M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Les cours de récréation séparées se transforment parfois en une cour pour les garçons et une cour pour les filles. La mixité est un bon principe républicain.

M. Michel Canevet. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 418 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi pour une école de la confiance
Article 3 ter

Article 3 bis

I. – Le livre Ier de la première partie du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le titre Ier est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Dispositions relatives à lobligation de formation

« Art. L. 114-1. – La formation est obligatoire pour tout jeune jusqu’à l’âge de sa majorité.

« À l’issue de l’instruction obligatoire définie à l’article L. 131-1, cette obligation est remplie lorsque le jeune poursuit sa scolarité dans un établissement d’enseignement public ou privé, ou dans une unité d’enseignement créée au sein des établissements ou services mentionnés au 2° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, lorsqu’il est apprenti ou stagiaire de la formation professionnelle, lorsqu’il occupe ou recherche un emploi ou effectue un service civique ou lorsqu’il bénéficie d’un dispositif d’accompagnement ou d’insertion sociale et professionnelle.

« Le contrôle du respect de leur obligation de formation par les jeunes âgés de seize à dix-huit ans est assuré par les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes mentionnées à l’article L. 5314-1 du code du travail, qui bénéficient à cet effet d’un dispositif de collecte et de transmission des données placé sous la responsabilité de l’État.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent chapitre ainsi que les motifs d’exemption. » ;

2° Aux troisième et dernier alinéas de l’article L. 122-2, les mots : « non émancipé » sont supprimés.

II. – (Non modifié) Le titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Le 2° de l’article L. 5312-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « À ce titre, Pôle emploi concourt à la mise en œuvre de l’obligation de formation définie à l’article L. 114-1 du code de l’éducation ; »

2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 5314-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elles concourent à la mise en œuvre de l’obligation de formation définie à l’article L. 114-1 du code de l’éducation. »

III. – (Supprimé)

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, sur l’article.

M. Antoine Karam. Dans le prolongement du rapport sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, publié le 17 octobre dernier, l’article 3 bis dispose que tous les jeunes entre 16 ans et 18 ans auront l’obligation de se trouver dans un cursus scolaire ou de s’inscrire dans une formation professionnelle, que ce soit en apprentissage ou en service civique.

C’est une manière de lutter contre le décrochage scolaire, mais aussi de s’assurer qu’à cet âge crucial chacun aura toutes les chances de pouvoir s’insérer dans la vie professionnelle. Cet âge est crucial, parce que, nous le savons, les jeunes se retrouvent aujourd’hui dans un angle mort de l’action publique qu’il nous fallait réinvestir, alors que nous connaissons chaque année près de 500 000 décrocheurs à l’école.

Dans les outre-mer, le service militaire adapté joue un rôle fondamental pour les jeunes connaissant des difficultés, scolaires ou professionnelles, car il intervient précisément à un moment clé de la jeunesse. À cet égard, l’obligation de formation entre 16 ans et 18 ans apparaît comme une mesure résolument sociale, en ce qu’elle favorise l’emploi de tous les jeunes, qu’ils soient diplômés ou non. Nous ne pouvons que nous réjouir de sa présence dans le projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.

Mme Céline Brulin. Je n’aurai malheureusement pas l’occasion de défendre un amendement visant à prolonger la scolarisation obligatoire jusqu’à 18 ans, puisqu’il a été déclaré irrecevable. Pourtant, à nos yeux, c’est la bonne réponse à une préoccupation, qui semble être partagée, de répondre aux enjeux de notre époque. Cette obligation de formation, telle qu’elle est aujourd’hui développée, ne nous semble en revanche pas totalement satisfaisante.

Par ailleurs, je pense que la commission a connu un moment d’égarement, mais c’est normal, car elle est très sollicitée en ce moment et elle travaille dur. En effet, dans cette obligation de formation, sur laquelle se concentre notre débat à cette heure tardive, est inscrite la recherche d’un emploi. Ce n’est pas admissible ; ce n’est pas ce que nous entendons, sur les différentes travées, quand est évoquée cette obligation de formation, aussi imparfaite soit-elle. C’est une question de crédibilité.

Aussi, monsieur le ministre, je soutiendrai ardemment votre amendement, qui vise à corriger cette rédaction. Il n’est pas possible de considérer que la recherche d’un emploi entre 16 ans et 18 ans corresponde à une obligation de formation, qui est, en l’état, je le répète, imparfaite. Je pourrais ergoter sur cette question, mais la priorité est de revenir sur ce point précis.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, sur l’article.

Mme Laure Darcos. Monsieur le ministre, vous le savez, « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Vous avez décidé de vous occuper des décrocheurs entre 16 ans et 18 ans. Si on peut arriver à en raccrocher quelques-uns, je trouve que c’est formidable. Je ne serai pas forcément d’accord avec certains de mes collègues de la majorité, car je soutiendrai cette réforme. Simplement, il faut s’en donner les moyens. Or j’ai en main un communiqué de toutes les missions locales du réseau Île-de-France, qui sont aux abois et ont appelé à plusieurs reprises le préfet de région. Elles connaissent une baisse drastique de près de 45 % du financement de la garantie jeunes et une baisse de 5,5 % de la dotation de fonctionnement, ajoutée à la suppression d’environ 70 emplois ; cela équivaut au montant du financement permettant d’aider 10 000 jeunes en Île-de-France. Je sais que d’autres régions grondent également.

Mme Pénicaud a bien répondu en expliquant qu’elle voulait absolument consolider le poids et le rôle des missions locales avec la garantie jeunes, l’aide à l’emploi, l’orientation vers l’école de la deuxième chance, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, ou EPIDE, mais rien ne sera possible si le Gouvernement n’assume pas véritablement l’ambition financière et politique qui sous-tend cet article.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l’article.

M. Joël Guerriau. Je m’exprime au nom de notre collègue Robert Laufoaulu, sur les particularités de Wallis-et-Futuna.

Il souhaite attirer l’attention de M. le ministre sur l’obligation de formation jusqu’à l’âge de 18 ans, qui sera très difficile à mettre en application à Wallis-et-Futuna.

Tout d’abord, c’est sans doute un des derniers territoires de la République à ne pas avoir mis en œuvre l’apprentissage, ce mode de formation en alternance qui est pourtant une voie privilégiée pour l’acquisition de compétences professionnelles et d’insertion dans le monde du travail. Un projet d’arrêté de l’administrateur supérieur définissant les modalités précises de mise en place de l’apprentissage à Wallis-et-Futuna devrait être présenté lors de la prochaine session de l’Assemblée territoriale.

Par ailleurs, ce principe d’obligation de formation est problématique sur le territoire pour les élèves en situation de handicap. Au sein de l’école, tout d’abord, ces situations sont prises en charge grâce à des dispositifs qui n’étaient pas destinés à cet objectif : le service civique, les chantiers de développement locaux. C’est une solution juridiquement insatisfaisante, qui n’est pas à la hauteur des besoins pérennes de ces élèves, lesquels ont besoin d’un accompagnement professionnalisé et justement rétribué.

Cette obligation est aussi problématique en dehors de l’école, car il n’existe aucune aide matérielle pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

Enfin, le dernier obstacle, et non le moindre, c’est l’absence d’un opérateur de placement spécialisé de type mission locale, qui existe dans les autres territoires, ou d’un opérateur généraliste comme Pôle emploi. Par conséquent, le contrôle du respect de l’obligation de formation pour les jeunes entre 16 ans et 18 ans sera difficile.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Max Brisson, rapporteur. Je voudrais en quelques mots revenir sur ce qu’a dit Mme Brulin sur l’égarement de la commission. Nous avons travaillé dans de très bonnes conditions. J’en profite pour saluer de nouveau l’état d’esprit de l’ensemble des commissaires de tous les groupes.

Madame Brulin, quel était le sens de l’amendement que je vous avais proposé ? On peut très bien avoir réussi un examen professionnel, un bac professionnel par exemple, avoir 17 ans, être en recherche d’emploi et avoir de bonnes chances d’entrer dans l’emploi. Il s’agissait, dans mon esprit, de renvoyer à un décret sur les exemptions la prise en compte des jeunes dans de telles situations. C’est tout. Vous en conviendrez, l’égarement était bien mineur, mais un amendement de M. Grand va permettre d’effacer cet égarement personnel, subtil et limité. Nous nous retrouverons à ce moment-là.

Mme Céline Brulin. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 222 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Grosperrin, Paccaud et Kennel, Mmes Procaccia et Garriaud-Maylam, MM. Panunzi, Saury, de Nicolaÿ, Bonhomme et Moga, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Kern et Meurant, Mme Gruny, MM. Savin, Laménie, Chevrollier et H. Leroy, Mme Lamure, MM. Pointereau et Revet, Mme de Cidrac et MM. Pellevat et Gremillet, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Avant les amendements de M. Grand ou d’autres, il y a un amendement de suppression, qui ne vous aura pas échappé.

Monsieur le ministre, j’ai été très attentif à ce que vous avez dit pendant la discussion générale : il faut s’en tenir au texte, et uniquement au texte de cet article, qui vient d’ailleurs d’un amendement déposé en cours de discussion à l’Assemblée nationale afin de porter le record de l’obligation de scolarisation en France, en l’allongeant non plus de 3 ans à 6 ans, mais de 16 ans à 18 ans.

Cette obligation sera remplie lorsque le jeune poursuit sa scolarité dans un établissement – on comprend –, est apprenti ou stagiaire en formation professionnelle – très bien –, occupe ou recherche un emploi – on vient d’en parler –, effectue un service civique ou se trouve dans un dispositif d’insertion sociale. J’ai posé la question lors de la discussion générale : si l’une de ces cinq conditions n’est pas remplie, où se trouve le jeune ?

De quoi parle-t-on ? Je veux bien comprendre tous les bons sentiments, mes chers collègues, mais on n’est pas en train de parler de décrochage scolaire. On est en train de parler de jeunes de 16 ans à 18 ans, qui ne sont visiblement pas dans les situations que je viens de décrire, et qui échappent à tous les radars. Pour dire les choses, ils sont dans la rue ; ils dealent en bas des barres d’immeubles. C’est à cela que l’on veut s’attaquer avec cet article 3 bis.

M. Pierre Ouzoulias. C’est bien, non ?

M. Stéphane Piednoir. Avec cet article, vous proposez non pas de remédier au problème, mais de créer une obligation. Et à qui voulez-vous confier le contrôle du respect de cette obligation ? Aux missions locales.

Je résume : nous créons une obligation, dont le contrôle suppose des moyens. Vous proposez d’allouer 40 millions d’euros pour la première année, et 100 millions d’euros en année pleine aux missions locales, juste pour mettre un certain nombre de jeunes dans des cases qui vont bien.

Est-ce qu’avec cela on aura réglé le problème du décrochage scolaire ? Je ne le crois pas. Est-ce qu’avec cela on s’attaque aux jeunes qui sont dans la rue, et qui font ce que je décrivais ? Évidemment non ! Tout le monde connaît les missions locales et leurs difficultés, et je ne suis vraiment pas convaincu que cette mesure s’attaque aux vrais problèmes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. En tant que rapporteur, je suis tiraillé entre les réserves exprimées par Stéphane Piednoir et l’enthousiasme de Laure Darcos pour saluer cette politique.

Au départ, j’étais très sceptique face à une obligation faite à des mineurs ; obligation toute relative, puisque dépourvue de sanction. Pour autant, comme nous l’avons fait sur la totalité des articles, nous avons beaucoup auditionné pour essayer de comprendre. Au fur et à mesure, nous avons compris le sens de cet article et de cette obligation de formation. Certes, il s’agit d’une disposition avant tout symbolique, mais il est parfois nécessaire d’envoyer des signaux forts, particulièrement en direction de ces jeunes décrocheurs en situation d’échec dont parle Stéphane Piednoir, ce qui constitue un fléau pour notre pays.

Il ne s’agit pas du seul moyen de lutter contre le décrochage, c’est évident. Cela ne doit pas exonérer l’éducation nationale de toutes les formes de remédiation face à l’échec scolaire et au décrochage. L’intérêt de cet article, cependant, est de créer une contrainte collective pour l’ensemble des pouvoirs publics, à savoir l’État sous toutes ses formes et les différentes collectivités qui ont la charge de ces jeunes, afin de coordonner leurs actions. C’est pourquoi nous avons intérêt à ce que ces jeunes entrent dans le champ de détection des radars de l’action publique, car tel n’est pas le cas aujourd’hui. Nous pouvons nous appuyer sur les missions locales, à condition qu’elles en aient les moyens, et nous aurons l’occasion d’en reparler. Le Gouvernement a pris des engagements, et il faudra veiller à ce qu’ils soient tenus.

Certes, nous pouvons tous rêver d’une école où il n’y aura plus de décrochages. Des remédiations ou d’autres formes de reprise en main, d’autres dispositifs sont nécessaires. Je pense notamment aux écoles de la deuxième chance.

Pour conclure, je pense que cet article va contribuer à mobiliser l’ensemble des acteurs qui travaillent souvent « en silo », et qui seront à l’avenir mieux coordonnés pour mettre en œuvre cette politique. Au nom de la commission, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, mais vous me feriez plaisir, mon cher collègue, en le retirant après que nous ayons eu un bon débat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je souscris à tous les arguments présentés par M. le rapporteur. De nouveau, il serait paradoxal de pointer collectivement un problème, en l’occurrence le décrochage des 16-18 ans, cet âge charnière où l’on voit se perdre un certain nombre de jeunes, et de refuser d’agir en se disant que l’on verra tout de suite les limites à l’action. Je pense que ce raisonnement a ses limites lui aussi.

Je voudrais dire qu’il y a de quoi être optimiste sur notre capacité à agir. Depuis dix ans s’est enclenché un mouvement qui aura finalement survécu à trois quinquennats, et nous avons été capables d’améliorer la situation du décrochage. Nous sommes descendus au-dessous de la barre des 100 000. Il y a donc un savoir-faire, y compris numérique, qu’ont su développer les pouvoirs publics – État, missions locales – pour repérer ces jeunes décrocheurs et apporter des remèdes.

Dorénavant, toutes les structures sont capables de formuler des offres. Certains lycées professionnels, par exemple, ont des capacités d’accueil libres pour former à des métiers en tension et peuvent tout à fait proposer des remédiations pertinentes. On a cité aussi les écoles de la deuxième chance. Il y a également tout ce que nous faisons pour l’apprentissage. En somme, bien des perspectives s’offrent à nous.

Ce sujet difficile, qui concerne des jeunes parfois très éloignés des compétences scolaires, doit nous permettre de trouver une plus grande correspondance entre tous les emplois disponibles en France aujourd’hui et tous ces jeunes au chômage.

Un progrès social très important est donc possible grâce à cette mesure. Elle offre un cadre à notre action, mais elle nous oblige à faire preuve ensuite de beaucoup de volontarisme. Madame Darcos, vous avez raison, nous devons faire porter plus de moyens sur ces actions. C’est bien ce que nous faisons avec le plan de lutte contre la pauvreté, qui prévoit 20 millions d’euros de plus chaque année pour la mise en œuvre de cette mesure.

Pour conclure, je dirai qu’il s’agit non pas de confier une tâche supplémentaire aux missions locales, mais de concentrer leur action sur leur cœur de métier, leur raison d’être. Ces moyens supplémentaires devraient leur donner un nouvel élan. Si je travaillais dans une mission locale, je serais très heureux de voir arriver et la mesure et les moyens supplémentaires.

Avec cet article, nous dessinons une véritable perspective. Elle est souple, mais elle nous engage pour l’avenir. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je partage la parole forte de notre rapporteur. Nous avons besoin de nous fixer des objectifs communs. C’est aussi le but de la loi.

J’aimerais revenir en amont dans la discussion, notamment sur l’amendement de M. Luche, dont on nous a expliqué qu’il était irréaliste. De quoi parlons-nous ce soir ? Il y a d’abord l’abaissement de la scolarité obligatoire à 3 ans. Nous avons voté unanimement cet article ; nous avons même applaudi. Nous savons tous ici, et M. Karam nous l’a dit, qu’aujourd’hui cette disposition n’est applicable en l’état ni en Guyane ni à Mayotte. Sauf si nos collègues élus de ces territoires me contredisent, je pense pouvoir dire qu’il n’y a pas eu d’engagements fermes du Gouvernement pour qu’il en aille différemment à la rentrée de septembre. Nous sommes donc dans le régime des objectifs communs, et je suis très fier ici, en tant que parlementaire métropolitain, de pouvoir assigner à l’État des obligations d’accueil des jeunes en Guyane et à Mayotte.

Je sais que le président Larcher vient de déclarer : « Ce n’est pas parce qu’on a un cap qu’on a le vent qui amène au cap. » Pour ma part, je trouve qu’il vaut mieux avoir un cap que pas de cap du tout, parce que cela permet d’aller chercher le vent. Tel est l’objectif de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. Je dois avouer que nous voterons cet article sans enthousiasme ni conviction réelle. Certes, symboliquement, l’idée d’afficher une obligation de formation jusqu’à 18 ans est assez consensuelle. Il n’empêche que l’article pose un certain nombre de questions. Tout d’abord, comme vous venez de le dire, monsieur le ministre, depuis quelques années, nous arrivons à diminuer le nombre de jeunes entre 16 ans et 18 ans sans formation, et ce sans cet article. Nous pouvons donc atteindre des objectifs sans ce dispositif. Aussi est-on en droit de s’interroger : qu’est-ce qu’apporte de plus cet article par rapport aux actions déjà menées ?

Par ailleurs, je suis réservé, car je ne vois pas très bien où est la sanction ou la coercition attachée à cette mesure si jamais la mission locale fait le constat que le jeune n’est pas dans un processus de formation. La crédibilité d’une telle mesure repose sur des procédures de sanction, qui me paraissent absentes en l’espèce.

Néanmoins, nous voterons cet article, parce qu’il adresse un message, comme vient de le dire notre collègue Pierre Ouzoulias à l’instant, mais aussi parce que le Gouvernement porte cette mesure. Si elle a du sens pour vous, monsieur le ministre, elle devra être accompagnée de moyens. En l’occurrence, je ne suis pas sûr que ce soit le vent qui soit utile, mais je pense, comme ma collègue Laure Darcos, que des moyens seront nécessaires pour aller plus loin de manière significative dans la lutte contre le décrochage.

L’objectif semblant partagé, nous allons voter l’article. En revanche, nous vous mettons devant vos responsabilités, si je puis dire, monsieur le ministre, pour que des moyens accompagnent la mesure.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Si j’en crois M. le ministre, les décrocheurs seraient moins nombreux. Peut-être les choix politiques faits au cours du précédent quinquennat ont-ils porté leurs fruits, ce que semblent d’ailleurs confirmer les statistiques, car elles font état d’un passage de 150 000 à 100 000.

Cela étant posé, je rejoins ceux qui voient dans le décrochage scolaire un vrai problème, lequel devrait, à mon sens – et je l’avais déjà dit en commission – être cerné dès le collège, sans attendre que les élèves aient atteint l’âge de 16 ans.

En outre, la principale difficulté de cet article réside quand même dans le fait qu’il fait porter cette charge sur les missions locales. Nous proposons d’ailleurs de supprimer l’alinéa en question. Je laisserai mes collègues en parler.

Je le précise, nous approuvons la volonté d’imposer une obligation de formation pour les jeunes entre 16 ans et 18 ans. Nous nous donnons ainsi l’opportunité de les protéger en nous assurant qu’ils pourront poursuivre une formation et s’insérer, nous en sommes certains, plus facilement dans la société, même si leur parcours scolaire n’a pas été aisé.

Nous avions proposé d’intégrer dans ce dispositif les centres d’information et d’orientation, les CIO, qui sont des lieux d’accueil ancrés dans les territoires. Ils apportent au quotidien une aide aux jeunes en situation de décrochage scolaire. Ils disposent des données nécessaires et effectuent déjà depuis longtemps, dans le cadre du droit au retour en formation, ce travail d’identification et de suivi. Il nous paraissait donc opportun, et je sais que nous n’étions pas les seuls, que les CIO participent au contrôle, à l’accompagnement et au suivi des jeunes en situation de décrochage scolaire, mais cet amendement a été « retoqué », ce que nous regrettons.

Bref, nous voterons contre l’amendement n° 222 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Au sujet de cet article, nous nous interrogeons sur le contrôle du respect de l’obligation de formation qui devrait être assuré par les missions locales.

Jusqu’à présent, il faut le préciser, ces missions locales n’ont pas de relation de contrainte avec les jeunes qu’elles prennent en charge. Tout repose sur le volontariat et le libre choix.

Si les missions locales se voient attribuer la responsabilité d’engagement de ces jeunes, il ne peut en aucun cas leur être assigné un rôle de contrôle ou de sanction. Il ne leur revient pas de responsabiliser les parents dans leur rôle premier éducatif, car les jeunes concernés sont avant tout mineurs, c’est-à-dire sous la responsabilité juridique de leurs parents ou d’un tiers désigné.

Les missions locales doivent être centrées sur leur compétence première, qui consiste dans le repérage, la prévention du décrochage des jeunes en difficulté et l’accompagnement le mieux adapté, et dotées de moyens clairs et durables. Or, comme cela a déjà été souligné ce soir, le budget global des missions locales pour 2019 est en baisse de 8,25 millions d’euros par rapport à 2018, dans le cadre des conventions pluriannuelles d’objectifs.

Rappelons également que les missions locales ont la charge de la mise en œuvre de la garantie jeunes, laquelle continue de représenter un poids administratif extrêmement lourd pour les équipes.

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour explication de vote.

M. Jacques Grosperrin. Je suis moi aussi un petit peu gêné par cet amendement. Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’il était important de scolariser les enfants à partir de 3 ans, et cette loi est importante en ce sens. Vous nous avez rappelé que, lorsque Jules Ferry avait imposé l’obligation de l’instruction à l’âge de 6 ans, 90 % à 92 % des enfants étaient déjà scolarisés.

Si la volonté est de réellement encadrer le cursus scolaire des jeunes, on pourrait très bien imaginer d’imposer une instruction obligatoire de 3 ans à 18 ans.

Certains parents disent à leurs enfants : « Écoute, tu as 15 ans, il te reste un an à faire. Allez, il faut rester encore un peu à l’école. » Ce discours provoque ainsi involontairement des effets de seuil, car c’est souvent à ce moment-là que les enfants décrochent, conscients qu’il ne leur reste plus qu’un an de scolarité.

À un moment donné, en portant la durée de l’instruction obligatoire à 18 ans, on réglerait bien des problèmes.

J’aurais aimé connaître l’évaluation du nombre d’élèves qui décrochent vers 12 ans ou 13 ans. On s’en souvient, les classes de cinquième et quatrième de préorientation étaient intéressantes, car elles permettaient de « raccrocher » des élèves qui ne trouvaient plus de sens à leur formation. Dans la mesure où les plateformes mises en place par les préfectures pour suivre ce décrochage scolaire n’ont pas eu les résultats escomptés, ne serait-il pas intéressant de faire un bilan sur le nombre d’élèves qui décrochent à cet âge-là ? Il y a une vraie réflexion à avoir.

Je suis un petit peu gêné. Je comprends votre envie d’intervenir pour faire passer ces élèves sous le radar de l’État, c’est en effet important, mais n’oublions pas qu’il existe beaucoup de formations alternatives.

Je m’interroge sur le point de savoir s’il faut confier ce rôle à ces organismes, qui sont déjà en grande difficulté. Je serais plutôt enclin à placer ces jeunes sous les radars et à voter cet article, mais cela pose un certain nombre de problèmes.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.

Mme Gisèle Jourda. Je suis moi aussi très gênée par la teneur du sujet et, surtout, par le fait que vous souhaitez confier aux missions locales ce rôle de contrôle de la formation des jeunes de 16 ans à 18 ans.

Pour avoir accompagné les premières permanences d’aide, d’information et d’orientation des jeunes, pour avoir suivi l’évolution et le vécu des missions locales, excusez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, ce rôle ne correspond pas du tout à ce que vous appelez leur cœur de métier, l’emploi ! Ce n’est pas cela du tout dans leur philosophie !

Une mission locale, c’est le lieu où le jeune va se rendre pour être orienté, conseillé, mis en relation avec des organismes de formation. Certaines permanences présentent les métiers de l’armée, d’autres exposent les professions exercées dans le domaine de la santé. Or, petit à petit, on fait dévier vers une fonction de contrôle, d’information et d’évaluation l’ambition de ces missions locales. Elles s’employaient à tisser un lien de confiance avec des jeunes en difficulté, en situation de rupture familiale ou dans l’incapacité de définir leur orientation professionnelle. Ils trouvaient, au sein de la mission locale, une écoute, un accueil et un accompagnement.

Quand on sait ce qui se profile pour l’avenir dans d’autres textes, on ne peut que s’inquiéter de la volonté de faire de la mission locale un relais de Pôle emploi, une courroie de transmission avec le contrôle de la formation pédagogique et la formation professionnelle. Comme si cela ne suffisait pas, on va, en plus, créer une passerelle destinée à faire de ces missions locales autre chose que ce qu’elles étaient à l’origine, des maisons d’accueil pour les jeunes, une plateforme d’aiguillage.

Je crois que là, on se fourvoie ! Si j’approuve la volonté d’assurer une formation à ces jeunes en décrochage de 16 ans à 18 ans, je considère comme une manière, pour l’État, de se défausser des missions d’accompagnement de la scolarité, missions avant tout régaliennes, le fait de confier le contrôle de cette obligation de formation à des organismes dont ce n’est pas la vocation, alors que d’autres sont missionnés pour le faire ! Il ne faut pas toujours se défausser sur des organismes qui sont uniquement des organismes d’accompagnement !