Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

MM. Éric Bocquet, Dominique de Legge.

1. Procès-verbal

2. Politique générale. – Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. Édouard Philippe, Premier ministre

M. Hervé Marseille

M. Claude Malhuret

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. François Patriat

Mme Éliane Assassi

M. Patrick Kanner

M. Jean-Claude Requier

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Désapprobation, par scrutin public à la tribune n° 150, de la déclaration de politique générale du Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

3. Institution d’un médiateur territorial dans certaines collectivités. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de loi

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

M. Emmanuel Capus

M. Arnaud de Belenet

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Laurence Harribey

Mme Josiane Costes

Mme Françoise Gatel

M. Yves Bouloux

M. Jean-Raymond Hugonet

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Nathalie Delattre

Amendement n° 7 rectifié bis de M. Emmanuel Capus. – Retrait.

Amendement n° 6 rectifié ter de M. Emmanuel Capus. – Retrait.

Amendement n° 10 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 11 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 3 de Mme Laurence Harribey. – Retrait.

Amendement n° 2 de Mme Laurence Harribey. – Retrait.

Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Laurence Harribey. – Adoption.

Amendement n° 14 de la commission. – Adoption.

Amendements identiques nos 5 rectifié de Mme Laurence Harribey et 9 rectifié bis de M. Alain Richard. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 1er

Amendement n° 4 de Mme Laurence Harribey. – Retrait.

Article 2

Amendement n° 12 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 3 et 4 – Adoption.

Intitulé de la proposition de loi

Amendement n° 13 de la commission. – Adoption de l’amendement modifiant l’intitulé.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

4. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

M. Dominique de Legge.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Politique générale

Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 49, quatrième alinéa, de la Constitution.

Après la déclaration de M. le Premier ministre, la parole sera donnée à un orateur de chaque groupe, puis nous procéderons au vote sur la déclaration de politique générale par un scrutin public à la tribune.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, si j’utilise aujourd’hui l’alinéa 4 de l’article 49 de la Constitution pour vous demander l’approbation de ma déclaration de politique générale, c’est pour exprimer mon respect du bicamérisme qui fonde nos institutions et ma grande considération pour la chambre haute.

Cette procédure est rare dans l’histoire de la Ve République. J’ai choisi de l’utiliser par souci de clarté et de responsabilité, dans un moment de bascule de notre vie politique qui nous invite à dépasser des clivages anciens.

Le 5 juillet 2017, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présentais ma première déclaration de politique générale. La plupart des engagements que j’y prenais, conformément au programme du Président de la République, sont tenus ou en cours d’accomplissement. Notre conviction qu’il y a urgence à faire avancer le pays n’a pas changé. Notre détermination s’est même accrue.

Les Français se sont exprimés lors des élections présidentielle et législatives de 2017 et, plus récemment, lors des élections européennes ; je n’oublie pas que les grands électeurs se sont, pour leur part, exprimés en septembre 2017. Mais nous savons tous que nos concitoyens ne s’expriment pas seulement les jours d’élection. La démocratie, ce n’est pas seulement glisser son bulletin dans une urne.

Quelles que soient nos affinités partisanes, quelles que soient les sensibilités politiques que vous incarnez et que vous représentez, vous avez pu mesurer, comme nous tous ces derniers mois, à quel point nos concitoyens sont préoccupés et, souvent, en colère.

Chez beaucoup d’entre eux s’expriment un violent rejet des injustices territoriales et fiscales, des complexités administratives, des ratés de notre système de solidarité, un sentiment de colère face à la vie chère, à une société bloquée, à un ascenseur social qui ne fonctionne plus. Pour beaucoup, la politique est devenue synonyme d’incompréhension et de dépossession. Nos compatriotes demandent plus de proximité, plus de participation. Le président Malhuret, dans une intervention remarquée, l’a dit, comme d’habitude en des termes précis et sans complaisance.

En même temps que leur incompréhension et leur colère, beaucoup expriment leur aspiration à l’engagement : pour leurs valeurs, pour leur ville, pour leurs enfants ou pour la planète.

Vivre dignement de son travail, respirer un air pur, avoir accès à une alimentation de qualité, pouvoir se déplacer, quand on habite à la campagne, pratiquer une activité sportive ou culturelle, voilà qui a du sens pour nos concitoyens.

Créer des emplois et des richesses, tout en gardant la sagesse de valoriser aussi, et peut-être surtout, ce qui n’a pas de prix – l’éducation, le patrimoine artistique, la transmission des valeurs, l’accompagnement des malades ou des personnes âgées –, voilà ce qui préoccupe aussi nos concitoyens, voilà ce qui réconcilie la politique et la proximité, voilà ce qui peut nous réconcilier durablement avec les Français, nous qui nous sommes engagés, quelles que soient les idées ou les valeurs que nous portons, pour améliorer leur vie quotidienne.

Je ne vous résumerai pas la déclaration de politique générale que j’ai prononcée hier à l’Assemblée nationale. Vous l’avez parfaitement entendue, grâce au ministre d’État François de Rugy. Je mesure la surprise qui a été la vôtre, et sans doute aussi la sienne, lorsque vous l’avez entendu vous dire qu’il venait de la droite et qu’il avait été salarié d’une grande entreprise du nucléaire… (Sourires.) Je le remercie d’avoir porté ma voix devant vous, en sachant marquer la distance nécessaire entre celui qui avait écrit et celui qui lisait.

Vous avez donc compris que nous engageons l’acte II du quinquennat du Président de la République. Cet acte II s’inscrit dans la continuité du premier acte, mais s’en distingue très fortement par la méthode. Nous ne renions rien et nous sommes fiers des avancées qui ont été acquises depuis deux ans pour libérer le travail tout en renforçant les filets de sécurité qui protègent nos concitoyens les plus vulnérables. Nous sommes fiers aussi d’avoir consenti un effort sans précédent, en décembre, en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens. C’était nécessaire pour redonner de la confiance et de l’oxygène à beaucoup de Français. Cet effort se poursuivra.

Répondre à l’urgence écologique est le premier axe de notre feuille de route. J’ai présenté hier mon plan de bataille pour les prochains mois. Nous allons accélérer la transformation environnementale de notre économie et de nos transports, rendre plus accessibles et plus incitatives les aides à la rénovation énergétique, en finir avec un consumérisme qui consiste à jeter, à gaspiller avec une insouciance inconsidérée, et qui met en danger la qualité de notre alimentation et de la biodiversité.

Certains nous reprocheront toujours de ne pas aller assez vite ou assez loin, mais, hier, j’ai présenté nombre de mesures qui transforment nos modes de production, de transport, de consommation, de vie. Michel Serres, qui aimait nos terroirs et qui aimait la mer, qui fut un grand penseur de l’écologie, défendait d’ailleurs une idéologie de la courbe, et non de la rupture. Nous sommes convaincus, nous aussi, que respecter la nature, comprendre les enjeux de notre époque, c’est respecter le temps des transformations sûres et durables, plutôt que les soubresauts hâtifs et irréfléchis. Je ne crois pas à l’écologie du Grand Soir ; je crois à l’écologie qui agrège, qui embarque, qui change les actes, et pas uniquement la « une » des journaux.

De surcroît, réparer la planète en abîmant le lien social ne mène nulle part. C’est pourquoi la seconde urgence qui nous anime est de réduire les injustices fiscale, sociale et territoriale, dont les cartographies coïncident en partie. Au centre de la carte, il y a le cœur battant du pays, la France de ce que l’on appelle, par commodité, les classes moyennes ; et ce cœur, on entend qu’il s’essouffle.

Beaucoup de villes, comme Cahors, Limoges, Douai, Vierzon, Autun, Mende, Vesoul, Les Abymes, restent des villes à taille humaine, dynamiques, mais sont fragilisées par la déprise démographique, l’attraction des grandes métropoles et le départ de certains services publics. Notre programme Action Cœur de ville contribuera bientôt à renouveler le paysage urbain de 222 de ces villes, dans toutes nos régions. À Angoulême, l’ancienne clinique Sainte-Marthe, désaffectée depuis 1999, sera transformée en logements, ainsi qu’un îlot de cinq immeubles vacants et murés. À Cahors, la reconquête du centre-ville se traduira notamment par la construction d’un nouveau cinéma. L’accès à l’art ou au numérique ne doit pas être un privilège, parmi d’autres, qui fracturerait notre territoire.

Beaucoup de territoires ruraux se battent, s’équipent en numérique, valorisent leurs atouts, mais s’estiment délaissés, décrochés dans la rapide transformation du monde.

Partout en France, des femmes et des hommes peinent à boucler leurs fins de mois. Dans leurs contributions sur la plateforme du grand débat, ils étaient nombreux à dénoncer le coût de la vie, qui s’entend parfois comme un « coup » qui nous met à terre.

Pour ces hommes et ces femmes, nous voulons que les impôts pèsent moins et que le travail paie mieux. C’est pour eux que nous baisserons l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros et que nous supprimerons en totalité la taxe d’habitation.

Pour les 12 millions de foyers qui relèvent de la première tranche de l’IRPP, l’impôt sur le revenu des personnes physiques, cela représentera un gain de 350 euros en moyenne. Pour les 5 millions de foyers de la tranche suivante, le gain sera en moyenne de 180 euros. Au total, les impôts des ménages baisseront de près de 27 milliards d’euros durant ce quinquennat.

M. Roger Karoutchi. Comment cela sera-t-il financé ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ces baisses seront inscrites dans le projet de loi de finances et seront effectives dès le 1er janvier 2020.

Vous mesurez, autant que moi, le coût de ces mesures. Rien n’est jamais gratuit. Je transigerais malaisément avec l’idée de transmettre à mes enfants mes dettes, y compris celles qui me viennent de mes parents. C’est pourquoi l’annonce de ces baisses d’impôts exige une discipline. Il n’y a pas d’autres solutions, pour financer les baisses d’impôts, que de trouver des économies et de travailler plus.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous avons, en matière de finances publiques, un bilan qui nous donne une légitimité : en 2017, dès notre arrivée, au prix d’un effort remarqué et parfois contesté, nous avons, enfin, ramené le déficit sous la barre des 3 %. En 2018, nous avons stabilisé la dette et, pour la première fois depuis quarante ans, les dépenses publiques ont reculé en volume.

Certains considèrent que ces chiffres sont insuffisants, mais je les renverrai à leur propre bilan : les gouvernements auxquels ils ont participé ou qu’ils ont soutenus ont fortement augmenté les dépenses publiques. Je les renverrai aussi à leurs contradictions : après avoir promis la suppression de 500 000 postes de fonctionnaire ou de l’intégralité des emplois aidés, ils n’ont pas été les derniers à critiquer les mesures courageuses que nous avons prises en la matière.

En parallèle de la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, il nous faut travailler davantage.

Revaloriser le travail implique de rénover profondément notre système d’assurance chômage. Le plein-emploi n’est ni une utopie ni un néologisme allemand ; c’est un objectif réaliste auquel on a trop longtemps renoncé faute de vision et de courage.

Avec la ministre du travail, Muriel Pénicaud, nous détaillerons la semaine prochaine la manière dont nous voulons réformer l’assurance chômage pour inciter au retour à l’emploi durable.

Nous voulons responsabiliser les entreprises qui abusent des contrats courts, à travers un mécanisme de bonus-malus pour les cinq à dix secteurs qui les utilisent le plus.

Nous voulons permettre aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants de se lancer dans de nouveaux projets.

Nous voulons que le travail paie toujours mieux que l’inactivité.

Nous assumons la dégressivité de l’indemnisation pour les salariés dont les revenus sont les plus élevés, car ce sont ceux qui retrouvent le plus facilement un emploi. C’est affaire d’équité et de justice, dans une société de liberté et de responsabilité.

Tout cela n’a de sens que si nous renforçons l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Nous y dédierons une part des économies dégagées et nous associerons les partenaires sociaux et les acteurs de terrain pour trouver des solutions concrètes et efficaces. C’est l’objet même de la mobilisation territoriale que le Gouvernement conduit avec les élus locaux et les partenaires sociaux.

Retisser le lien social implique aussi de renforcer la solidarité entre les générations.

Nous le savons tous, nous l’expérimentons dans nos vies personnelles, la dépendance est l’un des aspects – pas le plus réjouissant – de cette révolution de la longévité qui bouleverse silencieusement nos sociétés. Nous avons trop tardé à nous y confronter, parce que les budgets en jeu sont gigantesques, peut-être aussi par une forme de déni.

C’est notre regard qui doit changer, celui que nous portons sur la place des personnes âgées dans notre société. Nous devons accompagner leur volonté de vieillir à domicile, entendre les familles qui supportent une charge financière importante et qui sont prises en tenaille entre leurs obligations d’enfants et celles de parents, voire de grands-parents, entendre les personnels, dont le métier doit être revalorisé, imaginer des solutions applicables dans une France qui vieillit, certes, mais qui se transforme et dans laquelle les solidarités familiales se mettent en œuvre de manière très différente qu’il y a cinquante ou soixante ans.

Nous devons donc trouver les instruments de financement, de revalorisation, d’investissement et d’accompagnement nécessaires pour préparer notre pays à cet enjeu. La ministre des solidarités et de la santé présentera, à la fin de l’année, un projet de loi qui définira la stratégie et la programmation des moyens nécessaires pour prendre en charge la dépendance. Dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous enclencherons une première étape, avec des mesures favorisant le maintien à domicile et des investissements dans les Ehpad.

Cela fait dix ans que l’on évoque et que, parfois, l’on promet, cette grande réforme de dignité et de fraternité : nous voulons la conduire. Elle constituera, à n’en pas douter, un grand marqueur social de ce quinquennat.

L’autre grand défi de notre génération, c’est la mise en place d’un système universel de retraites.

Le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, après avoir engagé des consultations très intenses dès le mois de janvier 2018, présentera ses recommandations en juillet. Il garantira les mêmes droits et les mêmes règles pour tous, quels que soient les statuts. Un système illisible est rarement juste.

Ce système sera plus redistributif, car il réduira l’écart entre les pensions des plus modestes et celles des plus aisés, ainsi qu’entre celles des hommes et celles des femmes. Nous serons particulièrement vigilants envers ceux qui ont exercé des métiers pénibles et qui se retrouvent, parfois, en situation d’invalidité.

Disons la vérité aux Français : il faudra travailler plus longtemps. (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est une des clés de la réussite du pays. Les Français sont lucides : déjà, l’âge moyen de départ à la retraite est supérieur à l’âge légal, parce que nos compatriotes savent que, grâce à leur travail, ils peuvent bénéficier d’une meilleure pension. Ils ont raison. Nous maintiendrons la possibilité d’un départ à 62 ans, mais nous définirons un âge d’équilibre et des incitations à travailler plus longtemps.

Soyons enfin lucides sur l’état financier de nos régimes de retraite. Contrairement à ce que l’on a pu croire il y a quelques années, le système de retraite n’est pas encore à l’équilibre : les dernières projections du conseil d’orientation des retraites font apparaître un besoin de financement de 9 milliards d’euros en 2022 et de 16 milliards d’euros en 2030. Au-delà, le système ne reviendrait pas à l’équilibre avant les années 2040 à 2050, sous des hypothèses de croissance favorables, qui ne sont que des hypothèses… Cela montre la nécessité d’être attentif dans la construction du système universel, qu’il faut établir sur des bases financières solides.

Retisser le lien social, c’est assurer l’ordre et la sécurité dans le pays, soutenir nos forces de sécurité à l’intérieur et nos soldats à l’extérieur.

Retisser le lien social, c’est regarder en face les phénomènes qui inquiètent les Français, pour leur montrer que nous pouvons garder le contrôle. C’est renforcer la laïcité. C’est maîtriser les flux migratoires ; j’ai annoncé que le Parlement en débattrait en septembre.

Retisser le lien social, c’est renforcer un modèle qui n’est plus toujours adapté aux évolutions de notre société. Je pense aux nouvelles solidarités pour les familles monoparentales, aux aidants ; je pense au projet de revenu universel d’activité, qui simplifiera le système d’aides et mettra un terme au scandale du non-recours.

Je ne reviendrai pas sur les mesures par lesquelles nous misons sur l’égalité des chances dès le plus jeune âge, dès que commencent les apprentissages fondamentaux. Miser sur l’égalité des chances, notamment dans les quartiers, c’est ce que nous faisons en augmentant le nombre de places en crèche, en limitant le nombre d’élèves par classe, en créant des cités éducatives d’excellence et des campus connectés.

La création d’une loi de programmation pour la recherche, qui sera discutée en 2020 et prendra effet à partir de 2021, répond à cette même conviction : on n’investira jamais assez sur l’intelligence et sur la liberté.

C’est pourquoi l’une des priorités de l’acte II du quinquennat sera de lutter contre toutes les formes d’assignations à résidence, notamment territoriales.

C’est le point que je développerai aujourd’hui, devant vous, car je ne l’ai pas abordé hier devant l’Assemblée nationale. Je vous l’ai, en quelque sorte, réservé, puisque vous êtes l’émanation des territoires, des villages et des villes de France.

Les quatre-vingt-seize heures pendant lesquelles le Président de la République a échangé avec des maires de France, de Grand-Bourgtheroulde, dans l’Eure, à Cozzano, en Corse, marqueront l’histoire de ce quinquennat. Elles ont placé les maires dans la lumière, en mettant au jour leur dévouement et leur sensibilité, mais aussi leur découragement. Nous ne pourrons pas transformer le pays sans eux. Sans les élus locaux, la démocratie deviendrait une coquille vide.

Que nous disent les maires ? Ils l’ont dit et répété : ils paient le prix des baisses de dotations et celui de l’application de la loi NOTRe, qui a pu conduire à la création d’intercommunalités de taille « XXL » et de grandes régions qui sont parfois encore contestées et n’ont pas forcément contribué à rapprocher les citoyens des lieux de décision.

M. André Reichardt. C’est le moins que l’on puisse dire…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je citerai un seul de ces maires, celui de Grand-Bourgtheroulde : « Quand est-ce qu’on arrête la machine à broyer la proximité ? » (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.) J’ai peut-être oublié de citer la date à laquelle ont été adoptés les dispositifs législatifs que je viens de mentionner, mais je pense que chacun s’en souvient parfaitement !

Cette exigence de proximité marque une rupture dans les politiques publiques menées depuis longtemps et elle engage autant les collectivités territoriales que l’État.

S’agissant des collectivités territoriales, nous avons trois défis à relever.

Le premier est de conforter les maires, au moment où la crise de l’engagement est aiguë. (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Martial Bourquin. Vous les découragez !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pour la première fois, de nombreuses listes aux prochaines élections municipales seront incomplètes et peut-être manquerons-nous même parfois de candidats aux fonctions de maire. Cette crise de l’engagement, nous devons y répondre. Plus qu’un statut, les maires veulent d’abord un cadre clair d’exercice de leur mandat et plus de libertés locales pour mieux mener leurs projets.

Ce cadre doit être inscrit dans la loi pour ne pas dépendre des situations locales. Il doit garantir une véritable formation, une protection juridique, un accompagnement professionnel et familial. Le Sénat a déjà formulé des propositions ; nous les reprendrons très largement.

Il s’agit aussi de lutter contre ce sentiment de dépossession des maires et de refaire droit aux libertés locales. Des marges de manœuvre doivent être recherchées, sur les effets de seuil qui pénalisent les communes de petite taille, sur le renforcement des pouvoirs de police du maire et sur la suppression d’obligations ou de contrôles qui sont parfois superflus.

Il s’agit enfin de retrouver un équilibre au sein du bloc local entre les communes et leurs intercommunalités. Ces dernières sont indispensables pour porter des projets collectifs. C’est bien souvent à l’échelle d’une intercommunalité que se traitent les questions d’économie circulaire, de réseaux, de logement et de mixité sociale, d’infrastructures, de mobilités, mais force est de constater que, si le maire est toujours « à portée d’engueulade », pour reprendre une expression chère au président du Sénat, il n’a plus toujours, à portée de main, les leviers de décision et d’action. Les récentes réformes, dont la loi NOTRe, ont parfois créé des irritations qu’il convient aujourd’hui de corriger, autour du triptyque compétences-périmètre-gouvernance.

J’ai demandé à Sébastien Lecornu de travailler avec l’ensemble des présidents de groupes du Sénat et avec les associations d’élus pour déposer, avant la fin du mois de juillet, un projet de loi « engagement et proximité ». Conformément à l’article 39 de la Constitution, la Haute Assemblée en sera saisie en premier, dès la rentrée.

Le deuxième défi à relever, c’est de préparer un nouvel acte de décentralisation.

Le Président de la République, en conclusion du grand débat, nous a invités, à la fois, à achever les transferts de compétences déjà entamés, en supprimant les doublons, et à examiner de nouveaux transferts, dans les domaines du logement, des transports, de la transition écologique.

J’ai chargé Jacqueline Gourault de préparer cette importante réforme.

Dans un premier temps, d’ici à juillet, la ministre recevra l’ensemble des associations, d’abord séparément, puis toutes ensemble, en associant les parlementaires.

À partir de la rentrée de septembre, dans chaque région, ce dialogue se poursuivra localement. Chaque préfet de région en sera le garant, dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique, qui réunissent tous les élus.

L’État fixera un cadre, mais, dans chaque région, nous ouvrirons la voie à la différenciation, pour définir avec chaque territoire une réponse adaptée, sur mesure, dans le cadre d’un droit clair, mais adaptable.

C’est la voie que nous avons choisie avec la Bretagne ou avec les deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui formeront bientôt la Collectivité européenne d’Alsace. C’est la voie que nous avons choisie pour la compétence « RSA » avec la Guyane et Mayotte ou encore avec La Réunion. C’est aussi, bien sûr, la voie que nous avons choisie pour la Corse. La révision constitutionnelle consacre sa spécificité et je m’y rendrai début juillet.

Certaines des évolutions qui émergeront de ces consultations locales pourront être mises en œuvre à droit constant, c’est-à-dire sans attendre. D’autres nécessiteront d’adapter la loi : elles viendront nourrir un projet de loi « décentralisation et différenciation » que Jacqueline Gourault présentera à la fin du premier semestre 2020. Le cadre sera donc redéfini avant les échéances électorales de 2021.

Pour y parvenir, et parce que la situation, au fil de réformes successives, est devenue compliquée, il faut partir de principes clairs, ceux que le Président de la République a rappelés.

D’abord, la proximité, voire la subsidiarité : quel est le bon échelon, le plus en capacité de répondre à la mise en œuvre des politiques publiques ou de conduire certains investissements ? Ce bon échelon n’est pas toujours le même partout.

Ensuite, la responsabilité politique : on ne peut plus continuer à détacher les compétences, et in fine les résultats, des élections. En votant pour un maire, le citoyen sait très bien ce qu’engage son vote, et il en va de même pour l’élection du Président de la République. Entre les deux, reconnaissons que c’est encore parfois plus flou.

Enfin, qui décide paie, et qui paie commande, mais qui commande assume ! C’est toute la question des ressources des collectivités.

C’est le troisième défi : nous devons être capables de préciser aux élus, avant le début du prochain mandat municipal, le cadre financier dans lequel ils exerceront leurs fonctions.

Depuis deux ans, la dotation globale de fonctionnement, la DGF, est globalement stable et nous avons augmenté la péréquation pour les communes rurales et urbaines les plus fragiles. Nous préserverons cet acquis.

S’agissant de la fiscalité, nous inscrirons dans le projet de loi de finances pour 2020 les modalités de la suppression complète de la taxe d’habitation et de sa compensation. Depuis 2017, grâce aux travaux menés, en particulier, par Alain Richard, les enjeux et les options de cette réforme sont connus. Ils ont été largement débattus. Le Gouvernement a d’ailleurs fait connaître, dès le mois de juillet 2018, les principes qui lui paraissent les plus appropriés : aucune commune ne perdra de ressources ; chaque contribuable bénéficiera, à plein, de la suppression de la taxe d’habitation ; au terme de la réforme, la fiscalité locale devra être plus claire pour le contribuable.

C’est sur ces bases que Gérald Darmanin et Jacqueline Gourault reprendront, dès la semaine prochaine, les concertations avec les associations de collectivités territoriales. Je souhaite que celles-ci soient le plus approfondies possible.

La proximité, c’est aussi l’affaire de l’État.

Rapprocher la décision des territoires et de nos concitoyens passe par une action méthodique de déconcentration tous azimuts : la décision individuelle prise au niveau national doit devenir l’exception la plus rare. Nous avons engagé un travail de fourmi pour, décision après décision, répondre à cette question : qu’est-ce qui empêche que cette décision puisse être prise au niveau local ? Ce travail a abouti à ce que, d’ici à la fin de l’année, plus de 95 % des décisions individuelles seront effectivement prises dans les territoires. Nous publierons tout au long du second semestre 2019 les textes réglementaires qui mettront en musique cette ambition.

Il nous faut ensuite inverser les logiques à l’œuvre depuis quinze ans : là où l’on a concentré les forces au niveau régional, je souhaite renforcer le niveau départemental, et quand tous les réseaux de service public se sont progressivement rétractés, je souhaite reconstruire un vrai maillage cohérent de présence des services publics.

J’ai signé hier l’instruction qui engage la réorganisation des services territoriaux de l’État, pour supprimer les doublons, clarifier les responsabilités, mettre en cohérence nos priorités avec nos organisations et, comme je l’évoquais à l’instant, pour mettre les préfets de département en capacité d’agir au plus près des territoires : construire avec les conseils départementaux le service public de l’insertion, déployer le service national universel, accompagner les petites collectivités dans leurs projets d’ingénierie. Nous aurons aussi pour cela de nouveaux outils, comme la banque des territoires, qui a déjà commencé à déployer ses financements, ou l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT, qui va progressivement jouer un rôle majeur dans la cohésion des territoires.

Cette instruction fixe également le cadre pour superviser la réorganisation des implantations des services publics. Le Président de la République l’a annoncé lors de sa conférence de presse du 25 avril : plus de fermeture d’école ou d’hôpital sans accord du maire. Le corollaire de cela, c’est la nécessité de mettre fin à des stratégies de réorganisation sur les territoires qui sont mal coordonnées entre les ministères et avec les opérateurs. Dorénavant, les préfets de région animeront, avec les préfets de département, les chefs des services régionaux de l’État et l’ensemble des patrons d’opérateurs, une instance spécifiquement dédiée à des réorganisations, pour construire une vraie stratégie et la partager avec l’ensemble des élus locaux et acteurs professionnels concernés.

La dernière brique de cette stratégie de proximité des services publics, c’est bien entendu France Service.

L’idée est simple : construire un guichet unique, avec des agents polyvalents, capables de répondre aux besoins de nos concitoyens dans leurs démarches administratives.

La réalisation, nous le savons, est plus complexe : depuis plusieurs années, les maisons de service au public ont tenté d’apporter cette forme de réponse, avec un succès variable, quel que soit l’engagement de celles et ceux qui font vivre ces structures.

Nous devons changer d’échelle et de logique, partir des besoins de nos concitoyens et des territoires, dépasser les frontières des administrations, oublier que l’on est l’État, le département, la caisse primaire d’assurance maladie, la CPAM, ou la caisse d’allocations familiales, la CAF. Cela suppose des choses simples, comme des horaires d’ouverture élargis, des agents polyvalents, formés, capables d’offrir immédiatement des réponses ou d’accompagner vers la bonne porte d’entrée. Je souhaite que, dès le 1er juillet 2020, 300 maisons France Service soient pleinement opérationnelles. Le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés à ce qu’il y en ait au moins une par canton d’ici à la fin du quinquennat.

J’ai commencé, mesdames, messieurs les sénateurs, par évoquer l’urgence climatique, avant de m’attarder sur l’urgence de proximité, mais ces deux urgences coïncident en grande partie, comme le prouve l’exemple des outre-mer : depuis deux ans, nous voyons bien que nos compatriotes ultramarins sont aux avant-postes face aux cyclones et à l’élévation du niveau des océans causés par le dérèglement climatique.

Nous en sommes tellement conscients, depuis le début du quinquennat, que cette double préoccupation définit les cinq objectifs du Livre bleu outre-mer, rendu public le 28 juin 2018, cinq objectifs repris par le Gouvernement dans sa feuille de route pour les outre-mer : zéro vulnérabilité, zéro exclusion, zéro déchet, zéro carbone, zéro polluant agricole.

J’ai évoqué il y a quelques instants l’impératif de différenciation : intégrer les spécificités de chaque territoire pour adapter nos politiques publiques, c’est le « réflexe outre-mer », que nous musclons depuis le début du quinquennat.

Je voudrais enfin mentionner la situation spécifique de la Nouvelle-Calédonie, dont certains ici savent combien elle me tient à cœur. Nous sommes engagés à respecter la signature de l’État concernant l’accord de Nouméa, et je continuerai à privilégier la voie de Nouméa, c’est-à-dire celle du dialogue et des résultats rendus en toute transparence. Lorsque le cycle électoral récemment engagé aura été conclu, je retrouverai avec plaisir les représentants des partis et des forces politiques de Nouvelle-Calédonie pour évoquer avec eux la suite.

Le dernier sujet que j’aborderai ce matin est la réforme des institutions.

Le Président de la République a proposé aux Français de réviser la Constitution du 4 octobre 1958 pour l’adapter aux bouleversements de notre démocratie. Voilà un an, nous avons présenté un projet de loi constitutionnel et deux projets de loi complémentaires, organique et ordinaire. Les circonstances ont amené à reporter leur examen, mais ces derniers mois nous ont confortés dans notre détermination à rénover notre démocratie représentative.

S’engager dans la révision constitutionnelle sans l’accord du Sénat n’est tout simplement pas possible et n’aurait donc aucun sens. C’est pourquoi, depuis un an, nous discutons et essayons de trouver un compromis.

Les textes que nous nous apprêtons à déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale reprennent le cœur des engagements du Président de la République, y compris l’inscription de la lutte contre le changement climatique à l’article 1er de notre Constitution.

Ils sont recentrés sur trois priorités : les territoires, avec l’autorisation de la différenciation et l’assouplissement du cadre relatif à la Corse, ainsi qu’aux outre-mer ; la participation citoyenne, avec l’ajout d’un nouveau titre dans la Constitution, la transformation du Conseil économique, social et environnemental en Conseil de la participation citoyenne, la possibilité de former des conventions de citoyens tirés au sort, la facilitation du recours au référendum d’initiative partagée et l’extension du champ de l’article 11 ; la justice, enfin, avec l’indépendance du parquet et la suppression de la Cour de justice de la République.

En parallèle, des gestes ont été faits pour parvenir à un consensus.

Ainsi, les dispositions relatives au fonctionnement des assemblées ont été retirées : nous avons considéré qu’il appartenait aux assemblées elles-mêmes de décider de leur réforme.

Les dispositions relatives au cumul des mandats dans le temps ont été assouplies pour exclure de leur champ les maires des communes de petite taille et prévoir une entrée en vigueur progressive.

Le Président de la République a accepté de revoir sa proposition de baisse d’un tiers du nombre des parlementaires pour viser une réduction d’un quart, qui permette une juste représentation territoriale et l’introduction d’une dose significative de proportionnelle à l’Assemblée nationale.

Concrètement, aujourd’hui, il me semble que nous ne sommes pas éloignés d’un accord sur le projet de loi constitutionnelle, mais pas sur le projet de loi organique, s’agissant en particulier du nombre de parlementaires.

Le Sénat a été très clair : il n’y aura accord sur rien s’il n’y a pas accord sur tout. Cette position est parfaitement respectable, comme l’est, je crois, celle du Gouvernement, qui ne souhaite pas mobiliser du temps parlementaire s’il s’expose, in fine, au désaccord du Sénat.

Nous ne renonçons pas à nos ambitions, qui, nous le pensons, sont conformes à la demande de nos concitoyens. Nous attendrons le moment propice et la manifestation de volonté du Sénat. Nous pouvons aussi voter seulement l’instauration de la proportionnelle à l’Assemblée nationale, sans changer le nombre des députés.

Chacun jugera dans quelle mesure il tient à résoudre les points de désaccord qui demeurent ; chacun jugera dans quelle mesure il considère que cette réforme constitutionnelle peut être un instrument de renouveau démocratique et de réconciliation nationale.

Nous sommes prêts et ouverts. Les trois textes sont prêts, mais cette réforme institutionnelle, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne pourrons pas la réussir sans vous.

Comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale, l’époque exige une forme de dépassement. En vous demandant d’approuver cette déclaration de politique générale, je ne vous demande ni un blanc-seing pour la politique de mon gouvernement ni évidemment un quelconque ralliement à la majorité. Je vous demande de dépasser des clivages et des différences que je respecte, mais qui ne me semblent plus aujourd’hui les plus importants.

Je vous ai exposé une feuille de route d’ambition écologique, de justice sociale, de valorisation du travail, de renforcement des maires, de réforme de l’État. Nombre de ces thèmes me semblent largement consensuels sur vos travées ; je forme le vœu qu’ils nous réunissent et nous permettent de nous dépasser. Au-delà de cette déclaration de politique générale, je sais que, sur chacun des textes de loi, le travail accompli entre le Gouvernement et le Sénat sera riche et sérieux.

Pour toutes ces raisons, j’ai l’honneur, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en application des dispositions de l’article 49, alinéa 4, de la Constitution, de vous demander l’approbation de cette déclaration de politique générale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)

M. le président. Nous en venons aux orateurs des groupes politiques.

Dans le débat, la parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la vie politique est faite de cycles. Ceux que nous vivons depuis quelques années sont de plus en plus rapides, imprévisibles et violents. Voilà qui nous appelle tous à une grande humilité.

Cette double déclaration de politique générale fait suite à deux années d’exercice du pouvoir et à un scrutin européen riche d’enseignements, notamment après les mois de crise que nous avons traversés.

Quel a été le message des électeurs ?

D’abord, une majorité a dit « oui » à l’Europe, que celle-ci soit défendue par En Marche, les Républicains, les centristes, les écologistes ou les socialistes. Elle a dit « oui » à une Europe qui protège ses habitants, qui sait qu’elle doit se réformer en se renforçant.

Ensuite, les Français ont dit « oui » aux réformes. En tout cas, la liste soutenue par le Président de la République n’a pas enregistré de désaveu manifeste. D’ailleurs, si son score a été proche de celui de l’élection présidentielle, c’est grâce à l’apport de voix nouvelles, venues notamment du centre droit. Ces électeurs ont salué l’engagement et le pragmatisme du Gouvernement et condamné les oppositions stériles.

Enfin, les électeurs ont clairement affirmé leurs fortes préoccupations environnementales.

Ces constats, monsieur le Premier ministre, vous avez naturellement souhaité qu’ils inspirent la nouvelle étape de votre action. Après vos propos d’hier et de ce matin, engageant l’acte II du quinquennat, je distinguerai la forme et le fond.

Sur la forme, nous ne pouvons que saluer votre volonté d’améliorer les méthodes de travail, en particulier avec le Parlement et les élus locaux, ainsi que le retour à une répartition des rôles plus conforme à la Constitution entre le Président de la République et vous-même.

Sur le fond, vous avez fixé les objectifs et le calendrier des prochains mois. Vous avez présenté ou confirmé les réformes que vous envisagez. Sans les énumérer, je constate que nous n’avons pas à leur égard d’opposition de principe, ni de crispation sur aucune d’entre elles. Parfois même, nous les appelons de nos vœux, pour certaines de longue date. Le pays les attend et en a besoin.

J’en commenterai brièvement deux.

Nous souscrivons évidemment à l’objectif de simplification du système de retraites. Nous partageons la philosophie générale d’un système plus équitable. C’est naturel, puisque cette conception est conforme à notre proposition historique de transition vers un régime par points. Toutefois, nous serons bien sûr vigilants sur le maintien des niveaux de pension et nous veillerons à ce que les règles et les droits des familles ne soient pas altérés. Nous souhaitons aussi une gouvernance équilibrée entre l’État, les partenaires sociaux et la représentation nationale.

En ce qui concerne la révision de la Constitution, disons-le clairement : nous souhaitons son bon aboutissement.

Mon groupe, comme, j’en suis certain, le Sénat, est décidé à jouer pleinement son rôle de constituant, sans manœuvres dilatoires, sans arrière-pensées, sans propositions autres que constructives, d’autant que, comme vous l’avez confirmé, monsieur le Premier ministre, le nouveau projet abandonne la refonte de la procédure parlementaire, qui pouvait appeler de nombreuses réserves.

S’agissant des textes organique et ordinaire associés, la question de la réduction du nombre de parlementaires, pour populaire qu’elle soit, ne constitue pas, me semble-t-il, la bonne entrée en matière. La crise des « gilets jaunes » l’a montré : l’angle incontournable est celui de la proximité. Cette réforme doit absolument maintenir le lien entre les citoyens et leurs élus nationaux, sauf à délégitimer un peu plus la démocratie représentative – je doute que nous puissions nous offrir ce luxe.

En dépit de nos approches différentes, monsieur le Premier ministre, notre divergence se résume désormais à peu de choses, comme vous l’avez souligné. Comment raisonnablement l’invoquer pour justifier le report de l’examen de ces textes importants ? En revanche, nous ne comprenons pas votre insistance à porter atteinte à une des spécificités du Sénat : la permanence de la Haute Assemblée associée à son renouvellement partiel, principe d’ailleurs constitutionnel et élément d’une démocratie apaisée.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Hervé Marseille. Je suis convaincu que vous nous entendrez d’autant plus facilement que cette disposition n’a pas d’incidence sur l’architecture de la révision.

Monsieur le Premier ministre, nous avons vocation à accompagner les réformes que vous présentez, voire à les soutenir. Pour autant, à nos yeux, ce soutien ne constitue pas, bien sûr, un alignement. Un soutien ne peut pas être unilatéral ; il se conçoit dans le cadre d’un dialogue responsable entre élus soucieux de l’intérêt général.

Au cours des deux années écoulées, nous avons maintes fois regretté l’impossibilité d’un dialogue plus fécond avec les ministres présents dans hémicycle et l’attitude souvent fermée de la majorité à l’Assemblée nationale. J’ai compris que cela allait évoluer. (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.) Tant mieux !

Reste que nous avons d’autres interrogations.

Nous sommes l’assemblée des collectivités et des territoires. Je vous en donne acte, ce n’est pas vous qui avez engagé la baisse des dotations. Ce n’est pas vous non plus qui avez organisé ces gigantesques bazars qui ont pour noms Maptam et NOTRe. Malheureusement, c’est vous qui avez inventé ce mistigri de la suppression de la taxe d’habitation, vous aussi qui avez parfois donné le sentiment de porter un regard distancié et clinique sur cette France éloignée des métropoles. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Depuis deux ans, les signaux se sont multipliés, qui ont forgé l’impression que collectivités et territoires étaient les parents pauvres des politiques publiques, voire qu’ils faisaient l’objet d’un certain dédain jacobin. Il va falloir transformer l’essai du grand débat et convaincre définitivement nos territoires qu’ils sont écoutés. J’ai entendu vos propositions, monsieur le Premier ministre, et je ne doute pas qu’elles seront largement comprises et entendues dans les territoires.

Nous sommes également la chambre de la continuité, du temps long. Nous nous souvenons ainsi de l’engagement pris par le Président de la République, lorsqu’il était candidat, de réduire la dépense publique. Or nous n’avons jamais autant dépensé, et rien ne laisse entrevoir un retournement. De façon structurelle, nous le savons, la démographie exercera une pression à la hausse sur les dépenses de retraite et de santé.

Reste une inconnue : le financement des mesures prises ou les économies à réaliser – vous y avez fait largement référence, monsieur le Premier ministre. En fait, cette inconnue est connue : elle s’appelle le déficit. Si nous sommes attachés à la baisse de la dépense publique, ce n’est pas par fétichisme, mais parce que sont en jeu notre indépendance et le fardeau que nous laisserons à nos enfants. Nous leur laissons déjà un monde au bord de l’abîme : nous ne pouvons pas leur nouer, en plus, une corde autour du cou…

Vous auriez cependant tort de ne pas le faire un peu. Ceux qui vous ont précédé l’ont fait. Reconnaissons que, au moins, le Gouvernement ne fait pas semblant. Mais, pour notre part, ne pouvons pas faire semblant de ne pas voir. De ce point de vue, malheureusement, les gouvernements se succèdent et emploient les mêmes recettes.

Enfin, monsieur le Premier ministre, le scrutin européen a constitué un révélateur en ce qui concerne les priorités écologiques.

Cette révélation succède au spectacle plus ou moins réjouissant d’une course-poursuite entamée voilà quelques années. La course a commencé avec Nicolas Hulot sur la ligne de départ, mais, de même qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, M. Hulot à lui seul ne pouvait pas faire le verdissement. Son départ a d’ailleurs prouvé qu’il n’était pas l’arbre qui cachait la forêt, mais plutôt le palmier qui masquait le désert… (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains).

La course a repris avant les élections européennes. Elle se poursuit aujourd’hui avec ce que l’on appelle l’« accélération écologique ». Cette accélération, vous la traduisez par des mesures auxquelles personne ne saurait s’opposer : qui peut être favorable au gaspillage ou à l’utilisation du plastique dans les administrations ? Qui peut encore défendre les niches anti-écologiques ? Évidemment, personne. Vous avez annoncé des textes importants, et c’est avec impatience que nous les attendons.

Notre premier combat est celui pour la biodiversité. En la matière, vous avez décidé d’abandonner le projet de la Montagne d’or. Quand on sait ce que chaque mètre carré de forêt vierge représente, ce n’est pas rien. S’agissant du plastique, l’un des fléaux qui menacent toutes les espèces, vous avez décidé d’agir, mais uniquement sur la consommation, alors que la production est au cœur du problème : les industriels ont fait le choix du plastique pour des raisons économiques, et il va nous falloir les contraindre intelligemment, lorsque des alternatives existent.

Le second combat décisif est celui contre le réchauffement climatique. À cet égard, nous adhérons pleinement à l’idée que la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas. Nous soutiendrons donc votre plan de révision des aides à la rénovation énergétique, réforme qui s’inscrit dans la droite ligne du Grenelle de l’environnement de Jean-Louis Borloo, celle d’une écologie incitative et non punitive et moralisatrice.

Toutefois, compte tenu des besoins énergétiques à venir, l’efficience ne fera pas tout. Une question essentielle se pose : peut-on simultanément sortir des énergies fossiles et réduire la part du nucléaire ? Nous espérons que l’examen prochain du plan énergie-climat y répondra. Même en relançant l’éolien offshore, il sera difficile d’atteindre la neutralité carbone.

Il nous faut ainsi clarifier notre politique énergétique, faute de quoi – pardonnez-moi, monsieur le Premier ministre – l’accélération écologique plafonnera vite à 80 kilomètres par heure… (Sourires sur plusieurs travées.)

Monsieur le Premier ministre, à mi-quinquennat, vous nous demandez d’approuver votre déclaration de politique générale et, plus largement, l’action gouvernementale. C’est rare et, au nom de mon groupe, je salue cette volonté d’écoute du Sénat. De fait, il n’est pas courant que le Premier ministre vienne solliciter la confiance de notre assemblée et y parler spécifiquement d’un sujet qui nous tient à cœur : les territoires.

Notre groupe valorise la constance, comme les deux années écoulées l’ont démontré : sur les ordonnances travail, la réforme ferroviaire, la loi Pacte, la loi d’orientation des mobilités, la loi santé, nous avons assumé notre cohérence historique.

Le groupe Union Centriste souhaite unanimement la réussite de l’action du Gouvernement. De toute façon, le pays n’a pas d’autre choix pour échapper aux démons qui le hantent. C’est pour cela que, dans les mois à venir, monsieur le Premier ministre, vous nous trouverez à vos côtés chaque fois qu’il s’agira de promouvoir les réformes utiles au pays, comme vous nous avez trouvés à vos côtés, avec beaucoup d’autres, en décembre dernier, lorsque la République semblait en difficulté et qu’il fallait éteindre l’incendie allumé par les « gilets jaunes ».

Monsieur le Premier ministre, en fonction de ces observations, de nombreux sénateurs de mon groupe répondront favorablement à votre proposition ; les autres exprimeront par leur abstention une retenue bienveillante. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. Claude Malhuret. Nous vous écoutons, monsieur le Premier ministre, au moment, particulier et grave, où un parti extrémiste vient d’arriver en tête d’une élection nationale. Encore avons-nous la chance, si l’on peut dire, dans notre pays où l’on apprend dès l’école à révérer Robespierre, que, à la différence des autres pays, où le populisme est seulement d’extrême droite, la France voit le sien partagé en deux, ce qui rend les chiffres en apparence moins alarmants – en apparence seulement.

Ce qui est incompréhensible, c’est que, pour réclamer plus de démocratie, des électeurs votent pour le parti qui détient le record du népotisme et de l’opacité, dirigé depuis cinquante ans par le père, puis la fille, et bientôt la nièce (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.), que, pour dénoncer un système qu’ils estiment corrompu, ils votent pour le parti qui détient le record des rendez-vous judiciaires, et que, pour redresser l’économie, ils votent pour une dirigeante qui a fait la preuve de son incompétence absolue en la matière lors de l’élection présidentielle. Napoléon disait : « En politique, une absurdité n’est pas un obstacle. » Nous le constatons tous les jours… (Rires et applaudissements sur les mêmes travées.)

Si les partis extrêmes ne rassemblent plus aujourd’hui que 30 % des votants, ce qui est tout de même considérable, contre 40 % voilà deux ans, c’est grâce à l’effondrement du líder minimo de la France soumise à Cuba. Le corps sacré autoclaironné lors d’une perquisition par l’homme au micro entre les dents a disqualifié celui-ci jusque chez ses proches. (Sourires sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Les cascades d’exclusions ont délié les langues, et nous savons maintenant comment, avec son égérie, il dirigeait leur groupuscule. Après la défaite, les jeunes loups du parti estiment que leur tour est venu : voilà du remue-ménage en perspective, quand on sait que plusieurs d’entre eux sont le genre de personnes qui entrent derrière vous dans une porte-tambour et en ressortent les premières. (Rires et applaudissement sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) L’incroyable, ce n’est pas que LFI soit passée de 20 % à 6 %, mais que, malgré cela, il y ait encore, en 2019, 6 % des Français qui votent pour la révolution bolivarienne. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le second coup de tonnerre de cette élection, c’est que la gauche démocratique et la droite républicaine, à la tête du pays pendant soixante ans, aient obtenu ensemble moins de 15 % des voix.

En ce qui concerne le PS, l’explication, qui risque de ne pas plaire à tout le monde ici, me semble largement partagée. François Hollande a mené avec constance une politique qui m’évoque une enseigne aperçue l’autre jour sur la route : « restaurant ouvrier, cuisine bourgeoise ». (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)

De l’autre côté, Nicolas Sarkozy déclarait, le 26 mai dernier, à vingt heures trente : « Il n’y a plus de droite dans notre pays. » Je trouve le jugement expéditif. Nous savons tous qu’il est rare qu’on meure en politique. Comme le dit un proverbe cambodgien, « quand l’eau monte, les poissons mangent les fourmis, quand l’eau descend, les fourmis mangent les poissons ». (Sourires.)

Je ne crois pas que la droite soit morte, mais elle est partie. Elle a commencé à partir le jour où quelques-uns de ses dirigeants ont décidé que la reconquête passait par l’adoption des idées les plus raides et ont cessé de tenir compte des minoritaires. Le parti, mon parti, ne pouvait alors que s’effeuiller comme un artichaut : une feuille lors de la défaite de 2012, une feuille lors du match de boxe Copé-Fillon, une feuille lors du refus de choisir entre Le Pen et Macron au second tour de la présidentielle, une feuille lors des européennes… Une fois la dernière feuille partie, le 26 mai au soir, la droite s’est aperçue qu’un million de ses électeurs n’avaient pas voté pour son candidat, mais pour la candidate d’En Marche, et 500 000 pour le Front national.

Pendant toute la campagne, les adversaires d’Emmanuel Macron l’ont accusé de prendre les élections européennes en otage en réduisant l’enjeu de celles-ci à un affrontement entre progressistes et populistes. Ils n’avaient pas tort. Mais ce qu’ils n’avaient pas compris, c’est qu’il ne s’agissait pas seulement d’un slogan de campagne, mais aussi d’une réalité.

Lorsque presque tous les pays de l’est de l’Europe, plus l’Italie, sont dirigés par des populistes, lorsque ceux-ci réunissent de 15 % à 30 % des suffrages partout en Europe de l’Ouest, lorsque l’on est entouré de Poutine, d’Erdogan et de Xi Jinping, il est temps, pour les démocrates, d’affronter les populistes, et non de leur courir après ! (Applaudissement sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)

Le monde est devenu dangereux et compliqué. Avant, vous étiez de gauche, du centre ou de droite et vous votiez en conséquence. Cette grille, contrairement à ce que l’on prétend, n’a pas été remplacée par l’opposition démocrates-populistes. Mais il y a désormais deux axes de lecture : l’axe gauche-droite et l’axe démocrates-populistes. Je partage l’analyse du Président de la République sur ce point, mais je préfère de loin le terme de démocrates à celui de progressistes, tant j’ai vu dans ma vie de catastrophes provoquées au nom du progrès. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. André Gattolin applaudit également.)

La liste « Renaissance » est arrivée deuxième le 26 mai, mais vous êtes presque le seul, monsieur le Premier ministre, à l’avoir fait remarquer. Sa déroute était tellement prédite que le reste du monde semble persuadé qu’elle a gagné. Je suppose que vous ne vous en plaignez pas, mais, si j’insiste sur ce point, c’est qu’il me paraît important que quelqu’un – et vous n’êtes pas n’importe qui – garde la tête froide.

Certains cris de victoire un peu bruyants, certaines injonctions un peu appuyées, certains appels un peu martiaux entendus depuis quinze jours ne sont peut-être pas la meilleure façon de préparer l’avenir et de rassembler. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. Claude Malhuret. Vous restez lucide, et c’est à saluer.

L’acte I du quinquennat a permis des réformes importantes : la SNCF, le code du travail, l’école de la confiance, notamment. La majorité du Sénat les a souvent soutenues, souvent amendées aussi.

M. Claude Malhuret. L’acte I a également été marqué par une grave crise sociale, parce que la disruption, on peut trouver ça sympa, mais ce n’est pas toujours l’avis de ceux qui sont disruptés…

Vous êtes venu ce matin nous annoncer l’acte II. Ici même, voilà deux mois, je disais : « La conclusion du grand débat, c’est un peu une lettre au père Noël. Le Président a promis d’en tenir compte, et c’est heureux. Mais il va falloir aussi, pour une part, qu’il lui résiste. »

C’est la raison pour laquelle la formule la plus importante de votre discours me paraît être : « constance et cohérence dans l’action ». Cette position suscitera deux sortes de réactions : certains diront que vous n’avez rien entendu, qu’il faut d’urgence faire marche arrière ; les autres, dont je suis, vous diront que c’est en restant immobile qu’on fait le plus de faux pas.

Vous nous annoncez une société de la confiance et de la justice. Lever les freins à l’emploi, libérer les énergies, renforcer les collectivités territoriales et décentraliser, faciliter la mobilité sociale, renforcer l’égalité entre les territoires, métropolitains comme ultramarins, redéfinir le périmètre de l’État, et – vous avez commencé par là – tout faire pour laisser à nos enfants une planète vivable : il n’y a rien, dans tout cela, qui ne puisse être approuvé.

Mais cette approbation doit être vigilante, car, au-delà de ce que vous avez dit, il y a deux ou trois choses que nous aurions aimé entendre, tout au moins plus précisément : des assurances chiffrées sur le non-dérapage des finances publiques dans la mise en œuvre de ces réformes (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.) ; des précisions sur le Meccano fiscal, qui ne nous semble pas abouti et ne nous rend pas certains que vous arriverez, deux siècles plus tard, à faire mentir l’adage de Benjamin Franklin selon lequel il n’y a que deux choses certaines dans la vie, la mort et les impôts (Sourires.) ; quant à la baisse des effectifs de la fonction publique, elle ne semble plus si urgente, ce qui nous fait craindre que l’administration ne continue d’être ce qui se rapproche le plus de la vie éternelle… (Nouveaux sourires.)

La réforme constitutionnelle reposait avant tout sur les engagements réciproques et la loyauté de trois personnes qui y avaient beaucoup travaillé, échangeant beaucoup : le Président de la République, le président du Sénat et le Premier ministre. Vous le savez, je suis de ceux qui pensent que ces engagements auraient été tenus.

Après avoir mobilisé beaucoup d’énergie, la révision constitutionnelle semble devoir rester un certain temps dans le cloud, comme l’on dit aujourd’hui… Je l’y laisse donc ; nous aurons l’occasion d’en reparler lorsqu’elle redescendra du ciel.

Monsieur le Premier ministre, notre groupe, très majoritairement, approuvera votre déclaration de politique générale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser le président de notre groupe, Bruno Retailleau, retenu ce matin dans son département, aux Sables-d’Olonne, pour l’hommage national aux sauveteurs de la SNSM qui ont péri en mer vendredi dernier. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

Nous sortons d’une séquence électorale intense, les uns satisfaits, d’autres un peu moins, beaucoup moins encore. Pour autant, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, nous comptons bien continuer à défendre nos convictions, sereinement mais fermement.

Sereinement, car la politique n’est pas la guerre : nous ne voyons, sur les bancs du Gouvernement, aucun ennemi.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous nous désolons même d’y voir siéger certains de nos amis… (Sourires.)

Que vous tendiez la main aux maires, c’est votre droit. Que quelques-uns la saisissent, c’est leur choix. Mais que certains tapent sur les doigts de ceux qui auraient l’impudence de ne pas faire de même, cela est inacceptable ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Les élus locaux ne sont les obligés de personne : ils n’ont de comptes à rendre ni à vous ni à nous, mais à leurs seuls administrés. Puisque la Constitution nous donne pour mission de les représenter, de défendre leurs libertés, nous vous disons : monsieur le Premier ministre, ne cédez pas de nouveau à la tentation de la toute-puissance, qui a tant abîmé le lien de confiance avec les élus locaux ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)

Du reste, nous n’acceptons pas – je le dis, là encore, avec une grande sérénité – l’affirmation selon laquelle l’intérêt du pays nous serait étranger. Depuis deux ans, notre groupe a toujours refusé l’obstruction intransigeante, au profit de l’opposition intelligente.

Nous sommes-nous opposés aux ordonnances travail ? Non : nous les avons votées, parce que nous estimions que, même insuffisantes, elles allaient dans le bon sens. Avons-nous tenté de faire échouer la réforme de la SNCF ? Non : nous avons appuyé le Gouvernement, considérant que, compte tenu des carences de notre système ferroviaire et des corporatismes qui depuis trop longtemps le fragilisent, l’exigence de réforme devait primer. De même, avons-nous repoussé la loi ÉLAN ou celle sur les mobilités ? À la vérité, loin de rejeter ces textes, nous les avons améliorés, parce que notre mission de législateur prime toute autre considération, parce que nous sommes, au Sénat, bien moins perméables aux passions et aux agitations qui parfois dominent l’Assemblée nationale.

Je pourrais évoquer également les mesures d’urgence décidées par le Président de la République au pic de la crise de l’hiver dernier : nous les avons votées, estimant que, compte tenu de l’état de tension régnant dans le pays, il fallait collectivement répondre à l’urgence et mettre tout en œuvre pour que l’ordre et la sérénité reviennent.

Nous n’avons jamais été dans une opposition pavlovienne. Notre position est claire et, je crois, saine sur le plan démocratique : quand nous estimons qu’un texte est bon pour le pays, nous le votons ; quand il nous paraît qu’il ne l’est pas, nous ne le votons pas !

Car s’il peut y avoir avec vous des convergences – nous en avons trouvé dans votre discours, monsieur le Premier ministre : la fin de régimes spéciaux de retraite, la réforme de l’assurance chômage ou le débat annuel au Parlement sur l’immigration –, il y a aussi entre nous de vraies différences, non pas de forme, mais de fond.

Lorsque vous annoncez des milliards d’euros de dépenses supplémentaires sans indiquer comment vous les financerez, sinon en rabotant ici ou là quelques niches fiscales, au lieu de présenter aux Français un véritable plan d’économies, au risque de reporter sur les générations futures la charge financière de vos décisions, c’est une différence de fond. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Lorsque vous refusez d’indexer les aides accordées aux familles et que vous poursuivez l’entreprise de fragilisation de la politique familiale engagée par François Hollande, c’est une différence de fond.

Lorsque vous engagez notre protection sociale vers un système de moins en moins universel, c’est une différence de fond.

Lorsque la protection de l’environnement se traduit par une fiscalité punitive, c’est une différence de fond.

Ces différences, nous ne les revendiquons pas seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour défendre ce qui nous engage tous.

Je citerai la crédibilité de la parole publique, tout d’abord, car l’honneur de la politique, c’est de défendre des convictions, sans céder à l’esprit du temps ou à l’opportunité du moment.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Je pense à l’efficacité dans la conduite des affaires du pays, ensuite, car aucun gouvernement, aucune majorité, aucun pouvoir ne dispose de la vérité absolue. J’en veux pour preuve la loi anticasseurs : comme vous le savez, c’était une proposition de loi de notre groupe, portée par Bruno Retailleau. Vous l’avez initialement écartée, avant de la reprendre à votre compte face aux violences urbaines auxquelles nous avons été confrontés ; nous nous en félicitons. Aussi sommes-nous en droit d’attendre du Gouvernement qu’il adopte la même attitude constructive que le Sénat.

Avec le projet de réforme institutionnelle, vous avez, monsieur le Premier ministre, une nouvelle occasion de bénéficier de la sagesse des sénateurs.

Oui, une réforme est nécessaire pour revitaliser la démocratie française sur le plan tant national que local, pour réarticuler la démocratie représentative avec la démocratie directe et participative.

Oui, une révision constitutionnelle est possible, si le Gouvernement fait preuve de cette ouverture que vous mettez en avant ! Autant nous saluons votre décision d’avoir renoncé à certaines atteintes au Parlement, autant nous déplorons que, sur la question de la représentation des territoires, et donc celle du nombre de parlementaires, vous sembliez privilégier le rapport de force, voire la pression. Pour nous qui portons la voix des territoires, ce point n’est pas secondaire ; il est majeur, car il touche à la justice territoriale. Il est juste que tous les territoires soient représentés. Il est juste qu’il n’y ait pas plus de vingt départements ne disposant que d’un sénateur et que cette garantie fasse l’objet d’une disposition constitutionnelle. Autrement dit, c’est en partant de l’exigence d’équité et de représentativité territoriale que le nombre de sénateurs doit être fixé, et non pas à partir d’une logique arithmétique, sinon technocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

N’ajoutons pas aux fractures géographiques une déchirure démocratique en éloignant encore un peu plus la République des territoires. Dans bien des communes rurales ou des villes moyennes, le sentiment d’abandon domine, la conviction qu’on ne compte pour rien est largement partagée. Elle fut d’ailleurs au cœur de cette crise des « gilets jaunes » que vous avez dû affronter. Alors, tirez-en tous les enseignements ! N’accentuez pas cette désespérance en supprimant, après les services publics, le service démocratique qu’assurent les parlementaires ! Du reste, cela fait un an que nous avons exprimé nos exigences préalables à toute révision constitutionnelle. Qu’attendez-vous pour nous dire « oui » ou « non » ?

Au-delà de cette question majeure, nous souhaitons, vous le savez, renouer avec l’esprit initial de la Ve République. Je pense évidemment au respect du bicamérisme, au renouvellement par moitié du Sénat, notamment pour assurer le principe de la continuité des pouvoirs publics.

Enfin, ces différences que nous assumons sont aussi, nous le croyons, un gage de concorde et d’unité.

Certains, dans votre majorité, ont exprimé leur satisfaction au lendemain des élections européennes. Pourtant, la réalité géographique et civique que dessinent les chiffres n’a rien de satisfaisant : elle exprime, au contraire, une situation dont nul ne peut se féliciter, celle d’un pays fracturé, de deux France profondément opposées.

Vous vouliez dépasser les vieux clivages, mais vous n’êtes parvenu qu’à leur substituer des clivages autrement plus dangereux : des clivages territoriaux, sociaux, culturels, même générationnels, des clivages qui, en réalité, épousent les lignes de cette recomposition que vous poursuivez. « La poutre travaille encore », disiez-vous, monsieur le Premier ministre.

Un sénateur du groupe La République En Marche. C’est vrai !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Prenez garde qu’à force de travailler elle ne fracture les murs porteurs de l’édifice français ! (M. Rémy Pointereau applaudit.) Prenez garde que, dans ce « nous » et « eux » que vous avez installé face au Rassemblement national, la perspective d’une réconciliation de tous les Français ne s’effondre, prise entre des forces irréconciliables. Bien sûr, les fossés qui se creusent entre nos concitoyens ne datent pas d’aujourd’hui, mais c’est à vous qu’il revient de les combler plutôt que de les creuser.

Le grand défi que nous allons devoir relever dans les années qui viennent, celui qu’il vous incombe aujourd’hui d’affronter, c’est celui de l’unité, cette grande œuvre française toujours à recommencer.

Cette unité ne pourra se faire que dans la vérité, parce que, toujours, le mensonge divise, les illusions séparent.

Regardons les choses en face : les demi-vérités et les vrais mensonges n’ont fait qu’accentuer la méfiance des Français. Ils ont conduit les uns à rechercher des boucs émissaires, poussé les autres à s’enfermer dans leur vérité, à abandonner la raison critique pour les raisonnements irrationnels.

Pour recréer les conditions de l’amitié civique, il faut avoir le courage de dire la vérité sur l’état de nos finances publiques, sur la situation de nos comptes sociaux qui, de nouveau, plongent dans le rouge, sur l’impossibilité de soutenir artificiellement la croissance et le pouvoir d’achat en creusant indéfiniment les déficits.

Il faut avoir le courage de dire la vérité sur le chômage. Les paramètres actuels, qu’il s’agisse des dépenses publiques ou des déficits, ne permettront pas d’atteindre l’objectif de 7 % de chômeurs d’ici à la fin du quinquennat. La conjoncture ne suffit plus à créer l’embellie.

Il faut avoir le courage de dire la vérité sur l’état de notre institution scolaire, sur la nécessité d’étoffer la diversité des parcours, de donner plus de liberté pour recruter, pour innover, mais aussi de renouer avec la transmission, celle qui permet d’échapper à la reproduction sociale, et, surtout, de réaffirmer la valeur du mérite et du travail, en vous éloignant de la tentation de la discrimination positive.

Il faut également avoir le courage de dire la vérité sur l’immigration, qui, aujourd’hui, n’est pas régulée, sur le communautarisme ou les atteintes à la laïcité, qui, trop souvent encore, ne sont pas sanctionnées.

Il faut avoir le courage de dire la vérité, en somme, sur tous ces non-dits, sur ces dénis qui ont frayé la voie aux extrêmes.

M. Julien Bargeton. Et les vôtres ?

Mme Dominique Estrosi Sassone. Partout, dans les démocraties occidentales, le sentiment d’insécurité culturelle progresse, des questionnements fondamentaux se font entendre sur la Nation, sur les frontières, sur le rapport à la mondialisation. Ne pas offrir de réponses démocratiques à ces interrogations légitimes, rester insensibles aux angoisses et au sentiment de dépossession qu’expriment bon nombre de nos compatriotes, c’est exposer la République à des insurrections électorales. C’est nous exposer collectivement aux aventures sans lendemain dans lesquelles nous entraîneraient les extrêmes si, par malheur, elles parvenaient aux responsabilités.

Cette unité, nous ne la ferons que dans le cadre d’un débat apaisé, respectueux de chacun. Cessons les caricatures, les anathèmes manichéens.

Monsieur le Premier ministre, vous avez indiqué ne pas vous résigner au « rétrécissement du débat public ». Mais enfin, qui, depuis deux ans, rétrécit le débat à des oppositions binaires, sans nuances ? Qui n’a cessé de dire qu’il y avait désormais les progressistes, d’un côté, et les conservateurs, de l’autre, les représentants du monde d’avant et les hérauts du monde nouveau ? Ce n’est pas le Sénat, c’est le Président de la République, c’est votre gouvernement !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous vous le disons calmement, mais franchement : le progrès n’est pas une marque déposée par la majorité. Nous voulons tous le progrès. Acceptez seulement que nous puissions en avoir une vision parfois différente de celle que vous nourrissez. Ayez l’humilité de reconnaître que la modernité n’est pas univoque, que ce qui est ancien n’est pas forcément daté et dépassé. En témoigne d’ailleurs l’institution communale : elle est sans doute l’une des plus anciennes, et c’est d’abord à elle que nos compatriotes accordent leur confiance. C’est vers elle, vers les maires que vous vous êtes d’ailleurs immédiatement tournés l’hiver dernier, après les avoir tant méprisés, lorsque la situation s’est enflammée. Les maires n’ont jamais été autant découragés, et vous devez tenir compte de leur découragement.

Du reste, nous pensons que, à l’heure des grandes ruptures et des changements permanents, la politique doit être aussi un facteur de stabilité. S’il est essentiel de changer ce qu’il faut, il l’est tout autant de préserver ce qui vaut, de protéger ces attachements vitaux qui nous tiennent comme un seul peuple, une seule Nation. C’est aussi le message qu’ont envoyé beaucoup d’électeurs lors du scrutin européen. Non, les Français ne sont pas des « Gaulois réfractaires » au changement ! Mais ils tiennent à leur souveraineté, à leur laïcité, à leur solidarité nationale, car ces attachements sont autant d’appuis nécessaires pour que nous puissions prendre collectivement notre élan, nous projeter et nous imposer dans un monde nouveau qui a besoin de la France. Prenons le meilleur de la modernité et donnons le meilleur de notre identité : voilà un « en même temps » qui, pour le coup, pourrait rassembler une majorité de Français.

Monsieur le Premier ministre, c’est dans cet esprit d’unité que nous voulons continuer d’œuvrer. L’unité n’est pas, à nos yeux, synonyme d’uniformité. Dans une démocratie adulte, la pluralité doit être vécue comme une richesse, et non comme un obstacle. Nous avons des différences, et nous aurons peut-être encore des convergences. C’est au nom de ces différences que nous assumons et de ces convergences que nous espérons que, dans le cadre du vote que vous nous demandez, le groupe Les Républicains s’abstiendra majoritairement, pour ces deux raisons essentielles.

D’abord, parce que le Sénat n’est pas l’Assemblée nationale : il n’est ni dans ses attributions ni dans ses missions de renverser ou non tel ou tel gouvernement.

Ensuite, parce que, depuis deux ans, nous avons été trop habitués à ce décalage entre, d’un côté, des mots forts, et, de l’autre, des actes faibles. Autrement dit, cette abstention, c’est tout sauf un chèque en blanc : nous jugerons sur pièces, au cas par cas, texte par texte.

Ni opposition systématique ni adhésion automatique : telle est notre ligne de conduite. Cette ligne, nous la tiendrons, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres. Nous la tiendrons parce que, au-delà de nos appartenances, il y a la France. Nous la tiendrons parce que nous tenons à nos convictions et nous croyons à ce que nous défendons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, vous nous demandez aujourd’hui de nous prononcer sur le chemin à parcourir et la méthode pour y parvenir.

La France est ainsi faite que, les soirs d’élection, l’on se projette déjà dans les futures échéances. Pour ma part, je préfère me cantonner au travail que nous avons à accomplir rapidement dans cette période qui nous conduira aux prochaines échéances.

À ce moment du quinquennat, monsieur le Premier ministre, deux questions se posent au groupe La République En Marche.

Tout d’abord, avons-nous tenu nos engagements ? Avons-nous mis notre pays sur le chemin du redressement avec tout votre gouvernement, que je salue ici ? Pouvons-nous être fiers du travail accompli ? Pour nous, la réponse est « oui ».

Ensuite, devons-nous encore repousser les échéances, refuser la réalité et reculer devant les réformes à faire ? La réponse est « non ».

Votre discours, monsieur le Premier ministre, a montré avec fermeté l’important travail à conduire maintenant. Vous vous êtes exprimé avec lucidité, sans mésestimer les difficultés à surmonter.

Est-il noble de parler, comme je l’ai entendu faire hier à l’Assemblée nationale, de programme « cache-poussière » ? Il est respectable de s’opposer, mes chers collègues, mais on peut s’épargner les propos outranciers.

Monsieur le Premier ministre, vous avez choisi de recourir à une disposition prévue dans notre Constitution pour solliciter un vote de confiance de la Haute Assemblée. Je m’en réjouis, car cette démarche entend valoriser l’institution sénatoriale et les élus qui y siègent.

Je sais bien que le résultat du vote d’aujourd’hui ne sera pas similaire à celui d’hier, à l’Assemblée nationale, mais faut-il pour autant renoncer ? Dans un Sénat d’une couleur politique différente de celle du Gouvernement, la démarche est courageuse. Elle est en cohérence avec la volonté d’ouverture qui est celle du Gouvernement, tant la situation politique de notre pays est inédite.

Oui, monsieur le Premier ministre, vous avez raison, le Sénat ne doit pas être écarté de la « marche du monde ». Aujourd’hui vient le temps d’insuffler, plus que jamais, l’espoir du dépassement, du dialogue, de l’ouverture.

Le dépassement, mes chers collègues, ce n’est pas renoncer à ses convictions ; c’est accepter de partager avec d’autres, venus d’horizons divers, les analyses et les voies du redressement. Moi-même, j’ai gardé mes convictions personnelles, qui ne sont pas les vôtres, monsieur le Premier ministre, mais je pense que la justice sociale ne peut advenir que si le redressement économique est là.

Le dépassement des clivages, qui permet de sortir des rigidités et de réunir les progressistes, a permis de réelles avancées, qui commencent déjà à produire leurs effets.

Les résultats de la France en matière d’attractivité économique sont salués par l’OCDE, qui confirme que les réformes vont dans le bon sens et qu’il faut les poursuivre.

Contrairement aux affirmations de certains, beaucoup de mesures répondent à la demande d’une plus grande justice sociale, largement exprimée par nos concitoyens : je pense au plan Pauvreté, au reste à charge zéro, aux avancées en faveur des personnes handicapées, aux mesures éducatives, au travail qui paie, à la baisse historique du chômage… Avec un peu d’objectivité, chacun peut faire le bilan des actions entreprises. Il montre que, loin d’être une simple formule, le « en même temps » a réellement été mis en œuvre.

Aujourd’hui, pour établir les solides fondations de l’acte II du quinquennat, il est fondamental de l’accompagner, ici au Sénat, avec lucidité, courage, détermination et, comme vous l’avez dit hier, civilité.

Face à l’urgence écologique, sociale, démocratique et politique, réformer est ce que nous devons réussir ensemble.

Notre pays a besoin de poursuivre le chemin tracé avec constance et cohérence. Changer de méthode, oui, mais garder le cap est nécessaire.

Le Président de la République porte un projet d’émancipation, qui parle au peuple comme aux élus.

Au travers du grand débat, nous avons entendu les Français : ils veulent plus d’écoute, plus de proximité, plus d’ouverture, plus d’humanisme, pour un plus large rassemblement. C’est la méthode de l’acte II du quinquennat.

Mes chers collègues, faut-il, oui ou non, réformer les finances des collectivités locales ? Faut-il, oui ou non, réduire la pression fiscale qui pèse sur nos concitoyens ? Faut-il, oui ou non, plus d’avancées écologiques ? Faut-il, oui ou non, étendre le droit à la procréation médicalement assistée à toutes les femmes ?

Monsieur le Premier ministre, nous soutiendrons les projets de loi qui ont été annoncés hier lors de votre discours de politique générale : réformes de l’assurance chômage et des retraites, projets de loi bioéthique, de programmation de la recherche et de l’accélération écologique.

Le projet de loi consacré à l’engagement des élus, que vous avez évoqué ce matin, nous paraît aussi essentiel pour répondre à la crise des vocations de maire, en levant les freins à l’exercice du mandat, en défendant la validation des parcours et la reconversion. D’autres chantiers majeurs doivent être entrepris, comme le lissage des irritants de la loi NOTRe. Je fais confiance à Sébastien Lecornu pour conduire ces travaux dans le dialogue, comme il l’a déjà fait par le passé.

Faisons preuve de volonté et sachons aussi prendre des risques et les assumer. Mes chers collègues, vos choix, quels qu’ils soient, sont respectables, mais je vous invite au plus large rassemblement. Votre projet, monsieur le Premier ministre, vise à réconcilier la France avec elle-même ; nous avons confiance en la démarche que vous nous proposez. Ce n’est pas un scoop ni une surprise, le groupe La République En Marche votera largement votre déclaration de politique générale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, j’ai écouté hier la lecture de votre déclaration de politique générale par M. de Rugy, tout en gardant un œil sur votre intervention à l’Assemblée nationale. Je vais vous dire ce que j’en pense, avec sérieux, car nous ne sommes pas ici au théâtre, même si nous allons évoquer l’acte II du quinquennat.

Ce qui m’a d’emblée frappée, c’est le décalage avec le pays réel.

Après la séquence électorale des européennes, vos partisans semblent avoir vaincu la colère jaune, domestiqué la colère du peuple qui a tonné si fort durant des semaines et, à son apogée, vous le savez bien, a fait vaciller vos certitudes. Erreur ! La colère est toujours là, comme à Belfort, à Saint-Saulve, dans les hôpitaux, les maternités, dans la fonction publique, chez les élus.

Ne vous y trompez pas, monsieur le Premier ministre, faire une liste à la Prévert des colères ne suffira pas à les apaiser. Vous n’en avez pas fini avec celles et ceux qui, majoritaires dans le pays, aspirent à une vie meilleure et digne, à l’emploi, à un vrai travail stable, avec tous ceux qui aspirent à garantir un avenir serein à leurs enfants, à vieillir dignement et en bonne santé et qui sans doute, majoritairement, ont déserté les isoloirs le 26 mai dernier, ce qui ne semble pas vous préoccuper…

Dans votre discours, vous avez, une nouvelle fois, agité les peurs, vos peurs – l’insécurité, le terrorisme, l’étranger –, mais la peur qui taraude l’immense majorité du peuple, c’est celle du lendemain, du chômage, du contrat précaire qui se termine, des soins trop chers et même de la faim. Or, de tout cela, vous n’avez pas parlé.

Vous ne devez pas oublier que vous n’en avez pas fini avec les exigences de justice sociale et fiscale – les vraies ! –, celles qui passent obligatoirement par la répartition des richesses, et non par des aménagements pudiques du système.

Votre acte II a un goût de réchauffé. « Libérer les énergies », dites-vous en écho à l’ancien Premier ministre Alain Juppé. « Nous sommes des réformateurs », annoncez-vous, en écho, cette fois, au « mouvement des réformateurs » fondé par Jean Lecanuet en 1972. Pouvez-vous encore parler de « nouveau monde » avec de telles références ? Certainement pas.

Bien au contraire, vous êtes fidèle – tragiquement fidèle – aux politiques menées depuis près de quarante ans, hormis de brèves éclaircies, qui font rimer réforme avec recul social, précarisation, appauvrissement.

Vous avez dit hier que vous étiez « inénervable » ; j’en suis bien contente pour vous ! (Sourires.) Imperturbablement donc, vous tracez la voie du libéralisme le plus archaïque qui soit.

Malgré le mouvement de colère soutenu massivement durant des mois par la population, vous n’avez pas prononcé les mots « ISF », « Smic », « salaires » et, surtout pas, les mots « évasion fiscale », qui, bien évidemment, concernent trop de soutiens de celui qui demeure le président des riches.

Vous n’avez pas davantage répondu à l’aspiration à une démocratie profondément refondée, à une irruption de la citoyenneté.

Votre discours n’est pas disruptif ; il est, bien au contraire, convenu, destiné à sauver l’existant, c’est-à-dire une France où les riches possèdent toujours plus et les pauvres toujours moins, une France où les inégalités se creusent.

Vous avez longuement parlé d’écologie. Comme vous l’avez dit, personne n’en a le monopole. Mais il ne suffit pas d’en parler ! Encore faut-il produire des actes en s’attaquant au plus grand prédateur de l’écologie et de l’environnement. Or, jamais vous ne pointez la responsabilité, dans la dégradation de l’environnement, du système capitaliste lui-même, un système capitaliste de surcroît mondialisé.

Monsieur le Premier ministre, il faut écouter cette jeunesse qui n’est pas réfugiée dans une écologie naïve et béate, mais est animée par une contestation profonde du système économique qui engendre la pollution massive. Changer le système et pas le climat, ce n’est certainement pas un slogan qui vous agrée.

On le voit bien, votre dessein, c’est le mirage d’un capitalisme vert, propre, succédant à celui qui a abîmé notre planète et l’humanité.

Or le capitalisme porte en lui la quête du profit, la mise en concurrence, l’exploitation des femmes et des hommes comme des richesses de la terre : c’est en cela qu’il ravage la planète et doit être remis en question pour envisager l’avenir.

De toute manière, vos actes concrets nous donnent raison et contredisent vos bonnes intentions. Allez-vous, par exemple, continuer à fermer les petites lignes de train ? Confirmez-vous la fermeture de la ligne de fret ferroviaire de fruits et légumes Perpignan-Rungis, cadeau insensé fait aux transporteurs routiers ?

Le service public, la solidarité sont au cœur du projet de transformation écologique que nous portons.

Monsieur le Premier ministre, je l’ai dit, votre vieux discours réformateur vise toujours et encore à réduire les droits sociaux, arrachés parfois au prix du sang, plutôt qu’à assurer le bonheur commun par un juste partage. Réduire le nombre de fonctionnaires et en finir avec leur statut, cette vieille lubie des libéraux, s’inscrit dans ce cadre.

Votre acte II, c’est la remise en cause du système de retraites par l’avènement du système par points et la diminution des droits des chômeurs, victimes annoncées de la sacro-sainte réduction des déficits et dettes en tout genre.

Vous l’avez dit encore aujourd’hui, les salariés sont déjà contraints de travailler au-delà de l’âge légal pour tenter de s’assurer une retraite digne. L’argument fallacieux de l’allongement de la durée de vie ne tient pas. Lorsque l’on a travaillé plus de quarante ans, on a droit au repos et on doit laisser la place aux jeunes. En effet, quelle absurdité que d’enchaîner au travail des femmes et des hommes jusqu’à la vieillesse, alors que 4 millions de personnes sont au chômage et près de 10 millions en situation de précarité !

Notre projet est diamétralement opposé et d’une audace juste et solidaire : il faut travailler moins, moins longtemps pour partager le travail. Nous défendons, en ce sens, la marche vers la semaine de 32 heures et le retour au droit à la retraite à 60 ans.

Votre politique économique et industrielle, monsieur Premier ministre, est à l’avenant. Vous avez évoqué General Electric à Belfort. Mais qui est responsable de cette situation ? Qui a supervisé les négociations conduisant à la soumission à l’entreprise américaine, si ce n’est le secrétaire général de l’Élysée d’alors, M. Macron ?

Vous vantez la relance de l’attractivité de notre pays, mais elle s’effectue dans la dérégulation la plus totale, accompagnée d’une valse de plans sociaux, d’exonérations massives et d’une casse systématique du droit du travail, votre cap étant la réduction de la dépense publique.

Huit minutes pour évoquer, ou plutôt effleurer, la situation difficile de notre pays, confronté à la déstructuration sociale et démocratique, c’est bien peu. Nous ne voterons pas votre déclaration de politique générale, nous ne soutiendrons pas ce projet qui s’attaque en profondeur à la solidarité nationale et qui n’est pas « ni de gauche ni de droite », mais tout simplement de droite.

Nous combattrons ce que dissimule votre flegme. Nous nous élèverons contre l’autoritarisme qui sert votre projet et se déchaîne contre les manifestants ou les journalistes ayant suivi le conflit au Yémen.

Enfin, vous n’avez pas prononcé les trois lettres suivantes, monsieur le Premier ministre : ADP. Soit dit sans vouloir vous énerver, ce silence est le reflet de votre profond agacement.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Éliane Assassi. Enfin, le peuple peut prendre la parole, et pas sur un sujet secondaire : la privatisation d’un grand service public national, qui succède à tant de bradages du bien collectif, depuis les autoroutes jusqu’au secteur de l’énergie.

Ainsi, plus de 100 000 citoyennes et citoyens ont déjà participé à la consultation qui a commencé cette nuit, malgré des bugs informatiques ; nous en reparlerons cet après-midi. Quoi que vous en pensiez, monsieur le Premier ministre, les Français vont pouvoir librement s’exprimer et briser les murs que les puissants ont construits pour les enfermer et les réduire au silence. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, hier et aujourd’hui, je vous ai bien écouté, et je crains que vous n’ayez oublié la crise sociale qui traverse notre pays.

Le Président de la République nous avait dit que rien ne serait plus comme avant. Il avait évoqué la France divisée et appauvrie qu’il avait découverte au gré de son tour de France, à l’occasion du grand débat. Vous nous aviez parlé, ici même, des leçons à tirer de la crise des « gilets jaunes » – deux mots que vous n’avez d’ailleurs pas prononcés hier lors de votre discours devant l’Assemblée nationale.

Nous n’étions pas d’accord sur les remèdes, mais des constats étaient partagés. Aujourd’hui, tout cela semble oublié dans la présentation de votre action politique des prochains mois : l’acte II est annoncé comme si la crise sociale n’avait été qu’un entracte après l’acte I. Vous êtes remonté sur votre nuage de certitudes…

Hier comme aujourd’hui, nous attendions un projet social pour la France, un contrat social pour les Français. C’est ce que demande avec constance mon groupe depuis le mois de décembre, notamment dans cet hémicycle. Or ce projet social d’envergure, nous ne le voyons toujours pas venir.

Vous auriez pu venir nous expliquer que la réforme des retraites se ferait dans un esprit de justice sociale et qu’aucun report de l’âge de départ à la retraite, sous quelque forme que ce soit, n’est envisagé. Nous aurions alors entrevu une remise en question de vos choix antérieurs.

Au lieu de cela, en contradiction avec le discours tenu par Jean-Paul Delevoye depuis des mois, nous voyons poindre une réforme paramétrique. Le tour de passe-passe de l’âge pivot ou de l’âge d’équilibre à 63, 64 ou 65 ans revient de fait à contraindre les personnes aux revenus faibles, ceux qui ont souvent les métiers les plus pénibles et répétitifs, à retarder leur départ à la retraite pour maintenir leur revenu à un niveau décent.

Pendant ce temps, les personnes les mieux rémunérées pourront capitaliser pour s’assurer des revenus complémentaires de retraite et choisir de partir avant l’âge pivot en compensant le nouveau malus que vous vous apprêtez à créer.

Je le répète : instaurer un nouvel âge pivot n’entraînera le report de l’âge de départ à la retraite que des plus faibles revenus ! Avec cet âge pivot, vous allez contraindre les moins riches à travailler plus longtemps, tout en laissant le choix aux plus riches de poursuivre ou non. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Avec cette réforme paramétrique, qui n’a plus rien à voir avec la réforme systémique annoncée, vous allez creuser un nouveau fossé entre les Français en fonction de leurs revenus. Vous allez encore affaiblir l’adhésion au système des retraites, y compris à celui qui sera mis en place. Vous allez accélérer la perte de confiance envers un système universel et solidaire.

A contrario, nous proposons de revenir aux critères de pénibilité, qui doivent être au cœur du mode de calcul des droits à la retraite et du nombre de trimestres, tout en conservant l’âge légal de départ à la retraite pour tous à 62 ans, et à 60 ans pour les carrières longues.

Ces règles paramétriques peuvent s’appliquer dans le système actuel ou dans le système par points. Elles permettent de ne pas prolonger les carrières de ceux de nos concitoyens qui ont les métiers les plus difficiles et qui font fonctionner notre société au quotidien.

Monsieur le Premier ministre, ce sont les mêmes qui ont l’espérance de vie la plus courte à la retraite. Ce sont eux qui ont crié leur désespoir ces derniers mois. Notre conviction est que leur droit à la retraite doit être garanti par des critères justes. Voilà ce que serait une réponse solidaire à la crise sociale !

Vous auriez pu venir nous expliquer que la réforme de l’assurance chômage n’affaiblirait pas les droits des Français ou même – j’ose le dire – qu’elle les garantirait, que la mise en place du revenu minimum se ferait avec une enveloppe dynamique, ou que vous avez un projet pour l’emploi.

Au lieu de cela, vous proposez un allongement de la durée du travail pour pouvoir bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi. Vous annoncez aussi d’autres mesures sous prétexte que le système actuel n’inciterait pas suffisamment à la reprise d’une activité durable.

Ce discours qui est tenu dans vos rangs, par vos ministres, permettez-moi de vous le dire, est l’une des causes du fossé grandissant entre les Français. Ce discours est totalement déconnecté de la réalité du chômage ! C’est le discours de ceux qui n’ont jamais eu à vivre éloignés du travail, avec des périodes répétées de chômage et, surtout, des revenus inférieurs à 1 000 euros. C’est le discours de ceux qui n’ont jamais été au chômage et qui ne le seront jamais !

C’est parce que nous nous opposons à ces arguments et à ce mépris social que nous défendons l’abondement de la prime d’activité, celle-là même que nous avons instaurée. Le nombre élevé de demandes de cette prestation est la preuve que les Français préfèrent travailler, plutôt que d’être prétendument assistés.

Cette prime d’activité est d’abord un outil complémentaire du retour à l’emploi : elle ne peut donc remplacer, comme vous le faites, la nécessaire conférence sociale sur les salaires, que nous appelons une nouvelle fois de nos vœux. User et abuser de la prime d’activité, c’est faire de la redistribution sans demander d’efforts supplémentaires aux employeurs. C’est recreuser le déficit de la sécurité sociale et, au passage, ne pas répondre aux besoins des hôpitaux publics !

Nous portons nous aussi l’idée d’un revenu minimum. Après la création de la prime d’activité, ce revenu devait constituer une étape supplémentaire pour pallier le non-recours aux aides sociales. C’est pourquoi nous avons défendu, et nous continuerons de le faire, la proposition d’expérimentation formulée par les départements à majorité socialiste.

Seulement, votre volonté d’intégrer dans le périmètre de ce revenu minimum des allocations qui ne sont pas du même niveau risque d’affaiblir l’impact social de cette mesure.

Surtout, votre volonté de maintenir une enveloppe constante, alors que vous affichez l’objectif d’automatiser le versement des allocations, est une erreur : c’est un peu comme si l’on voulait faire entrer une pointure 42 dans une chaussure pointure 39 ! Nous défendons l’automatisation des allocations : nous défendrons donc une enveloppe adaptée et dynamique.

Sur l’emploi, monsieur le Premier ministre, nous réitérons nos inquiétudes et nos propositions.

Tout d’abord, la suppression des contrats aidés a affaibli notre marché de l’emploi et réduit la baisse du chômage pour nos concitoyens les plus en difficulté.

Ensuite, sur la politique économique, les annonces successives de fermetures d’usines sont la démonstration d’une absence de stratégie industrielle. Les privatisations engagées n’alimenteront que faiblement le fonds pour l’innovation, alors qu’un investissement direct, clair et assumé de l’État pour la transformation de notre appareil industriel serait nécessaire.

Voilà ce qu’aurait pu être une réponse salariale et économique à la crise sociale !

Vous auriez aussi pu venir nous parler de ce qui est au cœur du problème social de notre pays : la question du reste à vivre, du pouvoir d’achat, que l’on appelle aussi depuis peu, à juste titre, le « pouvoir de vivre ».

Bien au-delà de la seule question du niveau des salaires, c’est l’augmentation des charges incompressibles qui grève le budget de beaucoup de Français de la classe moyenne et qui accentue les inégalités avec les plus hauts revenus. C’est cette augmentation qui est à l’origine du populisme rampant dans notre pays. Ce sujet mérite une action de l’État, une action résolue.

Les dépenses en matière de logement doivent être contenues dans les grands centres urbains, via des mesures plus volontaires des pouvoirs publics. Mais la crise des « gilets jaunes » a aussi mis en évidence le coût accru des transports du quotidien pour se rendre au travail.

Sur ces sujets, il existe des leviers, comme l’encadrement des loyers ou une fiscalité affectée aux transports collectifs. Vous ne les actionnez pas, mais nous ferons de nouveau des propositions en la matière lors de l’examen des prochaines lois de finances, avec une attention particulière portée à la situation des outre-mer.

Monsieur le Premier ministre, votre acte II manque cruellement d’un grand volet social, ce que nous déplorons. Pour autant, nous reconnaissons que vous vous emparez de quelques nouveaux sujets, qui étaient bien trop loin de vos préoccupations jusqu’alors.

J’évoquerai la question des nouveaux droits, comme la procréation médicalement assistée, la PMA. Vous l’annoncez depuis deux ans, et peut-être un jour cette réforme se fera-t-elle vraiment. Je veux vous dire ici que nous vous accompagnerions dans cet engagement, sous réserve d’inventaire naturellement, comme nous l’avons toujours fait quand il s’agit de faire progresser les droits des femmes dans notre pays.

Je voudrais aussi aborder la question démocratique. Nous avons eu connaissance des projets concernant le statut de l’élu. Cette problématique est un serpent de mer et nous accueillerons favorablement un débat qui porterait enfin sur ce sujet.

En effet, la crise sociale qui affecte notre pays concerne également les élus de nos mairies, qui n’ont pas la reconnaissance qu’ils devraient avoir. Pour réussir, cette réforme devra concilier deux impératifs : il vous faudra tout d’abord passer par une concertation avec les associations d’élus ; vous l’avez vous-même reconnu et c’est tant mieux ! Il vous faudra ensuite écouter le Sénat, qui, sur toutes ses travées, a déjà beaucoup travaillé sur ce statut.

Nous aurons certainement des points de vue divergents sur les détails, mais il est nécessaire de nous engager enfin dans la voie d’une véritable reconnaissance de nos élus locaux. Cela contribuera à la respiration démocratique dont notre pays a besoin.

La question centrale de cette respiration démocratique restera, ensuite, celle de la décentralisation. Comme lors des précédents débats, nous demandons la mise en place d’un nouveau pacte de décentralisation, afin que les collectivités puissent agir pleinement et librement, mais aussi disposer de moyens propres dans les domaines du développement économique, de l’aménagement du territoire ou des déplacements et des équipements.

Le lien de confiance avec les élus locaux passera par là et par le retour au respect des engagements de l’État sur les projets locaux. Jusqu’ici, nous en sommes loin, monsieur le Premier ministre. À cet égard, permettez au sénateur du Nord et, donc, des Hauts-de-France que je suis de vous dire que le retrait progressif et cynique de l’État sur le projet du canal Seine-Nord Europe n’est pas acceptable.

Faire confiance aux élus locaux, aux collectivités et à la décentralisation, c’est assurer la vitalité démocratique du pays. Cela étant, cette dernière a besoin d’une autre ressource : la pluralité politique.

Monsieur le Premier ministre, nous avons des divergences de vues et des oppositions, mais nous avons en commun la volonté, au moins affichée, de faire vivre notre démocratie et de promouvoir le projet républicain. Cette pluralité est incarnée dans nos assemblées, voire au sein de nos groupes. C’est une force pour nous tous. Aussi, nous nous inquiétons de l’une de vos réformes à venir : la réforme institutionnelle et le totem de la réduction du nombre de parlementaires.

Vous avez manifestement décidé de reporter sine die une réforme qui reste pourtant absolument nécessaire, en faisant porter la responsabilité de votre décision sur la Haute Assemblée, pourtant gardienne de la juste représentation des territoires. Monsieur le Premier ministre, je dénonce cette manœuvre, alors qu’un accord raisonnable est toujours possible.

M. Roger Karoutchi. Tout à fait !

M. Patrick Kanner. Je dénonce l’hypothèse de l’utilisation du référendum, dont l’instrumentalisation servirait de sanction à l’encontre du Sénat.

Je dénonce une attitude menaçante à l’égard des élus de la Nation, parce qu’ils auraient le défaut de déplaire au Château ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Kanner. Sachez que ces espaces de respiration démocratique, où les oppositions sont structurées autour de partis, sont la garantie d’une République vivante dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Martial Bourquin. Très bien !

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, en réduisant le nombre de parlementaires, vous risquez d’affaiblir la pluralité politique. Celle-ci ne peut pas exister correctement dans un parti attrape-tout, dans un parti unique, ou si vous créez, de fait ou de manière assumée, les conditions d’une alternance politique avec la seule extrême droite. C’est tout le leurre du « et droite, et gauche », qui écraserait tout sur son passage.

D’ailleurs, permettez-moi de noter une contradiction dans votre politique et dans votre engagement sur le sujet : vous nous appelez à dépasser nos partis – peut-être faut-il voir le mot « effacement » derrière celui de « dépassement » ? –, dans l’intérêt du pays. Mais, lorsque nous le faisons sans pour autant abjurer un quelconque engagement, comme sur la question d’Aéroports de Paris, vous nous le reprochez.

Permettez-moi donc de trouver votre injonction à vous soutenir quelque peu opportuniste. Votre prétendue recomposition politique passe d’abord par la destruction des partis politiques classiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Patrick Kanner. Vous l’avez compris, nous n’approuverons pas votre déclaration de politique générale, que vous nous demandez de voter en application de l’article 49, alinéa 4, de la Constitution. Cette déclaration est manifestement utilisée aujourd’hui au Sénat comme une trappe à soutiens et, surtout, comme une machine électorale à stigmatiser pour les échéances à venir.

Ainsi, j’ai la preuve qu’au moins l’un de vos ministres – il se reconnaîtra, je n’en doute pas – est en train d’envoyer des SMS, y compris à des sénateurs de mon groupe, pour obtenir des appuis. (Exclamations amusées.)

M. Martial Bourquin. En ce moment même !

M. Julien Bargeton. J’ai les noms ! (Sourires.)

M. Patrick Kanner. Le bilan de l’acte I du quinquennat vous conduit à un acte II sans changement de cap. Cette perspective ne nous convient pas : à la gauche du pays, maintenant, d’offrir une véritable alternative ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, vous ouvrez cette semaine devant le Parlement l’acte II du quinquennat du Président de la République.

L’écoute et le dialogue étant à notre sens les premiers attributs d’un élu – nous les mettons d’ailleurs en application –, c’est avec responsabilité que nous tirerons les conséquences de votre déclaration de politique générale au travers de notre vote, en gardant constamment en tête les besoins de tous nos territoires. Tel est en effet, monsieur le Premier ministre, le sens profond que nous donnons à notre fonction d’élus de la Nation, nous qui incarnons la démocratie représentative, loin des mirages du mandat impératif.

Avant toute chose, nous savons combien notre époque est celle d’un bouleversement des repères. Le monde est en train de redéfinir ses équilibres géopolitiques en basculant vers le Pacifique. L’Europe politique est à la recherche d’un nouveau souffle pour s’incarner. Le modèle économique est allé au bout de sa logique ultraproductiviste, ce « capitalisme devenu fou » dont a parlé le Président de la République à Genève. La transition écologique est devenue une nécessité absolue, qui doit dépasser les clivages partisans et à laquelle les Français ont montré leur attachement lors du scrutin européen.

Notre pays n’échappe évidemment pas à ces mouvements profonds, parfois chaotiques, qui mettent à mal la promesse républicaine d’égalité. La crise des « gilets jaunes », avec ses demandes de justice sociale, mais aussi ses outrances inacceptables, en est le symptôme paroxystique. Nous l’avons suffisamment rappelé à cette tribune.

Mon groupe, pour sa part, refusera toujours de s’incliner devant la pression de la rue. Nous tirons notre légitimité du seul suffrage universel. C’est pourquoi nous ne céderons pas au pessimisme béat des « déclinistes » de tous bords, thuriféraires du statu quo. Rien n’est plus faux ! Depuis 2017, nous sommes bien placés pour savoir que de nombreuses réformes ont été votées : la réforme de la SNCF, les ordonnances Travail, la loi ÉLAN – évolution du logement, de l’aménagement et du numérique –, ou encore la modernisation de la formation professionnelle.

Oui, il y a des signaux encourageants : la France est redevenue attractive pour les investisseurs étrangers, les créations nettes d’emplois progressent et le pouvoir d’achat s’améliore lentement.

Votre gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, a également pris des mesures fortes et significatives pour nos finances publiques, afin de répondre à des demandes légitimes : annulation de la hausse de la CSG sur les retraites, report des hausses des prix du carburant et des taxes sur l’énergie, facilitation des primes exceptionnelles.

Vous avez certes répondu à une demande urgente de revalorisation du pouvoir d’achat, première préoccupation de nos concitoyens, comme l’a montré le grand débat. Mais convenez que ce n’est pas suffisant : la souffrance qui s’est exprimée ne peut rester sans réponse structurelle.

Monsieur le Premier ministre, il existe certes une culture de gauche et une culture de droite, comme vous l’avez dit. Néanmoins, vous le savez, la bipédie suppose un équilibre harmonieux entre les deux jambes : celle de droite, déjà bien nourrie, et celle de gauche. Or notre pays ne peut plus se permettre de claudiquer, parce qu’une jambe serait hypertrophiée par rapport à l’autre. Il est temps de corriger ce déséquilibre.

Peut-être est-ce d’ailleurs ce que vous avez voulu signifier en déclarant que vous souhaitiez « remettre de la proximité et de l’humain » dans votre politique. Mais comment allez-vous concilier ce besoin de proximité, que vous redécouvrez, avec la constance et la cohérence que vous avez rappelées ? Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle votre ministre de l’action et des comptes publics affirmait la semaine dernière vouloir « parler davantage au peuple ».

Sur le principe, ces inflexions ne peuvent que nous convenir. Je vous le disais d’ailleurs le 6 décembre dernier : nous serons avec vous pour soutenir des mesures simples et concrètes répondant aux besoins de nos concitoyens, à rebours de la technocratie qui a sclérosé notre pays.

Oui, nombre de vos annonces vont dans le bon sens, même si elles ne manquent pas de susciter des interrogations.

Quid du plan Pauvreté, qui semble au point mort ? Comment allez-vous financer la suppression de la taxe d’habitation tout en relançant la péréquation horizontale ? Quelles dépenses publiques allez-vous réduire pour financer les baisses d’impôt ? Quelle vision de la laïcité souhaitez-vous défendre pour combattre les fractures communautaristes ? Comment l’État peut-il faire pour mieux accompagner les collectivités dans leurs projets de développement et de soutien à l’ingénierie – je pense ici à notre proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires ?

Vous le savez, ce que mon groupe attend, ce sont des actes forts. Pour nous, la promesse républicaine de l’égalité n’est ni une chimère ni une relique.

Or, chaque semaine, nous voyons sur le terrain des femmes et des hommes en souffrance, des territoires victimes de fractures anciennes et profondes.

Ce sont les zones rurales, abandonnées par Paris, qui accumulent fermetures de services publics et facteurs d’enclavement. Ce sont les zones urbaines populaires, qui subissent les retards économiques et sociaux depuis trop longtemps. Ce sont encore les zones périurbaines, trop excentrées des métropoles pour bénéficier de leurs richesses, mais où la classe moyenne doit vivre, contrainte de travailler dans les grandes villes malgré la saturation des transports.

Tous ces citoyens ne réclament pas l’aumône. En effet, le déclin prophétisé par certains n’est pas inexorable. Ce que nos concitoyens veulent, c’est de la considération, le respect de leur dignité ou, pour le dire avec vos mots, de la « civilité ». Nous n’avons pas oublié, par exemple, le triste épisode de la fin de non-recevoir opposée à la revalorisation des pensions de retraite agricole.

Vous avez encore évoqué la défiance qui se serait accentuée entre les Français et leurs représentants ou l’administration. Vous y apportez comme principale réponse votre réforme institutionnelle, dont l’essentiel ne soulève pas de difficultés majeures. Bien sûr, la question de la réduction du nombre de parlementaires est sensible, non pas parce que nous serions corporatistes – caricature que l’on fait de nous pour mieux nous stigmatiser –, mais bien parce qu’il est question de représenter au mieux les citoyens et les territoires.

Monsieur le Premier ministre, le Sénat est la chambre dans laquelle résonnent les voix de tous les territoires qui font la France. Toujours dans le respect et le dialogue, je vous propose de poursuivre vos échanges avec le Sénat en appliquant cette méthode. Il sera toujours temps ensuite, s’il le faut, de demander leur avis aux Français. Cela étant, vous savez mieux que moi que d’aucuns s’y sont essayés sans succès… (M. le Premier ministre sourit.)

Pour l’heure, les votes au sein du groupe du RDSE seront divers ; c’est notre liberté de ton. (Exclamations amusées.)

Certains, la majorité des membres du groupe, approuveront votre déclaration de politique générale. Mais n’y voyez pas un blanc-seing ! (Sourires.)

M. Julien Bargeton. Bien sûr !

M. Jean-Claude Requier. D’autres s’abstiendront, car ils attendent avec vigilance que les engagements se transforment en actes.

M. Martial Bourquin. Nul n’est parfait !

M. Jean-Claude Requier. Les derniers, enfin, voteront contre, car ils ne se retrouvent pas dans votre ligne politique. (Rires.)

M. Max Brisson. Et les autres ?…

M. Jean-Claude Requier. Cependant, ne doutez pas que nous placions tous la réussite de notre pays au-dessus des contingences.

En résumé et en conclusion, monsieur le Premier ministre, restez à 80 kilomètres par heure pour les mesures libérales, mais accélérez à 90 kilomètres par heure pour les mesures sociales et territoriales ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après un long discours hier et un nouveau discours devant vous ce matin, je serai bref.

Je veux remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés à cette tribune, plus particulièrement le président Patriat, le président Malhuret et le président Requier, qui ont formulé le soutien de leur groupe, que celui-ci soit général, majoritaire ou… autre. (Sourires).

Hier et ce matin, j’ai tenté d’exposer ce que nous allions faire, de détailler le calendrier que nous nous fixions et la méthode que nous entendions mettre en œuvre.

Bien entendu, en fixant un tel objectif, je ne puis détailler l’ensemble des mesures et des dispositifs qui sont à inventer et qui seront adoptés. La raison en est assez simple : ces dispositions sont nombreuses, complexes et, pour une grande partie d’entre elles, elles dépendront des discussions qui se noueront, soit avec les associations d’élus s’agissant des questions relatives aux collectivités territoriales, soit avec les parlementaires, évidemment, sur tous les sujets.

Chacun ici peut comprendre qu’il est impossible de présenter des dispositifs comme achevés, alors qu’ils sont en cours de préparation.

C’est la raison pour laquelle je n’entrerai pas dans le détail des observations formulées par le président Kanner sur le régime universel de retraite que nous voulons bâtir.

Je me permets simplement de vous indiquer, monsieur le président, que le haut-commissaire rendra ses préconisations en juillet prochain et que celles-ci, je puis le dire, sont extrêmement éloignées de ce que vous avez indiqué. Nous aurons, j’en suis certain, l’occasion de débattre dans le détail d’une réforme qui est essentielle et complexe, mais qui, je veux le rappeler, me paraît juste et nécessaire.

Hier, à l’Assemblée nationale, j’ai invité au dépassement – certains l’ont noté. J’ai même utilisé l’expression de « changement de ton ».

Je veux vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l’ai dit hier à l’ensemble des députés, qu’il ne s’agit en aucun cas d’une mise en accusation, mais bien d’une invitation que je m’adresse à moi-même, à l’ensemble des membres du Gouvernement, à tous ceux qui s’engagent en politique, et même, d’une certaine façon, à tous ceux qui s’expriment en politique, sphère médiatique comprise.

La qualité de notre débat public, quelles que soient d’ailleurs les idées que nous soutenons, mérite mieux que les postures, les provocations, les caricatures, les simplifications excessives et les absences de perspectives. (MM. Julien Bargeton et Jérôme Bignon applaudissent.)

Je le crois profondément, et si j’ai pu moi aussi m’en rendre responsable, je suis bien déterminé à faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Nous avons tous à y gagner, le Gouvernement et le Parlement, pour le plus grand profit du débat public. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

La question de la dépense publique a été évoquée. Je n’entrerai pas dans le détail, mais je donnerai tout de même quelques chiffres, pour planter le décor : la dette publique représentait 57,9 % du PIB en 1996, 57,6 % en 2000, 64,4 % en 2006, 90,2 % en 2012, 98,4 % en 2017 et la même chose en 2018.

Nous nous renvoyons constamment la balle de la responsabilité de la hausse et du niveau inégalé de la dette publique en France. Ayons conscience que la progression massive de la dette publique…

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. C’est la droite !

M. Xavier Iacovelli. C’est Sarkozy !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … est liée aux quinze dernières années et à la réaction française à la crise financière de 2008. Par ailleurs, depuis lors, la progression de la dépense publique et celle de la dette publique n’ont jamais ralenti ni été calmées. Sachons-le !

Sachons aussi que, s’agissant du calcul de la dette publique – j’ai déjà eu l’occasion de le dire au Sénat, mais j’y insiste –, nous avons pendant très longtemps fait comme s’il ne fallait pas tout comptabiliser.

Ainsi, l’un des axes de la réforme de la SNCF que nous avons mise en œuvre est la récupération par l’État de la dette de cette entreprise. Pendant des années, nous avions fait comme si la dette que supportait la SNCF n’était pas une dette publique (M. Jérôme Bascher acquiesce.), et comme si cette entreprise pouvait continuer à fonctionner financièrement sans bénéficier de la garantie de l’État.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis parfaitement d’accord avec ceux d’entre vous qui considèrent que la dette publique, comme la dette écologique, est un fardeau que nous faisons reposer sur les épaules de nos enfants. Je suis absolument convaincu de la nécessité de stabiliser cette dette et même de la réduire.

Je sais que l’exercice n’est pas facile. Ceux qui disent que la dépense publique n’a jamais été aussi élevée en France disent vrai. En valeur absolue, c’est évident. Mais, si l’on raisonne en valeur absolue, on peut tout aussi bien dire que le PIB n’a jamais été aussi élevé ou que les dépenses sociales n’ont jamais été aussi importantes, dans la mesure où la croissance, année après année, fait croître ces chiffres.

Ce qui m’intéresse, en réalité, c’est le rythme de progression de la dépense publique, dont nous savons tous ici qu’il est d’abord et essentiellement guidé par celui de la dépense sociale, des dépenses de transfert, dont nous savons tous qu’elles sont nécessaires.

Autrement dit, faire en sorte que la progression de la dépense publique soit largement inférieure à la progression du PIB est un exercice collectif redoutablement complexe. Je ne l’aborde jamais avec facilité ni en faisant des raccourcis. D’ailleurs, si l’exercice était simple, on aurait des chiffres exactement inverses : la dépense publique aurait considérablement diminué depuis quarante ans, et il n’y aurait plus de dette publique !

Vous le voyez bien, nous sommes collectivement confrontés à une situation qui a parfois conduit les gouvernements à réaliser des économies considérables sur d’autres postes, pour donner le sentiment qu’ils réduisaient la dépense publique.

Si l’on veut réduire rapidement la dépense publique, il suffit d’utiliser le rabot : c’est rapide et parfois efficace, mais c’est rarement malin.

Si l’on veut réduire la dépense publique dans la durée, il faut plutôt mener des réorganisations, ce qui est rarement rapide, mais évidemment beaucoup plus intelligent. Il faut donc imaginer une nouvelle manière de produire les services publics ou d’organiser les dispositifs d’accompagnement public, afin de mieux maîtriser la progression de cette dépense. C’est plus intelligent, mais c’est plus lent et cela exige probablement plus de travail, en particulier plus collectif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre vous attendent les mesures que j’ai annoncées, d’autres les redoutent. À tous – y compris au président Marseille, que j’ai oublié de citer (Exclamations amusées.),…

M. Roger Karoutchi. C’était bien la peine de faire autant d’efforts !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … puisse-t-il m’en excuser –, je veux dire ma détermination et celle du Gouvernement à mettre en œuvre la méthode que j’ai évoquée et les mesures d’urgence écologique, de justice sociale et d’équité territoriale qui sont au cœur de l’acte II.

N’ayez en la matière aucun doute sur la détermination du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

M. le président. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie.

Le Sénat va procéder au vote sur la déclaration de politique générale du Gouvernement.

En application de l’article 39, alinéa 2, du règlement, le scrutin public est de droit.

En application de l’article 60 bis, alinéa 3, du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l’article 56 bis du règlement.

J’invite MM. Dominique de Legge et Éric Bocquet, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.

(Le sort désigne la lettre N.)

M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l’appel nominal.

Le scrutin est ouvert.

Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.

(Lappel nominal a lieu.)

M. le président. Le premier appel nominal est terminé.

Il va être procédé à un nouvel appel nominal.

(Le nouvel appel nominal a lieu.)

M. le président. Plus personne ne demande à voter ?…

Le scrutin est clos.

MM. les secrétaires vont procéder au dépouillement.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 150 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 164
Pour l’adoption 71
Contre 93

Le Sénat n’a pas approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi visant au développement des médiateurs territoriaux
Discussion générale (suite)

Institution d’un médiateur territorial dans certaines collectivités

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales, présentée par Mme Nathalie Delattre, M. François Pillet et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 699 [2017-2018], texte de la commission n° 547, rapport n° 546).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant au développement des médiateurs territoriaux
Article 1er

Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que de chemin parcouru ! Que de travail accompli depuis la rédaction de cette proposition de loi déposée le 30 juillet 2018, voilà presque un an, aux côtés de notre ancien et très estimé collègue François Pillet, qui – est-il nécessaire de le rappeler ? – a quitté nos travées pour rejoindre les fauteuils du Conseil constitutionnel.

François Pillet avait accepté de me parrainer et de me conseiller dans le cheminement de ce texte de loi, un appel cosigné par près de 20 % d’entre nous. Nous avions alors pour objectif de porter au cœur de cet hémicycle le débat sur le rôle que peut jouer la médiation territoriale, aux fins de rapprocher l’administration de ses administrés.

Entre-temps, cette proposition de loi a rencontré l’actualité. Elle a trouvé un écho particulier à l’échelle nationale, avec le mouvement des « gilets jaunes ». Cet élan de protestation a mis en lumière, sur l’ensemble de notre territoire, l’extrême défiance de nos concitoyens envers nos mécanismes démocratiques.

C’est un profond sentiment de mise à l’écart de l’élaboration de nos politiques publiques qui a été exprimé. Les manifestants nous font part de leur furieuse envie d’être régulièrement consultés et intégrés dans les processus de décision ; ce sentiment s’exprime d’ailleurs bien au-delà d’eux.

Le Gouvernement a répondu de manière originale à cette crise, en organisant un grand débat national. Ce sont près de 700 médiateurs, 700 facilitateurs de parole, qui ont eu la lourde tâche de transformer une contestation violente en une concertation constructive. Ce sont eux qui ont eu la responsabilité d’animer et de réguler au plus près du terrain ces participations de citoyens aspirant à devenir bien plus que de simples administrés – la responsabilité de redonner de la vitalité à notre démocratie.

C’est pourquoi, dans le cadre du grand débat national organisé au Sénat, j’avais tenu à interroger Mme la ministre de la justice, Nicole Belloubet, sur l’opportunité de notre proposition de loi et sur le rôle des médiateurs territoriaux au sein de nos collectivités locales. Dans sa réponse, Mme la garde des sceaux avait reconnu le rôle que pourrait jouer la médiation territoriale, pour « revivifier l’expression de la citoyenneté en France ».

La médiation territoriale a d’ores et déjà fait ses preuves sur notre territoire : elle apparaît comme le maillon manquant entre les administrations et leurs résidents.

Même s’il est difficile de recenser les médiateurs, car ils ont des statuts et des pratiques pouvant différer, l’Association des médiateurs des collectivités territoriales en dénombre une quarantaine : 23 médiateurs communaux, notamment à Bordeaux, Paris ou Angers, 1 médiateur intercommunal à Bourges, 1 médiateur métropolitain lillois, 14 médiateurs départementaux, notamment en Gironde, Charente-Maritime ou dans le Cantal, et 2 médiateurs régionaux, avec l’Île-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Toutefois, comment développer au mieux ce formidable outil qu’est la médiation territoriale ? Comment instiller cet élément de réconciliation dans nos rouages administratifs, sans créer une nouvelle charge pour nos collectivités ?

C’est tout le travail que nous avons mené avec le rapporteur François Bonhomme, que je salue et remercie chaleureusement de son attrait et de sa réelle implication dans cette cause.

C’est aussi le fruit de nombreuses sollicitations que nous avons spontanément reçues à la suite de la publication du texte en juillet 2018. Je souhaitais donc tout naturellement remercier les associations de médiateurs et les représentants d’acteurs de la médiation territoriale que nous avons auditionnés et qui ont apporté leur pierre à l’édifice. C’est sans oublier l’appui du ministère de la justice et le vif intérêt manifesté par M. le ministre Sébastien Lecornu, qui a tenu à être présent aujourd’hui.

Nous n’avons pas eu la prétention d’embrasser l’ensemble des problématiques de la médiation française. L’objectif était de réunir des textes épars et de les enrichir sur le seul champ de la médiation territoriale.

Nous avons saisi l’occasion de ce véhicule législatif pour élaborer un socle solide, capable de faire prospérer écoute et dialogue au sein de nos collectivités et de faire naître de nouvelles initiatives de règlement de conflits au quotidien. Cette disposition est attendue, car elle va permettre de limiter le nombre de recours juridiques et de régler certains vices de procédure, parfois chronophages.

Avec le rapporteur, j’ai pris le parti de supprimer l’obligation de désigner un médiateur territorial dans les communes de plus de 60 000 habitants et dans les intercommunalités de plus de 100 000 habitants – soit respectivement 94 communes et 123 établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, en France –, ainsi que dans les conseils départementaux et les conseils régionaux.

Si cette obligation, initialement prévue dans la proposition de loi, pouvait favoriser un développement rapide de ce mode de résolution à l’amiable, nous avons décidé d’éviter toute nouvelle contrainte pour les collectivités territoriales.

Ce texte permet de parvenir à une notion de médiation territoriale, dans laquelle le rôle du médiateur y est défini par son champ de compétences.

Nous avons pris le parti d’exclure les différends avec les autres personnes publiques et les litiges internes de gestion des ressources humaines. Nous avons également tenu à articuler son action avec celle du Défenseur des droits, dont il devient le correspondant, ou avec celle des autres médiateurs, comme celui de la consommation. Nous avons chargé le médiateur territorial de remettre annuellement un rapport d’activité ; ce document peut être source de propositions pour les élus, afin de résoudre des dysfonctionnements aussi bien ponctuels que structurels entre voisins, entre particuliers ou avec l’administration.

L’un des apports de cette proposition de loi est d’élaborer un code de déontologie pour tout médiateur territorial en France. Pour cela, elle s’appuie sur des principes inspirés du code de justice administrative, tels que l’indépendance, l’impartialité, la compétence, la diligence et la confidentialité.

Afin de garantir, dans la pratique, ces règles déontologiques, le texte prévoit certaines incompatibilités avec des fonctions d’élu ou d’agent territorial de la même collectivité.

Ces mesures ont pour objectif d’éviter certains cas, observés notamment lors de mes auditions préalables, de conseillers municipaux de la majorité occupant la fonction de médiateurs territoriaux au sein de leurs communes et statuant sur des litiges survenant avec leur propre administration. L’adoption d’un amendement de notre rapporteur a permis d’élargir ces conditions d’exercice aux agents contractuels, mais aussi de souligner que la proposition de loi rappelle la gratuité de ce service aux usagers.

Enfin, et cela constitue une avancée majeure, cette proposition de loi octroie au processus de médiation territoriale un caractère suspensif.

En effet, les dossiers viennent souvent en médiation après un certain délai de réflexion ou d’une information obtenue tardivement – donc proche de la fin d’un recours. Or la médiation demande parfois un peu de temps : cette suspension peut permettre de ramener de la sérénité et de laisser le temps, justement, démêler une situation délicate. Cela peut permettre, aussi, d’éviter une judiciarisation.

Toutefois, si la collectivité pense que la saisie de la médiation n’a que pour seul but de gagner du temps, et si la démarche semble abusive, elle aura le choix de ne pas entrer dans le processus de médiation. De même, si cette dernière n’aboutit pas, le délai de recours reprendra à la date initiale.

Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, cette proposition de loi ayant pour objet de favoriser le développement des médiateurs territoriaux répond donc à une pratique de résolution de conflits entre l’administration et les administrés. Cette dernière doit être encadrée par la loi, pour ne pas être dénaturée.

En rédigeant un nouvel article du code général des collectivités territoriales, ce texte de loi a, je pense, relevé le défi que je lui avais donné avec le sénateur François Pillet : créer un socle de règles communes pour la médiation territoriale, sécuriser son application sur le terrain et faire prospérer ce mode de règlement de conflit de proximité à l’amiable.

« Voilà ce qui réconcilie la politique et la proximité. Voilà ce qui peut nous réconcilier durablement avec les Français, nous qui nous sommes engagés pour améliorer leur vie quotidienne ». Ce ne sont pas là mes propos, mes chers collègues ; ce sont les mots prononcés par M. le Premier ministre, ce matin, à cette même tribune, dans son discours de politique générale.

Je suis donc ravie, fière, et même un brin émue de vous présenter ce texte de loi, qui, j’en suis persuadée, répond tant à un besoin de nos collectivités qu’à l’appel lancé par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales. Comme cela a été rappelé, elle a été déposée en juillet dernier par notre collègue Nathalie Delattre, que je salue.

Ce texte fait le constat que des médiateurs ont déjà été institués dans tous les niveaux de collectivités territoriales, mais aussi que nos concitoyens attendent une proximité plus importante. Il tend donc à encourager ce mode alternatif de règlements des litiges, qui nous fait encore trop souvent défaut.

La médiation a pour objet principal de prévenir la judiciarisation des litiges. C’est là sa principale vertu. Je vous rappelle sa définition : elle fait intervenir un tiers, le médiateur, qui s’efforce de soumettre aux deux parties une proposition de solution de leur différend, qu’elles sont ensuite libres d’accepter, ou non. Le médiateur, je le rappelle, n’est pas investi du pouvoir d’imposer sa décision, comme l’est, par exemple, le juge.

Les collectivités territoriales sont aujourd’hui libres de mettre en place des médiateurs institutionnels pour résoudre à l’amiable les différends pouvant survenir avec leurs administrés.

L’Association des médiateurs des collectivités territoriales, que nous avons auditionnée, estime à environ soixante le nombre de médiateurs existants aujourd’hui, et, en général, leur action est ressentie plutôt positivement.

Pour autant, dans le silence des textes, leurs modalités de nomination et la procédure suivie ne font pas l’objet de garanties légales. De surcroît, leur institution n’est aujourd’hui nullement obligatoire.

Le droit en vigueur offre en outre plusieurs autres formes de médiation visant à prévenir la judiciarisation des litiges entre les collectivités territoriales et leurs administrés : je pense au Défenseur des droits, à la médiation administrative, réformée en 2016, et au régime de la médiation de la consommation, issu du droit de l’Union européenne et applicable aux collectivités territoriales pour la mise en œuvre d’un service public industriel et commercial, qui est considéré comme un service marchand.

Compte tenu de l’attente de proximité de la part de nos concitoyens, mais aussi du droit en vigueur, nous avons mené avec Nathalie Delattre et François Pillet – dont l’esprit continue de planer ici et, j’en formule le vœu, de nous nourrir (Sourires.) – un travail conjoint, que j’espère fructueux, afin de trouver un accord sur ce texte.

Nous sommes convaincus que les collectivités territoriales ont tout intérêt, lorsqu’elles en ont la possibilité, à instituer un médiateur territorial. Nous envisageons ce dernier comme un régulateur bienveillant des aléas de la vie administrative, et ils sont nombreux. Sur le plan local, cela nous paraît tout à fait opportun.

Face à ce constat, et reconnaissant l’utilité de la médiation dans les territoires, la commission des lois a souhaité encourager le recours aux médiateurs territoriaux, sans toutefois l’imposer, et ce tout en clarifiant le cadre juridique dans lequel ceux-ci opèrent.

Ainsi, nous avons tout d’abord laissé aux collectivités territoriales ou aux groupements la liberté de choisir de recourir, ou non, à ce dispositif, et ainsi rendu facultative la création d’un médiateur territorial à l’article 1er.

Nous avons ensuite renforcé la sécurité juridique du dispositif proposé, sans renoncer à ses objectifs. Pour cela, nous avons mieux défini le champ de compétences du médiateur territorial, en excluant les litiges avec une autre personne publique, de nature contractuelle ou relevant de la gestion des ressources humaines.

Nous avons ensuite complété les garanties entourant la nomination et l’exercice des fonctions, en rendant incompatibles les fonctions de médiateur territorial avec celles d’élus ou d’agents des groupements dont serait membre une collectivité territoriale nommant un médiateur.

Nous avons aussi clarifié le régime procédural de la médiation territoriale, en faisant de la saisine d’un tel médiateur une cause d’interruption du délai de recours contentieux et en alignant les principes de la médiation sur ceux qui régissent la médiation en matière administrative.

Enfin, nous avons adopté des dispositions transitoires pour les médiateurs en fonction à la date d’entrée en vigueur de la loi, et modifié l’intitulé de la proposition de loi, de façon à le mettre en cohérence avec son contenu. Je vous proposerai donc, au nom de la commission des lois, quelques ajustements en séance. Il s’agira notamment de mieux circonscrire les relations contractuelles, que nous souhaitons exclure de la compétence du médiateur territorial.

Je vous proposerai qu’il soit incompétent pour traiter des litiges relevant du code de la commande publique, d’une part, et du champ de la médiation de la consommation, de l’autre. En effet, l’un et l’autre font l’objet d’un régime spécifique en application d’une directive européenne, codifiée au titre Ier du livre VI du code de la consommation. Je pense que cette rédaction répondra à l’attente de M. Emmanuel Capus, qui a déposé un amendement sur ce sujet.

Outre des amendements de précision, je vous proposerai également d’adopter plusieurs amendements, notamment de Mme Laurence Harribey, visant à compléter utilement le texte sur les incompatibilités et la publicité du rapport du médiateur territorial.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’appelle de mes vœux l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver, comme désormais chaque après-midi et chaque matinée. (Sourires.)

Il s’agit aujourd’hui d’examiner cette proposition de loi visant à favoriser le développement des médiateurs territoriaux, qui a été déposée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe du RDSE. À cet égard je tiens à remercier Nathalie Delattre, qui est à l’origine de cette proposition de loi, pour le travail mené sur ce texte ; nous avons eu l’occasion, cela a été souligné, d’échanger régulièrement en amont, pour le faire évoluer de manière constructive.

Les travaux de la commission des lois, monsieur le rapporteur, sont allés en grande partie dans le bon sens, laissant davantage de libertés aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Nous y reviendrons plus en détail dans un instant.

À l’origine de cette proposition de loi se trouve un constat que vous avez dressé, madame Delattre, à partir de l’exemple vertueux de la ville de Bordeaux, laquelle a institué un médiateur territorial pour prévenir la judiciarisation – parfois excessive – de certains différends.

Pour faire simple, face à un différend, les deux parties peuvent saisir un médiateur, qui leur propose alors une solution, qu’elles sont évidemment libres d’accepter ou non. De telles pratiques sont bien connues dans le cadre du droit des entreprises.

Plusieurs collectivités ont déjà mis en place un médiateur. En effet, sur le fondement des données de l’Association des médiateurs des collectivités territoriales, on peut estimer à environ une cinquantaine le nombre total de médiateurs existants dans les collectivités territoriales et les EPCI.

L’objectif qui se trouve derrière cette proposition de loi est évidemment louable, puisqu’il s’agit de développer et de généraliser de bonnes pratiques, qui permettent parfois de répondre à un besoin de proximité exprimé par nos concitoyens.

Pour ce faire, vous avez articulé votre texte autour de deux grands axes.

Le premier vise à instituer obligatoirement un médiateur territorial dans les communes de plus de 60 000 habitants et les EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants, les conseils départementaux et les conseils régionaux.

Le second tend à fixer un cadre clair à l’intervention du médiateur territorial et à son statut.

Nous avons échangé avant l’examen du texte en commission des lois, et je vous l’avais dit : dans sa version initiale, celui-ci comportait quelques écueils – j’emploie ce terme avec bienveillance.

Je reviens quelques instants sur la rédaction initiale. Dans celle-ci, il était prévu d’obliger certaines collectivités et leurs groupements à instituer un médiateur territorial. L’adoption d’une telle disposition aurait créé une contrainte nouvelle, alors même – vous avez l’habitude de me l’entendre dire ici, mesdames, messieurs les sénateurs – que le Gouvernement s’est fixé un objectif d’allégement et de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, notamment aux communes.

Lors de sa conférence de presse du 25 avril dernier, le Président de la République a été clair sur la place et le rôle des maires au sein de la République, ainsi que sur sa volonté de faciliter l’exercice de leur mandat.

Comme vous le savez, et comme le Premier ministre l’a indiqué ce matin même, je porterai prochainement un projet de loi structuré autour des thématiques de l’engagement et de la proximité, et articulé autour du parcours de l’élu local.

Il s’agira de répondre à plusieurs interrogations. Avant l’élection : comment encourager les citoyens à s’engager dans un mandat local ? Pendant le mandat : comment rendre plus facile le quotidien de celles et ceux qui se sont engagés – en clair, comment ne pas les décourager ? Enfin, après le mandat : comment remercier ceux qui se sont engagés et les accompagner dans leur reconversion ? C’est toute la question des modalités selon lesquelles la République peut apprendre à remercier celles et ceux qui l’ont servie.

Pour avoir accompagné le Président de la République lors des 96 heures de débats qu’il a eues avec plus de 5 000 élus locaux, je puis vous dire que le message exprimé par les maires était limpide : « Faites-nous confiance et cessez de nous imposer des normes ! »

L’obligation figurant dans la proposition de loi initiale allait donc à contre-courant, à la fois, de ce que les élus locaux disent sur le terrain et de ce que de nombreux sénateurs défendent ici, notamment dans le cadre de textes que nous avons examinés ensemble récemment. On peut, à ce titre, se référer à la proposition de loi instituant des funérailles républicaines.

Je remercie donc le rapporteur, tout autant que Mme Delattre, d’avoir déposé et fait adopter un amendement en commission tendant à rendre optionnelle, pour toutes les collectivités et leurs groupements, l’instauration de ce médiateur territorial.

Par ailleurs, cette proposition de loi fixe un cadre très précis au médiateur territorial. Actuellement, il n’y a pas de règles en la matière. Votre texte, madame Delattre, vient donc pallier ce que vous considérez, aujourd’hui, comme un manque, en proposant un socle de règles communes. Cela signifie donc que les règles seront les mêmes, que l’on parle d’une petite commune rurale ou d’une grande ville comme Bordeaux.

Je vous l’avais expliqué, si je comprends votre souhait de donner un cadre global, légitime et visible à cette fonction de médiateur territorial, tel que le texte est en ce moment encore rédigé, avant l’exercice du pouvoir d’amendement des sénateurs, on perd toute possibilité d’adaptation aux particularités d’une commune ou d’un EPCI. Il faut peut-être, là aussi, commencer à faire vivre la notion de « différenciation territoriale » dans les textes.

La crainte du Gouvernement – exprimée, de nouveau, avec bienveillance – est finalement que cette proposition de loi ne vienne rigidifier l’instauration d’un médiateur, voire la freiner dans certaines collectivités disposant de moyens modestes.

Je vais en donner quelques exemples.

Tout d’abord, qui peut devenir médiateur territorial ? À l’article 1er, il est prévu que le médiateur ne puisse exercer une fonction publique élective ou être un agent de la collectivité ou du groupement, ou d’une collectivité appartenant audit groupement.

Évidemment, l’idée, très légitime, est d’éviter que le médiateur ne soit juge et partie. Sauf que certaines collectivités ont déjà choisi d’avoir un médiateur élu. Et c’est parfois aussi le gage de la proximité, car l’élu connaît la collectivité, mais aussi les citoyens. Ce lien peut être utile dans de petites communes.

Il est à noter que le texte prévoit que le médiateur territorial soit le correspondant du Défenseur des droits : cette notion, intéressante, mérite d’être définie plus précisément, tout comme l’articulation avec les services du Défenseur des droits, dont l’organisation et le fonctionnement, il faut le rappeler, relèvent de la loi organique.

Ensuite, qu’en est-il de la durée de la fonction ? Celle qui a été retenue est de cinq ans, renouvelable une fois et non révocable. Pourquoi pas, mais – cela n’aura échappé à personne dans cet hémicycle – cette durée de cinq ans n’est pas alignée sur la durée du mandat municipal. N’y a-t-il pas là le risque de contraindre la collectivité ?

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, je pose beaucoup plus de questions que je n’en résous dans mon propos, ce qui montre ma position bienveillante à l’égard de ce texte.

Des collectivités ont développé des formules diverses. Les faire entrer dans un cadre rigide contraignant, uniforme au plan national ne nous paraît pas souhaitable. Je formule le vœu, en tout cas, que nous tenions compte de ce point dans nos débats.

Je vous avais proposé, madame la sénatrice, de réfléchir à une articulation pour éviter d’imposer un tel cadre uniforme à des plus petites communes. Je sais que les délais d’examen étaient contraints et que le temps vous a sûrement manqué pour creuser la question. Cela étant, les travaux en commission ont déjà permis de faire évoluer le texte, et cette évolution mérite d’être saluée.

Aussi, d’après moi, ce texte mériterait d’être encore travaillé, comme nous nous apprêtons à le faire. Nous devons réfléchir ensemble aux éventuels effets de bord qu’il pourrait créer sur le terrain, notamment en termes de rigidité et d’obligation.

Cette proposition de loi constitue, en tout cas, une base extraordinairement intéressante de travail, en vue du projet de loi à venir. Je m’en remettrai donc, toujours avec bienveillance, à la sagesse du Sénat quant à son adoption.

Je ferai donc de même que pour la proposition de loi du sénateur Pierre-Yves Collombat et des membres de son groupe, texte qui a été examiné hier : j’entends me servir, au sens noble du terme, des travaux menés au Sénat et m’en inspirer avant la présentation devant le conseil des ministres du projet de loi qui sera construit autour de l’engagement et de la proximité.

Tous les éléments qui donneront lieu au consensus le plus large possible seront utilisés pour élaborer ce texte, qui sera soumis, au mois de septembre prochain, à votre examen. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien que la médiation n’ait été introduite dans le code de procédure civile qu’en 1995, elle est une idée très ancienne, profondément ancrée dans l’histoire des relations humaines. Son concept trouve sa racine dans le théâtre grec, où le rôle du médiateur est confié tantôt à un dieu, tantôt à un homme. (Sourires.)

Aujourd’hui, au sein de nos territoires qui attendent toujours plus de proximité, la médiation démontre bel et bien son utilité et son efficacité comme mode alternatif de règlement des litiges.

Au niveau local, un certain nombre d’initiatives ont déjà été prises par de nombreux maires, désireux de s’inspirer d’une pratique ayant fait ses preuves dans des secteurs très divers.

Ainsi, ont été créés des médiateurs municipaux, mais également des médiateurs départementaux et même, plus récemment, un médiateur régional. C’est le cas à Angers,…

M. François Bonhomme, rapporteur. Quel exemple d’excellence ! (Sourires.)

M. Emmanuel Capus. … et je salue l’action d’Hervé Carré, qui assure en ce moment même la présidence de la jeune Association des médiateurs des collectivités territoriales.

Ces structures de médiation contribuent à rapprocher les usagers de l’administration, en permettant notamment une meilleure compréhension des règles de droit et des pratiques administratives. En outre, elles coexistent avec plusieurs autres formes de médiation, comme le Défenseur des droits ou la médiation administrative.

Ainsi, les dizaines de médiateurs, déjà institués dans tous les niveaux de collectivités territoriales, contribuent, par leur action, à éviter complications et conflits juridiques, tant pour les administrés que pour l’administration, ou encore les juridictions administratives, qu’ils peuvent contribuer à désengorger.

La proposition de loi que nous examinons cette après-midi vise à conforter cette pratique, en clarifiant les missions du médiateur territorial, en définissant ses obligations et en affirmant son indépendance. Je félicite donc notre collègue Nathalie Delattre d’avoir pris l’initiative de son dépôt.

Si je suis profondément convaincu de l’utilité du médiateur territorial, régulateur bienveillant des aléas de la vie administrative, je me félicite également que les travaux en commission, sous l’impulsion du rapporteur, aient permis de ne pas accroître inutilement les charges des collectivités territoriales en supprimant le caractère obligatoire de l’institution d’un tel médiateur.

En effet, si la consécration législative d’un cadre juridique propre à cette catégorie de médiation apparaît essentielle et nécessaire, il est tout aussi important de laisser les élus apprécier localement et librement leurs besoins, en fonction de leur situation. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité informe d’ailleurs régulièrement les élus de cette possibilité.

Ce n’est donc pas l’instrument qui a été remis en cause, mais son caractère obligatoire ; ce dernier a été supprimé à la pleine satisfaction de tous.

Je souscris aussi aux modifications apportées par la commission, visant notamment à mieux définir les compétences et les fonctions du médiateur territorial, à garantir son indépendance et son impartialité et, enfin, à mieux encadrer le régime procédural pour assurer sa transparence et sa lisibilité pour les parties.

J’ai toutefois déposé deux amendements, afin de ne pas limiter inutilement – à mon sens – et exagérément les missions du médiateur, ce qui ne me semble pas souhaitable si l’on veut que son action soit utile, efficace et complète.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’utilité de la médiation au sein de nos territoires – elle a fait ses preuves –, il nous apparaît totalement opportun de consacrer dans la loi la possibilité offerte aux collectivités territoriales et à leurs groupements d’instituer un médiateur territorial.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires approuve donc pleinement cet objectif et votera ce texte, que certains de ses membres ont même cosigné. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme celle dont nous avons discuté hier, cette proposition de loi participe à l’enrichissement des débats, afin de faciliter l’exercice des mandats des élus locaux et, au-delà, la vitalité et l’intelligence collective territoriale de l’initiative et de la gestion.

Dans son discours de politique générale, ce matin, le Premier ministre a précisé les trois défis que le Gouvernement et sa majorité souhaitent relever pour tisser un lien de confiance raffermi avec les élus locaux. Car, sans ces derniers, la démocratie, pour reprendre la formule d’Édouard Philippe, est une « coquille vide ».

Comme les orateurs précédents l’ont précisé, la médiation constitue avant tout un mode alternatif de règlement des différends. Elle vise, dans la mesure du possible, à éviter le recours à l’institution judiciaire pour résoudre un conflit.

Selon l’Association des médiateurs des collectivités territoriales, il existe déjà une soixantaine de médiateurs dans les différents échelons territoriaux. Cette proposition de loi visait à institutionnaliser le médiateur territorial dans les collectivités locales, avec un seuil minimum pour les communes et les intercommunalités.

La commission des lois a souhaité apporter de justes modifications, afin de donner plus de souplesse au dispositif et d’en préciser davantage les contours, en liaison avec l’auteure de la proposition de loi et le pouvoir exécutif.

De manière non exhaustive, la commission a rendu facultative pour les collectivités la possibilité d’instituer un médiateur territorial. C’est évidemment une bonne chose : le caractère obligatoire nous paraissait également excessif. Elle a ensuite redéfini le champ de compétences du médiateur, en excluant notamment les litiges de nature contractuelle, afin que les litiges relevant de la commande publique ne soient pas concernés.

La commission des lois a également souhaité renforcer les garanties entourant la nomination et l’exercice des fonctions, en rendant incompatible celle de médiateur territorial avec celle d’élu ou d’agent des groupements dont serait membre une collectivité territoriale qui nommerait un médiateur.

Par souci d’impartialité, nous comprenons parfaitement cette modification. Toutefois, comme le soulignait le ministre Alain Richard en commission, reste en suspens la question de la rémunération au vu de la charge de travail que les fonctions de médiateur peuvent représenter. Je suis heureux que cette proposition de loi soit l’occasion d’évoquer ce sujet. À cet égard, le cas de la ville d’Angers, en matière de rémunération, reste une exception : cette expérimentation locale mériterait peut-être de prospérer.

Autre clarification apportée par la commission des lois : la saisine du médiateur territorial, qui constitue un motif d’interruption du délai de recours contentieux, sachant qu’elle a précisé que ces nouvelles dispositions ne s’appliqueraient qu’aux saisines intervenues postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire le 1er janvier 2021.

Je veux enfin remercier Nathalie Delattre et le groupe du RDSE de cette initiative, que nous partageons d’autant plus à la suite des améliorations apportées par notre collègue rapporteur François Bonhomme, en attendant celles que pourrait suggérer M. le ministre.

Souplesse, liberté, responsabilité nous guident, et nous soutiendrons évidemment cette initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois vous dire en préambule que je ne souscris pas à l’exposé des motifs de cette proposition de loi, étant un incurable défenseur de la démocratie participative (Exclamations.) – pardon, de la démocratie représentative !

M. François Bonhomme, rapporteur. C’est le retour du refoulé ! (Rires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Vous en parlez tellement, mes chers collègues, que l’on finit par être intoxiqué ! (Mêmes mouvements.)

Pour avoir été pendant un certain nombre d’années maire d’une commune modeste, je pense que c’est le travail du maire et des élus que d’écouter leurs concitoyens. Combien de conflits, même matrimoniaux, n’avons-nous pas réglés, les uns et les autres ? (Sourires.) Pour ma part, je ne partage pas cette façon de voir les choses, de même que l’hymne au grand débat me laisse quelque peu perplexe.

Cela dit, si l’on s’en tient simplement au côté pratique des choses, et compte tenu des modifications qui ont été apportées au texte, notamment de la décision de laisser au choix des élus la décision de mettre en place un tel médiateur, je n’y vois aucune contre-indication : si tel ou tel élu pense que, dans sa situation présente, la présence d’un médiateur est importante, je ne vois pas pourquoi on l’en priverait.

Par ailleurs, ce qui m’a fait quelque peu évoluer dans ma façon de voir les choses, c’est que, effectivement, la situation n’est pas comparable entre les grandes collectivités et les petites ou les moyennes communes. En raison de leurs différences de taille, celles-ci ne rencontrent pas les mêmes problèmes et n’ont pas les mêmes types de rapport avec les citoyens, la bureaucratie n’étant pas la même.

Si l’on tient compte également de la prolifération des très grandes intercommunalités, dont il n’est pas toujours facile de connaître les compétences, et encore moins de savoir qui les exerce et comment,…

M. François Bonhomme, rapporteur. Même pour les élus, ce n’est pas toujours facile !

M. Pierre-Yves Collombat. … j’en suis venu à la conclusion que, peut-être, dans certaines circonstances, le médiateur constitue un outil intéressant, non pas à la place des élus, mais avec eux.

Nous voterons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, lorsqu’elle a été présentée à l’examen de la commission des lois, visait à rendre obligatoire la désignation d’un médiateur territorial dans les régions, les départements, les communes de plus de 60 000 habitants et les intercommunalités de plus de 100 000 habitants.

Cette proposition, comme certains collègues l’ont dit, n’est pas nouvelle, puisqu’elle reprend pour l’essentiel un texte de 2014, qu’avaient cosigné, notamment, le président Gérard Larcher et Jacqueline Gourault, aujourd’hui ministre. Mais ce texte n’avait jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat, alors que l’intention était déjà de privilégier la médiation comme mode alternatif de règlement des conflits.

Toujours est-il que ce texte, comme l’a souligné son auteure, Nathalie Delattre, s’inscrit aujourd’hui dans un contexte plus favorable, avec à la fois la mise en évidence d’un véritable besoin de médiation et des expériences de plus en plus nombreuses, menées sur une base volontaire.

Deux régions, douze départements, vingt-deux communes, deux EPCI : cela commence quand même à être consistant et l’on peut s’en inspirer.

Certes, on peut s’interroger sur l’intérêt de la multiplication des textes isolés, qui, par touches fragmentées, abordent la question des relations des citoyens à la collectivité locale, mais ce texte a le mérite de tendre à tirer les enseignements des expériences territoriales qui se sont développées pour donner un cadre juridique unique, avec l’avantage de s’appuyer sur ce qui existe et de créer un socle de règles communes.

Par ailleurs, ce texte se distingue de celui de 2014 par le seuil à partir duquel, au départ, il était fait référence, mais aussi par l’intégration des EPCI. Son niveau de précision est également plus élevé, qu’il s’agisse des compétences du médiateur, de ses pouvoirs ou des garanties propres à assurer l’exercice de ses missions.

De fait, notre groupe adhère de manière claire à sa philosophie générale, et nous nous sommes appliqués à l’enrichir de manière constructive. Je souligne d’ailleurs la qualité des échanges que nous avons eus au sein de la commission des lois, ainsi que l’ouverture du rapporteur et des auteurs du texte.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Et celle du Gouvernement ! (Sourires.)

Mme Laurence Harribey. Finalement, ce texte peut être une excellente base pour le travail que vous allez mener, monsieur le ministre.

Sur quelques éléments, nous avons tenu à compléter le texte ou à proposer des modifications.

Premièrement – nous en étions tous d’accord –, nous souscrivons totalement à la modification adoptée par la commission, sur proposition du rapporteur, tendant à rendre le médiateur facultatif ou optionnel, comme l’a souligné M. le ministre.

Deuxièmement, concernant la capacité à être médiateur, nous avons réalisé un travail commun au sein de la commission, pour exclure non seulement les fonctionnaires territoriaux, mais aussi les contractuels, et pour limiter la capacité d’être médiateur à des gens qui n’avaient pas d’intérêt direct à la collectivité ou à la personne morale publique.

Nous approuvons aussi les amendements qui tendent à mieux encadrer le cadre d’exercice et les compétences du médiateur, afin d’assurer une plus grande transparence et de la lisibilité pour les parties.

Nous avions un petit problème avec la temporalité – celle-ci était de cinq ans –, comme M. le ministre l’a souligné. Nous comprenons bien que la durée du mandat du médiateur ne doit pas être calée sur celle d’un mandat électif, mais le temps que la collectivité se mette en place, on en revient finalement au temps d’un mandat. Puisque nous n’avons pas trouvé mieux, nous faisons confiance aux réflexions futures. On aurait pu prévoir deux fois quatre ans, mais cela ne changeait pas vraiment le problème ; il faut donc en rester là pour l’instant.

En revanche, nous considérons que le texte mérite encore d’être précisé sur les questions de déontologie et d’indépendance du médiateur.

Concernant l’incompatibilité du mandat d’élu avec la fonction de médiateur, nous considérions qu’il fallait aller plus loin et créer une incompatibilité totale. Mais nous nous rangerons finalement, par souci de compromis et pour aboutir à un texte d’appel intéressant, aux amendements qui ont été présentés.

De même, s’agissant des garanties minimums relatives aux qualités attendues, nous aurions voulu soumettre le médiateur à l’obligation de déclaration patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement dans ce sens. Mais, là encore, il faut être pragmatique et, surtout, avancer.

En revanche, il nous semble qu’il serait important que la procédure de sélection soit transparente, non pas pour l’alourdir, mais simplement pour en connaître les règles.

Enfin, s’agissant de la communication du rapport annuel, je pense que nous trouverons une solution, parce qu’il nous semble important que ce rapport soit public.

Mes chers collègues, il est inutile de vous dire que notre groupe votera ce texte, à la philosophie générale duquel il adhère. Nous approuvons l’essentiel des améliorations qui y ont été apportées et souhaitons, si possible, aller plus loin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Josiane Costes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une société qui se judiciarise de plus en plus et où, malheureusement, les conflits entre les citoyens et l’administration se multiplient, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui privilégie au contraire l’apaisement.

Le médiateur territorial est une institution qui existe déjà dans plusieurs communes et qui a fait ses preuves. Il permet de régler les litiges entre les usagers du service public et l’administration territoriale et a donc pour but de créer un climat d’écoute et de compréhension, propice à améliorer la qualité du lien social.

Il permet également d’être au plus proche des administrés d’un territoire, et de servir ainsi de correspondant du Défenseur des droits, qui intervient pour les litiges les plus importants. Cette initiative mérite donc un soutien large et transpartisan.

Je me réjouis, comme nombre de mes collègues, que le texte de la commission ne fasse de l’instauration de ce médiateur qu’une possibilité et non pas une obligation, comme le texte initial le prévoyait. La souplesse et le cas par cas sont, je crois, comme d’autres matières la clé de la réussite de ce médiateur territorial. Celui-ci doit être au service des collectivités et non pas un énième fardeau pour elles.

Vous connaissez le dicton : charité bien ordonnée commence par soi-même. Comme nous prônons souvent la différenciation territoriale, il eût été incohérent de ne pas appliquer ce principe à cette proposition de loi.

Je veux par ailleurs saluer l’initiative de Nathalie Delattre, qui a su être à l’écoute des propositions de la commission des lois.

Comme je l’ai dit, ce médiateur existe déjà dans de nombreuses collectivités. Il fallait donc que la loi s’y intéresse, pour le réglementer. Cette proposition de loi est par conséquent bienvenue, puisqu’elle donne une définition du médiateur territorial et précise le régime de cette fonction.

La caractéristique première de ce régime est la souplesse dans le processus de désignation, puisque le médiateur peut être désigné par toute personne publique. Il pourra ainsi être installé dans une commune, un département ou encore une région selon les besoins.

Néanmoins, le régime se durcit nécessairement s’agissant des incompatibilités et des conditions de son indépendance, et c’est une bonne chose. C’était d’ailleurs une des raisons de la nécessité de légiférer. En effet, il n’est pas tolérable que le médiateur soit une personne qui exerce une fonction publique élective ou qui soit embauchée par une collectivité territoriale ou un groupement. Les dispositions déontologiques contenues dans cette proposition de loi clarifient ainsi son statut, pour éviter toute dérive.

Enfin, le rapport que pourra faire ce médiateur territorial permettra d’avoir une meilleure connaissance des points d’achoppement entre les administrés et l’administration. Le médiateur sera également force de proposition, afin de remédier aux problèmes récurrents qui freinent la bonne administration territoriale.

En définitive, ce texte a pour objectif de sécuriser juridiquement une fonction qui existe déjà dans certaines collectivités et, ainsi, de favoriser un moyen d’apaisement des relations entre les habitants d’une collectivité et leur administration territoriale.

C’est également un moyen de désengorger les juridictions. Nous ne pouvons donc qu’y souscrire, et notre groupe votera bien entendu cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans doute parce qu’un bon accord vaut mieux qu’un long et coûteux procès, en 1995, la médiation a été introduite dans le code de procédure civile en France et dans plusieurs autres textes récents sur la résolution amiable des conflits. L’objectif était d’alléger un système judiciaire surchargé et de renforcer les procédures de règlement à l’amiable.

La médiation se révèle effectivement utile et efficace dans le règlement des conflits, mais aussi pour créer un climat apaisé et d’écoute, propice à améliorer le lien social et l’efficience de l’action publique. Les élus locaux le savent bien, eux qui, cela a été rappelé par Pierre-Yves Collombat, pratiquent quotidiennement l’écoute, la résolution de conflits, un peu comme M. Jourdain faisait de la prose sans s’en rendre compte.

Une soixantaine de médiateurs a été instituée dans nos collectivités territoriales, principalement dans les communes, alors même qu’aucune obligation ne s’imposait à ces dernières.

Le texte que nous examinons aujourd’hui visait à imposer le recours à la médiation pour régler les litiges pouvant survenir entre les administrés et l’administration publique territoriale et à consacrer juridiquement une nouvelle catégorie de médiateur. Ces objectifs sont louables, et je remercie très sincèrement ses auteurs, sans oublier notre éminent collègue François Pillet, dont l’esprit continue à vivre dans cette maison.

Pour autant, tout comme au rapporteur, dont je salue le travail, il nous semblait excessif d’imposer cette nouvelle obligation aux collectivités territoriales. Nous pensons avec conviction qu’il revient aux élus d’apprécier la nécessité ou non de mettre en place un tel dispositif.

Gardons-nous de vouloir, comme trop souvent, tout figer. Le caractère facultatif, que l’auteure de cette proposition de loi a bien volontiers accepté, s’appuiera sur l’esprit de liberté et de responsabilité des élus, qu’il nous faut soutenir, entendre et encourager, comme vous ne cessez de le préconiser, monsieur le ministre, vous qui préférez le sur-mesure à l’uniforme.

Toutefois, ce dispositif vertueux mérite toute notre attention. C’est pourquoi nous soutenons les propositions du rapporteur tendant à unifier les règles relatives aux médiateurs territoriaux, à préciser leurs missions, leur périmètre d’action et les critères à remplir pour leurs désignations.

Les médiateurs seront ainsi principalement chargés de faciliter la résolution des différends entre la collectivité ou l’EPCI et les citoyens. Ils devront exercer leurs fonctions en toute indépendance, ne pouvant recevoir d’instruction de la collectivité.

Des règles d’incompatibilité ont également été établies pour garantir leur impartialité : le médiateur territorial sera désigné par la collectivité ; un élu ou un fonctionnaire pourra être choisi sous réserve de certaines conditions.

Toutefois, la question de la rémunération du médiateur se pose, qui pourrait impliquer mécaniquement un lien de subordination. Comment pourrait-on envisager son indemnisation ?

En conclusion, le groupe Union Centriste soutient cette proposition de loi, dans la rédaction issue des travaux de la commission des lois. Il considère qu’elle est en quelque sorte une pierre à l’édifice de la réflexion, plus générale, que M. le ministre et le Gouvernement ont engagée sur l’efficience de l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bouloux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Yves Bouloux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner cette proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales, à l’issue des débats menés en amont puis en commission par plusieurs de nos collègues, notamment Nathalie Delattre et François Pillet, qui occupe désormais d’autres fonctions au sein de nos institutions.

En découvrant l’intitulé de la proposition de loi, on pense d’emblée aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales au quotidien et que nous cherchons, au Sénat, à réduire ou à résoudre, mais aussi aux charges supplémentaires, que nous devons prévenir, et aux obligations nouvelles, que nous devons éviter.

Toutefois, lorsque l’on examine le texte, on comprend l’intérêt d’une solution qui répond de fait, à un double objectif.

Premièrement, proposer, dans la loi, une solution de médiation territoriale, consistant à laisser la possibilité aux collectivités de s’en saisir ou non, tout en harmonisant les pratiques. Cette formule ne doit pas empêcher les collectivités de prévoir d’autres solutions, temporaires ou permanentes, institutionnalisées ou non.

Deuxièmement, soutenir et accompagner la mise en œuvre de procédures alternatives à la saisine du juge, ce que nous appelons les modes alternatifs de résolution des conflits, ou modes amiables de règlement des différends, est aussi une tendance profonde au sein de nos administrations et dans nos sociétés.

Mon département, la Vienne, en est un exemple, pour un autre type de médiation, puisqu’il fait partie des départements retenus en 2018 pour l’expérimentation d’une médiation préalable obligatoire à certains contentieux de la fonction publique territoriale.

En instituant un médiateur territorial, on n’institue pas seulement un mode amiable de règlement des différends ; on institue un acteur particulier chargé de répondre à des problèmes ciblés.

Cette initiative suscite deux remarques.

Premièrement, la priorité doit être celle de la simplification de l’action publique et de nos administrations. À ce titre, l’évolution du texte d’une obligation vers une possibilité offerte aux collectivités territoriales est une bonne chose.

Deuxièmement, je relève que le point de vue dominant dans ce texte est celui de l’administration. On peut se poser la question de l’opportunité de consacrer dans la loi une catégorie spécifique de médiateur.

La question se pose également du point de vue des usagers : aucune disposition du texte ne leur permet d’identifier les bons services de médiation. Certes, ces médiateurs territoriaux sont considérés, dans la proposition de loi, comme des « correspondants du Défenseur des droits », médiateur plus reconnu par nos concitoyens, mais comment leur permettre de se repérer parmi les différents médiateurs institutionnels, selon la matière visée ?

Selon le niveau de collectivité, la commune, l’intercommunalité, le département, la région, les compétences sont différentes. La question des recours illustre et conforte cette idée d’une complexité accrue pour nos concitoyens.

A priori, le recours à un médiateur territorial suppose la formation préalable d’un recours gracieux ou hiérarchique. Si nous voulions véritablement consacrer cette solution institutionnelle, ne serait-il pas nécessaire, pour simplifier la vie de nos concitoyens et le fonctionnement de nos administrations, de prévoir une suspension des délais de recours contentieux ?

Une disposition spécifique dans la loi aurait pu prévoir que la saisine par l’usager d’un médiateur devienne une cause d’interruption du délai de recours contentieux, jusqu’à la fin de la médiation. C’est le cas aujourd’hui dans le cadre des expérimentations de « médiation préalable obligatoire » et pour les organismes de sécurité sociale.

Cependant, il est évident que la médiation ne saurait pallier toutes les imperfections du fonctionnement de nos différents services publics et que le médiateur territorial seul ne saurait permettre à nos administrations d’améliorer leurs fonctionnements et relations avec les usagers.

C’est pourquoi, pour terminer sur un point positif, nous devons poursuivre au Parlement, en particulier au Sénat, nos réflexions et travaux en faveur de la simplification de nos services publics et administrations, et au service de nos concitoyens.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Yves Bouloux. Je voterai donc en faveur du texte, qui répond à une réalité établie et qui vient sécuriser, pour nos concitoyens, agents et élus, des pratiques éparpillées dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, instituer un médiateur territorial dans les conseils régionaux, les conseils départementaux et les communes est incontestablement une bonne chose.

Dans une société en proie à de nombreuses tensions, de plus en plus vives, jamais autant qu’aujourd’hui la médiation n’a été à ce point nécessaire. Même s’il ne s’agit pas d’une pratique nouvelle, elle apparaît comme un instrument efficace pour prévenir la judiciarisation de certains litiges.

Des médiateurs municipaux ou départementaux ont déjà fait leurs preuves pour régler les litiges entre usagers des services publics et l’administration, mais parfois aussi pour régler des conflits entre habitants et les sempiternelles querelles de voisinage : perte d’ensoleillement, hauteur des thuyas, j’en passe et des meilleures.

M. François Bonhomme, rapporteur. C’est important ! (Sourires.)

M. Jérôme Bascher. C’est du vécu !

M. Jean-Raymond Hugonet. Je vois qu’il y a des connaisseurs dans l’hémicycle ! (Nouveaux sourires.)

L’expérience a prouvé que ces institutions se sont révélées efficaces pour prévenir, réduire ou régler des conflits, en créant un climat d’écoute et de compréhension propice à améliorer la qualité du lien social.

Résoudre les conflits par le dialogue, restaurer la relation et veiller à ce que les gens se parlent : voilà une très belle ambition à l’heure de l’individualisme forcené et du tout numérique.

Recréer du lien social ne devrait pas apparaître comme révolutionnaire. Et pourtant… En rapprochant les usagers de l’administration, en contribuant à une meilleure compréhension des règles de droit et des pratiques administratives et en proposant des « modifications de comportement », on remet souvent un peu de ce bon sens qui aujourd’hui fait souvent défaut.

Néanmoins, cela ne peut fonctionner qu’avec un minimum de bonne volonté et de bonne foi, et, surtout, une volonté partagée de sortir de l’impasse : se parler, tout simplement.

M. François Bonhomme, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Raymond Hugonet. Tendre à généraliser cette pratique, oui ; la rendre obligatoire, non !

Je suis donc heureux de constater que la commission a supprimé le caractère obligatoire du recours au médiateur territorial, initialement prévu dans le texte. Là encore, les collectivités territoriales ont besoin de liberté et de moins de contraintes.

Les collectivités territoriales doivent, en fonction de leurs moyens, rester libres de leurs choix, car tout cela a un coût.

Néanmoins, vous le verrez, mes chers collègues, nombre d’entre elles saisiront ce que je considère comme une véritable occasion, d’autant plus que ce texte clarifie l’exercice des fonctions de médiateur territorial. Des principes d’indépendance, d’impartialité, de compétence, de diligence et de confidentialité seront réaffirmés dans un code de déontologie. Quant au citoyen qu’un litige oppose à une administration, ses délais de recours seront suspendus le temps de la médiation. Il n’y a donc aucune raison d’aller à l’affrontement.

Par conséquent, c’est bien volontiers que j’apporte mon soutien à cette proposition de loi, qui a le mérite de remettre une part d’humanité dans un monde administratif parfois considéré comme un monstre à sang froid. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à favoriser le développement des médiateurs territoriaux

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant au développement des médiateurs territoriaux
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 4

Article 1er

Le titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« Médiation

« Art. L. 1116-1. – I. – Pour la mise en œuvre de l’article L. 421-1 du code des relations entre le public et l’administration, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent instituer un médiateur territorial.

« II. – Le médiateur territorial peut être saisi par toute personne physique ou morale s’estimant lésée par le fonctionnement de l’administration de la personne publique qui l’a institué, ou d’une personne chargée par elle d’une mission de service public.

« Il ne peut pas être saisi des différends susceptibles de s’élever entre la personne publique qui l’a institué ou une personne chargée par elle d’une mission de service public et :

« 1° Une autre personne publique ;

« 2° Une personne avec laquelle elle a une relation contractuelle ;

« 3° Ses agents, à raison de l’exercice de leurs fonctions.

« Lorsqu’il est saisi, le médiateur territorial favorise la résolution amiable des différends portés à sa connaissance en proposant aux parties tout processus structuré destiné à parvenir à un accord avec son aide.

« Il peut formuler des propositions visant à améliorer le fonctionnement de l’administration de la personne publique qui l’a institué ou des personnes chargées par elles d’une mission de service public dans la limite de sa compétence définie par le présent II.

« Il est le correspondant du Défenseur des droits et des délégués placés sous son autorité au sein de la collectivité territoriale ou du groupement qui l’a institué.

« En cas de mise à disposition, de regroupement de services ou de services communs, dans les conditions définies aux articles L. 5111-1-1, L. 5211-4-1 et L. 5211-4-2, les modalités d’intervention du médiateur territorial sont déterminées d’un commun accord entre les collectivités territoriales ou les groupements concernés.

« III. – Le médiateur territorial est nommé par la personne publique mentionnée au I qui l’a institué pour une durée de cinq ans.

« Ne peut être nommée médiateur territorial par une collectivité territoriale ou un groupement :

« 1° La personne qui exerce une fonction publique élective ou est agent de cette collectivité territoriale ou de ce groupement ;

« 2° La personne qui exerce une fonction publique élective ou est agent au sein de l’un des groupements dont cette collectivité territoriale est membre.

« Ses fonctions sont renouvelables une fois et non révocables sauf en cas de manquement grave à ses obligations légales ou d’incapacité définitive à les exercer constaté par la personne publique qui l’a nommé.

« Il exerce ses fonctions en toute indépendance et dans les conditions prévues à l’article L. 213-2 du code de justice administrative.

« Dans l’exercice de ses fonctions, il ne reçoit aucune instruction de la personne publique qui l’a nommé.

« IV. – La saisine du médiateur territorial est gratuite.

« Elle a les effets mentionnés à l’article L. 213-6 du code de justice administrative.

« Les articles L. 213-3 et L. 213-4 du même code sont applicables à l’accord résultant de la médiation.

« Le médiateur territorial ne peut être saisi d’un différend dès lors que le litige est porté devant une juridiction sauf dans les cas prévus par la loi, ni ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle.

« V. – La personne publique qui institue le médiateur territorial met à sa disposition les moyens humains et matériels nécessaires à l’exercice de ses fonctions. Elle informe le public de l’existence d’un médiateur territorial.

« Chaque année, le médiateur territorial lui transmet un rapport d’activité. »

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, sur l’article.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le ministre, j’ai rencontré l’Association des maires ruraux de France, qui ne voit pas de problème particulier dans la proposition de loi. En effet, comme l’a souligné un collègue, les médiateurs territoriaux interviennent en cas de litige avéré et attaquable.

Selon mes interlocuteurs, ce sont bien en général les maires ou les élus qui interviennent en amont du litige. Mais quand il n’est pas possible de résoudre le litige au sein de la commune, la nécessité de se reposer sur un tiers à l’échelon intercommunal se fait sentir.

Le cadre déontologique vous paraît peut-être très contraint, mais il est nécessaire. Comme je l’ai souligné pendant la discussion générale, il y a un cas où le médiateur peut être à la fois juge et partie. Or nous ne voulons pas d’une forme de partialité. L’impartialité est bien le cadre déontologique que nous avons souhaité établir dans le texte.

C’est également pour des raisons de déontologie que nous avons opté pour une durée de cinq ans. Il nous paraissait indispensable d’introduire un découplage avec le mandat municipal, dont la durée est de six ans.

Enfin, je souhaite rassurer M. Bouloux : dans le texte corrigé par la commission, le recours est bien suspensif par rapport au délai.

Vous le voyez, mes chers collègues, nous avons donc effectivement retravaillé la proposition de loi dans le sens de la commission.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par M. Capus, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Laufoaulu et Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Ainsi que je l’ai indiqué dans la discussion générale, nous voulons éviter une restriction trop importante des pouvoirs du médiateur.

Cet amendement vise ainsi à supprimer l’alinéa 7 de l’article 1er, qui empêche le médiateur territorial d’intervenir dans les relations entre deux collectivités territoriales, par exemple entre une région et une commune.

Qui mieux que le médiateur d’une collectivité peut intervenir dans un litige entre deux collectivités ? Celui-ci me paraît l’acteur le mieux indiqué pour le règlement de ce type de différents. Je rappelle qu’il s’agit de médiation. L’objet est non pas d’imposer une décision, mais de proposer des bons offices, notamment dans un litige impliquant deux personnes publiques, comme une région et une commune, une région et une intercommunalité ou une commune et une intercommunalité.

La rédaction actuelle interdit aux médiateurs territoriaux d’exercer une telle mission. Pourtant, ils interviennent aujourd’hui dans ce type de litiges.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur. Cet amendement tend à rendre le médiateur territorial compétent pour les différends entre personnes publiques, ce que nous avons expressément exclu. À nos yeux, ces litiges ne relèvent pas du rôle naturel du médiateur territorial, qui est plutôt un médiateur des usagers de l’administration.

En cas de difficultés entre une commune et une région ou une intercommunalité, le dialogue peut se nouer entre les services, qui ont souvent des relations, voire entre les élus, ce qui n’est pas inconcevable non plus. Cela me paraît beaucoup mieux adapté.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec M. Collombat : faisons attention à tout ce qui pourrait remettre petit à petit en cause la démocratie représentative.

Si je vois d’un très bon œil les initiatives de médiation s’agissant des relations avec un tiers, comme une entreprise, une association ou un citoyen, je considère que la nomination de médiateurs en cas de litige territorial – soyons clairs : les questions relatives à l’intercommunalité s’inscrivent souvent dans cette problématique – serait une nouvelle forme de dépossession pour les collectivités. D’ailleurs, quel en serait le mandat ? Les élus peuvent déjà solliciter des avocats ou des conseils.

Je connais votre culture du consensus. Vous voulez trouver des solutions qui éviteraient les recours systématiques au tribunal administratif, en désamorçant en amont.

Néanmoins, je reste persuadé – j’espère que vous me pardonnerez cette approche quelque peu bonapartiste – que c’est là une affaire de chefs ! C’est aux maires, aux présidents d’intercommunalité, aux présidents de département et aux présidents de région qu’il appartient de se mettre ou non d’accord, et d’assumer devant les électeurs, voire, le cas échéant, devant la justice, leurs accords ou leurs désaccords.

Je salue donc l’intuition et la philosophie de cet amendement, mais j’en sollicite le retrait.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.

Mme Nathalie Delattre. La philosophie première de la proposition de loi a été le règlement entre l’administration et ses usagers, d’où la restriction que nous avons introduite pour les conflits entre personnes publiques.

D’ailleurs, quel médiateur pourrait être appelé dans un tel cas ? Celui de la commune ? Celui de la région ? C’est compliqué…

Nous avons encore beaucoup à apprendre des expériences qui seront menées. Nous pourrons peut-être envisager une extension du dispositif dans un deuxième temps, mais pas à ce stade.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

M. Emmanuel Capus. Je ne serai pas plus royaliste que le roi ! Les propos de M. le rapporteur, de M. le ministre et de notre collègue à l’origine de la proposition de loi me laissent peu d’espoir de voir mon amendement adopté.

Je préfère donc le retirer, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 6 rectifié ter, présenté par M. Capus, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Laufoaulu et Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

à but lucratif

La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Les dispositions de cet amendement me paraissent plus consensuelles. Nous souhaitons que soient exclus de la médiation entre l’usager et l’administration – nous sommes bien là au cœur du débat –, non pas l’ensemble des contrats, mais seulement les contrats à but lucratif.

La rédaction actuelle ne permet pas au médiateur territorial d’intervenir sur des différends portant sur un contrat passé entre la collectivité l’ayant nommé et une autre personne.

Je propose donc d’ajouter les mots : « À but lucratif ». En effet, des problèmes de concurrence avec les médiateurs de la consommation et les autres types de médiateurs peuvent surgir. Le texte réduit significativement le rôle du médiateur par rapport à la situation actuelle ; une telle interdiction me paraît excessive.

En effet, certains des services facturés aux administrés d’une collectivité territoriale ne relèvent pas d’une activité à but lucratif dès lors qu’ils sont en grande partie subventionnés par cette dernière. Songeons par exemple à la vente d’un ticket de bus ou d’une place de théâtre. Ces facturations sont adossées à des décisions qui relèvent directement des compétences des collectivités territoriales. Le médiateur territorial me semble le mieux à même d’intervenir pour de tels services.

Cet amendement vise donc circonscrire l’interdiction aux contrats à but lucratif, pour lesquels le médiateur de la consommation, agréé par la Commission nationale dans les conditions prévues par le code de la consommation, est déjà habilité à intervenir.

Une telle disposition correspond, me semble-t-il, à l’esprit de la proposition de loi et des travaux de la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur. Cet amendement tend à limiter l’exception contractuelle que nous avons prévue aux contrats à but lucratif.

Or, je le rappelle, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs délégataires sont d’ores et déjà soumis au régime de la médiation de la consommation, en particulier lorsqu’ils mettent en œuvre un service public industriel et commercial, ou SPIC, qui est légalement considéré comme un service marchand, dès lors que la directive européenne n’exclut pas les « services économiques d’intérêt général » de son champ d’application.

De nombreux domaines relevant des compétences des collectivités territoriales sont donc susceptibles aujourd’hui de relever de la médiation de la consommation. Je pense aux cantines scolaires, à l’eau et à l’assainissement, au logement social, aux musées… Ils sont ainsi concernés par les litiges portant sur l’exécution d’un contrat de vente ou de prestations de services fournies par l’administration.

Ce n’est donc pas le caractère lucratif qui est pertinent. Je pense qu’une telle mention créerait une confusion dommageable. Nous souhaitons donc exclure ces litiges des compétences du médiateur territorial. Au demeurant, les dispositions de mon amendement n° 10, que nous examinerons juste après, vont dans le sens indiqué.

Je sollicite donc le retrait du présent amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Là encore, vous avez intellectuellement raison, monsieur Capus. Mais l’exécution juridique du dispositif que votre amendement vise à instituer pourrait soulever les difficultés que M. le rapporteur vient d’indiquer. Je vais par conséquent en demander le retrait.

En revanche, j’émettrai dans quelques instants un avis favorable sur l’amendement n° 10, présenté par la commission des lois. Il tend en effet à permettre une meilleure organisation, avec un dispositif juridique peut-être moins complexe.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Capus, l’amendement n° 6 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Emmanuel Capus. N’étant pas membre de la commission des lois, je découvre seulement maintenant l’amendement n° 10, dont les dispositions me semblent répondre partiellement à la problématique évoquée.

Je retire donc mon amendement au profit de celui de la commission, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 10, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

relevant du code de la commande publique ou du titre Ier du livre VI du code de la consommation

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur. Cet amendement tend à limiter les relations contractuelles qui sont exclues de la compétence du médiateur territorial.

Ainsi, le médiateur territorial serait incompétent pour traiter des litiges relevant, d’une part, du code de la commande publique, et, d’autre part, du champ de la médiation de la consommation, qui fait l’objet – je l’ai indiqué – d’un régime spécifique, en application de la directive européenne de 2013.

Le médiateur territorial pourrait donc traiter des différends relatifs aux autres relations contractuelles, comme ceux qui concernent l’occupation domaniale. Nous en avons discuté en commission. Une autorisation d’occupation du domaine public peut être l’objet d’une médiation. Mais ce n’est pas le cas de l’ensemble des relations contractuelles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Les dispositions de cet amendement vont dans le bon sens, même si le Gouvernement en a pris connaissance tardivement.

J’émets donc un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Après le mot :

par

insérer les mots :

l’organe exécutif de

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que la nomination du médiateur territorial relève de la compétence du seul exécutif local, et non de l’organe délibérant. Il y avait en effet une ambiguïté à cet égard.

L’exécutif local étant également compétent pour les nominations qui concernent l’administration territoriale en général, un tel parallélisme me paraît logique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l’issue d’une procédure de sélection publique et transparente

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement tend à donner une publicité et une transparence à la procédure de recrutement des médiateurs. Nous proposons d’inscrire dans la loi que la nomination du médiateur doit répondre à une procédure de sélection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir une procédure de sélection publique et transparente.

Or, je le rappelle, un médiateur est non pas un fonctionnaire recruté sur un emploi permanent, mais une personne nommée temporairement, et qui d’ailleurs exerce en général sa mission de façon bénévole.

Une telle disposition me paraît excessivement contraignante, et pas forcément de nature à trouver un accord amiable entre les deux parties.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’ai la même position que sur la proposition de loi de Mme Gatel, sur la proposition de loi de M. Marc, sur la proposition de loi de M. Collombat sur le statut de l’élu hier ou sur la proposition de loi sur les funérailles républicaines.

D’ailleurs, je pense que ce débat va au-delà du clivage entre la gauche et la droite. Qu’est-ce qui doit véritablement relever des libertés locales ? Le seul moyen de bâtir de la confiance est de ne pas légiférer, afin de laisser aux élus locaux le soin d’organiser convenablement les choses. Nous célébrons Tocqueville et le libéralisme – je parle bien du libéralisme politique, et non du libéralisme économique, même si je n’oppose pas les deux.

Certains, qui ont le souci de l’égalité – je sais combien ce principe est important au sein de votre groupe politique, madame la sénatrice, pour des raisons historiques –, préfèrent légiférer, quitte à rigidifier de facto, pour s’assurer que les choses se passent en tout point du territoire, ainsi que le Parlement l’a voulu, dans le cadre de la définition de l’intérêt général.

C’est un grand débat. Nous serons de nouveau amenés non pas à nous affronter, mais à en discuter, au mois de septembre prochain, à l’occasion de l’examen du projet de loi engagement et proximité.

Je pars du principe que, sur les questions de médiation, il faut de la souplesse, de la confiance et des libertés locales. Je comprends que l’on puisse faire preuve de rigidité dans cet hémicycle sur des questions telles que le calcul de la dotation globale de fonctionnement. Mais, sur un tel sujet, je le répète, faisons preuve de souplesse.

J’émettrai donc une demande de retrait ou un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur le suivant, l’amendement n° 2.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Mme Laurence Harribey. Monsieur le ministre, votre remarque me convainc que mon amendement est en réalité mal rédigé. Il était motivé par un souci non pas de rigidification, mais de transparence de la procédure. Notre but n’était pas d’instituer une procédure en soi ; nous voulions rendre public le mode de recrutement.

Je reconnais que la rédaction de l’amendement ne correspond pas à notre intention. Nous retravaillerons sur le sujet. Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.

L’amendement n° 2, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il est une personnalité qualifiée dont les compétences en matière de défense des droits et des libertés et l’expérience de l’administration territoriale sont reconnues.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. J’ai évoqué le sujet en commission. Je vais également retirer cet amendement, dont la rédaction est problématique : pour que les compétences en matière de défense des droits et des libertés et l’expérience de l’administration territoriale soient « reconnues », encore faut-il qu’il y ait une procédure de reconnaissance !

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.

L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 3° La personne qui exerce une fonction publique élective dans une autre collectivité territoriale membre d’un même groupement que cette collectivité territoriale, ou en est un agent.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement, qui nous semble important, a pour objet de rendre incompatibles les fonctions de médiateur territorial avec celles d’agent ou d’élu d’une autre collectivité territoriale membre du même groupement que l’autorité de nomination. Il s’agit d’éviter d’être juge et partie ou d’avoir un intérêt indirect dans une affaire en litige.

Nous avons retravaillé la rédaction de cet amendement, qui nous semble désormais tenir la route.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur. Comme cela a été souligné, la rédaction de l’amendement a été modifiée. Nous avons évoqué en commission les cas d’incompatibilité directe et indirecte.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. En l’occurrence, on commence effectivement à définir la façon dont le médiateur pourrait fonctionner.

Dans un premier temps, j’étais quelque peu prudent s’agissant de cet amendement. Mais, compte tenu de sa nouvelle rédaction, j’émets un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 14, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les fonctions de médiateur territorial cessent de plein droit à la date à laquelle celui-ci se trouve dans l’une des situations mentionnées aux 1° à 3° du présent III.

II. – Alinéa 18

Remplacer les mots :

Ses fonctions

par les mots :

Les fonctions de médiateur territorial

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur. Cet amendement de précision rédactionnelle vise à prévoir les conditions de cessation de plein droit des fonctions d’un médiateur territorial qui acquerrait une fonction publique relevant de l’une des situations d’incompatibilités prévue par la loi.

Il s’agirait par exemple d’un médiateur d’une commune qui se ferait élire dans la même commune ou qui serait nommé sur un emploi de directeur général des services, postérieurement à sa nomination comme médiateur territorial.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Étant peut-être plus tocquevillien que Tocqueville, je trouve que l’on veut ici beaucoup préciser le dispositif…

Le Gouvernement émet néanmoins un avis de sagesse sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 5 rectifié est présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 9 rectifié bis est présenté par MM. Richard, de Belenet, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 26

Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :

rédigé dans le respect du principe de confidentialité de la médiation. Il fait l’objet d’une communication devant l’organe délibérant de la personne publique qui a institué le médiateur territorial.

La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement a pour objet d’assurer la publicité du rapport du médiateur territorial auprès de l’organe délibérant, dans le respect, bien entendu, de la confidentialité de la médiation.

Là encore, il ne s’agit pas de rigidifier. C’est en réalité un « porter à connaissance », comme il en existe déjà dans les collectivités pour, entre autres, le prix de l’eau.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.

M. Arnaud de Belenet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à prévoir la communication du rapport du médiateur territorial à l’assemblée délibérante.

Une ambiguïté a été levée. Comme il s’agissait d’un document administratif, on pouvait en obtenir communication. Il est proposé de formaliser cette pratique et d’aller un peu plus loin, en en faisant un objet de communication soumis à l’assemblée délibérante, dans le respect du principe de confidentialité et de l’anonymisation.

La commission émet donc un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Gouvernement émet naturellement un avis favorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 9 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article additionnel après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les médiateurs territoriaux nommés en application de l’article L. 1112-24 du code général des collectivités territoriales. Les arrêtés de nomination sont notifiés sans délai par le président de l’exécutif de chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. »

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. La sagesse m’appelle à retirer cet amendement. Il s’agissait de soumettre les médiateurs à déclaration, mais mieux vaut ne pas faire peur aux candidats et laisser l’expérimentation territoriale s’effectuer. Nous avons déjà bien cadré les compétences.

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 4
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Article 3

Article 2

I. – La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2021.

II. – Elle est applicable aux saisines des personnes physiques ou morales intervenues à compter de son entrée en vigueur.

III. – Les personnes exerçant, au 1er janvier 2021, les missions mentionnées au II de l’article L. 1116-1 du code général des collectivités territoriales se mettent en conformité avec les obligations mentionnées au III du même article L. 1116-1 dans les deux ans suivant son entrée en vigueur tel qu’il résulte de la présente loi. À défaut, elles cessent de plein droit leurs fonctions à cette date.

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

1° Remplacer les mots et la référence :

mentionnées au III

par les mots et la référence :

résultant des premier à antépénultième alinéas du III

2° Remplacer les mots :

son entrée en vigueur tel qu’il résulte

par les mots :

l’entrée en vigueur

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision. Le respect des principes déontologiques ne souffre pas d’interruption : il doit s’appliquer dès l’entrée en vigueur de la loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

I. – Le titre II du livre VIII de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Médiation

« Art. L. 1823-1. – L’article L. 1116-1 est applicable aux communes de la Polynésie française. »

II. – La présente loi est applicable aux communes de la Nouvelle-Calédonie. – (Adopté.)

Article 3
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Intitulé de la proposition de loi

Article 4

I. – 1° Les conséquences financières résultant pour les communes, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les départements de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement ;

2° La perte de recettes résultant pour l’État du 1° est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – Les conséquences financières résultant pour les régions de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée au II de l’article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017. – (Adopté.)

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

à favoriser le

par le mot :

au

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Traditionnellement, le Gouvernement – en tout cas, c’est ma philosophie – n’émet jamais d’avis sur l’intitulé que les membres de la Haute Assemblée souhaitent donner à une proposition de loi sénatoriale. (Exclamations amusées.)

Mme Françoise Gatel. Quelle élégance !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Vote sur l’ensemble

Intitulé de la proposition de loi
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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4

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 juin 2019 :

À quatorze heures trente et le soir :

Proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le Règlement du Sénat, présentée par M. Gérard Larcher, Président du Sénat (texte de la commission n° 550, 2018-2019).

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique (texte de la commission, n° 571, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à quinze heures cinquante-cinq.)

Direction des comptes rendus

ÉTIENNE BOULENGER