bien la peine, monsieur le ministre, d’être aussi affirmatif en 2017 ?

Sans doute auriez-vous dû être un peu plus modeste en début de quinquennat. D’autant plus que, à ce jour, nous n’avons vraiment pas beaucoup de réponses à nos questions portant sur de nombreuses dépenses annoncées, dont certaines sont mises en œuvre, mais ne sont pas budgétées. Je pense, par exemple, à la taxe d’habitation ou à la baisse de l’impôt sur le revenu. Vous parlez de suppression de niches fiscales et de réduction des dépenses de fonctionnement de l’État : c’est tout de même un peu léger, me semble-t-il.

Un autre point mérite d’être évoqué, comme d’autres l’ont fait avant moi : le budget social de la Nation.

Nous attendions un excédent de 100 millions d’euros pour l’année 2019. Nous en sommes déjà à 1,7 milliard d’euros de déficit, sans compter les 2,7 milliards d’euros découlant des mesures d’urgence adoptées à la fin de 2018. Monsieur le ministre, comment l’État va-t-il financer et compenser cela ? Nous n’en savons rien ! La même remarque vaut pour les administrations publiques locales, les APUL, qui pourraient tout à fait choisir d’augmenter leurs investissements, plutôt que d’accumuler leurs résultats, comme l’espère le Gouvernement.

En définitive, monsieur le ministre, ce débat d’orientation des finances publiques ne nous rassure pas du tout. Il montre des manques inquiétants, des ambitions clairement à la baisse et suscite, pour le dire franchement, plus d’interrogations quant à l’avenir que de certitudes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Éric Jeansannetas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de règlement que nous examinons aujourd’hui est le premier portant sur un budget voté et exécuté entièrement sous la nouvelle mandature. Le premier constat que l’on en tire est plutôt positif : comme l’an passé, on constate une certaine amélioration des comptes de l’État. Le déficit effectif s’est réduit de 0,3 point par rapport à 2018, à 2,5 % du produit intérieur brut. Notre dette publique, pour la première fois depuis 2007, a cessé d’augmenter plus vite que notre PIB, s’établissant, comme l’année précédente, à 98,4 % du PIB.

Cette embellie doit toutefois être tempérée par certains facteurs, mis au jour aussi bien par la Cour des comptes que par le rapport de notre collègue Albéric de Montgolfier. D’une part, elle est en partie conjoncturelle, à la faveur d’une croissance plus forte que prévu, qui risque de s’essouffler dans les années à venir. D’autre part, elle ne permet pas de réduire l’écart qui sépare notre pays de la grande majorité de nos partenaires européens.

L’assainissement de nos finances publiques doit donc se poursuivre, ce qui demandera de passer par des mesures structurelles. Nous pouvons, en ce moment, compter sur des taux d’intérêt très bas, voire parfois négatifs, mais nous devons garder à l’esprit que ces taux ne sont pas gravés dans le marbre.

Notons toutefois que la trajectoire établie dans le projet de loi de finances pour 2019 a dû être corrigée à la baisse après les annonces intervenues en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».

Ces mesures ont ralenti l’effort de réduction de notre déficit. Il s’agit notamment de l’augmentation de la prime d’activité, de l’élargissement du chèque énergie, de la prime à la conversion ou encore de l’annulation de la hausse de la CSG pour les revenus les plus modestes. Je tiens pourtant à les saluer, tout du moins celles que je viens de citer, car elles vont dans le bon sens sur un sujet primordial : redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

C’est d’ailleurs là toute la difficulté, corréler l’équilibrage budgétaire et une amélioration du pouvoir d’achat des Français.

La baisse des prélèvements obligatoires intervenue cette année doit être compensée. Reste à déterminer de quelle manière. Cela peut passer par une meilleure maîtrise de la dépense publique. Toutefois, attention à ne pas couper n’importe où ! Le Gouvernement semble avoir mis de côté le projet de suppression de 50 000 postes de fonctionnaires. Si tel est bien le cas, sans doute s’agit-il d’une sage décision. Il me semble en effet difficilement justifiable, dans un contexte de crise de l’éducation nationale et des hôpitaux, de réduire si massivement le nombre d’agents de la fonction publique, quand bien même les suppressions concerneraient d’autres domaines.

Une autre solution, sur laquelle nous sommes tous d’accord, est d’encourager l’investissement. Or je me demande si les outils choisis jusqu’ici sont vraiment les bons. À commencer par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui a été pérennisé cette année en baisse de cotisations permanente. Rien ne permet de prouver que l’effort très important concédé par l’État soit amorti. On a beaucoup parlé – et on en parle encore aujourd’hui – de Conforama, qui ne constitue qu’un cas particulier, mais intéressant, à relever. L’entreprise s’apprête à supprimer 1 900 emplois en France. Elle a pourtant bénéficié de 63 millions d’euros de crédit d’impôt sur trois ans, dont l’utilisation peut poser question.

Loin de moi l’idée de donner des leçons de stratégie, mais je me demande s’il était pertinent de dépenser 25 millions d’euros sur trois ans à compter de 2017 afin de sponsoriser la Ligue 1 de football, pour, deux ans plus tard, supprimer 1 900 emplois. Peut-être devrions-nous envisager d’autres leviers en vue d’encourager l’investissement et de récupérer des milliards d’euros précieux pour notre équilibre budgétaire.

Je tiens, par ailleurs, à souligner, après vous, monsieur le ministre, l’effort consenti par les collectivités territoriales. La progression de leurs dépenses de fonctionnement a été nettement moindre que l’objectif fixé dans le cadre de la contractualisation, se situant à 0,3 % contre une prévision de +1,2 %. Les collectivités territoriales se sont donc pleinement inscrites dans l’effort collectif de rationalisation des dépenses publiques. Les arbitrages ont sans doute été douloureux. Quoi qu’il en soit, les efforts consentis par les collectivités ont permis de dégager une marge de manœuvre pour accroître les dépenses d’investissement, qui ont progressé de 4,9 % entre 2017 et 2018. Ce chiffre flatteur ne doit toutefois pas faire oublier la disparité des situations. Les territoires les plus fragiles doivent, plus que jamais, être accompagnés.

Je pense réunir l’ensemble des élus du groupe du RDSE, dans toute sa diversité, en affirmant que nous devons mettre l’accent sur la fonction publique de proximité.

Le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, a eu quelques mots encourageants pour les territoires. Il a dit vouloir « éviter de creuser un fossé entre deux France que certains voudraient opposer, mais qui ne peuvent ni vivre ni réussir l’une sans l’autre : la France des métropoles mondialisées et la France périphérique ». Nous ne pouvons qu’approuver cette déclaration d’intention. Elle doit maintenant être suivie d’actes concrets.

Monsieur le ministre, lors de votre visite dans mon département, la Creuse, qui a été un moment fort, vous avez évoqué une réorganisation des services de la direction générale des finances publiques, la DGFiP. Il y a, à ce sujet, des inquiétudes sur le terrain, que je veux faire remonter. Nourries des constats de disparition des services publics, elles concernent, entre autres, les risques de fermeture des trésoreries. Nos concitoyens demandent d’avoir, en face d’eux – et cette revendication est portée par les élus – des interlocuteurs humains plutôt que des ordinateurs. Nous veillons à ce que le service public de proximité soit réellement rendu. Nous serons vigilants sur ce sujet, même si vous partagez, je le sais, cette préoccupation.

Par ailleurs, la vitalité des territoires est irriguée par le tissu associatif, que certaines mesures ont mis à mal. Je pense à la suppression de l’impôt sur la fortune, qui a curieusement anesthésié la philanthropie des donateurs. Je pense également à la réduction du nombre de contrats aidés et, plus généralement, à la baisse notable des crédits de la mission « Travail et emploi ». Faisons très attention à ne pas abandonner nos associations ! En tant que rapporteur de la mission « Sport, jeunesse et solidarité », je serai particulièrement attentif aux conditions de la mise en place de l’Agence nationale du sport, l’ANS.

En ce qui concerne les comptes de la sécurité sociale, comme l’a indiqué M. le rapporteur général, la tendance amorcée en 2015 se poursuit et le déficit continue de refluer, en continuité avec la démarche entamée sous la précédente mandature. En 2018, les comptes sociaux se sont rapprochés de l’équilibre. Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, est tombé à 1,2 milliard d’euros en 2018, contre 5 milliards d’euros en 2017. Les efforts doivent se poursuivre pour permettre à notre modèle social de fonctionner pleinement.

Enfin, la Cour des comptes a relevé un effort de sincérisation du budget, que je ne peux que saluer. Il est primordial de se fonder sur des projections fiables afin de pouvoir maîtriser les dépenses.

En conclusion, mes collègues du groupe du RDSE et moi-même voterons – avec quelques abstentions – ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, en espérant nous être fait entendre sur nos remarques. L’intérêt général et les services de proximité doivent être au cœur de nos réflexions budgétaires. Nos territoires ruraux ou périurbains, nos territoires d’outre-mer, nos petites villes et leurs habitants ne peuvent pas être oubliés.