M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement est un peu particulier, puisqu’il vise à permettre à des autorités organisatrices de transport de dépasser de 0,3 % le taux plafond du versement mobilité pour la réalisation d’opérations structurantes. Ce dépassement ne serait autorisé que pendant la durée d’amortissement de l’investissement.

Un certain nombre d’autorités organisatrices de transport, notamment dans les métropoles, souhaitant lancer d’importants travaux en sont empêchées, les financements nécessaires à travers le versement transport ou les contributions des usagers étant absorbés pour assurer le fonctionnement de l’existant.

Nous prévoyons un certain nombre de conditions à ce dépassement temporaire, notamment que celui-ci fasse l’objet d’une consultation préalable du comité des partenaires prévu à l’article L. 1231-5 du code des transports. En outre, cette majoration ne saurait avoir pour finalité de compenser la gratuité totale des transports, et l’infrastructure devra avoir fait l’objet d’un débat public.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. L’avis est défavorable. Manifestement, cet amendement si précis vise un cas particulier, existant ou à venir, et il ne nous semble pas pertinent de légiférer de la sorte.

Puisqu’il est fait référence à la gratuité totale des transports, j’indique qu’on ne peut pas imaginer en effet qu’une majoration du versement mobilité puisse servir à financer celle-ci.

M. Claude Bérit-Débat. C’est bien ce qui est indiqué dans l’amendement !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il faut être attentif à ne pas alourdir le versement transport ; il y va de son acceptabilité. Comme je l’ai indiqué, celui-ci a augmenté de 50 % en dix ans, alors que la part payée par les usagers a baissé de 1 % par an. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 582 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Discussion générale

3

Célébration de la francophonie

M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues – je vous prie d’excuser M. le Premier ministre, que je viens d’avoir au téléphone –, nous célébrons cette semaine la francophonie, dont la Journée internationale se tenait hier. C’est la raison de la présence dans notre hémicycle du drapeau de la francophonie et de celui de l’Assemblée parlementaire de la francophonie.

À l’invitation de François Paradis, président de l’Assemblée nationale du Québec et président de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, nous procédons à cette célébration de concert avec les parlements des pays de la grande famille francophone. Car la francophonie, c’est l’appartenance à une communauté humaine de plus de 200 millions de personnes à travers le monde, c’est un trait d’union entre des cultures et des sociétés très diverses, mais qui ont en partage non seulement une langue, mais aussi les valeurs et les idéaux qu’elle porte : la tolérance, le dialogue, le respect de la diversité et des droits de l’homme. Un mot les résume peut-être tous : la démocratie !

Je tiens à saluer l’Assemblée parlementaire de la francophonie et tous nos collègues qui y siègent et qui en défendent les valeurs. Je remercie plus particulièrement le vice-président délégué de la section française, notre collègue Philippe Mouiller, Christophe-André Frassa, président de la commission politique, et notre collègue Claudine Lepage, vice-présidente de la commission des affaires parlementaires, pour leur engagement dans ce combat. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, la langue française est la seconde langue des organisations internationales – il faut parfois combattre pour qu’elle conserve ce rang –, la troisième langue des affaires, la quatrième langue de l’internet. Ne sous-estimons pas les réalisations et les promesses dont elle est riche. Ne sous-estimons pas l’atout que représente pour nous la francophonie, que nous devons défendre et promouvoir. C’est un combat de tous les instants. Dans les relations entre parlements du monde, les parlementaires de langue francophone ont une responsabilité particulière.

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Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j’appelle chacun à observer le temps de parole imparti et au respect des uns et des autres.

interdiction des pesticides

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Guillaume Gontard. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.

Vendredi dernier, les secrétaires d’État Attal et Poirson manifestaient avec les lycéens pour la sauvegarde du climat. Je me félicite que la France, par le biais de votre gouvernement, soit ainsi à la pointe du combat pour la préservation de l’environnement. Malheureusement, le ministère de l’économie et des finances n’a pas été informé à temps de l’initiative. En effet, dans la nuit de vendredi à samedi, juste avant l’ouverture de la semaine sans pesticide, la majorité parlementaire, avec la bénédiction de Bercy, a adopté un amendement au projet de loi Pacte pour repousser de trois ans, à 2025, l’interdiction de la production en France de pesticides, pourtant interdits d’usage dans l’Union européenne. Vous me rétorquerez que le Sénat avait purement et simplement supprimé cette interdiction, et vous aurez raison. Mais je note que le Gouvernement ne s’était alors pas opposé à ces amendements rétrogrades.

Bilan des opérations : la France va continuer à produire pendant six ans des pesticides tellement dangereux pour l’être humain, tellement nocifs pour nos sols, que l’Union européenne les a interdits sur son territoire. La même Union européenne qui tergiverse toujours sur le glyphosate, pourtant reconnu pour la deuxième fois comme cancérigène par la justice américaine. C’est dire le niveau de dangerosité des produits en question.

Mais ce qui est dangereux pour les Européens ne l’est visiblement pas pour le reste de l’humanité : la France va pouvoir continuer à empoisonner pendant six ans les agriculteurs des autres continents.

Alors que le Président est revenu sur sa promesse de sortie du glyphosate en trois ans, le ministre de l’agriculture confirmait pourtant dans le même temps la dangerosité du produit. Conséquence : la politique du Gouvernement est parfaitement illisible.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin proposer une politique ambitieuse de sortie des pesticides ou bien confier cette mission à la FNSEA et aux industriels phytopharmaceutiques, comme le laisse à penser la signature par le Gouvernement du véritable contrat de dupes qu’est le « contrat de solutions ». (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gontard, je vous remercie de cette question, qui va me permettre de revenir sur notre ambition en matière de produits phytosanitaires.

Cette ambition est forte : nous nous sommes engagés à diminuer l’utilisation de ces produits de 50 % d’ici à 2025, nous avons avancé sur la séparation de la vente et du conseil, qui sera opérationnelle en 2019, et nous avons procédé à l’augmentation de la redevance pour pollutions diffuses, également opérationnelle au 1er janvier 2019.

En matière de glyphosate, et vous le savez, la France est le pays qui a poussé l’Union européenne à ne réautoriser cette substance que pour cinq ans et non pour quinze ans, et elle a pris l’engagement de sortir du glyphosate en trois ans. Cet engagement est aussi un engagement d’accompagnement de toutes les filières pour ne laisser aucune d’entre elles sur le bord de la route et pour trouver des solutions permettant une production durable en France sans glyphosate. Ces solutions sont travaillées dans le contrat de solutions avec la FNSEA, mais aussi avec le secteur de la recherche, avec l’APCA, avec tous les acteurs du monde de l’agriculture.

En ce qui concerne l’exportation, le récent vote de la loi Pacte à l’Assemblée nationale a décalé à 2025 l’interdiction de production, d’utilisation et de stockage de tous les produits, y compris ceux qui ne sont pas autorisés dans l’Union européenne. Nous sommes le seul pays de l’Union européenne à avoir pris cette décision d’interdiction. Nous souhaitons que celle-ci soit partagée au niveau européen. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons accepté le décalage jusqu’à 2025, pour pouvoir porter ce sujet à Bruxelles et avoir une politique communautaire offensive en la matière.

Nous souhaitons aussi accompagner la filière : au lieu d’aller vers une simple interdiction, nous allons accompagner les producteurs pour qu’eux-mêmes changent leurs pratiques et pour qu’ils puissent proposer aux agriculteurs en dehors de l’Europe des solutions qui n’utilisent plus ces produits.

La politique que nous menons est bien une politique ambitieuse de sortie, mais c’est aussi une politique de transformation, et nous accompagnons les filières en ce sens. (M. Éric Bocquet applaudit, puis se ravise aussitôt, ce qui suscite rires et applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. Quelle gloire, monsieur Bocquet ! (Sourires.)

violences sur les champs-élysées

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Marc Todeschini. Ma question s’adressait aussi à M. le Premier ministre.

Depuis le début de la crise sociale, le 17 novembre dernier, vous avez géré dans l’improvisation absolue les réponses au mouvement de contestation ainsi que la sécurisation de ces manifestations.

M. Gérard Longuet. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Marc Todeschini. Tout le monde a en tête les déclarations du Président de la République le 10 décembre venant contredire les propos de ses ministres, y compris ceux du Premier ministre, tenus quelques jours auparavant. Le 10 décembre n’a été en fait que le début d’une ère de contradictions et d’improvisation, qui trouve son paroxysme avec l’annonce en conseil des ministres du recours à l’armée pour les manifestations de samedi prochain.

Le groupe socialiste avait déposé dès le 3 décembre ses propositions pour sortir de la crise. Cela passait par l’écoute et par un dialogue sincère avec les Français et les élus nationaux et locaux. Nous avions également condamné les violences du 1er décembre, comme les violences dans toutes les manifestations.

Mais, enfermés dans vos certitudes, vous n’avez toujours pas trouvé les chemins pour sortir de la crise en quatre mois. En laissant pourrir la situation, en jouant sur l’affaiblissement progressif de la contestation, vous avez offert aux casseurs un terrain propice pour leur violence. Vous êtes les seuls responsables de la situation actuelle.

En décidant d’appeler les militaires, vous prenez une très grande responsabilité.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !

M. Jean-Marc Todeschini. Vous devez expliquer aux Français dans quel cadre vous comptez les employer, quelles consignes leur ont été données. Seront-ils autorisés à faire usage de leur arme en cas de débordements ? Quelle distinction est faite entre délinquant et ennemi ?

Nous avons besoin d’éclaircissements à la suite des déclarations contradictoires de vos ministres.

Retirer des militaires de l’opération Sentinelle pour les mettre sur le maintien de l’ordre, c’est aussi affaiblir la sécurité des Français dans les gares, dans les aéroports, sur les marchés face à la menace terroriste.

En exposant nos militaires, vous prenez le risque de déstabiliser une institution qui est mobilisée – et y est dédiée – depuis 2015 dans la lutte contre le terrorisme. Voulez-vous réellement prendre le risque d’affaiblir les militaires en les embarquant dans une polémique s’il devait y avoir des blessés par balles, voire pire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, je vais tout de suite vous rassurer : comme j’ai eu l’occasion de le dire ce matin à la préfecture de police, il n’est bien évidemment pas question que les militaires de Sentinelle soient détournés de leur fonction, qui est de protéger les Français du risque terroriste, de protéger les Français face à des tueries de masse, partout en France, à Paris en particulier. Il n’est donc pas question d’utiliser les forces armées pour gérer l’ordre public. Vous qui avez eu une expérience ministérielle auprès des armées le savez, et vous l’avez dit dans votre question, les militaires, bien qu’ils aient de très grandes qualités, ne sont ni formés ni équipés pour gérer l’ordre public.

Samedi prochain, comme tous les samedis passés depuis le début du mouvement des gilets jaunes, comme depuis 2015, les militaires de Sentinelle seront là pour épauler nos forces de sécurité, mais pas pour gérer l’ordre public. À certains endroits, ils se substitueront aux forces de police ou de gendarmerie, qui seront mobilisées pour assurer la gestion de l’ordre public, pour garder des bâtiments qui ne seront pas exposés à un risque de manifestation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai vu la polémique qui a suivi l’information donnée par le porte-parole du Gouvernement (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), qui indiquait juste que les militaires de Sentinelle seraient mobilisés samedi prochain, comme ils l’ont été systématiquement depuis le 17 novembre. Il y a eu un emballement qui peut cesser immédiatement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

emprisonnement de mme nasrin sotoudeh

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Emmanuel Capus. Monsieur le ministre, 148 coups de fouet, trente-trois ans de prison… non pas pour avoir tabassé un policier sur les Champs-Élysées, non pas pour avoir tenté de brûler vifs une femme et son bébé… Non, n’en déplaise aux révolutionnaires de plateaux télé qui, samedi après samedi, proclament avec des trémolos dans la voix que nous vivons dans une dictature, je ne parle pas de la France !

Mes chers collègues, 148 coups de fouet et trente-trois ans de prison, c’est la peine à laquelle a été condamnée, le 8 mars dernier, Nasrin Sotoudeh, avocate iranienne, par un tribunal de Téhéran. Son crime ? Avoir défendu ses clientes, des femmes qui retiraient leur voile en public. Pis, avoir contesté publiquement le port obligatoire du voile !

Nasrin Sotoudeh, défenseur des droits des femmes, a été lauréate du prix Sakharov décerné par le Parlement européen.

La France doit défendre et soutenir, où qu’ils se trouvent, celles et ceux qui, comme elle, mettent en jeu leur propre sécurité pour défendre les libertés fondamentales, pour défendre les valeurs universelles qui fondent notre République, au premier rang desquelles la liberté religieuse, l’égalité entre les hommes et les femmes et les droits de la défense.

Nasrin Sotoudeh a renoncé à faire appel, car elle croit sa cause perdue ; mais de très nombreux soutiens, de par le monde, refusent de s’y résoudre, comme en témoignent en France les pétitions qui se multiplient.

Monsieur le ministre, ma question est très simple : croyez-vous également sa cause perdue ? La France va-t-elle intensifier son action afin d’obtenir la libération immédiate et inconditionnelle de Nasrin Sotoudeh ? (Vifs applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, le cas de Mme Sotoudeh suscite, à travers le monde, une indignation dont vous venez de vous faire le porte-parole. Cette indignation, le Gouvernement l’éprouve pleinement, tout d’abord, parce que Mme Sotoudeh a été condamnée dans des conditions ahurissantes ; ensuite, parce qu’elle a subi les peines lourdes que vous avez évoquées, y compris des coups de fouet ; parce qu’il s’agit d’une avocate, condamnée en tant que telle ; d’une femme condamnée pour avoir défendu les droits des femmes, en particulier celles qui contestent, en Iran, l’obligation de porter le voile islamique ; enfin, parce que Mme Sotoudeh est un symbole. Son engagement lui a valu, en 2012, le prix Sakharov du Parlement européen. Il lui a également valu des arrestations, des peines d’emprisonnement et de multiples pressions.

C’est pourquoi, comme vous le savez, le Président de la République a publiquement appelé, à l’occasion de la remise du premier prix Simone-Veil, à la libération de Mme Sotoudeh. C’est pourquoi le Président de la République a souhaité, dans le cadre du G7, la faire, symboliquement, membre du conseil consultatif pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je répéterai cela la semaine prochaine à la tribune des Nations unies, puisque la France préside en ce moment le Conseil de sécurité.

Ces derniers mois, nous avons fait des efforts considérables avec l’Iran pour préserver l’accord nucléaire, en dépit du retrait américain. Nous l’avons fait, parce que nous honorons notre signature ; mais l’Iran doit aussi respecter ses engagements, en particulier ceux du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Si nous sommes soucieux de préserver l’accord de Vienne, nous n’accordons aucun blanc-seing à l’Iran, et nous n’en accorderons certainement pas quant aux droits de l’homme. C’est pourquoi nous ferons tout pour obtenir la libération de Mme Sotoudeh. (Applaudissements.)

M. le président. Merci beaucoup, monsieur le ministre !

sécurité à paris

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dominati. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Le limogeage, justifié, du préfet de police est un événement sans précédent dans l’histoire de la Ve République. Le Sénat n’a pas manqué d’alerter le Gouvernement : il y a eu la commission d’enquête menée par mon collègue François Grosdidier ; la loi anticasseurs du président Retailleau ; à deux reprises, le budget, pourtant régalien, du ministère de l’intérieur a été rejeté par cette assemblée. Il y a eu une demande de la Cour des comptes ; j’ai moi-même proposé à la commission des finances un rapport relatif au renseignement intérieur et à la préfecture de police.

Malgré cela, quatre mois après le saccage de l’Arc de Triomphe, les Champs-Élysées sont en ruine. La France veut propager l’image de la paix en Afrique, en Syrie, mais elle est incapable de l’assurer aux Parisiens, à quelques encablures de l’Élysée ! (M. Gérard Longuet applaudit.)

Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : dans quel délai vous engagez-vous, envers vos hommes, envers les Parisiens et envers les Français, à rétablir l’ordre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet. Le ministre de l’intérieur pourrait répondre, il n’est pas en boîte de nuit !

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le limogeage du préfet de police et les incidents graves, très graves, survenus samedi dernier sur les Champs-Élysées. Vous avez également évoqué les quatre mois de tensions extrêmes.

Vous avez eu raison de rappeler les incidents très graves qui ont eu lieu le 1er décembre dernier sur les Champs-Élysées. Immédiatement, de manière totalement inédite, ils nous ont conduits, avec Christophe Castaner, à revoir de fond en comble la doctrine de gestion de l’ordre public. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Comme nous le demandaient les organisations syndicales de policiers, nous avons donné à nos forces de l’ordre plus de mobilité, de réactivité, de capacité d’interpellation et de déconcentration des pouvoirs de décision.

Monsieur Dominati, vous ne pouvez pas parler de chaos samedi après samedi. (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Gérard Longuet. Ah bon ? Vous n’étiez pas à Paris ?

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat. Il y a eu le 8 décembre ; il y a eu des samedis où nous avons évité nombre d’exactions, nombre de pillages, peut-être même des morts : vous savez que c’est un critère important en matière de maintien de l’ordre public. Ce constat vaut partout, à Paris comme en province.

Oui, samedi dernier, un vrai dysfonctionnement a eu lieu, car cette doctrine réactive d’interpellation n’a pas été mise en œuvre, alors même que nous avions donné des instructions extrêmement précises en ce sens, avec Christophe Castaner. C’est ce qui nous a conduits à renforcer encore plus cette doctrine. Comme vous le savez – le Premier ministre l’a annoncé –, désormais, tout attroupement qui risque de présenter un caractère violent sera immédiatement dispersé. À l’appui de ces mesures, des arrêtés d’interdiction seront pris en lien avec chacun des maires concernés. Ils permettront d’appuyer les dispersions d’attroupements.

Vous le savez très bien, à Paris, il y a eu beaucoup d’autres débordements en matière d’ordre public, et sous d’autres quinquennats !

M. François Grosdidier. Même sous Hollande, ça n’était pas pire !

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat. C’est l’ancien haut fonctionnaire spécialiste des questions de sécurité qui vous le dit : il faut toujours apprécier les questions d’ordre public avec beaucoup de modestie et d’humilité. Entre 2007 et 2012, il y a eu, aussi, beaucoup d’incidents en la matière ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour la réplique.

M. Philippe Dominati. Monsieur Nunez, le fait que ce soit vous qui me répondiez attire la sympathie de cet hémicycle : nous avons tous compris que vous étiez le prochain fusible ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Ma question s’adressait au ministre de l’intérieur, qui, il y a peu, était le chef d’un parti politique disposant, dans dix-huit circonscriptions parisiennes, de quatorze parlementaires. Pourtant, on dirait que le Gouvernement est sourd. Il n’entend pas l’exaspération des Parisiens. Il n’entend pas le désespoir de ceux qui ne peuvent plus travailler. Il n’entend pas que, même en périphérie, le tourisme et l’activité économique souffrent. Il n’entend pas que la justice recule, que la délinquance…

Mme Éliane Assassi. Pas d’amalgame !

M. Philippe Dominati. … et l’antisémitisme explosent, parce qu’il n’arrive pas à résoudre les problèmes.

M. le président. Il faut conclure !

M. Philippe Dominati. Les Parisiens souffrent déjà des difficultés provoquées par la mairie et, en définitive, ils sont victimes de la double peine : l’absence de considération de la part du Gouvernement et l’incompétence de la mairie ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) C’est ce que je voulais exprimer au ministre de l’intérieur – mais encore faudrait-il qu’il écoute… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

grève du zèle des douaniers

M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Catherine Fournier. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il n’est pas là !

Mme Catherine Fournier. Mon propos porte sur la grève des douaniers déclenchée le 4 mars dernier sur fond de Brexit. Ses effets se sont vite fait sentir : des perturbations importantes en gare du Nord sur les Eurostar et un blocage complet de Calais – Calais pris en otage, une fois de plus, une fois de trop !

Ce mouvement de contestation dure depuis près de trois semaines. Des contrôles zélés, sporadiques, effectués au port et au tunnel sous la Manche bloquent de manière insupportable tout déplacement normal sur les principaux axes de circulation.

Les conséquences pour le territoire sont désastreuses. Je vous les énumère : des camions bloqués sur les bandes d’arrêt d’urgence, parfois neuf heures durant ; des chauffeurs sans information, sans ravitaillement, sans sanitaires ; des résidents qui se voient bloqués à des entrées ou des sorties d’autoroute fermées et non pré-signalées, sans information, sans indication de déviation, sans filtrage. Les salariés accusent des retards sur leur lieu de travail, les artisans ont des difficultés pour atteindre leur chantier, les commerces sont désertés, les sociétés sont en attente de leurs livraisons et les transporteurs locaux sont exsangues et excédés. C’est une perturbation de trop qui sème la colère.

Monsieur le ministre, nous l’avons appris au travers de la crise des « gilets jaunes » : laisser pourrir une situation, c’est semer et accentuer le mécontentement.

Calais est un point de convergence routier qui fonctionne à flux tendu : on doit le gérer dans son exception. Or l’activité économique du Calaisis et le trafic transmanche sont suspendus au piétinement des négociations entre l’État et ses agents.

Nous avons besoin d’un signal fort : pouvez-vous présenter les moyens que vous comptez mettre en œuvre pour arrêter ce mouvement de grève ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Madame la sénatrice Fournier, vous nous interrogez à propos du mouvement de grève des douaniers. À ce titre, deux points concentrent les difficultés : la gare du Nord à Paris, que vous avez évoquée, et la région de Calais, qui subit les conséquences économiques que vous avez rappelées et qui, dès lors, est pénalisée.

Nous avons apporté des réponses aux douaniers dans le cadre de la préparation du Brexit, avant ce mouvement, avec la programmation et, dès 2019, la création de plusieurs centaines de postes de douaniers pour faire face au Brexit dans des conditions correctes, sans avoir à retirer des forces douanières en d’autres points du territoire.

Depuis le début de ce mouvement, les organisations syndicales représentant les douaniers ont été reçues par le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin et, à plusieurs reprises, par le directeur général des douanes. Nous leur avons proposé deux types de mesure.

Une mesure immédiate consiste en une revalorisation salariale de plus de 50 euros nets à compter du 1er juillet prochain pour les 17 000 douaniers, ce qui représente un engagement de 14 millions d’euros.

De plus, nous avons proposé aux douaniers d’ouvrir des chantiers complémentaires au sujet des conditions de travail.

Les discussions se poursuivent sur la base des propositions que nous avons formulées. Mais je tiens à le dire devant vous : dans l’attente de leur aboutissement, il est impératif que le trafic reprenne dans de bonnes conditions. Nous avons donné des consignes et des instructions – Gérald Darmanin y a veillé tout particulièrement –, afin que les actions contrevenant au bon fonctionnement des infrastructures, de l’économie et de la libre circulation des marchandises comme des personnes fassent l’objet de sanctions.

Enfin, votre question me permet d’apporter deux précisions.

Premièrement, les perturbations qui sont le fruit de ce mouvement de grève n’ont absolument rien à voir avec la réalité projetée du fait du Brexit, pour une raison toute simple : les contrôles sporadiques et les mouvements que vous évoquez concernent des sorties du territoire, alors que, dans le cadre du Brexit, nous aurons à contrôler les entrées.

Deuxièmement, le Premier ministre a demandé à l’ensemble des membres du Gouvernement de préparer toutes les hypothèses de Brexit, y compris un Brexit sans accord. C’est dans ce cadre que nous travaillons. Nous comptons sur les douaniers,…