M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je comprends bien la logique consistant à refuser le principe des ressources affectées et à remettre les moyens dédiés dans le budget général ; je ne suis pas sûre, néanmoins, qu’elle soit de nature à rassurer qui que ce soit sur le respect de la trajectoire pluriannuelle en matière d’investissements dans les transports.

Et je ne suis pas sûre non plus qu’une telle logique satisfasse ceux qui, notamment, sont concernés par des prélèvements spécifiques au transport routier et qui souhaitent s’assurer que c’est bien au profit du financement de nos infrastructures de transport que ces prélèvements sont effectués.

Ce qui s’exprime dans le grand débat, c’est plutôt la volonté de s’assurer, par exemple, que la fiscalité écologique sert bien à financer la transition écologique.

Cette logique ne me semble donc pas aller dans le sens de l’histoire. Je pourrais ajouter que nos voisins nous fournissent de très bons exemples qui montrent qu’une structure dotée de financements dédiés est utile, notamment parce qu’elle offre de la visibilité.

En outre, comme l’a rappelé M. le rapporteur, la composition plurielle du conseil d’administration est un gage de transparence dans la programmation des investissements.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’amendement de suppression de l’Afitf.

S’agissant de la présence des associations de protection de l’environnement au conseil d’administration de l’Agence, je suis convaincue qu’il est indispensable de discuter de nos choix avec le Parlement, évidemment, mais aussi avec l’ensemble des parties prenantes. Le projet de loi d’orientation des mobilités a bien sûr été élaboré avec lui et étudié par le Conseil national de la transition écologique. Et c’est bien en amont, me semble-t-il, que les associations de protection de l’environnement ont toute leur place, pour nous éclairer sur les choix que nous faisons en matière de politique des transports et de programmation des infrastructures. Je ne pense pas que leur rôle et leur valeur ajoutée soient de faire partie de l’Afitf, laquelle, comme l’a rappelé M. le rapporteur, a vocation à programmer les dépenses et à vérifier la bonne exécution des budgets.

Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 246 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je suis assez sensible à l’argumentaire de Mme la ministre selon lequel il faut associer les associations – c’est le cas de le dire ! – en amont. Ne serait-il donc pas plus pertinent de les inclure plutôt dans le Conseil d’orientation des infrastructures ? Si nous sommes d’accord pour considérer, donc, que nous avons posé la bonne question, mais pas au bon endroit, je suis prêt à reporter le moment de la traiter et à retirer mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Si l’on décidait d’inclure les associations dans la composition du COI, ce qui serait possible, il faudrait y inclure aussi les autres parties prenantes qui peuvent légitimement être intéressées.

En définitive, c’est le rôle que le Conseil national de la transition écologique peut jouer dans la programmation des infrastructures qui est en jeu. Or je pense que ce conseil a un rôle important à jouer. Je propose que nous maintenions sa mission, qui est de donner un avis en amont,…

M. Ronan Dantec. Absolument !

Mme Élisabeth Borne, ministre. … et non au sein du COI, sachant que, en outre, si nous ouvrons la porte de ce dernier aux associations de protection de l’environnement, dont le rôle ne m’échappe absolument pas, d’autres partenaires pourront aussi revendiquer leur place autour de la table.

M. Charles Revet. Chacun sa responsabilité !

M. le président. L’amendement n° 495 rectifié bis est retiré.

Madame Préville, l’amendement n° 866 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Angèle Préville. Je le retire également, monsieur le président.

Je tiens simplement à préciser que les associations de protection de l’environnement ne sont pas de petits organes satellites ; elles ont des choses très importantes à dire. Nous devons les associer beaucoup plus fortement qu’aujourd’hui.

M. le président. L’amendement n° 866 rectifié ter est retiré.

Articles additionnels après l'article 1 A - Amendements n° 495 rectifié bis et n° 866 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 129

Article 1er B (nouveau)

Les dépenses de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, exprimées en crédits de paiement et en millions d’euros courants, évolueront comme suit sur la période 2019-2023 :

 

2019

2020

2021

2022

2023

Dépenses totales

2 683

2 982

2 687

2 580

2 780

 

Les dépenses prévues au titre de 2023 s’inscrivent dans la perspective d’une enveloppe quinquennale de 14,3 milliards d’euros environ sur la période 2023-2027.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis un peu gêné d’avoir à voter un tel article, dans la mesure où il prévoit pour 2019 un budget de 2,6 milliards d’euros pour l’Afitf, alors que, voilà quelques semaines, celle-ci a adopté un budget de 2,4 milliards d’euros. En d’autres termes, nous devons nous prononcer sur un article qui n’est déjà pas en phase avec la réalité.

La rigueur et l’honnêteté auraient voulu que le Gouvernement déposât un amendement sur cet article, pour rétablir la cohérence.

Accessoirement, si je puis dire, je trouve inquiétant qu’avant même le vote de ce texte et du budget prévisionnel de l’Afitf, qui est déjà en deçà des 2,7 milliards d’euros par an demandés par le Conseil d’orientation des infrastructures, le budget de cette agence soit de 2,4 milliards d’euros.

J’aimerais comprendre et avoir quelques explications du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Monsieur le président de la commission, vous l’avez sans doute noté, quelques événements imprévus se sont produits au cours des derniers mois. Nous avons en particulier été amenés à revoir la trajectoire carbone et à annuler la hausse qui était prévue en 2019.

Une partie des recettes de l’Afitf est aujourd’hui liée au produit des amendes radars – je partage votre avis sur le fait que ce n’est pas forcément la meilleure idée. Or les dégradations intervenues sur les radars nous laissent anticiper une baisse des recettes liées à ces amendes. Dans ce contexte, nous avons néanmoins voulu adopter rapidement un premier budget pour l’Afitf, inférieur de 200 millions d’euros à ce qui avait été initialement envisagé.

Ce premier budget semble couvrir les besoins, puisque les dépenses sont exprimées en crédits de paiement : il s’agit non de prendre des décisions cette année, mais de prendre en compte les conséquences des engagements antérieurs. Aussi, il nous a semblé possible de le maintenir. Il va de soi que, au fur et à mesure que les réflexions se poursuivront sur la fiscalité écologique et les ressources qui pourront être affectées à l’Afitf à partir de 2020, nous pourrons revenir sur ce budget en cours d’année.

Je préfère donc que la trajectoire prévue à cet article soit maintenue.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er B.

(Larticle 1er B est adopté.)

Article 1er B (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 126

Articles additionnels après l’article 1er B

M. le président. L’amendement n° 129, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 231 ter du code général des impôts, il est inséré un article 231 … ainsi rédigé :

« Art. 231…. I. – Une taxe additionnelle à la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux est perçue, dans les limites territoriales de Paris et des Hauts-de-Seine.

« II. – Sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d’un droit réel portant sur de tels locaux.

« La taxe est acquittée par le propriétaire, l’usufruitier, le preneur à bail à construction, l’emphytéote ou le titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public constitutive d’un droit réel qui dispose, au 1er janvier de l’année d’imposition, d’un local taxable.

« III. – La taxe est due pour les locaux à usage de bureaux, qui s’entendent, d’une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l’exercice d’une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l’État, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et, d’autre part, des locaux professionnels destinés à l’exercice d’activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif.

« IV. – Pour le calcul des surfaces, il est tenu compte de tous les locaux de même nature, hors parties communes, qu’une personne privée ou publique possède à une même adresse ou, en cas de pluralité d’adresses, dans un même groupement topographique.

« V. – Sont exonérés de la taxe les locaux à usage de bureaux situés dans une commune bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et du Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, et ceux situés dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur, telle que définie au B du 3 de l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.

« VI. – Le montant de la taxe est de 20 euros par mètre carré pour l’année 2020. Ce tarif est actualisé au 1er janvier de chaque année en fonction du dernier indice du coût de la construction publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques. Les valeurs sont arrondies, s’il y a lieu, au centime d’euro supérieur.

« VII. – Les redevables sont tenus de déposer une déclaration accompagnée du paiement de la taxe, avant le 1er mars de chaque année, auprès du comptable public compétent du lieu de situation des locaux imposables.

« VIII. – Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à la taxe sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires jusqu’au 31 décembre 2003.

« Le privilège prévu au 1° du 2 de l’article 1920 du présent code peut être exercé pour le recouvrement de la taxe.

« IX. – La taxe n’est pas déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Dans le même esprit que précédemment, nous souhaitons trouver de nouvelles ressources financières pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. C’est l’une de nos propositions récurrentes, tant elle nous semble juste pour financer les besoins en investissements en faveur de la mobilité.

Nous proposons de créer une taxe additionnelle à la taxe sur les locaux à usage de bureaux, dans les limites territoriales de Paris et des Hauts-de-Seine. Seraient ainsi exonérées de cette taxe les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France.

Ainsi, nous tenons compte des spécificités de notre région, puisque, chacun le sait, Paris et les Hauts-de-Seine concentrent une très grande part de l’immobilier de bureaux, totalisant plus de 55 % de l’offre en mètres carrés de bureaux en Île-de-France.

La tendance ne fait que s’accentuer, comme le confirment les chiffres de l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise en Île-de-France, avec des emplois qui ne se sont jamais autant polarisés que dans l’Ouest parisien et les Hauts-de-Seine.

Cette hyperconcentration participe au déséquilibre en matière de développement économique et territorial, avec une répartition des emplois à l’ouest et de l’habitat à l’est. Cet aménagement du territoire induit de nombreux déplacements et une saturation du réseau existant.

Aussi, comme je le proposais lorsque j’étais administratrice au syndicat des transports d’Île-de-France, ou STIF, et comme le proposent toujours les administrateurs communistes d’Île-de-France Mobilités, le groupe CRCE souhaite instaurer cette taxe et l’affecter à l’Afitf, afin d’améliorer les transports et la mobilité dans l’ensemble du pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. La taxe sur les bureaux, notamment en Île-de-France, est une taxe annuelle qui concerne les locaux à usage de bureaux – locaux commerciaux, locaux de stockage et surfaces de stationnement. Elle vient d’être réévaluée pour financer le Grand Paris Express.

Je ne suis pas favorable à l’empilement de dispositifs additionnels. Plutôt que de créer une taxe nouvelle, essayons de flécher les recettes existantes. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je partage l’avis de la commission. Madame la sénatrice, vous êtes en train d’ajouter des taxes aux taxes qui sont d’ores et déjà prévues pour financer des infrastructures de transport en Île-de-France, en l’occurrence le Grand Paris Express, au travers de la Société du Grand Paris.

Si cet amendement est adopté, pour le coup, on risque d’arrêter la concentration des bureaux en faisant partir tous les emplois ! Cela ne me semble pas une bonne formule.

Par conséquent, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je comprends que la commission et le Gouvernement soient défavorables à notre amendement, mais les arguments qui nous sont opposés sont assez légers.

Madame la ministre, vous le savez pertinemment, il s’agit non pas d’ajouter une taxe, mais de corriger le déséquilibre entre l’ouest et l’est. Vous nous dites, les yeux dans les yeux, que l’adoption de cet amendement empêchera le développement de l’emploi. Allez donc vous promener un petit peu à la Défense…

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je le fais !

Mme Laurence Cohen. … et vous verrez que cette mesure ne freinera pas l’emploi.

Normalement, compte tenu de vos responsabilités antérieures, vous connaissez bien ce déséquilibre. Cet amendement vise à trouver une solution en matière d’aménagement du territoire et de rééquilibrage entre deux régions, l’Est et l’Ouest parisiens, dans une perspective de développement de l’emploi et d’égalité des territoires.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 129.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 129
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 127

M. le président. L’amendement n° 126, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section XX du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un article 235 ter … ainsi rédigé :

« Art. 235 ter …. – Il est institué une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZD. Cette taxe additionnelle est assise, recouvrée, exigible et contrôlée dans les mêmes conditions que celles applicables à la taxe prévue au même article 235 ter ZD. Son taux est fixé à 0,1 %. »

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Cet amendement a pour objet d’instituer une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières. Cette taxe mettrait à contribution les sociétés et son produit serait affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’Afitf.

L’institution de cette taxe nous paraît nécessaire au regard de la faiblesse des fonds attribués à l’Afitf. Le rapport annexé au présent projet de loi prévoit en effet une enveloppe de 14,3 milliards d’euros sur cinq ans. Il prévoit également que le budget 2019 de l’Afitf augmente de 10 % par rapport à l’année 2018. Cela peut sembler une avancée de taille, mais, dans les faits, le montant réel des investissements de l’État prévu pour 2019 est inférieur de 200 millions à celui que comporte ce projet de loi.

De plus, les enjeux contenus dans ce texte sont considérables, puisqu’il s’agit d’apporter des solutions aux territoires qui manquent de moyens de transport ou ont besoin de développer des moyens de transport répondant à l’urgence climatique et environnementale, de renforcer les financements en faveur des transports quotidiens et de développer de nouvelles offres de transport.

Ces objectifs sont louables et méritent des financements à leur hauteur. Cette nouvelle taxe permettrait de mener une politique ambitieuse en matière de transport, en répondant aux objectifs précédemment énoncés et en finançant de nouveaux projets. On peut citer l’investissement massif envers les lignes Intercités de nuit, proposé par le groupe CRCE dans un précédent amendement.

Par ailleurs, une plus grande mise à contribution des entreprises se justifie pleinement. Ces dernières bénéficieront, en effet, de l’amélioration des services de transport sur le territoire, qui permet de faciliter les déplacements des travailleurs et participe au développement de l’activité économique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Vous allez sans doute trouver mon argumentation un peu faible… (Sourires.) Le fait est qu’elle sera même inexistante, puisqu’il s’agit d’une position de principe : nous ne sommes pas favorables à la création d’une nouvelle taxe.

Mme Éliane Assassi. Voilà, c’est cohérent !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Cet amendement vise à instituer une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières. Toutefois, son affectataire n’étant pas précisé, son produit irait par parallélisme au budget global de l’État et au Fonds de solidarité pour le développement et non, comme il est précisé dans l’objet de cet amendement, à l’Afitf.

La relation entre la nature de cette taxe et son affectataire souhaité ne paraît par ailleurs pas aller de soi. De toute façon, cette proposition doit s’analyser dans une vision globale de la fiscalité à l’aune des retours du grand débat national et de l’examen des projets de loi de finances.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 126.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 126
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article additionnel après l'article 1er B - Amendement n° 125

M. le président. L’amendement n° 127, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le deuxième alinéa de l’article 302 bis ZB du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Le tarif de la taxe est fixé à 8,19 € par 1 000 kilomètres parcourus pour les véhicules routiers à moteur destinés au transport de marchandises et dont le poids total autorisé en charge est égal ou supérieur à 7,5 tonnes et à 7,32 € par 1 000 kilomètres parcourus pour les autres catégories de véhicules. »

II. – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier 2020.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme vous le savez, les recettes de l’Afitf sont, pour une large part, alimentées par la taxe d’aménagement du territoire versée par les concessionnaires d’autoroutes en fonction du kilomètre parcouru. Cela représente environ 19,5 % des recettes en 2019, soit 350 millions d’euros.

Nous proposons une augmentation de la taxe précitée. Hélas, en raison de la nature même des concessions qui ont été signées entre l’État et les sociétés d’autoroutes – ne rouvrons pas le débat… –, les augmentations sont systématiquement répercutées sur les usagers.

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Eh oui !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. On aurait pu penser qu’une part des dividendes serait consacrée à ce financement, mais ce n’est pas possible en l’état actuel des choses.

Cet amendement vise essentiellement les poids lourds. En effet, toutes les études menées par la Commission européenne montrent que leur activité, du fait de son externalité, est très peu prise en compte pour ce qui concerne leur contribution aux infrastructures de transport. Par ailleurs, nous voulons favoriser le rail.

Cette mesure aurait donc un double effet : d’une part, l’augmentation de la taxe d’aménagement du territoire permettra de générer 250 millions d’euros de recettes supplémentaires que l’Afitf utilisera, espérons-nous, pour favoriser le rail ; d’autre part, les coûts externes entre le transport du fret assuré par les poids lourds et par le rail seront rééquilibrés. Cette disposition nous semble donc positive.

Par ailleurs, madame la ministre, vous avez dit avoir le souci de ne pas épargner les transporteurs étrangers qui traversent notre pays sans apporter toujours leur juste contribution. L’augmentation de cette taxe le permettra davantage.

M. le président. Le sous-amendement n° 1033, présenté par M. Bérit-Débat, Mme Tocqueville, MM. Houllegatte, Jacquin et Kanner, Mme Bonnefoy, M. Madrelle, Mme Préville, MM. J. Bigot et Dagbert, Mme M. Filleul et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Amendement 127, alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Pour les véhicules routiers à moteur destinés au transport de marchandises et dont le poids total autorisé en charge est égal ou supérieur à 7,5 tonnes comme pour les autres catégories de véhicules, le tarif de la taxe est fixé par un décret en Conseil d’État, selon une logique progressive par tranche de 1 000 kilomètres parcourus. »

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Nous avions initialement déposé, au nom du groupe socialiste et républicain, un amendement visant à instaurer une redevance d’utilisation de l’infrastructure routière, qui se serait appliquée aux poids lourds sur le réseau routier non concédé, dans le cadre des dispositions de la directive Eurovignette.

Dans ses considérants, cette directive indique : « Dans le secteur des transports routiers, les péages, calculés comme des redevances d’utilisation des infrastructures fondées sur la distance, constituent un instrument économique équitable et efficace pour réaliser une politique des transports durable, puisqu’ils sont directement liés à l’utilisation de l’infrastructure. » Un tel mécanisme a déjà été mis en place dans plusieurs pays européens tels que l’Allemagne, l’Autriche ou, plus récemment, la Belgique.

Le montant de la redevance aurait été progressif, ce qui aurait permis non seulement de corriger une partie des désavantages compétitifs subis par les transporteurs français, mais aussi de favoriser le report modal.

Enfin, l’introduction de cette redevance aurait permis, sans préjudice pour les finances publiques, de rétablir une plus grande équité fiscale entre les entreprises de transport françaises et étrangères, en supprimant une taxe à l’essieu discriminante et en permettant à ces mêmes entreprises nationales de dégrever une plus grande part de la TICPE qu’elles acquittent sur leur facture de carburant.

Pour autant, la commission des finances, dans sa grande sagesse, a estimé que, « en ce qu’il institue une redevance dont le produit est affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ce qui augmente la capacité de dépense d’un opérateur, le présent amendement aggrave une charge publique au sens de l’article 40 de la Constitution ». Mes chers collègues, je vous laisse juge de cette appréciation surprenante – l’un de mes collègues a dénoncé hier cette position –, d’autant qu’il aurait suffi que la commission des finances nous alerte pour que nous corrigions cet amendement en imputant directement les recettes de la redevance au budget général.

En conclusion, exit la suppression de la taxe à l’essieu ! Exit l’adaptation des montants de TICPE acquittés par les entreprises françaises !

C’est pourquoi nous proposons de sous-amender l’amendement n° 127 du groupe CRCE, qui vise à faire contribuer davantage les véhicules effectuant des trajets de plusieurs kilomètres, sans pénaliser nos transporteurs nationaux et en réduisant l’empreinte carbone.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. L’amendement n° 127 tend à instaurer une taxe supplémentaire. Or, on le sait, quand il s’agit des autoroutes, chaque nouvelle taxe est systématiquement répercutée sur le consommateur ou l’usager – on l’appelle comme on veut –, en d’autres termes celui qui emprunte la voie.

Je rappelle que les sociétés d’autoroutes contribuent au financement de l’Afitf – pratiquement autour de 50 % jusqu’à une période récente, voire de 52 % certaines années – avec la taxe d’aménagement du territoire et la redevance domaniale pour près de 820 millions d’euros.

On peut toujours ajouter des taxes, mais c’est bien évidemment toujours l’usager qui les acquittera. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, s’appuyant sur le principe que j’ai déjà évoqué.

La commission n’ayant pu examiner le sous-amendement n° 1033, je livrerai mon avis personnel, qui est défavorable. En effet, ce sous-amendement pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel pour incompétence négative, dans la mesure où le législateur doit fixer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et ne peut renvoyer à un décret la fixation du taux sans l’encadrer autrement qu’en fixant un principe de progressivité en fonction du nombre de kilomètres parcourus.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je rappellerai quelques éléments pour éclairer le débat.

En France, nous sommes au plancher de la taxe à l’essieu.

M. Claude Bérit-Débat. Nous proposons de la supprimer !

Mme Élisabeth Borne, ministre. En outre, sur autoroute, les poids lourds couvrent leurs coûts externes. En effet, aux coûts qu’ils acquittent au travers du péage correspondant à la construction, au renouvellement, à l’entretien et à l’exploitation des autoroutes s’ajoutent déjà la redevance domaniale et la taxe d’aménagement du territoire.

Par ailleurs, alors que, chez nos voisins belges ou allemands, les péages concernant les poids lourds sont déployés sur l’ensemble du réseau routier, la France dispose d’un réseau autoroutier concédé avec des péages d’un montant élevé – plus de deux fois plus que ce qui avait été envisagé pour l’écotaxe – ainsi que d’un réseau gratuit, ce qui entraîne des problèmes de report du trafic. Il n’est qu’à regarder la file de poids lourds sur la RN 10 pour constater qu’ils n’empruntent pas l’A 10.

Pour toutes ces raisons, ajouter une taxe aux péages acquittés sur les autoroutes concédées ne me semble pas une bonne idée. Par conséquent, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement et ce sous-amendement.