Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nouvel examen de la proposition de loi de notre collègue Bruno Gilles, après le drame de Marseille et plusieurs mois de travaux importants de la commission des affaires économiques, constitue un signal positif dans le traitement de l’habitat insalubre et dangereux.

Les plaies immobilières sont malheureusement de plus en plus nombreuses, et les logements de ce type sont avant tout des pièges pour la santé, voire la vie des habitants contraints d’y rester.

Le traitement de ces plaies prend trop de temps, car notre loi est trop faible. Les causes de ces délais sont l’impécuniosité des propriétaires, les biens en déshérence, les syndics défaillants, les procédures trop longues et trop complexes, les difficultés à se substituer aux propriétaires…

La présente proposition de loi, dont l’ambition a été relevée par Mme le rapporteur, répond à toutes ces attentes.

Si l’on demande aux collectivités locales d’en faire toujours plus dans ce domaine – permis de louer, permis de diviser, recrutement d’agents pour aller vérifier la salubrité des appartements, etc. –, tout cela suppose des moyens ! C’est pourquoi je me réjouis que la commission des affaires économiques ait accepté d’intégrer à son texte l’amendement que j’avais déjà déposé lors de la première lecture de la proposition de loi : il s’agit de rendre les travaux relatifs à l’habitat en péril éligibles à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.

Dans les plus petites communes, il arrive que des propriétaires laissent leur maison à l’abandon pour des raisons diverses – indivisions, éloignement, manque de moyens.

Lorsque le maire a connaissance de désordres affectant un logement susceptible de provoquer un danger pour la sécurité des occupants ou des riverains, il notifie au propriétaire la procédure de péril. Cependant, lorsque le propriétaire est défaillant, la commune n’a que très rarement les moyens de s’y substituer ; dans certains cas, elle peut compter sur l’accompagnement de l’ANAH, mais celui-ci se limite aux immeubles à usage de logement.

Faute de certitude en matière de recouvrement des dépenses, les maires hésitent donc parfois à engager les procédures nécessaires pour mettre fin aux situations de péril.

Le recours à la DETR serait un outil supplémentaire, particulièrement utile en milieu rural. L’État ne doit pas fermer les yeux sur la détérioration de ces logements. Il doit être cohérent et allouer les moyens nécessaires.

En conclusion, le groupe Union centriste votera en faveur de cette proposition de loi, telle que remaniée. Il serait bon néanmoins, monsieur le ministre, que des mesures d’ordre budgétaire puissent accompagner la prévention de l’habitat insalubre et, donc, la rénovation des logements. Sans moyens et sans prévention, nous ne ferons que « courir » après l’insalubrité, sans la combattre.

Je laisse ma collègue Nadia Sollogoub compléter utilement mes propos dans quelques minutes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Anne Chain-Larché et M. Marc Laménie se joignent à ces applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite en préambule saluer le travail de fond considérable que notre collègue rapporteur Dominique Estrosi Sassone et l’ensemble de la commission des affaires économiques, présidée par Sophie Primas, ont réalisé sur ce texte. Ce travail a permis d’étoffer et de compléter de façon pertinente la proposition de loi initiale de notre collègue Bruno Gilles.

Certes, cela ne résout pas tout, mais, au moins, cela a le mérite de mettre sur la table des questions depuis trop longtemps restées sans réponse concrète.

La lutte contre le logement insalubre est un sujet complexe aux facteurs multiples, un sujet nécessitant une analyse en profondeur pour trouver des solutions adaptées aux spécificités de chaque situation et de chaque territoire.

Bien sûr, les enjeux du logement insalubre en zone urbaine ne sont pas les mêmes que dans les zones rurales.

Dans ma région, les Hauts-de-France, pour des raisons historiques et économiques, on compte un nombre élevé de logements indignes, occupés par une population en grande précarité.

Selon un récent rapport de la Fondation Abbé Pierre, 200 000 logements du parc privé y sont considérés comme potentiellement indignes. C’est beaucoup trop !

Je voudrais d’ailleurs saluer l’action de toutes les associations s’engageant au quotidien pour accompagner et aider ces foyers modestes. Ces associations réalisent un travail formidable, qu’il convient de reconnaître, accompagnant bien souvent les collectivités engagées sur le sujet.

Je l’avais déjà évoqué lors de nos discussions en février dernier, le volet préventif doit être traité avec la même importance que le volet répressif.

En ce sens, je me félicite du rapport qui complète utilement la proposition de loi, avec plusieurs mesures permettant de mieux anticiper les situations de logement insalubre.

Concernant le diagnostic technique global, je considère toutefois que le délai proposé est trop court. C’est pourquoi, mes chers collègues, je proposerai un amendement tendant à le rendre obligatoire pour les copropriétés de plus de vingt ans.

Les dispositions visant à clarifier, simplifier et accélérer les procédures en matière de traitement de l’habitat insalubre ou dangereux vont également dans le bon sens.

Il faut que cela soit complété et cohérent avec les mesures à venir du Gouvernement. Il faut aussi bien s’interroger sur l’autorité la plus compétente pour exercer le pouvoir de police du logement : la réponse pourra être différente selon les territoires.

Le renforcement des sanctions proposé est une bonne chose. Il est pertinent qu’il soit accompagné de contrôles plus fréquents, de délais de procédure plus courts et de moyens humains et financiers appropriés.

La prévention et la sanction sont deux éléments clés pour lutter contre le logement insalubre.

Il faut aussi comprendre pourquoi les travaux de rénovation n’ont pas été réalisés. Les sanctions s’imposent si l’on fait face à des marchands de sommeil mal intentionnés, profitant de situations fragiles, ce que la loi ÉLAN envisageait de faire. Dans le cas de propriétaires occupants, il faut veiller à les accompagner au mieux, financièrement et administrativement, dans les travaux à réaliser. De nombreux dispositifs existent, encore faut-il qu’ils soient efficaces et connus !

L’Agence nationale de l’habitat joue un rôle essentiel en la matière. Dans le cadre de son programme « Habiter mieux », auquel plus de 530 000 propriétaires occupants sont éligibles, plus de 6 800 logements ont été rénovés en 2018, avec 62 millions d’euros d’aides distribuées. Le Gouvernement doit lui affecter des moyens à la hauteur des enjeux et mieux communiquer sur ces soutiens financiers.

Le rôle des collectivités territoriales est primordial dans la lutte contre l’habitat indigne. Sous l’égide de grands principes ou de politiques nationales et avec l’appui d’administrations et d’agences, les agglomérations et les communes mettent en place les actions concrètes sur le terrain. C’est une prise de conscience générale que nous devons saluer en matière de lutte contre l’habitat indigne.

Que ce soit à Roubaix, Saint-Omer, Amiens, Dunkerque ou Lille, je sais que les collectivités des Hauts-de-France innovent et expérimentent sur ce sujet, avec la mise en place de permis de louer, de permis de diviser ou l’intervention d’inspecteurs de salubrité, par exemple. Toutes ces initiatives doivent être soutenues et étendues dans tous nos territoires urbains et ruraux. Le renforcement du rôle des collectivités exige de leur donner les moyens nécessaires et un cadre légal leur offrant des outils pertinents pour agir.

Le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi, qui apporte une contribution certaine aux travaux menés pour trouver, avec l’ensemble des acteurs concernés, les meilleurs moyens de lutter contre le logement insalubre.

Le droit à un logement décent doit être une priorité de tous les pouvoirs publics tant il touche à la façon dont on considère notre société, ses valeurs et ses fondements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mal-logement est un archipel invisible de caves, de combles, de logements mal entretenus et d’habitations surpeuplées.

Bien souvent, les personnes qui y vivent ont pour environnement l’humidité, l’amiante, le plomb et la promiscuité de leurs proches. La plupart d’entre eux sont victimes de marchands de sommeil.

Les situations de détresse face au mal-logement sont multiples. Certains de nos enfants grandissent dans des logements si exigus qu’ils finissent par accuser un retard de développement à long terme.

Face à cette rupture d’égalité, notre devoir de parlementaires est de garantir à chacun un droit à la dignité dans son logement.

Le Gouvernement, grâce à votre action, monsieur le ministre, travaille ardemment à la résolution de cette question, notamment par la stratégie de lutte contre le mal-logement qu’il a engagée dès le début du quinquennat.

À cet égard, je tiens à saluer trois mesures qui ont été prises et permettront d’accélérer la construction de logements là où nous en avons le plus besoin : le doublement du budget de renouvellement urbain, l’abattement fiscal pour la vente de terrains en zone tendue et, enfin, l’encadrement des recours contre les permis de construire.

Cette proposition de loi, dont notre collègue Bruno Gilles est à l’origine, s’inscrit dans le même objectif global, en s’attaquant à la problématique du mal-logement : elle vise ainsi à lutter contre l’activité des marchands de sommeil. À ce stade, notre groupe soutient l’ensemble des mesures proposées.

Ce texte a été patiemment amélioré après son renvoi à la commission. Nous tenons, à ce titre, à remercier la rapporteur Dominique Estrosi Sassone pour son travail d’approfondissement.

Je souhaite également saluer le travail de notre collègue député Guillaume Vuilletet, qui mène une mission en ce moment sur le mal-logement.

Pour lutter contre les marchands de sommeil, nous nous accordons à dire que les collectivités sont les mieux placées.

Placer l’autorité de contrôle et de sanction au plus près des marchands de sommeil est la bonne stratégie. Le maire et le président d’EPCI sont ceux qui connaissent le mieux les problématiques de leurs territoires en matière de mal-logement.

On ne pourra plus laisser perdurer une situation de mal-logement un an après que le bien aura été déclaré insalubre : il faudra trouver une solution dans les trois mois.

Enfin, s’il faut contrôler les locations en amont, il faut aussi pouvoir sanctionner plus efficacement en aval et punir ceux qui s’enrichissent en louant un logement indigne. En aggravant les sanctions administratives encourues en cas de non-respect du permis de louer, nous sanctionnerons plus rapidement et plus efficacement. En permettant aux associations de se constituer partie civile pour poursuivre les marchands de sommeil, nous permettrons qu’ils soient plus facilement condamnés.

Enfin, dans l’espoir de nourrir nos débats futurs, permettez-moi de formuler ces quelques remarques.

Nous devrons veiller à ne pas oublier les propriétaires mal-logés, car c’est aussi un aspect du mal-logement. C’est par exemple le cas des logements peu onéreux, qu’il faut rénover pour les rendre habitables. Certains n’ont jamais les moyens d’assumer la totalité des rénovations nécessaires et se trouvent endettés et coincés dans ces logements insalubres.

Par ailleurs, il existe des logements qui ne sont pas directement insalubres, mais qui le deviennent dès lors qu’ils sont occupés par un trop grand nombre de personnes. Ce n’est pas un phénomène mineur puisque la Fondation Abbé Pierre estime à 2,8 millions le nombre de personnes concernées.

Pour conclure, je veux rappeler que la part de la dépense que les ménages consacrent au logement n’a pas cessé d’augmenter ces dernières années : il est impératif de rendre les ménages capables de financer des logements à proximité des bassins d’emploi.

Il faut pour cela contenir le prix de l’immobilier ; il faut construire plus et plus vite. Sans cela, les ménages continueront d’être pris en tenaille entre la concentration de l’emploi dans les métropoles et la hausse des prix de l’immobilier dans ces bassins d’emploi.

La loi ÉLAN est une des réponses à cette situation du mal-logement. Cette proposition de loi en est une autre. C’est pour cela que nous la soutiendrons. (Mme Michèle Vullien applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous revoici quatre mois plus tard afin de débattre de cette proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux.

Nous étions plusieurs à le souligner à l’époque, l’émotion suscitée par l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne avait conduit très justement notre collègue Bruno Gilles à déposer cette proposition de loi.

Même si nous partagions alors – et nous la partageons toujours – son émotion, le contenu de ce texte, et nous l’avions tous souligné, était imparfait compte tenu des enjeux. C’est pourquoi le choix avait été fait collectivement, madame la rapporteur, madame la présidente de la commission, de voter une motion tendant à la renvoyer en commission afin qu’elle soit retravaillée.

À ce propos, et sans vouloir verser de l’huile sur le feu avant nos débats prochains, je voudrais dénoncer le rythme imposé aux parlementaires pour faire la loi. En effet, si nous voulons faire de bonnes lois, il faut prendre le temps de les travailler soigneusement. Avec la baisse du nombre de parlementaires annoncée, je crains que la situation n’aille en s’aggravant dans les années à venir.

Pour en revenir au débat qui nous occupe aujourd’hui, je voudrais rappeler qu’à cette heure-ci, à la suite de l’évacuation des 311 immeubles après ces tragiques événements, 223 ménages sont encore à reloger, soit un peu moins de 500 personnes, la preuve s’il en fallait que du chemin reste à faire.

Du chemin que nous devons combler grâce à cette proposition de loi, car, à l’échelle nationale, plus de 400 000 logements seraient insalubres. Et je veux rappeler ici que l’insalubrité des logements n’est pas seulement l’apanage des villes : elle est aussi très présente dans nos communes rurales, déjà touchées par le fléau des « volets fermés ».

Pour lutter, les collectivités doivent être accompagnées et nous devons leur donner les leviers afin de répondre à cet enjeu qui recoupe des enjeux nationaux de politique pénale liés à la difficulté de poursuivre les marchands de sommeil et de protéger les victimes, mais également pour faire jouer la garantie du droit au logement, qui, je vous le rappelle une nouvelle fois, est une compétence de l’État, notamment au travers du dispositif du droit au logement opposable.

Nous devons faire preuve d’ambition pour ce texte en favorisant les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales. Nous devons aussi accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles en abaissant les délais de visite des agents attestant de l’insalubrité.

Enfin, nous devons être intransigeants avec les marchands de sommeil en aggravant les sanctions administratives encourues en cas de manquement à l’obligation de déclaration de mise en location ou à celle de disposer d’un « permis de louer » – un dispositif qui n’a d’ailleurs pas tenu ses promesses et qu’il conviendrait de retravailler pour le rendre réellement et pleinement efficace.

Mais une vraie politique sans vrais moyens demeurera impuissante. Je souhaite rappeler que l’ANAH, qui joue un rôle prépondérant pour la réhabilitation des logements, a longtemps vu ses financements diminuer, faisant craindre même une cessation de paiement. Son financement par le « 1 % logement » a traduit un désengagement de l’État de ses missions.

Les politiques publiques des dernières années ne font qu’alimenter ces phénomènes de dégradation de l’habitat à grands coups de coupes budgétaires et de libéralisation.

L’attaque frontale contre le logement social et l’assèchement de son financement, conjuguée à l’absence de régulation du parc privé, a conduit à ces dérives. Monsieur le ministre, nous n’allons pas reprendre ici les débats de la loi ÉLAN.

Comme je l’avais dit il y a quelques mois, le décalage entre l’offre et la demande est tel qu’aujourd’hui les aspirants locataires se voient obligés d’accepter des logements à n’importe quel prix et dans n’importe quelle condition pour ne pas se retrouver à la rue.

Parallèlement, les petits propriétaires n’ont le plus souvent pas les moyens de réhabiliter leur logement, ce qui constitue dans beaucoup d’endroits en région un potentiel de développement de l’habitat insalubre important, notamment dans les centres-bourgs. Dans ce contexte, le dispositif de revitalisation des centres-bourgs doit jouer son rôle sur cette question.

Enfin, je souhaitais rappeler que trop de personnes ne sont pas au courant non plus des aides auxquelles elles peuvent avoir accès. À ce propos, comment se fait-il que les aides existantes soient aujourd’hui majoritairement destinées aux propriétaires, alors que l’on sait que la grande majorité des ménages précaires demeurent des locataires ?

Comme je l’ai déjà dit, de nombreuses associations demandent aujourd’hui un véritable plan Marshall de la rénovation. Nous considérons que, pour répondre à cet enjeu, il convient, certes, de donner de nouveaux outils aux collectivités, mais qu’il faut également renforcer les moyens des acteurs tels que l’ANAH, tout autant que ceux de la justice pour que la loi puisse être appliquée.

Il convient, surtout, de réorienter la politique publique du logement pour non seulement produire l’offre nécessaire de logements accessibles, mais également engager une politique de réhabilitation de grande envergure.

Dans ce cadre-là, l’État doit jouer son rôle afin de permettre de trouver de nouvelles sources de financement pour répondre à cet enjeu et éviter de nouveaux drames.

En l’état, nous voterons cette proposition de loi de notre collègue Bruno Gilles dans sa rédaction issue des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Bruno Gilles. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme Anne-Marie Bertrand. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en premier lieu, d’avoir une pensée pour les victimes des effondrements des immeubles de la rue d’Aubagne, et bien sûr pour leurs familles.

Chaque maire, d’une ville comme d’un village, redoute un drame comme celui-ci. Nombreux sont ceux qui, en apprenant la nouvelle dans leur journal, ont eu une pensée pour un bâtiment qui, ils le savent, montre des signes de fragilité.

Nous pouvons être satisfaits de cette proposition de loi de mon collègue Bruno Gilles, car, si je redoute la qualité des textes votés sous le coup de l’émotion, le temps de la réflexion nous a été donné et je salue ici la décision de renvoi en commission qui avait été prise. Je remercie Mme la présidente de la commission et Mme la rapporteur.

Ces événements doivent nous ramener à nos responsabilités, celles de législateurs. En effet, partout en France, 450 000 logements pourraient être concernés par ce texte.

À Marseille – et vous l’entendez, c’est une ville que je connais bien –, la ville, sur l’initiative de son maire, avait engagé, en 2005 déjà, plus de 200 millions d’euros, dont 110 millions d’euros au seul titre de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, 35 millions au titre de l’éradication de l’habitat indigne et 28 millions d’euros au titre du logement locatif social. (Mme Samia Ghali sexclame vivement.)

Avec l’État, cette même ville avait mis en œuvre plusieurs plans de sauvegarde dans les copropriétés dégradées. Dans le cadre de la lutte contre l’habitat insalubre aussi, ce sont plusieurs quartiers qui avaient fait l’objet d’opérations de résorption. Et bien sûr, il y a eu les projets de rénovation urbaine et les plans successifs depuis plus de quinze ans, mais cela n’a pas suffi.

Mme Samia Ghali. C’est hors sujet !

Mme Anne-Marie Bertrand. Dans de nombreuses villes, l’habitat est ancien et majoritairement privé. L’intervention publique doit alors se confronter à des réglementations protectrices de la propriété privée et, au-delà des moyens financiers alloués, les procédures sont longues, trop longues, tant interviennent de nombreux acteurs.

Dans le drame qui est arrivé, il y avait une procédure en cours depuis quatre ans. Aujourd’hui, nous devons adapter notre réglementation. Oui, nous devons renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des maires, élus de terrain s’il en est ! Oui, nous devons accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et de dangerosité ! Oui, nous devons renforcer les sanctions contre les marchands de sommeil !

Notre État croule sous cette administration toujours plus centralisée et on lui reproche légitimement cette lenteur, voire cette déconnexion, mais nous pouvons également – et heureusement – compter sur les maires qui, finalement, ne souhaitent qu’une chose : pouvoir agir.

Aujourd’hui, nous avons l’occasion de leur témoigner, une fois encore, notre confiance. Un maire n’est ni un agent administratif ni un bouc émissaire : il est un décideur politique légitime et pleinement compétent sur son territoire.

Mes chers collègues, dans ce domaine comme dans tant d’autres, donnons aux maires de France les moyens de porter les responsabilités que l’on fait peser sur eux. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali.

Mme Samia Ghali. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, cette proposition de loi est surtout là pour nous rappeler qu’un drame comme celui de la rue d’Aubagne ne doit plus se reproduire, que les morts de la rue d’Aubagne ne sont pas morts pour rien et que chacun prendra sa part de responsabilité.

Pendant sept mois – et encore samedi matin, en assemblée générale –, les membres du collectif de la rue d’Aubagne ont essayé de faire entendre à la ville de Marseille tout simplement la nécessité d’une charte de relogement.

M. Bruno Gilles. Ils l’ont signée !

Mme Samia Ghali. Ils l’ont signée, mais il aura fallu sept mois, depuis les huit morts de la rue d’Aubagne, pour qu’elle voie le jour ! Sans compter les deux mille personnes sans logement, qui vivent éparpillés dans des hôtels, dont la vie familiale est disloquée. Il faut aussi penser à ces gens-là !

Il ne faudrait pas faire croire aux Français, en particulier aux Marseillais, que cette proposition de loi – que je voterai et que je remercie mon collègue Bruno Gilles d’avoir déposée – répondra à toutes les attentes et, surtout, qu’avec elle, le drame de la rue d’Aubagne ne se serait pas produit.

Il aura malheureusement fallu vingt-cinq ans pour prendre conscience de l’état insalubre de ces logements, sans que personne réagisse, encore moins la collectivité qui était chargée de la sécurité de ses concitoyens.

Monsieur le ministre, cette question du logement est tellement importante : c’est la vie des gens, c’est la vie au quotidien. Chaque Marseillais, chaque Français doit se sentir en sécurité. Et celui qui doit les mettre en sécurité, c’est tout simplement le premier magistrat, à savoir le maire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il existe des habitats dangereux, l’actualité de cet automne nous l’a tragiquement rappelé.

Ainsi, quelques mois après la loi ÉLAN, il nous faut déjà aller encore plus loin dans la réflexion sur la qualité de notre parc immobilier national et la prévention de sa dégradation.

L’objet de ce texte est d’élargir l’éventail des dispositifs en matière de prévention. Je remercie son auteur de cette initiative, ainsi que Mme la rapporteur et la commission pour avoir renforcé le texte.

Lors de son premier examen, j’avais, avec mon expérience de maire d’un village de 1 500 habitants, proposé des amendements destinés à traiter de l’habitat individuel, abandonné et dangereux, que les communes de petite taille ne peuvent assumer, faute d’expertise et de budget spécifique.

Il existe en effet dans nos territoires des « verrues », dégradées, abandonnées, dangereuses, qui sont pour les élus des casse-têtes insolubles.

Le maire doit écrire et formaliser des mises en demeure à destination des propriétaires. Mais que faire dans le cas des successions avec plusieurs héritiers qui ne s’accordent pas, des propriétaires qui se séparent en abandonnant les lieux, chacun des protagonistes renvoyant ensuite vers l’autre ? Que faire dans le cas de propriétaires partis pour l’étranger, introuvables, insolvables ou simplement indélicats ?

Les démarches et injonctions restent lettre morte. On ne sait parfois même plus à qui s’adresser. Les mois, les années passent, et le risque existe, car, même si le bien n’est pas habité – et il peut arriver qu’il le soit, les squats n’existant pas qu’en ville –, qui peut empêcher les enfants ou les rôdeurs d’accéder à des bâtisses abandonnées ? Et je ne parle pas du cas où le bâtiment menace la voie publique ou la propriété voisine.

Alors arrive le jour où, la solution étant définitivement enlisée et le risque aggravé, il faut engager une procédure de péril imminent. Voici ce que dit la loi : le maire qui a connaissance de tels faits peut, de sa propre initiative, engager une procédure de péril. Il doit saisir le tribunal administratif afin qu’il désigne un expert chargé, dans les vingt-quatre heures, de constater ou non le péril imminent.

Mais qui paie l’expert ? Ces dépenses, par définition non prévues, sont rédhibitoires pour beaucoup de petites collectivités au budget très contraint.

Si, grâce à l’adoption de l’amendement de ma collègue Sylvie Vermeillet, la DETR doit pouvoir venir en aide aux collectivités pour les travaux, rien n’est prévu pour les frais d’expertise.

J’avais donc proposé, voilà quelques mois, des amendements pour que le conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement, le CAUE, puisse être l’expert constatant le péril, ou bien que l’ANAH puisse aider financièrement les communes dans la réalisation de ces expertises.

L’article 40 de la Constitution m’a été opposé, bien que, à mon sens, une mission entrant dans le champ de compétences du CAUE ne soit pas une dépense supplémentaire.

Je vous alerte donc, monsieur le ministre, sur le frein technique et financier que constituent les indispensables expertises.

Si mes propositions ne sont pas les bonnes, alors il faut en trouver d’autres. Il serait inadmissible que la lutte contre l’habitat dangereux et la prévention du risque se fasse à deux vitesses : d’une part, dans les zones d’habitat urbain tendu, où les procédures de prévention seront heureusement renforcées, et, d’autre part, en zone rurale, où les procédures de mise en sécurité resteraient définitivement inaccessibles. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)