M. Philippe Dominati. Enfin, vous ne parlez pas de l’indemnisation ni des 7 000 hectares de foncier, pas plus que de l’intérêt de l’entreprise. Alors que l’on examine un projet de loi dit « PACTE », y compris la raison sociale de l’entreprise, personne ne veut cette privatisation, sauf vous, pour l’intérêt de l’entreprise.

M. Yung évoque le développement de l’aéroport, mais celui-ci est assuré par les dividendes. De plus, le président d’Aéroports de Paris nous a déclaré que la privatisation de l’entreprise n’était pas nécessaire pour financer ce développement.

Mme Sophie Primas. Absolument !

M. Philippe Dominati. Il en est tellement certain que, privatisation ou pas, si ce point avait été évoqué, il l’aurait été au travers d’une augmentation du capital.

Il s’agit là d’un dossier politique,…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Dominati. … où, en réalité, le Gouvernement risque d’être seul. C’est pourquoi moi non plus je ne voterai pas pour la privatisation. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Permettez-moi de vous citer, monsieur le ministre : « Nous avons défini un cahier des charges strict. Vous avez manifesté une inquiétude légitime au sujet des redevances. Les deux redevances seront négociées tous les ans et l’État aura le dernier mot sur leur niveau. » Vous avez même ajouté : « Le cahier des charges permet de renforcer le contrôle de l’État par rapport à la situation précédente ».

Monsieur le ministre, il nous faut plus que de simples paroles pour nous convaincre lorsque l’on s’apprête à privatiser l’un des premiers aéroports d’Europe qui, de plus, est l’employeur de 6 400 salariés.

Nous ne pouvons débattre sérieusement et voter cet article sans un document écrit. Vous comprenez, nous n’avons pas confiance. Quels sont les critères choisis pour ce cahier des charges ? Quelles sont les obligations de service public et de sécurité ? Vous nous dites que le cahier des charges intégrera les amendements sur le statut des personnels et de l’emploi et que les intérêts de l’État seront évalués plus régulièrement. Mais quelles garanties avons-nous réellement sur le maintien de ces dispositions et sur les autres critères de ce cahier des charges ?

Aussi, je vous pose une question toute simple, monsieur le ministre : où est le cahier des charges ? Nous devons disposer d’une information complète pour nous prononcer, sans quoi nous vous donnons carte blanche pour liquider nos services publics de qualité au premier investisseur étranger venu. Ce que nous vous demandons est pourtant simple. J’ai ici avec moi l’actuel cahier des charges d’Aéroports de Paris qui date de 2005. Nous voudrions savoir ce qui va changer dans le futur cahier des charges pour pouvoir nous prononcer. J’attends donc votre réponse, monsieur le ministre de l’économie et des finances.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, ce débat n’est pas « hors sol », car il arrive dans notre pays à un moment où, cela ne vous aura pas échappé, les Françaises et les Français, dans leur diversité, s’intéressent à toutes les questions liées à la mobilité, et alors que le Gouvernement, dans quelques semaines, va nous présenter un projet de loi sur les mobilités.

Finalement, ici, en catimini, au détour d’un énième article dans un projet de loi qui en comporte maintenant plusieurs dizaines, vous nous proposez la privatisation d’Aéroports de Paris.

Finalement, cela a été démontré, ce que vous cherchez à faire, au nom d’une ouverture du capital, au nom de la remise en cause des monopoles, c’est renvoyer, au sein d’un même monopole, à un, à deux, voire à trois grands groupes dans notre pays, l’ensemble des déplacements stratégiques nationaux et internationaux. En réalité, la problématique que vous posez sur la maîtrise ou non du monopole, vous vous en dégagez en renvoyant vers ces groupes dont Vinci principalement – pour ne pas les citer.

Vous nous avez dit ici, la semaine dernière, que l’enjeu de la privatisation d’Aéroports de Paris, c’était la gestion des boutiques. Mais sérieusement, monsieur le ministre, l’enjeu de la privatisation d’Aéroports de Paris et des conséquences stratégiques, y compris en termes d’aménagement du territoire, sur l’ensemble de l’Île-de-France et bien au-delà, peut-il se résumer simplement à savoir qui gérera ou pas demain, et selon quel niveau de concurrence, les boutiques d’Aéroports de Paris, sauf à se dire que ces boutiques doivent devenir demain des arènes de combat pour certains rappeurs en manque de sensations ? (Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Plus sérieusement, ni les arguments sur le fonds d’investissement ni ceux qui portent sur le cahier des charges ou le devenir des boutiques d’Aéroports de Paris ne peuvent être de nature à remettre en cause non pas des bijoux de famille, mais des entreprises stratégiques en termes d’emplois et de développement, dans les années qui viennent, pour notre pays.

Je finirai sur une remarque, monsieur Yung. Vous avez cité plusieurs exemples de privatisation à l’issue desquelles le Front national est arrivé au second tour de l’élection présidentielle. Vos arguments peuvent effectivement toucher la gauche, comme vous avez essayé de le faire, mais, personnellement, je prendrai mes responsabilités, car je pense que tuer la démocratie à coup de privatisations qui ne répondent pas aux besoins des Français, ce n’est pas la solution ! (Mme Éliane Assassi applaudit. – M. Laurent Lafon proteste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pensons que la privatisation d’ADP est contraire à la Constitution.

Depuis la crise financière de 2008, il y a eu une accélération de la course à la rente de monopole, avec le risque déjà rencontré pour les autoroutes – les dividendes ont dépassé le prix de la privatisation : est-ce que vous le dites dans le grand débat national aux Françaises et aux Français ? Et lorsque les entreprises deviennent trop puissantes, la séparation du politique et de l’économique disparaît. Notre Constitution, en son préambule, avait prévu ce risque, et posé la nécessité d’un pouvoir de contrôle et de police économique de ces biens essentiels.

Vous nous avez dit, monsieur le ministre, au commencement de l’examen de cette loi, qu’ADP, ce sont des hôtels et des boutiques de luxe, que l’État n’a pas à gérer. Pour nous, ADP est un monopole naturel, un service public national qui devrait, à ce titre, échapper à la privatisation.

M. Gérard Longuet. Il faut le justifier.

M. Pascal Savoldelli. C’est pourquoi de nombreux juristes, et pas des moindres, s’élèvent aujourd’hui aussi contre cette privatisation.

Le Conseil d’État soutient que le préambule de la Constitution de 1946 ne peut être invoqué contre un projet de loi, car tout en reconnaissant le caractère de service public d’ADP, il énonce que sa situation géographique exclurait qu’il puisse s’agir d’un service public national, puisque la mission de service public confiée à ADP ne s’exercerait que sur la seule région d’Île-de-France. Il ne serait pas non plus un monopole de fait.

Cependant, le préambule ne parle pas de circonscriptions géographiques, mais bien de l’importance du service public national pour la Nation. À ce titre, caractériser ce service uniquement à l’aune de l’implantation géographique n’a aucun sens et exclut la quasi-totalité des services publics existants. Or ADP, c’est treize aéroports, des participations dans de nombreux aéroports à l’étranger, des filiales avec des activités d’ingénierie, de gestion et de développement aéroportuaire. Le seul aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle devrait avoir à gérer un flux de 120 millions de passagers par an d’ici à 2023, date de mise en service du terminal 4, qui en ferait le premier aéroport européen.

ADP joue un rôle considérable dans l’aménagement du territoire national, à la fois par son poids économique pour la région capitale, mais aussi par son utilité pour le transport interne à la France, aussi bien en métropole que dans le lien entre celle-ci et les départements et territoires d’outre-mer, comme le Sénat le rappelait déjà en 2005.

ADP, c’est aussi un monopole de fait, puisque les secteurs d’activité sur lesquels la société détient une position exclusive ou prépondérante, occupent une place importante et non substituable dans l’économie nationale. De plus, ces secteurs d’activité représentent la majeure partie de son activité globale.

Je vais vous le dire, monsieur le ministre, comme d’autres l’ont dit ici, même si j’aborde un aspect plus juridique, on est en train de faire un choix idéologique et politique, c’est d’avoir des lectures différentes de notre Constitution.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Savoldelli !

M. Pascal Savoldelli. Comme indiqué dans le préambule de la Constitution de 1946, « Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national…

Mme la présidente. S’il vous plaît, il faut vraiment arrêter !

M. Pascal Savoldelli. … ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Nadine Grelet-Certenais et M. Olivier Jacquin applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre, bien sûr, vous êtes surpris que, même sur nos travées les plus à droite de l’hémicycle, nous manifestions des réticences sur cette privatisation d’Aéroports de Paris. En réalité, pour un certain nombre d’entre nous, il ne s’agit que de questions sur cette privatisation.

Une des questions auxquelles nous n’avons pas trouvé de réponse porte sur le processus de cession des parts. Allez-vous céder plus de 50,2 % en un bloc, en plusieurs blocs ? Va-t-il y avoir une OPA ? Comment seront choisis ceux qui vont éventuellement acheter ces parts ? Un processus sera-t-il plus favorable à telle ou telle société ? Comment tout cela va-t-il se passer en réalité ? Le prix sera-t-il le seul facteur de choix, comme la jurisprudence nous l’a énoncé jusqu’à présent ? Comment allons-nous protéger notre aéroport dans le temps d’une future possible OPA sur un secteur d’activité ouvert ?

Nous avons donc là des questions auxquelles nous n’avons pas de réponse. Alors, vous nous rassurez, en disant : « Nous maîtriserons la sécurité. Nous maîtriserons le contrôle des frontières. Nous maîtriserons toutes les compétences régaliennes. Nous maîtriserons le montant et la nature des investissements, ainsi que le devenir du foncier ». Mais quelle est donc cette équation dans laquelle, à l’arrivée d’une personne privée, on lui dirait les recettes et les contraintes qui lui sont imposées, et qui s’ajouteraient à sa propre équation économique, forcément positive, de recettes et de profits, ce qui n’est pas, dans ma bouche, un défaut ?

Donc, nous ne sommes pas rassurés sur les éléments que vous nous donnez.

Ensuite, je voudrais vous poser deux questions, à commencer par celle de la double caisse, sur laquelle nous reviendrons, car je ne comprends pas les réponses qui nous sont apportées, y compris celles qui ont été formulées par Augustin de Romanet. Je ne vois pas pourquoi des bénéfices importants sur la partie commerciale ne viendraient pas aider des investissements sur la partie infrastructures ? Aussi, je ne comprends pas que l’on puisse avoir deux comptabilités différentes – je sais que c’est faisable –, même s’il est nécessaire de mettre l’accent sur l’amélioration des infrastructures et la rentabilité de l’exploitation.

Seconde et dernière question : vous savez qu’un certain nombre de départements, notamment franciliens, ont émis le souhait éventuellement de répondre à l’appel d’offres et à la cession des parts. Quel accueil souhaitez-vous donner à cette proposition ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.

M. Pierre Laurent. Mon intervention tombe au bon moment, juste après celle de Mme Primas, car je voudrais insister sur nos diversités d’opinions. Nous nous opposons politiquement sur beaucoup de sujets, et sur les privatisations, c’est le moins que l’on puisse dire, nous n’avons pas toujours été d’accord dans cet hémicycle, parfois même au sein de la gauche. Or sur ce sujet précisément, il y a une très grande convergence d’analyses, de diagnostics et de questions.

En vérité, il y a une raison à cela : au-delà de ce que nous pensons sur tant et tant de sujets politiques, y compris en matière économique, chacune et chacun d’entre nous sait qu’il s’agit là d’un sujet majeur d’intérêt national. Face aux questions que cette opération soulève, les arguments avancés par le Gouvernement se révèlent, pour l’heure, d’une totale légèreté.

Nous avons donc, d’un côté, un sujet majeur et, de l’autre, des arguments qui ne tiennent pas la route, notamment en matière financière. On le voit bien : avec le système actuel, on peut continuer à investir pour développer Aéroports de Paris.

À l’inverse, monsieur le ministre, avec ce que vous nous proposez, nous risquons la spoliation, dans la durée, d’un bien d’intérêt national stratégique. Vous ne nous dites pas comment nous allons faire face à la maîtrise stratégique des enjeux de mobilité du futur, si nous nous privons de la maîtrise de l’une des plus grandes plateformes aéroportuaires au monde, qui, si l’on y ajoute Orly, représente de loin le premier aéroport d’Europe. Vous ne répondez pas à ces questions : cela nourrit forcément, sur toutes les travées, une opposition à cette privatisation, telle que vous la proposez.

S’entêter, persévérer, essayer de passer en force…

M. Bruno Le Maire, ministre. La mesure a été adoptée par l’Assemblée nationale, monsieur le sénateur !

M. Pierre Laurent. … sur un sujet aussi important, ce serait une folie. Vous nous proposez une aventure, alors que, sur toutes les travées, nous vous posons des questions décisives : il s’agit là d’enjeux majeurs pour le pays, y compris en termes de sécurité nationale. La question fait débat, mais il est certain que la maîtrise d’une plateforme aéroportuaire de cette importance fait partie des enjeux de sécurité nationale.

Le Gouvernement montre beaucoup trop de légèreté pour convaincre qui que ce soit dans cet hémicycle ; pour notre part, nous nous opposerons à cette privatisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l’article.

M. Claude Bérit-Débat. À mon tour, je tiens à dire toute mon opposition à la privatisation d’ADP. Les précédents orateurs ont déjà développé un certain nombre d’arguments, notamment mes collègues socialistes, et je les fais miens.

Richard Yung a essayé de démontrer que les privatisations avaient eu lieu, par le passé, sur l’initiative d’un certain nombre de gouvernements. Il a cité, notamment, les gouvernements socialistes du dernier quinquennat. Mais ce n’est pas parce que nous avons fait des erreurs à un moment donné qu’il faut poursuivre dans cette voie !

En la matière, le meilleur exemple, c’est la privatisation des autoroutes. Sur ce sujet, tout a été dit avant moi : aujourd’hui, les dividendes accumulés par les concessionnaires dépassent ce que la privatisation a pu rapporter à l’État.

Un orateur a évoqué la privatisation de l’aéroport de Toulouse : c’est une erreur, il faut l’assumer. Tout le monde peut faire des erreurs : j’y insiste, on ne peut pas partir du principe que, par le passé, certains ont agi en ce sens pour faire de même aujourd’hui.

Avec Aéroports de Paris, nous ne débattons pas d’un équipement ordinaire, mais d’un investissement important et stratégique pour la sécurité de la France, et pour cause, il s’agit de la porte d’entrée de notre pays.

De plus, cette entreprise dégage des profits, des dividendes importants. Pour quelle raison la création d’un fonds d’innovation imposerait-elle de céder cette pépite, ce bijou de famille ? Les dividendes de cette entreprise nous permettent de faire de même.

On le voit, les arguments sont multiples. J’en ajoute un dernier : il n’est pas judicieux de laisser aux mains d’entreprises d’une entreprise un certain nombre de mobilités – autoroutes, aéroports, etc. L’exemple des autoroutes montre bien comment l’opération pourrait finir. Pour l’ensemble de ces raisons, je suis contre cette privatisation ! (M. Martial Bourquin et quelques sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l’article.

Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, j’ajouterai un certain nombre de questions à celles qui ont été posées par Sophie Primas.

J’ai lu que la privatisation de cet aéroport aurait pour intérêt de sanctuariser un fonds de 10 milliards d’euros, pour investir dans des technologies comme l’intelligence artificielle, la nanoélectronique ou encore le stockage d’énergie. On n’emploierait pas ces fonds en tant que tels, mais le rendement de ces actifs, estimé entre 200 et 250 millions d’euros, pour financer les innovations de rupture.

Or 10 milliards d’euros, c’est le montant des investissements d’avenir ; et 200 à 250 millions d’euros, c’est quatre fois moins que le montant annuel dépensé à ce titre, en 2018 et, aujourd’hui, en 2019.

Quand je regarde les outils destinés à mettre en œuvre le fonds d’innovation stratégique, j’observe qu’une première enveloppe sera utilisée sous forme d’aides individuelles – subventions, avances remboursables ou prêts. Ce sont les outils des investissements d’avenir ! Je lis qu’une seconde enveloppe financera des programmes répondant à des défis à fort enjeu technologique : l’intelligence artificielle, pour 100 millions d’euros par an, la nanoélectronique, pour 25 millions d’euros par an.

Si je lis le projet annuel de performance du programme des investissements d’avenir pour l’année 2019, je constate qu’un certain nombre de fonds ont déjà été réorientés vers l’intelligence artificielle, d’où mes questions : quelle cohérence va-t-il y avoir entre toutes ces politiques au service de l’innovation ? Comment ces fonds vont-ils fonctionner ensemble ?

En outre, on observe que les investissements d’avenir ont fait l’objet de certaines réorientations. Ainsi, l’action Territoires d’innovation de grande ambition sera utilisée, en 2019, pour une politique de relance territoriale. Dans le même temps, l’action Grands défis servira à financer la rénovation du Grand Palais.

Monsieur le ministre, comment pouvons-nous être certains que ces 10 milliards d’euros, fournissant 200 à 250 millions d’euros de rendement, seront effectivement destinés à l’innovation, et non pas à d’autres politiques ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martial Bourquin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Fournier.

Mme Catherine Fournier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est animé, et c’est tout à fait normal, puisqu’il s’agit d’un sujet d’importance. D’une manière ou d’une autre, il nous a tous touchés au cœur, puisqu’il représente une image de la France : Paris…

M. Roger Karoutchi. Et même l’Île-de-France !

Mme Catherine Fournier. … et ses aéroports.

Comme l’a fait mon collègue Vincent Capo-Canellas, j’interviendrai à titre personnel, pour aborder deux éléments contextuels de cette privatisation.

Avec le projet de loi PACTE, nous sommes au centre de la transformation et de la croissance des entreprises ; et, en l’occurrence, nous parlons de l’entreprise ADP.

Premièrement – les précédents orateurs l’ont rappelé –, nous compterons, d’ici à 2020, 2,4 milliards de passagers aériens en plus ; et, d’ici à vingt ans, nous verrons doubler le nombre de ces passagers. Pour vous donner un ordre de grandeur, le volume de passagers représentera, dès 2020, le trafic actuel des vingt-quatre plus gros aéroports mondiaux.

Face à une telle croissance, ADP aura besoin de capitaux…

M. Rachid Temal. Nous y voilà !

Mme Catherine Fournier. … pour s’inscrire dans l’expansion générale des aéroports tout en restant concurrentielle et compétitive.

M. Pierre Laurent. L’État n’est pas capable de le faire ?

Mme Catherine Fournier. Certains l’ont dit aujourd’hui, lors d’autres débats : de fait, à l’heure qu’il est, l’État français affiche davantage un besoin de financement qu’une capacité à abonder les capitaux d’ADP, pour assurer son développement futur.

Deuxièmement, je tiens à revenir sur la méthode législative employée. Le présent texte est examiné selon la procédure accélérée. Le Sénat a toujours préservé sa capacité d’enrichir substantiellement ce projet de loi. Ainsi, face à l’article 44, la commission spéciale a choisi de permettre ce débat et de le lancer.

Cela étant, il faut se poser cette question en toute lucidité : qu’adviendra-t-il de la commission mixte paritaire, quelle sera sa conclusion ?

Mme Éliane Assassi. C’est incroyable ! Quel est le rapport avec ADP ?

Mme Catherine Fournier. Le fil des débats devrait nous fournir, à ce sujet, de plus grandes informations.

Mes chers collègues, on a beau avoir une belle fusée, il faut aussi le carburant pour activer ses réacteurs. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Rachid Temal. C’est la version pour enfants !

Mme Catherine Fournier. Il faut absolument que nous en ayons conscience.

Je ne me suis pas lancée dans de grandes théories. Je veux rester pragmatique ; je veux surtout respecter ce débat et faire en sorte que vous puissiez vous exprimer. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Exclamations sur plusieurs travées.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Avant tout, je tiens à remercier le rapporteur, Jean-François Husson, du remarquable travail qu’il a fait depuis plusieurs jours pour améliorer ce texte et renforcer les garanties accordées à nos compatriotes, dans le cadre de la cession des actifs de l’État dans Aéroports de Paris. Je remercie également Mme la présidente de la commission spéciale, Catherine Fournier, de ses propositions solides et de la volonté d’ouverture qu’elle a manifestée au titre de cette opération.

Mesdames, messieurs les sénateurs, après ce long débat, ponctué de nombreuses prises de parole, vous me permettrez de noter le caractère piquant de certaines interventions. Entendre Mme Lienemann tout feu tout flamme contre les privatisations, alors qu’elle a participé au gouvernement qui a le plus privatisé depuis trente ans,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai toujours voté contre ces mesures ! Vous êtes mal informé !

Mme Éliane Assassi. En effet ! Mme Lienemann s’y est toujours opposée !

M. Bruno Le Maire, ministre. … y compris en cédant des actifs stratégiques, cela ne manque pas de sel.

Madame Lienemann, il me semble que, lorsque M. Jospin était Premier ministre, vous ne défendiez pas avec autant d’ardeur le refus des privatisations… (Rires sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Il est également assez piquant de voir certains sénateurs Les Républicains – pas tous : certains posent des questions, d’autres sont plus péremptoires – dénoncer avec tant de vigueur les privatisations. Je leur rappellerai simplement une citation : « Il faut reprendre les privatisations et que l’État reprenne des capitaux immobilisés dans des entreprises commerciales où il a gardé des participations, qu’on récupère cet argent et qu’on investisse ». C’était François Fillon, c’était en 2016, et c’était son programme pour la présidentielle. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Éliane Assassi. Et ça s’est mal terminé !

M. Bruno Le Maire, ministre. Au fond, la seule personne cohérente dans cette affaire, c’est M. Gay ; et je tiens à lui dire que je serai heureux, s’il me le confie, de gérer son PEL ! (Sourires et exclamations.)

Quoi qu’il en soit, ces quelques interventions prouvent une chose : la recomposition politique française nous réserve encore bien des surprises. (Mouvements divers.)

M. Éric Kerrouche. Parole de connaisseur ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Cela étant, j’en reviens à l’opération relative à Aéroports de Paris.

Tout d’abord, vous l’appelez tous « privatisation » : je redis que ce n’est pas une privatisation sèche… (Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. Pierre Laurent. Soyons sérieux !

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est une délégation de service publique de soixante-dix ans,…

Mme Éliane Assassi. Soixante-dix ans !

M. Bruno Le Maire, ministre. … au terme de laquelle l’État retrouvera, en intégralité, la possession de cet actif stratégique,…

M. Pierre Laurent. S’il le peut encore !

M. Bruno Le Maire, ministre. … qu’il n’a pas, aujourd’hui, au titre de la loi de 2005. (Exclamations sur quelques travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, s’il vous plaît.

M. Bruno Le Maire, ministre. On peut difficilement prétendre que cette opération est essentielle, sans écouter, tranquillement et sereinement, la réponse que j’apporte aux questions qui m’ont été légitimement posées.

M. Fabien Gay. Et avec humilité !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je le répète : cette opération n’est pas une privatisation sèche. C’est, pour soixante-dix ans, une délégation de service public, au terme de laquelle l’État reprendra la pleine possession de cet actif stratégique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

De plus, je tiens à dire très clairement à quoi sert cette opération. Elle a trois buts : le financement du fonds pour l’innovation de rupture, le désendettement de notre pays (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) et la création d’un champion mondial de la gestion des infrastructures aéroportuaires.

M. Pierre Laurent. Mais il pourrait être public, ce champion !