M. Michel Magras. Mon amendement vise à exclure les entreprises des départements et régions d’outre-mer du dispositif de relèvement des seuils pour la nomination d’un commissaire aux comptes.

En effet, compte tenu de l’étroitesse de ces territoires, le nombre d’entreprises répondant aux critères de l’audit légal est réduit. Le relèvement des seuils aurait pour effet de supprimer environ deux tiers des mandats actuels, mettant en péril l’activité des commissaires aux comptes dans ces collectivités, et engendrant une diminution du nombre de professionnels, ce qui pourrait se révéler nuisible pour la qualité du service rendu aux entreprises qui demeureront soumises à un audit de leurs comptes.

Enfin, la menace qui pèse sur les emplois des collaborateurs n’est pas davantage à ignorer dans des territoires déjà fortement touchés par le chômage. Les dispositifs fiscaux spécifiques dont bénéficient les entreprises ultramarines, notamment pour leurs investissements productifs, justifient également le maintien des seuils actuels d’audit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale sur les deux amendements identiques nos 44 rectifié et 66 rectifié bis ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Ces amendements posent la question du contrôle des associations, ce qui est un tout autre sujet. Par ailleurs, leur adoption conduirait à rendre obligatoire la désignation d’un commissaire aux comptes pour des sociétés qui ne sont pas soumises à cette contrainte aujourd’hui, car elles se situent en deçà des seuils prévus par le droit en vigueur. Je pense notamment aux sociétés à responsabilité limitée, les SARL, et aux sociétés anonymes simplifiées, les SAS.

La commission spéciale demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale sur les trois autres amendements en discussion commune ?

M. Michel Canevet, rapporteur. L’amendement n° 101 rectifié bis vise à maintenir un certain nombre de contrôles dans les entreprises en outre-mer. La commission spéciale y est bien entendu favorable.

Je demanderai à M. Magras de bien vouloir retirer son amendement n° 427 rectifié bis au profit de l’amendement de M. Lalande, qui me semble davantage correspondre aux besoins des outre-mer.

Enfin, l’objet de l’amendement n° 608 rejoint celui des amendements nos 44 rectifié et 66 rectifié bis. Par conséquent, je vous demanderai de bien vouloir le retirer, monsieur Gay ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements en discussion commune ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Ces amendements reviennent sur l’idée de simplification.

Je rejoins certains arguments développés par les rapporteurs. C’est pourquoi je demande aux auteurs des différents amendements de les retirer, faute de quoi j’y serai défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ici les problématiques liées à l’exode de nos jeunes. La plupart du temps, ceux-ci quittent nos territoires ultramarins pour se rendre dans l’Hexagone.

Nous voudrions retenir, d’une part, nos jeunes diplômés et, d’autre part, ceux qui travaillent, ou plutôt ceux qui ont la chance d’avoir un travail, car le taux de chômage est, vous le savez, très élevé en outre-mer.

Les amendements de MM. Lalande et Magras sont complémentaires. Pour ce qui nous concerne, il est important de maintenir les emplois existants et de soutenir les entreprises.

J’aurais vraiment souhaité que nous puissions réfléchir sur le sujet. Au début de l’après-midi, nous avons abordé la situation de la plupart des territoires pour diverses raisons. Tous les sénateurs présents ont parlé de maintien de l’emploi dans leur département. Si je parle de mon département, c’est parce que je sais très bien que vous comprendrez qu’il faut maintenir les emplois de commissaire aux comptes, et que ces emplois sont nécessaires aux entreprises.

Le nombre des entreprises concernées par les mesures envisagées n’est certes pas très important, mais les emplois le sont : il faut vraiment les conserver !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour explication de vote.

M. Jean Pierre Vogel. Je souhaite vous donner quelques chiffres sur les départements ultramarins : on y comptabilise à peu près 3 500 mandats de commissaire aux comptes aujourd’hui. Si rien n’est fait, ce chiffre descendra à environ 1 000 mandats, ce qui signifie à la fois une perte d’emplois, une perte d’activité et, sans doute, la disparition quasi totale de cette profession dans les départements ultramarins.

Mme la présidente. Monsieur Menonville, l’amendement n° 44 rectifié est-il maintenu ?

M. Franck Menonville. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié est retiré.

Madame Vullien, l’amendement n° 66 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Michèle Vullien. Je comprends mal pourquoi mon collègue Franck Menonville a retiré son amendement, dans la mesure où notre volonté de faire respecter une sorte de parallélisme des formes ne me paraît pas extravagante. Pourquoi une association serait-elle obligée de nommer un commissaire aux comptes, alors qu’une entreprise commerciale, pour un seuil identique de salariés, ne le serait pas ? Cette situation me semble tout à fait illogique. Par souci de cohérence, je ne retirerai pas mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Canevet, rapporteur. Je veux simplement préciser à l’attention de Mme Vullien que les associations doivent nommer un commissaire aux comptes, dès lors qu’elles perçoivent un montant de subventions publiques supérieur à 153 000 euros. Les sociétés commerciales ne perçoivent pas forcément de telles subventions. C’est bien l’affectation de fonds publics qui justifie la désignation d’un commissaire aux comptes dans les associations.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

M. Michel Magras. J’interviens à la fois pour explication de vote et en réponse à M. le rapporteur.

Monsieur Canevet, vous me demandez de retirer mon amendement au profit de celui de M. Lalande. Or, je suis désolé, nos deux amendements sont totalement différents.

Mon amendement a pour objet de maintenir la situation actuelle. L’amendement de mon collègue vise exclusivement les entreprises utilisant des fonds publics pour le logement. Or il existe aussi des entreprises qui emploient des fonds publics, y compris européens, pour répondre à toutes sortes de marchés publics, et qui n’appartiennent pas au secteur du logement. Je ne comprends pas pourquoi il faudrait cibler une seule catégorie d’entreprises. Pour moi, cela n’a aucun sens.

Par ailleurs le dispositif de l’amendement n° 101 rectifié bis vise à la fois des collectivités mentionnées à l’article 73 de la Constitution et les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Notre collègue sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon était présent tout à l’heure, à l’inverse de celui de Saint-Martin. Or, pour bien connaître le statut de nos collectivités, et sauf erreur de ma part, vous tentez d’imposer à une collectivité une décision sur laquelle elle n’a pas été consultée. Cela me surprend. Je ne peux pas me rallier à un amendement qui imposerait un choix sur lequel ces collectivités n’ont pas été consultées, et surtout le faire à leur place.

Personnellement, j’estime que mon amendement répond parfaitement aux besoins actuels. Je dispose d’études d’impact sur les territoires de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Il m’a été clairement dit que l’impact de la mesure en Guyane et à Mayotte serait plus négligeable. En revanche, notre collègue Catherine Conconne a précisément décrit cet impact à la Martinique et notre collègue Jean Pierre Vogel vient de nous donner quelques chiffres.

Par conséquent, je ne comprends pas pourquoi vous persistez à vouloir éliminer définitivement une profession, un service, des emplois, des garanties en termes de sécurité financière, de lutte contre la fraude et de relations de proximité.

Je ne vois pas pourquoi les entreprises ultramarines ne pourraient pas être exclues du dispositif prévu par le texte. C’est pourquoi je maintiendrai mon amendement, laissant la charge à mes collègues de le rejeter s’ils le souhaitent. Au moins, j’aurai fait mon travail !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Canevet, rapporteur. Il nous semble qu’il serait préférable de s’appuyer sur le critère de perception de crédits versés par l’État, via la ligne budgétaire unique, la LBU, que de retenir le critère de perception de fonds européens, tout simplement parce que nous craignons qu’un tel dispositif pose un problème de constitutionnalité. En effet, les fonds européens ne sont pas alloués qu’aux seuls outre-mer, ils le sont aussi au territoire métropolitain.

M. Michel Magras. Je ne suis pas d’accord, je ne vois pas en quoi mon amendement est inconstitutionnel !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 66 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 101 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 608 et 427 rectifié bis n’ont plus d’objet.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 493 rectifié, présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. P. Dominati, Mme Duranton, MM. Vogel, de Nicolaÿ et Babary, Mme Deromedi, MM. Kennel, Lefèvre, Schmitz et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Regnard, Laménie, Pellevat, Revet, Grand, Daubresse et Rapin et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 223-35, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les sociétés qui n’atteignent pas ces seuils mais dont le montant du chiffre d’affaires hors taxes est fixé par décret en Conseil d’État doivent désigner au moins un commissaire aux comptes réalisant un audit tel que défini à l’article L. 823-3-2 et dont le tarif est plafonné. Le plafond des honoraires de cet audit est fixé par décret en Conseil d’État. » ;

II. – Après l’alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les sociétés qui n’atteignent pas ces seuils mais dont le montant du chiffre d’affaires hors taxes est fixé par décret en Conseil d’État doivent désigner au moins un commissaire aux comptes réalisant un audit tel que défini à l’article L. 823-3-2 et dont le tarif est plafonné. Le plafond des honoraires de cet audit est fixé par décret en Conseil d’État.

III. – Après l’alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les sociétés qui n’atteignent pas ces seuils mais dont le montant du chiffre d’affaires hors taxes est fixé par décret en Conseil d’État doivent désigner au moins un commissaire aux comptes réalisant un audit tel que défini à l’article L. 823-3-2 et dont le tarif est plafonné. Le plafond des honoraires de cet audit est fixé par décret en Conseil d’État.

IV. – Alinéa 24

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

a) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Les sociétés qui n’atteignent pas ces seuils mais dont le montant du chiffre d’affaires hors taxes est fixé par décret en Conseil d’État doivent désigner au moins un commissaire aux comptes réalisant un audit tel que défini à l’article L. 823-3-2 et dont le tarif est plafonné. Le plafond des honoraires de cet audit est fixé par décret en Conseil d’État. » ;

La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. L’article 9 rehausse les seuils de l’audit légal. Cette mesure est de nature à alléger les contraintes pesant sur les entreprises et à les aligner sur les exigences minimales du droit européen. Toutefois, elle fait encourir deux risques.

Le premier concerne la pérennité des entreprises. La France possède deux fois plus de PME ayant entre 3 et 5 millions d’euros de chiffre d’affaires que l’Allemagne. Les PME dans notre pays ont en effet une taille plus modeste. En exonérant totalement ces sociétés d’audit légal, nous risquons de laisser un nombre considérable d’entreprises sans regard extérieur et de favoriser ainsi un laisser-aller comptable, qui mettrait en péril la santé financière de ces sociétés et, par conséquent, l’emploi de leurs salariés.

Le second risque concerne les finances publiques. Une PME dont le chiffre d’affaires est de 3 millions d’euros rapporte 600 000 euros de TVA. La perte de recettes fiscales que cette absence d’audit légal pourrait engendrer serait par conséquent considérable.

Pour y remédier, les auteurs de l’amendement proposent de soumettre les entreprises réalisant moins de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires à un audit légal simplifié, dont le tarif serait plafonné à 2 000 euros hors taxes pour celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 3 et 5 millions d’euros, et à 3 000 euros hors taxes pour celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 5 et 8 millions d’euros.

Mme la présidente. L’amendement n° 607, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 23 à 25

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

13° L’article L. 227-9-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La même faculté est ouverte si la moitié des salariés de l’entreprise, répondant aux critères définis à l’article L 2311-2 du code du travail, en fait la demande. » ;

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. S’agissant de la question des seuils intermédiaires, l’idée est intéressante. Nous l’avions nous-mêmes explorée, mais nous avons finalement estimé qu’une telle disposition irait à l’encontre de la logique de la réforme, que la profession a acceptée, bon an mal an, compte tenu des aménagements apportés en commission, et de ceux que l’on va introduire en séance.

C’est pourquoi la commission spéciale vous demandera, madame Boulay-Espéronnier, de bien vouloir retirer l’amendement n° 493 rectifié.

Concernant l’amendement n° 607, la logique du droit des sociétés ne fait pas intervenir les salariés dans la désignation des commissaires aux comptes. La commission spéciale émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. À la suite des explications de Mme le rapporteur, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 493 rectifié. Je rappelle qu’un audit légal pour les petites entreprises a déjà été créé, afin de laisser la possibilité aux sociétés se situant au-dessous des seuils de nommer un commissaire aux comptes. Il s’agit d’une mesure donnant de la liberté aux entreprises, leur permettant de bénéficier d’un dispositif facultatif et non contraignant.

Comme la commission spéciale, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 607. Je rappelle que le comité social et économique peut notamment décider de recourir à un expert-comptable, qui n’a certes pas la même mission qu’un commissaire aux comptes, mais dont l’objectif est précisément de protéger les salariés et de leur donner accès à une information de qualité sur les données comptables de l’entreprise. Ce point me semble donc déjà couvert par la législation en vigueur.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Je retire mon amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 493 rectifié est retiré.

Monsieur Gay, l’amendement n° 607 est-il maintenu ?

M. Fabien Gay. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 607.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 102 rectifié bis, présenté par M. Lalande, Mme Espagnac, MM. M. Bourquin, Tourenne et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran et Fichet, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

A. – Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Les articles L. 221-9 et L. 223-35 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également tenues de désigner un commissaire aux comptes les sociétés dont un ou plusieurs associés représentant au moins le quart du capital en font la demande. » ;

B. – Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également tenues de désigner un commissaire aux comptes les sociétés dont un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le quart du capital en font la demande. » ;

C. – Après l’alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également tenues de désigner un commissaire aux comptes les sociétés dont un ou plusieurs associés représentant au moins le quart du capital en font la demande. » ;

D. – Après l’alinéa 25

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également tenues de désigner un commissaire aux comptes les sociétés dont un ou plusieurs associés représentant au moins le quart du capital en font la demande. » ;

La parole est à M. Bernard Lalande.

M. Bernard Lalande. Tout à l’heure, notre collègue Karoutchi a posé une question de confiance à Mme la secrétaire d’État en lui demandant s’il était possible de débattre des sujets.

Avec cet amendement, nous demandons que les actionnaires minoritaires d’une entreprise, qui représenteraient au moins 25 % du capital, puissent – il ne s’agit donc pas d’une obligation – demander la nomination d’un commissaire aux comptes, ce qui me semble correspondre à une mesure de protection de ces actionnaires minoritaires.

Qu’est-ce qu’un actionnaire minoritaire dans une PME ? Dans le cas d’un groupe familial prêt à éclater, demander la certification des comptes, c’est déjà rassurer sur la valeur de la société ou sur son résultat. Il peut également s’agir d’un prêteur, d’un fonds participatif, qui demanderait que les comptes soient certifiés, engageant ainsi – notre collègue Gabouty l’a dit – la responsabilité des dirigeants de l’entreprise, puisqu’une analyse serait faite sur les différents liens que ces dirigeants pourraient avoir avec d’autres sociétés dans lesquelles ils auraient des intérêts.

Alors, madame la secrétaire d’État, voyons si vous avez l’esprit d’ouverture dont je parlais concernant les actionnaires minoritaires, ou s’ils ne valent pas davantage pour vous que n’importe quel actionnaire. Je précise qu’il existe malgré tout une différence entre ces actionnaires minoritaires et les autres : aujourd’hui, lorsque l’un d’entre eux veut faire valoir ses droits et qu’il représente plus de 10 % du capital d’une société, il peut saisir la justice.

La mesure que je propose permettrait d’éviter la saisine d’un juge et mettrait fin au fait de considérer qu’un actionnaire minoritaire doit obligatoirement saisir la justice pour faire valoir un droit, celui de connaître la réalité des chiffres d’une société.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Michel Canevet, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement. Nous avons trouvé l’idée extrêmement intéressante. Il convient de veiller à la défense des intérêts des actionnaires minoritaires. Nous avons beaucoup travaillé sur le sujet et je remercie Bernard Lalande de proposer un dispositif prévoyant la désignation d’un commissaire aux comptes lorsqu’un actionnaire minoritaire qui représente au moins un quart du capital le demande. Il s’agit en effet d’une mesure de bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. J’ai effectivement parlé de la nécessité de protéger les actionnaires minoritaires. Sur le principe, je suis donc favorable à l’idée.

En revanche, je ne suis pas d’accord sur la forme. Quand le quart des actionnaires demande une certification des comptes, c’est souvent en raison de la rupture d’un lien de confiance. Cela peut arriver. Mais cette demande peut aussi émaner d’une minorité d’actionnaires qui, pour une raison ou une autre, ont envie de mettre des bâtons dans les roues aux gestionnaires de l’entreprise, parfois de manière infondée.

Personnellement, j’aurais préféré que la demande des actionnaires porte sur la certification des comptes et n’aboutisse pas à la souscription d’un abonnement de six ans auprès d’un commissaire aux comptes. Il existe en effet une légère nuance : je suis favorable à cette disposition s’il s’agit de certifier les comptes pour l’exercice en cours ou le dernier exercice clos ; je ne le suis pas en revanche s’il s’agit de désigner un commissaire aux comptes pour six ans.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je soutiens complètement la position de mon collègue Gabouty.

Entre l’esprit de l’amendement, que l’on peut comprendre, puisqu’il consiste à protéger les actionnaires minoritaires dans certains cas, et la problématique telle qu’on l’observe dans les faits, qui est bien souvent liée à un litige, il existe une différence.

On parle des actionnaires minoritaires, mais il ne s’agit parfois que d’un seul actionnaire avec lequel vous ne vous entendez plus : dans ce cas, on entre dans d’autres considérations, qui semblent éloignées de ce que les auteurs de l’amendement avaient en tête.

Je considère que cet amendement devrait être retiré et que l’on devrait examiner un dispositif différent, plus proche dans l’esprit de ce que suggérait notre collègue Lalande.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Je souhaite poser une question aux auteurs de l’amendement. Philippe Dominati et moi-même nous demandons à qui il revient de payer le commissaire aux comptes, lorsqu’il est désigné sur demande d’actionnaires minoritaires. On devine la réponse, mais il faut aussi envisager ce que décrivent nos collègues Gabouty et Cadic, à savoir que l’on rencontre parfois des actionnaires adeptes du contentieux, ce qui peut engendrer des dépenses importantes pour l’entreprise.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote.

M. Bernard Lalande. « La confiance n’exclut pas le contrôle. » La maxime n’est pas de moi, mais de Lénine ! Cela étant, je l’ai entendue récemment dans la bouche du Premier ministre, ce qui démontre que l’on doit être d’accord…

Il est indispensable de comprendre ce qu’est la certification des comptes : cette certification nécessite de savoir ce qui s’est passé avant, de façon à pouvoir estimer correctement ce qui peut se passer après.

Considérer qu’on a un besoin « à la commande », comme on achèterait une prestation, revient à bloquer la durée. La confiance que peuvent avoir certains actionnaires minoritaires, y compris ceux qui ont voulu faire un placement dans l’entreprise, découle de ce qu’ils peuvent s’assurer dans la durée que le mode opératoire, c’est-à-dire la gestion de l’entreprise, correspond bien à l’intérêt qu’ils imaginaient être le leur au moment où ils ont investi.

Prenons un groupe familial. Si vous voulez que ce groupe perdure, que les héritiers soient rassurés ou, en tout cas, les actionnaires, il ne faut évidemment pas se contenter d’une certification annuelle des comptes.

Les commissaires aux comptes ne font pas leur rapport devant les seuls dirigeants de l’entreprise, mais devant l’ensemble des actionnaires. Ils sont certes payés par l’entreprise, mais ils sont libres : ils respectent des règles de déontologie et ne sont soumis à aucune pression, à tel point d’ailleurs que le procureur de la République leur fait confiance, y compris pour dénoncer des faits délictueux.

Dès lors, c’est le sens même de notre mission de législateurs que de protéger les actionnaires minoritaires.

Si on limite le mandat du commissaire aux comptes à un an, il s’agit d’une commande, comme on achèterait un ours en peluche sur un étalage. On part du principe que l’on verra l’année suivante. Ainsi, on crée en permanence du contentieux.

La certification rassure dans un sens comme dans un autre. En revanche, elle peut perturber l’actionnaire majoritaire qui considère que cette demande de certification traduit une sorte de méfiance. Un actionnaire minoritaire, quant à lui, s’attend par nature à une juste rémunération de son placement et à une bonne gestion de l’entreprise.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. En écoutant les débats, je me suis fait la réflexion que toutes sortes de collectivités se retrouvent actionnaires minoritaires de sociétés d’économie mixte ou de sociétés publiques locales, les SPL, pour respecter la loi.

Ne serait-il pas de bonne politique de leur permettre, en tant qu’actionnaire minoritaire, de bénéficier de cette certification ? Je trouve pour ma part que cet amendement est particulièrement opportun.

Si l’on prévoit une seule intervention d’un commissaire aux comptes – one shot pour employer un terme bas-provençal (Sourires.) – et non son inscription dans la durée, on détériore potentiellement le climat de confiance dans l’entreprise.

Quand la certification n’est prévue qu’une fois, cela peut s’expliquer par un problème ponctuel, pour aller dans le sens des propos de notre collègue Gabouty. On est engagé dans une procédure qui apparaît anormale, et donc susceptible d’avoir été déclenchée par une suspicion.

À l’inverse, quand on désigne un commissaire aux comptes pour plusieurs années, outre les propos frappés au coin du bon sens de Bernard Lalande sur le fait qu’il doit y avoir un « avant », un « pendant » et un « après » pour que le travail soit réalisé dans de bonnes conditions, on fait disparaître le caractère exceptionnel de la certification et on inscrit le contrôle des actionnaires minoritaires dans la marche normale de l’entreprise.

Au-delà du contrôle que les collectivités doivent exercer en tant qu’actionnaire minoritaire, celles-ci doivent rendre des comptes à leurs conseils, qu’ils soient municipaux, d’agglomération, etc.

L’amendement de notre collègue me paraît en tout cas assez intéressant, surtout si l’on conserve le caractère facultatif du dispositif. Je le voterai avec enthousiasme !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.