Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.

1. Procès-verbal

2. Conférence des présidents

3. Organisation et transformation du système de santé. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Seconde délibération

Demande de seconde délibération sur l’article 28. – Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Laurence Rossignol. – Adoption par scrutin public n° 147.

Suspension et reprise de la séance

Article 28 (nouveau)

Amendement n° A-1 de la commission

Mme Éliane Assassi

Mme Laurence Rossignol

Mme Françoise Laborde

Mme Corinne Imbert

Mme Laurence Cohen

M. Alain Houpert

Mme Annick Billon

M. Rachid Temal

Mme Michelle Meunier

Mme Monique Lubin

M. Michel Amiel

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. David Assouline

Mme Samia Ghali

Mme Corinne Féret

Mme Catherine Deroche

Mme Françoise Gatel

M. Yves Daudigny

M. Pierre Laurent

M. Roger Karoutchi

M. Olivier Cadic

Mme Christine Prunaud

Mme Marie-Pierre Monier

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur

Adoption, par scrutin public n° 148, de l’amendement supprimant l’article

Suspension et reprise de la séance

4. Hommage aux sauveteurs en mer

5. Questions d’actualité au Gouvernement

naufrage et société nationale de sauvetage en mer

M. Bruno Retailleau ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.

financement de la société nationale de sauvetage en mer

Mme Annick Billon ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

situation des urgentistes (i)

M. Michel Amiel ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

taxation du kérosène

Mme Josiane Costes ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Josiane Costes.

situation des services d’urgences

Mme Cathy Apourceau-Poly ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Cathy Apourceau-Poly.

situation des urgentistes (ii)

M. Jean-Louis Tourenne ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Jean-Louis Tourenne.

simplification des procédures sur les embargos et extraterritorialité du droit américain

M. Joël Guerriau ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

renault-nissan-fiat

Mme Sophie Primas ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

décentralisation et évolution de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la république

M. Jean-Marc Gabouty ; M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement ; M. Jean-Marc Gabouty.

grève dans les urgences

M. Jean Sol ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

emploi des jeunes en outre-mer

M. Maurice Antiste ; Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

scandale des faux steaks hachés

Mme Jocelyne Guidez ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison, Mme Patricia Schillinger.

6. Organisation et transformation du système de santé. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Explications de vote sur l’ensemble

M. Michel Amiel

Mme Laurence Cohen

M. Yves Daudigny

Mme Véronique Guillotin

Mme Nassimah Dindar

M. Daniel Chasseing

Mme Corinne Imbert

Ouverture du scrutin public solennel

Suspension et reprise de la séance

7. Participation des conseillers de la métropole de Lyon aux prochaines élections sénatoriales. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Texte élaboré par la commission

Vote sur l’ensemble

Mme Claudine Thomas, rapporteure de la commission des lois

M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur

Mme Cécile Cukierman

M. Gilbert-Luc Devinaz

Mme Mireille Jouve

Mme Michèle Vullien

M. Alain Marc

M. Alain Richard

M. François-Noël Buffet

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.

8. Organisation et transformation du système de santé. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Proclamation du résultat du scrutin public solennel

Adoption, par scrutin public n° 149, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

9. Lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Bruno Gilles, auteur de la proposition de loi

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Mme Annie Guillemot

M. Éric Gold

Mme Sylvie Vermeillet

M. Jean-Pierre Decool

M. Didier Rambaud

Mme Cécile Cukierman

Mme Anne-Marie Bertrand

Mme Samia Ghali

Mme Nadia Sollogoub

M. François Grosdidier

Clôture de la discussion générale.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques

Article 1er A (nouveau)

M. Roland Courteau

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Samia Ghali

M. Fabien Gay

M. Julien Denormandie, ministre

Amendement n° 1 rectifié quinquies de M. Jean-Pierre Decool. – Retrait.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 1er A

Amendement n° 10 rectifié quater de Mme Annie Guillemot. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 31 rectifié bis de Mme Valérie Létard. – Retrait.

Article 1er B (nouveau) – Adoption.

Articles additionnels après l’article 1er B

Amendement n° 27 rectifié de M. Éric Gold. – Retrait.

Amendement n° 17 rectifié de Mme Samia Ghali. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 1er C (nouveau)

Amendement n° 32 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Annie Guillemot. – Adoption.

Amendement n° 28 rectifié de M. Éric Gold. – Retrait.

Amendement n° 25 rectifié de M. Éric Gold. – Adoption.

Amendement n° 33 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 29 rectifié de M. Éric Gold. – Retrait.

Amendement n° 30 rectifié bis de M. Éric Gold. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er D (nouveau)

Amendement n° 11 rectifié quater de Mme Sylviane Noël. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 1er E (nouveau) – Adoption.

Articles additionnels après l’article 1er E

Amendement n° 24 rectifié bis de M. Éric Gold. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 13 rectifié quater de Mme Sylviane Noël. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 1er – Adoption.

Article 2

Amendement n° 20 de M. Rachid Temal. – Non soutenu.

Amendement n° 12 rectifié quinquies de Mme Sylviane Noël. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 2

Amendement n° 26 rectifié de M. Éric Gold. – Retrait.

Article 2 bis (nouveau) – Adoption

Article additionnel après l’article 2 bis

Amendement n° 2 rectifié de Mme Annie Guillemot. – Retrait.

Article 2 ter (nouveau) – Adoption.

Article 3 (supprimé)

Articles 4, 4 bis (nouveau) et 4 ter (nouveau) – Adoption.

Articles additionnels après l’article 4 ter

Amendement n° 3 rectifié de Mme Annie Guillemot. – Rejet.

Amendement n° 15 de Mme Samia Ghali. – Rejet.

Amendement n° 4 rectifié bis de Mme Annie Guillemot. – Rejet.

Amendements identiques nos 22 rectifié de Mme Annie Guillemot et 34 de la commission. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 18 de M. Victorin Lurel. – Non soutenu.

Amendement n° 9 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Retrait.

Amendement n° 23 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.

Articles 5 et 6 (supprimés)

Articles additionnels avant l’article 7

Amendement n° 5 rectifié de Mme Annie Guillemot. – Rejet.

Amendement n° 6 rectifié de Mme Annie Guillemot. – Rejet.

Articles 7, 8 et 9 – Adoption.

Article additionnel après l’article 9

Amendement n° 21 de M. Rachid Temal. – Non soutenu.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

10. Ordre du jour

COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot,

M. Michel Raison.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du vendredi 7 juin 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents réunie ce jour a décidé, en accord avec le Gouvernement, de modifier l’ordre du jour des mercredi 12, jeudi 13 et mardi 18 juin.

Le mercredi 12 juin, à quinze heures, aura lieu la lecture devant le Sénat de la déclaration de politique générale du Gouvernement.

En conséquence, l’espace réservé au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, initialement prévu de quatorze heures trente à dix-huit heures trente, est décalé au même jour de seize heures à vingt heures, la séance du soir étant consacrée à la suite éventuelle de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux. Je remercie le groupe CRCE de sa compréhension.

Le jeudi 13 juin, à neuf heures trente, M. le Premier ministre présentera la déclaration de politique générale, qui sera suivie d’un débat et d’un vote par scrutin public à la tribune.

En conséquence, l’examen de la proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le règlement du Sénat est reporté au mardi 18 juin, à quatorze heures trente.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

3

Article additionnel après l'article 27 - Amendement n° 748 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Seconde délibération

Organisation et transformation du système de santé

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (projet n° 404, texte de la commission n° 525, rapport n° 524, avis nos 515 et 516).

Seconde délibération

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Article 28 (nouveau) (début)

M. le président. La commission des affaires sociales demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 28.

Mme Laurence Cohen. Vous avez eu tout le week-end pour réfléchir !

Mme Laurence Rossignol. Quelle honte !

M. le président. Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, tout ou partie d’un texte peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération, à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement.

Le Gouvernement accepte-t-il cette demande de seconde délibération ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la question de l’interruption volontaire de grossesse, ou IVG, je ne peux être suspectée d’aucune façon. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Chacun le sait, je suis particulièrement attachée à l’amélioration des droits sexuels et reproductifs des femmes.

Le délai de recours à l’IVG n’est pas le même entre les pays, mais les systèmes de prise en charge des IVG ne sont pas toujours organisés comme le nôtre. L’objectif premier est que toutes celles qui le souhaitent doivent pouvoir bénéficier d’une IVG sûre et de qualité, quelles que soient leurs conditions et dans tous les territoires.

Je serai intraitable et me battrai inlassablement, parce que les menaces sont constantes – l’actualité internationale nous l’enseigne tous les jours. Nous devons ainsi poursuivre nos efforts pour assurer une offre diversifiée de proximité réelle et accessible de façon permanente, répondant aux besoins des territoires en matière d’IVG.

J’aurai l’occasion de revenir devant les parlementaires pour présenter les résultats de l’enquête lancée auprès des agences régionales de santé pour identifier les difficultés d’accès éventuellement rencontrées. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il vous faut cela pour le savoir ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. C’est pour cela que j’ai soutenu l’amendement de Mme la sénatrice Laurence Rossignol rétablissant le rapport du Gouvernement au Parlement sur l’accès à l’IVG. Ce rapport sera rendu en fin d’année.

J’estime à présent en conscience et en responsabilité que les conditions dans lesquelles le Sénat s’est prononcé vendredi dernier pour allonger le délai pour recourir à une IVG n’étaient pas satisfaisantes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Elles n’étaient pas satisfaisantes compte tenu des circonstances particulières du vote.

M. Patrick Kanner. Séparation des pouvoirs !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Elles n’étaient pas satisfaisantes, parce que le projet de loi est centré sur l’organisation des soins. (Murmures accentués sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je sais que cette demande d’allongement du délai d’IVG est soutenue par le planning familial, acteur incontournable du droit des femmes, et j’en recevrai les membres pour discuter avec eux de l’accès à l’IVG.

En acceptant la seconde délibération demandée par la commission des affaires sociales, je veux réunir les conditions…

Mme Agnès Buzyn, ministre. … pour que ce débat légitime ait lieu dans le bon cadre et en assurant l’ensemble des échanges que l’importance du sujet exige.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Quelle différence ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Cela ne peut pas être traité dans ce projet de loi et dans les conditions dans lesquelles le débat s’est déroulé.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Pour cette raison et sans préjudice du débat et des justes questions posées sur l’accès effectif à l’IVG, débat qui devra se tenir dans un cadre plus adapté, le Gouvernement est favorable à une seconde délibération. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, contre la demande de seconde délibération.

Mme Laurence Rossignol. Je salue les applaudissements soutenus dont Mme la ministre vient de bénéficier de la part de la droite (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains), sur un sujet aussi sensible et aussi clivant entre la droite et la gauche que l’est celui de l’IVG.

Mme Laurence Rossignol. Vous dites que les conditions du vote de l’amendement relatif à l’extension de deux semaines du délai de recours à l’IVG ne sont pas satisfaisantes. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Vous pouvez continuer, cela ne m’arrêtera pas !

M. François Grosdidier. Simone Veil n’était pas sectaire, elle !

Mme Laurence Rossignol. Je ne comprends pas pourquoi elles le seraient moins que pour tous les autres votes qui ont eu lieu au cours de la même matinée ou de la même journée,…

Mme Laurence Cohen. Exactement !

Mme Laurence Rossignol. … qui avaient, en revanche, l’avantage de vous convenir, madame la ministre, ainsi qu’à la droite du Sénat, puisqu’ils allaient dans votre sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Et donc ceux-là sont conformes…

Ce vote serait moins représentatif parce que nous étions vingt-deux dans l’hémicycle ? Cet amendement a été voté par les présents, et non par des absents, à la différence des autres amendements relatifs à l’IVG qui ont tous fait l’objet d’un scrutin public et qui ont été refusés. Le Sénat est le seul endroit qui contredit l’adage, puisque, quand il s’agit de voter, les absents y ont toujours raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Il n’y aurait pas eu suffisamment de débats ? Sur de nombreux sujets, nous ne sommes pas tous très informés et nos connaissances ne sont pas universelles. En revanche, en ce qui concerne l’allongement de deux semaines du délai de recours à l’IVG, le sujet a été travaillé et est connu : il a été identifié dans des cercles comme le planning familial, que vous ne fréquentez peut-être pas, mes chers collègues, mais que, moi, je fréquente ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Il n’y a pas de doute.

En conclusion, ce que vous faites aujourd’hui n’est qu’une petite combine de procédure mise au point par le groupe LR du Sénat et le Gouvernement pour s’opposer à une avancée très attendue sur l’accès à l’IVG. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 147 :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l’adoption 232
Contre 87

Le renvoi à la commission pour une seconde délibération est décidé.

Conformément à l’article 43, alinéa 5, de notre règlement, « lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport ».

La commission va donc se réunir pour présenter un rapport.

J’interroge la commission sur la durée de la suspension qu’elle estime nécessaire pour présenter le nouveau rapport.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, la commission va se réunir en salle 213. Je pense qu’une suspension d’une trentaine de minutes suffira.

M. le président. Mes chers collègues, je vais donc suspendre la séance afin de permettre à la commission des affaires sociales de se réunir.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, je vous informe que le vote solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé aura lieu en salle des conférences à l’issue des questions d’actualité au Gouvernement, et ce sans suspendre la séance consacrée aux explications de vote sur la proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales.

Nous allons procéder à la seconde délibération.

Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements, et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »

Seconde délibération
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Article 28 (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 28 (nouveau)

À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2212-1 du code de la santé publique, le mot : « douzième » est remplacé par le mot : « quatorzième ».

M. le président. L’amendement n° A-1, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. La commission demande la suppression de cet article, introduit contre l’avis du Gouvernement et celui de la commission, qui prolonge de deux semaines le délai d’accès à l’IVG.

Cet article ne se rattache au projet de loi que de manière très ténue, du fait de la présence, à l’article 17 du texte déposé à l’Assemblée nationale, d’une mesure de simplification prévoyant la suppression de l’obligation pour les professionnels de santé concernés de réaliser, à des fins statistiques, un bulletin papier pour chaque interruption volontaire de grossesse. Il intervient sans qu’aucune concertation préalable ait été menée sur ce sujet, notamment avec la communauté scientifique et médicale.

Ce n’est pas dans ces conditions ni dans ces circonstances, au terme de l’examen d’un texte portant sur l’organisation du système de santé, qu’un débat sur le délai d’accès à l’IVG doit être mené et tranché.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Je souhaite rappeler, à l’occasion de l’examen de l’amendement qui nous est présenté par le président Milon, que l’IVG fait l’objet de multiples campagnes et de nombreuses attaques visant à remettre en cause ce droit. Or je veux le rappeler ici et y insister : l’IVG est un droit dans notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Éliane Assassi. La proposition d’allonger les délais émane non pas de quelques sénatrices ou de quelques sénateurs, mais de professionnels de la santé ou de structures, comme le planning familial, qui accompagnent les femmes ayant recours à une IVG.

En outre, la disposition contenue dans l’amendement de Mme Rossignol, aujourd’hui remise en cause, s’inscrivait pleinement dans le débat sur le projet de loi Santé. Il a en effet été démontré, lorsque nous avons longuement discuté des déserts médicaux, que la pénurie de médecins et de structures médicales pratiquant des IVG pouvait justifier la prolongation du délai de deux semaines.

Moi qui étais présente vendredi matin, je considère que les débats se sont bien déroulés et que les parlementaires qui ont voté ce jour-là ont pris toutes leurs responsabilités. Certes, nous étions en faible nombre dans l’hémicycle, mais, dans ce cas, pourquoi la commission ou un groupe – je pense au groupe Les Républicains – n’ont-ils pas demandé un scrutin public, qui était possible ?

L’argument du nombre ne tient pas. La privatisation d’Aéroports de Paris a été votée à l’Assemblée nationale en présence de 45 députés, à six heures du matin.

M. Bruno Sido. C’est moins grave !

Mme Éliane Assassi. Pour autant, personne n’a demandé de seconde délibération en raison du faible nombre de députés présents dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) C’est tout simplement parce que le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale sont favorables à cette privatisation. Il y a là deux poids, deux mesures.

Je considère pour ma part que cette seconde délibération est un coup de force contre l’expression démocratique de la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Bruno Sido sexclame.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Nous avons passé cinq jours la semaine dernière à essayer de trouver ensemble des solutions pour lutter contre la désertification médicale et, pour ma part, contre les conséquences en particulier des fermetures massives de maternités sur l’accès à l’IVG.

À cet égard, je regrette que nous n’ayons pas adopté un autre amendement que j’avais déposé au nom du groupe socialiste, tendant à préciser qu’il devait obligatoirement y avoir un centre de planification et d’orthogénie dans chaque hôpital de proximité. Si cet amendement avait été adopté, peut-être ne parlerions-nous pas dans les mêmes termes aujourd’hui de celui-ci. C’est ma première remarque.

Je ferai une seconde remarque. Je ne peux pas laisser dire, sous-entendre ou présupposer que, après l’allongement des délais de l’IVG à quatorze semaines, on passerait à seize, puis à dix-huit, voire plus. C’est mal connaître les femmes ! Quand une femme enceinte ne peut pas garder un enfant, plus vite elle avorte, mieux c’est. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) N’imaginez pas que les femmes vont se dire que, puisqu’elles ont deux semaines de plus pour avorter, elles vont partir en vacances et qu’elles verront après ! (Mêmes mouvements.)

Je vais vous expliquer pourquoi il faut allonger les délais. En France, chaque année, entre 3 000 et 5 000 femmes partent à l’étranger pour y avorter, et ce pour plusieurs raisons : il peut s’agir de difficultés d’accès aux soins, de la désorganisation des services, du manque de médecins, des vacances d’été – elles sont dramatiques pour l’accès à l’IVG – ou de raisons personnelles. Il faut savoir que 75 % des femmes qui ont recours à un avortement sont sous contraception. Elles ne comprennent donc pas immédiatement qu’elles sont enceintes et que leur retard de règles est le signe d’une grossesse, et non un déséquilibre de leur contraception. Enfin, les mineures, les jeunes filles, elles, ne savent même pas ce qui leur arrive et n’osent pas en parler.

Voilà de bonnes raisons d’allonger de deux semaines le délai d’IVG, comme cela se pratique dans bien d’autres pays.

En fait, la décision que vous allez prendre, mes chers collègues, va accroître les injustices sociales. Celles qui ont les moyens continueront d’aller à l’étranger – merci aux pays voisins de faire ce qu’on ne veut pas faire ! Quant aux autres, elles se débrouilleront comme elles le pourront.

Madame la ministre, j’avoue que je suis surprise. Votre liste aux élections européennes a promu le « pacte Simone Veil », le « bouquet législatif », la solidarité entre les femmes de tous les pays d’Europe pour les meilleures lois sur l’IVG. Quel message envoyez-vous aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Enfin, si M. le président m’y autorise, permettez-moi de vous confier un petit message pour votre collègue, Mme Schiappa, secrétaire d’État, qui appelait hier la gauche, dans un article du Journal du dimanche, à rejoindre le parti unique En Marche. Eh bien, franchement, si c’est ça En Marche, non merci ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur un sujet aussi important et sensible, la première des choses à faire est, me semble-t-il, de prendre de la hauteur et d’agir de façon dépassionnée.

Je rappelle tout d’abord que le droit à l’IVG a été considérablement amélioré ces dernières années.

En 2001, les délais pour pratiquer une IVG ont été portés de dix à douze semaines.

En 2013, l’IVG est devenue gratuite pour toutes les femmes.

En 2014, la notion de détresse a disparu.

En 2016, le délai minimal de réflexion d’une semaine a été supprimé, les sages-femmes pouvant désormais pratiquer des IVG médicamenteuses et les centres de santé des IVG instrumentales.

M. Roland Courteau. C’est la gauche, ça !

Mme Françoise Laborde. En 2017, le délit d’entrave à l’IVG a été étendu aux sites anti-avortement insidieux.

Mme Laurence Rossignol. Et ça, c’est moi !

Mme Françoise Laborde. Notre groupe a longuement débattu ce matin de ce sujet et a unanimement décidé de ne pas prendre part au vote sur cet amendement. C’est pourquoi nous n’avons pas participé non plus au vote sur la seconde délibération.

En effet, comme nous l’a expliqué Mme la ministre, le Sénat a rétabli l’article 27, qui prévoit la remise d’un rapport sur l’accès effectif à l’IVG et sur les difficultés d’accès à l’IVG dans les territoires, y compris les refus de certains praticiens de pratiquer une IVG.

Sur la forme, il nous paraît indispensable de prendre le temps d’une réflexion très approfondie sur un tel sujet, notamment, mes chers collègues, au regard de ce qui se pratique chez nos voisins. Il y a mieux, il y a pire. Le présent texte ne nous semble donc pas constituer le bon véhicule législatif. Donnons-nous le temps et les moyens de nos ambitions, par exemple dans la perspective du prochain projet de loi de bioéthique.

Nous ne voulons pas non plus entrer dans des polémiques qui ne nous apparaissent pas comme constructives. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je partage les propos de notre collègue. Comme elle, je considère que cette question relève davantage de la loi de bioéthique. On ne doit effectivement pas traiter ce sujet au détour d’un texte portant sur l’organisation et la transformation de notre système de santé.

Je rappellerai juste ce que j’ai dit il y a quelques minutes en commission des affaires sociales. À la fin de l’année 2000, le président du Sénat de l’époque et le président de l’Assemblée nationale avaient saisi pour avis le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le CCNE, sur une prolongation du délai de recours de dix à douze semaines.

Telle avait alors été la conclusion du CCNE : « Ce débat sur le prolongement du délai de l’IVG doit ainsi relancer les interrogations sur les circonstances et les facteurs qui conduisent plus de 200 000 femmes par an à vouloir interrompre leur grossesse. Le CCNE considère que le débat éthique se situe en amont et pas seulement dans l’allongement du délai prévu par la loi. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. À vous entendre, il est urgent d’attendre !

Cela a été dit, les associations, notamment le planning familial, nous alertent sur le fait que, aujourd’hui, en 2019, mes chers collègues, le droit à l’interruption volontaire de grossesse est remis en cause, puisqu’un certain nombre de femmes, entre 3 000 et 5 000 chaque année, se rendent à l’étranger pour y avorter. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous avez beau être choqués, les faits sont là : telle est la réalité !

Nous avons discuté pendant une semaine, jusqu’à des heures extrêmement tardives, de l’organisation des soins sur notre territoire. L’interruption volontaire de grossesse serait selon vous un droit à part, qu’il conviendrait de traiter dans un meilleur véhicule législatif. Mme la ministre nous dit qu’elle va charger une commission de faire un état des lieux précis. Quand les parlementaires que nous sommes mettent en lumière un dysfonctionnement, une commission est systématiquement appelée à se mettre en mouvement pour réaliser une expertise sur le sujet. Or nous sommes nous aussi des experts, de même que les associations. Chaque fois qu’il est question du droit des femmes à disposer de leur corps dans le cadre d’une grossesse, des limites sont toujours imposées.

Sur la forme, mes chers collègues, on nous dit que cet amendement n’avait pas sa place dans ce projet de loi. Or nous avons tous déposé des amendements qui ont été retoqués au titre des articles 40, 41 ou 45 de la Constitution. L’amendement de Mme Rossignol, lui, a été approuvé par la commission et n’a pas été adopté en catimini. Or, tout à coup, on nous dit que cela ne va pas et on demande une seconde délibération ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

En fait, de quels droits les parlementaires disposent-ils ? Quand on est dans l’opposition, on a surtout le droit de se taire ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviendrai non pas en tant que sénateur, mais en tant que praticien, radiologue, échographiste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) J’ai aidé beaucoup de femmes ayant pour projet d’interrompre une grossesse. J’étais à côté d’elles, j’ai ressenti leur douleur.

À douze semaines, c’est un embryon qui mesure 6,5 centimètres de distance crânio-caudale où l’on ne voit que le bourgeon germinal. À quatorze semaines, nous sommes face à un fœtus, dont on a 99 % de chances de dépister le sexe.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas ce que disent tous les médecins !

M. Alain Houpert. Et là, nous entrons dans un risque d’eugénisme et de choix de l’enfant. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Pierre Laurent. Ce sont les mêmes arguments qu’au moment du vote de la loi Veil !

M. Alain Houpert. Chers collègues, je ne suis pas un dangereux réactionnaire, j’interviens en tant que technicien. (Mêmes mouvements.)

Le danger est énorme. Comme le disait Paul Valéry, je pense qu’il est urgent d’attendre et de prendre le temps de réfléchir, dans le cadre de la loi de bioéthique.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprime à titre personnel. Si je suis bien entendu favorable au respect du droit à l’IVG, qui doit être accessible à tous, je souhaite que nous ayons un véritable débat sur ce sujet de fond. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Pour ma part, je ne prendrai pas part au vote.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je prends la parole non pas en tant que médecin – je n’en suis pas un – ou à je ne sais quel autre titre, mais en tant que parlementaire. (M. Vincent Éblé applaudit.)

Il est important que chacun puisse s’exprimer en tant que parlementaire et que nous prenions tous la mesure du sujet que nous évoquons aujourd’hui.

M. Gérard Longuet. L’expérience ne nuit pas au débat !

M. Rachid Temal. On vous a écouté, mon cher collègue !

J’évoquerai tout d’abord l’argutie juridique sur laquelle est fondée cette seconde délibération. Il y aurait donc de bons et de mauvais votes ? Cela doit susciter une réflexion de notre part au moment où nous nous interrogeons sur le scrutin public dans le cadre d’une révision du règlement du Sénat.

Je réagirai ensuite à ce que j’ai entendu dire d’une façon globale, en particulier à qu’a dit notre collègue qui se revendique d’abord comme médecin. Nous sommes en France, en 2019, et nous n’avons que trop entendu le discours qu’il porte, qui nie, de fait, le droit des femmes à disposer de leur corps. Or nous proposons concrètement non pas d’obliger quiconque à quoi ce soit, mais simplement de permettre aux femmes de disposer de leur corps et de pouvoir répondre, comme l’a dit très justement Laurence Rossignol, à des situations de détresse. Il n’est pas question d’eugénisme, cher collègue. Il s’agit simplement de permettre aux femmes d’exercer un droit fondamental, élémentaire.

Vous dites, madame la ministre, que la disposition en question est sans lien avec le texte. Or, pendant cinq jours, nous avons discuté de santé publique, en tout cas ceux d’entre nous qui étaient là. Et c’est bien une question de santé publique qui est posée cet après-midi. La Haute Assemblée s’honorerait à adopter le progrès qui est proposé, alors qu’on se bat pour les droits des femmes partout dans le monde.

À cet égard, je regrette que Marlène Schiappa n’ait pas pris la parole ces derniers jours. Alors qu’elle évoque à juste titre les droits des femmes partout dans le monde, là, concrètement, elle est aux abonnés absents. Or le texte adopté vendredi permet simplement de porter de douze à quatorze semaines le délai pour les femmes qui en ont besoin.

Nous ne faisons pas une campagne pro-IVG. Nous voulons simplement qu’un droit existant soit adapté à la réalité, comme le souhaitent les médecins et le planning familial.

Réfléchissons bien, mes chers collègues, à notre vote à l’issue de notre débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce qui se passe aujourd’hui est assez inédit. Pour ma part, je suis sénatrice depuis 2011, mais c’est bien la première fois que je vois le Sénat renvoyer une telle image à l’extérieur, et cela ne le grandit pas.

J’ai en mémoire le vote, dans des conditions semblables, de certains amendements sur d’autres sujets, mais de telles procédures, de telles manœuvres, encore une fois, je n’en ai pas le souvenir.

Sur le fond, le dépassement des délais d’avortement a toujours été un sujet, mais ce n’est pas parce que des femmes dépassent encore les délais en 2019, pour diverses raisons – la précarité sociale est une réalité – que nous ne pouvons pas faire progresser le droit à l’avortement que nous avons gagné de haute lutte.

Il y aura toujours des femmes qui auront les moyens de se rendre à l’étranger, que ce soit en Angleterre, en Espagne ou en Suisse, et d’autres qui ne le pourront pas. L’amendement adopté vendredi visait à réduire les inégalités sociales et territoriales et avait à ce titre toute sa place dans le projet de loi dont nous avons discuté toute la semaine dernière. En conséquence, je ne voterai pas aujourd’hui l’amendement de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je me bornerai à faire le constat que, lorsque des collègues prennent la parole pour dire que, oui, dans ce pays, le droit à l’avortement n’est pas complètement garanti aujourd’hui, qu’il peut être remis en question, qu’il y a des dizaines de façons de le remettre en cause, certains sur les travées d’en face sourient ou nous houspillent.

Les propos de notre collègue qui s’est exprimé en tant que médecin me confortent dans l’idée que, si nous relançons le débat sur l’avortement, ce sera loin d’être gagné pour les pro-IVG que nous sommes. Un certain nombre de parlementaires aujourd’hui sont capables de remettre en cause ce droit fondamental, au détour de n’importe quelle loi : nous ne les laisserons jamais le brocarder ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Patricia Schillinger applaudit également. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Ce n’est pas la question !

Mme Sophie Primas. C’est insupportable !

M. François Grosdidier. C’est vous qui leur donnez des arguments !

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. J’interviendrai non pas en ma qualité de médecin, mais en tant que parlementaire. Lorsque Simone Veil a fait voter cette fameuse loi, je commençais mes études de médecine, je me souviens des débats. J’étais en première année en 1972 lors du fameux procès de Bobigny. Cette loi fut une avancée considérable. Je rappelle toutefois que, à l’époque, dans son esprit, l’avortement devait être une exception. Il est devenu un droit, et c’est bien ainsi.

Une collègue a rappelé il y a quelques instants l’évolution du droit à l’avortement, l’allongement des délais, les possibilités, disons-le clairement, de libéraliser le droit à l’interruption volontaire de grossesse.

L’allongement du délai de douze à quatorze mois… (Semaines ! sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Martial Bourquin. Lapsus révélateur !

M. Michel Amiel. Non, certainement pas ! Cela arrive à tout le monde de faire un lapsus. C’est une mauvaise querelle.

L’allongement de douze à quatorze semaines n’est pas une mesure anodine. Il mérite selon moi une véritable réflexion, un certain nombre de cas justifiant probablement cet allongement. À titre personnel, je pense aux cas de viol ou de difficultés importantes d’accès aux soins. Nous devons mener une véritable réflexion, avec l’aide bien évidemment des experts, dont le planning familial fait partie, mais aussi dans le cadre du débat parlementaire, qui, je dois dire, nous honore.

La preuve en est que, au sein du groupe LaREM, nous ne partageons pas tous le même point de vue, comme en atteste celui de notre collègue issu d’un territoire où l’accès aux soins est difficile.

Je propose donc que nous ne renvoyions pas ce débat aux calendes grecques et que nous le poursuivions d’une façon spécifique et dédiée dans le cadre d’une niche parlementaire, et ce dans les meilleurs délais. Telle est la proposition que je défends. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, pourquoi théâtraliser ainsi le vote de l’amendement adopté vendredi par le Sénat ? Dans votre mise en scène, la droite de cet hémicycle ne souhaite pas prolonger le délai. Je pense que vous rendez un très mauvais service aux Français, aux Françaises et la France. Vous vous rangez dans le camp des grands conservateurs du vaste mouvement conservateur qui se développe partout en Europe, et encore plus aux États-Unis. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Allons bon !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Philosophiquement, c’est ce que vous êtes en train de vouloir faire acter.

Vous dites vouloir débattre de l’allongement de deux semaines du délai dans le cadre de la loi de bioéthique. On entendra alors les mêmes raisonnements que celui de notre collègue qui se dit médecin. On les connaît depuis des lustres, depuis la loi Veil : on nous expliquait alors que la vie démarrait dès la conception. On les connaît, ces théories.

La réalité, c’est que les Anglais, les Espagnols, les Islandais ne sont pas moins humanistes, moins soucieux de la vie humaine, moins respectueux de la vie en général que nous, Français. On sait très bien qu’il n’y a scientifiquement rien de radicalement différent, le planning familial l’a montré, dans l’acte, qu’il soit pratiqué à douze ou à quatorze semaines de grossesse.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La réalité, c’est que vous voulez faire reculer le droit à l’avortement ! (Vives protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce recul, on le constate dans les faits, car le droit n’existe que dans les faits. C’est vrai dans de nombreux autres domaines. Vous ne remettez pas en cause l’âge de la retraite, mais, dans les faits, on ne pourra pas partir. C’est le droit réel qui compte. Les lois que nous votons doivent s’appliquer à toutes, à tous, partout, dans tous les territoires, quelles que soient les conditions.

Vous accroissez les inégalités, mais, au fond, c’est la philosophie même de ce grand mouvement d’émancipation que vous remettez en cause, avec, comme d’habitude, les mêmes arguments, les mêmes votes qu’à l’époque, et ce peu de temps après la panthéonisation de Simone Veil ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Heureusement que la gauche était là à l’époque.

M. le président. Il faut vraiment conclure ! (Exclamations redoublées et claquements de pupitres sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Heureusement qu’elle est encore là aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. J’invite chacun à respecter son temps de parole.

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Beaucoup a été dit sur le fond. À cet égard, je suis d’accord avec le bref argumentaire qu’a développé Laurence Rossignol.

Nous sommes également interpellés sur une question de procédure. Concrètement, on nous propose de revenir sur l’amendement adopté vendredi au motif que le débat n’était pas mûr et que ce vote n’avait donc pas lieu d’être.

Indépendamment de ce que vous pensez sur le fond de cette question, mes chers collègues, je vous mets en garde. On nous oppose déjà en commission l’article 40 ou désormais l’article 45 de la Constitution sur nos amendements, arguant qu’il s’agit de cavaliers, qu’ils sont hors sujet. L’amendement de Mme Rossignol, lui, n’a pas subi ce sort, il n’a pas été considéré par nos instances comme étant hors sujet. Invoquer ce motif aujourd’hui pour annuler un vote est un argument fabriqué.

Cette situation n’est pas banale. Certes, on le reconnaît, la majorité sénatoriale est de droite. Peut-être que le vote de vendredi ne reflète pas la tendance de la chambre haute du Parlement, mais c’est le cas également en bien d’autres occasions. Le vote est souverain, il ne doit pas être remis en question quand toutes les règles de procédure ont été respectées. Tout a été fait correctement : l’amendement a été présenté, la commission a émis un avis, l’amendement a été mis aux voix, la majorité l’a emporté.

M. Marc-Philippe Daubresse. La seconde délibération est prévue par la Constitution !

M. David Assouline. Revenir sur ce vote cet après-midi n’est pas banal. J’espère que cela ne fera pas jurisprudence, sinon, chaque fois qu’un amendement déplaira à la majorité, il risquera d’être retoqué en fin de course.

M. Roger Karoutchi. C’est prévu dans la Constitution !

M. Marc-Philippe Daubresse. Un vice-président devrait le savoir !

M. David Assouline. Je vous mets donc en garde, mes chers collègues. Pour ma part, je voterai contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. Plusieurs médecins se sont exprimés ici, en tant que médecins ou parlementaires, ou les deux. Je tiens à leur dire que, dans certains territoires, l’accès aux soins, en particulier à des gynécologues, est malheureusement un parcours du combattant. Dans certains endroits, on compte en effet un gynécologue pour 100 000 habitants.

Mme Samia Ghali. C’est une réalité sur le territoire français, partout, que ce soient dans les quartiers populaires ou dans les campagnes. Il faut tenir compte de cette situation.

Cela signifie que, en réalité, l’accès à l’IVG ne concerne qu’une frange de la population, compte tenu de la situation sanitaire de notre pays. Si on en a les moyens, on peut effectivement se rendre à l’étranger pour avorter, sinon, on subit une grossesse non désirée.

Les hommes ne peuvent pas, comme ils le font chaque année le 8 mars, laisser leur place aux femmes le temps d’une journée, comme vous le faites vous-même ici, monsieur le président – elles sont mises en valeur et président partout ce jour-là –, puis voter contre des mesures concernant leur vie et leur santé, des mesures aussi en faveur de la protection de l’enfant. Il n’y a en effet rien de pire que d’avoir un enfant que l’on n’a pas désiré. Il faut penser à ces enfants non désirés, qui sont souvent en souffrance, qui ne sont malheureusement pas accompagnés, qui sont livrés à eux-mêmes et abandonnés, non pas aux services sociaux, ce qui serait presque une bonne chose, mais au sein de leur propre famille. Je tenais à vous alerter sur ces questions.

Finalement, votre amendement ne permet pas d’aller au fond des problèmes qui doivent tous nous interpeller, au-delà de nos divergences politiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je reviendrai rapidement sur la forme et sur le fond.

Sur la forme – le fait de revenir sur un vote en procédant à une seconde délibération –, les choses ont été dites, je n’y reviens pas. J’insisterai seulement sur l’image que nous donnons du Sénat en remettant en cause un vote tout à fait légitime. Tous ceux qui se sont exprimés vendredi midi l’ont fait en conscience.

Sur le fond, l’IVG est un droit fondamental, que nous considérons comme acquis, mais nous voyons bien, à l’occasion de différents débats, qu’il faut toujours le réaffirmer.

L’article 28 prévoit de prolonger de deux semaines le délai de l’IVG, qui est aujourd’hui de douze semaines. Si cette proposition a été faite, c’est fort du constat de la situation de détresse de certaines femmes, en particulier de jeunes femmes, qui n’ont d’autre solution aujourd’hui, quand elles en ont les moyens, que de se rendre à l’étranger pour avorter.

Alors, oui, cet article est une mesure de justice sociale.

Oui, c’est un amendement que nous avions proposé pour répondre à l’inégalité sociale. Lorsque le remboursement de l’IVG a été instauré, c’était aussi une mesure de justice sociale. Je tenais à insister sur cet aspect.

Bien sûr, je voterai contre le présent amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je voterai, bien évidemment, l’amendement que nous avons adopté en commission il y a quelques instants.

Le débat de cet après-midi se suffit à lui-même. Les problèmes de fond soulevés par l’amendement adopté vendredi dernier, les interventions émanant des différentes travées en témoignent, appellent un débat bien plus approfondi que celui que nous avons eu sur ce sujet.

Mme Laurence Rossignol. Nous l’avons !

Mme Catherine Deroche. Nous l’aurons !

Mme la ministre, que l’on ne saurait soupçonner d’hostilité à l’IVG et aux droits des femmes, l’a dit : des études sont menées, des rapports seront remis, nous aurons ce débat.

Comme sur tous les sujets touchant à l’éthique, on l’a vu sur la fin de vie, on le verra en bioéthique, chacun ici a ses propres convictions. Au sein de notre groupe, nous avons toujours eu une liberté totale de vote sur ces sujets.

Ne nous jetons pas à la figure des soupçons infondés : jamais personne n’a eu l’idée, dans cet hémicycle, de revenir sur le droit à l’IVG. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.) Chacun a sa propre vision de l’IVG. C’est totalement caricatural, et je refuse absolument d’être classée dans la catégorie des conservateurs qui voudraient revenir sur le droit de l’IVG.

C’est un sujet de fond qui mérite un débat serein, digne et respectueux des uns et des autres, qui ne saurait être traité au détour d’un amendement présenté un vendredi matin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. David Assouline. On n’a plus le droit d’amender le vendredi !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. À juste titre, certains parmi nous évoquent les difficultés d’accès à l’IVG, la crainte parfois de la remise en cause d’un droit incontestable, qui serait accessible ou pas selon la condition sociale ou le lieu d’habitation.

Je ne suis pas médecin. En tant que parlementaire, je suis comme chacun de nous en contact avec beaucoup de femmes. Personne n’a le monopole du cœur et personne n’a à donner des leçons de morale à qui que ce soit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Je ne suis ni membre de la commission des affaires sociales ni médecin, mais j’aimerais que l’on m’explique en quoi l’allongement du délai à quatorze semaines – pourquoi pas quinze ? – serait la réponse aux lacunes que vous constatez, à savoir la difficulté d’accès territoriale et sociale. Avant de voter, j’ai envie de comprendre et d’être convaincue.

En tout cas, je voterai pour l’amendement du président Milon, car je refuse d’être manipulée (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) et d’entendre que, parce que nous ne sommes pas d’accord, parce que nous cherchons à comprendre, nous ne serions que d’horribles conservateurs ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Ni médecin ni femme (Sourires.), je voudrais verser au débat la réaction publiée sur le site internet d’une grande revue féminine qui n’est pas connue pour son extrémisme sous le titre : « Le délai d’IVG allongé par le Sénat : “un vrai plus” pour les femmes ».

J’en extrairai les mots suivants : « Cet amendement pourrait bien changer la vie de nombreuses femmes. Quand on découvre qu’on est enceinte et qu’on prend la décision d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG), il faut garder en tête les délais. Jusqu’à maintenant, l’IVG chirurgicale n’était possible que jusqu’à la douzième semaine de grossesse : il fallait se lancer dans les démarches sans vraiment traîner et trouver l’établissement adéquat. C’est parfois beaucoup plus compliqué qu’auparavant, puisque, depuis de nombreuses années, certains établissements publics ou privés qui pratiquaient l’IVG ont fermé. Et les délais d’attente se révèlent souvent trop longs. Certaines femmes n’ont parfois d’autres choix que de se rendre à l’étranger pour avorter, mais toutes ne peuvent se le permettre côté financier. C’est pour cela que ces deux semaines supplémentaires pour avorter n’ont rien d’anodin. »

Je ne voterai pas, bien sûr, l’amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Je voudrais à mon tour insister sur une contradiction : d’un côté, on nous dit que le droit à l’IVG n’est pas en cause ; de l’autre, un amendement voté en séance publique provoque l’emploi d’une disposition du règlement tout à fait exceptionnelle. Il faut donc que cet amendement recèle un soupçon de gravité tel qu’il justifie cette procédure aux yeux de ceux qui l’ont provoquée. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)

Or il s’agit, non pas de bouleverser la législation en la matière, mais tout simplement d’améliorer, dans les conditions réelles, l’accès au droit à l’IVG de femmes qui risquent de ne pas pouvoir y recourir dans de bonnes conditions sanitaires.

J’ajoute que cet amendement prend place dans un projet de loi qui, plutôt que de les améliorer, risque bien d’aggraver les conditions du recours à l’IVG, puisqu’il ne règle pas les énormes problèmes pesant sur l’avenir du système hospitalier et du système sanitaire en matière d’accès à la santé, notamment la désertification médicale. Il est question en ce moment des urgences, mais l’on pourrait citer quantité d’autres problèmes qui ne sont pas résolus, vous le savez bien, par le projet de loi.

Le sujet est sérieux ; l’amendement incriminé vise simplement à mieux protéger un droit essentiel pour les femmes, et vous dramatisez le débat en essayant de nous faire croire qu’il ne porte pas sur le droit à l’IVG. Mais bien sûr que si ! Quantité de gens disent qu’ils sont pour le droit à l’IVG, mais sans se préoccuper de créer les conditions d’accès à ce droit. Un droit n’a de sens que si son accès est réel, ce qui n’est pas le cas pour la majorité des femmes en l’occurrence.

M. le président. Il faut conclure !

M. Pierre Laurent. Pour conclure, vous demandez du temps pour débattre, mais qui s’inquiète que nous adoptions un projet de loi aussi important en procédure accélérée ? Une deuxième lecture nous aurait permis de poursuivre le débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) Nous nous apprêtons à adopter ce projet de loi en procédure accélérée alors qu’il soulève de nombreux problèmes sans aucun état d’âme,…

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Pierre Laurent. … mais, sur l’IVG, vous en avez beaucoup ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Sur la forme, je rappelle à l’ensemble de nos collègues que la demande de seconde délibération figure dans la Constitution. Si cela ne plaît pas, il faut réformer la Constitution. Ce n’est pas exceptionnel puisque sept ou huit secondes délibérations sont demandées chaque année sur les lois de finances.

M. David Assouline. Pas quatre jours après !

M. Roger Karoutchi. Ayant moi-même sollicité de nombreuses secondes délibérations lorsque j’étais au Gouvernement, je m’en voudrais de considérer que c’est exceptionnel. Nous sommes dans la logique du système parlementaire de la Ve République. Vous pouvez le refuser, appeler de vos vœux la VIe, mais c’est celui qui s’applique pour le moment.

Sur le fond, franchement, entendre dire que, nous, les gens de droite, du centre ou d’ailleurs, parce que nous ne votons pas tout de suite, nous sommes, au bas mot, associés à Orban, voire pire… Je pense qu’il faut garder raison ! Je soutiens le texte de la commission et la position du Gouvernement. Que ce soit sur l’avortement, et j’y suis favorable, sur la fin de vie, et je pense qu’il faut améliorer les textes, comme sur un certain nombre de sujets, nous avons besoin d’un vrai texte de bioéthique et de temps. La loi Veil a été votée après vingt-six heures de débat. Ce n’est pas au détour d’un amendement que l’on peut tout changer. Je pense qu’un grand texte, madame la ministre, honorera le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. La question est donc de porter de douze à quatorze semaines le délai légal pour avorter, comme en Suisse, en Espagne, en Belgique. Cependant, si nous étions vraiment progressistes, nous ferions comme au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, en passant de douze à vingt-quatre semaines.

L’IVG est un droit inaliénable des femmes à disposer de leur corps. À titre personnel, je ne voterai pas l’amendement de la commission, car je suis favorable à l’orientation qui a été proposée, mais en aucun cas je ne porterai de jugement sur ceux qui sont d’un avis différent, car ils ont eux aussi de bonnes raisons de penser comme ils pensent. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.

Mme Christine Prunaud. Monsieur Karoutchi, votre intervention a clarifié quelques points, mais je me demande comment nous, parlementaires, allons pouvoir justifier l’annulation du vote de vendredi auprès de nos concitoyens et auprès des associations comme le planning familial. Pour ma part, j’en suis encore très étonnée. Puisque c’est dans les règles de la Ve République, je n’irai pas plus loin…

Je sais qu’à droite quelques hommes et quelques femmes sont favorables à l’IVG, et tant mieux. Ce que nous demandons, avec l’amendement adopté vendredi, c’est un espace de sécurité supplémentaire de deux semaines pour les femmes qui veulent avorter. Laurence Cohen et Laurence Rossignol l’ont très bien expliqué, ces deux semaines permettraient de traiter des cas de détresse, d’ignorance, qui détruisent la vie des femmes concernées.

Nous n’avons nul besoin d’un délai de réflexion, d’un rapport ou d’une commission supplémentaires pour prendre position. Cette mesure ne met pas en péril la vie de ces femmes et nous permet de préserver un droit à l’intervention volontaire de grossesse dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. J’ai été très surprise, pour ne pas dire choquée, d’entendre que cet amendement serait le fruit d’une manipulation, au détour d’un vote un vendredi matin… Lorsque j’explique mon travail de sénatrice aux élus que je rencontre, je dis que nous travaillons les textes en amont : cet amendement était connu plus d’une semaine avant de passer en séance publique. Ceux qui protestent aujourd’hui avaient tout le loisir de se positionner et de participer au débat vendredi dernier sur ce sujet qu’ils considèrent comme si important… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

À Mme la ministre qui préconise d’attendre un rapport, à ceux qui appellent encore à débattre, je rappelle que le problème est connu de tous et que nous aurions pu y travailler en amont. Je suis élue depuis 2014, membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et le planning familial m’interpelle depuis longtemps au sujet du prolongement de ce délai. Je voterai donc contre la suppression de l’article 28. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Mes chers collègues, le fait de revenir sur une délibération est une procédure classique, habituelle. Je vous rappelle que, le 16 juillet 2014, la ministre de l’époque, Marisol Touraine, avait demandé une seconde délibération avec vote bloqué sur un amendement présenté par Yves Daudigny et adopté à l’unanimité par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. David Assouline. En séance !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Pour en revenir à notre sujet, la très grande majorité des pays européens a fixé un délai d’avortement à douze semaines à compter du début de la grossesse, ce qui correspond – je suis et parlementaire et médecin – à quatorze semaines d’aménorrhée, monsieur Cadic. C’est le cas en France depuis la révision du délai par la loi du 4 juillet 2001, mais également en Allemagne, en Belgique, en Italie, au Danemark, en Autriche.

Les quelques pays qui autorisent l’avortement au-delà de ce délai ne le font qu’à des conditions très restrictives. Au Royaume-Uni, en Espagne ou en Finlande, l’avortement doit en effet être justifié par des raisons socioéconomiques, autrement dit un viol, ou le danger que peut représenter la grossesse pour la femme, que celui-ci intervienne avant douze semaines ou entre la douzième et la vingt-quatrième semaine.

Par comparaison, la législation française opère une distinction entre une IVG à la demande de la femme et une interruption médicale de grossesse, ou IMG, pour motif de santé de la mère ou du fœtus, une nuance que l’on ne retrouve dans aucune autre législation. En France, une IMG peut être pratiquée jusqu’à la fin de la grossesse, notamment pour des causes psychosociales comme le viol, des cas de détresse psychosociale comme la prise de drogues, ou encore des indications psychiatriques. Au Royaume-Uni et en Espagne, les IMG pour motif médical ne sont autorisées que jusqu’à vingt-quatre semaines. (Et au Canada ? sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je parle de l’Europe, sinon nous pourrions traiter des États-Unis et de la GPA…

Si le délai de douze semaines à compter du début de la grossesse a été retenu par la plupart des pays européens, c’est également, évidemment, pour des raisons de faisabilité technique. Le geste médical nécessaire pour une IVG après ce délai n’est plus le même et le protocole doit être révisé compte tenu des risques importants pour la femme enceinte après ce délai.

Plus qu’une question de délai, c’est donc bien un problème d’accès aux IVG qui se pose pour certaines femmes. Or ce problème peut se poser à douze semaines, je regrette de dire cela à Mme Rossignol, mais aussi à quatorze semaines, voire à seize semaines.

En vue d’y répondre de façon opérationnelle, il convient d’encourager les professionnels de santé à plus de réactivité lorsqu’il s’agit d’orienter ou de rediriger les patientes, en leur rappelant qu’ils doivent sensibiliser très tôt les patientes sur le respect des délais pour procéder à l’IVG, en tenant compte du délai pour manifester son consentement.

Il faut aussi renforcer la formation à l’IVG, par exemple en permettant à plus de médecins généralistes de suivre un diplôme interuniversitaire de gynécologie ou un DU en orthogénie, ce qui implique de soutenir plus d’initiatives en ce sens, comme au travers du réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie en Île-de-France. Il convient en outre d’établir une cartographie précise des structures pratiquant l’IVG.

Enfin, il faut sanctionner les professionnels de santé qui, après avoir exercé leur clause de conscience, méconnaissent l’obligation qui leur est faite de réorienter les patientes vers un médecin ou un centre susceptible de pratiquer une IVG. La commission avait souhaité inscrire un pouvoir de pénalité pour les organismes d’assurance maladie à l’encontre des professionnels ne respectant pas cette obligation, mais le groupe CRCE s’y était, à l’époque, refusé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° A-1.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 148 :

Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l’adoption 205
Contre 102

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 28 est supprimé.

Je rappelle que les explications de vote et le scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi en cours d’examen auront lieu à la reprise de la séance, à l’issue des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 28 (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Discussion générale

4

Hommage aux sauveteurs en mer

M. le président. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.) En votre nom à tous, mes chers collègues, je tiens à saluer la mémoire des sauveteurs de la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, qui ont perdu la vie vendredi dernier au large des Sables-d’Olonne et ont porté jusqu’au sacrifice ultime l’honneur, le dévouement et le courage. Ils s’appelaient Yann Chagnolleau, Alain Guibert et Dimitri Moulic.

Au nom du Sénat tout entier, nous avons une pensée pour eux, pour la famille des disparus, mais aussi pour les sauveteurs dont la vie a été épargnée.

Pour le Sénat, c’est l’occasion d’exprimer sa solidarité aux patrons, matelots, sauveteurs de la SNSM, aux 8 000 bénévoles au service du sauvetage en mer, toujours présents et attentifs aux professionnels comme aux vacanciers sur nos côtes de métropole et d’outre-mer.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

5

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous remercie de votre compréhension pour ce léger décalage horaire.

J’appelle chacun de vous à être attentif au respect de son temps de parole et au respect des uns et des autres.

naufrage et société nationale de sauvetage en mer

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Je vous remercie de votre hommage, monsieur le président.

Monsieur le Premier ministre, toute la communauté des gens de mer est en deuil. Vendredi, trois sauveteurs bénévoles de la SNSM ont trouvé la mort aux Sables-d’Olonne. Ils se sont noyés en tentant de porter secours à un marin-pêcheur en détresse. Les circonstances du drame sont désormais connues : la mer était totalement démontée. Pourtant, lorsqu’ils ont reçu le signal de détresse relayé par le Cross Étel, ils n’ont pas hésité, parce que c’est leur mission. Ces mots, François de Rugy et moi-même les avons entendus des rescapés. Ils y sont allés, parce que c’est leur raison d’être – et même de mourir, malheureusement.

Depuis que cette terre est battue par la marée sans fin de la vie et de la mort, tous ceux qui portent secours pour sauver des vies savent qu’un jour ils peuvent mourir. Mais rien n’a plus d’importance que leur devoir, accompli parfois jusqu’à l’ultime sacrifice.

Le Président de la République a décidé d’honorer ceux qui sont morts. Je pense que nous pourrions aussi honorer ceux qui restent en vie, parce qu’ils ont eu le même courage et qu’ils font partie du même équipage.

Monsieur le Premier ministre, je m’adresse non pas au chef du Gouvernement, mais à l’homme, celui qui appartient aussi à ce peuple de la mer que je connais bien, merveilleusement décrit dans le célèbre ouvrage de Marc Elder.

Devant le Sénat de la République, devant ceux qui ne sont plus, et ceux qui sont encore là, je voudrais que vous preniez un engagement, et un seul, celui de tirer toutes les leçons de ce drame lorsque le temps de la décision sera venu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, avant de vous répondre, je voudrais m’associer évidemment aux propos que vous avez tenus et à ceux que le président du Sénat, M. Gérard Larcher, a tenus juste avant vous.

J’exprime mon émotion, ma reconnaissance, mon admiration et mes fortes pensées aux familles des victimes, à tous ceux qui se sont engagés avec eux dans cette formidable aventure qu’est le sauvetage en mer et à tous ceux qui ont été incroyablement frappés et émus par ce drame survenu vendredi dernier.

Monsieur le président Retailleau, votre émotion bien légitime est celle d’un responsable politique et d’un citoyen français qui sait reconnaître les héros. Vous êtes ému par le sens du devoir et par le courage dont font preuve des concitoyens qui n’en attendent rien, si ce n’est le sentiment d’accomplir une mission pour laquelle ils s’engagent.

Votre émotion est accrue par le fait que vous connaissez la mer, que vous êtes élu d’un département où l’on n’ignore rien des difficultés inhérentes à la course au large et à l’activité de marins-pêcheurs, un département où l’on sait que la mer donne beaucoup et reprend parfois.

Tous les gens de mer, tous ceux qui ont grandi près de la mer, tous ceux qui l’aiment savent que rien n’est plus fort que les éléments. Lorsque le gros temps menace, il est raisonnable de ne pas se croire plus fort que les éléments.

Pourtant, même s’ils savent que c’est dangereux, trop dangereux, les sauveteurs en mer sortent sans se poser de questions. Nous l’avons tous constaté, dans des circonstances variées, et nous savons l’incroyable admiration vouée à ces hommes et ces femmes « en orange », qui passe par des gestes ou des mots sympathiques, des dons et une fidélité à ce qu’ils représentent.

Comme vous, monsieur le président Retailleau, comme nous tous, la République sait reconnaître ses héros. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle saura distinguer ceux qui ont pris un risque en connaissance de cause pour servir et pour tenter de sauver un marin.

J’attire l’attention du Sénat et de la représentation parlementaire sur le fait que nous avons déjà considérablement accru l’effort budgétaire à destination de la SNSM, ce qui est juste et légitime. Toutefois, en valeur absolue, ces sommes ne sont pas très importantes. Notre modèle actuel de sauvetage en mer repose non pas sur de très fortes dotations budgétaires, mais sur le bénévolat complet et sur les dons. À la lumière de ce drame, nous devrons nous interroger sur la permanence d’un tel modèle.

Vous le savez, monsieur le président Retailleau, j’ai personnellement présidé les comités interministériels de la mer, à Brest en 2017 puis à Dunkerque en 2018. J’ai l’intention de présider celui qui se tiendra en 2019 et je propose que nous nous interrogions à cette occasion sur le modèle du sauvetage en mer : ce qu’il faut absolument préserver – je pense notamment aux valeurs et aux compétences –, mais aussi ce qu’il faut réparer ou développer. Cette question intéresse les gens de mer comme tous ceux qui, dans notre pays, savent que rien n’est plus beau que de servir ses concitoyens, comme le font les sauveteurs en mer lorsqu’ils s’engagent. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

financement de la société nationale de sauvetage en mer

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Annick Billon. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Une émotion vive et sincère s’est emparée de la ville des Sables-d’Olonne, de la Vendée et de l’ensemble de la communauté maritime. Le vendredi 7 juin, alors que la tempête Miguel fait rage, sept marins expérimentés, sauveteurs bénévoles de la station SNSM des Sables-d’Olonne, ont fait naufrage à bord du canot tout temps Jack Morisseau. Animés par la solidarité des gens de mer, ils allaient porter assistance à un bateau de pêche. Des murs d’eau ont eu raison du canot qui s’est retourné, une première fois, une deuxième et une troisième, fatale.

Trois hommes sont morts. Quatre hommes parviendront à rejoindre la côte dans des conditions invraisemblables. Hier, 15 000 personnes leur ont rendu un hommage poignant à travers une marche silencieuse.

Ces hommes et ces femmes s’engagent bénévolement pour sauver des vies. Ils méritent notre respect. Ils sont sauveteurs en mer, pompiers, membres de la protection civile et remplissent des missions de service public.

Le canot Jack Morisseau était le bateau de réserve de la station. Cette embarcation de 1986 est sortie dans des conditions de mer dantesques. Le canot n° 1, pour sa part, est en réparation depuis de nombreux mois, parce que l’association SNSM, composée de 8 000 bénévoles, subventionnée à 80 % par des dons, n’a pas les moyens de renouveler tout son matériel navigant.

Monsieur le ministre, j’en appelle à une nécessaire et urgente prise de conscience collective afin de doter ces hommes et ces femmes qui s’engagent pour les autres de moyens financiers et matériels suffisants, pour que soit préservé et consolidé le statut de bénévole et qu’un accompagnement des familles des victimes soit assuré. (La voix de loratrice se noue.) Je vous prie de bien vouloir excuser mon émotion. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Billon, nous partageons toutes et tous votre émotion. Elle était très forte lorsque nous nous sommes retrouvés aux Sables-d’Olonne vendredi après-midi, après ce drame, à la station de sauvetage, où je me suis rendu et où étaient présents de nombreux élus, vous-même, madame la sénatrice, M. Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, le député Stéphane Buchou, le président du conseil départemental et, bien sûr, le maire des Sables-d’Olonne.

Bien entendu, j’ai présenté nos condoléances aux familles des victimes et à leurs proches. Il y avait des enfants qui ont perdu leur père, mais aussi les trois sauveteurs qui ont survécu, le quatrième étant toujours hospitalisé.

Ils n’ont écouté que leur courage quand ils sont partis en mer vendredi matin, mais aussi – je tiens à le souligner – leur sens du devoir. Il me semble important, à notre époque, de le souligner, de surcroît lorsqu’il s’agit de bénévoles.

Ensemble, nous les avons écoutés longuement, car ils avaient envie de parler des circonstances de ce drame. Ils ont tenu à nous dire qu’ils n’avaient pas hésité un seul instant. Il n’y a pas eu de débat entre eux, pas plus qu’avec les autorités du centre régional opérationnel de secours et de sauvetage, le Cross.

Bien sûr, ils nous ont dit qu’on devrait ensuite se demander si l’on peut prendre la mer dans toutes les conditions. Aujourd’hui, il n’y a pas la moindre interdiction, même lorsqu’une alerte météo sévère est émise, comme c’était le cas vendredi dernier.

Ils nous ont demandé aussi qu’une table ronde soit organisée pour tirer tous les enseignements de ce drame. Nous nous engageons bien évidemment à le faire. Comme vient de le dire M. le Premier ministre, leur rendre hommage, c’est être à leurs côtés dans la durée, y compris au regard des moyens alloués à la Société nationale de sauvetage en mer, aux Sables-d’Olonne ou ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

situation des urgentistes (i)

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche.

M. Michel Amiel. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé et porte sur une question brûlante d’actualité : la situation aux urgences.

Madame la ministre, cette situation ne surprend personne. Si les moyens alloués depuis quelques années ont augmenté sensiblement, le recours des patients aux services d’urgences a augmenté davantage encore. Bien souvent, il s’agit plus de consultations non programmées que de véritables urgences, notamment en périodes d’épidémie de grippe. Mais il est vrai aussi que, pour bon nombre de Français, le service des urgences est parfois le seul recours possible.

La suppression de la permanence des soins en ambulatoire en 2003 n’a sans doute rien arrangé, mais l’on sait qu’il est toujours difficile de revenir en arrière. Et si le personnel des urgences est au bord du burn-out, les médecins de ville ne sont pas mieux lotis, avec 50 à 60 heures de travail hebdomadaires, hors permanence des soins.

De grâce, arrêtons de monter les soignants contre les soignants ! Nous sommes arrivés à une telle situation que la ville comme l’hôpital rame sur la même galère – vous me pardonnerez la trivialité de l’expression, mes chers collègues. Hélas, vous avez hérité d’une situation catastrophique, madame la ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Personnellement, je ne crois pas à l’efficacité de la mesure d’un forfait de réorientation, car il faudrait déjà une préconsultation pour affirmer le caractère non urgent de l’acte à effectuer. De surcroît, cela constituerait un manque à gagner pour les urgences. Je rappelle que le coût moyen de l’acte d’admission pour l’assurance maladie est de 150 euros, quelle que soit la gravité. Le Sénat n’a d’ailleurs pas voté cette mesure.

Ayons l’humilité d’admettre que nul ne possède la solution miracle, surtout – disons-le clairement – à moyens constants.

Certes, les mesures que vous proposez – maisons médicales de soins non programmées et hôpitaux de proximité – apporteront des solutions à moyen et long terme, madame la ministre. Mais, à court terme, que pouvez-vous proposer ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Sophie Joissains et M. Franck Menonville applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Michel Amiel, la souffrance des personnels dans les urgences est une réalité. Les difficultés de travail sont anciennes, mais elles se sont aggravées.

Le constat est clair : les passages aux urgences sont passés de 10 millions par an à la fin des années quatre-vingt-dix à 20 millions aujourd’hui. Les services n’ont pas été dimensionnés pour cela.

Les conditions de travail se sont aggravées et c’est pourquoi j’ai souhaité, dès cette année, encourager les professionnels et leur adresser un signal en redonnant du souffle à l’hôpital. J’ai notamment débloqué en une fois les 415 millions d’euros de crédits gelés fin décembre 2018. J’ai ajouté 300 millions d’euros non utilisés en 2018, que j’ai réalloués aux hôpitaux en mars 2019. J’ai également augmenté pour la première fois depuis dix ans les tarifs hospitaliers, non pas ce que les gens payent, mais ce que la sécurité sociale rembourse aux hôpitaux pour leur activité.

Je montre ainsi aux personnels que je suis à leurs côtés, en attendant la réorganisation du système de santé, objet de la loi qui va être soumise à votre vote tout à l’heure, mesdames, messieurs les sénateurs.

Un certain nombre de mesures ont aussi été annoncées lors du Congrès national des urgences, jeudi dernier. D’abord, une mission doit m’aider à repenser les urgences pour répondre aux enjeux du XXIe siècle. Je souhaite harmoniser la prime de risque pour tous les professionnels des urgences, qui sont soumis à beaucoup d’incivilités et à une très grosse fatigue. Je souhaite instaurer également une prime de coopération pour favoriser les délégations de tâches entre les professionnels de santé. Cela devrait aboutir à fluidifier les parcours et à éviter de trop longues attentes aux urgences, en permettant à des professionnels paramédicaux de prescrire, par exemple, des actes de radiologie ou de biologie. Enfin, j’ai demandé aux agences régionales de santé d’allouer des moyens supplémentaires dès qu’un service d’urgence est en tension, pour lui permettre de recruter du personnel.

J’aurai l’occasion de préciser d’ici à la fin de la semaine la façon dont ces mesures d’urgence à court terme s’appliqueront. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

taxation du kérosène

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Josiane Costes. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Les lignes d’aménagement du territoire ne représentent que 0,3 % du trafic des aéroports de Paris, mais elles sont vitales pour certains départements enclavés, difficilement accessibles par le rail ou la route.

Afin de compenser le déficit de ces lignes aériennes, à côté de la puissance publique, les collectivités les financent de façon très importante, au maximum de leurs possibilités. Il va sans dire que la hausse des taxes sur le kérosène, tout à fait légitime en raison du réchauffement climatique qui nous touche de plein fouet, accroîtrait encore le déficit de ces lignes et risquerait de les mettre en danger.

On parle beaucoup de différenciation dans les politiques publiques territoriales. C’est d’ailleurs l’une des dispositions prévues par le projet de loi de réforme constitutionnelle. Dans cette logique, le kérosène utilisé pour le fonctionnement de ces lignes ne pourrait-il pas être détaxé, afin de permettre à nos territoires isolés de maintenir leur activité économique et de se développer ?

À défaut, l’État ne pourrait-il pas prendre à sa charge le surcoût financier d’une mesure extrêmement préjudiciable pour nos territoires déjà fragilisés ?

Le rôle de l’État est de protéger les plus faibles afin de ne pas aggraver une fracture territoriale que ne supportent plus nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Daniel Chasseing et Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Costes, le Gouvernement est bien entendu favorable à ce que le transport aérien contribue à la baisse des émissions de gaz à effet de serre, ce qui peut aussi passer par une forme de taxation environnementale.

Comme je l’ai dit la semaine dernière en réponse à une question du sénateur Genest, le combat doit se mener à l’échelle européenne et internationale. La taxation du kérosène au niveau franco-français n’aurait aucun sens puisqu’elle conduirait les compagnies aériennes à faire le plein dans les pays voisins à l’occasion de leurs rotations européennes.

Nous devons donc avoir une approche équilibrée. Même si ce n’est pas très populaire actuellement, je tiens à souligner également que les vols intérieurs en France sont mis à contribution par d’autres moyens que la taxation du kérosène, notamment les taxes d’aéroport. Certaines associations et responsables politiques, non sans un brin de démagogie, comparent des choses qui ne sont pas comparables. En Suède, par exemple, les taxes d’aéroport représentent à peine 30 % du prix du billet d’un vol intérieur, contre 50 % en France.

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Le Gouvernement porte l’ambition que la nouvelle Commission européenne inscrive à son programme le sujet de la taxation du kérosène. Nous avons une coalition de pays ambitieux à l’échelle européenne, et nous pourrons ensuite essayer de nous battre au niveau mondial.

Enfin, nous réaffirmons notre soutien aux lignes d’aménagement du territoire. Nous examinons toujours quelles sont les meilleures possibilités de transport, et certaines liaisons comme Paris-Aurillac ou Paris-Castres ne sont pas compétitives en train. Le Gouvernement est donc au rendez-vous, y compris parfois pour subventionner ces lignes aériennes d’aménagement du territoire. (MM. François Patriat et Jean-Claude Requier applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.

Mme Josiane Costes. Sans soutien, ces lignes seraient mises en danger et l’avenir de nos territoires s’assombrirait considérablement. Les engagements du Gouvernement sont donc importants. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

situation des services d’urgences

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Depuis trois mois, les services d’urgence sont engagés dans un mouvement de grève pour alerter la population et le Gouvernement sur les conditions intolérables d’accueil et de prises en charge des patients.

Selon le collectif Inter-Urgences, 95 services d’urgences sont actuellement en grève pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail, un manque de moyens, mais surtout la dégradation des soins offerts aux patients.

Ce mouvement de grève est une mobilisation d’intérêt général au service de la dignité humaine.

Madame la ministre, vous avez annoncé la création d’un soutien financier aux établissements confrontés à un surcroît d’activité et à des afflux exceptionnels, mais les services d’urgences sont confrontés à cette situation toute l’année.

Qu’allez-vous faire si le service d’urgences du centre hospitalier de Lens ferme ses portes cet été, comme le craignent les personnels ? Allez-vous faire appel au service de santé des armées, comme l’a évoqué le président de la Fédération hospitalière de France ?

Qu’allez-vous faire, madame la ministre, face à l’urgence sociale et sanitaire de nos hôpitaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Cathy Apourceau-Poly, vous m’interpellez tout d’abord au sujet des urgences de Lens. Vous le savez, avant chaque période estivale – c’est le cas également tous les hivers avant l’épidémie de grippe –, je réunis l’ensemble des professions de santé qui vont être impactées par ces difficultés particulières pour préparer la permanence des soins.

Cette réunion aura lieu autour du 15 juin avec l’ensemble des parties prenantes. Jamais aucun hôpital n’a vu son service d’urgences fermé en raison des congés d’été. Vous n’avez donc pas à vous inquiéter pour le service des urgences de Lens.

Vous m’interpellez par ailleurs plus généralement sur les difficultés des urgences. Je l’ai dit, ces services sont aujourd’hui le symptôme d’un système de santé qui dysfonctionne à la fois en amont, par une difficulté d’accès de nos concitoyens aux soins non programmés, et en aval, en raison d’une difficulté d’organisation interne dans les hôpitaux qui nécessite parfois d’opérer des transferts de patients.

Au-delà des mesures d’urgence que je viens d’annoncer en réponse à la question de M. Amiel, je souhaite régler le problème au fond.

Le projet de loi sur lequel vous vous prononcerez tout à l’heure vise à restructurer notre système de santé de façon à faciliter l’accès à des soins de ville non programmés. C’est l’engagement que prendront notamment les professionnels de santé qui intégreront une communauté professionnelle territoriale de santé. Tous les citoyens qui seront couverts par une CPTS pourront accéder à des soins non programmés et les professionnels de ville bénéficieront de financements pour effectuer ces soins, ce qui devrait permettre de dégager du temps dans les services d’urgences.

Sur les problèmes qui se posent en aval, le professeur Pierre Carli et le député Thomas Mesnier ont pour mission de me remettre un rapport sur la refondation de notre organisation des urgences, dans le but de dégager des lits d’aval et de faciliter à l’avenir le travail des professionnels de santé engagés auprès des patients. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.

Mme Cathy Apourceau-Poly. En effet, madame la ministre, je suis inquiète, tout comme le sont les personnels et les patients du bassin d’emploi du Lensois où j’habite.

Comme vous le savez, 7 médecins sur 15 ont démissionné. Avec seulement 8 médecins, on se demande comment les urgences de Lens vont pouvoir fonctionner cet été. Déjà, l’an passé, avec 15 médecins, ils étaient complètement débordés. Il faudrait nous expliquer comment on va pouvoir faire mieux avec beaucoup moins !

Je vous interroge justement maintenant pour que vous ayez le temps de prendre les mesures nécessaires pour maintenir les urgences de Lens ouvertes cet été.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Au-delà, il me semble que, comme vos prédécesseurs, vous refusez de sortir de la logique de réduction des dépenses, alors que la poursuite des politiques d’austérité s’apparente à une non-assistance aux personnels en danger ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

situation des urgentistes (ii)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Louis Tourenne. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Lors des débats sur le projet de loi Santé, Bernard Jomier et Laurence Rossignol vous indiquaient, madame la ministre, à quel point la situation dans les services d’urgences était désastreuse et combien les solutions proposées seraient de faible effet.

Aujourd’hui, 90 services d’urgence sont en grève. Les personnels sont dévoués, compétents, mais fatigués, usés et souvent au bord des larmes quand les admissions croissent chaque année, jusqu’à atteindre 21 millions selon les derniers chiffres. Et tout cela sans augmentation de moyens, au contraire. Près de 50 % des médecins exerçant aux urgences sont contractuels, donc précaires.

Pourtant, les signaux d’alarme n’ont pas manqué. Le décès de Micheline à Lariboisière après 14 heures sur un brancard n’était pas le moindre…

Face à cela, vous n’êtes avare ni de culpabilisation des grévistes ni d’affirmations sur votre maîtrise de la situation. Les grévistes surchargeraient leurs collègues, selon vous. Mais s’ils sont en grève, c’est parce qu’eux-mêmes sont surchargés toute l’année. Et qui en est coupable ?

À vous entendre, la réformette de l’accès aux soins révolutionnerait notre système de santé. La désertification médicale appartiendrait quasiment au passé, la suppression du numerus clausus serait la panacée miraculeuse… Et j’en passe !

Derrière les incantations, la réalité, c’est plutôt la désespérance exprimée dans la rue par les personnels hospitaliers face à l’obsession aveugle de supprimer partout des postes.

Vous leur opposerez sans doute que la sécurité sociale, annoncée en excédent, s’enfonce finalement dans un déficit qui pourrait atteindre les 4,4 milliards d’euros. À qui la faute ?

Madame la ministre, en dehors des 700 millions d’euros que vous leur attribuez, pris sur les gels de l’an passé, quels moyens efficaces entendez-vous mettre en œuvre pour ouvrir un horizon plus souriant aux personnels hospitaliers et aux Français qui, majoritairement, soutiennent leur mouvement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Tourenne, qualifier le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé de « réformette » n’est pas digne.

En 2016, une loi de modernisation de notre système de santé a été votée et, à ma connaissance, elle n’a pas laissé les hôpitaux en meilleur état qu’ils ne l’étaient cinq ans auparavant. Tout le monde doit être humble aujourd’hui face aux difficultés à trouver des médecins, dans le contexte d’une démographie médicale catastrophique. Nous payons aujourd’hui les décisions prises voilà trente ans.

Avec humilité, j’essaye de trouver des solutions. J’ai proposé une réforme ambitieuse, dans laquelle je vais demander aux professionnels de ville de mieux s’organiser pour pouvoir partager les tâches et de mieux coopérer autour des patients chroniques, pour libérer du temps médical, pour que les médecins urgentistes puissent se focaliser sur les vraies urgences, et pas forcément les besoins de soins non programmés de nos concitoyens.

La réforme que je propose est financée. Je viens de dégager plus de 700 millions d’euros pour l’hôpital, avec une augmentation des tarifs pour 2019. J’ai demandé en outre qu’une partie de ce budget soit fléchée pour améliorer les conditions de travail dans les services d’urgences, notamment pour rénover les locaux. Beaucoup sont trop petits pour accueillir le nombre de passages, d’autres sont vétustes, ce qui accroît les difficultés des soignants. Certains me diront qu’il ne suffit pas de repeindre. Ils ont raison, mais je veillerai à ce que nos concitoyens bénéficient de conditions d’accueil plus dignes.

Par ailleurs, des mesures ont été proposées la semaine dernière devant le Congrès national des urgences. Elles visent à attribuer des rémunérations individuelles aux soignants qui sont soumis à des rythmes et des conditions de travail difficiles. La prime de risque sera harmonisée sur l’ensemble du territoire pour que tous les soignants des urgences puissent en bénéficier. D’autres mesures sont proposées, mais je reviendrai dans le détail sur leur mise en œuvre d’ici à la fin de la semaine. (Mme Françoise Gatel, MM. François Patriat, Jean-Claude Requier et Jean-Marie Janssens applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour la réplique.

M. Jean-Louis Tourenne. Madame la ministre, vous plastronniez lorsque le budget était en équilibre grâce aux efforts de la gauche pendant des années. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Maintenant qu’il est en équilibre, vous puisez à pleines mains dans les caisses de la sécurité sociale et vous n’avez plus de moyens pour satisfaire les besoins de l’hôpital ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

simplification des procédures sur les embargos et extraterritorialité du droit américain

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Joël Guerriau. Le commerce mondial est bridé par des embargos et des sanctions commerciales qui s’appliquent à plus d’une trentaine de pays, à des personnes morales et physiques, à des marchandises ou à des moyens de transport.

Les pays concernés voient leur économie affectée par ces mesures. Mais ces sanctions pèsent lourdement sur les entreprises françaises travaillant à l’international. Le transport maritime, en particulier, est lourdement touché.

L’environnement commercial devient de plus en plus instable et complexe pour les opérateurs économiques, en raison de la multiplication des cibles.

Les sanctions évoluent très vite, si vite même qu’un bateau en pleine mer peut se trouver immobilisé du jour au lendemain, avec des conséquences financières considérables. L’armateur doit alors se séparer de la cargaison, mais aussi du navire, pour éviter des sanctions à son encontre et à l’encontre de ses partenaires, banquiers ou assureurs.

Au quotidien, nos entreprises doivent s’assurer que leurs opérations ne sont pas visées par de nouvelles sanctions sans préavis. Elles s’imposent des règles et des procédures strictes et extrêmement lourdes. Elles consacrent des heures à remplir des questionnaires, notamment sur l’historique des navires. Ces conditions les amènent trop souvent à ne pas pouvoir honorer leurs contrats.

Du fait de l’évolution rapide des régimes d’embargo et de sanction sans préavis, nos entreprises sont exposées à un risque permanent. Comment peut-on simplifier et stabiliser leur environnement ?

Nos entrepreneurs se sentent pris en otage par les décisions du Trésor américain, qui se livre à une guerre commerciale qui ne dit pas son nom.

Le renforcement du pouvoir des autorités de contrôle est considérable. Le cas le plus emblématique en la matière est celui des décisions de l’OFAC.

Monsieur le secrétaire d’État, dans un contexte commercial instable, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de mieux protéger les activités et les intérêts des armateurs et des groupes multinationaux français dont l’activité est menacée par des sanctions imprévisibles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Guerriau, vous parlez d’or et, mot pour mot, je n’ai rien à retirer de votre question. Nous nous battons avec la même philosophie que la vôtre avec nos collègues européens. Très clairement, les États membres de l’Union européenne ont un rendez-vous majeur avec l’exercice de leur souveraineté économique. Il n’est pas acceptable que nos alliés nous dictent là où il est bon ou pas de commercer pour les entrepreneurs européens. De ce point de vue, un certain nombre de mesures ont été prises il y a déjà une vingtaine d’années – je pense au règlement de 1996 – pour faire en sorte que les mesures prises en application de la loi Helms-Burton par les États-Unis ne puissent pas trouver à s’appliquer.

Nous devons aller plus loin encore aujourd’hui. D’ailleurs, c’est ce que nous avons fait en mettant en place par exemple un outil, l’outil Instex, pour permettre aux entreprises qui le souhaitent de poursuivre leur commerce, notamment avec les acteurs iraniens.

Naturellement, un certain nombre de questions peuvent se poser s’agissant de l’influence de ce pays, l’Iran, mais la réponse n’est pas dans l’unilatéralisme, la réponse n’est pas dans le retrait unilatéral du JCPoA.

De la même façon, avec la nouvelle Commission européenne et le nouveau Parlement européen, nous allons travailler au renforcement de nos outils, notamment le règlement de 1996. Également, nous allons faire en sorte d’affirmer tout simplement cette puissance européenne. Nous n’avons pas peur de revendiquer que cet espace de 500 millions d’habitants et de consommateurs doit peser encore et toujours plus.

Bastiat disait il y a un peu plus d’un siècle que, là où le commerce passe les frontières, les soldats ne la passent pas.

Quelques jours après avoir commémoré dans l’unité cette belle leçon des Alliés à l’été 44, souvenons-nous que nous devons faire en sorte que le commerce international connaisse une désescalade des tensions pour ne pas menacer la stabilité tout simplement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

renault-nissan-fiat

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme Sophie Primas. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie et des finances ; elle s’adresse donc à Mme la secrétaire d’État. Elle porte sur les turbulences récentes, mais fortes, que traverse le groupe Renault.

Déjà ébranlée par plusieurs mois de tensions, à la suite du départ rocambolesque de Carlos Ghosn, l’alliance est de nouveau éprouvée par la discussion, puis le retrait apparent ou réel – vous nous le direz – d’une offre de fusion faite par le groupe Fiat.

La compétitivité et la conquête d’opportunités par Renault ont toujours été, au fil des différents gouvernements, une priorité industrielle et stratégique pour notre pays. Or un potentiel rapprochement pour le moins précipité avec Fiat n’aurait probablement pas atteint ces objectifs : la proposition de Fiat s’appuyait sur une valorisation au rabais de Renault, donnait les coudées franches à la famille Agnelli dans la gouvernance de la nouvelle entité fusionnée et divisait par deux la part de l’État dans l’actionnariat.

Au-delà de ce « deal » enterré peut-être aussi soudainement qu’il a été envisagé, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur les opportunités que vous pourriez encore voir à cette éventuelle alliance entre ces constructeurs assez similaires, deux constructeurs qui chassent souvent dans les mêmes zones géographiques et sur les mêmes gammes de voiture. Quels sont les risques également en matière d’emploi, de gouvernance et d’alliance ?

Pouvez-vous nous indiquer si vous poursuivez, officiellement ou pas, avec le groupe Renault la discussion ? Quelles seraient vos conditions pour un accord ? Quelles garanties pourriez-vous demander ?

Enfin, il n’est pas impossible que ces allers et retours avec Fiat mettent en péril l’alliance entre Renault et Nissan. La tiédeur de Nissan devrait d’ailleurs nous inviter à la prudence : le groupe japonais s’est abstenu lors du vote au sujet de la fusion. Le ministre Bruno Le Maire s’est rendu au Japon la semaine dernière à l’occasion du G20 Finances pour tenter d’apaiser les relations entre les deux groupes, et Nissan, qui tiendra le 25 juin prochain son assemblée générale, vient d’apprendre par courrier que Renault s’opposait à la nouvelle gouvernance du groupe japonais.

Comment entendons-nous, nous État actionnaire, soutenir le groupe Renault pour sortir du blocage actuel et rétablir un dialogue de qualité constructif au sein de l’alliance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice Primas, comme vous le savez, lorsque le groupe FCA – Fiat Chrysler Automobiles – s’est présenté à Renault pour cette proposition d’alliance, l’État, actionnaire de Renault à hauteur de 15 %, l’a accueillie avec ouverture et a travaillé de manière constructive et professionnelle avec l’ensemble des parties prenantes.

Je crois que c’est ce qu’on est en droit d’attendre de tout actionnaire au conseil d’administration de Renault. Nous avons été évidemment soucieux des intérêts stratégiques de l’industrie automobile française.

Bruno Le Maire avait immédiatement fixé quatre conditions préalables – qui devraient de toute éternité nécessairement être réunies si d’autres dossiers de cette nature, ou différents, devaient se présenter – à l’approbation de l’opération par l’État.

La première condition, c’est la réalisation de cette opération dans le cadre de l’alliance entre Renault et Nissan. Il n’y a pas d’ambiguïté : si Renault a un partenaire stratégique qui est Nissan, il convient que cette alliance soit respectée et que chacun soit à l’aise autour de la table du conseil d’administration. C’est aussi la clé de la réussite des vrais projets industriels.

La préservation des emplois industriels et des sites industriels en France est la deuxième condition, les autres conditions étant une gouvernance respectueuse des équilibres de Renault et de FCA et la participation de ce futur ensemble industriel à l’initiative des batteries électriques engagée avec l’Allemagne, tant cette initiative est également primordiale pour l’avenir de l’industrie automobile européenne.

Je veux dire ici que des progrès significatifs ont été faits sur les trois derniers éléments. C’est la question d’un délai additionnel pour s’assurer du soutien de l’ensemble des parties prenantes, notamment du soutien explicite de Nissan, qui a amené FCA à retirer son offre.

L’État prend acte de cette décision. Je crois que nous n’avons pas à rougir d’avoir posé ces conditions, qui étaient de bon sens, de bon aloi et, je le redis, professionnelles.

Pour la suite, Bruno Le Maire était effectivement au Japon ces derniers jours.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Il a vu son homologue japonais, M. Seko. Il peut vous garantir l’attachement de la France et du Japon à l’alliance. Ce sujet était bien à l’agenda et nous allons progresser. (MM. Frédéric Marchand et François Patriat applaudissent.)

décentralisation et évolution de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la république

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Marc Gabouty. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, depuis plus de six mois, notre pays est confronté à une crise sociale, mais aussi à une crise territoriale. Les deux ont des racines profondes et des origines parfois anciennes.

La sociologie des « gilets jaunes » et les résultats des dernières élections européennes témoignent de cette double fracture sociale et territoriale.

Le grand débat a été l’occasion pour le Président de la République et pour le Gouvernement d’avoir une écoute bienveillante et de renouer un dialogue plus direct et plus approfondi avec les élus locaux. Il a suscité chez beaucoup d’entre eux l’espoir d’être enfin compris.

Le Président de la République a annoncé dès janvier et confirmé en avril un nouvel acte de décentralisation accompagné d’une révision ou d’une adaptation de la loi NOTRe et d’une déconcentration des services de l’État, et ce dans un souci de proximité, d’efficacité et, même, d’économies.

À la fin d’avril, monsieur le Premier ministre, vous annonciez pour le mois de juin une étape de concertation sur la déconcentration des décisions prises par l’État et sur une nouvelle organisation territoriale de l’État. Mais jusqu’à présent, rien de très concret sur la décentralisation et la révision de la loi NOTRe.

Pourtant, le transfert de nouveaux blocs de compétences, des assouplissements dans l’organisation des compétences entre collectivités, le rétablissement de l’intérêt communautaire ou encore la différenciation territoriale sont des sujets sur lesquels les élus locaux ont de fortes attentes de mesures concrètes.

Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous indiquer, sur ce volet décentralisation et collectivités locales, le périmètre, les grandes orientations, la méthode et le calendrier envisagés par le Gouvernement pour engager cette réforme essentielle pour nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Sophie Joissains, MM. Michel Laugier et Fabien Gay applaudissent également.)

M. François Grosdidier. Il répondra demain ou après-demain !

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Gabouty, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre Jacqueline Gourault, qui est retenue à l’Assemblée nationale par le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.

Vous l’avez parfaitement dit : les derniers mois que nous avons vécus ont mis en avant à la fois les inquiétudes sociales, mais également les inquiétudes territoriales. Et à l’issue de ce grand débat national, le Président de la République s’est engagé sur deux éléments très importants : le premier, c’est consolider l’exercice des mandats locaux, en particulier le mandat de maire ; le second, c’est d’ouvrir un nouvel acte de décentralisation.

Pour répondre concrètement à votre question, deux projets de loi seront présentés.

S’agissant de l’engagement en faveur des élus locaux, ce projet de loi sera présenté dans les toutes prochaines semaines par Sébastien Lecornu. L’objectif est à la fois d’encourager l’engagement au niveau local, de faciliter le quotidien des élus locaux, de les remercier et de leur témoigner toute la considération que la République leur doit bien évidemment. Ce projet de loi sera présenté dans les prochaines semaines en conseil des ministres pour une adoption avant les élections municipales de 2020.

Le Premier ministre aura l’occasion de détailler le contenu de ce projet de loi très prochainement, lequel inclura bien les irritants – comme il est convenu de les dénommer – liés à la loi NOTRe, irritants que vous connaissez très bien.

Le second projet de loi, présenté par Mme la ministre Jacqueline Gourault, sera consacré à la décentralisation. Il ciblera les politiques du quotidien. L’objectif de cette décentralisation est de rapprocher la décision publique de nos concitoyens.

Pour ne prendre que cet exemple, évidemment qu’il faut plus décentraliser la politique du logement, parce que c’est lorsque vous élisez votre maire que vous vous demandez si ce dernier peut impacter celle-ci. Et lorsque vous voyez que cette politique est encore trop conduite par zonage, vous vous dites que cette décentralisation est importante. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour la réplique.

M. Jean-Marc Gabouty. Merci, monsieur le ministre.

Il y a quelques mois seulement, nous avons été un peu échaudés par une loi sur l’eau et l’assainissement, avec un assouplissement a minima en forme de report d’échéances, ce qui a laissé un goût amer au Sénat.

M. Jean-Marc Gabouty. J’espère qu’à l’avenir les positions du Gouvernement prendront mieux en compte le principe de subsidiarité tel qu’il a été défini par le Président de la République lorsqu’il déclarait en début d’année : « Je crois que l’on a besoin de remettre de la responsabilité au plus près du terrain. » (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

grève dans les urgences

M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Sol. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, vous n’êtes pas sans savoir que les services d’urgence des hôpitaux français, en proie à une crise profonde depuis de nombreuses années, sont aujourd’hui à bout de souffle. Il y a douze ans déjà, un rapport de notre Haute Assemblée les décrivait comme le « miroir grossissant des dysfonctionnements de l’ensemble de notre système de santé ».

Vous aviez annoncé dès votre prise de fonction prendre ce problème à bras-le-corps. Mais qu’en est-il réellement ? Force est de constater que la situation s’aggrave et s’amplifie de jour en jour face à l’inadéquation entre le nombre de passages, les moyens alloués et la disponibilité des lits d’aval.

Malgré les nombreux plans déjà mis en place ou annoncés, on ne peut que constater leur inefficacité chronique. Résultat : les personnels de santé des urgences multiplient les mouvements de grève sur tout notre territoire.

Peut-on les blâmer au vu des chiffres et de la dégradation de leurs conditions de travail ? Certainement pas. En vingt ans, les urgences ont vu leur fréquentation doubler. Nos personnels sont confrontés, chaque jour, à la multiplication des agressions tant verbales que physiques.

Car qui dit saturation des services, dit exaspération des patients et épuisement des personnels soignants, qui se sentent délaissés. Nos professionnels de santé réclament à juste titre davantage de moyens humains et financiers.

Alors, vous me répondrez certainement que la loi Santé, votée à l’Assemblée nationale et en cours de délibération au Sénat, porte la double ambition de mieux répartir l’accès aux soins et de libérer les établissements hospitaliers sous tension. Mais les mesures annoncées ne devraient voir le jour qu’en 2022 : ce sera déjà trop tard !

Il y a urgence, madame la ministre, pour nos urgences ! Nous ne pouvons plus attendre, car nous parlons ici de notre bien le plus précieux, la santé des Français, mais aussi celle de nos personnels de santé, qui n’en peuvent plus, tant physiquement que psychologiquement.

Alors, ma question est simple : quelles mesures d’urgence allez-vous initier pour éviter que d’autres drames ne surviennent, pour agir enfin et pour faire face à cet enjeu majeur de santé publique qui est sous votre responsabilité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Sol, évidemment, vous avez raison : le système est en tension depuis de nombreuses années et l’augmentation du nombre des passages aux urgences n’a fait qu’aggraver les choses.

J’ai souhaité accompagner les hôpitaux cette année avec, en particulier, un dégel de crédits, avec un refinancement de 300 millions d’euros dès le mois de mars et 700 millions d’euros supplémentaires en faveur des hôpitaux, qui, d’ailleurs, ont réduit leur déficit cette année, ainsi que leur dette toxique.

J’essaie donc d’accompagner au mieux les hôpitaux le plus en difficulté.

J’ai souhaité, au travers des mesures d’urgence que j’ai annoncées au Congrès annuel des urgentistes, que ces crédits nouveaux soient fléchés particulièrement vers des services d’urgences.

En réalité, la situation est très variable d’un service à l’autre, tout comme le sont les besoins. Dans certains cas, il manque des médecins ; dans d’autres, plutôt des professionnels paramédicaux ; dans d’autres cas encore, les locaux sont extrêmement vétustes et trop petits pour accueillir le flux de malades. Il faut donc pouvoir donner à chaque hôpital, à chaque site, la réponse appropriée.

J’ai donc demandé aux agences régionales de santé d’accompagner les hôpitaux en tension. Certains ne le sont pas : il y a beaucoup de services d’urgences en France qui fonctionnent avec moins de 15 000 passages par an, c’est-à-dire moins de deux passages par heure. Il faut aussi être attentif à ce que les budgets accompagnent les sites les plus en difficulté.

C’est ce que nous allons faire dans les semaines qui viennent.

Au-delà de la mission nationale confiée au président du Conseil national de l’urgence hospitalière, le professeur Pierre Carli, et au député Thomas Mesnier afin de repenser notre système d’urgences pour le refonder, j’annoncerai très concrètement comment cette offre d’accompagnement va aller vers les établissements et vers les professionnels, dont je ne néglige pas la charge de travail, à la fois physique – nous le savons, vous comme moi, parce que vous êtes un professionnel de santé aussi – et émotionnelle : aux urgences, il est extrêmement difficile, en effet, de soutenir toutes les personnes en très grande difficulté émotionnelle ; cela ajoute de la surcharge et je ne néglige pas ce point dans l’accompagnement qui leur sera apporté. (M. François Patriat applaudit.)

emploi des jeunes en outre-mer

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Maurice Antiste. Ma question s’adresse à l’ensemble du Gouvernement.

La France compte plus de 1,3 million de jeunes qui ne sont ni à l’école, ni à l’université, ni en apprentissage et ni en emploi.

Concernant l’outre-mer, et particulièrement la Martinique, l’apprentissage est rendu encore plus difficile en raison du tissu économique principalement constitué de microentreprises, ce qui rend l’accueil d’apprentis très difficile et maintient les jeunes et leurs familles dans l’angoisse et le doute permanent.

Pour être totalement transparent, mesdames, messieurs les ministres, je suis sollicité toutes les semaines par de jeunes Martiniquais – et leurs familles –, qui, face à l’indispensable nécessité d’une alternance, ne trouvent pas d’entreprise et sont contraints d’abandonner leurs études.

D’ailleurs, si l’on prend en compte l’ensemble de l’alternance, apprentissage et professionnalisation, on observe une baisse des effectifs de 4,1 % par rapport à février 2018.

La réforme de l’apprentissage voulue par le Gouvernement, qui s’accompagne de la mise en place d’un nouveau statut de l’apprenti, théoriquement plus attractif pour les jeunes, ne semble pas faire consensus localement, principalement parce que les conditions requises pour obtenir la « prépa apprentissage » sont identiques à celles de l’apprentissage lui-même – nécessité d’obtenir un contrat d’apprentissage.

Quid donc des jeunes qui n’arriveront pas à trouver de contrat de travail dans le cadre de ce nouveau dispositif ? Une enquête de Studyrama révèle ainsi que 84 % des sondés, entre le bac et bac+5, ont trouvé la recherche d’une entreprise très difficile.

Je souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement en la matière pour nos jeunes ultramarins, qui se sentent totalement abandonnés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Christine Prunaud et Nassimah Dindar ainsi que M. Guillaume Arnell applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Antiste, je souhaite excuser l’absence de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, actuellement à Genève aux côtés du Président de la République, où ils participent au centenaire de l’Organisation internationale du travail.

Je vous remercie de votre question, qui met en lumière les difficultés relatives à l’emploi, à l’insertion professionnelle et, plus largement, à la formation des jeunes, en particulier dans les outre-mer, notamment en Martinique.

Je partage avec vous le constat d’un chômage qui frappe plus durement non seulement les jeunes, mais également les territoires d’outre-mer par rapport au reste du pays.

Cette difficulté, nous la connaissons évidemment et nous avons souhaité agir depuis le début du quinquennat pour y apporter des réponses. Vous vous en souvenez sans doute, le Livre bleu des outre-mer, en 2018, avait fléché 700 millions d’euros du programme d’investissement dans les compétences spécifiquement pour les outre-mer, apportant ainsi un soutien fort à la formation professionnelle, qui est un vecteur de reprise d’emploi.

Nous avons également, en avril 2019, étendu le dispositif des emplois francs sous l’autorité de Muriel Pénicaud, d’Annick Girardin et de Julien Denormandie.

S’agissant plus spécifiquement de l’apprentissage, partout sur le territoire, le nombre des jeunes en apprentissage augmente, mais les chiffres en outre-mer, et en Martinique en particulier, ne sont pas satisfaisants. C’est la raison pour laquelle une ordonnance spécifique découlant de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel sera dédiée aux outre-mer. Cette ordonnance a fait l’objet d’une large concertation, laquelle continue aujourd’hui avec les élus locaux à la fois pour dresser un diagnostic et proposer des solutions. Elle précisera les règles de gouvernance et de déploiement dans les outre-mer des dispositifs relatifs à l’apprentissage.

Je veux vous assurer, monsieur le sénateur, de notre préoccupation constante sur ce sujet et de notre volonté de développer l’apprentissage également dans les outre-mer. (M. Jean-Marc Gabouty applaudit.)

scandale des faux steaks hachés

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Jocelyne Guidez. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, depuis vendredi dernier, un scandale alimentaire – un de plus – secoue notre pays : celui des steaks hachés de très mauvaise qualité distribués aux plus démunis.

Cette affaire est choquante à double titre. D’abord, car elle constitue une faute morale intolérable, en visant nos concitoyens se trouvant en situation de précarité. Ensuite, parce qu’elle constitue une fraude, une tromperie sur la qualité des produits achetés.

Les médias l’ont rappelé, plusieurs acteurs sont intervenus dans cette chaîne, que je qualifierai de particulièrement longue : le fonds européen d’aide aux plus démunis, qui soutient financièrement les États de l’Union ; l’État, qui a confié à FranceAgriMer l’organisation d’un appel d’offres ; puis, enfin, une entreprise financière retenue pour le marché, mais qui s’appuie sur une autre entreprise, polonaise cette fois-ci, pour son approvisionnement en viande.

En outre, ce qui demeure regrettable, c’est que seul le prix ait été retenu comme critère dans cet appel d’offres.

D’ailleurs, je m’interroge : comment se fait-il que le ratio entre le prix total d’achat et le poids de la viande vendue n’ait pas appelé l’attention des pouvoirs publics ?

Ainsi, madame la secrétaire d’État, l’État ne devrait-il pas mieux imposer la prise en compte du critère lié à la qualité dans l’attribution de ces marchés ?

Par ailleurs, alors que l’on parle de plus en plus de « circuits courts », ne conviendrait-il pas, là aussi, d’en faire une véritable règle européenne dans l’organisation de cette mise en concurrence, au nom du bon sens écologique, économique et solidaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Catherine Troendlé et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice Guidez, la DGCCRF a effectivement annoncé vendredi matin avoir découvert une tromperie sur la qualité des steaks hachés distribués par une entreprise française à des associations de soutien aux plus démunis.

Je veux d’abord être nette sur deux points.

C’est une affaire qui est le fait d’escrocs cyniques qui pensaient pouvoir agir en toute impunité. C’est raté, il y a eu des contrôles, et, je vous le dis très clairement, ils seront renvoyés devant le procureur. La peine encourue est de deux ans de prison et de 1,5 million d’euros d’amende.

En outre, il s’agit d’une tromperie et non pas d’un problème de santé. Il est important de le dire. C’est pour cette raison que, en toute transparence, nous avons tenu à être rassurants quant aux faits qui se sont produits. Cette transparence est une façon d’envoyer un message aux entreprises en question pour leur dire qu’elles ne continueront pas à faire leurs petites marges discrètement et qu’elles seront systématiquement sanctionnées.

Je veux également revenir sur les faits.

D’abord, ce sont les associations qui ont été extrêmement réactives, puisque, dès qu’elles ont constaté que la marchandise ne correspondait pas au cahier des charges, elles nous l’ont signalé et en ont suspendu la distribution. Ce faisant, elles nous ont permis de mener l’enquête, le tout à bas bruit puisqu’il fallait réunir un ensemble de preuves pour pouvoir faire cette transmission au procureur.

Cette marchandise doit répondre à un cahier des charges très précis. Si tel n’était pas le cas, par construction, la tromperie ne pourrait pas être retenue. Outre qu’il indique le prix de la marchandise, ce cahier des charges contient une description de celle-ci – tout comme serait décrite une veste verte de telle taille, avec telles caractéristiques, que vous voudriez acheter. Il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point.

Enfin, avec le ministère de l’agriculture et le ministère de la santé, nous marchons main dans la main pour faire en sorte que cette fraude soit traitée.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Nous allons en tirer les conséquences, y compris pour les associations, pour renouveler les stocks.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je peux vous assurer que nous agirons avec la même fermeté dans tous les autres cas qui pourraient se présenter. (Mmes Françoise Laborde et Michèle Vullien ainsi que M. Jean-Marc Gabouty applaudissent.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 20 juin 2019, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot,

M. Michel Raison,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est reprise.

6

Article 28 (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Organisation et transformation du système de santé

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Explications de vote sur l'ensemble (interruption de la discussion)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Nous en sommes parvenus aux explications de vote des groupes et au vote par scrutin public solennel.

Explications de vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

Le scrutin, qui aura lieu en salle des conférences, se déroulera parallèlement à la discussion de la proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales.

Je rappelle que chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe.

La parole à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche.

M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons examiné ce projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, le troisième en dix ans, après la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, loi Touraine, de 2016.

Comme les autres, il a, bien sûr, pour ambition de construire le système de santé de demain. Il s’inscrit dans le prolongement du plan Ma santé 2022, présenté par le président Macron, en septembre 2018, qu’il décline en texte de loi.

Il s’agit, tout d’abord, de réformer les études médicales avec une mesure phare, qui sonne tout de même comme un effet d’annonce, je veux parler de la suppression du numerus clausus. Comme le précise le président de la conférence des doyens de médecine, « cette suppression ne va pas changer massivement le nombre de médecins formés ». L’augmentation annoncée de 20 % des effectifs prendra en effet dix à quinze ans et nous ne verrons pas arriver sur nos territoires des professionnels formés avant que se soit écoulé ce laps de temps.

En revanche, d’un point de vue qualitatif, nous assistons à un véritable changement de culture, qui permettra à des étudiants non issus de la première année commune aux études de santé, la Paces, d’accéder aux études médicales. Toutefois, d’autres épreuves sélectives, à préciser par décret, remplaceront cette dernière.

Restent cependant des inconnues : d’abord, la capacité des universités et des hôpitaux d’accueillir les étudiants constitue un facteur limitant et pose aussi une question budgétaire pour l’État ; ensuite, l’orientation des étudiants via Parcoursup à la sortie du baccalauréat ; enfin, les besoins en professions médicales des territoires qui seront à l’origine de discussions entre universités et agences régionales de santé, les ARS.

À l’autre extrémité du cursus, l’examen classant national, qui sera lui aussi supprimé à la fin du deuxième cycle, est remplacé par un dispositif visant à s’assurer du niveau de connaissances des étudiants tout en prenant en compte les compétences et le parcours des candidats pour le choix de leur spécialité.

Si une réforme des études médicales a pour ambition première de mieux former les étudiants, elle tend aussi à offrir aux territoires un meilleur accès aux soins. Comme vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, cela « ne réglera pas le problème de la démographie médicale ».

J’en viens à mon deuxième point, le problème des déserts médicaux. Je n’aime pas cette expression tant elle recouvre des réalités fort différentes : les zones rurales, en effet désertifiées, pas seulement par leurs médecins, mais aussi par les services publics ; les banlieues, quant à elles surpeuplées, mais où les médecins hésitent à s’installer du fait de problèmes de sécurité ; enfin, les hôpitaux eux-mêmes où de nombreux postes ne sont pas pourvus.

En fait, ce dont nous manquons, c’est moins de médecins que de temps médical. L’exercice de la médecine a changé parce que la société a changé.

Disons-le clairement, ce point a été l’objet de vifs débats au Sénat, chambre des territoires. Deux opinions s’affrontent : les tenants de la coercition ou, du moins, d’une régulation musclée, et ceux de l’incitation, d’ailleurs déjà mise en place avec des résultats divers.

Personnellement, je suis convaincu de l’inefficacité des mesures coercitives, en particulier du conventionnement sélectif, instauré, il est vrai, pour les professions paramédicales, mais dans le cadre d’une négociation conventionnelle. Or si ces professions étaient pléthoriques, il y a bel et bien pénurie de médecins et l’adoption d’une telle mesure à l’égard de ces derniers aurait un résultat à coup sûr inverse de celui qui est escompté.

Pourtant, il faut que les médecins et les étudiants acceptent de faire des concessions. Ainsi, l’amendement adopté à une forte majorité par le Sénat – ceux qui n’ont pas voté en sa faveur estimaient qu’il n’allait pas assez loin – avait pour objet de faire de la dernière année de troisième cycle une année de professionnalisation, de pratique ambulatoire en autonomie. Il visait à permettre, en particulier, aux étudiants en troisième année de diplôme d’études spécialisées, DES, de médecine générale d’exercer en tant que médecin adjoint. On pourrait même imaginer une quatrième année à ce DES sans que cela implique d’ajouter une année supplémentaire aux DES des autres spécialités, sauf à considérer – ce n’est pas mon cas – la médecine générale comme une non-spécialité ou une sous-spécialité.

Non, par cette proposition, le Sénat ne brade pas la formation des médecins ! Il considère, au contraire, qu’une dernière année professionnalisante est une chance de consolider leur formation, tout en favorisant la construction de leur projet professionnel. Pour autant, je suis bien conscient qu’une telle mesure ne réglera pas tout, mais elle pourrait apporter une amélioration à un dispositif forcément plus global.

Le processus ainsi mis en place implique, de la part des étudiants en fin de formation, ainsi que des jeunes médecins, une prise de responsabilité populationnelle en plus de la responsabilité individuelle qui est déjà la leur. C’est à ce prix que nous sauverons la médecine libérale ou ce qu’il en reste, mais le veut-on vraiment ? Faute de quoi, nous pourrions bien arriver à une médecine salariée, que beaucoup appellent déjà de leurs vœux, doublée d’une médecine déconventionnée, pour le coup redevenue vraiment libérale et qui ferait la joie des sociétés d’assurance dans leurs diversités. Ce chapitre est loin d’être clos !

Autre dispositif visant à améliorer l’offre de soins dans les territoires : les communautés professionnelles territoriales de santé qui élaboreront les projets territoriaux de santé soumis à l’ARS. Il s’agit de faire en sorte que les professionnels s’approprient ce dispositif et d’éviter qu’une grille de l’ARS ne s’applique sur les territoires. Cela implique, comme je l’ai déjà évoqué, une prise de conscience populationnelle de la part des acteurs, laquelle suppose de dégager du temps médical, non plus clinique, mais de santé publique, après des journées de travail déjà épuisantes.

Quant aux hôpitaux de proximité, nous aurions certes aimé avoir plus de précisions concernant leur contenu, mais il y va du choix de légiférer par ordonnance sur ce sujet. Ils me paraissent l’outil nécessaire et efficace pour assurer une gradation des soins, ainsi qu’une meilleure interpénétration ville-hôpital-secteur médico-social. Si, comme on peut l’espérer, cet outil est rapidement mis en place, il pourrait apporter une réponse aux besoins des territoires en matière de premier niveau de soins, véritable interface entre médecine de ville et établissements de santé de recours. Encore faudra-t-il en définir le bon format, le bon plateau technique, le bon contenu en ressources humaines : urgences, actes techniques ne nécessitant pas d’anesthésie, imagerie, biologie… Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour répondre, dans les meilleurs délais, à ce juste questionnement.

M. le président. Il faut conclure !

M. Michel Amiel. Il ne me reste pas assez de temps pour aborder dans le détail le titre III du projet de loi qui vise à développer l’ambition numérique en santé. Je rappellerai simplement les inévitables questions éthiques liées à ce big data de la santé, questions soulevées par un avis du Comité consultatif national d’éthiquepour les sciences de la vie et de la santé, le CCNE, à la fin du mois dernier.

Pour terminer, ce texte législatif était sans doute nécessaire. Sera-t-il suffisant ? Je suis en tout cas persuadé que rien ne se fera sans une prise de conscience de l’ensemble des acteurs de la santé. Nous voterons ce projet de loi tel qu’il a été revu par le Sénat, en espérant une commission mixte paritaire conclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux commencer cette explication de vote qu’en déplorant ce qui vient de se passer, la seconde délibération qui vient de se dérouler avec l’accord du Gouvernement, à la demande de la majorité sénatoriale, dont le résultat est la suppression de l’allongement de deux semaines du délai légal de l’IVG, qui aurait été porté de douze à quatorze semaines. Rassurez-vous, je n’y reviendrai pas, j’ai déjà dit tout le mal que j’en pensais ! Mais cette seconde délibération ne grandit pas le Sénat !

Ce propos liminaire terminé, je tiens à remercier les administratrices et administrateurs qui ont permis à la commission de réaliser un travail de qualité. Je félicite le président-rapporteur pour les réponses apportées à nos interventions. J’associe Mme la ministre à ce propos. Je veux, enfin, remercier l’ensemble des agents du Sénat qui ont contribué à l’organisation de nos débats.

Cela dit, sur les quatre-vingt-deux amendements déposés par mon groupe, seulement quatre ont été adoptés par la Haute Assemblée.

En renforçant la lutte contre les conflits d’intérêts dans la formation continue des médecins par les industriels de santé, en alignant la durée du zonage des zones sous-denses – trois ans – sur celle de l’internat de médecine générale, en annulant les règles de captage d’eau d’origine souterraine et en supprimant l’expérimentation de l’exercice libéral dans les centres de santé, les dispositions de nos amendements ont apporté des modifications positives, mais bien maigres pour contrecarrer les mesures régressives de ce projet de loi.

De plus, nous déplorons que nos amendements tendant à défendre et à améliorer le droit à l’IVG – je pense à l’autorisation de la pratique de l’IVG instrumentale par les sages-femmes, ou encore à la suppression de la double clause de conscience – aient été retoqués. Je vous rappelle, mes chers collègues, que notre groupe défend la constitutionnalisation du droit à l’IVG qui est sans doute une solution pour garantir et protéger ce droit.

Plus globalement, force est de constater que nos débats ont eu lieu comme si quatre-vingt-quinze services d’urgence n’étaient pas en grève et comme si les personnels qui tiennent le service public à bout de bras n’étaient pas au bord de l’épuisement généralisé !

D’ailleurs, aujourd’hui même, à l’appel de l’intersyndicale CGT, FO, SUD, CFE-CGC, les personnels sont de nouveau rassemblés devant le ministère des solidarités et de la santé pour se faire enfin entendre, et ils ont tout notre soutien !

Nous regrettons votre entêtement, madame la ministre, votre refus de prendre en compte la gravité de la situation, après des décennies de réduction des dépenses de personnel, de report des investissements, de fermetures de services et de suppressions de lits. D’après la Fédération hospitalière de France, ces quatorze dernières années, ce sont 8,6 milliards d’euros d’économies qui ont été réalisés sur le dos des hôpitaux ! Alors, avec 900 millions d’euros, madame la ministre, vous êtes loin non seulement de répondre aux besoins, mais encore de rattraper simplement les politiques d’austérité qui se sont succédé et que vous avez poursuivies.

L’ensemble des membres de mon groupe et moi-même vous demandons d’entendre ces médecins, ces infirmières, ces aides-soignantes, ces brancardiers qui n’en peuvent plus. Ils vous réclament la création de 10 000 postes dans les services d’urgence, la réouverture de lits d’aval en prévision de cet été et, enfin, une revalorisation salariale de 300 euros nets par mois.

Comment rester inébranlable au sujet des demandes de renfort de personnel quand on sait que les besoins se situent à hauteur de 100 000 emplois dans les hôpitaux publics et de 100 000 emplois par an, sur trois ans, dans les Ehpad ?

Les primes que vous avez annoncées face à la mobilisation grandissante de toutes les catégories de personnels des urgences ne sont pas de nature à éteindre la colère ! Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France, le dit fort justement : « Les gendarmes viennent chercher les médecins grévistes de Lons-le-Saunier, les réquisitions pleuvent. Mais pourquoi personne n’envoie les gendarmes chercher les directeurs d’ARS pour négocier et les directeurs réquisitionnés pour dialoguer ? »

Lors des débats sur les déserts médicaux, des sénatrices et des sénateurs de différents groupes politiques ont défendu des mesures de régulation de l’implantation des médecins libéraux dans les déserts médicaux. Et bien que les questions de l’attractivité de la médecine de ville et du maintien des services des hôpitaux de proximité soient liées entre elles, les mêmes parlementaires sont restés silencieux, voire n’ont pas jugé utile d’être présents dans l’hémicycle lors du vote de l’article 8 prévoyant la réforme des hôpitaux en trois niveaux, avec des hôpitaux de proximité vidés des services d’urgence, de gériatrie, de chirurgie et de maternité…

Seul notre groupe s’est opposé à la nouvelle architecture et à la future organisation des hôpitaux, en proposant, comme en 2014, un moratoire contre toutes ces fermetures et une autre définition de l’hôpital de proximité.

Nous pensons, en effet, que le maillage d’hôpitaux de proximité doit être maintenu et développé avec des services d’urgence, fonctionnant 24 heures sur 24, de médecine, de chirurgie, d’obstétrique, de soins de suite et des structures pour les personnes âgées en lien avec la médecine de ville, le réseau de centres de santé et la psychiatrie de secteur, qui est décidément, une nouvelle fois, la grande oubliée de ce projet de loi. N’attendez pas, madame la ministre, avant de vous apercevoir que nous avions raison comme aujourd’hui pour la suppression du numerus clausus !

Nous déplorons que, avec la complicité bienveillante de la majorité sénatoriale, la philosophie de ce texte ait été confortée, à savoir affaiblir toujours davantage ce qui fait la colonne vertébrale de notre système de santé public : l’hôpital.

Notre groupe s’est battu pied à pied pour une autre logique. Dans le fond, le Gouvernement répond au personnel hospitalier en grève : « soigne et tais-toi ». Aux parlementaires qui proposent une autre vision de la politique de santé, il intime, avec le recours quasi systématique aux ordonnances : « vote et tais-toi ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions déposé sur ce texte une motion tendant à opposer la question préalable.

Mais, visiblement, mes chers collègues, plus le Gouvernement restreint les prérogatives des législateurs que nous sommes et plus vous votez les textes qu’il présente ! Je vous invite à lire ou à relire le Discours de la servitude volontaire de La Boétie, très instructif. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

Vos critiques sont souvent acerbes pour poser le diagnostic d’un système de santé à bout de souffle, mais vous êtes d’accord avec les remèdes proposés, qui, de réforme en réforme, transforment le patient en client et l’hôpital en entreprise !

De cette politique-là, nous ne voulons pas ! Nous ne nous tairons pas, nous voterons contre ce projet de loi et nous continuerons à défendre, comme nous nous y sommes engagés lors de notre tour de France des hôpitaux et des Ehpad, une loi ambitieuse, qui place l’être humain au cœur du système de santé, dans l’intérêt des personnels, comme des patientes et des patients, avec une sécurité sociale du XXIe siècle, solidaire et universelle. Il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment de conclure une semaine de discussions intenses, parfois passionnées, sur l’organisation de notre système de santé, comment ne pas, d’abord, faire écho à ces trois mois de colère, à ce mouvement qui se durcit, s’enlise, qui voit le collectif Inter-Urgences réunir près de quatre-vingt-dix services d’urgence en grève ?

Le projet de loi que vous nous avez présenté, madame la ministre, répond-il à la détresse de ces personnes, tant dévouées et motivées et qui se mettent en arrêt maladie ?

Depuis trois mois, vous n’avez pas pris la mesure d’un niveau d’épuisement rarement atteint. Ces situations humaines, tant pour les patients que pour les personnels, sont totalement insupportables.

L’avenir ne se construira pas sans apporter des solutions aux difficultés du présent, ce « pressant avenir immédiat », selon l’expression du philosophe Vladimir Jankélévitch.

J’indiquais, lundi dernier, que la traduction législative du plan Ma santé 2022 conduisait à s’interroger et soulevait de fortes oppositions. Les débats n’ont effacé ni les doutes, ni les incertitudes, ni les oppositions.

Celles-ci se font vives, j’y insiste, madame la ministre, quand le Gouvernement ne respecte pas le dialogue parlementaire, ne respecte pas le temps nécessaire à la concertation et à l’élaboration d’un projet de loi, non plus que le temps nécessaire pour imaginer les solutions les plus innovantes avec les acteurs de la santé et les élus.

Alors que le Premier ministre s’était engagé à mieux écouter les Français, à renforcer le dialogue avec les corps intermédiaires et les élus locaux et nationaux, vous êtes déjà rattrapée par vos vieux démons.

Vous avez présenté à la sortie du conseil des ministres un projet ramassé en vingt-trois articles, mais les parlementaires n’auront pas à se prononcer sur ses éléments les plus importants. Privilégiant le recours à la procédure d’urgence, vous nous demandez de renoncer au débat parlementaire et de vous autoriser à légiférer par ordonnances.

Le Premier ministre, encore, affirmait pourtant, lundi 8 avril, qu’il souhaitait renforcer le dialogue avec les élus, et qu’il entendait construire « les outils d’une démocratie plus délibérative et participative ». Il ajoutait : « si on ne prend pas le temps d’écouter, généralement, on n’écoute pas bien. » Dès lors, madame la ministre, prenez le temps d’écouter le Sénat !

La dérive dans laquelle vous vous installez nous inquiète : nous n’acceptons pas que le Gouvernement ignore le Parlement ; nous refusons une situation dans laquelle il conviendrait d’abandonner la démocratie parlementaire et délibérative, considérée comme appartenant au « vieux monde ».

Comment, en effet, ne pas voir que ce texte sort renforcé et mieux armé à l’issue de la discussion au Sénat ? Comment ne pas constater le travail utile effectué par la commission des affaires sociales ? Comment ne pas comprendre le bénéfice du bicamérisme et de la respiration démocratique ?

J’illustrerais ce propos par quelques exemples, dont certains sont fondamentaux.

Les amendements identiques, parmi lesquels un amendement socialiste, portant sur le troisième cycle des études de médecine générale et de certaines spécialités démontrent la capacité du Sénat à apporter des solutions pertinentes, réalistes et efficaces à l’angoisse de nos concitoyens vivant dans les zones où la présence médicale se raréfie. Voilà comment nous pouvons dépasser les clivages politiques pour soutenir ensemble l’intérêt général. Sans brader la formation, en liant professionnalisation et lutte contre les déserts médicaux, ce sont plusieurs milliers de futurs médecins qui viendront irriguer nos territoires et participeront à relever le défi de l’accès aux soins pour tous nos concitoyens.

Concernant la formation des professionnels de santé, grâce à l’adoption d’un amendement socialiste, la détermination du nombre d’étudiants reçus en deuxième et troisième années de premier cycle fera primer le critère des besoins de santé du territoire sur celui de la capacité d’accueil des facultés.

S’agissant du volet numérique, si nous sommes opposés à l’automaticité de l’ouverture de l’espace numérique de santé au profit du consentement libre et éclairé, nous reconnaissons l’avancée que constitue le dispositif, introduit sur l’initiative du rapporteur, garantissant l’interopérabilité des outils numériques en santé, assorti d’un calendrier opposable, gage d’amélioration de la qualité des soins et d’une meilleure coordination des parcours de santé.

Enfin, nous l’avons longuement évoqué, l’adoption d’un amendement déposé par plusieurs de nos collègues a conduit à allonger de deux semaines le délai de recours à l’IVG, afin de lutter contre les inégalités subies par les femmes. La majorité sénatoriale et le Gouvernement ont malheureusement fait le choix de la procédure, constitutionnelle certes, mais brutale, de la seconde délibération.

Si de grandes orientations de ce texte, telles que la réforme des études, l’exercice collectif, la gradation des soins, la numérisation, peuvent être partagées, à la condition qu’elles ne visent pas à privatiser progressivement le secteur de la santé, nous ne pouvons accepter les trop nombreux recours aux ordonnances, en particulier aux articles 8 et 9, sur des sujets majeurs et structurants. L’examen de ce qui s’est révélé être un projet de loi de cadrage ne nous a pas permis, en raison de sa conception même, d’appréhender ses implications réelles dans nos territoires, en métropole comme en outre-mer, pour les personnels de santé et, surtout, pour les usagers, les malades, en matière d’accès aux soins.

Le groupe socialiste et républicain, malgré l’adoption de l’amendement portant sur le troisième cycle des études médicales, qui est un élément important à nos yeux, votera contre le texte issu des débats de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce troisième texte législatif sur la santé en dix ans intervient dans un contexte toujours plus tendu sur nos territoires, qui vivent durement les inégalités d’accès aux soins et expriment des attentes très fortes à court et à moyen termes, mais également dans les services hospitaliers. Je veux, à ce sujet, profiter de cette tribune pour rappeler le soutien du groupe du RDSE aux professionnels médicaux et paramédicaux, qui se démènent pour maintenir un haut niveau de service et de prise en charge malgré les difficultés rencontrées au quotidien.

Il n’est pas inutile de redire que ce projet de loi n’est pas un texte de financement. Comme son intitulé l’indique, il propose une réorganisation des soins, notamment ambulatoires. Il s’agit de ne pas donner de faux espoirs à ceux qui s’attendraient, dès demain matin, à une arrivée massive de médecins qui, comme avant, s’installeraient seuls, sur le modèle d’un médecin par village ou par quartier.

Ne nous mentons pas, la situation que nous connaissons aujourd’hui résulte d’un manque d’anticipation des politiques de santé successives, notamment de la baisse du numerus clausus entre les années 1980 et 2000, ainsi que du vieillissement de la population, de l’explosion des maladies chroniques, ou encore des aspirations des jeunes professionnels, qui plébiscitent la pratique en équipe pluriprofessionnelle. Face à ces enjeux multiples, aucune mesure, aussi forte soit-elle, ne résoudra, à elle seule, la situation.

Ainsi, la suppression du numerus clausus, que nous saluons, s’apparente davantage à une augmentation du nombre de médecins formés et ne portera ses fruits que dans dix ou quinze ans.

Comme je le disais précédemment, ce projet de loi a pour ambition de répondre aux attentes très fortes des Français, pour qui la santé figure toujours parmi les premières préoccupations.

Il en est de même pour les élus, qui expriment le souhait d’être davantage intégrés aux processus de décision en matière de santé sur leurs territoires. Ce texte y répond par certains aspects ; j’ai à l’esprit, par exemple, l’amendement déposé par mon groupe, qui associe le comité territorial des élus locaux à la stratégie des groupements hospitaliers de territoire, les GHT.

Les attentes sont également fortes du côté des professionnels de santé qui, lors de la mission que j’ai menée avec mes collègues Catherine Deroche et Yves Daudigny, nous ont fait part de leur crainte d’une suradministration de la santé au détriment du soin et des difficultés qu’ils rencontrent : surcharge de travail et multiplication des outils souvent peu lisibles et complexes.

Je me réjouis ainsi de l’adoption d’un amendement, défendu par mon groupe, qui visait à simplifier les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé, et je me félicite de la philosophie globale du texte, qui pose un cadre souple et laisse les professionnels s’organiser sans contrainte excessive. Il faudra néanmoins renforcer l’information et l’accompagnement de ces professionnels, afin de garantir l’efficience des dispositifs existants, car c’est bien grâce à eux, et à la coopération des collectivités, que les changements attendus se matérialiseront sur le terrain.

Comme je le disais, à la question de savoir ce que l’on peut-on attendre de ce texte, il nous est impossible de répondre : une arrivée massive de médecins, demain, sur les territoires. Cela ne nous empêche toutefois pas d’entrevoir une note d’espoir qui incite à l’optimisme.

J’insiste ainsi sur certaines mesures qui tendent à apporter des réponses à court terme en redonnant du temps médical aux professionnels : la possibilité étendue de recourir à un médecin adjoint, les simplifications relatives au statut de praticien hospitalier, le renforcement de la télémédecine, qui ouvre une voie d’accès intéressante aux soins de premier recours, ou l’évolution de certaines tâches attribuées aux infirmiers, pharmaciens et sages-femmes, qui complète la création du métier d’assistant médical.

D’autres dispositions porteront leurs effets à plus long terme : la réforme des études médicales, qui permettra de former plus de médecins, de diversifier les profils des étudiants et de mieux adapter le troisième cycle aux besoins des territoires, aux réalités du métier et aux aspirations des jeunes praticiens, ainsi que la gradation des hôpitaux, avec la labellisation de 500 hôpitaux de proximité.

Bien que les apports successifs de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les précisions du Gouvernement, aient levé certains doutes, des interrogations légitimes persistent quant à la préservation d’une offre hospitalière de proximité. Aujourd’hui, 250 structures doivent encore être transformées en hôpitaux de proximité, sans maternité ni chirurgie, et nous serons vigilants pour nous assurer que ces établissements répondent bien aux besoins en soins de premier recours.

Par ailleurs, les diverses mesures de transformation numérique inscrivent pleinement notre système de soins dans le XXIe siècle, en facilitant les échanges d’informations par la création de l’espace numérique et en généralisant le dossier médical partagé.

Enfin, les mesures de coordination, au cœur même de ce projet de loi, devraient permettre une meilleure organisation des soins, grâce à une coopération accrue entre les professionnels à l’échelle d’un bassin de vie, apportant ainsi une réponse à la question de l’accès aux soins.

Avant d’achever mon propos, je souhaite toutefois faire part de deux regrets à l’issue de cette première lecture.

Le premier concerne le recours aux ordonnances, trop souvent utilisé. Nous comprenons qu’il faut aller vite pour répondre à l’urgence, mais certains sujets auraient mérité un débat parlementaire plus approfondi. C’est le cas, notamment, de la question sensible des autorisations des activités de soins dans les établissements hospitaliers.

Mon second regret a trait à l’instauration d’une année de stage en ambulatoire et en autonomie à la fin du troisième cycle de médecine générale. À titre personnel, je suis défavorable à cette mesure – j’ai compris que nous étions peu nombreux dans ce cas –, parce qu’elle conduit à s’affranchir de la logique d’une formation d’excellence dans laquelle chaque semestre, chaque expérience et donc chaque stage a sa raison d’être. La qualité de cette formation, que beaucoup de pays nous envient, ne doit pas être une variable d’ajustement.

Le texte issu des travaux du Sénat place des outils de coordination entre les mains des professionnels, permet une gradation des soins et un décloisonnement entre les praticiens et entre la ville et l’hôpital, sans pour autant céder à la facilité des mesures coercitives, dont je suis convaincue de l’inefficacité.

Toutefois, sans des moyens humains, financiers et d’accompagnement à la hauteur des enjeux, le risque existe que nous ne puissions pas constater sur le terrain les effets attendus. Aussi, attentive aux moyens qui seront engagés, mais désireuse de voir ces mesures mises en œuvre, la majorité du groupe du RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Nassimah Dindar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous venons de passer une semaine à débattre sur le projet de loi Santé. Avec passion et connaissant leurs territoires, les sénatrices et les sénateurs ont fait part de leur inquiétude, partagée par nos concitoyens, ainsi que ces derniers l’ont exprimé lors du grand débat national, de ne pouvoir accéder, partout en métropole comme dans les outre-mer, de manière égale et satisfaisante, à des soins de qualité.

Pourtant, dans notre pays, nombre d’élus, ceux qui siègent dans les ARS, et de professionnels de santé s’investissent sans relâche auprès des institutions et avec de nombreux partenaires pour trouver des solutions localement.

Madame la ministre, vous lanciez vous-même, dès octobre 2017, un plan d’accès aux soins comportant des mesures essentielles qui commencent à produire leurs effets : augmentation de 17 % du nombre de médecins agréés maîtres de stage universitaires, de 37 % du nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles, de 21 % du nombre de centres de santé médicaux ou polyvalents, une centaine d’infirmières supplémentaires en protocole Asalée – pour action de santé libérale en équipe –, 300 infirmiers dans la première promotion en pratique avancée, et, enfin, généralisation de la vaccination contre la grippe à tous les pharmaciens.

Alors, pourquoi ce projet de loi, qui traduit votre ambition, madame la ministre, a-t-il suscité autant de discussions et de mises en cause au Sénat ?

Tout d’abord, le recours aux ordonnances a causé beaucoup de frustration. S’il ne fallait donner qu’un seul exemple, la future labellisation des hôpitaux de proximité provoquera immanquablement satisfaction ou colère. La définition et la gouvernance de ces établissements devront être coconstruites pour être mieux comprises. De même, l’obligation d’intégration des ressources humaines dans les GHT relève d’une marche forcée inacceptable pour beaucoup de professionnels. Chacun doit pouvoir avancer à son rythme.

Ensuite, il y a les territoires qui décrochent. Les professionnels de santé en sont partis ou y sont si peu nombreux qu’ils sont trop accaparés par leur patientèle et n’ont pas de temps à consacrer à la réflexion sur une nécessaire organisation territoriale. Il faut s’en occuper d’urgence ; leur situation explique l’impatience qui s’est exprimée par la voix de nos collègues de la commission du développement durable.

Pourtant, ce projet de loi me semble indispensable, car il vise à libérer du temps médical, à casser les démarches en silo, à structurer les territoires pour répondre aux enjeux contemporains ; il dessine le paysage de demain en matière de santé ; il supprime enfin le numerus clausus, péage injuste et trop sélectif, et réforme en profondeur les études de santé, visant toujours l’acquisition d’un haut niveau de connaissances médicales, ainsi que de compétences en relations humaines et en numérique.

Il prend en compte les déterminants à l’installation : seuls 3 % des futurs médecins souhaitent un exercice libéral isolé, 45 % d’entre eux veulent un exercice regroupé et seulement 27 % se dirigent vers un exercice mixte. Il soutient également les délégations de tâches, les coopérations entre professionnels de santé et crée le statut d’assistant médical, lequel constitue une belle avancée.

Si le groupe Union Centriste souscrit à cette ambition de réorganisation de notre système de santé, sa diversité s’est exprimée : les uns souhaitaient plus d’obligations pour les futurs professionnels, afin de répondre aux impératifs de court terme, les autres imaginaient des mesures différentes. Les discussions étaient ouvertes. Chacun s’est accordé à reconnaître que la priorité principale était la diversification et la multiplication des lieux de stage.

Ainsi, 68 % des étudiants de deuxième cycle ayant fait le stage d’initiation à la médecine générale déclarent que celui-ci leur a donné envie de choisir cette spécialité. Rappelons toutefois qu’entre 2010 et aujourd’hui le nombre de médecins généralistes a baissé de près de 8 %. Les stages sont un levier formidable pour faire découvrir aux étudiants les réalités des territoires fragiles comme la richesse des modes d’exercice, et par conséquent pour orienter les vocations.

Je me réjouis donc de l’adoption par le Sénat de plusieurs amendements défendus par tout ou partie du groupe Union Centriste. J’ai à l’esprit, en particulier, l’amendement n° 16 rectifié ter, qui visait à faciliter l’agrément des praticiens maîtres de stage des universités accueillant des étudiants en médecine, ainsi que celui que soutenait notre collègue Nadia Sollogoub et qui tendait à généraliser la possibilité, pour les étudiants internes, d’effectuer leurs stages à l’extérieur des hôpitaux publics, notamment dans les cliniques privées et dans le secteur libéral.

Les amendements identiques déposés par Corinne Imbert, Daniel Chasseing et Yves Daudigny et qui avaient pour objet de faire de la dernière année du troisième cycle des études de médecine générale une année de pratique en autonomie ont suscité beaucoup de discussions au sein de notre groupe, certains y étant favorables, d’autres non. Nous avons finalement voté contre.

Par ailleurs, je suis convaincue de la nécessité du dialogue et de l’accompagnement : expliquer les dispositifs, rencontrer les acteurs, relever les difficultés, comprendre les enjeux liés à chaque territoire, mettre du lien entre institutions et professionnels sont autant d’actions qui mériteraient une véritable structuration.

Il convient impérativement de rendre nos concitoyens, les élus et les professionnels acteurs de la politique de santé et de tenir compte des conditions de travail du personnel médical et paramédical dans les Ehpad, mais aussi dans les hôpitaux.

Je me réjouis donc que le Sénat ait adopté deux amendements du groupe centriste allant dans ce sens. Le premier visait à préciser que les intercommunalités participent à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet territorial de santé ; le second tendait à garantir que les élus soient consultés, à l’échelon départemental, sur l’organisation territoriale des soins, ainsi qu’à leur offrir la possibilité d’entendre le directeur de l’agence régionale de santé.

Il nous appartient à tous de communiquer au plus près du terrain pour fédérer les acteurs et favoriser le partage des responsabilités, afin d’imprimer une véritable dynamique, en particulier dans les zones isolées où les praticiens manquent.

Pour conclure, le chantier de la réorganisation de notre système de santé passera davantage par le terrain que par la loi. À nous, législateurs, de faciliter ces transformations tout en nous mobilisant dans nos territoires.

Le groupe Union Centriste votera majoritairement en faveur de ce projet de loi enrichi par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous avons examiné vise à réorganiser en profondeur notre système de santé, afin de le rendre plus efficace pour répondre aux grands enjeux de notre siècle : inégalités territoriales d’accès à la santé, vieillissement de la population et recrudescence des maladies chroniques.

Ce texte a fait naître de nombreuses attentes, comme nous l’avons constaté au cours du grand débat national. Il traduit certains engagements du plan Santé présenté par le Président de la République et contient un certain nombre de réformes nécessaires, dont nous saluons l’adoption par le Sénat.

Le cœur du texte réside, à mon sens, dans la résorption progressive, mais indispensable, des déserts médicaux, dans lesquels vivent six millions de Français aujourd’hui.

À cette fin, des mesures importantes ont été adoptées : le projet de loi prévoit ainsi d’intégrer l’équilibre de l’offre de santé sur l’ensemble du territoire aux objectifs généraux des formations de santé en ajoutant à la détermination du nombre d’étudiants accédant aux études de médecine le critère des besoins territoriaux.

Les articles 1er et 2 opèrent une refonte, à mon sens salutaire, des études médicales en supprimant la Paces, le numerus clausus et les épreuves classantes nationales, avec, à la clé, une augmentation envisagée de 15 % à 20 % du nombre d’étudiants. Ces mesures porteront, certes, leurs fruits dans dix ans, mais il fallait bien commencer. De plus, s’y ajoutent l’augmentation du nombre de maîtres de stage et le développement des stages en libéral.

Le Sénat a proposé de transformer la dernière année de troisième cycle en année de pratique ambulatoire, en affectant prioritairement les futurs médecins vers des maisons de santé situées dans des zones à faible densité médicale. Ainsi, les 3 500 étudiants en dernière année d’études de médecine générale pourront exercer en priorité, en tant que médecins adjoints, dans les territoires qui en ont le plus besoin. Nous saluons l’adoption de cette mesure, à la fois formatrice et juste, proposée par notre groupe sur la base d’une réflexion menée en concertation avec le Conseil national de l’ordre des médecins, mais aussi par nos collègues Corinne Imbert et Yves Daudigny, et adoptée par la grande majorité des membres de notre assemblée.

Nous avons également défendu un dispositif, adopté par le Sénat, visant à sécuriser le contrat d’engagement de service public en proposant d’aligner la durée du classement en zone sous-dense sur celle de l’internat de médecine générale.

La limitation à trois ans après la thèse de la durée de remplacement, associée à un dispositif de forte incitation fiscale à l’installation rapide des jeunes médecins, va également dans le sens d’une stabilisation nécessaire des communautés médicales sur l’ensemble du territoire.

Nous sommes bien sûr très favorables à la reconnaissance, pour les maires, de la possibilité de constater une situation de carence médicale sur leur territoire permettant le recrutement d’un médecin adjoint pour y remédier rapidement.

Nous sommes également favorables au renforcement du numérique avec le dossier médical partagé.

En ce qui concerne la procédure de régularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne, les Padhue, nous approuvons l’élargissement contrôlé du dispositif, tel que le Sénat l’a adopté à l’article 21.

Nous regrettons cependant que le mécanisme d’exonération fiscale inséré à l’article 4 bis par la commission des affaires sociales de la Haute Assemblée ne soit pas davantage ciblé sur les installations de jeunes médecins dans les territoires sous-dotés. Nous avions proposé un sous-amendement qui allait dans ce sens, car il s’agissait là, à nos yeux, d’une précision importante pour faire de cette mesure un levier d’action supplémentaire contre les déserts médicaux.

Nous regrettons également que notre proposition de rétablir le droit opposable au médecin traitant ait été rejetée. Ce nouveau droit aurait offert la possibilité de saisir le conciliateur de la caisse d’assurance maladie, afin qu’un médecin traitant disponible soit proposé, de garantir le même niveau de remboursement à chaque citoyen et de lutter contre le non-recours aux soins.

Enfin, nous aurions souhaité que le Sénat examine en séance l’amendement que nous avons proposé visant à étendre le droit à l’oubli, prévu par la loi dans le cas des cancers, aux cas d’infarctus cardiaques, pour les patients désormais en bonne santé, dont les examens sont normaux et qui ne présentent pas de risque significatif de récidive.

Dans l’ensemble, un grand nombre des dispositifs de ce projet de loi vont contribuer à renforcer le maillage territorial d’accès au soin. L’association des professionnels libéraux, des hôpitaux de proximité et des établissements médico-sociaux au travers de l’engagement des communautés professionnelles territoriales de santé dans un projet territorial de santé, en présence des élus, va dans le bon sens.

Il s’agira aussi, pour l’ARS, d’accompagner les acteurs de terrain, sans créer de rigidités ni de nouvelle strate administrative, pour améliorer le fonctionnement de notre système de santé et répondre aux attentes légitimes des Français. Nous devons faire des hôpitaux de proximité un pivot essentiel de l’articulation des soins à l’échelle du territoire en organisant une réponse graduée aux besoins de santé des patients et en conservant, autant que possible, les services d’urgence, lesquels doivent être partout renforcés.

Madame la ministre, considérant qu’il comporte des réformes salutaires pour rénover l’offre de soins et améliorer l’accès à la santé pour tous ; considérant que le Sénat a largement contribué à en améliorer les dispositions, notamment pour mieux lutter contre les déserts médicaux, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec près de 250 amendements émanant des différents groupes, adoptés en commission des affaires sociales puis en séance, le Sénat a contribué, dans un esprit constructif, à enrichir ce projet de loi.

Je tiens à saluer en particulier le travail du rapporteur, le président Alain Milon, et des rapporteurs pour avis, Laurent Lafon et Jean-François Longeot.

Par-delà nos divergences, nous avons tous eu à cœur, lors de cette semaine de débats souvent passionnés, de traduire dans ce texte l’urgence d’agir pour refonder un système de santé à bout de souffle. Cette urgence, les membres du groupe Les Républicains l’entendent dans les territoires depuis de trop nombreuses années. Les inquiétudes voire le sentiment d’abandon qu’expriment nos concitoyens sont à la mesure de leur attachement fort à notre modèle de prise en charge solidaire des soins.

Au regard de ces attentes pressantes, nous avons été nombreux à formuler des regrets sur le projet de loi transmis au Parlement.

Le regret, d’abord, de discuter d’un texte qui laisse un sentiment d’inachevé et bon nombre d’interrogations en suspens, puisque ce sont des ordonnances qui donneront le ton de la réforme, y compris pour des mesures essentielles.

Le regret, ensuite, de ne pas trouver dans ce texte des éléments structurants sur la gouvernance ni le financement de notre système de santé, car des enjeux majeurs pour l’avenir de notre modèle de prise en charge des soins sont ainsi esquivés.

Toutefois, nous avons reconnu des inflexions positives, que nous avons cherché à améliorer et à approfondir.

Le texte issu de nos débats confirme des évolutions attendues, comme la refonte des études de santé, qui permettra une sélection plus progressive des futurs professionnels médicaux et une diversification de leurs profils.

Il confirme également la nécessité urgente de faire entrer notre système de santé dans l’ère numérique. Nous pouvons saluer le travail accompli par la commission des affaires sociales et, plus généralement, le Sénat pour enrichir substantiellement ce volet en rendant automatique l’ouverture de l’espace numérique de santé, tout en prenant en compte les enjeux de protection des données, de médiation numérique et, surtout, les exigences d’interopérabilité.

Les enjeux sont considérables pour faciliter les transmissions d’informations et constituer un levier pour l’indispensable coordination des parcours de soins. Après les atermoiements sur le dossier médical partagé, nous ne pouvions plus nous permettre de prendre un nouveau retard.

Nous avons souhaité marquer l’empreinte du Sénat sur ce texte au travers d’une autre priorité : les territoires.

La réforme du numerus clausus limitera sans doute le gâchis universitaire de la Paces pour bon nombre d’étudiants, et c’est heureux ; mais elle ne conduira pas demain à ce qu’il y ait plus de médecins dans les cabinets médicaux et les hôpitaux. De même, la redéfinition des hôpitaux de proximité ne se fera pas sans ressources médicales, sauf à accélérer le déclassement d’établissements locaux, tant redouté par de nombreux élus.

Nous savons bien qu’il n’existe pas de solution miracle pour répondre à l’urgence de la présence médicale dans les territoires. J’entends les arguments avancés par chacun sur les stages, le conventionnement sélectif ou les autres modalités de contrainte ou de régulation des installations. Je ne pense pas que l’une ou l’autre de ces mesures porte en elle la panacée. C’est une palette d’outils qu’il nous faut mobiliser.

Précisément, madame la ministre, avec ce texte, nous vous proposons de compléter la boîte à outils.

D’abord, sur l’initiative du rapporteur, nous avons décidé d’aller plus loin dans l’incitation forte et rapide des jeunes médecins à s’installer en libéral, au sortir des études. Ensuite, nous voulons négocier avec les médecins sur leur contribution à la réduction des inégalités territoriales. Enfin, nous avons prévu de professionnaliser la dernière année d’internat de médecine sous la forme d’une pratique ambulatoire, en autonomie, qui se déroulerait en priorité dans les zones sous-dotées.

Cette dernière proposition, émanant de diverses travées de notre hémicycle, offre une réponse rapide et pragmatique – j’insiste sur ces qualificatifs – à des difficultés dont le traitement ne peut plus attendre dix ou quinze ans. J’entends les réserves de jeunes étudiants, qui craignent que cela ne conduise à raboter leurs études et la qualité de leur formation, mais je pense, au contraire, que la professionnalisation fait partie de leur formation.

Il n’appartient toutefois qu’à vous, madame la ministre, d’inscrire cette proposition dans la rénovation des études médicales, pour faire de cette année sur le terrain une réponse au besoin des jeunes praticiens d’être mieux accompagnés dans la construction de leur projet professionnel.

Nous souhaitons que la voix du Sénat sur ce sujet crucial soit entendue, sans être déformée. Pour la médecine générale, environ 3 500 internes viendraient en renfort à court terme, au côté de médecins installés, sur les territoires fragilisés en termes démographiques, soit, en moyenne, trente-cinq médecins par département.

Madame la ministre, le Sénat vous tend la main et tend la main aux internes, au service de l’intérêt général !

Nous n’avons pas dans ce domaine oublié les outre-mer, en adoptant une mesure qui répond aux besoins spécifiques de la zone de la Caraïbe.

S’agissant de l’organisation territoriale de la santé, notre conviction s’appuie sur la confiance faite aux acteurs de terrain. Nous avons été nombreux à plaider pour la souplesse et la simplification contre la tentation d’une hyperadministration de la santé. Ne décourageons pas les porteurs de projet en les enferrant dans des carcans trop rigides.

Selon la même logique, nous avons privilégié les démarches de volontariat des établissements pour poursuivre l’acte II des groupements hospitaliers de territoire. Nous avons souhaité également rééquilibrer les rôles de l’État et de la région, au travers des agences régionales de santé et des élus du territoire, en renforçant les prérogatives du conseil de surveillance de ces agences et en en confiant la présidence à un élu, le président de région.

Tout au long de ces débats, nous avons défendu une certaine idée d’une transformation indispensable de notre système de santé. Le texte qui résulte de nos travaux offre des réponses concrètes, complémentaires, simples sans être simplistes, nourries de notre vécu. Madame la ministre, écoutez la voix du Sénat, car elle exprime notre souhait à tous de voir réussir cette réforme, pour moderniser un système de santé en crise et répondre à l’urgence des territoires et à l’appel de nos concitoyens.

Le groupe Les Républicains votera le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé tel que le Sénat l’a modifié ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Gérard Dériot. Très bien !

Ouverture du scrutin public solennel

M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences, parallèlement aux explications de vote sur la proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales.

Je remercie nos collègues Annie Guillemot, Michel Raison et Patricia Schillinger, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une durée maximale de trente minutes et vais suspendre la séance pour quelques instants.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Discussion générale (début)

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales
Article 1er

Participation des conseillers de la métropole de Lyon aux prochaines élections sénatoriales

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales (proposition n° 462, texte de la commission n° 552, rapport n° 551).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, saisie au fond, s’est réunie le 5 juin 2019 pour l’examen des articles et l’établissement du texte. Le rapport a été publié le même jour.

proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales
Article 2

Article 1er

Le titre II du livre II du code électoral est ainsi modifié :

1° Le 3° de larticle L. 280 est complété par les mots : « et des conseillers métropolitains de Lyon » ;

2° Il est ajouté un article L. 282-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 282-1. – Pour lapplication des dispositions du présent livre à la métropole de Lyon, les références au conseiller départemental et au président du conseil départemental sont remplacées respectivement par les références au conseiller métropolitain de Lyon et au président du conseil de la métropole de Lyon. »

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

La présente loi entre en vigueur à compter du prochain renouvellement du Sénat.

Vote sur l’ensemble

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, puis au Gouvernement, pour sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Claudine Thomas, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis le 1er janvier 2015, la métropole de Lyon remplace la communauté urbaine de Lyon et, dans son périmètre, le département du Rhône. Un département, le Nouveau-Rhône, subsiste néanmoins, en dehors des limites de la métropole.

Contrairement aux autres métropoles, celle de Lyon est non pas un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, à fiscalité propre, mais une collectivité territoriale à statut particulier, régie par l’article 72 de la Constitution. Elle exerce les compétences d’un département et certaines compétences des communes.

À compter de mars 2020, le conseil de la métropole de Lyon sera composé de 150 membres, élus au suffrage universel direct. Contrairement à ce qui est prévu pour les EPCI, la représentation des communes n’y sera plus garantie, ce qui soulève de réelles difficultés sur le terrain.

La proposition de loi de François-Noël Buffet et de plusieurs de ses collègues vise un objectif plus immédiat : corriger une malfaçon du code électoral pour permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales, prévues en septembre 2020.

Le 5 juin dernier, la commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification, selon la procédure de législation en commission. Je salue le consensus qui a prévalu : les sept sénateurs du Rhône, élus en 2014 et soumis à réélection l’année prochaine, sont cosignataires du texte, ce qui démontre tout son intérêt.

Le périmètre de la circonscription n’évolue pas : il comprend la métropole de Lyon et le département du Nouveau-Rhône, soit 1,8 million d’habitants au total. Le corps électoral compte 3 500 grands électeurs, dont 3 410 issus des conseils municipaux.

En l’état du droit, les conseillers de la métropole de Lyon ne peuvent pas participer aux élections sénatoriales. En effet, ils ne figurent pas dans la liste des grands électeurs établie à l’article L. 280 du code électoral.

Cette situation n’a pas été souhaitée par le législateur. Elle résulte d’une erreur de coordination de l’ordonnance du 19 décembre 2014, comme l’a confirmé le secrétaire d’État en commission.

Par ailleurs, elle soulève un fort risque contentieux. En effet, en application de la jurisprudence constitutionnelle, l’élection des sénateurs doit respecter trois critères : l’élection par des élus locaux, la représentation de l’ensemble des collectivités territoriales et la prise en compte de la démographie. Or, dans le Rhône, ces deux derniers critères ne sont plus respectés : la métropole de Lyon n’est pas représentée pour l’élection des sénateurs, alors qu’elle constitue une collectivité territoriale à statut particulier et compte 1,35 million d’habitants.

C’est pourquoi la présente proposition de loi autorise les 150 conseillers de la métropole de Lyon à participer aux élections sénatoriales. Elle entrerait en vigueur dès le prochain scrutin, prévu en septembre 2020. Le nombre de grands électeurs dans le Rhône passerait ainsi de 3 500 à 3 650, soit une augmentation de 4,29 %.

Cette proposition de loi me semble indispensable pour sécuriser les élections sénatoriales dans le Rhône. Elle comble opportunément une lacune du code électoral : en tant qu’élus locaux, les conseillers de la métropole de Lyon ont vocation à participer aux élections sénatoriales.

L’enjeu est double : sur le plan juridique, il s’agit de respecter la jurisprudence constitutionnelle, qui impose que toutes les catégories d’élus locaux participent aux élections sénatoriales ; sur le plan politique, il convient d’assurer une certaine équité entre les conseillers métropolitains et les autres élus locaux.

Ce texte fait consensus entre les sénateurs du Rhône – je l’ai constaté lors de mes auditions. Ainsi, selon notre collègue Michel Forissier, il est indispensable pour réparer une inégalité de traitement entre élus.

Je rappelle que nous devons agir rapidement : sauf modification liée aux réformes institutionnelles, les prochaines élections sénatoriales dans le Rhône auront lieu dans tout juste quinze mois.

L’adoption de cette proposition de loi ne modifiera qu’à la marge les élections sénatoriales dans le Rhône : les 150 conseillers de la métropole de Lyon, qui seront issus de différentes familles politiques, ne représenteront que 4,11 % du collège électoral.

La commission s’est interrogée sur un éventuel déséquilibre démographique entre la métropole de Lyon et le département du Nouveau-Rhône. En effet, la métropole bénéficierait d’une meilleure représentation aux élections sénatoriales que le département : un conseiller métropolitain représenterait 9 030 habitants, contre 17 208 pour un conseiller départemental.

Après analyse, cette situation semble compatible avec la jurisprudence constitutionnelle, quelle que soit l’interprétation retenue.

Selon une première interprétation, la métropole et le département représenteraient deux strates de collectivités distinctes, la métropole exerçant les compétences d’un département, mais également certaines compétences des communes. Dans une telle hypothèse, la jurisprudence constitutionnelle n’impose pas de prendre en compte la population respective de la métropole et du département pour répartir les grands électeurs.

Selon une seconde interprétation, la métropole et le département appartiendraient à la même strate de collectivités territoriales. La jurisprudence constitutionnelle reste toutefois relativement souple : elle impose de prendre en compte la démographie des collectivités territoriales, pas de prévoir un nombre de grands électeurs proportionnel à leur population. Au sein de la strate communale, la ville de Lyon, par exemple, est moins bien représentée que les communes rurales, ce qui permet de représenter plus équitablement les territoires au sein de notre assemblée.

Monsieur le secrétaire d’État, nous espérons que cette proposition de loi consensuelle sera très prochainement inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Je remercie les membres de la commission des lois de m’avoir confié ce premier rapport ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà cinq ans, une nouvelle collectivité territoriale à statut particulier a été créée par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam : la métropole de Lyon.

La nouvelle collectivité territoriale est dotée de pouvoirs importants, puisqu’elle assume sur le territoire de l’ancienne communauté urbaine de Lyon certaines compétences des communes et toutes les compétences du conseil départemental.

Cet acteur majeur du territoire est aussi un acteur politique, avec pour instance de gouvernance un conseil métropolitain de 150 membres, élus au suffrage universel direct : ils seront désignés, pour la première fois, concomitamment aux élections municipales de mars prochain.

Une difficulté est apparue, que Mme la rapporteure vient d’exposer : le législateur a commis un oubli dans la loi Maptam en ne prenant pas en compte la nécessaire participation des élus métropolitains lyonnais aux élections sénatoriales. Concrètement, l’ordonnance de 2014, prise en application de la loi Maptam, n’a pas ajouté la mention des élus du conseil métropolitain de Lyon à l’article L. 280 du code électoral. L’effet de cette absence est direct : si les élections sénatoriales se tenaient demain, en l’état du droit, les conseillers métropolitains de Lyon n’auraient pas le droit de vote.

Cette situation ne pouvait pas durer, avant tout parce qu’elle provoque un problème majeur de non-représentation politique. Nous devons d’autant plus y mettre un terme qu’elle ferait planer des risques, comme l’a expliqué Mme la rapporteure, sur les opérations électorales dans le Rhône.

En effet, si les élections sénatoriales se déroulaient en l’état du droit, soit sans les élus métropolitains parmi les grands électeurs, elles risqueraient très fortement d’être invalidées comme contraires non seulement à l’article L. 280 du code électoral, qui dispose que le collège électoral « assure, dans chaque département, la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales », mais aussi à la Constitution, puisque le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 juillet 2000, a été plus explicite encore, jugeant que le Sénat devait être élu par un corps électoral représentant toutes les catégories de collectivités territoriales.

Nous partageons tous la même volonté d’éviter que pèse le moindre risque sur le prochain scrutin sénatorial. C’est pourquoi le Gouvernement soutient cette proposition de loi.

De son point de vue, le texte soumis à l’examen du Sénat ne comporte aucune difficulté. Il me paraît atteindre simplement et efficacement l’objectif qu’il vise : inscrire les conseillers métropolitains de Lyon sur la liste des grands électeurs pour les élections sénatoriales.

Je remercie François-Noël Buffet d’avoir déposé cette proposition de loi et je salue le travail mené par chacun, ainsi que l’esprit de consensus qui a régné pendant nos travaux. Je félicite Mme la rapporteure pour le travail qu’elle a accompli dans le cadre de son premier rapport.

Cet esprit de consensus, madame la rapporteure, mesdames, messieurs, les sénateurs, Christophe Castaner et moi-même le porterons à l’Assemblée nationale. Vous pouvez compter sur notre vigilance pour que la proposition de loi soit adoptée et promulguée avant les prochaines élections sénatoriales ! (Mmes Michèle Vullien et Nassimah Dindar applaudissent.)

M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour votre concision.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de mon collègue sénateur du Rhône, que je salue, n’appelle pas d’objection particulière de la part de mon groupe : c’est ce qu’on pourrait appeler un texte de bon sens. En effet, il s’agit simplement d’assurer l’égalité en permettant aux conseillers métropolitains de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales.

Je ne rouvrirai pas les débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi dont est issue la loi Maptam ; en cinq minutes, cela me serait impossible, et puis le temps a passé.

Reste que la situation nous invite à réfléchir sur ces lois – la loi Maptam, la loi NOTRe, notamment – dont certaines dispositions votées de façon parfois un peu rapide, quelquefois à la faveur de petits arrangements, nous obligent, quelques mois ou quelques années plus tard, à modifier, compléter ou ajuster, pour les rendre conformes et applicables, des dispositifs pourtant structurants pour l’organisation de notre pays.

Un problème demeure, que M. le secrétaire d’État a évoqué : le mode de scrutin qui régira la désignation des conseillers métropolitains de Lyon.

Il s’agit d’un problème politique, que nous avons dénoncé dès le départ : au sein de la métropole de Lyon – cas particulier, puisqu’elle vaut aussi département –, un certain nombre de communes ne seront plus représentées, compte tenu du mode de scrutin choisi.

On peut tourner les choses dans tous les sens : au vu des circonscriptions qui ont été découpées, des formations politiques et des enjeux électoraux, nous pouvons tous reconnaître que, demain, des communes ne seront plus représentées. D’où les propositions faites par le Sénat il y a peu sur la nécessité d’un travail avec l’ensemble des maires au sein de la métropole – je ne reviens pas sur les amendements qui ont été déposés.

L’autre difficulté qui rend fondamental le travail qui devra être fait dans la future gouvernance de la métropole, c’est qu’un certain nombre de communes seront représentées, mais pas par leur majorité. Il faudra donc gérer ce paradoxe : des opposants, y compris parfois les plus extrêmes, participeront aux débats de la métropole, quand les maires en seront totalement exclus. Cette situation est d’autant plus surprenante que, encore une fois, les compétences de la métropole de Lyon seront importantes, tant pour la vie des communes et leur administration que pour l’ensemble de la population qui y réside.

Peut-être faudra-t-il que le Sénat se saisisse de la question à l’issue du rendez-vous électoral de 2020, en examinant les incidences de cette situation sur la vie démocratique et la place réellement donnée à chaque commune de la métropole dans les deux ou trois années qui suivront.

De façon collective et dans le respect de la liberté des collectivités territoriales, à laquelle nous sommes toutes et tous très attachés, nous devons, s’agissant d’un cas particulier – la métropole de Lyon –, faire preuve d’une vigilance particulière pour que, comme nous le souhaitons tous, la commune reste l’échelon de base de la démocratie ! (Mmes Mireille Jouve et Michèle Vullien applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est la deuxième fois en moins d’un mois que la métropole de Lyon s’invite dans les débats de cette illustre assemblée.

Début mai, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires, François-Noël Buffet, par un amendement relatif à la conférence métropolitaine, a déjà lancé un débat. Cet après-midi, nous allons débattre du statut spécifique de cette collectivité, à la faveur de la proposition de loi visant à permettre aux conseillers métropolitains de participer aux prochaines élections sénatoriales.

Ce texte corrige une lacune juridique : la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à statut particulier, dont, à partir de 2020, les conseillers pourront ne pas être conseillers municipaux, mais ces conseillers métropolitains, comme il a été rappelé, ne figurent pas dans le collège électoral pour l’élection des sénateurs du Rhône. Or tout justifie que ces élus participent aux futures élections sénatoriales.

D’accord pour combler cette lacune de droit, les sénateurs socialistes du Rhône ont cosigné la proposition de loi. Mon intervention pourrait donc s’arrêter là.

Toutefois, ce ne sera pas tout à fait le cas. Car cette omission bientôt corrigée ne doit pas masquer le problème de fond des institutions métropolitaines, celui de l’identité d’une métropole qui est actuellement dans une période transitoire.

Cette collectivité dispose d’une double compétence : celle d’une intercommunalité et celle d’un département. Son identité n’est pas achevée, et plusieurs modèles se profilent, comme l’ont souligné mes collègues Claude Raynal et Charles Guené dans leur rapport d’information. « Affaire d’hommes et de circonstances », encore inachevée, cette métropole pose aujourd’hui de nombreuses questions institutionnelles, dont deux me paraissent fondamentales : l’absence formelle des maires dans les futures institutions et l’absence des habitants à des échelons de proximité.

En mai dernier, Annie Guillemot et moi-même avons défendu plusieurs amendements visant à corriger cette absence des maires. Nous souhaitions renforcer le pouvoir d’avis de la conférence des maires, seule instance où ces derniers siègent en tant que tels. Nous voulions renforcer aussi le pouvoir de consultation des conférences territoriales, déclinaisons locales de la conférence des maires. Ces amendements ont été rejetés, au motif que leurs dispositions rigidifiaient l’exercice du mandat local et qu’il revenait à la collectivité territoriale de résoudre ces lacunes.

Nous avions tout de même obtenu le changement de nom du texte, afin de l’adapter à la métropole de Lyon, grâce à un amendement de Mme Annie Guillemot.

Cet après-midi, nous débattons de nouveau d’un sujet technique lié à cette institution originale. Ne serait-il pas temps de se poser la question d’un texte spécifique pour une métropole à statut spécifique ? Légiférons dans le cadre d’un grand texte général, et non par une accumulation de corrections techniques !

Cela nous donnerait l’occasion de nous interroger sur les conséquences en termes de gouvernance de ce statut particulier et de réfléchir ensemble à des questions aussi importantes que celle des échelons de proximité entre la métropole et ses habitants. Sans proximité, la métropole risque un destin proche de celui de l’Union européenne : s’éloigner in fine des habitants qu’elle est censée représenter, avec les conséquences électorales que cela peut provoquer.

Cette réflexion peut avoir lieu à l’occasion d’une future réforme de la décentralisation annoncée par le Président de la République ou plus tard, après une phase d’évaluation à l’issue du prochain mandat. Mais un texte de portée générale sur la métropole de Lyon fait défaut pour ce qui concerne le fonctionnement de cette dernière après 2020 et une éventuelle généralisation.

Je conclus en me félicitant de cette proposition de loi pour deux raisons.

Premièrement, ce texte met en lumière le rôle technique et précis du Sénat dans l’évaluation et l’amélioration de la loi.

Deuxièmement, il illustre l’esprit de consensus et d’intérêt général qui a prévalu et nous a conduits à le cosigner : nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, conjointement à la tenue des prochaines élections municipales, les électeurs du Grand Lyon seront amenés à élire, dans le cadre d’un scrutin distinct, leurs conseillers métropolitains.

Depuis le 1er janvier 2015, date de la création de la nouvelle collectivité territoriale à statut particulier dénommée « métropole de Lyon », ce sont les anciens conseillers de la communauté urbaine qui siègent toujours en son sein. Ces derniers, comme tous les conseillers communautaires de France, sont susceptibles d’être parties prenantes du corps électoral aux élections sénatoriales de par leur mandat communal, ayant été désignés dans le cadre d’un fléchage.

Or le prochain renouvellement des conseillers métropolitains lyonnais devant désormais se faire dans le cadre d’un scrutin supra-communal, il convient de permettre aux futurs élus d’être associés aux prochaines élections sénatoriales.

En effet, dans un avis de 2000, le Conseil Constitutionnel a rappelé que « toutes les catégories de collectivités territoriales doivent […] être représentées » au Sénat.

Aussi, le groupe du RDSE souscrit à la proposition de notre collègue Jean-Noël Buffet, laquelle répare une omission et permet une modification du collège électoral des sénateurs dans le département du Rhône.

L’occasion nous est donnée de revenir brièvement sur la perspective de cette élection au sein du Grand Lyon, qui conduira, pour la première fois à l’intérieur d’une métropole, à faire exercer des compétences pour partie précédemment communales par des élus qui ne seront plus nécessairement également des élus municipaux.

Le Sénat, de manière constante, a rappelé son attachement à ce que la commune demeure la cellule de base dans toute forme de coopération intercommunale. Ce lien ne saurait être rompu sans menacer la pérennité de la structure communale.

Le Sénat a également pris acte du fait que, en l’état des règles institutionnelles, il n’est pas possible de garantir une représentation de l’ensemble des communes concernées au sein d’une métropole ayant acquis le statut de collectivité territoriale.

Dès son élection, le Président de la République a fait part de son intention de voir reproduit le modèle lyonnais et de favoriser la fusion des compétences départementales et métropolitaines, au sein des périmètres métropolitains, dans le cadre de la création de nouvelles collectivités territoriales.

Lille, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Nice… : plusieurs tentatives de rapprochement ont été entreprises. Elles n’ont pas pu à ce jour faire l’objet de consensus locaux, comme cela avait été le cas à Lyon.

Les récents travaux de la commission des finances sur ces évolutions institutionnelles, en l’occurrence la fusion intervenue sur le territoire du Grand Lyon, ont conclu qu’une telle entreprise serait difficilement reproductible.

En effet, une large part de l’équilibre du modèle lyonnais réside notamment dans le fait que la dynamique économique et financière existant autour de l’aéroport Lyon-Saint Exupéry continue de profiter au département du Rhône. Une configuration différente aurait vraisemblablement entraîné un profond déséquilibre en termes de moyens et d’attractivité.

Un ultime projet de fusion demeure actif, celui de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Le Gouvernement souhaiterait le concrétiser sur l’ensemble du périmètre des Bouches-du-Rhône, écartant, notamment, ainsi le délicat sujet des ressources des territoires demeurant hors du périmètre métropolitain au sein d’un même département.

Là encore, si le projet aboutit – les élus bucco-rhodaniens attendent, monsieur le secrétaire d’État, avec une impatience désormais non dissimulée les propositions du Gouvernement –, il ne sera pas possible, en l’état du droit, d’assurer la représentation de l’intégralité des communes au sein de la future collectivité territoriale.

La nouvelle métropole marseillaise, comme c’est le cas à Lyon, s’emparera de compétences précédemment communales, qui affecteront largement l’action municipale. Mais toutes les communes ne pourront y être représentées ou, situation ubuesque, certaines pourraient l’être par des opposants aux maires en place.

Cet écueil appelle peut-être une évolution de nos règles institutionnelles. Si l’égalité des citoyens devant le suffrage est un principe à valeur constitutionnelle, la représentation de tous les territoires doit aussi être une préoccupation croissante au regard du creuset qui s’installe inexorablement entre les territoires urbains, périurbains et ruraux, une diversité de territoires que l’on serait susceptible de retrouver dans la future métropole marseillaise.

Au travers de la défense de l’échelon communal, le Sénat a toujours été soucieux de maintenir une véritable proximité, un lien physique avec nos concitoyens, et ce dans l’ensemble de nos territoires. Nous n’oublions pas que les Français veulent garder des élus « à portée d’engueulades » dans leurs communes, comme au Parlement d’ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – Mme Michèle Vullien et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Michèle Vullien. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi visant à corriger un vide juridique pour la collectivité à statut particulier qu’est la métropole de Lyon.

Tout d’abord, je souhaite remercier François-Noël Buffet de son initiative et de son association de tous les sénateurs du Rhône à sa démarche. Je remercie également Mme la rapporteure de nous avoir auditionnés.

Permettez-moi de poser le sujet en rappelant certains éléments, même si les orateurs précédents les ont évoqués.

En devenant le 1er janvier 2015 la première métropole à statut particulier de France et non plus un EPCI, la métropole de Lyon intégrait sur les cinquante-neuf communes de son territoire toutes les compétences du conseil départemental, tandis que le conseil départemental du Nouveau-Rhône voyait le jour pour le reste du département.

Le Rhône se divise désormais en deux entités administratives distinctes : la métropole et le conseil départemental.

De fait, les conseillers communautaires fléchés lors des élections municipales de 2014 ont obtenu, dans la nuit du 31 décembre 2014 au 1er janvier 2015, la double casquette de conseillers métropolitains et de conseillers départementaux.

En 2020, le mode de scrutin changera, comme cela a été évoqué : le fléchage disparaîtra au profit d’une élection métropolitaine au suffrage universel direct dissociée des élections municipales, même si le scrutin aura lieu le même jour, ce qui ne sera pas sans troubler les électeurs. Les citoyens éliront donc les maires des 59 communes et les 150 conseillers métropolitains répartis sur 14 nouvelles « circonscriptions Maptam » : celles-ci sont différentes des circonscriptions législatives ; elles sont liées au poids démographique, sans tenir compte des entités communales. Il est entendu qu’il n’y a pas nécessairement de lien entre les listes : aucune obligation, par exemple, pour un conseiller métropolitain d’être présent sur une liste municipale.

Dans le cadre de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, il convient d’ajuster le droit à notre spécificité, à savoir de faire des 150 conseillers métropolitains des grands électeurs lors des prochaines élections sénatoriales. Nous partageons tous, me semble-t-il, l’idée de ce nécessaire ajustement, et l’ensemble du groupe centriste votera en faveur de ce texte.

Permettez-moi, toutefois, de profiter de cette tribune pour remettre en perspective le volet démocratique de ce nouveau mode de scrutin, volet qu’il nous faudra corriger. J’aurais aimé le faire pour l’échéance de 2020, mais des événements malencontreux ne l’ont pas permis. Aussi, je persévère pour 2026.

Très simplement, il faut considérer que toutes les communes ne seront plus représentées au sein du conseil de la métropole. Pis encore, comme cela a été relevé, il est possible qu’un maire démocratiquement élu voie son opposant ayant perdu aux élections municipales, mais gagné aux élections métropolitaines siéger au conseil métropolitain et représenter sa commune. Avouons-le, cette situation sera assez incompréhensible pour les citoyens. Certains disent qu’il en est de même pour les élections départementales, à la nuance près que, dans notre cadre, les communes délèguent des compétences à la métropole comme un EPCI. Il est donc impossible de fait d’être le premier échelon de proximité sans siéger dans les organes délibérants.

La contrainte juridique est actuellement liée à la logique démographique et au fameux tunnel des plus ou moins 20 %. C’est ce point qu’il conviendra de modifier et qui pourrait être étudié lors de la prochaine révision constitutionnelle. Je vous donne donc rendez-vous, mes chers collègues, et j’espère que ce texte sera examiné par le Sénat le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous annonce que le scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé est clos.

Dans la suite des explications de vote sur la proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales, la parole est à M. Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à corriger une omission.

Créée par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la métropole de Lyon est une collectivité à statut particulier, qui exerce les compétences de l’ancienne communauté urbaine de Lyon, celles du département et certaines compétences des communes depuis le 1er janvier 2015.

Toutefois, l’ordonnance relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon n’a pas prévu que les 150 conseillers qui seront élus au suffrage universel direct à compter de 2020 participent aux élections sénatoriales. Or cette situation n’a pas été souhaitée par le législateur, qui n’a jamais exprimé sa volonté d’exclure les conseillers métropolitains du corps électoral des élections sénatoriales.

C’est pour remédier à cette erreur de coordination de l’ordonnance que la proposition de loi de notre collègue François-Noël Buffet autorise les 150 conseillers de la métropole de Lyon à participer aux élections sénatoriales dès le prochain renouvellement du Sénat, en 2020. Ainsi, après ajout des conseillers métropolitains, le nombre de grands électeurs dans le Rhône passerait de 3 500 à 3 650 personnes, soit une augmentation de 4,29 % – le nombre exact n’est pas connu à ce jour, car il faut attendre le dernier relevé de l’Insee.

Cette proposition de loi paraît pertinente, puisqu’elle vise à sécuriser les élections sénatoriales en levant un risque contentieux. Elle répond à un double enjeu.

En premier lieu, elle assure une certaine équité entre les conseillers métropolitains et les autres élus. En second lieu, elle respecte la jurisprudence constitutionnelle, qui exige que toutes les catégories d’élus locaux participent aux élections sénatoriales.

Je tiens à saluer, pour la qualité de ses travaux, la rapporteure, notre collègue Claudine Thomas, qui s’est interrogée sur un éventuel déséquilibre démographique entre la métropole de Lyon, d’une part, et le département du Nouveau-Rhône, d’autre part. Aux élections sénatoriales, un conseiller métropolitain représenterait 9 030 habitants, contre 17 208 habitants pour un conseiller départemental. La rapporteure nous a rassurés sur ce point, cette situation serait compatible avec la jurisprudence constitutionnelle.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi remédie opportunément à une lacune du code électoral et fait consensus entre les sénateurs du Rhône. Le groupe Les Indépendants la votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je préfère mettre fin au suspense tout de suite : nous voterons ce texte.

M. Alain Richard. On pourrait essayer d’être original, mais, franchement, il n’y a pas matière.

Cette proposition de loi procède au rattrapage d’une petite incohérence intervenue dans le cadre de l’ensemble des textes prévoyant la mise en place de la métropole de Lyon.

En effet – et c’était clair depuis le début ! –, le conseil métropolitain, comme partout ailleurs, exerce les missions d’un conseil départemental. En vertu du principe de représentation de l’ensemble des collectivités territoriales dans le collège sénatorial, les conseillers métropolitains auraient donc dû être qualifiés de grands électeurs sénatoriaux. D’ailleurs, lorsque notre collègue François-Noël Buffet a présenté cette proposition de loi, je me suis demandé s’il était nécessaire de légiférer tant il est évident que l’on aurait dû les considérer comme tels, en interprétant la loi. Mais la voie de la sécurité juridique prévaut : en matière électorale, il vaut toujours mieux mettre les points sur les i.

Aussi, cette proposition de loi apporte cette clarification. Son examen nous donne d’ailleurs l’occasion de constater que la métropole de Lyon est la seule collectivité qui soit à la fois départementale et intercommunale. En effet, elle exerce les fonctions d’une autre métropole élue par fléchage. À cet égard, j’en profite pour souligner – je rabâche ce message chaque fois que j’en ai l’occasion – que les uns comme les autres sont élus au suffrage universel direct. En revanche, les conseillers métropolitains sont élus au suffrage universel direct et supra-communal, sans avoir l’assurance que chacune des communes sera représentée au conseil. Certes, le nombre important de 150 conseillers minimise ce risque, mais c’est la première assemblée élue exerçant les missions de l’intercommunalité qui ne soit pas assurée de la représentation de chacune des communes.

Pour faire un bref rappel historique, lorsque la communauté urbaine de Lille a été créée par la loi en 1966, création accompagnée d’ailleurs d’un vacarme de protestations de tous les élus locaux, il avait alors été prévu que les petites communes y seraient représentées collectivement par certaines d’entre elles. Si le Conseil constitutionnel n’est jamais revenu sur ce sujet, c’est parce qu’il n’aurait pas été satisfait d’avoir à juger que la réforme mise en place en 1966 n’était pas tout à fait conforme à la Constitution.

Aujourd’hui, un établissement public de coopération intercommunale doit comprendre, me semble-t-il, un représentant de chaque commune, alors que le conseil métropolitain de Lyon est configuré différemment. Quoi qu’il en soit, je ne prolongerai pas mes explications, la proposition de loi est parfaitement argumentée et rédigée.

Comme vient de le relever à l’instant Alain Marc, le rapport nous a donné des indications sur la représentation démographique des différentes catégories d’élus, et c’est en effet tout à fait conforme aux principes énoncés par la jurisprudence constitutionnelle. Nous n’avons donc que des raisons de nous réjouir du dépôt de ce texte, auquel nous apporterons notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de faire part de quelques remerciements.

Mes premiers remerciements s’adressent à mes collègues du Rhône, Élisabeth Lamure, Catherine Di Folco, Michèle Vullien, Annie Guillemot, Michel Forissier et Gilbert-Luc Devinaz, qui ont cosigné ce texte, tant il nous paraissait évident qu’il s’agissait d’une question d’intérêt général et qu’il convenait de régler ce problème juridique, qui résulte d’un oubli.

Je remercie également la rapporteure, Claudine Thomas, qui a réalisé un travail essentiel pour éclairer la commission des lois et le Sénat sur les questions juridiques qui pouvaient se poser, voire sur des questions de représentativité. Le fait d’ajouter 4,2 % d’électeurs pour les élections sénatoriales du Rhône peut être accepté et ne pose pas de problème constitutionnel – c’est un élément important.

Je remercie aussi le Gouvernement, qui, dès le départ, me semble-t-il, a indiqué qu’il soutiendrait ce texte. (M. le secrétaire dÉtat opine.)

La métropole de Lyon comprend 1,4 million d’habitants, regroupe 59 communes et compte 162 élus, actuellement conseillers métropolitains, issus des élections de 2014.

La loi Maptam a introduit un élément nouveau : en 2020, le conseil de la métropole de Lyon sera élu au suffrage universel direct. Bien qu’ayant un statut particulier, il s’agit d’une collectivité territoriale, en vertu de l’article 72 de la Constitution, comme les communes, les départements et les régions. De ce fait, l’élection au suffrage universel direct s’applique.

Un certain nombre de collègues l’ont relevé, cette élection aura des conséquences sur notre façon de fonctionner dans la mesure où tous les maires ne seront pas forcément représentés au sein du conseil de la métropole. Telle est la règle du suffrage universel. La gouvernance devra sans doute en tenir compte pour créer les conditions d’un travail collaboratif assez large, en vue de faire en sorte que le système fonctionne. Peut-être que d’autres évolutions législatives seront nécessaires ou que d’autres ajustements apparaîtront évidents. J’espère que nous prendrons alors soin collectivement d’y procéder de telle sorte que ce territoire important fonctionne le mieux possible.

Pour vous donner un ordre d’idée, mes chers collègues, la métropole de Lyon a un budget de 3,5 milliards d’euros pour un peu moins de 1,4 million d’habitants. Sans vouloir me fâcher avec quiconque, à titre de comparaison, la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui compte un peu plus de 8 millions d’habitants, dispose à peu près du même budget. Vous voyez ce que représente la métropole de Lyon. Après l’Île-de-France, il s’agit évidemment d’un territoire extrêmement riche, au vrai sens du terme, au regard de ses diversités, mais aussi de ce qu’il représente dans notre région Auvergne-Rhône-Alpes et à l’échelon national.

Cette élection au suffrage universel direct donnera donc à ces élus un pouvoir beaucoup plus important et par conséquent une responsabilité plus grande encore. C’est pourquoi il convenait de corriger cet oubli.

Ainsi, les 150 prochains élus – on ne sait jamais si l’on sera réélu au sein de la collectivité – pourront participer aux élections sénatoriales, conséquence étant tirée de ce qu’est une collectivité locale et de ce que sera la métropole de Lyon à partir de 2020.

Je vous remercie toutes et tous du travail accompli et de cette belle unanimité qui devrait couronner les travaux de la Haute Assemblée cet après-midi. Nous nous retrouverons sans doute plus tard pour d’autres débats sur la métropole, mais contentons-nous pour l’heure de ce plaisir unanime. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales
 

8

Explications de vote sur l'ensemble (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Discussion générale (fin)

Organisation et transformation du système de santé

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Proclamation du résultat du scrutin public solennel

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 149 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 311
Pour l’adoption 219
Contre 92

Le Sénat a adopté, dans le texte de la commission, modifié, le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
 

9

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Discussion générale (suite)

Lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, présentée par M. Bruno Gilles et plusieurs de ses collègues (proposition n° 229, texte de la commission n° 536, rapport n° 535).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Gilles, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article 1er A (nouveau)

M. Bruno Gilles, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 mars dernier, nous examinions ma proposition de loi qui faisait suite au drame de la rue d’Aubagne à Marseille, drame qui a marqué durablement les esprits, tant il a cruellement endeuillé huit familles puis entraîné l’évacuation de plusieurs milliers de personnes.

Il a également donné un coup de projecteur sur la douloureuse réalité et l’étendue du phénomène du logement indigne en France dans les zones urbaines comme rurales.

Au risque de me répéter, le traitement de la question du logement insalubre doit être à la mesure du drame pour que plus jamais nous n’ayons à revivre cela. Aujourd’hui, il nous faut faire plus, plus vite et plus efficacement. Lutter contre l’habitat indigne est notre affaire à tous : il s’agit d’une priorité nationale.

Je suis très satisfait que le Sénat ait pu s’emparer de ce sujet, car, comme l’a constaté la commission des affaires économiques lors de ses déplacements, les élus, et les maires en particulier, sont très impliqués et engagés dans la lutte contre l’habitat insalubre. Ceux-ci sont pourtant trop souvent freinés dans leurs actions, empêchés dans d’autres cas, du fait de la complexité des procédures, de la diversité des autorités concernées et de l’enchevêtrement des compétences en matière de logement indigne. Il nous revient de lever les freins constatés pour que la lutte contre l’habitat insalubre soit plus rapide et plus efficace.

Je remercie la commission des affaires économiques du bon accueil fait aux propositions que j’ai exposées dans ce texte, examiné une première fois en mars dernier.

Vous avez souhaité, madame le rapporteur, prendre davantage de temps pour approfondir la réflexion sur les dispositifs que nous avions proposés au travers des neuf articles visant à renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales, accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et renforcer les sanctions à l’encontre des marchands de sommeil.

Les nombreuses visites de terrain, ainsi que les auditions auxquelles vous avez procédé à Montfermeil, à Marseille, dans la Somme, en Guadeloupe, en Martinique, pour ne citer que ces déplacements, ont permis d’appréhender très concrètement des situations multiples qui appelaient des réponses ciselées, des dispositifs les plus ajustés possible, sans pour autant pénaliser un secteur. Cela justifiait pleinement la motion tendant au renvoi du texte à la commission, qui a été votée le 5 mars dernier dans le but d’améliorer le texte, et à laquelle je souscrivais sans réserve.

S’il existe des freins législatifs au traitement du problème du logement insalubre – et nous allons essayer d’y remédier via ce texte justement amendé –, ils ne sont pas exclusifs.

Je compte, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour nous épauler et compléter ce qui doit l’être, afin de faire avancer rapidement la lutte contre l’habitat insalubre, et notamment d’accompagner en moyens humains, financiers et d’ingénierie ce chantier législatif majeur.

Les travaux de votre commission, madame la présidente, ont validé les principales orientations défendues par Mme le rapporteur à l’aune des observations collectées sur le terrain, observations que celle-ci nous présentera dans quelques instants.

L’une des dispositions que j’approuve pleinement est la mise en place d’une police spéciale du logement qui traitera, selon une procédure identique, l’ensemble des cas d’habitat dégradé, qu’il soit en péril, insalubre, indigne ou indécent. Il s’agit là d’une mesure de simplification de premier plan, qui contribuera assurément à accélérer les procédures en matière de traitement des logements dégradés : une catégorie unique d’habitat dégradé, un acteur unique pour traiter ces situations, une procédure unique.

Monsieur le ministre, j’espère que vous accéderez à notre demande d’anticiper sur les ordonnances prévues par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, afin de simplifier et d’harmoniser les polices administratives en matière de lutte contre l’habitat indigne. Leur entrée en vigueur à l’horizon de 2021 n’est en effet pas adaptée eu égard à l’urgence d’agir efficacement, objectif que nous partageons tous.

À ce stade, la commission, contrainte par l’article 40 de la Constitution, n’a pas pu donner une seule définition du logement indigne – qui aurait recouvert le logement en péril, le logement insalubre et le logement indécent. Cela aurait supposé que l’on désigne un seul acteur en charge de cette police du logement, ce qui implique des transferts de compétences entre l’État et les collectivités.

Le traitement des logements en péril et celui des logements insalubres demeureront donc distincts pour le moment : le maire continuera de prendre des arrêtés de péril et le préfet continuera de prendre des arrêtés d’insalubrité. Mais, dans les deux cas, ils devront suivre une procédure qui sera identique, et ce grâce aux travaux de la commission.

Le texte de la commission comporte des apports précieux, notamment en ce qui concerne les effets d’une interdiction définitive ou temporaire d’habiter les lieux et le choix des acteurs concernés après qu’une telle interdiction a été prononcée. La commission propose ainsi de rendre obligatoire la présence d’un syndic professionnel en cas d’arrêté de péril ou d’insalubrité.

Madame le rapporteur, vous dotez les collectivités locales de nouveaux pouvoirs pour lutter contre l’habitat indigne sans pour autant alourdir la procédure du permis de louer. Vous complétez notamment un dispositif que nous proposions et qui consiste à exproprier un propriétaire qui ne réaliserait pas les travaux prescrits par un arrêté de péril ou d’insalubrité, tout en donnant un droit de priorité aux collectivités territoriales qui souhaiteraient profiter du bien exproprié.

Vous accentuez les sanctions que nous proposions à l’encontre des marchands de sommeil et faites en sorte que les collectivités territoriales bénéficient du produit des amendes prononcées par le préfet pour non-respect des règles relatives au permis de louer.

Madame le rapporteur, vous appelez tous les acteurs à se mobiliser pour lutter contre l’habitat indigne. Je ne peux que partager pleinement cette volonté.

Il nous faut être à la fois inventifs et concrets dans les dispositifs que nous proposons, à l’image du parcours de rénovation énergétique performante de la ville de Montfermeil où je me suis rendu, moi aussi, en février dernier.

Il en va de même pour la politique de l’habitat à Marseille. Je souhaite que chaque projet de construction ou de réhabilitation d’immeuble, notamment en centre-ville, soit plus vertueux sur le plan énergétique et en lien avec son écosystème environnemental et sociétal.

La deuxième ville de France doit pouvoir se doter d’un projet urbain global plus dynamique. Cette volonté ne peut se concrétiser sans le concours de ses habitants et de ses commerçants, que nous devons associer et faire revenir, car ils font vivre le cœur de ville.

Parvenir à lutter contre la spirale négative de la dégradation du bâti et, par suite, des conditions de vie suppose une approche transversale et coordonnée des actions à mener : plan de sauvegarde, projet urbain, suivi des relogements, accompagnement social et, bien sûr, lutte contre l’habitat indigne.

Ainsi, et pour aller plus loin, on peut penser que la mise en œuvre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées serait susceptible d’apporter une aide massive aux petits propriétaires privés qui font face à la dévalorisation de leur immeuble et du quartier sans avoir les moyens financiers d’y remédier efficacement.

Plus largement encore, il serait opportun de créer une zone franche urbaine dans le centre de Marseille, afin d’impulser une nouvelle dynamique économique et sociale. Celle-ci prendrait la forme d’un double panel d’aides et de subventions cumulatives, afin que ce périmètre puisse renouer avec l’attractivité et la réussite économique.

Le retour de petites entreprises et du commerce de proximité contribuerait à la rénovation du centre-ville en engageant un processus de requalification des réseaux, de réhabilitation des devantures commerciales et des façades d’immeubles, de rénovation des locaux professionnels, associé à l’utilisation des nouveaux outils destinés à lutter contre l’habitat indigne.

Telles sont les prémices à l’instauration d’un cercle vertueux qui redonnera vie à des quartiers qui ont depuis trop longtemps le sentiment d’être oubliés.

Le Sénat, sur ces grandes questions, a pris ses responsabilités en inscrivant une nouvelle fois notre proposition de loi à l’ordre du jour.

J’espère que le Gouvernement formulera des propositions constructives et fera preuve d’esprit de dialogue pour que nous trouvions, de manière concertée, les dispositifs les plus pertinents pour lutter contre l’habitat indigne. Il faudra aussi que l’Assemblée nationale se saisisse du texte sans tarder.

C’est un combat commun que nous devons mener ensemble pour qu’il aboutisse rapidement, car c’est une vision de la dignité de l’homme que nous partageons assurément sur toutes les travées ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme la présidente de la commission et Mme le rapporteur applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, il y a sept mois, plusieurs immeubles s’effondraient rue d’Aubagne à Marseille entraînant la mort de huit personnes et obligeant plus d’un millier d’habitants à quitter leur logement. Cet événement dramatique nous faisait prendre conscience, s’il en était besoin, de la situation de l’habitat indigne dans l’ensemble de nos territoires, urbains comme ruraux.

La proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, déposée par notre collègue Bruno Gilles, nous a permis de revenir sur ce sujet – ô combien important ! – de l’habitat indigne. En mars dernier, nous avons décidé de prendre plus de temps pour approfondir l’examen de ce texte. Il s’agissait d’examiner d’autres dispositifs de prévention et de simplification des procédures en matière d’habitat indigne. Je remercie Bruno Gilles d’avoir compris le sens de notre démarche.

Nous avons cherché les moyens de lever les freins législatifs à une mise en œuvre efficace de cette politique. Le texte établi par la commission, que nous examinons ce soir, tient compte des observations recueillies lors de nos nombreux déplacements et auditions. Les principales orientations retenues par Bruno Gilles ont ainsi été confortées.

La commission a centré ses propositions autour de quatre axes.

La détection et la prévention de l’habitat indigne constituent un axe essentiel que l’on néglige bien trop souvent. Or c’est bien connu : « Mieux vaut prévenir que guérir. » Plus on intervient en amont, plus on limitera le nombre de logements indignes. La commission a ainsi créé un chapitre spécifique dans la proposition de loi qui comprend deux mesures.

La première concerne le diagnostic technique global, qui permet de faire un état des lieux de la copropriété. L’outil est intéressant à un double titre. Les copropriétaires bénéficient d’un bilan qui leur sert de base pour engager des travaux. Il s’agit également d’une source de données pour les élus. À Aubervilliers, nous avons vu des immeubles dont la façade est impeccable, mais dont l’intérieur est, en réalité, dans un état de dégradation avancée. Pour les élus, le diagnostic constituerait un outil utile pour repérer ces immeubles. C’est pourquoi la commission l’a rendu obligatoire pour les copropriétés de plus de quinze ans.

La seconde mesure concerne les syndics professionnels. Ils sont aux premières loges pour détecter les logements indignes. La commission leur a donné la possibilité de procéder à des signalements dans les cas d’habitat insalubre, dangereux et indécent, sans que l’on puisse leur opposer le principe de confidentialité des données.

Le deuxième axe est celui de la clarification, de la simplification et de l’accélération des procédures en matière d’habitat insalubre ou dangereux : il repose sur la création d’une police spéciale du logement.

La multiplication des polices n’est pas un gage d’efficacité et peut aussi être source de contentieux. Les événements dramatiques de Marseille nous ont rappelé l’urgence d’agir. Monsieur le ministre, le délai de dix-huit mois dont dispose le Gouvernement pour réformer ces polices par ordonnances est bien trop long. Nous devons arrêter de tergiverser !

C’est pourquoi la commission a décidé de revenir sur l’habilitation à légiférer et de modifier directement le droit en vigueur. Nous proposons de créer une police spéciale du logement qui traitera selon une procédure identique les diverses situations d’habitat dégradé. Cette police spéciale a vocation à traiter l’ensemble des cas, qu’il s’agisse de logements en péril, de logements insalubres ou indécents. Elle a vocation à être aux mains d’un seul acteur : le président de l’EPCI, ou le maire lorsque ce dernier souhaite conserver ses pouvoirs de police, l’État demeurant compétent en cas de carence. Enfin, cette police spéciale a vocation à suivre une procédure identique dans tous les cas.

Malheureusement, Bruno Gilles l’a rappelé, l’article 40 de la Constitution empêche tout transfert de compétences et nous empêche donc de proposer cette réforme dans sa globalité. C’est bien dommage. Je ne peux à ce stade que demander au ministre d’engager cette réforme dans les délais les plus brefs.

Le traitement des logements en péril et celui des logements insalubres demeurent donc distincts à ce stade. Le maire continuera de prendre des arrêtés de péril et le préfet continuera de prendre des arrêtés d’insalubrité. Mais, dans les deux cas, ils devront suivre une procédure qui, elle, sera identique.

Bruno Gilles a proposé d’améliorer deux étapes de la procédure : la phase d’instruction et la phase de relogement.

S’agissant de la phase d’instruction, la commission est allée dans son sens. Elle a donné un délai global de deux mois, à la fois pour visiter les locaux et transmettre le rapport à la personne concernée. Elle a également accéléré la phase de relogement en cas d’interdiction définitive d’habiter, tout en tenant compte du marché du logement. Aussi le délai maximal est-il fixé à six mois dans les zones tendues et à trois mois dans les zones non tendues.

Le dispositif devra certainement être amélioré. Il s’agit de la première pierre de l’édifice. Au Gouvernement, là encore, de démontrer sa volonté d’agir et d’apporter des modifications complémentaires.

Malgré leur volontarisme, les maires sont souvent désarmés, faute de disposer des outils adéquats. Bruno Gilles a proposé d’octroyer de nouveaux pouvoirs aux élus locaux pour mieux lutter contre l’habitat indigne. C’est le troisième axe de nos propositions.

Dans la continuité de la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, et de la loi ÉLAN, nous avons cherché à améliorer le régime juridique des permis de louer et de diviser. Bruno Gilles proposait que le silence gardé pendant deux mois vaille rejet de la demande. Les professionnels sont partagés et les effets de cette mesure sont incertains. C’est pourquoi la commission a proposé qu’une expérimentation soit menée au préalable avec les collectivités volontaires pour une durée de cinq ans.

Les communes peuvent être découragées face à l’ampleur de la tâche que représente l’instruction des permis de louer. La commission a décidé que le bailleur serait dispensé de cette procédure lorsqu’il a bénéficié, pour le bien concerné, d’un permis de louer depuis moins d’un an. Le bailleur devra cependant informer la collectivité de la mise en location du bien.

De nombreux élus sont confrontés à des propriétaires qui n’exécutent pas les travaux définis dans le cadre d’un arrêté de péril ou d’insalubrité. Dans certains cas, l’expropriation est pourtant la seule solution. La commission a fait sienne la proposition de Bruno Gilles de soumettre à la procédure dérogatoire d’expropriation les immeubles qui font l’objet d’une interdiction définitive d’habiter et dont le propriétaire n’a pas réalisé les travaux. Elle a néanmoins ajouté des critères pour rendre le dispositif recevable au regard du droit de propriété.

Les collectivités sont bien souvent à l’origine du signalement de l’insalubrité ou du péril. Elles sont mieux à même que l’État de valoriser et de gérer un bien exproprié sur leur territoire.

Mme Samia Ghali. Ça dépend !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Aussi la commission leur a-t-elle donné un droit de priorité pour bénéficier du bien en péril ou insalubre exproprié.

De même, la commission a jugé intéressante l’idée de mettre en place un droit de préemption adapté à la lutte contre l’habitat indigne. Elle n’a pu pas le faire, là encore, en raison du pouvoir limité du Parlement en matière d’initiative financière. C’est cela le parlementarisme rationalisé que l’on voudrait pourtant encore renforcer !

La commission a néanmoins proposé que le nom de l’acquéreur soit mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner, ce qui permettra aux collectivités d’avoir accès à des informations supplémentaires pour détecter d’éventuels marchands de sommeil.

Enfin, quatrième axe, la commission a approuvé le renforcement des sanctions contre les marchands de sommeil. Au regard des coûts induits par la mise en place des procédures de permis de louer et de diviser, la commission a estimé plus logique que ce soient les collectivités qui bénéficient du produit des amendes. En contrepartie, ces mêmes collectivités ne pourront prélever de frais pour le traitement des demandes du permis de louer.

Pour être efficace, toute modification de la législation, aussi opportune soit-elle, doit s’accompagner d’une mobilisation forte et coordonnée des pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre de cette politique et d’un déploiement de moyens humains et financiers en adéquation avec les besoins. Chacun en a bien conscience, la réponse aux difficultés rencontrées ne relève pas toujours du niveau législatif.

La lutte contre l’habitat indigne nécessite que les différents acteurs, collectivités territoriales comme État, se mobilisent fortement pour dépister l’habitat indigne, engager les procédures administratives appropriées et, surtout, assurer le suivi des mesures prescrites. Il s’agit d’une demande très forte des élus que nous avons rencontrés.

En effet, si le préfet ne prononce pas les sanctions en matière de permis de louer, si la justice ne poursuit pas les marchands de sommeil, si les directions départementales des finances publiques ne se retournent pas contre les propriétaires défaillants pour récupérer les sommes engagées par les élus au titre des travaux d’office, les pouvoirs publics perdent toute crédibilité en la matière.

Outre une mobilisation de l’ensemble des acteurs, la lutte contre l’habitat indigne suppose des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux.

De ce point de vue, le dispositif APL accession est un outil essentiel de la politique de lutte contre l’habitat indigne. Chacun a pu constater les effets dévastateurs de sa suppression sur les programmes de rénovation de l’habitat indigne, tout particulièrement en outre-mer.

Mais, au-delà des moyens financiers, il faut d’abord et avant tout convaincre les propriétaires de rénover leur bien, entretenir les toitures, protéger les murs extérieurs. Le parcours de rénovation énergétique performante – le PREP – est un outil intéressant à cet égard, qu’il faut bien sûr encourager.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d’adopter le texte tel que la commission l’a modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, monsieur le sénateur Gilles, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver, après que la commission a mené de nombreuses auditions et réalisé des travaux complémentaires pour enrichir le texte initial de la proposition de loi que nous avions examinée ici même il y a quelques mois.

Je veux tout d’abord saluer et remercier pour leur travail M. le sénateur Bruno Gilles, Mme le rapporteur, ainsi que l’ensemble des sénateurs de la commission des affaires économiques : ceux-ci ont réellement cherché à mettre en place des solutions efficaces pour prévenir et combattre le fléau de l’habitat indigne.

C’est le sens de l’action que je mène depuis deux ans avec le plan « Initiative copropriétés », la relance du programme de rénovation urbaine ou les améliorations apportées par le projet de loi ÉLAN, autant de sujets sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir.

Depuis le drame de la rue d’Aubagne qui a emporté plusieurs vies il y a quelques mois, nous avons eu l’occasion de travailler intensément et de manière collégiale sur cette question. Je suis retourné à de multiples reprises à Marseille pour rencontrer les habitants et accompagner les sinistrés, et pour m’assurer que tous les acteurs, services et opérateurs de l’État, collectivités, se mobilisent pour gérer les suites immédiates de l’effondrement des immeubles et les évacuations.

Les mesures d’urgence ont permis de reloger plus d’un millier de personnes sur les 2 700 habitants évacués. Les délais pour organiser ce relogement peuvent paraître trop longs à certains : je partage pleinement cette impatience que je sais être également la vôtre. Mais, grâce à l’action des services locaux de l’État, grâce à la mobilisation de mon ministère, et avec les collectivités, toutes les solutions de relogement sont explorées, que ce soit chez les bailleurs sociaux, au sein du parc privé en centre-ville ou dans les bâtiments de l’État, notamment la caserne du Muy à proximité du centre-ville.

Nous allons bientôt finaliser avec la métropole et la ville de Marseille de nouveaux outils qui permettront d’accélérer la rénovation du centre-ville. Je pense à cette société de portage que nous cofinancerons – l’État entrera à son capital – ou à la mise en place d’un plan partenarial que nous développerons localement.

Parallèlement à ces mesures, la garde des sceaux et moi-même nous sommes beaucoup impliqués dans la lutte contre l’habitat indigne : nous avons signé, le 8 février dernier, une circulaire très importante, qui commence à produire ses effets, dans la droite ligne des dispositions que vous avez adoptées dans le cadre de la loi ÉLAN.

Sur le plan pénal, par exemple, la circulaire insiste sur le renforcement de la collaboration entre les services instructeurs et les parquets. Et les résultats sont là : dernièrement, sept condamnations ont été prononcées dans le département de la Seine-Saint-Denis, ce qui a entraîné la confiscation d’immeubles, conformément à l’une des mesures que vous aviez votée dans le cadre de la loi ÉLAN.

Pour donner davantage de moyens aux collectivités et leur faciliter la réalisation des travaux d’office, l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH a, à ma demande, porté de 50 % à 100 % la subvention qu’elle accorde cette année aux collectivités dans les six départements retenus pour une mise en œuvre accélérée du plan de lutte contre l’habitat insalubre que je défends, à savoir les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, l’Essonne, le Nord, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.

Cette subvention est une mesure importante. Par exemple, le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne – le PDLHI – de la Seine-Saint-Denis a identifié un besoin de 3 millions d’euros de travaux d’office. Dans votre département des Alpes-Maritimes, madame le rapporteur, ce sont également plusieurs logements qui ont d’ores et déjà bénéficié d’une disposition qui permet d’engager très rapidement ces travaux d’office.

Enfin, j’ai demandé aux préfets de faire part de leurs propositions dans des plans départementaux de lutte contre l’habitat indigne. Je leur ai demandé de livrer des objectifs chiffrés, discutés avec les élus locaux, par exemple sur le nombre d’arrêtés à prendre, sur le nombre de bâtiments évalués comme indignes, insalubres ou indécents. L’objectif est de pouvoir piloter une politique efficace.

Le Gouvernement continuera à travailler dans ce sens et je peux vous assurer que je reste très attentif à toutes les propositions susceptibles d’améliorer encore les dispositifs existants, conformément à la position que j’ai toujours adoptée en matière de lutte contre ce fléau que constitue l’habitat indigne. Sachez-le, c’est vraiment avec cet état d’esprit que j’aborde les discussions qui se dérouleront ce soir sur ce texte.

D’autres propositions ont été formulées, notamment par un certain nombre de vos collègues députés de tous bords politiques, qu’il s’agisse de Stéphane Peu ou de députés de la majorité présidentielle. Je pense aussi au député Guillaume Vuilletet qui finalise actuellement ses recommandations dans le cadre d’une mission préparatoire à l’élaboration des ordonnances prévues par la loi ÉLAN.

Votre proposition de loi, monsieur le sénateur, vise à introduire de nouvelles dispositions très importantes : vous voulez renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales, accélérer les réponses aux situations d’insalubrité – les délais sont évidemment encore trop longs sur le territoire ! – ou encore renforcer l’efficacité des sanctions.

Sous l’égide de Mme le rapporteur, cette proposition de loi s’est enrichie d’ajouts essentiels : la commission propose des mesures en matière de détection et de prévention de la dégradation des logements, des mesures pour donner davantage de moyens aux collectivités ou encore des mesures de simplification des procédures.

Je voudrais vraiment le dire avec force : beaucoup de ces mesures vont dans le bon sens. Par exemple, les collectivités territoriales doivent être encore davantage soutenues dans leur mission de détection. Il est nécessaire d’augmenter le montant des amendes en cas de manquement à l’obligation de déclaration ou d’autorisation préalable à la location et de faire en sorte que ces sommes soient affectées aux collectivités locales, dans l’esprit des dispositions que vous avez adoptées dans le cadre de la loi ÉLAN.

Depuis le mois de février, les astreintes ordonnées par une police, qu’elle soit municipale ou spéciale, dans le cadre de l’identification de logements indignes ou insalubres, ne sont plus versées au budget de l’État – c’était une hérésie ! –, mais directement aux collectivités locales pour leur permettre de renforcer leur action. C’est bien mieux ainsi et cela contribue à créer un cercle tout à fait vertueux.

Autre exemple, la détection est améliorée dans cette proposition de loi, grâce à la possibilité offerte aux syndics de signaler au maire les cas d’habitats insalubres, dangereux et non décents. Cette mesure, introduite en commission par vous-même, madame le rapporteur, constitue de nouveau une avancée par rapport à la loi ÉLAN, laquelle donnait obligation à certains acteurs – je pense, par exemple, aux agences immobilières – de dénoncer les marchands de sommeil dont ils avaient connaissance.

Je ne peux qu’adhérer, évidemment, à l’accélération des réponses apportées aux situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles, aux tentatives pour améliorer le permis de louer, au renforcement des actions menées à l’encontre des marchands de sommeil. Je partage l’ensemble de ces objectifs et c’est dans cet état d’esprit, me semble-t-il, que nous avons travaillé collégialement depuis maintenant de longs mois.

Eu égard à tous ces points, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée s’agissant de l’adoption de ce texte, et je voudrais expliquer les raisons de cette position.

De nombreuses mesures contenues dans cette proposition de loi vont dans le bon sens, mais il me semble que celle-ci peut encore être enrichie, notamment par les travaux que j’ai demandés au niveau de l’Assemblée nationale. Je pense en particulier au rapport du député Guillaume Vuilletet, que je n’ai pas encore reçu.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous non plus !

M. Julien Denormandie, ministre. Cela tombe plutôt bien, donc !

En tout cas, ce sont des éléments nouveaux qui seront apportés, susceptibles d’enrichir le texte en améliorant, confortant, étayant, corrigeant certaines mesures.

Par ailleurs, je porte une attention particulière à certaines dispositions du texte, qui me semblent appeler des précisions.

Ainsi, madame le rapporteur, vous orientez vos travaux dans le sens d’une procédure identique pour l’habitat insalubre ou dangereux – une procédure d’expropriation simplifiée –, mais, comme vous l’avez vous-même indiqué, l’application de l’article 40 de la Constitution ne vous a pas permis d’aller au bout de la démarche de simplification des acteurs. La fusion des polices est donc aujourd’hui partielle dans le texte. Or c’est l’un des éléments clés du rapport de Guillaume Vuilletet, dont la mission, je le rappelle, s’inscrit dans le cadre d’une habilitation à légiférer par ordonnances octroyée au Gouvernement par les parlementaires lors de l’examen de la loi ÉLAN.

De même, concernant la possibilité donnée aux associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile en les autorisant à saisir la justice, j’ai pour ma part une interrogation de fond : ces associations peuvent-elles agir sans l’accord des personnes vivant dans les habitations concernées ? Cet accord me paraît souhaitable, même si je comprends les raisons pour lesquelles vous avez retenu l’autre option. Effectivement, les personnes vivant sous l’emprise des marchands de sommeil sont vraiment à leur merci et, parfois, il faut pouvoir les accompagner.

L’amélioration apportée à la procédure du permis de louer, en dispensant le bailleur de demander un permis lorsqu’il a déjà obtenu une autorisation moins d’un an auparavant, facilitera véritablement la tâche des collectivités et fluidifiera le marché. C’est une très bonne mesure. Nous aurons des motifs de débats – des amendements ont été déposés sur la question de la durée –, mais cela va vraiment dans le bon sens.

Le rétablissement du principe de gratuité, censuré dans la loi ÉLAN, est également une bonne mesure. Toutefois, je n’étais pas favorable à la transformation de la procédure actuelle d’accord tacite de la collectivité au bout d’un mois de silence en un refus tacite au bout de deux mois de silence ; je suis donc défavorable à l’expérimentation proposée. Vous reconnaîtrez là, mesdames, messieurs les sénateurs, une certaine cohérence dans ma position et il est important d’avoir de la cohérence en politique.

S’agissant de l’obligation de diagnostic pour les copropriétés de plus de quinze ans, si je souscris à l’objectif de prévention, je pense que ce sujet doit être traité dans le cadre de la réforme de la copropriété. Dans la loi ÉLAN, une habilitation à légiférer par ordonnance a été adoptée pour créer un code de la copropriété ; c’est plutôt dans ce texte que la mesure devrait figurer, car nous voulons avoir une approche globale de tous les éléments devant être demandés dans le cadre d’une gestion de copropriété : plans pluriannuels de prévention, d’amélioration, d’investissement, etc.

Enfin, le caractère opérationnel de la réduction de la durée maximale d’habitation d’un immeuble déclaré irrémédiablement insalubre et du délai imparti pour qu’un agent se rende sur place et établisse son rapport, une fois l’administration saisie d’une demande tendant à prescrire des mesures pour faire cesser des situations de danger ou d’insalubrité, n’est pas forcément évident à mes yeux. La mesure est tout à fait louable ; elle va parfaitement dans le bon sens… Mais est-elle applicable sur le terrain ? Ne va-t-on pas aggraver la thrombose du système ?

Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, j’interviendrai avec beaucoup de conviction sur les différents amendements exposés ce soir. Ce débat, me semble-t-il, dépasse tous les clivages politiques, car il est question de lutter contre ce fléau de l’habitat indigne, qui, ne l’oublions jamais, – et je pense en particulier à l’activité des marchands de sommeil – est en augmentation dans notre pays.

Nous avons, collégialement, la responsabilité de prendre toutes les mesures fortes pour lutter contre ce fléau. Les événements tragiques de Marseille, rappelés à plusieurs reprises, montrent à quel point c’est nécessaire !

Je voudrais donc, une nouvelle fois, vous remercier, souligner que de nombreuses mesures vont dans le bon sens et réitérer mon avis de sagesse. Au-delà de certaines divergences dans nos positions, que j’ai résumées, ce texte peut être renforcé via le travail que j’ai confié à d’autres parlementaires à la suite de l’adoption de la loi ÉLAN.

C’est dans cet état d’esprit que j’aborde la présente discussion. Je suis certain que nos débats seront extrêmement riches et passionnants, et qu’ils serviront à nos concitoyens, notamment aux plus précaires d’entre eux, qui subissent le fléau de l’habitat indigne – une situation aujourd’hui inacceptable dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot.

Mme Annie Guillemot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 mars dernier, nous avons examiné la proposition de loi de Bruno Gilles et, considérant qu’elle pouvait être complétée, nous l’avons renvoyée en commission. Il est vrai que le drame de Marseille avait révélé l’urgence de mesures adaptées et rapidement applicables, car la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux concerne tous nos territoires, avec près de 600 000 logements entrant dans cette catégorie. Plus de 1 million de personnes restent dans des logements « qui menacent leur santé et leur sécurité », dont 50 % de propriétaires pauvres incapables de réaliser des travaux de rénovation.

Contextualiser la question de l’habitat insalubre renvoie à la politique du logement. Or le Gouvernement, malheureusement, persiste à ne pas écouter les alertes répétées. Alors que la reprise était engagée pour atteindre en 2017 le seuil des 500 000 logements construits, dont près d’un tiers de logements sociaux, les résultats se sont dégradés très rapidement, poussant même tous les acteurs – l’Union sociale pour l’habitat ou USH, les associations d’élus, la Fédération française du bâtiment – à lui adresser un appel commun. Dans celui-ci, ils précisent : « Nous sommes collectivement très inquiets face à la crise du logement qui risque de s’aggraver. »

Ce qui s’est produit, ce n’est pas le choc de l’offre tant annoncé, mais ce que nous redoutions : la baisse des permis de construire et des mises en chantier. Et les perspectives sont peu encourageantes, avec une réduction de 11 % des ventes en neuf dans l’individuel diffus et une production de logements sociaux pouvant chuter à 65 000 par an, contre plus de 100 000 aujourd’hui. On semble y aller tout droit !

Les raisons de ce revirement, nous les connaissons, à commencer par l’explosion du coût du foncier – il faut une politique foncière. S’y ajoutent une réduction drastique des ressources du logement social – la clause de revoyure ne nous satisfait pas –, une stratégie de vente massive du patrimoine HLM, une hausse des loyers, une précarisation accrue des publics les plus fragiles, la suppression de l’APL accession, sur laquelle nous reviendrons, le relèvement du taux de TVA à 10 % pour les opérations de construction de logements sociaux et le désengagement de l’État des aides à la pierre.

Dans nos rencontres, les associations et les acteurs du logement nous ont également fait part de leurs craintes quant à la mise en application de la loi ÉLAN, par exemple, monsieur le ministre, sur l’obligation d’installer un ascenseur au-delà de deux étages. Des dérogations seront-elles possibles ? Nous avons été alertés sur ce point.

S’agissant du logement évolutif – puisque l’objectif de logements accessibles est passé de 100 % à 20 % –, je voudrais insister sur la nécessité de supprimer les ressauts de douche. Pas question de tergiverser entre 2 ou 4 centimètres, monsieur le ministre ; ce sont des douches à l’italienne qu’il faut pour toutes les personnes en situation de handicap ou vieillissantes ! Cette exigence doit être formulée par tous, pas seulement par les associations.

De nos rencontres sur le terrain remonte aussi une information concernant la pression accrue que des propriétaires indélicats exercent contre leurs victimes pour faire respecter une loi du silence, assortie de menaces et de violences. D’où nos différentes propositions : établir une présomption de bonne foi de l’occupant victime de violences, afin, notamment, de lui permettre de conserver son droit au relogement et de limiter le risque de relogement dans un autre logement insalubre ; prévoir que le propriétaire fera deux offres de relogement, au lieu d’une ; passer l’indemnité représentative des frais de relogement d’un an à dix-huit mois de loyer.

La prévention de l’habitat dégradé est indispensable. Elle implique des outils de veille pour éviter d’en arriver à des situations irréversibles. Nous persistons à penser qu’il doit y avoir un comité de suivi et de veille des ventes de logements sociaux associant les parlementaires. C’est une mesure essentielle en termes de prévention, de même que le rétablissement de l’APL accession.

Clarification et simplification, notamment des polices, participent aussi de cette efficacité. Mais, alors que l’on attendait plutôt le Gouvernement sur le sujet, c’est Mme le rapporteur Dominique Estrosi Sassone qui a réalisé cet énorme travail ! La création d’une police spéciale consacrée au logement insalubre avec une autorité unique qui respecte la responsabilité des maires, comme la reprise par Mme le rapporteur de notre amendement tendant à rectifier la situation de l’occupant d’un bien présentant un danger grave et immédiat, ainsi que l’obligation faite au maire de saisir le tribunal d’instance pour qu’un syndic professionnel soit désigné sous un mois vont dans le bon sens.

Comme le soulignait la présidente Sophie Primas, cette lutte nécessite une coordination entre pouvoirs publics sur le terrain et des moyens financiers suffisants ; à défaut, c’est leur crédibilité qui est en jeu, comme en témoignent les conséquences de la suppression de l’APL accession, notamment en outre-mer.

Ma collègue Catherine Conconne y reviendra, car l’habitat indigne est une problématique touchant durement les outre-mer. Dans les départements d’outre-mer, 13 % des logements sont jugés insalubres, soit dix fois plus qu’au niveau national ! L’habitat informel y est très développé, avec des taux de pauvreté oscillant entre 19 % en Guadeloupe et 44 % en Guyane !

Cette lutte passe, enfin, par le renforcement de la lutte contre les marchands de sommeil. Les collectivités territoriales doivent effectivement bénéficier des produits des amendes et les associations de lutte contre l’habitat indigne pouvoir agir en justice. Il est anormal que les maires se substituent en proposant trois offres, alors que les marchands de sommeil ne doivent en faire qu’une, fréquemment dans un lieu où personne ne veut aller ! J’ajoute, comme le rappelait Marc Daunis, qu’il est souhaitable que nous trouvions un point d’équilibre pour l’affectation des biens confisqués aux marchands de sommeil, regrettant que notre amendement visant à réaffecter ces biens au logement social ait été frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.

Nous souhaitons vraiment que toutes les mesures que nous allons voter ce soir soient mises en application rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame de Marseille n’est que la partie visible d’un mal que nous ne parvenons pas à éradiquer, malgré la volonté des législateurs, des collectivités locales, des associations et de tous les acteurs participant à la lutte contre l’habitat insalubre et en péril. Il doit marquer un tournant dans notre façon de traiter le logement indigne.

Cela semble être le cas, puisque le nombre d’arrêtés de péril a récemment connu une accélération et que certaines collectivités territoriales se sont pleinement engagées dans les limites de leurs moyens. L’État se doit de les accompagner.

La situation de nombreux ménages, qu’il est complexe de détecter, emporte des conséquences graves et irréversibles sur l’ensemble de leurs conditions d’existence, notamment sur leur santé et, en particulier, celle des enfants.

L’habitat dégradé recouvre plusieurs réalités : des propriétaires – occupants ou bailleurs – qui ne peuvent pas se permettre de rénover leur bien ou méconnaissent les aides auxquelles ils ont droit jusqu’aux marchands de sommeil qui font fortune en exploitant la vulnérabilité des occupants. La problématique n’est pas simplement urbaine ; elle est présente, tout aussi bien, dans nos territoires ruraux.

Comme pour tout investissement, les propriétaires doivent pleinement assumer les risques attachés aux avantages auxquels ils ont accès.

Ainsi, un propriétaire bailleur ne saurait, à notre sens, invoquer des circonstances atténuantes lorsqu’il met en location un habitat insalubre ou en péril. L’argument relatif au manque de moyens ne peut, dans ce cas, tout justifier. Rappelons-le, les propriétaires peuvent bénéficier des aides de l’ANAH ; en dernier recours, ils peuvent vendre le bien.

Pourtant, l’arsenal répressif n’a cessé de s’étoffer.

La loi ÉLAN du 23 novembre 2018 reflète la volonté du Gouvernement d’aller plus loin, en complétant les peines complémentaires obligatoires, avec la confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction et l’interdiction d’acheter un bien immobilier à d’autres fins que l’occupation personnelle pour une durée maximale de dix ans. Elle atteint ainsi le patrimoine du marchand de sommeil, afin qu’il n’en use plus aux mêmes fins.

Le nouveau cas d’expropriation selon la procédure simplifiée pour les logements faisant l’objet d’une interdiction temporaire d’habiter, proposé par l’auteur de la proposition de loi, va également dans ce sens.

Plus d’une vingtaine de comportements sont réprimés en matière d’habitat indigne au titre du code pénal, du code de la santé publique et du code de la construction et de l’habitation.

Faut-il encore renforcer la palette d’outils pour lutter contre les marchands de sommeil ? Pour la dissuasion, certainement. Mais un arsenal répressif non appliqué ne peut aucunement être dissuasif ! La faiblesse du nombre de condamnations est ainsi affligeante. Les peines d’emprisonnement restent très rares, et l’on peut presque parler d’une totale impunité.

Le législateur en est contraint à empiler les mesures, à faire évoluer le droit pour tenter de remédier à la situation, au détriment de son intelligibilité, donc de son efficacité. J’espère que la circulaire du 8 février 2019 relative au renforcement et à la coordination de la lutte contre l’habitat indigne, circulaire à destination des magistrats, marquera une évolution dans les condamnations.

Ainsi, cette politique, comme bien d’autres, est victime de sa complexité. Le travail de notre rapporteur, que je tiens à féliciter, apporte une harmonisation bienvenue des procédures relatives à l’habitat insalubre et en péril, quelle que soit l’autorité compétente. Dominique Estrosi Sassone a, à ce titre, exercé autant qu’elle le pouvait un droit d’amendement de plus en plus limité par les nombreuses irrecevabilités.

Pour leur part, certaines collectivités ont décidé de s’approprier l’ensemble des outils qui sont à leur disposition, notamment le permis de louer et le permis de diviser. Faut-il les généraliser ? Nous le savons, des propriétaires, que je qualifierai, par euphémisme, d’« indélicats », exercent une activité souvent dissimulée. Le renforcement des sanctions pour non-respect de ces dispositifs, prévu par la proposition de loi, est donc une bonne chose.

Outre le manque de moyens humains et financiers, comment détecter les situations d’habitat indigne ?

Les occupants n’osent pas dénoncer, connaissant les difficultés rencontrées pour se reloger, et les visites à domicile peuvent être vécues comme des atteintes à leur intimité. Ils préfèrent, dès lors, attendre de pouvoir changer de logement plutôt que de réclamer des travaux.

Nous devons donc réfléchir à l’amélioration des signalements. C’est ce que nous avons tenté de faire, au travers de nos amendements.

Les biens dégradés doivent faire l’objet d’un suivi constant, avec données enregistrées. L’immeuble du 65 de la rue d’Aubagne à Marseille avait été signalé, semble-t-il, depuis 1953…

Bien que sa finalité soit tout autre, la mise en place du carnet numérique du logement dans l’ancien en 2025 participera à cette meilleure connaissance de l’habitat indigne.

Le décret du 22 mai 2019 exigeant la vérification d’une éventuelle condamnation des acquéreurs sur les ventes aux enchères n’est pas suffisant. En effet, au regard du faible nombre de condamnations, la portée de cette mesure sera de fait assez réduite.

Monsieur le ministre, la crise du logement alimente directement l’habitat dégradé. Certains propriétaires occupants, une fois le bien immobilier acheté, ne peuvent plus se permettre ni de le rénover ni d’en améliorer la performance énergétique. Le reste à charge est encore élevé.

La hausse des loyers et les délais d’attente pour obtenir un logement social dans les zones tendues offrent des conditions idéales aux marchands de sommeil, dont certains ont l’impression de rendre service à leurs locataires !

La concentration des activités dans les métropoles avec des zones où il est impossible de se loger, d’un côté, le déclin des centres-villes et des villages ruraux dévitalisés avec des logements vacants, de l’autre, traduisent l’abandon de la politique d’aménagement du territoire de ces trente dernières années.

Si la présente proposition de loi ne peut prétendre apporter une solution pérenne, elle permettra, à tout le moins, d’offrir une réponse aux collectivités volontaristes. Le groupe du RDSE, par conséquent, la soutiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nouvel examen de la proposition de loi de notre collègue Bruno Gilles, après le drame de Marseille et plusieurs mois de travaux importants de la commission des affaires économiques, constitue un signal positif dans le traitement de l’habitat insalubre et dangereux.

Les plaies immobilières sont malheureusement de plus en plus nombreuses, et les logements de ce type sont avant tout des pièges pour la santé, voire la vie des habitants contraints d’y rester.

Le traitement de ces plaies prend trop de temps, car notre loi est trop faible. Les causes de ces délais sont l’impécuniosité des propriétaires, les biens en déshérence, les syndics défaillants, les procédures trop longues et trop complexes, les difficultés à se substituer aux propriétaires…

La présente proposition de loi, dont l’ambition a été relevée par Mme le rapporteur, répond à toutes ces attentes.

Si l’on demande aux collectivités locales d’en faire toujours plus dans ce domaine – permis de louer, permis de diviser, recrutement d’agents pour aller vérifier la salubrité des appartements, etc. –, tout cela suppose des moyens ! C’est pourquoi je me réjouis que la commission des affaires économiques ait accepté d’intégrer à son texte l’amendement que j’avais déjà déposé lors de la première lecture de la proposition de loi : il s’agit de rendre les travaux relatifs à l’habitat en péril éligibles à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.

Dans les plus petites communes, il arrive que des propriétaires laissent leur maison à l’abandon pour des raisons diverses – indivisions, éloignement, manque de moyens.

Lorsque le maire a connaissance de désordres affectant un logement susceptible de provoquer un danger pour la sécurité des occupants ou des riverains, il notifie au propriétaire la procédure de péril. Cependant, lorsque le propriétaire est défaillant, la commune n’a que très rarement les moyens de s’y substituer ; dans certains cas, elle peut compter sur l’accompagnement de l’ANAH, mais celui-ci se limite aux immeubles à usage de logement.

Faute de certitude en matière de recouvrement des dépenses, les maires hésitent donc parfois à engager les procédures nécessaires pour mettre fin aux situations de péril.

Le recours à la DETR serait un outil supplémentaire, particulièrement utile en milieu rural. L’État ne doit pas fermer les yeux sur la détérioration de ces logements. Il doit être cohérent et allouer les moyens nécessaires.

En conclusion, le groupe Union centriste votera en faveur de cette proposition de loi, telle que remaniée. Il serait bon néanmoins, monsieur le ministre, que des mesures d’ordre budgétaire puissent accompagner la prévention de l’habitat insalubre et, donc, la rénovation des logements. Sans moyens et sans prévention, nous ne ferons que « courir » après l’insalubrité, sans la combattre.

Je laisse ma collègue Nadia Sollogoub compléter utilement mes propos dans quelques minutes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Anne Chain-Larché et M. Marc Laménie se joignent à ces applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite en préambule saluer le travail de fond considérable que notre collègue rapporteur Dominique Estrosi Sassone et l’ensemble de la commission des affaires économiques, présidée par Sophie Primas, ont réalisé sur ce texte. Ce travail a permis d’étoffer et de compléter de façon pertinente la proposition de loi initiale de notre collègue Bruno Gilles.

Certes, cela ne résout pas tout, mais, au moins, cela a le mérite de mettre sur la table des questions depuis trop longtemps restées sans réponse concrète.

La lutte contre le logement insalubre est un sujet complexe aux facteurs multiples, un sujet nécessitant une analyse en profondeur pour trouver des solutions adaptées aux spécificités de chaque situation et de chaque territoire.

Bien sûr, les enjeux du logement insalubre en zone urbaine ne sont pas les mêmes que dans les zones rurales.

Dans ma région, les Hauts-de-France, pour des raisons historiques et économiques, on compte un nombre élevé de logements indignes, occupés par une population en grande précarité.

Selon un récent rapport de la Fondation Abbé Pierre, 200 000 logements du parc privé y sont considérés comme potentiellement indignes. C’est beaucoup trop !

Je voudrais d’ailleurs saluer l’action de toutes les associations s’engageant au quotidien pour accompagner et aider ces foyers modestes. Ces associations réalisent un travail formidable, qu’il convient de reconnaître, accompagnant bien souvent les collectivités engagées sur le sujet.

Je l’avais déjà évoqué lors de nos discussions en février dernier, le volet préventif doit être traité avec la même importance que le volet répressif.

En ce sens, je me félicite du rapport qui complète utilement la proposition de loi, avec plusieurs mesures permettant de mieux anticiper les situations de logement insalubre.

Concernant le diagnostic technique global, je considère toutefois que le délai proposé est trop court. C’est pourquoi, mes chers collègues, je proposerai un amendement tendant à le rendre obligatoire pour les copropriétés de plus de vingt ans.

Les dispositions visant à clarifier, simplifier et accélérer les procédures en matière de traitement de l’habitat insalubre ou dangereux vont également dans le bon sens.

Il faut que cela soit complété et cohérent avec les mesures à venir du Gouvernement. Il faut aussi bien s’interroger sur l’autorité la plus compétente pour exercer le pouvoir de police du logement : la réponse pourra être différente selon les territoires.

Le renforcement des sanctions proposé est une bonne chose. Il est pertinent qu’il soit accompagné de contrôles plus fréquents, de délais de procédure plus courts et de moyens humains et financiers appropriés.

La prévention et la sanction sont deux éléments clés pour lutter contre le logement insalubre.

Il faut aussi comprendre pourquoi les travaux de rénovation n’ont pas été réalisés. Les sanctions s’imposent si l’on fait face à des marchands de sommeil mal intentionnés, profitant de situations fragiles, ce que la loi ÉLAN envisageait de faire. Dans le cas de propriétaires occupants, il faut veiller à les accompagner au mieux, financièrement et administrativement, dans les travaux à réaliser. De nombreux dispositifs existent, encore faut-il qu’ils soient efficaces et connus !

L’Agence nationale de l’habitat joue un rôle essentiel en la matière. Dans le cadre de son programme « Habiter mieux », auquel plus de 530 000 propriétaires occupants sont éligibles, plus de 6 800 logements ont été rénovés en 2018, avec 62 millions d’euros d’aides distribuées. Le Gouvernement doit lui affecter des moyens à la hauteur des enjeux et mieux communiquer sur ces soutiens financiers.

Le rôle des collectivités territoriales est primordial dans la lutte contre l’habitat indigne. Sous l’égide de grands principes ou de politiques nationales et avec l’appui d’administrations et d’agences, les agglomérations et les communes mettent en place les actions concrètes sur le terrain. C’est une prise de conscience générale que nous devons saluer en matière de lutte contre l’habitat indigne.

Que ce soit à Roubaix, Saint-Omer, Amiens, Dunkerque ou Lille, je sais que les collectivités des Hauts-de-France innovent et expérimentent sur ce sujet, avec la mise en place de permis de louer, de permis de diviser ou l’intervention d’inspecteurs de salubrité, par exemple. Toutes ces initiatives doivent être soutenues et étendues dans tous nos territoires urbains et ruraux. Le renforcement du rôle des collectivités exige de leur donner les moyens nécessaires et un cadre légal leur offrant des outils pertinents pour agir.

Le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi, qui apporte une contribution certaine aux travaux menés pour trouver, avec l’ensemble des acteurs concernés, les meilleurs moyens de lutter contre le logement insalubre.

Le droit à un logement décent doit être une priorité de tous les pouvoirs publics tant il touche à la façon dont on considère notre société, ses valeurs et ses fondements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mal-logement est un archipel invisible de caves, de combles, de logements mal entretenus et d’habitations surpeuplées.

Bien souvent, les personnes qui y vivent ont pour environnement l’humidité, l’amiante, le plomb et la promiscuité de leurs proches. La plupart d’entre eux sont victimes de marchands de sommeil.

Les situations de détresse face au mal-logement sont multiples. Certains de nos enfants grandissent dans des logements si exigus qu’ils finissent par accuser un retard de développement à long terme.

Face à cette rupture d’égalité, notre devoir de parlementaires est de garantir à chacun un droit à la dignité dans son logement.

Le Gouvernement, grâce à votre action, monsieur le ministre, travaille ardemment à la résolution de cette question, notamment par la stratégie de lutte contre le mal-logement qu’il a engagée dès le début du quinquennat.

À cet égard, je tiens à saluer trois mesures qui ont été prises et permettront d’accélérer la construction de logements là où nous en avons le plus besoin : le doublement du budget de renouvellement urbain, l’abattement fiscal pour la vente de terrains en zone tendue et, enfin, l’encadrement des recours contre les permis de construire.

Cette proposition de loi, dont notre collègue Bruno Gilles est à l’origine, s’inscrit dans le même objectif global, en s’attaquant à la problématique du mal-logement : elle vise ainsi à lutter contre l’activité des marchands de sommeil. À ce stade, notre groupe soutient l’ensemble des mesures proposées.

Ce texte a été patiemment amélioré après son renvoi à la commission. Nous tenons, à ce titre, à remercier la rapporteur Dominique Estrosi Sassone pour son travail d’approfondissement.

Je souhaite également saluer le travail de notre collègue député Guillaume Vuilletet, qui mène une mission en ce moment sur le mal-logement.

Pour lutter contre les marchands de sommeil, nous nous accordons à dire que les collectivités sont les mieux placées.

Placer l’autorité de contrôle et de sanction au plus près des marchands de sommeil est la bonne stratégie. Le maire et le président d’EPCI sont ceux qui connaissent le mieux les problématiques de leurs territoires en matière de mal-logement.

On ne pourra plus laisser perdurer une situation de mal-logement un an après que le bien aura été déclaré insalubre : il faudra trouver une solution dans les trois mois.

Enfin, s’il faut contrôler les locations en amont, il faut aussi pouvoir sanctionner plus efficacement en aval et punir ceux qui s’enrichissent en louant un logement indigne. En aggravant les sanctions administratives encourues en cas de non-respect du permis de louer, nous sanctionnerons plus rapidement et plus efficacement. En permettant aux associations de se constituer partie civile pour poursuivre les marchands de sommeil, nous permettrons qu’ils soient plus facilement condamnés.

Enfin, dans l’espoir de nourrir nos débats futurs, permettez-moi de formuler ces quelques remarques.

Nous devrons veiller à ne pas oublier les propriétaires mal-logés, car c’est aussi un aspect du mal-logement. C’est par exemple le cas des logements peu onéreux, qu’il faut rénover pour les rendre habitables. Certains n’ont jamais les moyens d’assumer la totalité des rénovations nécessaires et se trouvent endettés et coincés dans ces logements insalubres.

Par ailleurs, il existe des logements qui ne sont pas directement insalubres, mais qui le deviennent dès lors qu’ils sont occupés par un trop grand nombre de personnes. Ce n’est pas un phénomène mineur puisque la Fondation Abbé Pierre estime à 2,8 millions le nombre de personnes concernées.

Pour conclure, je veux rappeler que la part de la dépense que les ménages consacrent au logement n’a pas cessé d’augmenter ces dernières années : il est impératif de rendre les ménages capables de financer des logements à proximité des bassins d’emploi.

Il faut pour cela contenir le prix de l’immobilier ; il faut construire plus et plus vite. Sans cela, les ménages continueront d’être pris en tenaille entre la concentration de l’emploi dans les métropoles et la hausse des prix de l’immobilier dans ces bassins d’emploi.

La loi ÉLAN est une des réponses à cette situation du mal-logement. Cette proposition de loi en est une autre. C’est pour cela que nous la soutiendrons. (Mme Michèle Vullien applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous revoici quatre mois plus tard afin de débattre de cette proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux.

Nous étions plusieurs à le souligner à l’époque, l’émotion suscitée par l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne avait conduit très justement notre collègue Bruno Gilles à déposer cette proposition de loi.

Même si nous partagions alors – et nous la partageons toujours – son émotion, le contenu de ce texte, et nous l’avions tous souligné, était imparfait compte tenu des enjeux. C’est pourquoi le choix avait été fait collectivement, madame la rapporteur, madame la présidente de la commission, de voter une motion tendant à la renvoyer en commission afin qu’elle soit retravaillée.

À ce propos, et sans vouloir verser de l’huile sur le feu avant nos débats prochains, je voudrais dénoncer le rythme imposé aux parlementaires pour faire la loi. En effet, si nous voulons faire de bonnes lois, il faut prendre le temps de les travailler soigneusement. Avec la baisse du nombre de parlementaires annoncée, je crains que la situation n’aille en s’aggravant dans les années à venir.

Pour en revenir au débat qui nous occupe aujourd’hui, je voudrais rappeler qu’à cette heure-ci, à la suite de l’évacuation des 311 immeubles après ces tragiques événements, 223 ménages sont encore à reloger, soit un peu moins de 500 personnes, la preuve s’il en fallait que du chemin reste à faire.

Du chemin que nous devons combler grâce à cette proposition de loi, car, à l’échelle nationale, plus de 400 000 logements seraient insalubres. Et je veux rappeler ici que l’insalubrité des logements n’est pas seulement l’apanage des villes : elle est aussi très présente dans nos communes rurales, déjà touchées par le fléau des « volets fermés ».

Pour lutter, les collectivités doivent être accompagnées et nous devons leur donner les leviers afin de répondre à cet enjeu qui recoupe des enjeux nationaux de politique pénale liés à la difficulté de poursuivre les marchands de sommeil et de protéger les victimes, mais également pour faire jouer la garantie du droit au logement, qui, je vous le rappelle une nouvelle fois, est une compétence de l’État, notamment au travers du dispositif du droit au logement opposable.

Nous devons faire preuve d’ambition pour ce texte en favorisant les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales. Nous devons aussi accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles en abaissant les délais de visite des agents attestant de l’insalubrité.

Enfin, nous devons être intransigeants avec les marchands de sommeil en aggravant les sanctions administratives encourues en cas de manquement à l’obligation de déclaration de mise en location ou à celle de disposer d’un « permis de louer » – un dispositif qui n’a d’ailleurs pas tenu ses promesses et qu’il conviendrait de retravailler pour le rendre réellement et pleinement efficace.

Mais une vraie politique sans vrais moyens demeurera impuissante. Je souhaite rappeler que l’ANAH, qui joue un rôle prépondérant pour la réhabilitation des logements, a longtemps vu ses financements diminuer, faisant craindre même une cessation de paiement. Son financement par le « 1 % logement » a traduit un désengagement de l’État de ses missions.

Les politiques publiques des dernières années ne font qu’alimenter ces phénomènes de dégradation de l’habitat à grands coups de coupes budgétaires et de libéralisation.

L’attaque frontale contre le logement social et l’assèchement de son financement, conjuguée à l’absence de régulation du parc privé, a conduit à ces dérives. Monsieur le ministre, nous n’allons pas reprendre ici les débats de la loi ÉLAN.

Comme je l’avais dit il y a quelques mois, le décalage entre l’offre et la demande est tel qu’aujourd’hui les aspirants locataires se voient obligés d’accepter des logements à n’importe quel prix et dans n’importe quelle condition pour ne pas se retrouver à la rue.

Parallèlement, les petits propriétaires n’ont le plus souvent pas les moyens de réhabiliter leur logement, ce qui constitue dans beaucoup d’endroits en région un potentiel de développement de l’habitat insalubre important, notamment dans les centres-bourgs. Dans ce contexte, le dispositif de revitalisation des centres-bourgs doit jouer son rôle sur cette question.

Enfin, je souhaitais rappeler que trop de personnes ne sont pas au courant non plus des aides auxquelles elles peuvent avoir accès. À ce propos, comment se fait-il que les aides existantes soient aujourd’hui majoritairement destinées aux propriétaires, alors que l’on sait que la grande majorité des ménages précaires demeurent des locataires ?

Comme je l’ai déjà dit, de nombreuses associations demandent aujourd’hui un véritable plan Marshall de la rénovation. Nous considérons que, pour répondre à cet enjeu, il convient, certes, de donner de nouveaux outils aux collectivités, mais qu’il faut également renforcer les moyens des acteurs tels que l’ANAH, tout autant que ceux de la justice pour que la loi puisse être appliquée.

Il convient, surtout, de réorienter la politique publique du logement pour non seulement produire l’offre nécessaire de logements accessibles, mais également engager une politique de réhabilitation de grande envergure.

Dans ce cadre-là, l’État doit jouer son rôle afin de permettre de trouver de nouvelles sources de financement pour répondre à cet enjeu et éviter de nouveaux drames.

En l’état, nous voterons cette proposition de loi de notre collègue Bruno Gilles dans sa rédaction issue des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Bruno Gilles. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme Anne-Marie Bertrand. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en premier lieu, d’avoir une pensée pour les victimes des effondrements des immeubles de la rue d’Aubagne, et bien sûr pour leurs familles.

Chaque maire, d’une ville comme d’un village, redoute un drame comme celui-ci. Nombreux sont ceux qui, en apprenant la nouvelle dans leur journal, ont eu une pensée pour un bâtiment qui, ils le savent, montre des signes de fragilité.

Nous pouvons être satisfaits de cette proposition de loi de mon collègue Bruno Gilles, car, si je redoute la qualité des textes votés sous le coup de l’émotion, le temps de la réflexion nous a été donné et je salue ici la décision de renvoi en commission qui avait été prise. Je remercie Mme la présidente de la commission et Mme la rapporteur.

Ces événements doivent nous ramener à nos responsabilités, celles de législateurs. En effet, partout en France, 450 000 logements pourraient être concernés par ce texte.

À Marseille – et vous l’entendez, c’est une ville que je connais bien –, la ville, sur l’initiative de son maire, avait engagé, en 2005 déjà, plus de 200 millions d’euros, dont 110 millions d’euros au seul titre de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, 35 millions au titre de l’éradication de l’habitat indigne et 28 millions d’euros au titre du logement locatif social. (Mme Samia Ghali sexclame vivement.)

Avec l’État, cette même ville avait mis en œuvre plusieurs plans de sauvegarde dans les copropriétés dégradées. Dans le cadre de la lutte contre l’habitat insalubre aussi, ce sont plusieurs quartiers qui avaient fait l’objet d’opérations de résorption. Et bien sûr, il y a eu les projets de rénovation urbaine et les plans successifs depuis plus de quinze ans, mais cela n’a pas suffi.

Mme Samia Ghali. C’est hors sujet !

Mme Anne-Marie Bertrand. Dans de nombreuses villes, l’habitat est ancien et majoritairement privé. L’intervention publique doit alors se confronter à des réglementations protectrices de la propriété privée et, au-delà des moyens financiers alloués, les procédures sont longues, trop longues, tant interviennent de nombreux acteurs.

Dans le drame qui est arrivé, il y avait une procédure en cours depuis quatre ans. Aujourd’hui, nous devons adapter notre réglementation. Oui, nous devons renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des maires, élus de terrain s’il en est ! Oui, nous devons accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et de dangerosité ! Oui, nous devons renforcer les sanctions contre les marchands de sommeil !

Notre État croule sous cette administration toujours plus centralisée et on lui reproche légitimement cette lenteur, voire cette déconnexion, mais nous pouvons également – et heureusement – compter sur les maires qui, finalement, ne souhaitent qu’une chose : pouvoir agir.

Aujourd’hui, nous avons l’occasion de leur témoigner, une fois encore, notre confiance. Un maire n’est ni un agent administratif ni un bouc émissaire : il est un décideur politique légitime et pleinement compétent sur son territoire.

Mes chers collègues, dans ce domaine comme dans tant d’autres, donnons aux maires de France les moyens de porter les responsabilités que l’on fait peser sur eux. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali.

Mme Samia Ghali. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, cette proposition de loi est surtout là pour nous rappeler qu’un drame comme celui de la rue d’Aubagne ne doit plus se reproduire, que les morts de la rue d’Aubagne ne sont pas morts pour rien et que chacun prendra sa part de responsabilité.

Pendant sept mois – et encore samedi matin, en assemblée générale –, les membres du collectif de la rue d’Aubagne ont essayé de faire entendre à la ville de Marseille tout simplement la nécessité d’une charte de relogement.

M. Bruno Gilles. Ils l’ont signée !

Mme Samia Ghali. Ils l’ont signée, mais il aura fallu sept mois, depuis les huit morts de la rue d’Aubagne, pour qu’elle voie le jour ! Sans compter les deux mille personnes sans logement, qui vivent éparpillés dans des hôtels, dont la vie familiale est disloquée. Il faut aussi penser à ces gens-là !

Il ne faudrait pas faire croire aux Français, en particulier aux Marseillais, que cette proposition de loi – que je voterai et que je remercie mon collègue Bruno Gilles d’avoir déposée – répondra à toutes les attentes et, surtout, qu’avec elle, le drame de la rue d’Aubagne ne se serait pas produit.

Il aura malheureusement fallu vingt-cinq ans pour prendre conscience de l’état insalubre de ces logements, sans que personne réagisse, encore moins la collectivité qui était chargée de la sécurité de ses concitoyens.

Monsieur le ministre, cette question du logement est tellement importante : c’est la vie des gens, c’est la vie au quotidien. Chaque Marseillais, chaque Français doit se sentir en sécurité. Et celui qui doit les mettre en sécurité, c’est tout simplement le premier magistrat, à savoir le maire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il existe des habitats dangereux, l’actualité de cet automne nous l’a tragiquement rappelé.

Ainsi, quelques mois après la loi ÉLAN, il nous faut déjà aller encore plus loin dans la réflexion sur la qualité de notre parc immobilier national et la prévention de sa dégradation.

L’objet de ce texte est d’élargir l’éventail des dispositifs en matière de prévention. Je remercie son auteur de cette initiative, ainsi que Mme la rapporteur et la commission pour avoir renforcé le texte.

Lors de son premier examen, j’avais, avec mon expérience de maire d’un village de 1 500 habitants, proposé des amendements destinés à traiter de l’habitat individuel, abandonné et dangereux, que les communes de petite taille ne peuvent assumer, faute d’expertise et de budget spécifique.

Il existe en effet dans nos territoires des « verrues », dégradées, abandonnées, dangereuses, qui sont pour les élus des casse-têtes insolubles.

Le maire doit écrire et formaliser des mises en demeure à destination des propriétaires. Mais que faire dans le cas des successions avec plusieurs héritiers qui ne s’accordent pas, des propriétaires qui se séparent en abandonnant les lieux, chacun des protagonistes renvoyant ensuite vers l’autre ? Que faire dans le cas de propriétaires partis pour l’étranger, introuvables, insolvables ou simplement indélicats ?

Les démarches et injonctions restent lettre morte. On ne sait parfois même plus à qui s’adresser. Les mois, les années passent, et le risque existe, car, même si le bien n’est pas habité – et il peut arriver qu’il le soit, les squats n’existant pas qu’en ville –, qui peut empêcher les enfants ou les rôdeurs d’accéder à des bâtisses abandonnées ? Et je ne parle pas du cas où le bâtiment menace la voie publique ou la propriété voisine.

Alors arrive le jour où, la solution étant définitivement enlisée et le risque aggravé, il faut engager une procédure de péril imminent. Voici ce que dit la loi : le maire qui a connaissance de tels faits peut, de sa propre initiative, engager une procédure de péril. Il doit saisir le tribunal administratif afin qu’il désigne un expert chargé, dans les vingt-quatre heures, de constater ou non le péril imminent.

Mais qui paie l’expert ? Ces dépenses, par définition non prévues, sont rédhibitoires pour beaucoup de petites collectivités au budget très contraint.

Si, grâce à l’adoption de l’amendement de ma collègue Sylvie Vermeillet, la DETR doit pouvoir venir en aide aux collectivités pour les travaux, rien n’est prévu pour les frais d’expertise.

J’avais donc proposé, voilà quelques mois, des amendements pour que le conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement, le CAUE, puisse être l’expert constatant le péril, ou bien que l’ANAH puisse aider financièrement les communes dans la réalisation de ces expertises.

L’article 40 de la Constitution m’a été opposé, bien que, à mon sens, une mission entrant dans le champ de compétences du CAUE ne soit pas une dépense supplémentaire.

Je vous alerte donc, monsieur le ministre, sur le frein technique et financier que constituent les indispensables expertises.

Si mes propositions ne sont pas les bonnes, alors il faut en trouver d’autres. Il serait inadmissible que la lutte contre l’habitat dangereux et la prévention du risque se fasse à deux vitesses : d’une part, dans les zones d’habitat urbain tendu, où les procédures de prévention seront heureusement renforcées, et, d’autre part, en zone rurale, où les procédures de mise en sécurité resteraient définitivement inaccessibles. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame de Marseille a été un choc pour tout le monde dans le pays.

Un tel drame paraissait inimaginable dans la France du XXIe siècle. Cet effondrement de plusieurs immeubles, causant la mort de huit personnes et le déplacement de mille habitants, a mis en lumière, au plan national, l’existence de 450 000 logements indignes ou insalubres.

Dans une France qui est la cinquième puissance économique mondiale, cet état de fait nous interpelle et nous oblige à agir. Alors oui, il faut renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des communes et des EPCI en matière de logements insalubres ou dangereux !

L’auteur de ce texte, Bruno Gilles, nous invite à prendre le taureau par les cornes. Mme la rapporteur, Dominique Estrosi Sassone, avec la commission des affaires économiques, a complété ce texte pour s’assurer que les réponses soient juridiquement et techniquement les plus pertinentes.

Bruno Gilles nous propose, dans les zones d’habitat dégradé, de soumettre à autorisation préalable toutes les opérations tendant à diviser un logement en plusieurs, car le droit actuel ne prévoit cette possibilité qu’en cas de travaux. Or le propre des marchands de sommeil, c’est précisément de ne pas réaliser de travaux !

Aussi, il faut détacher l’autorisation préalable de la réalisation de travaux et l’exiger en toutes circonstances.

Ce texte modifie également les conditions de délivrance par le maire ou le président d’EPCI du « permis de louer » un logement lorsque la commune l’a instauré. Actuellement, le silence gardé pendant un mois par le maire sur une demande de « permis de louer » vaut délivrance de cette autorisation. Il n’y a donc pas d’obligation formelle pour l’autorité saisie de s’assurer que le logement appelé à être loué ne présente pas de danger. Il faut inverser le dispositif en remplaçant la décision implicite d’acceptation par une décision implicite de refus.

Le texte vise aussi à permettre au maire ou au président d’EPCI de consulter le casier judiciaire d’une personne qui sollicite un « permis de louer » ou un permis de diviser un logement dans les zones à risques au regard de l’insalubrité.

Il propose encore de simplifier, dans le respect du droit de propriété, l’expropriation en raison de l’insalubrité ou de la dangerosité des immeubles. Actuellement, la loi n’envisage l’insalubrité ou la dangerosité comme une cause d’expropriation que dans des cas très limités. Il faut ajouter à ces cas l’hypothèse des immeubles dans lesquels on peut remédier à l’insalubrité, mais dont le propriétaire ne fait rien.

Il s’agit également d’accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles.

Ainsi, le texte réduit la durée maximale d’habitation, abaisse de trois mois à un mois le délai imparti pour qu’un agent se rende sur place lorsqu’un citoyen saisit l’administration. Il renforce l’efficacité des sanctions contre les marchands de sommeil et aggrave les sanctions administratives. Bruno Gilles a tiré les conséquences de la forte réticence des occupants des logements loués par des marchands de sommeil. Il complète ainsi la faculté ouverte aux associations de se constituer parties civiles.

Mme la rapporteur, Dominique Estrosi Sassone, dont on connaît l’expertise en matière de logement et le souci d’efficacité et d’efficience, a apporté beaucoup d’améliorations au texte : un diagnostic technique obligatoire pour les copropriétés de plus de quinze ans ; la possibilité pour les syndics de faire des signalements ; la création d’une police spéciale du logement en cas d’insalubrité sur le modèle de celle existant en cas de péril, même si, selon les cas, cette police ne relève pas de la même autorité – maire pour le péril, préfet pour l’insalubrité, mais même procédure –, la présence obligatoire d’un syndic professionnel pour la durée de l’arrêté de péril ou d’insalubrité.

Elle s’est efforcée de renforcer le rôle des collectivités dans cette lutte grâce à plusieurs dispositions : la mise en place d’un droit de priorité au profit des collectivités territoriales pour bénéficier du bien exproprié ; la création d’un nouveau cas d’expropriation ; le versement du produit des amendes prononcées aux collectivités qui assumeront le traitement des demandes du « permis de louer » ; la dispense pour le bailleur de demander un « permis de louer » lorsqu’il aura déjà obtenu une autorisation expresse depuis moins d’un an. Enfin, et surtout, elle a prévu des sanctions plus lourdes contre les marchands de sommeil.

Il ne s’agit pas d’un texte pour se donner bonne conscience après le drame de Marseille. Il s’agit bien d’améliorer la loi pour qu’un tel drame ne se reproduise plus.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. François Grosdidier. Quand un tel drame survient, la presse, l’opinion, mais aussi, hélas, certains élus désignent un responsable, un fautif, un coupable : le maire ! Bouc émissaire, ce dernier subit souvent la frustration de l’impuissance, puis l’injustice de la mise en cause. Alors, donnons au maire les prérogatives lui permettant d’agir, pour ne plus avoir à subir.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Merci, madame la présidente. Je veux juste dire quelques mots avant que nous commencions l’examen de ce texte. Je vous remercie tous, les uns et les autres, du soutien que vous avez exprimé, lors de cette discussion générale, à cette proposition de loi.

Je dois vous dire, monsieur le ministre, que Dominique Estrosi Sassone et moi-même, ainsi que des membres de la commission, avons été reçus, partout sur le territoire, par des élus qui mettent beaucoup de moyens et d’énergie pour lutter contre le logement insalubre, et qui se heurtent parfois à la complexité et la longueur des procédures, les plongeant dans des situations inextricables. Il est temps, aujourd’hui, que nous essayions de détricoter cette complexité.

Je veux également rendre hommage aux services de l’État, qui nous ont reçus partout où nous sommes allés. Eux aussi font véritablement un travail de fourmi. Ils reçoivent parfois 400, 500 signalements, et ne peuvent traiter que 7, 8 ou 9 cas dans l’année, ce qui est déjà une grande victoire. Il faut aussi aider les services de l’État.

Je veux aussi saluer les acteurs du logement social, qui se débattent, même si, nous l’avons constaté, il faudrait les aider à venir en milieu rural, là où il y a seulement 5, 6 ou 7 appartements à rénover, ce que seuls les acteurs du social peuvent financer.

Une de nos obsessions était de voir l’étendue, la diversité des situations. Je me répète, mais je tiens vraiment à remercier tous nos collègues de nous avoir reçus sur leur territoire, à Montfermeil, à Aubervilliers, à Marseille, bien sûr, à Ham, à Sainte-Anne en Guadeloupe, en Martinique. Je remercie tout particulièrement Catherine Conconne de son accueil formidable, chez elle.

Ce soir, monsieur le ministre, sans faire de misérabilisme j’ai une pensée pour Marie-Thérèse, âgée de plus de 90 ans, habitante de Sainte-Anne, en Guadeloupe, qui, depuis 1963, habite un logement insalubre, lequel, pour diverses raisons, est de plus en plus insalubre. On lui a proposé un logement, et elle était enfin d’accord, mais, le problème, c’est qu’il n’y a plus d’APL accession depuis l’année dernière, et cela bloque le système.

Monsieur le ministre, s’il y a une chose que je vous demande ce soir, c’est de vous souvenir de ce cas lors de la préparation du projet de loi de finances, avec toute l’humanité que vous avez en vous, comme nous tous, et de retravailler sur cette APL accession. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Annie Guillemot et Mme Catherine Conconne applaudissent également.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux

Chapitre Ier A

Prévenir les situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles

(Division et intitulé nouveaux)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 10 rectifié quater

Article 1er A (nouveau)

I. – L’article L. 731-4 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :

« Le diagnostic technique global prévu à l’article L. 731-1 est obligatoire pour les immeubles construits depuis plus de 15 ans et soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Lorsque l’immeuble mentionné à la première phrase du présent alinéa comporte moins de 50 lots principaux, le diagnostic technique est simplifié et son contenu est défini par décret en Conseil d’État.

« Les diagnostics techniques mentionnés au premier alinéa sont actualisés tous les dix ans. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.

M. Roland Courteau. Comme l’a dit notre collègue Annie Guillemot, quand il existe entre 450 000 et 600 000 logements insalubres en France, dont 70 000 dans les outre-mer, la lutte contre l’habitat insalubre est un impératif national. C’est pourquoi nous soutenons les mesures de la proposition de loi, telles que l’accélération des procédures et le renforcement du contrôle et des sanctions.

Je reprends volontiers ses propos pour évoquer la situation du département de l’Aude. Voici ce que relève la direction départementale des territoires et de la mer de mon département : « De nouvelles situations apparaissent : copropriétés récentes à la dérive ; copropriétés anciennes désorganisées ou inorganisées en vue de dégradation ; location de tout et n’importe quoi, à n’importe quel prix, en zones de marché tendu, voire division abusive de logements ou de maisons dans un objectif de rentabilisation maximale. » C’est clair, c’est net, c’est précis.

J’ajouterai que près de 20 000 logements sont potentiellement indignes dans l’Aude, plus de 41 000 personnes étant concernées.

Ce parc de logements indignes est en constante augmentation ; deux ménages sur cinq sont des propriétaires occupants et les ménages de plus de 60 ans sont particulièrement concernés, avec 37 % des logements potentiellement indignes ; près de 5 % des résidences principales dans l’Aude sont dans les catégories cadastrales les plus médiocres, contre 3,8 % dans toute l’Occitanie : pas de WC, absence fréquente de locaux d’hygiène, qualité de construction vétuste. Cela représente près de 8 300 logements, qui constituent le noyau dur que doivent cibler les actions de lutte contre l’habitat indigne. Enfin, 40 % de ces logements sont occupés par des ménages précaires, aux revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Voilà quelques-unes des raisons, madame la présidente, qui font que je soutiendrai volontiers cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les propositions de notre collègue Bruno Gilles et le travail de grande qualité fait par la commission, tout particulièrement par Mme Estrosi Sassone, méritent d’être soutenus.

Pour autant, je ne voudrais pas que nous nous fassions d’illusions excessives, car, vu l’ampleur des problèmes, je crains qu’il ne suffise pas d’améliorer techniquement les dispositifs législatifs existant.

Nous aurons l’occasion de parler, je l’espère, lors de la discussion du projet de loi de finances, des besoins financiers. Mme Estrosi Sassone a justement mis en exergue un certain nombre de décisions qui auraient pu être prises si les procédures parlementaires ne bridaient pas nos initiatives, comme c’est le cas aujourd’hui.

En tout cas, j’y insiste, rien n’est possible sans la volonté politique des élus et sans la persévérante détermination de l’État.

Il se trouve que, en 2002, j’ai signé, au nom du Gouvernement, un protocole d’éradication de l’habitat insalubre avec la ville de Marseille. Était concerné l’îlot Noailles, où se trouve la rue d’Aubagne. Dès 2002, étaient prévues la démolition et la reconstruction, ou la rénovation, de plusieurs immeubles, dont ceux qui sont tombés, hélas, il y a peu.

Alors, je me suis beaucoup interrogée : pourquoi, alors qu’il y avait en 2002 un double engagement de l’État et de la ville, rien ne s’est passé ? En fait, à peine avions-nous signé la convention, ou peut-être un an et demi ou deux ans après, que toutes les procédures mises en œuvre pour veiller à ce que la politique soit menée dans la durée, en particulier pour les « logements passerelles », ont été abandonnées.

Pourquoi les maires ont-ils du mal à dénoncer l’insalubrité ? C’est qu’il faut reloger les gens ! Or ils ont déjà des tas de demandes de logements auxquels ils ne peuvent pas pourvoir et nombre de dossiers DALO en attente.

Toujours est-il que l’État, puisque c’est de sa compétence, n’a pas eu la persévérance de mettre en œuvre le protocole, et la ville de Marseille a manifestement considéré que le problème n’était pas aussi essentiel que cela pour interpeller l’État.

Nous avons besoin d’une détermination de l’État pour que la responsabilité des uns et des autres soit engagée en cas de défaillance, lorsque des politiques publiques sont mises en œuvre.

J’ai désormais la conviction que, sans vigilance citoyenne – par des comités de suivi, des associations de locataires ou des associations de droit au logement qui doivent être institutionnalisés et pérennes, car eux seuls permettent de passer à l’action –, améliorer la loi sera toujours insuffisant.

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l’article.

Mme Samia Ghali. Je n’ai pas eu le temps dans la discussion générale de remercier M. le ministre et l’État du travail qui a été mené à Marseille et de l’accompagnement dont ont bénéficié les Marseillais – il faut le souligner.

Marie-Noëlle Lienemann a bien montré que la loi n’aurait pu empêcher ce qui s’est passé rue d’Aubagne, alors même que des outils existent.

Je ne voudrais pas que l’on se cache derrière cette proposition de loi, même si elle est nécessaire et permet d’améliorer les choses. Mme la présidente de la commission et Mme la rapporteur ont accompli un travail exceptionnel. Tant mieux ! En matière de logement, on n’en fera jamais assez.

Aujourd’hui encore, des habitants attendent d’être relogés et se trouvent dans des hôtels, meublés ou non ; des enfants sont séparés de leurs parents. Cela a été chaotique sur le plan scolaire : comment réussir lorsque l’on vit dans une chambre d’hôtel de dix mètres carrés ? Comment retrouver une vie familiale ?

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Samia Ghali. Certains se sont retrouvés dans une situation inacceptable et insupportable.

Monsieur le ministre, le travail n’est pas terminé ; il nous faut rester vigilants. Aujourd’hui, à Marseille, 34 000 logements sont vides : ils ne sont pas loués et attendent des locataires. Dans le même temps, des Marseillais attendent un logement décent !

C’est aussi une question de volonté politique. L’État peut mettre en œuvre tous les outils possibles : sans volonté politique de territoire, on n’y arrive pas. On parle beaucoup de sanctionner les propriétaires. Là aussi, tant mieux ! C’est important, mais il faut faire preuve de la même intransigeance envers les maires et les collectivités locales qui ont une autorité en la matière et qui n’agissent pas, en faisant semblant de ne pas voir les problèmes.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, vous n’êtes pas responsable de cette situation. Le problème du logement insalubre se pose depuis des décennies et, sans vous faire injure, vous ne serez plus ministre que nous y serons malheureusement toujours confrontés.

Comment faire pour le réduire ? Évidemment, nous voterons cette proposition de loi, mais, pour nous, il y a deux trous dans la raquette.

Premier trou dans la raquette : la question du logement insalubre touche à de nombreuses autres questions – familles extrêmement précarisées, santé, accès à l’emploi. Le logement est le symptôme de nombreux autres problèmes : des réponses en matière de logement ne suffiront pas, seule une politique globale y parviendra. De ce point de vue, votre gouvernement est responsable de l’accroissement des inégalités pour beaucoup de familles populaires.

Qui va payer ? Les situations sont diverses : logement collectif, copropriétés privées et logement individuel. En réalité, le logement insalubre concerne de plus en plus le logement individuel. Il va falloir un véritable plan Marshall si l’on veut résorber la question du logement insalubre en France.

Second trou dans la raquette : pour mettre fin au logement insalubre, il faut répondre à la question du relogement. Dans cette matière, l’État est le premier responsable ! Les collectivités ne peuvent pas agir seules. Aujourd’hui, on manque considérablement de logements d’urgence, mais aussi de mises en construction de logements sociaux. Là, vous avez une grande part de responsabilité.

Cette proposition de loi est la première pierre de l’édifice, mais il faudra encore beaucoup de réflexions et de textes – notamment des projets de loi de finances – pour résorber ce problème.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le sénateur Gay, selon vous, je ne suis pas responsable de cette situation. Pourtant, aujourd’hui, j’ai la responsabilité…

M. Fabien Gay. Pour une fois que je vous exonère ! (Sourires.)

M. Julien Denormandie, ministre. Je revendique ma responsabilité ! (Nouveaux sourires.)

Nous avons eu l’occasion d’en débattre à de nombreuses reprises, mais on ne peut pas me reprocher de ne pas avoir, dès le début, fléché ce fléau pour faire en sorte que des solutions nouvelles soient trouvées et que les exemples cités par Marie-Noëlle Lienemann ne se reproduisent pas.

Ironie tragique de l’histoire, j’ai annoncé le grand plan de lutte contre les copropriétés dégradées trois semaines avant le drame de la rue d’Aubagne, à Marseille.

Ce plan a été établi avec les élus locaux. D’un montant de 3 milliards d’euros, il prévoit des instruments totalement innovants pour résoudre le problème des copropriétés dégradées de grande ampleur, qui touchent Marseille, mais aussi d’autres territoires. J’ai eu l’occasion de lancer des comités de pilotage de résorption à de nombreux endroits.

Pour lutter contre les marchands de sommeil, nous avons considérablement renforcé les sanctions. Dans les six départements où elles ont été mises en œuvre de façon accélérée, les dernières décisions de justice tiennent enfin compte des dispositions de la loi ÉLAN, notamment la réquisition obligatoire du bien du marchand de sommeil.

M. Fabien Gay. Et à Bobigny ?

M. Julien Denormandie, ministre. À Bobigny, c’est également le cas.

Voilà plus de quatre mois, la garde des sceaux et moi-même, nous nous sommes rendus à Pierrefitte, sur le site d’un marchand de sommeil. Or, alors que les caméras étaient présentes – vous connaissez le tralala qui entoure les déplacements de ministres –, le marchand de sommeil débarque ! Mesurez le sentiment d’impunité de ces individus !

Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, à Marx Dormoy, la mairie a dû verser 6,7 millions d’euros à un marchand de sommeil condamné à une amende de plusieurs centaines de milliers d’euros, dans le cadre d’une procédure d’expropriation. Dans quel monde vit-on ?

Grâce à la loi ÉLAN, c’est fini ! De telles situations ne seront plus possibles. Nous avons tapé très fort. (Mme Annie Guillemot acquiesce.)

Le sentiment d’impunité des marchands de sommeil doit cesser. Il faut les considérer comme de vrais trafiquants de drogue.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Fabien Gay. On est d’accord !

M. Julien Denormandie, ministre. C’est tout le sens des mesures prises dans le cadre de la loi ÉLAN, que nous sommes aujourd’hui en train de mettre en œuvre.

Vous avez raison, il fallait que le ministère de la ville et du logement et le ministère de la justice travaillent main dans la main. C’est fait : la garde des sceaux et moi-même avons cosigné les instructions. Pour autant, tout ne changera pas du jour au lendemain. Il faut aller encore plus vite. J’ai cette responsabilité chevillée au corps et nous nous battrons pour y arriver.

Il faudrait un plan Marshall des copropriétés, selon vous. Qui paiera ? Il faut faire intervenir l’ANAH ; le dispositif en vigueur ne peut pas marcher autrement.

Que se passe-t-il lorsque la mairie prend un arrêté pour imposer à une copropriété des travaux d’office, mais que cette dernière n’est pas en mesure de les financer, comme cela a été le cas à Marseille ? Les copropriétaires attendent, font traîner et l’on se retrouve avec un immeuble sur le point de s’effondrer, voire qui s’effondre.

Dans les six départements concernés par la mise en œuvre accélérée des dispositions de la loi ÉLAN, notamment le département de Mme la rapporteur, j’ai proposé que l’État supplée les carences des copropriétés et finance 100 % des travaux et non plus 50 %. Il faut aller à fond dans cette voie.

Est-ce un plan Marshall ? Je ne sais pas, mais nous nous donnons les moyens.

Je rappelle que les six territoires concernés par cette mise en œuvre accélérée sont les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes, l’Essonne, le Val-de-Marne, le Nord, la Seine-Saint-Denis.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié quinquies, présenté par MM. Decool, Chasseing, Guerriau, A. Marc, Longeot et Louault, Mme N. Delattre, M. Bonnecarrère, Mmes L. Darcos et Gruny, MM. Kern, Houpert et Moga, Mme Goy-Chavent, M. Lefèvre, Mmes Bories, Lherbier et Kauffmann, MM. D. Dubois, Malhuret et Lagourgue, Mme Mélot et M. Capus, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le nombre :

15

par le nombre :

20

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement, cosigné par vingt-quatre sénateurs, a pour objet le diagnostic technique global, qui est un bon dispositif, puisqu’il permet d’informer les copropriétaires sur la situation générale de l’immeuble et d’envisager d’éventuels travaux mis en œuvre dans le cadre d’un plan pluriannuel.

Il est préférable de prévoir un diagnostic technique global obligatoire pour les immeubles construits depuis plus de vingt ans et soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Cela semble plus pertinent, compte tenu de l’évolution normale des immeubles construits depuis moins de vingt ans, ne nécessitant pas de nouveaux travaux importants sur un temps aussi court.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous avons eu l’occasion de discuter de cette question en commission. Moi-même, je me suis interrogée sur le périmètre des immeubles pouvant être concernés par l’obligation du diagnostic technique global. J’ai finalement opté pour des immeubles de plus de quinze ans soumis aux règles de copropriété.

Cet amendement ne me semble pas opportun en la matière, parce que ce report conduira, de fait, à différer le moment où seront réalisés des travaux. Or il importe de mieux sensibiliser les copropriétés pour qu’elles soient le plus à même de réaliser des travaux dans les délais les plus courts possible.

Par conséquent, la commission a prévu de rendre obligatoire le diagnostic technique global pour les immeubles de plus de quinze ans et non de plus de vingt ans.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Monsieur Decool, l’amendement n° 1 rectifié quinquies est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Decool. Qui peut le plus peut le moins ! Vous avez presque réussi à me convaincre, madame la rapporteur. (Sourires.)

Je retire donc cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié quinquies est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er A.

(Larticle 1er A est adopté.)

Article 1er A (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 31 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 1er A

Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié quater, présenté par Mme Guillemot, MM. Daunis et Iacovelli, Mmes Conconne, Ghali et Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La troisième phrase du septième alinéa de l’article L. 445-1 du code de la construction et de l’habitation est complétée par les mots : « et un état descriptif de l’état du bâti et des équipements mentionnant les gros travaux réalisés les cinq dernières années et les travaux d’amélioration que l’organisme prévoit le cas échéant d’engager ».

La parole est à Mme Annie Guillemot.

Mme Annie Guillemot. La loi ÉLAN prévoit une massification de la vente de logements sociaux, voire d’immeubles entiers.

Le plan de mise en vente annexé à la convention d’utilité sociale, la CUS, vaut autorisation de vendre pendant six ans, sans autre encadrement ultérieur.

Vous avez ouvert aux organismes vendeurs la possibilité de mettre en place un dispositif de mise en copropriété différée. C’est une bonne chose pour sécuriser les accédants. Toutefois, nous pensons qu’il faut aller plus loin.

La vente des logements sociaux ne doit pas mettre en danger la situation financière des ménages ou la qualité du bâti vendu ni produire de nouvelles copropriétés dégradées, alors que c’est cela même que nous tentons de combattre dans ce texte.

Pour cela – en ce sens, notre amendement rejoint celui que notre collègue Valérie Létard présentera dans un instant –, il faut prendre des mesures de prévention des risques de dégradation des copropriétés. C’est pourquoi il est proposé que les plans de vente comprennent les données relatives au bâti. En effet, la seule condition minimale d’habitabilité et de performance liée au seul logement ne paraît plus suffisante.

Ainsi, le plan de vente prévu par la CUS pourrait comporter, pour chaque immeuble destiné à la vente, un état descriptif de l’état du bâti et des équipements mentionnant les gros travaux réalisés les cinq dernières années et les travaux d’amélioration que l’organisme prévoit d’engager le cas échéant.

Cette mesure de transparence nous paraît essentielle pour éclairer toutes les parties prenantes de la vente de logements sociaux et prévenir la dégradation de copropriétés nouvelles.

Je profite de cet amendement, monsieur le ministre, pour vous demander de mettre en place un comité de suivi et de veille des ventes de logements sociaux et d’y associer les élus locaux et les parlementaires.

Permettez-moi de revenir sur un point précédent. Pour l’avoir vécu, je peux témoigner que l’opération de Bron Terraillon, achevée dans les années 1960, a été presque en état de sauvegarde au milieu des années 1970. Il faut donc agir beaucoup plus rapidement, car les dégradations vont malheureusement très vite.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement vise à reprendre une disposition adoptée dans le cadre de la loi ÉLAN, qui n’avait malheureusement pas survécu à la commission mixte paritaire.

Par conséquent, par souci de cohérence avec la position du Sénat lors de l’examen de ce texte, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Le Gouvernement demande le retrait sur cet amendement, qu’il considère comme satisfait. Je conçois que nous n’ayons pas la même analyse.

Mme la rapporteur l’a souligné, nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet dans le cadre de la loi ÉLAN et je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir mentionné un certain nombre de possibilités offertes par la loi ÉLAN qui ont été mises en œuvre, notamment l’ordonnance sur la propriété différée des parties communes, que j’ai présentée en conseil des ministres voilà quelques semaines.

La loi ÉLAN a également prévu un certain nombre de gages. Ma responsabilité, c’est de lutter contre les copropriétés dégradées existantes, mais, surtout, d’empêcher que de nouvelles ne se créent ! J’y suis extrêmement vigilant.

Ainsi, le propriétaire peut, pendant une période de dix ans, rétrocéder son bien aux bailleurs sociaux. Par ailleurs, la CUS décrit l’état du bien et de l’ensemble d’immeubles, au moment où la vente est opérée. Les plans de vente figurant dans la CUS comprennent les documents relatifs aux normes minimales d’habitabilité et de performance énergétique. Tout cela a été renforcé et inclus.

In fine, le travail d’information du futur accédant à la propriété est l’une des mesures les plus importantes mises en place dans le cadre de l’opération de vente.

Parler d’habitabilité, c’est parler de tout ce qui est gros œuvre, des documents relatifs aux derniers travaux effectués et aux travaux à prévoir.

Je partage votre objectif, madame la sénatrice, mais je veux être sûr que le texte adopté ne soit pas trop compliqué à mettre en œuvre par les bailleurs sociaux.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 10 rectifié quater
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article 1er B (nouveau)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er A.

L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. Marseille, Mme C. Fournier, M. Kern, Mme Guidez, M. Bonnecarrère, Mme Vullien, MM. Laugier, Louault et Moga, Mme Férat, M. Canevet, Mme Vermeillet, MM. Janssens, Longeot et Détraigne, Mmes Saint-Pé, Perrot et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le quatrième alinéa de l’article L. 443-7 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La convention d’utilité sociale mentionnée à l’article L. 445-1 contient un plan de prévention des risques de dégradation des copropriétés issues de la vente des logements sociaux qu’elle prévoit. »

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Je n’ai pas eu l’occasion de saluer non seulement l’initiative à l’origine de cette proposition de loi, mais aussi l’énorme travail accompli par la rapporteur et la commission dans son entier. Ce travail de fond était vraiment nécessaire.

L’amendement n° 31 rectifié bis a un objet très proche de celui qui vient d’être présenté. Il vise à prévoir qu’un plan de prévention des risques de dégradation des copropriétés soit directement intégré à la convention d’utilité sociale que chaque office HLM doit conclure pour faire part de sa stratégie patrimoniale.

On le sait bien et cela a été rappelé, pour combattre l’habitat indigne, plus on agit en amont, plus on a de chances d’éviter de se retrouver dans les situations que nous connaissons. Annie Guillemot a rappelé la situation de Bron ; de nombreux cas similaires peuvent être cités.

Dans le cadre de la loi ÉLAN, les moyens ont été déployés pour permettre d’atteindre l’objectif de 40 000 ventes de logements sociaux par an. Des exemples existent déjà. Ainsi, dans mon arrondissement, le sous-préfet est intervenu pour arrêter un programme de ventes, car il s’agissait de la vente d’un patrimoine mal entretenu à destination de locataires et que l’on se dirigeait vers une future copropriété dégradée.

Nous en sommes au démarrage et aux prémices, mais nous le voyons bien : si, dans le cadre d’une vente de patrimoine, nous ne prenons pas dès le départ toutes les assurances que les logements vendus ne sont pas dégradés ou que les ménages qui les acquièrent auront la capacité de réaliser les travaux, c’est-à-dire l’ensemble des dispositions en amont pour éviter tout risque d’aboutir à des copropriétés dégradées, nous ne faisons pas notre job !

Nous sommes en train de travailler sur les conséquences. Essayons de travailler sur les causes. Il ne s’agit pas de remettre en cause la loi ÉLAN ni ses objectifs. Si, en lien avec les élus locaux et les bailleurs, on ne s’assure pas que l’on a pris toutes les dispositions pour que ces ventes ne conduisent pas à des situations dramatiques, ni l’État ni nous, les élus, nous ne ferions notre travail. Il s’agit de se prémunir et d’accompagner les élus dans une stratégie qui doit avancer dans le bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous comprenons les inquiétudes légitimes sur la dégradation des copropriétés.

Au regard des dispositions prises dans le cadre de la loi ÉLAN et par souci de cohérence, j’ai invité la commission à émettre un avis favorable sur l’amendement d’Annie Guillemot, dont l’objet va dans le sens de la prévention de la dégradation des copropriétés nées de la vente de logements sociaux. La CUS devra en effet indiquer l’état descriptif du bâti et des équipements ainsi que les travaux réalisés au cours des cinq dernières années et les travaux d’amélioration que le bailleur social prévoit d’engager.

Il me semble préférable d’en rester à ces dispositions, qui sont plus précises – les bailleurs sociaux s’engagent sur les travaux qu’ils envisagent de réaliser –, plutôt que de prévoir un plan de prévention qui comprendra des dispositions très générales et sans véritable portée.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Le code de la construction et de l’habitation, qui a été renforcé dans le cadre de la loi ÉLAN, prévoit déjà le respect des normes minimales d’habitabilité et de performance énergétique pour qu’un appartement social puisse être vendu. Il s’agit là d’une obligation. Si ces normes ne sont pas respectées, la vente ne peut avoir lieu.

Lorsqu’un sous-préfet interdit une opération, sa démarche s’inscrit dans la stricte application de la loi – il est très important de le rappeler. Il ne s’agit pas de faire croire que ce représentant de l’État fait montre d’une volonté et d’une attention plus fortes qu’un autre. C’est la loi : elle doit être appliquée partout. Nous sommes extrêmement vigilants sur ce point.

Madame Guillemot, l’article 88 de la loi ÉLAN prévoit déjà l’obligation pour l’organisme vendeur d’informer l’acquéreur préalablement à la vente du montant des charges de copropriété. Il s’agit d’une information cruciale qui, très souvent, n’est pas suffisamment mise en avant.

Par ailleurs, le montant des travaux et des charges de copropriété, non pas des cinq dernières années comme vous le proposez, mais des deux dernières années, doit être communiqué.

Enfin, comme vous le proposez, la liste des travaux d’amélioration des parties communes et des éléments d’équipement commun à entreprendre ainsi qu’une évaluation du montant global des travaux et des quotes-parts qui seraient imputables doivent être fournies.

Toutes ces informations doivent être communiquées, en plus de tous les éléments que j’ai indiqués, à savoir la copropriété différée, la clause de rétrocession de dix ans, etc.

Ne voyez pas dans ma demande de retrait de votre amendement, parce que je le considérais comme satisfait, une quelconque velléité de ne pas aller dans votre sens. Nous avons déjà eu ce débat dans le cadre de la loi ÉLAN et y avons apporté une réponse.

L’amendement n° 31 rectifié bis vise à mettre en place un plan pluriannuel. L’ordonnance relative aux copropriétés autorisée par la loi ÉLAN entend introduire au sein de ces copropriétés, sur la base d’un diagnostic réalisé à intervalles réguliers – nous sommes en train d’en fixer la durée dans le cadre de la concertation –, un plan pluriannuel de travaux à entreprendre.

Notre objectif est donc que, au moment de la vente, d’une part, l’habitabilité minimale et la performance énergétique soient assurées, d’autre part, l’information communiquée, afin que, tout au long de la vie de l’immeuble, à intervalles réguliers, un plan des travaux à entreprendre au sein de la copropriété soit prévu. Tout cela figurera dans l’ordonnance relative aux copropriétés.

Madame Létard, je propose de vous transmettre l’état des discussions en cours pour que vous ayez la certitude que cela répond bien à vos attentes.

Mme la présidente. Madame Létard, l’amendement n° 31 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Valérie Létard. Je vais retirer cet amendement, madame la présidente, ne serait-ce que parce que nous avons adopté l’amendement n° 10 rectifié quater, qui s’inscrit dans le même esprit, mais qui a l’avantage de mieux cadrer les choses.

Monsieur le ministre, si le sous-préfet est intervenu et a fait son travail très correctement, c’est à la suite d’une alerte de la population ! Certains locataires avaient envie de rester locataires ; en outre, certains des logements mis en vente n’étaient pas en très bon état, sans qu’un programme de travaux ait été engagé. On voit bien que le dispositif en est à ses débuts.

J’appelle votre attention, parce que je pense que le démarrage sera compliqué. De nombreux plans de vente sont déjà lancés : les organismes se sont engagés dans des ventes partielles de patrimoines constitués par des barres d’immeubles – des ventes à la découpe, en quelque sorte. Pour de telles ventes, il faut vérifier non seulement quel type de logement sera vendu, mais surtout à qui.

C’est d’autant plus important que, aujourd’hui, la loi ne permet pas à un acquéreur d’utiliser pendant cinq ans les financements de l’ANAH pour remettre son logement en état.

Mme Valérie Létard. J’espère, monsieur le ministre, que vous reviendrez sur cette disposition.

Lorsque des familles ont juste les moyens d’acquérir leur logement, mais n’ont pas accès aux aides de l’ANAH pour réaliser les travaux, alors que des programmes de travaux sont prévus, cela crée un double risque.

La situation est très fragile. Lorsque les bâtiments ne sont pas vendus en bloc, tous les problèmes peuvent se cumuler.

Je retire mon amendement, mais je suis convaincue que, sans un suivi très précis, si les dispositifs réglementaires que vous allez mettre en place ne prévoient pas de telles dispositions, organisme après organisme, territoire après territoire, on s’expose à des difficultés que l’on pourrait éviter.

Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié bis est retiré.

Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 31 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 27 rectifié

Article 1er B (nouveau)

À la dernière phrase de l’article 4-3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, après le mot : « logement », sont insérés les mots : « , d’un bien immeuble tel que défini aux articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de la construction et de l’habitation ou d’un logement ne répondant pas aux caractéristiques du logement décent défini à l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ». – (Adopté.)

Article 1er B (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 17 rectifié

Articles additionnels après l’article 1er B

Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :

Après l’article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 835-2 du code de la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le bénéfice du tiers payant des aides personnelles au logement est subordonné à la production d’un contrat de location. »

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Cet amendement vise à améliorer la détection de logements potentiellement indignes.

D’après le code de la sécurité sociale, le logement doit réunir les caractéristiques de décence pour ouvrir droit aux aides au logement. Dans les faits, ces critères ne sont vérifiés que si les occupants font l’objet d’un contrôle, ce qui reste très peu probable.

Ainsi, pour faire respecter le droit, les caisses d’allocations familiales, les CAF, ne peuvent se reposer que sur l’attestation de loyer, seule pièce justificative requise concernant le logement. Elles ont mis en place une grille d’auto-évaluation pour inciter les locataires à déclarer un logement potentiellement indécent. Or ces derniers n’ont pas intérêt à dénoncer leurs conditions de logement s’ils veulent obtenir les aides.

Le seul moyen qui permettrait aux CAF de détecter un logement non décent serait d’être destinataires du contrat de location, qui contient un dossier de diagnostic technique et un état des lieux.

Il s’agit donc de subordonner le bénéfice du tiers payant des aides au logement à la production par le bailleur du contrat de location.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit de mettre à disposition des CAF les éléments permettant de détecter les logements indécents ou indignes. En pratique, les CAF auront-elles le temps d’examiner les contrats de location ? Est-ce d’ailleurs leur travail ?

Sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Monsieur le sénateur, le sujet que vous abordez est essentiel, il est même crucial. Pour ma part, j’ai fait le choix de porter tous nos efforts sur l’arrêt du tiers payant lorsqu’il est établi que le logement n’était pas dans l’état de décence nécessaire. Les CAF ne sont pas en mesure de statuer, ab initio, si le logement est pertinent ou non. Cela n’entre d’ailleurs pas dans leurs compétences.

En revanche, j’ai demandé à la CAF, comme cela se pratiquait auparavant – cela figure dans le dernier contrat d’objectifs et de gestion –, lorsqu’elle reçoit un signalement, de cesser immédiatement de verser tout financement directement au propriétaire tant qu’il n’a pas effectué de travaux.

Aujourd’hui, on observe que près de 300 saisines conservatoires sont effectuées par mois, mais que dans 95 % des cas, les sommes conservées sont ensuite restituées aux propriétaires. Cela prouve que, par ce biais, les propriétaires réalisent les travaux et remettent en état leur bien.

Je comprends le problème que vous soulevez, mais la solution que nous sommes en train de mettre en œuvre me paraît plus appropriée.

Mme la présidente. Monsieur Gold, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?

M. Éric Gold. Non, je le retire, madame la présidente.

Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 27 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article 1er C (nouveau)

Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.

L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Ghali, est ainsi libellé :

Après l’article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de loi, un rapport sur la sous-utilisation de la procédure de suspension du versement des aides financières pour un logement considéré comme insalubre ou indécent.

La parole est à Mme Samia Ghali.

Mme Samia Ghali. Nombreux sont les marchands de sommeil qui s’assurent un niveau élevé de rentabilité de leur logement grâce aux aides financières de la caisse d’allocations familiales.

Depuis 2014, la loi ALUR donne le droit à la caisse d’allocations familiales de suspendre jusqu’à dix-huit mois toutes aides financières au logement si un logement est considéré comme insalubre ou indécent afin d’obliger les propriétaires à réaliser les travaux nécessaires.

Malheureusement, les moyens alloués à la CAF pour contrôler ces logements ne sont pas assez importants. Par conséquent, les cas de procédures de suspension allant à leur terme se font rares. Il s’agit d’un problème majeur pour les victimes des marchands de sommeil. Lorsque leur plainte à la CAF n’aboutit pas à une suspension des aides, les occupants font malheureusement souvent l’objet de pressions et de menaces de la part de leur propriétaire.

Il est donc important qu’un état des lieux soit réalisé et que le recours à cette disposition soit plus largement étendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le Sénat, vous le savez – et je ne dérogerai pas à cette règle –, n’est pas favorable aux demandes de rapports. Toutefois, en l’occurrence, la question que vous soulevez nous interpelle. En conséquence, je m’en remettrai à la sagesse de notre assemblée. Peut-être le Gouvernement pourra-t-il nous apporter une réponse plus précise ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Je ne suis pas moi non plus un adepte des rapports, mais au regard de l’importance du sujet que vous évoquez, et compte tenu du fait que je ne suis pas en mesure de vous apporter les précisions à même de vous rassurer au moment où je vous parle, je m’en remettrai également à la sagesse du Sénat sur votre amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er B.

Chapitre Ier B

Clarifier, simplifier et accélérer les procédures en matière de lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux

(Division et intitulé nouveaux)

Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 17 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article 1er D (nouveau)

Article 1er C (nouveau)

I. – L’article 198 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « douze » et l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2020 » ;

2° Le 1° est abrogé.

II. – Les articles L. 1331-22 à L. 1331-30 et L. 1337-4 du code de la santé publique sont abrogés.

III. – Le livre V du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° L’intitulé du titre Ier est ainsi rédigé : « Police du logement et des autres bâtiments » ;

2° Le chapitre unique du même titre Ier devient le chapitre Ier A et est ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER A

« Bâtiments menaçant ruine et bâtiments insalubres

« Section 1

« Définition

« Art. L. 511-1. – Tout bien immeuble qui menace ruine et qui pourrait par son effondrement compromettre la sécurité ou qui, d’une façon générale, n’offre pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique est en péril.

« Les pouvoirs de police spéciale en cas de bien immeuble en péril sont exercés par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou le maire conformément à l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales. Ces pouvoirs sont définis au présent titre.

« Les pouvoirs de police spéciale dévolus au maire sont exercés à Paris par le préfet de police, sous les réserves suivantes. Sous réserve des compétences dévolues au préfet de police en application du dernier alinéa du I de l’article L. 123-3 et du dernier alinéa de l’article L. 123-4, le maire de Paris exerce les pouvoirs prévus au présent chapitre lorsque le bien immeuble menaçant ruine est un bâtiment à usage principal d’habitation, un bâtiment à usage total ou partiel d’hébergement ou un édifice ou monument funéraire. Pour l’application du présent chapitre, le pouvoir de substitution conféré au représentant de l’État dans le département par l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales est exercé par le préfet de police.

« Art. L. 511-2. – Tout bien immeuble, vacant ou non, dès lors qu’il constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé, exploité ou utilisé, un danger pour la santé ou la sécurité des personnes, est insalubre.

« Présentent notamment un danger pour la santé ou la sécurité :

« 1° L’utilisation à des fins d’habitation des caves, sous-sols, combles, pièces de vie dépourvues d’ouverture sur l’extérieur et autres locaux par nature impropres à l’habitation ;

« 2° La sur-occupation des logements, conformément à l’article L. 542-2 du code de la sécurité sociale.

« Les pouvoirs de police spéciale en cas de bien immeuble insalubre sont exercés par le représentant de l’État dans le département selon les modalités prévues à l’article L. 301-5-1-1 du présent code. Ces pouvoirs sont définis au présent titre.

« Art. L. 511-3. – Les biens immeubles mentionnés aux articles L. 511-1 et L. 511-2 ne peuvent pas être mis à disposition à des fins d’habitation, à titre gratuit ou onéreux.

« Section 2

« Signalement et visite

« Art. L. 511-4. – Lorsqu’une demande d’une personne auprès de l’administration relève des prérogatives du maire au titre du présent titre ou des prérogatives du représentant de l’État dans le département au titre du présent titre, le déplacement d’un agent pour établir un constat et le transmettre à l’autorité publique compétente ainsi qu’aux intéressés doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la demande.

« Toute personne ayant connaissance de faits révélant l’insécurité ou l’insalubrité d’un bien immeuble est tenue de signaler ces faits à l’autorité publique compétente. S’il apparaît que les faits ne relèvent pas de sa compétence, l’autorité saisie doit en informer la personne à l’origine du signalement et transmettre sans délai le signalement à l’autorité compétente.

« Art. L. 511-5. – En cas de refus d’accès aux locaux par l’occupant, le locataire ou le propriétaire, le syndicat des copropriétaires ou l’exploitant du local d’hébergement, l’autorité publique compétente saisit le président du tribunal de grande instance qui, statuant en la forme des référés, fixe les modalités d’entrée dans les lieux des personnes chargées de procéder à l’enquête, au diagnostic, au contrôle ou à la réalisation des travaux.

« Section 3

« Mesures en cas durgence

« Art. L. 511-6. – I. – Après avertissement adressé au propriétaire, en cas de péril imminent, l’expert nommé à la demande du maire par la juridiction administrative compétente ou, en cas de danger imminent pour la santé ou la sécurité des personnes lié à l’insalubrité du bien immeuble, le directeur général de l’agence régionale de santé ou, en application du troisième alinéa de l’article L. 1422-1 du code de la santé publique, le directeur du service communal d’hygiène et de santé, examine dans les vingt-quatre heures les bâtiments et propose des mesures de nature à mettre fin à l’imminence du péril ou du danger s’il la constate.

« La présence de revêtements dégradés contenant du plomb à des concentrations supérieures aux seuils définis par arrêté des ministres chargés de la santé et de la construction, dans le logement ou les parties communes de l’immeuble, constitue un danger imminent pour la santé des enfants mineurs et des femmes enceintes.

« II. – Si le rapport mentionné au I conclut à l’existence d’un péril grave et imminent ou d’un danger imminent pour la santé ou la sécurité des personnes lié à l’insalubrité du bien immeuble, l’autorité publique compétente ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment l’évacuation de l’immeuble.

« En cas d’évacuation de l’immeuble ou si l’exécution des mesures prescrites rend les locaux temporairement inhabitables, les dispositions des articles L. 521-1 et suivants sont applicables.

« Art. L. 511-7. – Dans le cas où les mesures et travaux prévus à l’article L. 511-6 n’auraient pas été exécutés dans le délai imparti, l’autorité publique les fait exécuter d’office. En ce cas, elle agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais.

« Si les mesures et travaux ont à la fois conjuré l’imminence du danger et mis fin durablement au péril ou à l’insalubrité du bien, l’autorité publique compétente prend acte de leur réalisation et de leur date d’achèvement. S’ils n’ont pas mis fin durablement au péril ou à l’insalubrité, l’autorité publique compétente poursuit la procédure dans les conditions prévues à l’article L. 511-8.

« Section 4

« Mesures en labsence durgence

« Art. L. 511-8. – I. – Lorsque le péril d’un bien immeuble est supposé, le maire établit un rapport motivé sur la réalité et les causes du péril du bien concerné et indique, le cas échéant, les mesures et travaux propres à y remédier.

« Lorsque l’insalubrité d’un bien immeuble est supposée, le directeur général de l’agence régionale de santé ou, en application du troisième alinéa de l’article L. 1422-1 du code de la santé publique, le directeur du service communal d’hygiène et de santé, établit un rapport motivé sur la réalité et les causes de l’insalubrité du bien concerné, et indique le cas échéant les mesures et travaux propres à y remédier. Le rapport est transmis au représentant de l’État dans le département.

« II. – Dans des conditions fixées par voie règlementaire, l’autorité publique compétente transmet le rapport mentionné au I du présent article au propriétaire et, le cas échéant, à la personne ayant mis les locaux à disposition ou à l’exploitant du bien immeuble. Elle les invite, conformément aux dispositions de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, à présenter leurs observations écrites sur la réalité et les causes du péril ou de l’insalubrité selon le cas et les informe qu’il leur sera demandé de faire cesser ce péril ou cette insalubrité. Le rapport motivé est tenu à la disposition des intéressés qui peuvent présenter des observations écrites dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

« III. – Si, à l’issue d’un délai de deux mois à compter de la transmission du rapport, la personne concernée n’a pas établi l’absence de péril ou d’insalubrité selon le cas, le bien immeuble concerné est déclaré en péril ou insalubre selon le cas par arrêté de l’autorité publique compétente.

« L’arrêté de péril ou d’insalubrité est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, aux titulaires de parts donnant droit à l’attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, aux occupants et, en cas de local d’hébergement, à l’exploitant. Il est publié au fichier immobilier ou au livre foncier dont dépend l’immeuble aux frais du propriétaire. Lorsque les mesures prescrites ne concernent que les parties communes d’un immeuble en copropriété, la notification de l’arrêté aux copropriétaires est valablement faite au seul syndicat de la copropriété.

« À défaut de connaître l’adresse actuelle des personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent III ou de pouvoir les identifier, la notification de l’arrêté les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune ou, à Paris, Marseille et Lyon, de l’arrondissement où est situé le bien immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l’immeuble.

« L’arrêté de péril ou d’insalubrité vaut mise en demeure du propriétaire ou, le cas échéant, de la personne ayant mis les locaux à disposition, de mettre en œuvre les mesures et travaux nécessaires pour faire cesser selon le cas le péril ou l’insalubrité dans un délai fixé. L’autorité publique compétente peut ordonner la démolition de l’immeuble. Dans ce cas, elle y fait procéder sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés rendue à sa demande.

« L’arrêté de péril ou d’insalubrité mentionne qu’en cas de non-respect des prescriptions à l’expiration du délai fixé :

« 1° Le propriétaire est redevable du paiement d’une astreinte selon les modalités prévues à l’article L. 511-10 du présent code ;

« 2° Les mesures et travaux pourront être exécutés d’office aux frais et pour le compte du propriétaire.

« IV. – L’autorité publique compétente peut prononcer une interdiction temporaire ou définitive d’habiter ou d’utiliser les locaux. Dans ce cas, ou lorsque les travaux rendent les locaux temporairement inhabitables, la personne ayant mis à disposition ces locaux est tenue d’assurer l’hébergement ou le relogement des occupants dans les conditions prévues aux articles L. 521-1 à L. 521-4.

« La décision de l’autorité publique compétente mentionnée au premier alinéa du présent IV précise :

« 1° La date d’effet de l’interdiction d’habiter ou d’utiliser les locaux. Si l’interdiction est définitive, cette date ne peut être fixée au-delà de six mois dans les zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés d’accès au logement sur le parc locatif existant ou au-delà de trois mois dans les autres zones ;

« 2° La date à laquelle le propriétaire ou l’exploitant des locaux d’hébergement doit avoir informé l’autorité publique compétente de l’offre d’hébergement ou de relogement qu’il a faite aux occupants en application de l’article L. 521-3-1.

« La décision précise, le cas échéant, les mesures nécessaires pour empêcher tout accès ou toute occupation des lieux aux fins d’habitation. Ces mesures peuvent faire l’objet d’une exécution d’office aux frais et pour le compte de la personne.

« La décision suspend le paiement des loyers jusqu’à la mainlevée de l’arrêté de péril ou d’insalubrité. Les contrats à usage d’habitation en cours à la date de l’arrêté de péril ou d’insalubrité sont soumis aux règles définies à l’article L. 521-2. À compter de la notification de la décision d’interdiction d’habiter ou d’utiliser les lieux, les locaux vacants ne peuvent être ni loués ni mis à disposition jusqu’à la mainlevée de l’arrêté de péril ou d’insalubrité.

« Si, à l’expiration du délai imparti par la décision mentionnée au premier alinéa du présent IV pour le départ des occupants, les locaux ne sont pas libérés, faute pour le propriétaire ou l’exploitant qui a satisfait à l’obligation de présenter l’offre de relogement prévue au II de l’article L. 521-3-1 d’avoir engagé une action aux fins d’expulsion, le représentant de l’État dans le département peut exercer cette action aux frais du propriétaire.

« Art. L. 511-9. – L’exécution des mesures et travaux conformément à l’arrêté de péril ou d’insalubrité est constatée par l’autorité publique compétente qui prononce la mainlevée de l’arrêté et, le cas échéant, de l’interdiction d’habiter et d’utiliser les lieux.

« La décision de mainlevée est publiée au fichier immobilier ou au livre foncier dont dépend l’immeuble pour chacun des locaux, à la diligence du propriétaire et à ses frais.

« Art. L. 511-10. – I. – En cas de non-respect des prescriptions mentionnées dans l’arrêté de péril ou d’insalubrité à l’expiration du délai fixé dans ledit arrêté, le propriétaire défaillant est redevable d’une astreinte d’un montant maximal de 1 000 € par jour de retard.

« L’autorité publique compétente prononce l’astreinte. Son montant est modulé en tenant compte de l’ampleur des mesures prescrites et des conséquences de la non-exécution.

« Lorsque l’arrêté de péril ou d’insalubrité concerne un établissement recevant du public aux fins d’hébergement, l’arrêté prononçant l’astreinte est notifié au propriétaire de l’immeuble et à l’exploitant, lesquels sont solidairement tenus au paiement de l’astreinte.

« Lorsque l’arrêté de péril ou d’insalubrité concerne tout ou partie des parties communes d’un immeuble soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l’astreinte est appliquée dans les conditions prévues à l’article L. 543-1 du présent code.

« Lorsque l’arrêté de péril ou d’insalubrité concerne un immeuble en indivision, l’astreinte est appliquée dans les conditions fixées à l’article L. 541-2-1.

« L’astreinte court à compter de la date de notification de l’arrêté la prononçant et jusqu’à la complète exécution des mesures et travaux prescrits. Le recouvrement des sommes est engagé par trimestre échu.

« L’autorité publique compétente peut, lors de la liquidation trimestrielle de l’astreinte, consentir une exonération partielle ou totale de son produit si le redevable établit que la non-exécution de l’intégralité de ses obligations est due à des circonstances qui ne sont pas de son fait.

« Le montant total des sommes demandées ne peut être supérieur à 50 000 €.

« L’application de l’astreinte et sa liquidation ne font pas obstacle à l’exécution d’office par l’autorité publique compétente des mesures et travaux prescrits par l’arrêté de péril ou d’insalubrité. L’astreinte prend fin à la date de la notification au propriétaire de l’exécution d’office des mesures et travaux prescrits. Dans ce cas, le montant de l’astreinte s’ajoute à celui du coût des mesures et travaux exécutés d’office. Il est recouvré comme en matière de contributions directes et garanti par les dispositions prévues au 8° de l’article 2374 du code civil et aux articles L. 541-1 à L. 541-6 du présent code.

« II. – En cas d’arrêté de péril, l’astreinte est recouvrée, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle est implanté le bien immeuble ayant fait l’objet de l’arrêté. Dans le cas où l’arrêté a été pris par le président d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre en application de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, l’astreinte est recouvrée au bénéfice de l’établissement public concerné.

« À défaut pour le maire ou, le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de liquider le produit de l’astreinte, de dresser l’état nécessaire à son recouvrement et de la faire parvenir au représentant de l’État dans le département dans le mois qui suit la demande émanant de ce dernier, la créance est liquidée et recouvrée par l’État. Après prélèvement de 4 % pour frais de recouvrement, les sommes perçues sont versées au budget de l’Agence nationale de l’habitat.

« III. – En cas d’arrêté d’insalubrité, l’astreinte est liquidée et recouvrée par l’État. Après prélèvement de 4 % pour frais de recouvrement, les sommes perçues sont versées au budget de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d’habitat sur le territoire duquel est implanté le bien immeuble ou l’établissement ayant fait l’objet de l’arrêté, dont le président s’est vu transférer les pouvoirs de police spéciale de lutte contre l’habitat indigne en application de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, ou, à défaut, au budget de l’Agence nationale de l’habitat.

« Art. L. 511-11. – L’application de l’astreinte et sa liquidation ne font pas obstacle à ce que, si les mesures et travaux n’ont pas été exécutés ou ne sont pas conformes à l’arrêté de péril ou d’insalubrité, l’autorité publique compétente procède à leur exécution d’office, aux frais et pour le compte de la personne concernée. Elle peut également faire procéder à la démolition prescrite sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande.

« Si l’inexécution des mesures et travaux prescrits portant sur les parties communes d’un immeuble en copropriété résulte de la défaillance de certains copropriétaires, l’autorité publique compétente peut sur décision motivée se substituer à ceux-ci pour les sommes exigibles à la date votée par l’assemblée générale des copropriétaires ; elle est alors subrogée dans les droits et actions du syndicat à concurrence des sommes qu’elle a versées.

« Les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1334-4 du code de la santé publique sont applicables.

« Art. L. 511-12. – Lorsque le bien immeuble insalubre devient inoccupé et libre de location après la date d’entrée en vigueur de l’arrêté d’insalubrité, dès lors qu’il est sécurisé et ne constitue pas un danger pour la santé ou la sécurité des personnes, le propriétaire n’est plus tenu de réaliser les mesures et travaux prescrits dans le délai fixé par l’arrêté. L’autorité publique compétente peut prescrire ou faire exécuter d’office toutes mesures nécessaires pour empêcher l’accès ou l’usage du bien immeuble, faute pour le propriétaire d’y avoir procédé.

« Lorsqu’un immeuble ou un logement devient inoccupé et libre de location après la date de l’arrêté prononçant une astreinte et ne constitue pas un danger pour la santé ou la sécurité des voisins, il est mis fin à l’astreinte à la date à laquelle le bail a effectivement été résilié et les occupants ont effectivement quitté les lieux. Le propriétaire reste toutefois redevable de l’astreinte tant que les mesures nécessaires pour empêcher l’accès et l’usage du logement, qui ont été, le cas échéant, prescrites, n’ont pas été réalisées.

« Art. L. 511-13. – La personne tenue d’exécuter les mesures et travaux prescrits par l’arrêté de péril ou d’insalubrité peut se libérer de son obligation par la conclusion d’un bail à réhabilitation. Elle peut également conclure un bail emphytéotique ou un contrat de vente moyennant paiement d’une rente viagère, à charge pour les preneurs ou débirentiers d’exécuter les travaux prescrits et d’assurer, le cas échéant, l’hébergement des occupants. Les parties peuvent convenir que l’occupant restera dans les lieux lorsqu’il les occupait à la date de l’arrêté de péril ou d’insalubrité.

« Art. L. 511-14. – Les frais de toute nature avancés par l’autorité publique compétente lorsqu’elle s’est substituée aux propriétaires ou copropriétaires défaillants, en application du présent titre sont recouvrés comme en matière de contributions directes.

« Si le bien immeuble relève du statut de la copropriété, le titre de recouvrement est adressé à chaque copropriétaire pour la fraction de créance dont il est redevable.

« Lorsque la commune s’est substituée à certains copropriétaires défaillants, le montant de la créance due par ceux-ci est majoré de celui des intérêts moratoires calculés au taux d’intérêt légal, à compter de la date de notification par l’autorité publique compétente de la décision de substitution aux copropriétaires défaillants.

« Section 5

« Sanctions

« Art. L. 511-15. – I. – Est puni d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 100 000 € :

« 1° Le fait de refuser délibérément et sans motif légitime d’exécuter les mesures et travaux prescrits en application des articles L. 511-6 et L. 511-8 ;

« 2° Le fait de dégrader, détériorer, détruire des locaux ou de les rendre impropres à l’habitation de quelque façon que ce soit dans le but d’en faire partir les occupants lorsque ces locaux sont visés par un arrêté de péril ou d’insalubrité ;

« 3° Le fait, de mauvaise foi, de ne pas respecter une interdiction d’habiter et, le cas échéant, d’utiliser des locaux prise en application des mêmes articles L. 511-6 et L. 511-8 ;

« 4° Le fait, de mauvaise foi, de remettre à disposition des locaux vacants faisant l’objet d’un arrêté de péril ou d’insalubrité.

« II. – Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La confiscation du fonds de commerce ou de l’immeuble destiné à l’hébergement des personnes et ayant servi à commettre l’infraction. Lorsque les biens immeubles qui appartenaient à la personne condamnée au moment de la commission de l’infraction ont fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique, le montant de la confiscation en valeur prévue au neuvième alinéa de l’article 131-21 du code pénal est égal à celui de l’indemnité d’expropriation ;

« 2° L’interdiction pour une durée de cinq ans au plus d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales ;

« 3° L’interdiction pour une durée de dix ans au plus d’acheter un bien immobilier à usage d’habitation ou un fonds de commerce d’un établissement recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement ou d’être usufruitier d’un tel bien ou fonds de commerce. Cette interdiction porte sur l’acquisition ou l’usufruit d’un bien ou d’un fonds de commerce soit à titre personnel, soit en tant qu’associé ou mandataire social de la société civile immobilière ou en nom collectif se portant acquéreur ou usufruitier, soit sous forme de parts immobilières ; cette interdiction ne porte toutefois pas sur l’acquisition ou l’usufruit d’un bien immobilier à usage d’habitation à des fins d’occupation à titre personnel.

« Le prononcé des peines complémentaires mentionnées aux 1° et 3° du présent II est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable d’une infraction prévue au présent article. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ces peines, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

« III. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 2°, 4°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.

« Elles encourent également la peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de dix ans au plus, d’acheter ou d’être usufruitier d’un bien immobilier à usage d’habitation ou d’un fonds de commerce d’un établissement recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement.

« La confiscation mentionnée au 8° du même article 131-39 porte sur le fonds de commerce ou l’immeuble destiné à l’hébergement des personnes et ayant servi à commettre l’infraction.

« Le prononcé de la peine de confiscation mentionnée au même 8° et de la peine d’interdiction d’acheter ou d’être usufruitier mentionnée au deuxième alinéa du présent III est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable d’une infraction prévue au présent article. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ces peines, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

« Lorsque les biens immeubles qui appartenaient à la personne condamnée au moment de la commission de l’infraction ont fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique, le montant de la confiscation en valeur prévue au neuvième alinéa de l’article 131-21 du code pénal est égal à celui de l’indemnité d’expropriation.

« IV. – Lorsque les poursuites sont engagées à l’encontre d’exploitants de fonds de commerce aux fins d’hébergement, il est fait application de l’article L. 651-10 du code de la construction et de l’habitation.

« Section 6

« Mesures règlementaires

« Art. L. 511-16. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application des dispositions du présent chapitre. » ;

3° Le même titre Ier est complété par un chapitre Ier B ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER B

« Autres bâtiments et édifices

« Art. L. 511-17. – Lorsque des monuments funéraires menacent ruine et pourraient par leur effondrement compromettre la sécurité ou, d’une façon générale, n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, le maire peut prescrire aux personnes titulaires de la concession de mettre en œuvre toutes mesures nécessaires pour remédier à la situation conformément aux dispositions prévues au chapitre Ier A du présent titre.

« Art. L. 511-18. – À l’intérieur d’un périmètre qu’il définit, le représentant de l’État dans le département peut déclarer l’insalubrité des locaux et installations utilisés aux fins d’habitation, mais impropres à cet objet pour des raisons d’hygiène, de salubrité ou de sécurité.

« L’arrêté du représentant de l’État dans le département est pris après avis du directeur de l’agence régionale de santé et de la commune ou, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d’habitat.

« Cet arrêté vaut interdiction définitive d’habiter et d’utiliser les locaux et installations qu’il désigne. Il peut également ordonner la démolition totale ou partielle des locaux et installations, et y faire procéder, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés rendue à sa demande. » ;

4° La division et l’intitulé du titre II sont supprimés et les chapitres Ier et II du même titre II deviennent respectivement les chapitres Ier et II du titre Ier.

IV. – L’article 25-1 A de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les références : « et L. 511-1 à L. 511-6 » sont remplacées par les références : « , L. 511-1 et L. 511-3 à L. 511-17 » et les références : « L. 1331-22 à L. 1331-30 du code de la santé publique » sont remplacées par les références : « L. 511-2 à L. 511-16 et L. 511-18 du même code » ;

2° Après le mot : « constat », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « et le transmettre à l’autorité compétente ainsi qu’aux intéressés doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la demande. » ;

3° Le second alinéa est supprimé.

Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 14, deuxième phrase

Après la référence :

L. 123-3

insérer les mots :

du présent code

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Guillemot, MM. Daunis et Iacovelli, Mmes Conconne, Ghali et Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I - Alinéa 23

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

L’agent signale, par constat séparé, les désordres qu’il a observés, dans le cadre de son déplacement, sur la situation générale du bâti. L’absence de ce constat ou le contenu de ce dernier ne peut être invoqué pour contester la validité de la procédure ou les conclusions de l’expertise.

II – Alinéa 107

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

L’agent signale, par constat séparé, les désordres qu’il a observés, dans le cadre de son déplacement, sur la situation générale du bâti. L’absence de ce constat ou le contenu de ce dernier ne peut être invoqué pour contester la validité de la procédure ou les conclusions de l’expertise.

La parole est à Mme Annie Guillemot.

Mme Annie Guillemot. Les associations avec lesquelles nous avons discuté, notamment la Fondation Abbé Pierre, considèrent qu’il serait souhaitable de profiter du déplacement d’un agent pour effectuer un bilan de l’état général de l’immeuble. Il est en effet très fréquent que l’insalubrité d’un logement ne soit pas une situation isolée et qu’elle concerne en réalité l’ensemble de l’immeuble.

Cet amendement a un objet pragmatique : il s’agit de permettre à l’agent missionné par le maire ou le représentant de l’État, à la suite du signalement d’un particulier, de constater dans un document séparé les désordres qu’il a pu observer lors de son déplacement sur le bâti en général. Cela permettra aux autorités compétentes de mieux apprécier la situation et d’envisager des mesures, y compris en l’absence de signalement exprès des occupants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Comme l’a dit Mme Guillemot, il s’agit d’un amendement pragmatique ; il va dans le bon sens. La commission y est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. J’émets le même avis, pour les mêmes raisons que la commission.

La question que vous abordez, madame la sénatrice, est effectivement très souvent soulevée par les associations. Le fait de profiter de la visite de l’agent de l’État pour évaluer l’insalubrité d’un appartement et recueillir des informations sur le bâti me paraît très pragmatique. Je soutiens cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le notaire chargé d’établir l’acte authentique de vente d’un bien immobilier à usage d’habitation ou d’un fonds de commerce d’un établissement recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement signale à l’autorité compétente les faits pouvant relever de l’insécurité ou de l’insalubrité de ce bien.

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. L’article 193 de la loi ÉLAN a introduit l’obligation pour l’agent immobilier et pour le syndic de copropriété de saisir le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une atteinte à la dignité humaine ou un non-respect d’un arrêté d’insalubrité ou de péril.

De son côté, le notaire a uniquement l’obligation de signaler la non-conclusion de la vente d’un bien immobilier lorsque la personne a déjà été condamnée.

Les marchands de sommeil se fournissent dans le vivier de biens à rénover, notamment lors des ventes aux enchères, raison pour laquelle la loi ÉLAN a également posé l’interdiction pour une personne ayant fait l’objet d’une condamnation d’acquérir un bien par ce biais.

Or l’efficacité de ces deux derniers dispositifs repose sur la condamnation, encore rare, du propriétaire.

Afin de repérer les biens potentiellement insalubres ou en péril, le présent amendement vise à prévoir que le notaire chargé d’établir l’acte authentique signale ces faits aux autorités compétentes. Ces dernières pourront apporter une réponse plus rapide en prescrivant des mesures ou des travaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement est de fait satisfait. Le texte vise déjà, à l’alinéa 24 de l’article 1er C, « toute personne ayant connaissance de faits révélant l’insécurité ou l’insalubrité d’un bien », ce qui inclut le notaire.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. J’émets le même avis, pour les mêmes raisons.

Nous pouvons toutefois rappeler l’obligation prévue à l’alinéa 24 de l’article 1er C aux représentants de la profession de notaire. Je m’engage à leur écrire à ce sujet.

Mme la présidente. Monsieur Gold, l’amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?

M. Éric Gold. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié est retiré.

L’amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Remplacer les mots :

le rapport

par les mots :

l’examen

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 31

Remplacer les mots :

et suivants

par les mots :

à L. 521-4

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 87, première phrase

Remplacer les mots :

aux 1° et 3° du

par les mots :

au

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. La loi ÉLAN a rendu obligatoire le prononcé des peines complémentaires de confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction, ou de l’indemnité d’expropriation, ainsi que l’interdiction d’acquérir des nouveaux biens pendant une durée maximale de dix ans.

Le présent amendement vise à rendre obligatoire le prononcé de la peine d’interdiction pour une durée de cinq ans au plus d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que celle-ci a été utilisée pour commettre l’infraction en matière d’habitat insalubre ou dangereux. Il s’agit ainsi d’empêcher le propriétaire concerné de continuer à alimenter facilement, de par la nature de ses activités, son vivier de logements dégradés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement soulève un véritable problème. Néanmoins, lors de l’examen de la loi ÉLAN, nous n’étions pas allés jusqu’à l’interdiction automatique de l’exercice d’une profession. La sanction peut paraître pour le moins disproportionnée. Pour autant, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Nous avons effectivement eu un débat sur cette question lors de l’examen de la loi ÉLAN. La mesure proposée nous paraît également disproportionnée.

La durée de la sanction complémentaire proposée est supérieure à celle de la peine de prison à laquelle la personne incriminée pourrait être condamnée. En pratique, lorsqu’une peine complémentaire est considérée comme étant disproportionnée, il arrive que parfois, peut-être trop souvent, le juge ne la prononce pas.

Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Gold, l’amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?

M. Éric Gold. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié est retiré.

L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 87, deuxième alinéa

Remplacer le mot :

Toutefois

par les mots :

Si le propriétaire est l’occupant du bien

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Les peines accessoires ayant été supprimées en vertu du principe d’individualisation des peines, nous souhaiterions que la justice ne soit plus tolérante avec le propriétaire non occupant qui, de mauvaise foi, ne rénove pas son patrimoine immobilier.

Cet amendement d’appel vise donc à prévoir que le juge ne puisse pas écarter l’application des peines complémentaires lorsque le bien insalubre ou en péril n’est pas occupé par le propriétaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Vous souhaitez limiter la dérogation que vous proposez au seul cas où le propriétaire est l’occupant du bien.

Le principe d’individualisation des peines est un principe constitutionnel. Lors de l’examen de la loi ÉLAN, nous avons poussé le principe d’une peine automatique aussi loin que possible.

L’amendement que vous nous proposez me paraît poser de sérieux risques d’inconstitutionnalité. La commission y est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Gold, l’amendement n° 30 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Éric Gold. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er C, modifié.

(Larticle 1er C est adopté.)

Article 1er C (nouveau)
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Article 1er E (nouveau)

Article 1er D (nouveau)

L’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le maire en application de ses pouvoirs de police générale prévus à l’article L. 2212-2 peut, par arrêté, interdire temporairement d’accéder, d’habiter ou d’utiliser les locaux en raison d’un danger grave et immédiat affectant la santé ou la sécurité des occupants au sens des articles L. 129-1, L. 511-1 et L. 511-2 du code de la construction et de l’habitation. Dans ce cas, la personne ayant mis à disposition ces locaux est tenue d’assurer l’hébergement ou le relogement des occupants dans les conditions prévues aux articles L. 521-1 à L. 521-4 du même code. Dès sa notification au propriétaire ou au gestionnaire du bien concerné, l’arrêté mentionné au présent alinéa suspend le bail et le paiement des loyers jusqu’à la suppression du risque à l’origine de l’arrêté. »

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par Mmes Noël, Eustache-Brinio et Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, Bonhomme, Perrin, Raison, B. Fournier, Chaize, Segouin et Charon, Mme Micouleau, MM. Mayet et Kennel, Mme Gruny, MM. Paccaud et Chatillon, Mme L. Darcos, M. H. Leroy, Mme Lamure et M. Babary, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est mis en place une base de données et d’information à destination expresse des maires, rassemblant l’ensemble des copropriétés insalubres placées sous administration judiciaire provisoire définie à l’article 29-1 de la loi 65-557. »

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Mme Sylviane Noël. Actuellement, les outils dont disposent les élus locaux face aux copropriétés dégradées sont assez peu opérationnels. Cet amendement vise à renforcer leur pouvoir en amont afin de leur permettre d’avoir une vision d’ensemble des copropriétés placées sous administration provisoire par le biais d’outils dont les modalités de fonctionnement et d’accès resteront à définir.

Il faut en effet savoir que, bien souvent, la seule solution qu’ont les maires pour connaître avec précision l’état d’une copropriété privée est d’y acquérir un lot afin de pouvoir y accéder.

Cet amendement vise donc à doter les maires d’un outil opérationnel afin d’assurer le suivi et la surveillance de ces copropriétés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par le droit actuel.

Le registre des copropriétés est aujourd’hui accessible aux élus et mentionne les copropriétés sous administration judiciaire provisoire.

Les maires sont déjà informés de la saisine du tribunal lorsque la situation de la copropriété nécessite un placement sous administration provisoire et de l’ordonnance de désignation de l’administrateur provisoire.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Madame Noël, l’amendement n° 11 rectifié quater est-il maintenu ?

Mme Sylviane Noël. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié quater est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er D.

(Larticle 1er D est adopté.)

Article 1er D (nouveau)
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Article additionnel après l'article 1er E - Amendement n° 24 rectifié bis

Article 1er E (nouveau)

L’article 17 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’autorité publique concernée a prescrit des mesures et travaux pour faire cesser des situations de péril ou d’insalubrité en application des articles L. 511-1 à L. 511-16 du code de la construction et de l’habitation et qu’elle a constaté l’absence de syndic professionnel, elle saisit dans un délai d’un mois le président du tribunal de grande instance aux fins de désignation d’un syndic professionnel. La présence d’un syndic professionnel est obligatoire jusqu’à la mainlevée de l’arrêté de péril ou d’insalubrité. » – (Adopté.)

Article 1er E (nouveau)
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Article additionnel après l'article 1er E - Amendement n° 13 rectifié quater

Articles additionnels après l’article 1er E

Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par MM. Gold, Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Après l’article 1er E

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 301-6 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 301-… ainsi rédigé :

« Art. L. 301-…. – Les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat, ou à défaut les communes, peuvent désigner un référent chargé d’accompagner les propriétaires de logements dégradés qui le demandent dans la réhabilitation de leur logement en identifiant les mesures et travaux possibles ainsi que les aides publiques mobilisables. »

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Pour résoudre un problème d’habitat insalubre, il faut dans un premier temps poser un diagnostic, puis solliciter des aides financières souvent illisibles et complexes, et enfin engager et superviser les artisans chargés de réaliser les travaux, tout en gérant un relogement parfois inévitable.

Cet amendement vise plus spécifiquement à aider les propriétaires isolés et précaires dans leurs démarches, du diagnostic au suivi du chantier, en passant par les demandes d’aides financières. Toutes ces démarches peuvent en effet être un frein à la prise de décision pour les personnes fragiles. Le recours à une personne référente, mise à disposition par la collectivité, permettrait de sortir de l’insalubrité et de l’insécurité un certain nombre de locataires.

Il s’agit par ailleurs à la fois d’une question de santé publique et d’écologie. En aidant les propriétaires, nous favorisons les travaux d’isolation des bâtiments, lesquels permettent ensuite de réduire la consommation d’énergie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le dispositif que vous proposez dans votre amendement, monsieur Gold, est proche du parcours de rénovation énergétique performante, le PREP, qui a été mis en œuvre, nous l’avons vu, dans la commune de Montfermeil. Il nous semble très intéressant en matière de prévention.

Dès lors qu’il tend à ouvrir aux collectivités la faculté de désigner un référent en matière d’habitat indigne, et non pas à leur en imposer l’obligation, la commission y est favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Je m’en remettrai à la sagesse du Sénat sur cet amendement, car vous avez raison sur le fond, la nomination un tel référent peut être une très bonne chose.

Cela étant, comme le dit Mme la rapporteur, l’amendement tend à prévoir une faculté, non une obligation. Dès lors, rien ne justifie de l’inscrire dans la loi. Je m’en remettrai donc à l’avis éclairé de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Cet amendement de bon sens me semble positif.

On le voit dans les relations entre l’État et les collectivités locales, on manque souvent cruellement d’informations, de bonnes informations. On ne connaît pas forcément les dispositifs existants.

Tous les collègues qui se sont exprimés sur ces sujets extrêmement sensibles ont rappelé les drames qui ont été vécus. Pour que cela ne se reproduise pas, il faut effectuer un travail particulièrement important.

Cet amendement vise à répondre aux attentes. Les collectivités locales, quelle que soit leur taille, ne disposent pas forcément de tous les moyens dont elles ont besoin, en particulier financiers. Malheureusement, tout est financier, comme on le voit lorsque l’on examine les dispositifs qui nous sont soumis dans le cadre du projet de loi de finances en commission des finances. Même si du travail a été réalisé, beaucoup reste à faire.

Je soutiendrai naturellement cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er E - Amendement n° 24 rectifié bis
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Article 1er

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er E.

L’amendement n° 13 rectifié quater, présenté par Mmes Noël, Eustache-Brinio et Morhet-Richaud, MM. Bascher, D. Laurent, Bonhomme, Perrin, Raison, B. Fournier, Chaize et Charon, Mme Micouleau, MM. Mayet et Kennel, Mme Gruny, MM. Paccaud et Chatillon, Mmes L. Darcos et Imbert, M. H. Leroy et Mme Lamure, est ainsi libellé :

Après l’article 1er E

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l’article L. 615-6 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « renouvelable une seule fois », sont remplacés par les mots : « non renouvelable » ;

2° Avant la dernière phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le syndic est tenu de fournir à l’expert tous les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’ordonnance du juge au syndic sous peine du paiement d’une astreinte d’un montant maximal de 200 € par jour de retard. »

II. – La première phrase du quatrième alinéa de l’article 29-1 B de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complétée par les mots : « sous peine du paiement d’une astreinte d’un montant maximal de 200 € par jour de retard ».

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Mme Sylviane Noël. Comme l’a souligné très justement Mme le rapporteur, le renforcement du rôle des collectivités territoriales dans la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux pourrait constituer un axe de travail intéressant. Il pourrait également être intéressant d’intervenir là aussi en amont, sans attendre que le bâti soit dans un état pouvant être dangereux pour ses occupants, notamment en simplifiant la procédure de mise en œuvre d’un état de carence. Une telle simplification se doit bien entendu de respecter les principes du droit de propriété, mais la temporalité est un enjeu important dans ce type de situation.

Cet amendement vise donc à imposer un délai plus court pour la remise du rapport d’expertise lorsque la procédure est enclenchée.

Par ailleurs, il faut souligner que l’expert désigné pour constater la situation de la copropriété rencontre en pratique des difficultés pour obtenir les comptes auprès des syndics. Mon amendement tend donc à prévoir que le syndic devra fournir les documents nécessaires sous peine de devoir acquitter une astreinte d’un montant maximal de 200 euros par jour de retard.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’amendement de Mme Noël s’inscrit dans la continuité des dispositions que nous avons adoptées en commission et tend à accélérer encore la phase d’instruction. Il va donc dans le bon sens. Nous y sommes bien sûr favorables.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. J’émets également un avis favorable. Je pense que la mesure que vous proposez, madame la sénatrice, va dans le bon sens, et je la soutiens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er E.

Chapitre Ier

Renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière de logements insalubres ou dangereux

Article additionnel après l'article 1er E - Amendement n° 13 rectifié quater
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Article 2

Article 1er

I. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 111-6-1-1, les mots : « aux travaux conduisant » sont supprimés ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 111-6-1-2, les mots : « aux travaux conduisant » sont supprimés ;

3° À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 111-6-1-3, les mots : « des opérations de division conduisant à la création de locaux à usage d’habitation au sein d’un immeuble existant sont réalisées » sont remplacés par les mots : « plusieurs locaux à usage d’habitation sont créés au sein d’un immeuble existant » ;

4° (nouveau) À l’avant-dernier alinéa du même article L. 111-6-1-3, les mots : « l’Agence nationale de l’habitat » sont remplacés par les mots : « l’établissement public de coopération intercommunale, ou à défaut à la commune, qui a délimité des zones dans lesquelles une autorisation préalable à la création de plusieurs locaux à usage d’habitation dans un immeuble existant a été instaurée en application des articles L. 111-6-1-1 et L. 111-6-1-2 ».

II (nouveau). – La deuxième phrase du premier alinéa du II de l’article 8-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est supprimée. – (Adopté.)

Article 1er
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 26 rectifié

Article 2

À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat et les communes peuvent demander, par dérogation à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, que le silence gardé pendant deux mois par le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat ou le maire de la commune vaut décision de rejet de la demande d’autorisation préalable de mise en location prévue à l’article L. 635-4 du code de la construction et de l’habitation.

Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation du dispositif.

Un décret fixe la liste des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des communes concernés par l’expérimentation mentionnée au premier alinéa du présent article. Ces établissements et communes sont sélectionnés en tenant compte notamment de leur volontarisme et de leur capacité à mener cette expérimentation.

Mme la présidente. L’amendement n° 20 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 12 rectifié quinquies, présenté par Mmes Noël, Eustache-Brinio et Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, Bonhomme, Perrin, Raison, Chaize et Charon, Mme Micouleau, M. Kennel, Mme Gruny, MM. Paccaud et Chatillon, Mme L. Darcos, M. H. Leroy, Mme Lamure et M. Babary, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il est créé un dispositif de suivi des copropriétés dégradées composé du maire, du président du tribunal de grande instance, des administrateurs provisoires, des services de l’État, qui permet de vérifier que le redressement est bien engagé. Les membres dudit comité de suivi exercent à titre bénévole. Aucun frais lié au fonctionnement de ce comité ne peut être pris en charge par une personne publique.

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Mme Sylviane Noël. Cet amendement vise à créer un organe opérationnel chargé du suivi des copropriétés dégradées, composé du maire, du président du tribunal de grande instance, des syndics, des administrateurs provisoires, des services de l’État.

Cet organe aura l’obligation de se réunir une fois par an au minimum afin de permettre un suivi des copropriétés dégradées, de vérifier qu’un redressement est bien engagé et que la situation ne se dégrade pas davantage dans le temps.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement.

Sur le plan formel, la disposition est insérée dans un article sur le permis de louer, alors qu’elle aborde un tout autre sujet.

Sur le fond, je m’interroge sur la mise en œuvre opérationnelle du dispositif, l’amendement ne précisant pas les copropriétés dégradées concernées – s’agira-t-il des copropriétés sous administration provisoire, des copropriétés soumises à un plan de sauvegarde ? – ni les pouvoirs de ce comité.

Actuellement, les élus sont systématiquement informés des différentes mesures prises concernant les copropriétés dégradées. En cas de difficultés et d’impayés importants, le maire est informé de la saisine du tribunal. Si le juge désigne un mandataire ad hoc, le maire reçoit le rapport du mandataire. Il en va de même en cas de nomination d’un administrateur provisoire.

Si la copropriété nécessite la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde, le préfet met en place une commission pour effectuer un bilan de la situation et faire des propositions. Le maire siège au sein de cette commission et bénéficie d’informations aux différentes étapes de la procédure.

Créer un comité supplémentaire ne me semble pas nécessaire. Les réunions entre les élus, les tribunaux et le préfet relèvent du bon sens et peuvent être mises en pratique dans les différents territoires. Elles n’ont pas vocation à être inscrites dans la loi.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Je demande également le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, pour les raisons brillamment exposées par Mme la rapporteur, que je partage entièrement.

Mme la présidente. Madame Noël, l’amendement n° 12 rectifié quinquies est-il maintenu ?

Mme Sylviane Noël. Oui, madame la présidente.

Dans certains départements, le bon sens l’emporte et ces réunions se font effectivement de manière naturelle. Dans d’autres, c’est moins le cas. La création de cet organe pourrait donner un bon coup de pouce aux élus locaux et leur permettre d’obtenir ce genre de réunions, qui me semblent utiles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Mme Annie Guillemot. Je comprends ce que vient de dire Mme la rapporteur, mais, personnellement, je partage le point de vue de Mme Noël. Un certain nombre de copropriétés privées dégradées ne sont pas repérées suffisamment en amont. On sait pourtant d’expérience aujourd’hui quels éléments doivent alerter : quand il n’y a plus que des locataires et quand des investisseurs viennent acheter des logements parce qu’ils ne sont pas chers.

On évoquait la désignation d’un référent en matière d’habitat indigne. Nombre de communes ont instauré des conseils d’aide aux accédants. Des gens achètent parce que les logements sont à bas prix sans rien connaître de la copropriété privée. Ils ignorent qu’ils vont devoir payer une taxe foncière, les réparations, etc. Notre système pèche parce qu’on arrive alors que le mal est déjà fait.

La mesure proposée Mme Noël pourrait être intéressante pour les maires qui voudraient s’en saisir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. Je considère que cet amendement va dans le bon sens. Je vois de nombreuses copropriétés en cours de dégradation, avant qu’elles ne fassent l’objet d’un plan de sauvegarde. Il faut savoir qu’il existe malheureusement des syndics voyous.

Ces copropriétés comptent de nombreuses personnes âgées, qui n’assistent pas toutes aux assemblées générales, pour de multiples raisons. Elles se font avoir, car on leur fait croire qu’il faut entreprendre des travaux urgents. Elles acceptent de faire faire les travaux et se retrouvent endettées, car elles ont de petites retraites. Elles ne sont pas toujours de mauvaise foi. Elles ne refusent pas de payer, simplement, elles ne peuvent plus le faire. En réalité, elles sont de bonne foi.

Quand on est sollicité par les habitants – cela m’est arrivé –, par les propriétaires occupants, on ne dispose malheureusement d’aucun outil pour les accompagner.

Cet amendement mériterait d’être étudié de plus près, car il pourrait, s’il était adopté, favoriser la compréhension, aider les élus à aller sur le terrain et à faire en sorte que des copropriétés ne se dégradent pas au point de devenir insalubres et de coûter cher à l’État. Mieux vaut que les élus tirent la sonnette d’alarme.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je soutiens cet amendement pour deux raisons, la première, c’est ce qui s’est passé à Marseille.

En l’absence de structures pérennes permettant de faire le point tous les ans, une forme de laisser-aller s’installe pour diverses raisons. Il est ensuite difficile pour la copropriété de retrouver une dynamique de combat.

La seconde raison, c’est qu’une telle structure permet de faire un tour de table et de trouver une solution lorsque quelque chose ne fonctionne pas, lorsque l’on ne sait pas quelles démarches entreprendre. Si l’ensemble des partenaires les plus importants se réunissent tous les ans, ils peuvent se répartir les sujets à traiter, discuter des dispositifs à déclencher. Souvent, les différents acteurs se renvoient la balle à coups de courriers administratifs, ce qui représente une perte de temps et d’efficacité.

Pour ces deux raisons, l’initiative de Mme Noël me paraît très bonne.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. J’entends les réactions des unes et des autres, mais la création d’un comité supplémentaire réunissant les élus locaux, le président du tribunal de grande instance et le préfet me semble lourde et inopportune, ces différents acteurs se réunissant de fait sur le terrain.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cette mesure de bon sens n’a pas à figurer dans la loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié quinquies.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 2 bis (nouveau)

Article additionnel après l’article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le début du premier alinéa du I de l’article L. 634-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé : « Lorsque l’autorisation prévue par l’article L. 635-1 n’a pas été mise en place, l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat ou, à défaut, le conseil municipal délimite des zones soumises … ».

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Le présent amendement tend à généraliser le recours à la déclaration préalable de mise en location, à défaut de rendre obligatoire le permis de louer, dans les zones délimitées au regard de l’objectif de lutte contre l’habitat indigne.

Conscients que les marchands de sommeil ne procèdent pas en principe à la déclaration de location ou à une demande de permis de louer, nous espérons que le renforcement des peines prévues dans la proposition de loi les incitera davantage à le faire.

Cette généralisation reste moins contraignante que celle du permis de louer et permettrait aux collectivités locales compétentes en matière d’habitat d’être informées des biens immobiliers potentiellement indignes mis en location.

En outre, le propriétaire devant remettre un récépissé de la déclaration de mise en location pour bénéficier du tiers payant des aides personnalisées au logement, cette mesure constitue également un outil d’information pour les caisses d’allocations familiales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Il paraît souhaitable de garder de la souplesse en la matière et de laisser les collectivités décider si elles souhaitent ou non mettre en place la déclaration de mise en location.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis du même avis. Vous proposez une généralisation du permis de louer, qui doit à mon sens rester entre les mains des élus locaux. Ces derniers doivent pouvoir déterminer s’ils veulent ou non le mettre en place.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de l’amendement et émettrait, à défaut, un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Gold, l’amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?

M. Éric Gold. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié est retiré.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai annoncé précédemment, je vous propose de prolonger notre séance après minuit afin d’achever l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 26 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 2 rectifié

Article 2 bis (nouveau)

Le deuxième alinéa de l’article L. 635-4 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Aucuns frais ne peuvent être réclamés au titre de cette demande. » – (Adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article 2 ter (nouveau)

Article additionnel après l’article 2 bis

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Guillemot, MM. Daunis et Iacovelli, Mmes Conconne, Ghali et Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article L. 635-4 du code de la construction et de l’habitation est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Elle est valable pour une durée de trois ans à compter de la mise en location. Les locataires ou occupants du logement permettent l’accès aux lieux loués des agents mandatés par l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation préalable. »

La parole est à Mme Annie Guillemot.

Mme Annie Guillemot. Depuis la loi ALUR, l’EPCI ou la commune peuvent mettre en place ce que l’on appelle communément le « permis de louer » sur des périmètres d’habitation présentant une proportion importante d’habitat dégradé et dans l’objectif de lutter contre l’habitat indigne. Cette autorisation préalable doit être sollicitée avant chaque mise en location.

En revanche, le dispositif actuel n’oblige pas le propriétaire à renouveler l’autorisation préalable en cas de reconduction du bail. S’agissant de zones et d’immeubles identifiés à risque, il est proposé que l’autorisation préalable ne soit pas un blanc-seing donné au propriétaire pendant toute la durée d’occupation d’un ménage dont le bail peut se renouveler par tacite reconduction.

Notre amendement instaure une durée de validité du permis de louer. L’autorisation préalable requise avant la mise en location serait ainsi valable pour une durée de trois ans à compter de la mise en location et l’autorité compétente pourrait régulièrement vérifier la situation des logements loués sur le périmètre de l’autorisation.

Fabien Gay nous alertait au sujet de trous dans la raquette. Là, il y en a un. Un ménage peut rester dix à quinze ans dans un logement… Or je sais, pour les avoir vus à l’œuvre, que les marchands de sommeil ont toujours un coup d’avance. Certains, vous l’avez évoqué, monsieur le ministre, faisaient payer les collectivités locales. J’en ai vu d’autres subrogeant l’allocation logement sans l’inscrire sur la quittance ; les CAF devraient le vérifier.

Ce n’est plus possible aujourd’hui, mais il m’est arrivé de retrouver des acheteurs adressant une déclaration d’intention d’aliéner, DIA, en vue d’acquérir un bien dans une copropriété dans laquelle ils venaient de devoir fermer deux logements pour insalubrité ! Dans ces zones, un F4 se vend 60 000, 70 000 euros, et cela reste le meilleur des investissements, comme le soulignait Mme la rapporteur.

Il faut donc faire attention que les marchands de sommeil ne s’immiscent pas dans ces trous dans la raquette…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement prévoit une obligation supplémentaire pour le propriétaire, qui devra non seulement demander un nouveau permis lors du bail initial, puis tous les trois ans.

Le dispositif proposé ne règle pas la situation du locataire si le permis de louer n’est pas attribué à l’issue des trois ans. L’amendement prévoit que le locataire devra laisser l’autorité visiter les locaux. Je m’interroge sur cette disposition qui me paraît contraire au principe constitutionnel d’inviolabilité du domicile.

Enfin, le permis de louer a été conçu comme un outil à utiliser en amont de la mise en location. Lorsque le locataire est déjà dans les lieux, les polices spéciales du péril, de l’insalubrité et la saisine du juge en cas de non-décence doivent automatiquement prendre le relais. J’ajoute que la CAF peut conserver les APL pour obliger le bailleur à réaliser les travaux pour rendre le logement décent.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission vous invite à retirer l’amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Le Gouvernement est du même avis, pour les raisons invoquées par Mme la rapporteur, mais aussi parce que vous avez décidé précédemment que ce sont les élus locaux qui déterminent la mise en place du permis de louer.

Pour faciliter le déploiement du permis de louer, il faut que la mécanique proposée soit suffisamment souple à mettre en œuvre pour les collectivités locales. Ma position est très claire sur ce dossier : ce n’est pas à moi de juger si les collectivités préfèrent lutter contre l’habitat indigne par d’autres mécanismes, mais mes services sont disponibles pour aider tout élu local souhaitant mettre en place un permis de louer. Au début, il faut a minima que le dispositif soit facile à instaurer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, qui veulent permettre aux élus locaux de mieux prévenir la dégradation des copropriétés, parce que les immeubles se dégradent au fil du temps, etc.

Toutefois, je partage l’argument avancé par M. le ministre. Nous devons craindre la réticence des élus locaux envers le développement des permis de louer ou la tentation de les limiter à des territoires si restreints que leur fonction préventive en serait freinée.

Dans quelques années, lorsque l’habitude sera prise, il sera toujours temps d’instaurer un contrôle plus pérenne, mais il me paraît préférable, pour déclencher la bonne pratique, de s’en tenir à une certaine souplesse.

Pour conclure, je voudrais insister sur un point que je n’ai pas encore pu aborder : j’observe que de nombreuses obligations ne sont pas assorties de sanctions en cas de défaillance. C’est d’ailleurs l’une des grandes faiblesses du droit en matière de logement. En particulier, quand une autorité publique a connaissance d’un cas d’insalubrité, quelles sont les sanctions applicables en cas d’absence de déclaration ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Vous avez abordé, madame Lienemann, un point essentiel.

D’une part, le permis de louer comprend une sanction.

D’autre part, il me revient de le faire savoir aux élus locaux, la loi ÉLAN a changé le dispositif de versement des astreintes prises par les arrêtés d’insalubrité, de logement indigne, de péril. Celles-ci sont reversées non plus au budget de l’État, ce qui était aberrant et n’incitait guère les collectivités locales à renforcer leurs polices de lutte contre l’habitat indigne, mais à ceux qui opèrent le contrôle. Ceux qui font l’effort de demander des astreintes sont récompensés, afin de créer un cercle vertueux en faveur de la lutte contre l’habitat indigne.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Mme Annie Guillemot. Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 2 rectifié
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Article 3

Article 2 ter (nouveau)

Le dernier alinéa de l’article L. 635-4 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par exception, lorsque le demandeur a obtenu une autorisation préalable expresse de mise en location d’un logement il y a moins d’un an, il est dispensé de demander une nouvelle autorisation pour la nouvelle mise en location de ce logement et il déclare cette mise en location au président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat ou au maire de la commune. » – (Adopté.)

Article 2 ter (nouveau)
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Article 4

Article 3

(Supprimé)

Article 3
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Article 4 bis (nouveau)

Article 4

L’article L. 511-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après la référence : « L. 511-9, », sont insérés les mots : « en priorité au profit d’une collectivité territoriale ou, si cette dernière renonce à bénéficier de cette priorité, » et les mots : « d’une collectivité territoriale, » sont supprimés ;

2° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Des immeubles ayant fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité en application de l’article L. 511-8 du code de la construction et de l’habitation et pour lesquels il n’existe aucun moyen technique de mettre fin à l’insalubrité ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction ; »

3° Au 2°, la référence : « L. 511-2 » est remplacée par la référence : « L. 511-8 » ;

4° Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Les immeubles ayant fait l’objet d’un arrêté de péril ou d’insalubrité pris en application de l’article L. 511-8 du même code et prononçant une interdiction temporaire d’habiter ou d’utiliser les lieux lorsque les conditions suivantes sont réunies :

« a) Les mesures prescrites par l’arrêté de péril ou d’insalubrité n’ont pas été prises dans le délai fixé et la personne tenue de les exécuter ne s’est pas libérée de son obligation dans les conditions prévues à l’article L. 511-13 dudit code ;

« b) Après une mise en demeure notifiée par l’autorité publique concernée après l’expiration du délai mentionné au a du présent 2° bis, mentionnant la possibilité pour le propriétaire d’être exproprié de son bien en application du présent 2° bis, le propriétaire n’a pas exécuté les mesures et travaux prescrits par l’arrêté de péril ou d’insalubrité dans le délai fixé par la mise en demeure et ne s’est pas libéré de son obligation dans les conditions prévues au même article L. 511-13 ;

« c) La réalisation d’office des travaux par l’autorité publique concernée n’est pas possible ;

« d) Le coût des mesures et travaux prescrits est supérieur à la moitié de la valeur du bien ; ». – (Adopté.)

Article 4
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Article 4 ter (nouveau)

Article 4 bis (nouveau)

Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle mentionne obligatoirement le nom de l’acquéreur envisagé. » – (Adopté.)

Article 4 bis (nouveau)
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Article additionnel après l'article 4 ter - Amendement n° 3 rectifié

Article 4 ter (nouveau)

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2334-36 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « investissements, », sont insérés les mots : « de travaux de déconstruction ou de démolition de l’habitat en péril exécutés par la commune en substitution du propriétaire défaillant ». – (Adopté.)

Article 4 ter (nouveau)
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Article additionnel après l'article 4 ter - Amendement n° 15

Articles additionnels après l’article 4 ter

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Guillemot, MM. Daunis et Iacovelli, Mmes Conconne, Ghali et Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4 ter

I. – Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Les mots : « de bonne foi » sont supprimés ;

2° Sont ajoutés les mots : « sauf mauvaise foi avérée ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Renforcer la protection des occupants de l’habitat indigne

La parole est à Mme Annie Guillemot.

Mme Annie Guillemot. Les associations que nous avons rencontrées comme Droit au logement ou la Fondation Abbé Pierre, qui suivent les familles, nous ont fait part de dossiers particulièrement difficiles avec des enfants atteints de troubles psychologiques compte tenu de leurs conditions d’habitation, ou encore de jeunes exclus de leur lycée parce que couverts de piqûres, leur logement étant infesté de vermine. Vous évoquiez, madame la présidente de la commission, le cas de Marie-Thérèse. Je pense à une jeune fille, excellente à l’école, qui a dû être renvoyée du lycée parce qu’elle était couverte de piqûres. Cette triple peine est inadmissible.

Je souhaite à ce stade revenir sur la très grande avancée que nous avons adoptée en commission, et que le groupe socialiste avait défendue, consistant à permettre au maire d’utiliser ses pouvoirs de police générale et de prendre toute disposition pour ordonner le relogement et la suspension du paiement des loyers pendant la phase intermédiaire d’instruction du dossier. La prise d’un arrêté de péril ou d’insalubrité prend bien souvent trop de temps, laissant les familles dans des situations d’extrême précarité.

Cette possibilité ouverte au maire pourra également s’avérer utile dans la phase d’instruction, les propriétaires indélicats exerçant une pression accrue contre leurs victimes pour faire respecter une loi du silence assortie de menaces, de violences, de chantages, ou encore de voies de fait.

Nous proposons de consacrer un chapitre à la protection des occupants d’habitat indigne qui subissent ces pressions. En effet, les marchands de sommeil ne doutent de rien et certains n’ont pas hésité à solliciter du juge des référés la résiliation du bail pour défaut de paiement au cours d’une procédure d’insalubrité – deux jugements leur ont d’ailleurs donné gain de cause. Les occupants sont alors privés de leur droit au relogement et éventuellement de leur recours en indemnisation.

Pour renforcer la protection des occupants, même si nous en connaissons la difficulté, il est proposé d’intégrer au sein du code de la construction et de l’habitation une présomption de bonne foi de l’occupant. Le droit au relogement des occupants d’habitat indigne serait ainsi mis en œuvre, sauf en cas de mauvaise foi avérée de l’occupant, qu’il reviendrait au juge d’apprécier.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Je souhaite rappeler aux auteurs de l’amendement que le droit actuel fait déjà peser d’importantes obligations sur le propriétaire en matière de relogement lorsqu’est prononcée une interdiction d’habiter les lieux en application d’un arrêté d’insalubrité ou de péril. Le propriétaire doit ainsi reloger le locataire, le sous-locataire et l’occupant de bonne foi. S’il ne peut les reloger, il doit verser un an de loyer aux pouvoirs publics, qui doivent assurer le relogement.

Vous proposez dans votre amendement d’inverser le principe et d’étendre la charge pesant sur les propriétaires avec une réserve, celle de la mauvaise foi avérée. Nos collègues évoquent également les cas où le bail a été résilié et où se pose la question de savoir si l’on doit reloger ou non l’occupant. Si, lors d’une demande en justice pour résilier le bail, les locataires démontrent au juge l’existence de l’arrêté de péril ou d’insalubrité justifiant la cessation de paiement des loyers, le bail ne peut pas être résilié et les locataires ont droit au relogement.

Il me semble que nous avons atteint un équilibre qu’il convient de conserver entre les obligations des propriétaires et les droits des occupants.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Il est également défavorable, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Madame Guillemot, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?

Mme Annie Guillemot. Je le maintiens, car il est question ici non pas de propriétaires, mais de marchands de sommeil.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 ter - Amendement n° 3 rectifié
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Article additionnel après l'article 4 ter - Amendement n° 4 rectifié bis

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 15, présenté par Mme Ghali, est ainsi libellé :

Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article L. 521-3-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « à ses besoins et à ses possibilités » sont remplacés par les mots : « à ses besoins, à ses possibilités et à ses ressources » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La proposition de relogement doit être adaptée aux besoins, aux possibilités et aux ressources de la personne délogée. Elle doit respecter la typologie du logement originel et être adaptée à la composition du foyer, aux besoins spécifiques et aux ressources de ceux qui le composent. L’accessibilité au logement pour les personnes à mobilité réduite doit être prise en compte. Le temps de trajet entre le logement et le lieu de travail ou de scolarisation des membres du foyer ne doit pas être rallongé de plus de quinze minutes. »

La parole est à Mme Samia Ghali.

Mme Samia Ghali. Cet amendement vise à enrichir le principe de « logement adapté aux besoins et aux possibilités » déjà inscrit dans la loi, afin qu’il réponde à l’ensemble des problématiques que rencontrent les personnes délogées pendant leur relogement.

La proposition de relogement doit être adaptée aux besoins, aux possibilités, mais aussi aux ressources des personnes relogées, afin que celles-ci ne subissent pas une double peine.

De ce fait, inscrire dans la loi et encadrer les critères de relogement des personnes victimes de l’habitat insalubre est essentiel. Les personnes déplacées ne sont pas responsables de l’avis de péril qui frappe leur logement. Elles ne doivent donc pas subir la charge supplémentaire induite par un nouveau logement plus cher que l’ancien ou l’allongement des temps de trajet vers le lieu de travail ou de scolarisation des enfants.

Malheureusement, on l’a vu à Marseille, de nombreuses personnes, sur les 2 000 personnes concernées par le relogement après une procédure de péril, ont dû aller habiter à l’autre bout de la ville, sans transports en commun. Les enfants sont obligés de traverser la ville pour se rendre à l’école et rentrent trop tard le soir pour faire leurs devoirs. C’est très compliqué.

Je l’ai dit, il a fallu sept mois pour élaborer une charte de relogement, d’où l’intérêt d’inscrire quelques principes clairs dans la loi. Il s’agit de protéger la personne délogée, qui n’a pas choisi d’habiter dans un logement voire un immeuble en péril et qui doit en subir les conséquences pendant de longs mois, voire quelques années.

Article additionnel après l'article 4 ter - Amendement n° 15
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article additionnel après l'article 4 ter - Amendements n° 22 rectifié, n° 34 et n° 9 rectifié

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme Guillemot, MM. Daunis et Iacovelli, Mmes Conconne, Ghali et Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième phrase du premier alinéa du II de l’article L. 521-3-1 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « l’offre d’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités » sont remplacés par les mots : « deux offres fermes de relogement adaptées aux besoins et aux ressources ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Renforcer la protection des occupants de l’habitat indigne

La parole est à Mme Annie Guillemot.

Mme Annie Guillemot. Je souscris tout à fait aux propos que vient de tenir ma collègue Samia Ghali. Le maire doit formuler trois propositions de relogement, le marchand de sommeil une seule, généralement très éloignée, ce qui pose d’énormes problèmes à la famille. Je pense à la scolarisation des enfants, mais aussi aux femmes dont beaucoup travaillent au cœur des villes, par exemple dans les hôtels.

Notre amendement s’inscrit également dans la logique d’une plus grande protection des occupants d’habitat indigne. En cas de relogement définitif ordonné par l’autorité compétente, c’est le propriétaire indélicat qui doit s’occuper du relogement des occupants. Nous pensons qu’il faut frapper plus fort. Il y a un paradoxe à confier le relogement du locataire victime à son propriétaire délictueux, notamment en cas de relogement définitif, au risque de laisser les occupants dans la spirale de l’habitat indigne.

S’agissant d’un logement définitif, et pour limiter le risque de retour vers un autre logement insalubre, notre amendement prévoit que le propriétaire fera deux offres de relogement, au lieu d’une actuellement, répondant aux besoins et aux ressources du locataire ou de l’occupant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’amendement n° 15 vise à préciser les critères du relogement. Nous comprenons votre intention, madame Ghali, mais une partie des dispositions entre déjà dans la notion de besoins et de possibilités : je pense à l’accessibilité, aux ressources et à la composition du foyer.

Vous exigez en outre que le relogement respecte la typologie du logement originel. Je vous mets en garde, car ce critère ne va pas forcément dans le sens que vous souhaitez. Il faudrait alors laisser des ménages en état de suroccupation, ce qui est souvent le cas dans les situations auxquelles vous faites référence. Cela irait donc à l’encontre du relogement des familles.

Enfin, s’agissant de la condition de trajet, je comprends les habitants de Marseille qui ont dû quitter leur logement et souhaitent être relogés dans leur quartier ou à proximité. Néanmoins, cette condition, vous le savez, n’est pas toujours réalisable. Certains locataires peuvent ne pas vouloir rester dans leur quartier. Surtout, il paraît préférable d’assurer un toit au locataire, même loin de son quartier initial. Exiger une condition de trajet me paraît dès lors extrêmement contraignant.

La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 15 ; à défaut, elle a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 4 rectifié bis tendant à prévoir deux offres de relogement va retarder le relogement effectif de l’occupant par les pouvoirs publics, qui n’interviennent qu’après avoir constaté la défaillance du propriétaire. Le contentieux sur le fait de savoir si l’offre du propriétaire est adaptée ou non risque de doubler, retardant le relogement, ce qui n’est pas l’objectif. Nous cherchons avant tout à obtenir rapidement un résultat. La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis très sensible à l’amendement de Mme la sénatrice Ghali, en écho à la situation vécue à Marseille. Combien de fois les associations et les collectifs des personnes sinistrées m’ont fait part de leur désarroi devant les propositions de relogement, sur lesquelles je m’étais beaucoup impliqué, formulées notamment par les bailleurs sociaux, mais il n’y a pas suffisamment de logements sociaux en centre-ville.

Du fait de la structuration même du bâti, on peut se trouver dans l’incapacité de proposer un logement respectant la même typologie, madame la sénatrice. À ce titre, je demande le retrait de l’amendement ou, à défaut, émettrai un avis défavorable, même si je suis particulièrement sensible à la situation dénoncée.

J’émets les mêmes réserves que Mme la rapporteur sur votre amendement n° 4 rectifié bis, madame la sénatrice Guillemot. Je l’ai dit, les sommes bloquées au titre du tiers payant des APL sont reversées dans 95 % des cas, parce que les travaux sont effectués. Nous souhaitons, comme vous, déclarer la guerre aux marchands de sommeil, mais les situations d’indécence, d’insalubrité peuvent être le fait de propriétaires n’ayant pas réalisé les travaux par négligence, incapacité financière… Le fait de leur demander deux offres retarderait énormément les procédures de relogement. C’est pourquoi je demande également le retrait de l’amendement ou, à défaut, émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. J’entends vos arguments, monsieur le ministre, et je sais combien vous êtes impliqué dans la problématique marseillaise, mais je ne plaisantais pas lorsque j’ai dit que la charte de relogement avait mis sept mois à aboutir. Je sais tout le travail que vous réalisez sur la question du logement, madame la rapporteur, et celui que vous avez accompli à Nice en construisant du logement social, notamment grâce à l’aide à la pierre non utilisée par la ville de Marseille. Si l’on ne vous avait pas laissé faire, nous pourrions peut-être reloger aujourd’hui les habitants de Marseille…

Quoi qu’il en soit, habiter en centre-ville, par exemple, est un choix. Si l’on vous envoie dans une cité à l’autre bout de la ville, où vous n’avez pas vos habitudes, c’est une autre façon de vivre. Les familles s’inquiètent en attendant les enfants qui rentrent tard le soir de l’école et ne savent plus comment faire. Voilà la réalité !

J’évoquais la charte du relogement et le fait de prévoir quelques contraintes afin d’apporter une garantie aux gens qui subissent le péril tout en payant des loyers souvent très élevés – le prix des loyers dans le secteur privé n’est pas celui du logement social, il importe aussi de le rappeler.

Le reportage récemment diffusé sur le service public au sujet du logement insalubre à Marseille montrait notamment la pression exercée par certains propriétaires sur des personnes âgées vulnérables. C’est tout à fait anormal. Après l’émission, un journaliste m’a demandé d’essayer de reloger une dame qui intervenait dans le reportage, parce que cette dame avait reçu des menaces de son propriétaire ! Nous devons lutter contre ces pressions, car les personnes vivant dans des logements insalubres ne l’ont pas choisi et paient bien souvent scrupuleusement leur loyer, sinon, croyez-moi, le propriétaire se rappelle à leur bon souvenir ! C’est aussi une façon de protéger tout le monde.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Samia Ghali. Je comprends votre positionnement, mais comprenez aussi le mien. C’est la raison pour laquelle je maintiendrai cet amendement, ne serait-ce que pour les habitants de la rue d’Aubagne qui attendent encore d’être relogés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Mme Annie Guillemot. Effectivement, nous devons être pragmatiques et efficaces, et je pense que nous envoyons un mauvais signal aux marchands de sommeil, car tout maire qui se respecte aidera le propriétaire pauvre incapable de présenter deux offres. J’ai été maire pendant dix-huit ans, dans le cas des copropriétés privées dégradées, j’ai souvent aidé des propriétaires dans l’incapacité de réaliser les travaux à reloger leurs locataires dans de bonnes conditions. Le marchand de sommeil, lui, propose un relogement à Tataouine-les-Eaux, qui n’est pas acceptée, et c’est le maire qui se retrouve à devoir faire trois propositions à la famille. C’est pourquoi je vous invite à inverser la situation.

Dans des copropriétés de plusieurs milliers de logements, comme à Marseille aujourd’hui, un maire peut se retrouver avec 160 mises en vente, comme cela m’est arrivé, et donc 160 familles à reloger ! Il y a donc un problème. Selon moi, nous sommes dans l’erreur, parce que, sous couvert d’efficacité, tout repose sur le maire.

À Marseille, par exemple, quand les gens ne sont pas responsables, procède-t-on à des réquisitions ?

Mme Annie Guillemot. Dans ma commune, j’ai pris cinq mesures de réquisition, ce qui n’était pas pour faire plaisir à tout le monde. Je regrette que cela n’ait pas été fait à Marseille. On est en train de reloger des gens loin de chez eux, en particulier des enfants loin de leur école, Samia Ghali l’a souligné, alors qu’ils n’ont déjà plus rien. Je me souviens d’une lycéenne qui s’est retrouvée sans rien, son logement ayant brûlé, à trois semaines du bac. C’est terrible !

Nous avons commencé à prendre des mesures fortes à l’encontre des marchands de sommeil…

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Annie Guillemot. … et s’ils réagissent par des violences sur les locataires, ce n’est pas pour rien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Je partage votre conclusion sur les signaux qui ont été envoyés aux marchands de sommeil, ce qui nécessite un accompagnement très fort des locataires.

Le problème des deux offres, c’est que nous allons provoquer la thrombose de l’ensemble du système, parce qu’il n’y a pas que des marchands de sommeil. Évidemment, le marchand de sommeil fera deux propositions à Tataouine-les-Eaux !

Vous évoquez à juste titre la question des réquisitions. J’ai été interpellé à ce sujet par les collectifs lors d’un énième déplacement à Marseille et j’ai joué cartes sur table, car vous savez aussi bien que moi que la réquisition, dans notre pays, prend des années. Il suffit, par exemple, que le propriétaire présente un pseudo-devis de travaux dans les six mois pour arrêter la procédure.

Mme Samia Ghali. Changeons la loi !

M. Julien Denormandie, ministre. Qu’ai-je fait ? J’y suis allé franco, rue de la République, où l’on m’avait signalé des logements vacants. Mes services ont identifié les trois principales foncières et j’ai pu contacter le directeur général de deux d’entre elles. Je leur ai présenté la situation et les ai invités à faire un acte citoyen : en dix jours, cent logements étaient libérés, qui sont aujourd’hui en voie d’être occupés.

Mme Samia Ghali. Il en faut 1 700 !

M. Julien Denormandie, ministre. Pour ce qui est de l’État, je me suis rendu compte que la caserne du Muy, en plein centre-ville, comportait plus d’une dizaine d’appartements susceptibles, après rénovation, d’être mis à disposition. C’est ce que nous avons fait. C’est plus rapide que la réquisition.

Mes services et mon cabinet connaissent mon impatience au sujet de la réquisition. N’oubliez pas, par exemple, que la loi ÉLAN a prévu la réquisition de bureaux pour les transformer en centres d’hébergement d’urgence. Vous connaissez la Constitution aussi bien que moi, le droit de propriété étant ce qu’il est, les procédures sont toujours longues. Au-delà de la réquisition, il convient donc d’identifier les propriétaires, de les appeler à faire un acte citoyen et de libérer ainsi des logements. Cela va souvent plus vite. Je suis sûr que, lorsque vous étiez maire, vous procédiez régulièrement ainsi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si l’on ne peut pas réquisitionner en France, c’est parce que nous n’avons jamais déployé de stratégie systématique sur le logement vacant. J’insiste sur ce point.

La réquisition agit comme une épée de Damoclès. Nous avons des masses de logements vacants, mais nous ne savons pas s’ils sont vraiment transformables en logements ni combien il faudrait investir pour les rénover… La question des relogements se pose pourtant de façon cruciale, de même que celle des logements-tiroirs en cas d’habitat insalubre.

Je me bats depuis longtemps pour rendre obligatoire la connaissance des logements vacants dans les intercommunalités.

Nous devrions absolument informer les propriétaires sur les dispositions d’aide à la rénovation et utiliser l’arme de la réquisition pour ne pas laisser autant de logements vacants sur le territoire national alors que certaines personnes ne sont pas logées dans des conditions décentes.

Quoi qu’il en soit, en l’état actuel des choses, il faut adresser aux propriétaires un signal extrêmement rigoureux sur l’obligation de relogement. Plus ils devront faire de propositions de relogement, moins leurs opérations de marchands de sommeil seront rentables.

Par précaution, je voterai l’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme Guillemot, même s’il peut avoir des effets négatifs.

Mais si l’on ne s’attaque pas à la question du relogement au moyen des logements vacants, nous n’arriverons pas à atteindre nos objectifs !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote sur l’amendement n° 4 rectifié bis.

Mme Samia Ghali. Monsieur le ministre, sur la question de la réquisition, vous avez pu, grâce à votre travail, reloger 100 familles dans des logements refaits à neuf que j’ai eu la chance de visiter avec vous. Mais il y a encore des milliers de logements vides rue de la République à Marseille !

Je ne peux donc laisser dire qu’il est impossible de reloger faute de logements sociaux, alors que 34 000 logements sont libres en centre-ville !

Vous avez vu ces logements vacants, monsieur le ministre, et vous comprenez bien que l’on pourrait reloger sans difficulté les 1 500 familles qui ne sont pas encore relogées, dont 300 vivent à l’hôtel et 200 dans un appart-hôtel.

Encore une fois, ne nous cachons pas derrière cette proposition de loi pour nous rassurer et nous donner bonne conscience.

En réalité, la loi permet déjà d’agir, et c’est bien dans ce cadre légal que vous avez inscrit votre action, monsieur le ministre. Quand la volonté politique existe, on peut régler les problèmes. À l’inverse, quand on ne veut pas les régler, il est facile de s’abriter derrière les insuffisances de la loi. On arrive souvent à obtenir beaucoup de choses par la discussion, comme le prouve votre réussite dans le cas que j’ai cité.

Mme la présidente. Ce n’était pas vraiment une explication de vote, ma chère collègue… (Sourires.) Dois-je comprendre que vous allez voter l’amendement n° 4 rectifié bis ?

Mme Samia Ghali. Oui, bien sûr !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 ter - Amendement n° 4 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article additionnel après l'article 4 ter - Amendement n° 23

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 22 rectifié est présenté par Mmes Guillemot et Conconne, MM. Lurel et Antiste, Mme Jasmin, MM. Kanner, Daunis et Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Ghali et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 34 est présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les solutions permettant de remédier aux conséquences de la suppression de l’APL-accession sur la réalisation de travaux par les propriétaires occupants et sur la lutte contre l’habitat indigne, notamment dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Le rapport présente également les avantages et les inconvénients d’un rétablissement de l’APL-accession.

La parole est à Mme Catherine Conconne, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.

Mme Catherine Conconne. Monsieur le ministre, si l’on devait décerner la palme de la fausse bonne idée au Gouvernement, on pourrait choisir la suppression de l’APL accession, un dispositif qui permettait d’accompagner les ménages à faibles revenus.

Récemment, lors de la conférence du logement qui s’est tenue au ministère des outre-mer, vous nous avez promis de réparer cette erreur, monsieur le ministre. J’ai entendu le Président de la République faire son mea culpa sur la suppression de ce dispositif lors du grand débat, et nous attendons donc de vous un certain nombre d’explications.

Ce soir, nous sommes contraints de nous livrer à des contorsions pour essayer de vous interpeller, via une demande de rapport, sur l’impérieuse nécessité de rétablir l’APL accession.

Si vous aviez encore un doute sur le caractère indispensable de cet accompagnement de l’État pour les ménages modestes, je vous invite à la Martinique, monsieur le ministre, un pays où, en 1848, l’abolition de l’esclavage a « libéré » des gens qui n’avaient rien, sinon leur force de travail, ceux que l’on appelle les sin tierras en Amérique latine. Ils ont été poussés hors de leurs habitations parce qu’il fallait désormais les payer et, cahin-caha, ils commencèrent à se reconstruire une vie, se posant ici ou là, sur la terre de l’autre, sur celle de la ville ou sur le littoral, dans la zone des cinquante pas géométriques… Ils ont construit leurs maisons de bric et de broc avec quelques planches et quelques tôles et ils tentent de les améliorer au fur et à mesure.

L’accession de ces personnes aux droits sociaux a été très longue, et nous attendons encore la parution des décrets de la loi relative à l’égalité réelle outre-mer.

Une fois l’âge de la retraite atteint, à 70 ans ou 80 ans, ces personnes touchent entre 300 euros et 500 euros par mois. L’APL accession leur permettait d’emprunter, de réhabiliter des maisons et d’augmenter leur reste à vivre.

Mme la rapporteur et Mme la présidente de la commission des affaires économiques ont vu ce qu’était l’habitat spontané sous nos cieux.

Malheureusement, nous ne pourrons pas demander le rétablissement de cet accompagnement de l’État, qui tomberait sous le coup de l’article 40 de la Constitution et des contraintes budgétaires… D’où la contorsion à laquelle nous nous livrons, en demandant un rapport pour démontrer que la suppression de l’APL accession était vraiment une fausse bonne idée.

Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur, pour présenter l’amendement n° 34.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je souscris pleinement à l’intervention de notre collègue Catherine Conconne. Sophie Primas et moi-même lui apportons de nouveau tout notre soutien. Nous avons en effet vu de nos propres yeux l’impact considérable de la disparition de l’APL accession dans la loi de finances pour 2018, plus particulièrement en outre-mer.

Depuis cette suppression, certaines opérations de résorption de l’habitat indigne sont ralenties, voire complètement stoppées – malheureusement, ce dernier cas est le plus fréquent.

Cela représente certes une économie d’environ 50 millions d’euros pour le budget de l’État, mais je vous assure, monsieur le ministre, au vu du nombre considérable d’opérations qui ne se feront pas, que ce n’est pas une bonne idée.

L’arrêt de ces opérations laisse certains de nos concitoyens dans des situations d’habitats spontanés véritablement inhumaines. Ils n’aspirent pourtant qu’à être propriétaires, mais, pour cela, ils ont impérativement besoin de l’APL accession. Tous les témoignages que nous avons recueillis vont dans ce sens.

En effet, chère Sophie Primas, nous pouvons citer l’exemple de Marie-Thérèse, dont le seul souhait est de quitter cet habitat informel dans lequel elle vit depuis de si longues années, mais à condition de devenir propriétaire. Or elle ne pourra pas accéder à la propriété dans l’immédiat, à moins que vous n’annonciez le rétablissement de l’APL accession dans la prochaine loi de finances, monsieur le ministre.

Bien évidemment, nous serons de nouveau tous mobilisés en ce sens. Outre l’arrêt des opérations de résorption de l’habitat indigne, que j’ai déjà mentionné, sa suppression a également eu un impact considérable sur la réalisation de travaux par les propriétaires occupants très modestes.

Toutefois, nous ne pouvons pas demander dans ce texte le rétablissement de l’APL accession, comme nous l’avons fait dans les lois de finances précédentes, et comme nous le ferons de nouveau dans le prochain projet de loi de finances.

C’est pourquoi, même si nous ne sommes pas favorables par principe à cette solution, nous proposons la remise au Parlement d’un rapport qui présenterait les solutions permettant de remédier aux conséquences de la suppression de l’APL accession sur la réalisation des travaux par les propriétaires occupants, particulièrement les plus modestes, mais également sur les moyens de lutte contre l’habitat indigne, notamment en outre-mer.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ce rapport exposerait également les avantages et les inconvénients d’un rétablissement de l’APL accession. Au regard de l’urgence de la situation, nous demandons que le Gouvernement puisse le remettre dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 18 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Conconne, MM. Lurel et Antiste, Mmes Jasmin et Guillemot, MM. Daunis et Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Ghali, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les modalités de mise en place d’un dispositif pérenne applicable aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution visant à accompagner les ménages modestes vers l’accession sociale à la propriété et, pour les propriétaires modestes, vers la réhabilitation de leur logement.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Mesures d’urgence pour lutter contre l’habitat indigne et dégradé en Outre-mer

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Les amendements nos 22 rectifié et 34 font le job, mes chers collègues, et je vais retirer l’amendement n° 9 rectifié.

Je me saisis toutefois du temps de parole qui m’est offert pour féliciter la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et la rapporteur de cette proposition de loi, Dominique Estrosi Sassone.

Leur présence à la Martinique a été remarquée et remarquable : elles ont effectué un excellent travail et ont été extrêmement à l’écoute des populations.

On parle d’habitat insalubre et indigne en France hexagonale, mais, chez nous, il s’agit plutôt d’un habitat spontané qui s’est érigé petit à petit. Lorsque vous étudiez le logement en Martinique, c’est toute l’histoire de ce pays qui se déroule devant vous. Il n’existe pas de meilleure empreinte.

Mes chères collègues, vous avez pris le temps de découvrir ces situations, qui n’ont pas d’équivalent en France hexagonale, et vous avez su trouver les mots pour décrire ce contexte si particulier. Je vous remercie solennellement, mesdames, de vous être déplacées, d’avoir compris les enjeux et d’être aujourd’hui nos meilleures ambassadrices pour dénoncer la fausse bonne idée de la suppression de l’APL accession. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Cela étant, le présent amendement étant satisfait, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 22 rectifié et 34 ?

M. Julien Denormandie, ministre. Nous débattrons en effet de ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances.

Les conséquences de la suppression de l’APL accession sur la lutte contre l’habitat indigne dans nos territoires ultramarins dépassaient largement l’objet de notre réforme. On ne retrouve pas les mêmes effets en métropole, et c’est en effet une grande différence.

Dans la réforme de l’APL accession, nous nous étions d’ailleurs engagés à mettre en place un système temporaire pour permettre de finaliser et d’accompagner tous les dossiers en cours au début de l’année 2019.

Nous nous étions engagés également à diligenter une mission, afin que les experts du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, puissent émettre des préconisations.

Si vous le souhaitez, je m’engage à vous transmettre toutes les informations dont je disposerai dans le cadre de ce rapport afin d’éclairer nos débats sur le prochain projet de loi de finances.

Enfin, lors des assises du logement ultramarin, organisées avec ma collègue Annick Girardin, et auxquelles vous avez participé, madame la sénatrice, nous nous sommes interrogés sur ce que pourrait être un système pérenne de lutte contre l’habitat indigne.

Toutefois, au moment où je vous parle, nous n’avons pas encore atterri (Mme Catherine Conconne sexclame.), et je ne peux pas vous décrire le système définitif que nous retiendrons dans le cadre de la loi de finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Si nous avons déposé deux amendements d’appel, monsieur le ministre, c’est pour avoir une réponse claire de votre part. Nous renvoyer simplement au débat budgétaire, c’est un peu court !

Admettez-vous, oui ou non, que la suppression de l’APL accession n’était pas une « fausse bonne idée », mais une très mauvaise idée, qui a eu des conséquences néfastes partout ?

Si vous êtes d’accord avec ce constat, je ne vous demande pas de prendre un engagement ferme et définitif dès aujourd’hui, mais je veux que vous nous promettiez de travailler sérieusement sur le sujet. Nous avons souvent un débat sérieux avec vous, monsieur le ministre, mais, en l’occurrence, votre réponse est franchement insuffisante.

Je voudrais aussi appuyer nos collègues d’outre-mer. Je me suis rendu en Guyane au mois d’avril et, même en Seine-Saint-Denis, je n’avais jamais vu une telle situation, avec des logements éphémères, spontanés, et en réalité des bidonvilles qui poussent partout sur un territoire français.

Au-delà de l’APL accession se pose donc la question des moyens que nous allons consacrer à la résorption de ce problème. J’ai débattu de ce sujet avec le secrétaire général de la préfecture. S’agissant de la loi ÉLAN, je lui ai dit l’opposition de notre groupe au démantèlement rapide des bidonvilles. En effet, si vous ne proposez pas de relogement pérenne, ces derniers repoussent quelques semaines après deux cents mètres plus loin. Il partageait mon point de vue.

Si nous ne construisons pas du logement durable, on peut toujours expulser les gens, mais on ne fera que repousser la misère un peu plus loin. Il va donc falloir un engagement sérieux de votre part et des moyens consacrés à la question de la résorption du logement insalubre, notamment outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sur cette question de l’APL accession, le Président de la République a dit des choses extrêmement précises pendant le grand débat.

Monsieur le ministre, confirmez-vous que le Président de la République a bien dit qu’il regrettait que l’on ait supprimé l’APL accession ? Considérez-vous qu’il s’est engagé à la restaurer ? En tout cas, c’est ce que tout le monde a compris. Comme on nous explique que le grand débat a été un moment déterminant en matière d’écoute, je considère pour ma part, après avoir repris les enregistrements, qu’il s’agissait d’un quasi-engagement. Quelle est votre analyse ?

Par ailleurs, le ministère des outre-mer est souvent bien en retard pour agir sur ces sujets. Une proposition a été faite de mettre en place un produit d’accession progressive à la propriété, en tenant compte des revenus des gens. Il y a bien sûr l’APL, mais comme ces personnes ont des revenus très modestes, il existe des systèmes de glissement du remboursement de l’emprunt pour l’adapter aux ressources de ménages. En résumé, quand ils ont des difficultés, c’est un peu moins cher, et, quand ils reviennent à meilleure fortune, ils paient plus. Cette mesure est en train d’être expérimentée.

On a demandé au ministère des outre-mer de nous aider à faire cette expérimentation à une échelle un plus importante. Celle-ci va commencer en Guyane, mais on pourrait le faire en Martinique ou à la Guadeloupe. Le rapport à l’accession à la propriété, notamment en Guyane, est d’un autre ordre qu’en métropole. Ces mécanismes existent dans d’autres pays, notamment des pays très pauvres. Il faut que le ministère des outre-mer ait une vision plus innovante des produits d’accession à la propriété très sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Monsieur le ministre, je suis déçue de votre réponse. Vous nous dites que vous réfléchissez avant d’atterrir. Mais nous sommes à la mi-juin ! L’été arrive avec ses absences, ses vacances parlementaires, etc. En septembre, nous serons obnubilés par la réforme constitutionnelle. En octobre, nous commencerons à parler budget. À quel moment aurons-nous une réponse ? J’y insiste, vous avez supprimé l’APL accession sans solution alternative, et, six mois plus tard, vous nous dites que vous n’avez pas atterri ! Je vous prends en flagrant délit de carence, monsieur le ministre. Qu’est-ce que je vais dire, en rentrant, aux habitants de Nord-Plage à Macouba, aux habitants de Trénelle, de Canal-Alaric, de Petite-Rivière-Salée à La Trinité ou de Reynoird au Robert. Vais-je leur dire que M. le ministre n’a pas atterri ? Que les dossiers sont encore en train de s’accumuler dans les bureaux de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement, la DEAL, et des opérateurs sociaux ?

Monsieur le ministre, on évite de supprimer un dispositif concernant des personnes en grande difficulté – de 400 euros à 600 euros par mois –, qui ont, pour la plupart, plus de 70 ans, quand on ne sait pas par quoi le remplacer, quand il n’y a pas de solution alternative. On s’adresse à des gens pauvres, en grande difficulté sociale, alors permettez-moi de vous dire que je soutiendrai ces amendements. Franchement, ce soir, vous avez face à vous une élue déçue.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Madame la sénatrice, je ne voudrais pas que vous soyez déçue. Je vous trouve sévère dans vos propos. Quand je dis que l’on n’a pas atterri, je parle du système pérenne. Sur l’année en cours, on a fait en sorte de prendre des dispositions pour pouvoir justement mener à bon port les projets déjà en cours.

La question fondamentale est celle-ci : comment, demain, arriver à avoir un dispositif pérenne pour le financement de la lutte contre l’insalubrité ? Pour ce faire, on sait que l’accession est très clairement un des moyens les plus performants.

Effectivement, on n’a pas encore atterri sur un dispositif pérenne à mettre en place, même si des propositions viennent de nous être faites. D’ailleurs, madame Lienemann, je vous propose d’en parler ensemble pour trouver les meilleures solutions.

Pour répondre également au sénateur Gay, je rappelle que vous étiez là, il y a très peu de temps, lorsque l’on a annoncé avec Action Logement un plan de relance pour le logement de 9 milliards d’euros. Sur cette somme, on consacre 1,5 milliard d’euros à la rénovation et à la construction de logements dans les territoires ultramarins. Sur le constat que vous faites en Guyane, vous avez mille fois raison, mais dites-moi objectivement : depuis combien de temps un tel effort n’avait-il pas été fait ? Évidemment, tout ne va pas changer du jour au lendemain. J’ai l’humilité de le reconnaître, mais nous sommes en plein effort.

Madame la sénatrice, ne sortez surtout pas déçue. Je vous propose de poursuivre le travail sur le sujet. On peut me reprocher des décisions prises, en revanche vous ne pouvez pas douter de mon état d’esprit et de ma volonté de trouver les meilleures solutions. Je m’engage à le faire avec vous. (M. Fabien Gay sexclame.) Ce n’est pas pour balayer vos propositions d’un revers de la main, monsieur le sénateur. Vous le savez très bien, ce n’est ni mon genre ni la réalité. Ces dispositions seront évidemment discutées en loi de finances, mais tout cela se prépare. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sexclame.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Mme Annie Guillemot. Je veux bien sûr appuyer ce que vient de dire Catherine Conconne. C’est l’ensemble de la commission, d’ailleurs, qui va faire de même, car il y a urgence. Vous dites avoir pris des engagements que l’on reverra, mais c’est bien l’ensemble du logement qui est en crise aujourd’hui. Lors de l’audition sur la politique de la ville, nous avons bien vu que la réforme de l’APL n’était toujours pas en cours. Un certain nombre de projets ou d’actions ne sont pas adaptés. Des erreurs ont été faites, notamment sur l’APL accession.

Le problème ne se pose pas seulement en outre-mer. Lorsque j’ai dû démolir de grandes barres, j’ai vu qu’il y avait 30 à 40 familles sur 400 qui pouvaient accéder à la propriété. Pour ces 40 familles, le taux moyen d’APL accession était de 180 euros à 185 euros par mois. Cela leur a permis, avec une aide au foncier de la métropole de Lyon et de la ville de Bron, d’acquérir. Aujourd’hui, elles ne le peuvent plus. L’APL accession, qui ne coûte que 50 millions d’euros, permettait à des familles, dont le logement était démoli dans le cadre des programmes de l’ANRU, d’accéder à la propriété.

Mme Annie Guillemot. Bien sûr !

Aujourd’hui, on est en panne. On va s’apercevoir que, sur les programmes de l’ANRU, on n’y arrive plus, alors que les collectivités, les EPCI, les métropoles font beaucoup d’efforts sur l’aide au foncier. La réforme de l’APL, sa revalorisation à 0,3 % au lieu de 1,8 % sont de graves erreurs. Il faut entendre ce que dit Catherine Conconne : malheureusement, monsieur le ministre, ce genre de réforme frappe les plus pauvres des plus pauvres.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié et 34.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 4 ter - Amendements n° 22 rectifié, n° 34 et n° 9 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Articles 5 et 6

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4 ter.

L’amendement n° 23, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :

Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux zones des cinquante pas géométriques en outre-mer, pour permettre les opérations de résorption de l’habitat insalubre ou dangereux au regard des risques climatiques ou sismiques dans ces zones.

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Il s’agit non pas d’APL, mais de l’occupation de la zone des cinquante pas géométriques. En outre-mer, particulièrement en Guadeloupe, on constate une occupation de la bande littorale par des habitats spontanés. C’est évidemment dangereux, parce que nous sommes confrontés à des risques naturels majeurs, notamment les ouragans et les cyclones.

Avec cet amendement, je demande un rapport du Gouvernement, d’une part, pour permettre de prendre en compte ces situations, et, d’autre part, pour faire en sorte que les différents acteurs – Conservatoire du littoral, communes, associations environnementales – prennent des mesures pour parer les difficultés que l’on déplore systématiquement après les ouragans et les cyclones. J’en profite pour remercier Mmes Estrosi Sassone et Primas, que j’ai entendues sur Radio Caraïbes International, lors de leur passage en Guadeloupe. Je souscris à tout ce qui a été dit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je partage bien évidemment ce que vient de dire Mme Jasmin, mais je sollicite néanmoins le retrait de son amendement, faute de quoi j’y serai défavorable. Vous faites référence à la zone des cinquante pas géométriques en outre-mer. Nous avons pu entendre parler par le préfet de la Martinique d’une opération particulièrement sensible. Au moment où nous étions sur place, il y avait d’ailleurs des manifestations d’habitants de ces zones. En l’espèce, néanmoins, je pense qu’il vaudrait mieux demander à contrôler l’application de la loi Letchimy, qui a déjà beaucoup fait avancer les choses en matière d’habitat informel et d’habitat indigne en outre-mer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Jasmin, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Victoire Jasmin. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 23 est retiré.

Chapitre II

Accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles

(Division et intitulé supprimés)

Article additionnel après l'article 4 ter - Amendement n° 23
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article additionnel avant l'article 7 - Amendements n° 5 rectifié et n° 6 rectifié

Articles 5 et 6

(Supprimés)

Chapitre III

Renforcer l’efficacité des sanctions contre les marchands de sommeil

Articles 5 et 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article 7

Articles additionnels avant l’article 7

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Guillemot, MM. Daunis et Iacovelli, Mmes Conconne, Ghali et Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le IV de l’article L. 521-3-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :

« IV. – Lorsqu’une personne publique, un organisme d’habitations à loyer modéré, une société d’économie mixte ou un organisme à but non lucratif a assuré le relogement, un arrêté du maire ou du préfet fixe l’indemnisation du relogement due par le propriétaire ou l’exploitant soit sous la forme d’un versement forfaitaire de dix-huit mois de loyer prévisionnel, soit sous la forme du paiement d’un droit de réservation auprès d’un organisme de logement social désigné par l’arrêté. »

Madame Guillemot, pouvez-vous nous présenter en même temps l’amendement n° 6 rectifié ?

Mme Annie Guillemot. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Guillemot, MM. Daunis et Iacovelli, Mmes Conconne, Ghali et Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au IV de l’article L. 521-3-2 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « dix-huit mois ».

La parole est à Mme Annie Guillemot.

Mme Annie Guillemot. L’indemnité représentative des frais engagés pour le relogement en cas de défaillance du propriétaire est limitée actuellement à un an de loyer prévisionnel. Il est proposé de renforcer l’indemnisation due par les propriétaires indélicats ou marchands de sommeil. Nous souhaitons en effet porter l’indemnité de relogement à dix-huit mois de loyer au lieu d’un an, et ce sans aucun état d’âme.

Cet amendement vise également à permettre aux maires d’imposer au propriétaire ou à l’exploitant défaillant de s’acquitter d’un droit de réservation auprès d’un organisme d’HLM. Finalement, c’est comme une réquisition. Il n’y a pas de raison que l’on ne puisse pas le faire avec un marchand de sommeil. Alors que les procédures judiciaires sont très longues, avec des résultats qui ne sont pas toujours à la hauteur des attentes, cette proposition permettra à l’autorité compétente de sanctionner plus fortement le marchand de sommeil qui aura exploité pendant des années des personnes en situation d’extrême vulnérabilité. Qu’il paie 13 000 euros à 15 000 euros de droit de réservation auprès d’un organisme d’HLM serait, à mon sens, une bonne leçon.

L’amendement n° 6 rectifié est un amendement de repli, qui vise seulement à porter l’indemnité de relogement à dix-huit mois de loyer au lieu d’un an.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je sollicite le retrait de ces deux amendements, faute de quoi j’y serai défavorable.

Par l’amendement n° 5 rectifié, vous demandez d’abord que, en l’absence de critères, le choix relève du maire ou du préfet. Je pense que cela peut être sujet à contentieux. Je m’interroge ensuite sur le fait d’imposer un droit de réservation, car cela me semble particulièrement complexe à mettre en œuvre sur le plan opérationnel. En effet, on va multiplier le nombre de réservataires pour les bailleurs sociaux, ce qui ne va pas forcément dans le sens d’une simplification. Enfin, je me suis longuement interrogée sur l’augmentation de l’indemnité d’un an à un an et demi. Nous préférons retenir le paiement d’un an de loyer, ce qui est déjà assez considérable. Je vous propose d’en rester là. Ce dernier argument vaut également pour l’amendement n° 6 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. J’émets le même avis, pour les mêmes raisons. De plus, l’amendement de repli ne vise que les bailleurs indélicats ou les marchands de sommeil, ce qui nous renvoie à la discussion que nous avons eue sur la question de l’applicabilité de la disposition, qui est très complexe. Je partage votre combat, mais je pense qu’il est très difficile de répondre favorablement à la solution que vous préconisez.

Mme la présidente. Madame Guillemot, que souhaitez-vous faire ?

Mme Annie Guillemot. Je les maintiens, car il importe de taper au porte-monnaie. Sinon, tout va continuer, et les marchands de sommeil auront toujours, je le répète, une longueur d’avance. Ne tergiversons pas trop !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 7 - Amendements n° 5 rectifié et n° 6 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article 8

Article 7

Au premier alinéa de l’article L. 634-4 du code de la construction et de l’habitation, le montant : « 5 000 € » est remplacé par les mots : « 10 000 € ou, en cas de nouveau manquement dans un délai de trois ans, à 20 000 € » et les mots : « l’Agence nationale de l’habitat » sont remplacés par les mots : « l’établissement public de coopération intercommunale, ou à défaut à la commune, qui a délimité des zones soumises à déclaration de mise en location en application de l’article L. 634-1 ». – (Adopté.)

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Article 9

Article 8

L’article L. 635-7 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une personne met en location un logement sans disposer de l’autorisation prévue au présent chapitre auprès de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat ou, à défaut, de la commune, le représentant de l’État dans le département peut, après avoir informé l’intéressé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé, ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 €. En cas de nouveau manquement dans un délai de trois ans, le montant maximal de cette amende est porté à 30 000 €. » ;

2° Au troisième alinéa, les mots : « aux deux premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa » et les mots : « l’Agence nationale de l’habitat » sont remplacés par les mots : « l’établissement public de coopération intercommunale, ou à défaut à la commune, qui a délimité des zones soumises à autorisation préalable de mise en location en application de l’article L. 635-1 ». – (Adopté.)

Article 8
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Article additionnel après l’article 9

Article 9

Le premier alinéa de l’article 2-10 du code de procédure pénale est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits ayant, en vertu de ses statuts, vocation à lutter contre l’exclusion sociale ou culturelle des personnes en état de grande pauvreté ou en raison de leur situation de famille ou contre l’habitat insalubre et l’hébergement incompatible avec la dignité humaine peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne :

« 1° Les infractions réprimées par les articles 225-2, 225-14 et 432-7 du code pénal ;

« 2° Les infractions réprimées par les V et VI de l’article L. 123-3 et le I de l’article L. 511-15 du code de la construction et de l’habitation ;

« 3° Les infractions réprimées par le I de l’article L. 521-4 du même code.

« Toutefois, l’association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime ou, si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, celui de son représentant légal, sauf pour les infractions mentionnées aux 2° et 3° du présent article. » – (Adopté.)

Article 9
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l’article 9

Mme la présidente. L’amendement n° 21 n’est pas soutenu.

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l’article 9
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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10

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 12 juin 2019 :

À huit heures :

Débat sur le bilan de l’application des lois, en salle Clemenceau.

À quinze heures :

Lecture d’une déclaration de politique générale.

De seize heures à vingt heures :

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)

Proposition de loi créant un statut de l’élu communal, présentée par M. Pierre-Yves Collombat et plusieurs de ses collègues (texte n° 305, 2018-2019).

Proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l’accès à l’énergie et à lutter contre la précarité énergétique, présentée par M. Fabien Gay, Mme Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues (texte n° 260, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 12 juin 2019, à une heure cinq.)

Direction des comptes rendus

ÉTIENNE BOULENGER