Mme Agnès Canayer, rapporteur. D’après ce que l’on m’explique, pour que cet amendement ne devienne pas sans objet, il aurait fallu le rectifier, afin qu’il tende à ne modifier que certains mots de l’alinéa 9, et non pas à le réécrire entièrement.

Nous pourrions d’ailleurs procéder à une telle modification et ainsi mettre aux voix cet amendement.

Mme la présidente. Madame Troendlé, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme le rapporteur ?

Mme Catherine Troendlé. Tout à fait, madame la présidente.

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas une bonne façon de travailler ! L’amendement est devenu sans objet, un point c’est tout !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 84 rectifié bis, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller, MM. Kennel, Kern et Reichardt et Mme Schillinger, et qui est ainsi libellé :

Alinéa 9

1° Première phrase

Après le mot :

transfrontalière

Supprimer la fin de cette phrase.

2° Seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

À ce titre, le volet opérationnel de ce schéma définit lesdites modalités de la manière suivante :

Je le mets aux voix.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas lamendement.)

Mme la présidente. L’amendement n° 101 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt, Brisson et Daubresse, Mme N. Goulet, M. Kern, Mmes Billon et Berthet et MM. Milon, Laménie, Charon et Kennel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. . - Il est créé une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, dénommée « Collectivité européenne d’Alsace », en lieu et place des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

« La Collectivité européenne d’Alsace s’administre librement dans les conditions fixées au présent titre, par la loi n° … du … relative aux compétences du département d’Alsace et par l’ensemble des dispositions législatives relatives aux départements non contraires au présent titre et à la loi n° … du … précitée.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises ce soir, il s’agit là, à mes yeux, d’un amendement essentiel à ce projet de loi, surtout après le vote qui vient d’avoir lieu, par lequel a été créée la Collectivité européenne d’Alsace. (Brouhaha.) Mais je ne suis pas certain que quelqu’un m’écoute, madame la présidente…

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie d’écouter l’orateur.

Veuillez poursuivre, monsieur Reichardt.

M. André Reichardt. Cet amendement vise à créer une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution.

Le 29 octobre 2018, lors de sa rencontre à l’hôtel Matignon avec les élus alsaciens, le Premier ministre Édouard Philippe tenait ces propos : « Cette déclaration commune, c’est, je l’ai dit, du “cousu main”. C’est la volonté […] de partir de la base des compétences départementales des deux départements alsaciens pour créer une collectivité dotée de compétences particulières et supplémentaires. »

N’est-ce pas la définition même d’une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution ? Pour moi, cette collectivité, c’est un espace, c’est une identité, c’est un projet.

Par ailleurs, le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a clairement indiqué que la Collectivité européenne d’Alsace, créée par décret, n’était en fait qu’un département auquel il avait été ajouté des compétences d’intérêt général spécifiques à ce territoire.

En la matière, selon cette jurisprudence, des compétences peuvent être accordées à un département hors de sa strate, à condition que celles-ci soient d’intérêt général et spécifiques à ce territoire. Entre-temps, comme vient de le rappeler son président, la commission des lois a adopté des amendements n’ayant rien de spécifique à la promotion de l’attractivité du territoire d’Alsace.

Dans ces conditions, je considère que cette collectivité ne peut plus demeurer un département. D’où ma proposition de créer une collectivité à statut particulier, solution pour régler ce problème d’ordre juridique sérieux et, à mon avis, incontournable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement, qui vise à créer une collectivité à statut particulier à l’intérieur de la région Grand Est, ne change pas grand-chose sur le fond à ce que prévoit déjà le projet de loi, même s’il tend à autoriser ultérieurement le législateur à attribuer d’autres compétences à la collectivité alsacienne, sans qu’il soit besoin de le justifier par des spécificités locales. Il me semble que cette solution hybride poserait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.

D’un point de vue politique, il faudrait toujours justifier les compétences spéciales de la collectivité alsacienne par des spécificités locales, faute de quoi les autres territoires de la région ne le comprendraient pas.

En outre, si l’on en venait à attribuer à la collectivité des compétences aujourd’hui exercées par la région, il en résulterait que la région Grand Est exercerait depuis Strasbourg, sur le territoire de la Moselle ou de la Marne, des compétences qu’elle n’aurait même pas le droit d’exercer en Alsace.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Reichardt, vous avez vous-même démontré qu’il ne s’agissait pas d’une collectivité à statut particulier. De plus, le Gouvernement l’a dit à plusieurs reprises, la communauté européenne d’Alsace demeurera au sein de la région Grand Est et constituera un département avec quelques compétences supplémentaires au regard de sa situation spécifique.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Madame la ministre, je me suis certainement mal fait comprendre, car j’avais le sentiment d’avoir démontré l’inverse, à savoir qu’il ne pouvait s’agir, juridiquement, que d’une collectivité à statut particulier !

Je le redis, la commission des lois a attribué à cette collectivité, certes des spécificités, mais aussi des compétences qui ne sont pas spécifiques. Dès lors que l’on applique la jurisprudence du Conseil d’État sur l’affectation de compétences nouvelles à une strate de collectivités locales, il est clair que cela ne peut plus être un département.

Je voudrais ensuite répondre à Mme le rapporteur que, dans mon esprit, il n’est pas question – j’avais d’ailleurs déposé en ce sens un amendement, qui a été rejeté – de donner des compétences émanant de la région : j’ai bien compris que celle-ci y est opposée ; c’est bien tout le drame ! Autrement, on n’en serait peut-être pas là… En conséquence, je ne puis en réclamer.

En réalité, notre objectif, c’est de créer un réceptacle de compétences à venir, dans le cadre de travaux qui auront lieu, le cas échéant, soit sur la loi NOTRe, soit sur des dispositions prévoyant une différenciation à venir.

Bref, nous souhaitons que cette collectivité à statut particulier constitue le réceptacle de compétences nouvelles susceptibles de justifier à la fois que ce n’est pas un département et que c’est bien une collectivité européenne dénommée comme telle. Encore une fois, les Alsaciens ne veulent pas d’une collectivité européenne qui n’est qu’un département avec un plus, mais malheureusement, qui n’est pas plus que cela !

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. J’ai écouté avec beaucoup d’attention le président Philippe Bas : avec beaucoup d’habileté, il nous a finalement invités à choisir le nom de Collectivité européenne d’Alsace.

En outre, il a recensé toutes les compétences que nous allons donner, au-delà de ce qu’a prévu le Gouvernement, à cette Collectivité européenne d’Alsace. Il a enfin déclaré que c’était un « département + ». Mais moi, je ne sais pas ce que c’est. Je sais ce qu’est une commune, un département, une région. Je sais aussi ce qu’est une collectivité à statut particulier, car cela figure clairement dans la Constitution.

Je soutiendrai l’amendement d’André Reichardt, car je respecte beaucoup l’avis du président Bas. J’ajouterai qu’il m’est arrivé, dans d’autres territoires, de manifester en faveur d’une collectivité à statut particulier. De surcroît, c’est la réalité de ce que nous allons constituer, puisque nous allons donner à ce « département + » un certain nombre de compétences tout à fait spécifiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Je ne voterai pas l’amendement de M. Reichardt, mais cette mesure présente au moins le mérite d’aller au bout d’une certaine logique.

La communauté européenne d’Alsace sera le seul département à bénéficier de ce régime dérogatoire, car on a besoin, et je puis le comprendre, de sortir de l’étouffement créé par la loi NOTRe, qu’un certain nombre d’entre nous ont votée, même s’ils y étaient quelque peu contraints et forcés, parce qu’elle apparaissait à l’époque comme la moins mauvaise des solutions.

Pour sortir de cet étouffement, il faut reprendre des compétences au niveau d’un territoire cohérent, ce qui empêche les autres départements de les exercer. L’inconvénient de ce projet de loi, c’est qu’il est totalement discriminatoire à l’égard de l’ensemble des autres départements français.

Nous contestons non pas ce que veulent les Alsaciens, mais que nous ne puissions pas y avoir accès ; ou alors, madame la ministre, vous m’expliquez que, demain, on pourra créer la communauté laïque du Limousin, qui aura la compétence de la promotion touristique, de la gestion de l’eau. Si je prends mon bâton de pèlerin… (Sourires.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jean-Marc Gabouty. … je suis sûr d’arriver à convaincre nos compatriotes et les collectivités locales. Je pourrai citer d’autres exemples de ce type.

Dans mon opposition avec notre collègue Reichardt, je lui reconnais une logique totale dans sa démarche, dont il souhaite d’ailleurs qu’elle aille un peu plus loin, puisqu’il parle de « réceptacle », pour accueillir d’autres compétences spécifiques ou générales. Quand celles-ci sont générales, cela veut dire que ces compétences peuvent être éventuellement assumées par d’autres départements qui n’y sont pas autorisés.

Si l’on respecte la logique du projet de loi, on devrait donc déboucher sur la solution préconisée par M. André Reichardt.

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. À ce stade de notre réflexion, nous avons longuement débattu du nom de cette collectivité. Et tout aussi longuement, on nous a expliqué – c’est en tout cas ce que j’ai cru comprendre – qu’il s’agissait d’un département avec quelques compétences supplémentaires, mais globalement accessoires, que l’on ne devait pas l’appeler « département », bien que c’en était un, et qu’un nom unique, propre, allait qualifier cette Collectivité européenne d’Alsace.

À présent, à la faveur de la discussion au sujet de l’amendement d’André Reichardt, on en vient à dire que les compétences supplémentaires qui seront accordées à l’avenir sont telles qu’il faut maintenant donner une autre consistance juridique à cette collectivité, qui n’est plus un département.

Madame la présidente, l’amendement que nous venons de voter tend à changer même les termes du débat précédent sur la dénomination.

M. André Reichardt. Absolument !

M. Loïc Hervé. Demain, l’amendement de François Grosdidier sera débattu dans l’hémicycle après avoir recueilli un avis favorable de la commission des lois. Il a pour objet d’élargir à l’ensemble des départements qui en feraient la demande l’exercice de toutes les compétences de l’article 1er du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.

En déroulant progressivement la réflexion, on va beaucoup plus loin que l’objet même du texte. C’est la raison pour laquelle je ne pourrai voter cet amendement d’André Reichardt, même si, comme Jean-Marc Gabouty, j’en comprends tout à fait la logique. En effet, faisons preuve d’un peu de rigueur juridique et gardons-nous de trop étendre le champ d’application du projet de loi ou d’être dans une logique d’entonnoir, qui finalement nous conduirait vers quelque chose nous ignorons.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement sait très bien où il va ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. Pierre-Yves Collombat. C’est une bonne nouvelle ! Il ne le savait pas ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous voulons appliquer par la loi l’accord qui a été signé entre la région, les deux départements et le Gouvernement. C’est aussi simple que cela.

Par ailleurs, fondamentalement, la Collectivité européenne d’Alsace fait partie de la catégorie des départements, même si elle a reçu, en fonction de sa spécificité, notamment frontalière, quelques compétences supplémentaires : le tourisme, le transfrontalier et le routier. C’est donc clair.

M. Pierre-Yves Collombat. Le tourisme est une compétence partagée !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. S’agissant des collectivités à statut particulier, j’entends bien sûr votre argument, monsieur Reichardt, mais nous sommes opposés aux transferts que vous proposez.

M. André Reichardt. Cela dépend !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est bien opposé à ces transferts – ensuite, la Haute Assemblée délibérera –, car vous prendriez des compétences à la région, par exemple.

Par ailleurs, les collectivités à statut particulier, tout le monde le sait, comprennent toujours deux collectivités en une. Prenez la Corse : c’est département et région. Il en est de même de la Martinique, de la Guyane et de Mayotte : c’est département et région. La Ville de Paris, c’est département et région. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Pierre-Yves Collombat. Mais non ! Paris, ce n’est pas la région !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je pourrai aussi vous dire que la métropole de Lyon, c’est département et EPCI.

Vous le voyez bien, les collectivités à statut particulier sont des collectivités qui ont deux couches, si je puis dire, de collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Mme le rapporteur a bien précisé les choses. Certaines limites sont acceptables pour les autres départements de cette région, mais ce qui me chagrine dans l’argumentaire de mes amis alsaciens, c’est qu’ils affirment régulièrement qu’ils ne veulent pas être « Grands Estois », qu’ils veulent sortir du Grand Est. Cela nous met mal à l’aise et nous place, d’une certaine façon, nous les autres habitants de la région, en porte-à-faux.

Le désir d’Alsace, on peut le comprendre, mais on peut aussi avoir envie de vivre au sein de la région Grand Est. C’est grand et c’est à l’Est, donc elle porte bien son nom ! Il n’empêche que, après avoir avancé, il faut, pour un certain nombre de compétences, aller jusqu’au bout.

S’il s’agissait d’une collectivité à statut particulier, il faudrait revoir aussi le mode de scrutin aux élections, car des compétences régionales seraient prises automatiquement. Dans notre région, ces compétences seraient exercées par un scrutin à la proportionnelle, quand d’autres collectivités verraient ces compétences exercées par un scrutin territorial. On voit bien qu’il n’y a pas d’égalité entre les uns et les autres. Cette discrimination n’est pas compatible avec l’objet du texte. En outre, il faudrait redéfinir la capitale de cette nouvelle collectivité, qui pourrait être différente de la capitale du Grand Est.

Vous le voyez, la confusion règne. On dit qu’il y a trop de couches, et on en rajoute ! À un moment, la raison ordonne d’avancer dans les spécificités méritant d’être soutenues, mais sans que ce soit au détriment des autres départements.

L’Alsace doit rester un département avec des compétences supplémentaires, et non pas devenir une collectivité à statut particulier. (M. Yves Détraigne applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 101 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 11 amendements au cours de la journée ; il en reste 119.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace
Discussion générale

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 3 avril 2019 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

Proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l’origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires, présentée par Mme Marie-Pierre Monier et plusieurs de ses collègues et proposition de loi tendant à abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l’intérieur de l’aire délimitée ayant droit à cette appellation d’origine contrôlée, présentée par M. Gilbert Bouchet et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 391, 2018-2019 ; rapport commun)

Proposition de loi relative à l’affectation des avoirs issus de la corruption transnationale, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 406, 2018-2019)

À dix-huit heures trente : débat sur les enjeux d’une politique industrielle européenne.

Le soir : suite du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (procédure accélérée ; texte de la commission n° 413, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 3 avril 2019, à zéro heure quarante.)

Direction des comptes rendus

ÉTIENNE BOULENGER