Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.

M. Julien Bargeton. Madame la présidente, mes chers collègues, puisque nous en sommes à l’entrée en matière, je voudrais souligner l’importance de l’article 1er. En effet, la complexité administrative est un frein réel à la création d’entreprise. Simplifier est donc une exigence.

De très nombreux organismes traitent de ces sujets – il existe ainsi 1 400 centres de formalités des entreprises –, mais l’interlocuteur varie, nous le savons, selon la nature ou la forme juridique de l’entreprise. Aujourd’hui, on entend qu’il faut 1 000 euros et un mois à un artisan pour créer son activité. Grâce à ce texte, il n’aura plus besoin que de 250 euros et d’une semaine. Je crois que ces simples chiffres démontrent l’utilité de cette partie du projet de loi, et particulièrement de l’article 1er.

Ce texte est important aussi parce qu’il permet aux agents de dégager du temps pour exercer des tâches d’accompagnement. En diminuant les formalités administratives, on leur permet de passer du temps à des missions plus importantes, comme la recherche de renseignements plus fouillés.

Enfin, il serait peut-être intéressant de lisser les effets du passage d’un système à l’autre, c’est-à-dire l’évolution vers le guichet unique numérique, et de prévoir une phase transitoire – nous avons déposé un amendement en ce sens – mais, en tout état de cause, se dire que simplifier la création d’entreprise est un pas important me semble pouvoir être très largement partagé dans cet hémicycle. (MM. Didier Rambaud et Richard Yung applaudissent.)

Mme la présidente. L’amendement n° 198, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous partageons totalement les propos de la présidente de la commission spéciale, comme ceux qui ont été tenus par Martial Bourquin lors de son rappel au règlement.

L’un des objectifs du projet de loi PACTE serait de faciliter la création d’entreprise. Selon vous, monsieur le ministre, l’un des obstacles à cette création résiderait dans les démarches à effectuer et la multiplicité des intervenants, due au nombre trop important de CFE répartis sur tout le territoire – il y en aurait près de 1 400 selon l’étude d’impact.

Pour notre part, nous pensons que les obstacles à la création d’entreprise sont d’une autre nature, que votre projet de loi n’aborde pas.

C’est d’un accompagnement véritablement pédagogique dont les aspirants entrepreneurs ont besoin : choix de la structure et du nom de l’entreprise, désignation des premiers dirigeants, détermination du siège social, réglementation de l’activité sous-jacente, options comptables et fiscales. Ces aspirants sont aussi en demande d’informations sur les entreprises récemment créées : quels sont les secteurs porteurs ? Quel est le pourcentage d’entreprises qui survivent au-delà de la première année ? Quels sont les retours d’expérience des entrepreneurs ? Ils ont en outre besoin d’une formation à la gestion d’entreprise, notamment en matière de fiscalité et de régimes sociaux.

Enfin, la question du financement et du rôle des banques, de même que la crainte d’une perte de revenus reviennent de manière récurrente comme des facteurs limitant la création d’entreprise.

Or ce projet de loi n’aborde aucun de ces sujets. C’est pourquoi nous sommes assez réticents à la lecture de l’article 1er qui, sous couvert de simplification, risque d’amplifier le manque d’accompagnement que je viens d’évoquer, d’autant que toutes les démarches pour la création d’une entreprise ou d’une activité peuvent déjà être effectuées en ligne aujourd’hui.

Les CFE restent des interlocuteurs clairement identifiés. Ces centres physiques permettent un accompagnement effectif des créateurs d’entreprise. Les supprimer en les substituant par une procédure entièrement dématérialisée est donc inacceptable, et ce d’autant que, à la suite de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, seul un accompagnement facultatif à la vie de l’entreprise est proposé.

À ce jour, nous ne savons toujours pas si le guichet unique sera à 100 % public. Encore une fois, sous couvert de simplification, une certaine privatisation des missions publiques se profile, ainsi qu’une déshumanisation des rapports administratifs. Ce que dessine ce projet de loi, c’est le démantèlement d’un service public, présent dans tout le territoire, de la création d’entreprise en France.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je considère que cette mesure de simplification des formalités administratives via un guichet électronique unique doit être soutenue. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. J’ai l’impression que M. Gay et moi-même allons avoir de longs débats. De notre côté, nous défendons l’économie du XXIe siècle, c’est-à-dire celle dans laquelle l’entrepreneur n’a pas à se présenter à quinze guichets successifs, à déposer différentes demandes d’enregistrement, à fournir un dossier spécifique à chaque guichet (Mme Marie-Noëlle Lienemann sexclame.), et à attendre de chaque guichet qu’il lui apporte une réponse.

Un guichet unique, c’est davantage de simplicité et de sécurité : vous savez si votre dossier comprend toutes les demandes nécessaires et s’il sera complètement accepté. C’est aussi un accès simplifié pour toutes les entreprises. En outre, ce guichet n’a pas vocation à être privatisé – ce n’est pas du tout l’objectif visé.

Il s’agit d’une mesure de simplicité, qui correspond aux attentes des entrepreneurs, qui leur donnera une plus grande sécurité juridique et leur fera gagner du temps dans leurs démarches. Le Gouvernement est défavorable à un amendement tendant à supprimer un élément essentiel de simplification de la vie des entrepreneurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Comme il s’agit du premier amendement en discussion, je propose que nous nous fixions une ligne de conduite pour l’ensemble des débats à venir.

Franchement, monsieur le ministre, nous sommes opposés et avons une vision différente de la société. Personnellement, je trouve la vôtre tout à fait respectable, et je vous respecte. Nous essayons par ailleurs de développer des arguments, ce que nous avons fait en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, et ce que ma collègue Cathy Apourceau-Poly a fait lors de la discussion générale. Par conséquent, vous ne pouvez pas vous lever et nous répondre que vous défendez l’économie du XXIe siècle.

De fait, vous balayez d’un revers de la main ce que nous venons de dire, notamment deux de nos arguments. Alors, vous pouvez certes ne pas être d’accord, mais nous sommes engagés dans un débat politique respectueux : je ne me permettrais pas de vous traiter de rétrograde, d’ultralibéral ou de je ne sais quoi encore ! (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.) Pourquoi y aurait-il des modernes et des anciens ? Je vous le dis franchement, monsieur le ministre, puisque l’on va passer un certain nombre d’heures ensemble, il ne faut pas aller sur ce terrain-là. Sinon, je peux vous l’assurer, vous trouverez à qui parler de ce côté de l’hémicycle.

Reste une question à laquelle vous ne répondez pas : ce nouveau service, ce nouveau guichet unique qui permettrait une simplification – c’est ce que vous dites – sera-t-il à 100 % public ? Nous avons déposé un certain nombre d’amendements sur la fracture numérique sur lesquels il faudra en tout cas nous répondre.

Nous exprimons des craintes légitimes après avoir rencontré beaucoup de monde, figurez-vous, pour préparer ce projet de loi. Faites en sorte de nous apporter une réponse, monsieur le ministre, et alors nous changerons peut-être d’avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je suis tout à fait favorable au guichet unique : cela fait longtemps qu’on le demande et ce type de guichet a été mis en place avec succès, notamment dans certains pays d’Europe de l’Est, théoriquement moins développés sur le plan économique.

Cela étant, j’ai un petit souci avec la dématérialisation, monsieur le ministre. Je suis affectée d’un léger TOC en matière de fraude documentaire. Je souhaiterais attirer votre attention sur les mesures de contrôle qui pourraient être prises au moment de l’enregistrement des entreprises. La fraude documentaire est en effet toujours beaucoup plus importante en cas de dématérialisation des procédures.

Je suis pour les entreprises du XXIsiècle, voire celles du XXIIsiècle. Je suis également pour la simplification et le guichet unique, mais je suis aussi pour le contrôle des documents, une grande confiance n’excluant pas une petite méfiance ! Nous en reparlerons à l’occasion des débats, mais j’espère que vos services ont prévu un contrôle documentaire en cas de problème ou, quoi qu’il en soit, un contrôle aléatoire des dossiers. Cela ne me semble pas complètement inutile.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 198.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 559, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Remplacer le mot :

est

par les mots :

peut être

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 1er du projet de loi vise à rendre obligatoires les formalités de création, de modification ou de cessation d’activité des entreprises par voie électronique.

Au-delà de la remise en cause des réseaux d’accompagnement existants, cette obligation nie le fait que 8 millions de Français vivaient sans connexion internet en 2016, et que la fracture numérique est encore une réalité dans notre pays, notamment dans les territoires ruraux. Selon un rapport réalisé par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, la progression de l’accès au très haut débit reste inégalement répartie dans le territoire : il atteint 66,2 % dans les zones urbaines contre 31,2 % dans les zones rurales.

Selon une étude de l’UFC-Que choisir, le déploiement de l’internet très haut débit laisse de côté une part croissante du territoire français : 11,1 % des consommateurs sont désormais inéligibles à un internet de qualité, soit un débit supérieur à 3 mégabits par seconde. Ceux-ci vivent majoritairement dans de petites communes. Enfin, certaines zones rurales ne sont desservies, encore aujourd’hui, ni par un réseau mobile ni par l’ADSL.

En outre, cette obligation nie le fait que les entrepreneurs peuvent avoir besoin d’un contact et d’une aide physique pour leurs démarches. Laisser la faculté à certains de ne pas utiliser un portail dématérialisé ne nous semble pas remettre en cause l’équilibre de l’article 1er, voire celui de tout le projet de loi.

Cela pourrait éventuellement remettre en cause le monopole que vous essayez de créer en lieu et place des réseaux consulaires existants. Cela pourrait peut-être remettre en cause votre volonté d’asphyxier les chambres de commerce et d’industrie – les CCI –, de les étrangler, de les vider de leur substance, ce qui aboutira, en matière économique, au phénomène auquel nous assistons en matière d’organisation territoriale, à savoir une métropolisation de la réponse et, donc, un abandon de pans entiers du territoire national.

Enfin, cette obligation ne risque-t-elle pas d’avoir comme effet, ainsi que l’ont rappelé à juste titre certains de nos collègues députés, d’obliger les créateurs d’entreprise à payer des conseils pour faire leur déclaration en ligne ? Demain, les chambres de commerce et d’industrie qui donnaient des conseils gratuits les feront payer, et celles qui les faisaient payer augmenteront leurs tarifs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je veux préciser que le dispositif entrera en vigueur d’une manière progressive d’ici à 2023. Il me semble que ce délai laisse le temps aux acteurs économiques de s’y préparer. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement. J’ajoute à l’argument de Mme la rapporteur que nous laissons la possibilité à tous ceux qui le souhaitent de remplir leurs formalités auprès des chambres consulaires, qu’il s’agisse des CCI ou des chambres de métiers et de l’artisanat, les CMA, de manière non dématérialisée. Dans tous les cas de figure, on pourra encore accomplir ces démarches sans passer par la voie dématérialisée.

M. Fabien Gay. Et l’opérateur ? Il sera public ou non ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 559.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 97 rectifié est présenté par MM. Lalande et Antiste, Mme Espagnac, MM. M. Bourquin, Tourenne et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mmes Tocqueville, Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran et Fichet, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 560 est présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 9, 10 et 11

Après chaque occurrence du mot :

organisme

insérer le mot :

public

La parole est à M. Bernard Lalande, pour présenter l’amendement n° 97 rectifié.

M. Bernard Lalande. Pour notre part, nous sommes favorables au guichet numérique unique pour simplifier les démarches des entreprises lors de leur création, leur transformation ou leur cessation.

Néanmoins, la dématérialisation ne doit pas être une fin en soi. C’est pourquoi ce dispositif doit s’accompagner d’un certain nombre de garanties. Parmi celles-ci, la nature juridique du guichet unique et de l’organisme qui en aura la gestion est un enjeu central. À l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez rejeté les amendements destinés à préciser ce point, qui est pourtant tout sauf anecdotique, et ainsi refusé de garantir dans la loi le caractère public de l’organisme qui sera mis en place.

Vous avez par ailleurs indiqué qu’une mission d’information travaillait sur ce sujet. C’était en octobre 2018. Depuis, le flou persiste sur les intentions du Gouvernement. Vous avez notamment indiqué à l’Assemblée nationale que vous n’excluiez pas de faire appel à un opérateur privé.

En tout état de cause, nous arrivons à un stade de la navette parlementaire où le Gouvernement doit clarifier ses intentions. Pour notre part, elles sont claires : nous proposons d’inscrire dans la loi que l’organisme sera de nature publique, car la privatisation de ce guichet unique, qui a vocation à remplir une mission de service public, ne nous paraît pas être une option viable, et ce d’autant plus que ce caractère public ne signifie pas nécessairement que l’organisme doive être géré par l’État.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 560.

Mme Michelle Gréaume. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, monsieur le ministre, vous n’avez pas été clair lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale au sujet de la nature du guichet unique prévu à l’article 1er. Nous ne savons pas comment celui-ci sera géré.

Une mission d’information travaille sur le sujet ; il aurait été opportun de disposer au moins de ses conclusions au moment où la représentation nationale se prononce. Encore une fois, et cela commence à être une habitude, vous demandez aux parlementaires de voter des dispositions dont ils ne connaissent pas tous les enjeux.

Le Gouvernement est resté dans cette même logique, monsieur le ministre, en refusant de s’engager sur le caractère public de l’organisme qui sera ainsi mis en place. Pourtant, il ne nous paraît pas sain de confier à un opérateur privé une mission qui relève de la puissance publique, surtout lorsqu’il s’agit de garantir le maintien d’un service dont on vient de rappeler l’importance, de garantir l’égalité de traitement, la neutralité, l’adaptabilité et la mutabilité du dispositif, conformément à ce qui fonde la conception française du service public, et ce d’autant que la question de la protection des données est aussi fondamentale.

Mais lorsque l’objectif visé reste de réaliser des économies – 23 millions d’euros par an grâce aux effets de mutualisation et d’échelle –, ces questions pourtant essentielles passent au second plan ! Nous proposons en conséquence de préciser que le guichet unique sera bien un organisme public. Nous sommes en effet contre l’externalisation–privatisation de missions que l’État peut gérer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Il me semble que la précision que les auteurs de l’amendement souhaitent introduire est inutile, parce que le choix de l’organisme unique devrait s’opérer selon des modalités semblables à celles du service guichet-entreprises.fr, qui est un service à compétence nationale de l’administration. L’amendement me paraît satisfait. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements, pour les mêmes raisons que la commission.

Je précise d’ailleurs qu’une mission de service public peut très bien être déléguée à un opérateur privé. Cela ne pose aucune difficulté : cette mission reste une mission de service public. Prenez l’exemple des visas : il me semble que les visas touchent encore plus à la souveraineté de l’État que la délivrance d’autorisations pour la création d’entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Or il se trouve que la délivrance de visas pour les touristes étrangers se rendant en France relève d’un opérateur privé sous le contrôle de l’État. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sexclame.) Tel est le modèle exact à partir duquel nous pouvons travailler.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les permis de conduire ? Ils vont bientôt être fabriqués à l’étranger !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Je viens d’écouter l’explication du ministre. Pour avoir été président de conseil général et observé l’augmentation du nombre de jeunes étrangers arrivés de manière régulière en France, je peux vous assurer que les consulats de France à l’étranger disposent d’une certaine latitude dans la délivrance des visas. J’en ignorais les raisons jusqu’à ce que vous en donniez une à l’instant, monsieur le ministre : c’est tout simplement parce que cette responsabilité est confiée au secteur privé, même si celui-ci remplit dans ce cas une mission de service public.

On n’aura jamais les mêmes engagements, le respect des mêmes contraintes, la même déontologie, quelle que soit la manière de déléguer le service public, en recourant à des entreprises privées. Nous sommes très attachés à ce que des données confidentielles et sensibles ne puissent être traitées que par des agents du service public.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je voudrais clarifier un point.

Je me rends assez souvent dans les consulats français. La sous-traitance vise à couvrir la part matérielle du travail : il s’agit de vérifier si la taxe réglée est la bonne ou si le dossier est complet, par exemple. Après que l’opérateur a tout validé, a perçu l’argent et l’a reversé, le dossier retourne au consulat où il est revu par les agents consulaires.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quel gaspillage !

M. Richard Yung. Ce n’est donc pas une entreprise privée qui délivre le visa, c’est toujours la République ! Il faut le dire.

J’ajoute qu’il existe un certain nombre de cas dans lesquels le visa délivré pour entrer en France l’est par un autre pays membre de l’Union européenne.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote.

M. Bernard Lalande. Nous souhaitons simplement que le caractère public du guichet unique soit précisé dans la loi. L’explication du ministre a en effet été extrêmement claire : aujourd’hui, les CCI et les CMA sont des organismes sous contrôle, qui offrent une garantie et disposent, qui plus est, d’une bonne connaissance du métier. Pourquoi ne pas préciser dans l’article 1er que le guichet unique doit bénéficier d’une telle protection ?

Pour revenir à ce que disait Mme Goulet, les entreprises ont aujourd’hui en face d’elles des professionnels, qui connaissent bien le monde économique, et qui savent ce qu’est une cessation ou une inscription au registre. Un guichet unique, sous le contrôle des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat ferait tout à fait l’affaire. Il ne sert à rien de dire que cela n’a pas à figurer dans la loi. Quand cela n’est pas précisé dans la loi, on ouvre la porte à autre chose.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Nous avons eu raison de déposer ces deux amendements parce que, quand c’est flou, c’est qu’il y a peut-être un loup !

D’ailleurs, Mme la rapporteur n’a pas donné la même réponse que M. le ministre. Mme Lamure nous a dit qu’il n’était pas nécessaire d’apporter une telle précision, parce qu’elle va de soi : ce sera l’administration qui gérera le guichet unique. Le ministre, quant à lui, nous explique qu’une entreprise privée peut tout à fait exercer une mission de service public. On en connaît d’autres : vous avez évoqué les visas, mais vous auriez pu citer les concessions autoroutières, par exemple. C’est dommage que vous n’en ayez pas parlé.

Si vous laissez la porte ouverte comme c’est le cas aujourd’hui, monsieur le ministre, c’est bien que vous n’écartez pas – mais je ne veux pas trahir vos propos, si j’ai tort, dites-le moi ! – de confier ce rôle à un opérateur privé, qui remplira alors une mission de service public. Si c’est le fond de l’affaire, il faut qu’on le sache avant de voter ! Pour ce qui nous concerne, nous voterons les deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. C’est un sujet important. La proposition de mon collègue Lalande est une bonne proposition : il faut donner aux chambres de commerce et d’industrie la possibilité d’avoir ce guichet unique. À force de tout retirer, et surtout des moyens, aux chambres de commerce et d’industrie, en particulier dans les zones rurales, on se demande ce qu’elles vont devenir.

Quand mon collègue Chatillon et moi-même sommes allés Outre-Rhin pour mieux comprendre le fonctionnement de l’économie allemande et les problèmes que nous rencontrons en France, nous nous sommes rendu compte que les chambres de commerce et d’industrie étaient puissantes là-bas. On ne leur a pas retiré les moyens qu’on leur retire en France – je vise le précédent quinquennat et celui qui est en cours.

Aujourd’hui, on se demande si certaines de ces chambres, exception faite des plus puissantes, existeront encore demain. Le problème est celui de la clarification des responsabilités : il faut déterminer ce qu’elles doivent faire et ce qu’elles ne doivent plus faire, plutôt que de les laisser tout faire. Ce guichet unique me semble devoir leur revenir presque de droit. Le dispositif serait public et permettrait de donner une lisibilité à ce que font les chambres de commerce et d’industrie.

Dernière chose, mes chers collègues, cessez s’il vous plaît de dire que privé et public, c’est pareil. Je peux vous assurer qu’en matière de stationnement, qu’en ce qui concerne les contrôles de vitesse, que pour toute une série d’activités publiques exercées par des sociétés privées, le service n’est pas le même ! Je pense à tous ces répondeurs qui n’en finissent plus de vous faire attendre et qui vous poussent parfois à raccrocher au bout de dix minutes, faute d’être parvenu à obtenir votre renseignement !

Mme Sophie Primas. Non, ça, c’est le service public !

M. Martial Bourquin. Le problème, c’est que l’on essaie de plus en plus de calquer le service public sur le service privé. Or je pense que le contact humain et l’accompagnement sont essentiels pour la création d’entreprise.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Ce débat m’étonne un peu. S’il n’y a pas de flou, il n’y a pas de loup.

M. le ministre a clarifié sa pensée en disant que le guichet unique ne serait pas sous contrôle privé. Je crois savoir que la concision est une qualité, mais que la précision en est une autre. Très franchement, la chose irait mieux en l’écrivant. Notre collègue Martial Bourquin vient de le dire : confier cette mission aux chambres consulaires, que l’on dépouille quelque peu par ailleurs, me paraît aller de soi.

Ce sont deux amendements de bon sens et de clarification, que nous devrions tous voter. En tout cas, moi, je le ferai.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour être précis et concis, comme le souhaite M. Lurel, il existe à la fois un vrai problème de principe et un faux problème de fond.

Le vrai problème de principe, c’est que vous faites la loi et non le règlement. En laissant le législateur entrer dans ce degré de précision, c’est lui donner la capacité de faire le règlement. (Mme Marie-Noëlle Lienemann fait un signe de dénégation.) Je n’y suis évidemment pas favorable : « Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées », comme on dit en Normandie ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Pas seulement en Normandie !

M. Jean-François Husson. On le dit partout !

M. Bruno Le Maire, ministre. On le dit partout, c’est vrai. (Nouveaux sourires.)

Le faux problème de fond, c’est la délégation de ces missions d’enregistrement des dossiers à des acteurs privés. En effet, l’on délègue déjà l’enregistrement des dossiers au privé, puisque les greffiers sont des acteurs privés, et qu’ils enregistrent à peu près un million de ces formalités chaque année.

Si vous voulez faire un service uniquement public, il vous faut donc retirer les greffiers de la gestion des formalités des CFE. Or ils sont des acteurs essentiels de ces démarches.

Que l’on distingue le service public et le service privé, considérant que le service rendu n’est pas le même et qu’il y a de véritables différences, j’en suis d’accord et je rejoins totalement M. Bourquin à cet égard. Mais ne mélangeons pas les choses ! Il y a trois missions très différentes : l’enregistrement des dossiers et la vérification de la conformité au droit, qui peuvent à mon sens être très facilement confiés à des acteurs privés, y compris les greffiers, comme c’est d’ailleurs déjà le cas ; les missions qui supposent de contrôler et de sanctionner, comme le contrôle de la vitesse ; et les délégations, ce qui est le cas pour les autoroutes.

Dans le cas d’espèce, il n’y a pas de problème de fond.