M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. J’ai été très surprise, pour ne pas dire choquée, d’entendre que cet amendement serait le fruit d’une manipulation, au détour d’un vote un vendredi matin… Lorsque j’explique mon travail de sénatrice aux élus que je rencontre, je dis que nous travaillons les textes en amont : cet amendement était connu plus d’une semaine avant de passer en séance publique. Ceux qui protestent aujourd’hui avaient tout le loisir de se positionner et de participer au débat vendredi dernier sur ce sujet qu’ils considèrent comme si important… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

À Mme la ministre qui préconise d’attendre un rapport, à ceux qui appellent encore à débattre, je rappelle que le problème est connu de tous et que nous aurions pu y travailler en amont. Je suis élue depuis 2014, membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et le planning familial m’interpelle depuis longtemps au sujet du prolongement de ce délai. Je voterai donc contre la suppression de l’article 28. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Mes chers collègues, le fait de revenir sur une délibération est une procédure classique, habituelle. Je vous rappelle que, le 16 juillet 2014, la ministre de l’époque, Marisol Touraine, avait demandé une seconde délibération avec vote bloqué sur un amendement présenté par Yves Daudigny et adopté à l’unanimité par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. David Assouline. En séance !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Pour en revenir à notre sujet, la très grande majorité des pays européens a fixé un délai d’avortement à douze semaines à compter du début de la grossesse, ce qui correspond – je suis et parlementaire et médecin – à quatorze semaines d’aménorrhée, monsieur Cadic. C’est le cas en France depuis la révision du délai par la loi du 4 juillet 2001, mais également en Allemagne, en Belgique, en Italie, au Danemark, en Autriche.

Les quelques pays qui autorisent l’avortement au-delà de ce délai ne le font qu’à des conditions très restrictives. Au Royaume-Uni, en Espagne ou en Finlande, l’avortement doit en effet être justifié par des raisons socioéconomiques, autrement dit un viol, ou le danger que peut représenter la grossesse pour la femme, que celui-ci intervienne avant douze semaines ou entre la douzième et la vingt-quatrième semaine.

Par comparaison, la législation française opère une distinction entre une IVG à la demande de la femme et une interruption médicale de grossesse, ou IMG, pour motif de santé de la mère ou du fœtus, une nuance que l’on ne retrouve dans aucune autre législation. En France, une IMG peut être pratiquée jusqu’à la fin de la grossesse, notamment pour des causes psychosociales comme le viol, des cas de détresse psychosociale comme la prise de drogues, ou encore des indications psychiatriques. Au Royaume-Uni et en Espagne, les IMG pour motif médical ne sont autorisées que jusqu’à vingt-quatre semaines. (Et au Canada ? sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je parle de l’Europe, sinon nous pourrions traiter des États-Unis et de la GPA…

Si le délai de douze semaines à compter du début de la grossesse a été retenu par la plupart des pays européens, c’est également, évidemment, pour des raisons de faisabilité technique. Le geste médical nécessaire pour une IVG après ce délai n’est plus le même et le protocole doit être révisé compte tenu des risques importants pour la femme enceinte après ce délai.

Plus qu’une question de délai, c’est donc bien un problème d’accès aux IVG qui se pose pour certaines femmes. Or ce problème peut se poser à douze semaines, je regrette de dire cela à Mme Rossignol, mais aussi à quatorze semaines, voire à seize semaines.

En vue d’y répondre de façon opérationnelle, il convient d’encourager les professionnels de santé à plus de réactivité lorsqu’il s’agit d’orienter ou de rediriger les patientes, en leur rappelant qu’ils doivent sensibiliser très tôt les patientes sur le respect des délais pour procéder à l’IVG, en tenant compte du délai pour manifester son consentement.

Il faut aussi renforcer la formation à l’IVG, par exemple en permettant à plus de médecins généralistes de suivre un diplôme interuniversitaire de gynécologie ou un DU en orthogénie, ce qui implique de soutenir plus d’initiatives en ce sens, comme au travers du réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie en Île-de-France. Il convient en outre d’établir une cartographie précise des structures pratiquant l’IVG.

Enfin, il faut sanctionner les professionnels de santé qui, après avoir exercé leur clause de conscience, méconnaissent l’obligation qui leur est faite de réorienter les patientes vers un médecin ou un centre susceptible de pratiquer une IVG. La commission avait souhaité inscrire un pouvoir de pénalité pour les organismes d’assurance maladie à l’encontre des professionnels ne respectant pas cette obligation, mais le groupe CRCE s’y était, à l’époque, refusé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° A-1.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 148 :

Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l’adoption 205
Contre 102

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 28 est supprimé.

Je rappelle que les explications de vote et le scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi en cours d’examen auront lieu à la reprise de la séance, à l’issue des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 28 (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Discussion générale

4

Hommage aux sauveteurs en mer

M. le président. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.) En votre nom à tous, mes chers collègues, je tiens à saluer la mémoire des sauveteurs de la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, qui ont perdu la vie vendredi dernier au large des Sables-d’Olonne et ont porté jusqu’au sacrifice ultime l’honneur, le dévouement et le courage. Ils s’appelaient Yann Chagnolleau, Alain Guibert et Dimitri Moulic.

Au nom du Sénat tout entier, nous avons une pensée pour eux, pour la famille des disparus, mais aussi pour les sauveteurs dont la vie a été épargnée.

Pour le Sénat, c’est l’occasion d’exprimer sa solidarité aux patrons, matelots, sauveteurs de la SNSM, aux 8 000 bénévoles au service du sauvetage en mer, toujours présents et attentifs aux professionnels comme aux vacanciers sur nos côtes de métropole et d’outre-mer.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

5

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous remercie de votre compréhension pour ce léger décalage horaire.

J’appelle chacun de vous à être attentif au respect de son temps de parole et au respect des uns et des autres.

naufrage et société nationale de sauvetage en mer

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Je vous remercie de votre hommage, monsieur le président.

Monsieur le Premier ministre, toute la communauté des gens de mer est en deuil. Vendredi, trois sauveteurs bénévoles de la SNSM ont trouvé la mort aux Sables-d’Olonne. Ils se sont noyés en tentant de porter secours à un marin-pêcheur en détresse. Les circonstances du drame sont désormais connues : la mer était totalement démontée. Pourtant, lorsqu’ils ont reçu le signal de détresse relayé par le Cross Étel, ils n’ont pas hésité, parce que c’est leur mission. Ces mots, François de Rugy et moi-même les avons entendus des rescapés. Ils y sont allés, parce que c’est leur raison d’être – et même de mourir, malheureusement.

Depuis que cette terre est battue par la marée sans fin de la vie et de la mort, tous ceux qui portent secours pour sauver des vies savent qu’un jour ils peuvent mourir. Mais rien n’a plus d’importance que leur devoir, accompli parfois jusqu’à l’ultime sacrifice.

Le Président de la République a décidé d’honorer ceux qui sont morts. Je pense que nous pourrions aussi honorer ceux qui restent en vie, parce qu’ils ont eu le même courage et qu’ils font partie du même équipage.

Monsieur le Premier ministre, je m’adresse non pas au chef du Gouvernement, mais à l’homme, celui qui appartient aussi à ce peuple de la mer que je connais bien, merveilleusement décrit dans le célèbre ouvrage de Marc Elder.

Devant le Sénat de la République, devant ceux qui ne sont plus, et ceux qui sont encore là, je voudrais que vous preniez un engagement, et un seul, celui de tirer toutes les leçons de ce drame lorsque le temps de la décision sera venu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, avant de vous répondre, je voudrais m’associer évidemment aux propos que vous avez tenus et à ceux que le président du Sénat, M. Gérard Larcher, a tenus juste avant vous.

J’exprime mon émotion, ma reconnaissance, mon admiration et mes fortes pensées aux familles des victimes, à tous ceux qui se sont engagés avec eux dans cette formidable aventure qu’est le sauvetage en mer et à tous ceux qui ont été incroyablement frappés et émus par ce drame survenu vendredi dernier.

Monsieur le président Retailleau, votre émotion bien légitime est celle d’un responsable politique et d’un citoyen français qui sait reconnaître les héros. Vous êtes ému par le sens du devoir et par le courage dont font preuve des concitoyens qui n’en attendent rien, si ce n’est le sentiment d’accomplir une mission pour laquelle ils s’engagent.

Votre émotion est accrue par le fait que vous connaissez la mer, que vous êtes élu d’un département où l’on n’ignore rien des difficultés inhérentes à la course au large et à l’activité de marins-pêcheurs, un département où l’on sait que la mer donne beaucoup et reprend parfois.

Tous les gens de mer, tous ceux qui ont grandi près de la mer, tous ceux qui l’aiment savent que rien n’est plus fort que les éléments. Lorsque le gros temps menace, il est raisonnable de ne pas se croire plus fort que les éléments.

Pourtant, même s’ils savent que c’est dangereux, trop dangereux, les sauveteurs en mer sortent sans se poser de questions. Nous l’avons tous constaté, dans des circonstances variées, et nous savons l’incroyable admiration vouée à ces hommes et ces femmes « en orange », qui passe par des gestes ou des mots sympathiques, des dons et une fidélité à ce qu’ils représentent.

Comme vous, monsieur le président Retailleau, comme nous tous, la République sait reconnaître ses héros. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle saura distinguer ceux qui ont pris un risque en connaissance de cause pour servir et pour tenter de sauver un marin.

J’attire l’attention du Sénat et de la représentation parlementaire sur le fait que nous avons déjà considérablement accru l’effort budgétaire à destination de la SNSM, ce qui est juste et légitime. Toutefois, en valeur absolue, ces sommes ne sont pas très importantes. Notre modèle actuel de sauvetage en mer repose non pas sur de très fortes dotations budgétaires, mais sur le bénévolat complet et sur les dons. À la lumière de ce drame, nous devrons nous interroger sur la permanence d’un tel modèle.

Vous le savez, monsieur le président Retailleau, j’ai personnellement présidé les comités interministériels de la mer, à Brest en 2017 puis à Dunkerque en 2018. J’ai l’intention de présider celui qui se tiendra en 2019 et je propose que nous nous interrogions à cette occasion sur le modèle du sauvetage en mer : ce qu’il faut absolument préserver – je pense notamment aux valeurs et aux compétences –, mais aussi ce qu’il faut réparer ou développer. Cette question intéresse les gens de mer comme tous ceux qui, dans notre pays, savent que rien n’est plus beau que de servir ses concitoyens, comme le font les sauveteurs en mer lorsqu’ils s’engagent. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

financement de la société nationale de sauvetage en mer

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Annick Billon. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Une émotion vive et sincère s’est emparée de la ville des Sables-d’Olonne, de la Vendée et de l’ensemble de la communauté maritime. Le vendredi 7 juin, alors que la tempête Miguel fait rage, sept marins expérimentés, sauveteurs bénévoles de la station SNSM des Sables-d’Olonne, ont fait naufrage à bord du canot tout temps Jack Morisseau. Animés par la solidarité des gens de mer, ils allaient porter assistance à un bateau de pêche. Des murs d’eau ont eu raison du canot qui s’est retourné, une première fois, une deuxième et une troisième, fatale.

Trois hommes sont morts. Quatre hommes parviendront à rejoindre la côte dans des conditions invraisemblables. Hier, 15 000 personnes leur ont rendu un hommage poignant à travers une marche silencieuse.

Ces hommes et ces femmes s’engagent bénévolement pour sauver des vies. Ils méritent notre respect. Ils sont sauveteurs en mer, pompiers, membres de la protection civile et remplissent des missions de service public.

Le canot Jack Morisseau était le bateau de réserve de la station. Cette embarcation de 1986 est sortie dans des conditions de mer dantesques. Le canot n° 1, pour sa part, est en réparation depuis de nombreux mois, parce que l’association SNSM, composée de 8 000 bénévoles, subventionnée à 80 % par des dons, n’a pas les moyens de renouveler tout son matériel navigant.

Monsieur le ministre, j’en appelle à une nécessaire et urgente prise de conscience collective afin de doter ces hommes et ces femmes qui s’engagent pour les autres de moyens financiers et matériels suffisants, pour que soit préservé et consolidé le statut de bénévole et qu’un accompagnement des familles des victimes soit assuré. (La voix de loratrice se noue.) Je vous prie de bien vouloir excuser mon émotion. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Billon, nous partageons toutes et tous votre émotion. Elle était très forte lorsque nous nous sommes retrouvés aux Sables-d’Olonne vendredi après-midi, après ce drame, à la station de sauvetage, où je me suis rendu et où étaient présents de nombreux élus, vous-même, madame la sénatrice, M. Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, le député Stéphane Buchou, le président du conseil départemental et, bien sûr, le maire des Sables-d’Olonne.

Bien entendu, j’ai présenté nos condoléances aux familles des victimes et à leurs proches. Il y avait des enfants qui ont perdu leur père, mais aussi les trois sauveteurs qui ont survécu, le quatrième étant toujours hospitalisé.

Ils n’ont écouté que leur courage quand ils sont partis en mer vendredi matin, mais aussi – je tiens à le souligner – leur sens du devoir. Il me semble important, à notre époque, de le souligner, de surcroît lorsqu’il s’agit de bénévoles.

Ensemble, nous les avons écoutés longuement, car ils avaient envie de parler des circonstances de ce drame. Ils ont tenu à nous dire qu’ils n’avaient pas hésité un seul instant. Il n’y a pas eu de débat entre eux, pas plus qu’avec les autorités du centre régional opérationnel de secours et de sauvetage, le Cross.

Bien sûr, ils nous ont dit qu’on devrait ensuite se demander si l’on peut prendre la mer dans toutes les conditions. Aujourd’hui, il n’y a pas la moindre interdiction, même lorsqu’une alerte météo sévère est émise, comme c’était le cas vendredi dernier.

Ils nous ont demandé aussi qu’une table ronde soit organisée pour tirer tous les enseignements de ce drame. Nous nous engageons bien évidemment à le faire. Comme vient de le dire M. le Premier ministre, leur rendre hommage, c’est être à leurs côtés dans la durée, y compris au regard des moyens alloués à la Société nationale de sauvetage en mer, aux Sables-d’Olonne ou ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

situation des urgentistes (i)

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche.

M. Michel Amiel. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé et porte sur une question brûlante d’actualité : la situation aux urgences.

Madame la ministre, cette situation ne surprend personne. Si les moyens alloués depuis quelques années ont augmenté sensiblement, le recours des patients aux services d’urgences a augmenté davantage encore. Bien souvent, il s’agit plus de consultations non programmées que de véritables urgences, notamment en périodes d’épidémie de grippe. Mais il est vrai aussi que, pour bon nombre de Français, le service des urgences est parfois le seul recours possible.

La suppression de la permanence des soins en ambulatoire en 2003 n’a sans doute rien arrangé, mais l’on sait qu’il est toujours difficile de revenir en arrière. Et si le personnel des urgences est au bord du burn-out, les médecins de ville ne sont pas mieux lotis, avec 50 à 60 heures de travail hebdomadaires, hors permanence des soins.

De grâce, arrêtons de monter les soignants contre les soignants ! Nous sommes arrivés à une telle situation que la ville comme l’hôpital rame sur la même galère – vous me pardonnerez la trivialité de l’expression, mes chers collègues. Hélas, vous avez hérité d’une situation catastrophique, madame la ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Personnellement, je ne crois pas à l’efficacité de la mesure d’un forfait de réorientation, car il faudrait déjà une préconsultation pour affirmer le caractère non urgent de l’acte à effectuer. De surcroît, cela constituerait un manque à gagner pour les urgences. Je rappelle que le coût moyen de l’acte d’admission pour l’assurance maladie est de 150 euros, quelle que soit la gravité. Le Sénat n’a d’ailleurs pas voté cette mesure.

Ayons l’humilité d’admettre que nul ne possède la solution miracle, surtout – disons-le clairement – à moyens constants.

Certes, les mesures que vous proposez – maisons médicales de soins non programmées et hôpitaux de proximité – apporteront des solutions à moyen et long terme, madame la ministre. Mais, à court terme, que pouvez-vous proposer ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Sophie Joissains et M. Franck Menonville applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Michel Amiel, la souffrance des personnels dans les urgences est une réalité. Les difficultés de travail sont anciennes, mais elles se sont aggravées.

Le constat est clair : les passages aux urgences sont passés de 10 millions par an à la fin des années quatre-vingt-dix à 20 millions aujourd’hui. Les services n’ont pas été dimensionnés pour cela.

Les conditions de travail se sont aggravées et c’est pourquoi j’ai souhaité, dès cette année, encourager les professionnels et leur adresser un signal en redonnant du souffle à l’hôpital. J’ai notamment débloqué en une fois les 415 millions d’euros de crédits gelés fin décembre 2018. J’ai ajouté 300 millions d’euros non utilisés en 2018, que j’ai réalloués aux hôpitaux en mars 2019. J’ai également augmenté pour la première fois depuis dix ans les tarifs hospitaliers, non pas ce que les gens payent, mais ce que la sécurité sociale rembourse aux hôpitaux pour leur activité.

Je montre ainsi aux personnels que je suis à leurs côtés, en attendant la réorganisation du système de santé, objet de la loi qui va être soumise à votre vote tout à l’heure, mesdames, messieurs les sénateurs.

Un certain nombre de mesures ont aussi été annoncées lors du Congrès national des urgences, jeudi dernier. D’abord, une mission doit m’aider à repenser les urgences pour répondre aux enjeux du XXIe siècle. Je souhaite harmoniser la prime de risque pour tous les professionnels des urgences, qui sont soumis à beaucoup d’incivilités et à une très grosse fatigue. Je souhaite instaurer également une prime de coopération pour favoriser les délégations de tâches entre les professionnels de santé. Cela devrait aboutir à fluidifier les parcours et à éviter de trop longues attentes aux urgences, en permettant à des professionnels paramédicaux de prescrire, par exemple, des actes de radiologie ou de biologie. Enfin, j’ai demandé aux agences régionales de santé d’allouer des moyens supplémentaires dès qu’un service d’urgence est en tension, pour lui permettre de recruter du personnel.

J’aurai l’occasion de préciser d’ici à la fin de la semaine la façon dont ces mesures d’urgence à court terme s’appliqueront. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

taxation du kérosène

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Josiane Costes. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Les lignes d’aménagement du territoire ne représentent que 0,3 % du trafic des aéroports de Paris, mais elles sont vitales pour certains départements enclavés, difficilement accessibles par le rail ou la route.

Afin de compenser le déficit de ces lignes aériennes, à côté de la puissance publique, les collectivités les financent de façon très importante, au maximum de leurs possibilités. Il va sans dire que la hausse des taxes sur le kérosène, tout à fait légitime en raison du réchauffement climatique qui nous touche de plein fouet, accroîtrait encore le déficit de ces lignes et risquerait de les mettre en danger.

On parle beaucoup de différenciation dans les politiques publiques territoriales. C’est d’ailleurs l’une des dispositions prévues par le projet de loi de réforme constitutionnelle. Dans cette logique, le kérosène utilisé pour le fonctionnement de ces lignes ne pourrait-il pas être détaxé, afin de permettre à nos territoires isolés de maintenir leur activité économique et de se développer ?

À défaut, l’État ne pourrait-il pas prendre à sa charge le surcoût financier d’une mesure extrêmement préjudiciable pour nos territoires déjà fragilisés ?

Le rôle de l’État est de protéger les plus faibles afin de ne pas aggraver une fracture territoriale que ne supportent plus nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Daniel Chasseing et Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Costes, le Gouvernement est bien entendu favorable à ce que le transport aérien contribue à la baisse des émissions de gaz à effet de serre, ce qui peut aussi passer par une forme de taxation environnementale.

Comme je l’ai dit la semaine dernière en réponse à une question du sénateur Genest, le combat doit se mener à l’échelle européenne et internationale. La taxation du kérosène au niveau franco-français n’aurait aucun sens puisqu’elle conduirait les compagnies aériennes à faire le plein dans les pays voisins à l’occasion de leurs rotations européennes.

Nous devons donc avoir une approche équilibrée. Même si ce n’est pas très populaire actuellement, je tiens à souligner également que les vols intérieurs en France sont mis à contribution par d’autres moyens que la taxation du kérosène, notamment les taxes d’aéroport. Certaines associations et responsables politiques, non sans un brin de démagogie, comparent des choses qui ne sont pas comparables. En Suède, par exemple, les taxes d’aéroport représentent à peine 30 % du prix du billet d’un vol intérieur, contre 50 % en France.

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Le Gouvernement porte l’ambition que la nouvelle Commission européenne inscrive à son programme le sujet de la taxation du kérosène. Nous avons une coalition de pays ambitieux à l’échelle européenne, et nous pourrons ensuite essayer de nous battre au niveau mondial.

Enfin, nous réaffirmons notre soutien aux lignes d’aménagement du territoire. Nous examinons toujours quelles sont les meilleures possibilités de transport, et certaines liaisons comme Paris-Aurillac ou Paris-Castres ne sont pas compétitives en train. Le Gouvernement est donc au rendez-vous, y compris parfois pour subventionner ces lignes aériennes d’aménagement du territoire. (MM. François Patriat et Jean-Claude Requier applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.