M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans les territoires ultramarins, il est malheureusement fréquent que des successions ne soient pas réglées sur plusieurs générations, que des partages ne soient pas faits ou ne soient pas correctement enregistrés entre plusieurs dizaines, parfois plusieurs centaines, d’ayants droit indivisaires. Les situations d’indivision, durables et généralisées, sont devenues inextricables !

Elles trouvent leur origine dans des facteurs propres à chaque territoire, notamment le coût des mutations et des taxes sur les successions pour des familles souvent modestes, le recours peu fréquent, ou tardif, aux notaires, la méfiance des familles et la crainte de la spoliation. Cette situation particulière du foncier ultramarin a été très bien décrite dans le rapport d’information de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Face à cela, le législateur a souhaité intervenir pour adapter les règles de droit commun aux caractéristiques et aux contraintes spécifiques de ces territoires d’outre-mer, en mettant en place un dispositif dérogatoire et temporaire de sortie de l’indivision, applicable jusqu’au 31 décembre 2028.

Cette proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale est un texte consensuel. Son principe emporte l’adhésion de tous les groupes politiques et de tous les parlementaires, ainsi que nous avons pu le constater lors des débats en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les décisions prises sont simples et compréhensibles, les dispositions législatives et réglementaires claires et de bon sens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne peut que s’en réjouir. C’est pourquoi nous soutenons la proposition de loi et souhaitons son adoption unanime. Son entrée en vigueur doit se faire rapidement, car elle est attendue.

Je voudrais m’arrêter un instant sur le cas de la Polynésie française.

Le Sénat a voulu voter un texte traitant de l’ensemble des outre-mer, dont la Polynésie française, mais, comme nous le savons à présent, une loi organique et une loi ordinaire spécifiques à la Polynésie française devraient être examinées l’année prochaine par le Parlement. Nous nous en tiendrons donc à une version plus légère, en attendant d’autres véhicules pour traiter ce sujet. Très concernés par les débats à venir, les membres de notre groupe seront attentifs aux dispositions qui en feront l’objet.

Avant de conclure, je souhaite saluer, à cette tribune, le travail effectué par notre rapporteur, Thani Mohamed Soilihi, sur un sujet aussi important et primordial pour les territoires ultramarins que la sécurisation du foncier.

Madame la ministre, mes chers collègues, comme je l’ai déjà précisé, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra cette proposition de loi qui constitue un bel exemple de travail transpartisan, témoignant ainsi de l’union de toute la Nation avec les outre-mer. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’indivision successorale devient un obstacle insurmontable dans nombre de nos territoires ultramarins, paralysant la prise de décision au sein des familles et gelant tous les projets d’aménagement et de mise en valeur du foncier.

Notre rapporteur, dont je salue le travail, a parfaitement détaillé l’importance des dispositions de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et on ne peut que se ranger pleinement à ses arguments.

C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera le texte en l’état, permettant son entrée en vigueur dans un délai rapide.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci !

M. Mathieu Darnaud. Je formulerai à mon tour quelques observations concernant ce texte, et notamment ses conditions d’examen.

Cette proposition de loi, issue de l’Assemblée nationale, a été amendée et adoptée en première lecture au Sénat. Nos collègues députés ont eu la sagesse de conserver nos principaux apports, le travail sur ce texte a donc permis, en l’améliorant à chaque lecture d’une chambre à l’autre, d’aboutir à une version consensuelle, illustrant ainsi la richesse du bicamérisme. Madame la ministre, il faudra s’en souvenir durant les débats que nous aurons à propos de la réforme de nos institutions !

Vous comprendrez que le dispositif juridique que nous votons aujourd’hui a d’autant plus séduit la commission des lois du Sénat qu’il s’attaque à la problématique que nous avions décrite, M. le rapporteur Thani Mohamed Soilihi, Robert Laufoaulu et moi-même, dans le rapport sénatorial que nous avions remis, le 23 juin 2016, au nom de la délégation aux outre-mer, et qui portait déjà sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer.

La question de l’indivision y occupait déjà une place centrale, et nous préconisions de « prévoir des règles de majorité allégée ».

J’ai bien entendu que les dispositions propres à la Polynésie seront examinées prochainement dans notre hémicycle. Je souhaite qu’elles contribuent à apporter des solutions aux problèmes d’indivision que nous avions constatés dans ce territoire.

Je salue donc la démarche des députés, qui ont su faire le meilleur usage des travaux du Sénat, et je les encourage à persévérer dans cette voie de sagesse constructive.

Enfin, mes chers collègues, en légiférant de façon pragmatique sur une problématique touchant spécifiquement les outre-mer, nous utilisons les possibilités offertes par l’article 73 de notre Constitution, rappelant ainsi sa pertinence et sa nécessité.

Le traitement prévu pour les indivisions successorales ne déroge pas au droit commun applicable en métropole pour instaurer quelque privilège, pas plus qu’il ne constitue un renoncement à réformer des situations installées que personne n’a eu le courage d’affronter.

Il s’agit, au contraire, d’une démarche volontariste qui entend trouver des solutions à partir des constats que fait effectivement le législateur, et non à partir de ceux qu’il aimerait faire. Cette philosophie a vocation à prospérer, en outre-mer comme en métropole ; dès lors que cela ne porte atteinte ni à la République ni à la solidarité nationale, nous devons pouvoir ajuster nos règles aux réalités de nos territoires. Nous appelons de nos vœux la mise en œuvre de ce principe de différenciation, auquel nous sommes ici attachés et que le Président de la République a lui-même défendu à maintes reprises. C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons fait consensus, car il répond à la problématique essentielle des propriétés indivises en outre-mer, qui est restée trop longtemps sans solution.

Comme nous le disions dès la première lecture, cette question ne se résume pas à la simple réduction, voire à la suppression, d’un obstacle à la mobilisation du foncier en outre-mer.

Il s’agit, en effet, non seulement de respecter les identités des habitants et les rapports que ceux-ci entretiennent avec leur terre, mais aussi de concilier cette mobilisation du foncier – sans laquelle tout développement se trouve entravé – avec une organisation sociale au centre de laquelle la famille et la mise en valeur des biens communs revêtent des contours particuliers, propres aux territoires ultramarins.

C’est ce que soulignait déjà le rapport d’information de la délégation sénatoriale à l’outre-mer paru en juin 2016 : « Par-delà les différences, l’attachement à la terre, la terre des ancêtres, constitue un trait commun à l’ensemble des outre-mer. Il s’agit d’un lien viscéral à forte charge symbolique et affective. La terre, pivot de l’organisation économique et sociale des sociétés ultramarines, voit son mode de gouvernance dominé par les principes de la solidarité et du consensus. »

Dans ce cadre, s’agissant des dispositions précises de cette proposition de loi, nous réitérons donc nos positions.

Nous sommes favorables à l’abaissement à 51 % des ayants droit du plancher à partir duquel une vente ou un partage par voie non judiciaire est possible, si aucun recours n’est exercé, pour les successions ouvertes depuis plus de dix ans. À cet égard, il apparaît effectivement plus prudent de fixer ce délai à dix ans, plutôt qu’à cinq ans, comme le prévoyait le texte initial.

Notre groupe approuve également la possibilité ouverte, sans limites dans le temps, à 51 % des indivisaires au moins, au lieu de deux tiers actuellement, d’effectuer diverses opérations, comme des actes administratifs relatifs au bien indivis, le renouvellement des baux, la vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision, etc.

Enfin, nous approuvons la mesure visant à faciliter les formalités de publication de diverses opérations relatives à l’indivision ainsi que l’exonération temporaire du droit de partage des opérations prévues par le dispositif dérogatoire.

Finalement, toutes ces dispositions devraient permettre d’enclencher un cercle vertueux pour les familles touchées par cette problématique comme pour le développement du territoire.

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE voteront en faveur de cette proposition de loi.

M. Bruno Sido. C’est rare !

M. Gérard Longuet. Il était temps !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse aujourd’hui, à plusieurs titres. Nous vivons en effet l’aboutissement d’une démarche législative entamée il y a plusieurs mois et qui devrait connaître – je le souhaite ardemment ! – une issue heureuse au Sénat ce soir.

Je suis heureuse, aussi, de contribuer, comme nous le commande une si particulière situation, à sortir de l’éternel constat des problèmes ; heureuse d’apporter ma pierre, notre pierre, celle du Sénat, à l’initiative législative du président du mouvement auquel j’appartiens, non sans fierté : le parti progressiste martiniquais.

En effet, le député Serge Letchimy, après près de trente ans de pratique politique très en phase avec son pays et son peuple, apporte une fois de plus la preuve, avec ce texte, de sa volonté de faire.

Il faut de la volonté concrète, au quotidien, pour défier la fatalité de la difficulté ; oui, il faut de la volonté pour sortir des verbiages chroniques, des « y a qu’à » et des « faut qu’on » ! Le poète nous le rappelle : « Seul le dur est arable. »

La réalité est là : notre histoire jeune et tourmentée n’a pas rimé, jusqu’à présent, avec une approche apaisée de la propriété. Liberté, égalité, fraternité, certes, mais cette belle devise républicaine n’a pas toujours trouvé facilement un écho sous nos cieux. Point n’est besoin de vous rappeler ce qui a fait, et ce qui fait encore, notre histoire…

Cette loi devient donc un bel outil au service de ce vœu vertueux pour nos peuples. Grâce à elle, pourra se dénouer la pelote emmêlée des fils, pas toujours très soyeux, d’une jeune humanité.

Je suis heureuse de voir que la demande d’un particularisme positif trouve un écho auprès du Gouvernement et je vous remercie, madame la ministre, d’avoir pris toute votre part dans ce processus et d’avoir ainsi contribué à faciliter l’éclosion de ce texte.

Oui, il fallait accepter l’exception, l’expérimentation spécifique, le cousu main, à propos d’une problématique présente là-bas et nulle part ailleurs. C’est, à mes yeux, le signe d’une ère révolutionnaire qui s’ouvre. Le besoin de particularité n’a pas toujours été sans embûches pour nous, voire sans sacrifice de vies humaines.

C’est ainsi, grâce à vos votes que je souhaite unanimes, que, pendant une période de dix ans, une boîte à outils sera mise à la disposition d’indivisaires qui l’ont été trop longtemps, de praticiens du droit – notaires ou avocats – impuissants, mais aussi d’édiles. Certains maires ont en effet déploré durant des années que des dizaines et des dizaines de maisons et de terrains soient livrés à la vindicte de la nature, de l’insalubrité et d’autres désordres. Nos villes souffrent de cette insoutenable médiocrité urbaine face à laquelle elles se sentent démunies.

Cette proposition de loi est tellement légitime, tellement juste et tellement symbolique, dans la République ; celle-ci se veut une et indivisible, mais elle peut reconnaître que l’adaptation à une situation spécifique n’est pas automatiquement synonyme de rupture ! L’État de droit, avec lequel nous souhaitons cheminer, accepte donc cette évolution. Je forme le vœu que beaucoup d’autres exceptions soient rendues possibles, maintenant, sans que leurs bénéficiaires quittent pour autant la République.

Enfin, je veux partager avec vous un dernier bonheur : nous faisons la démonstration que le Sénat n’est pas ce truc inutile et sans intérêt dont on a tellement entendu parler en ces temps agités, non sans caricature ou mépris. La suppression du Sénat ou sa réduction à sa plus simple expression ont fait l’objet d’insoutenables clameurs.

Cette loi, pourtant, a été enrichie par le Sénat, son auteur, Serge Letchimy le répète sans complexe et en toute sincérité, au point qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale à l’unanimité dans la forme issue de nos travaux. Nous avons fait la démonstration, au contraire de la légende, que notre chambre est légitime et contribue au débat démocratique, à l’équilibre et à la diversité des pouvoirs et de la représentation populaire.

Cette loi est attendue, tant les cas douloureux, parfois dramatiques, sont nombreux ; tout le monde piaffe d’impatience.

J’en appelle donc, mes chers collègues, à votre confiance, dans laquelle nous puiserons la détermination nécessaire pour donner naissance à une vraie dynamique de renouvellement urbain.

Je conclus en vous remerciant, madame la ministre, et en remerciant mon vieil ami, mon frère de Mayotte, M. le vice-président du Sénat et rapporteur de ce texte, Thani Mohamed Soilihi, de ses nombreux apports judicieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler après notre collègue Catherine Conconne, qui défend ses positions avec une vigueur que je salue !

Alors que notre pays traverse une période de graves tensions économiques et sociales, il est heureux que nous puissions trouver le temps, dans notre calendrier parlementaire passablement chargé, de traiter des problématiques de l’outre-mer, qui ne sont ni moins importantes ni moins explosives que celles de la métropole.

La question de l’héritage et de l’indivision successorale est l’une des plus anciennes et des plus complexes pour nos territoires ultramarins. Véritable fruit de l’histoire, elle se pose de la même façon dans tous nos territoires d’outre-mer, par l’accumulation en cascade de nombreuses successions non réglées depuis la seconde moitié du XIXe siècle.

Cela nous amène aujourd’hui à des situations inextricables, avec plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines, d’ayants droit indivisaires. Dans la moitié nord de la Martinique, vous l’avez dit, madame la ministre, plus de 80 % des terrains de moins de dix hectares enregistrés au cadastre dans les années 1970 ont été acquis au milieu du XIXe siècle.

Ces problématiques historiques se rencontrent également à Mayotte ou en Polynésie française, où les principes généraux de notre code civil peinent à s’appliquer, face aux héritages culturels particuliers de ces territoires. De surcroît, dans bien des situations, de nombreux indivisaires n’ont pas les moyens de s’acquitter des frais notariés.

Dans ce cadre, la présente proposition de loi, améliorée par la navette parlementaire, répond à plusieurs enjeux fondamentaux, en introduisant une simplification et une rationalisation permettant aux territoires ultramarins de sortir de la rigidité propre à l’indivision. Elle rend le partage plus simple, en autorisant son déclenchement à la majorité et non plus à l’unanimité.

Nous saluons à ce titre l’inclusion de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le champ d’application de ce texte, dont la version initiale excluait ces territoires, alors qu’ils connaissent aussi ce type de problèmes.

Un amendement bienvenu de notre collègue Guillaume Arnell a également permis de porter de trois à quatre mois le délai dans lequel un indivisaire peut s’opposer à la vente ou au partage, dans le cas d’une résidence à l’étranger ou pour une succession ouverte à de nombreux ayants droit, ce qui est un cas récurrent dans les territoires ultramarins.

L’adaptabilité de la loi a enfin été renforcée, puisque le conjoint survivant ou l’héritier copropriétaire peut désormais demander l’attribution préférentielle du droit au bail ou de la propriété, dans les limites du montant de ses droits.

Il s’agit donc d’une loi équilibrée, qui permettra de juguler les conflits de succession et de faciliter les opérations de partage afin de remédier à des situations restées trop longtemps figées. Elle est, de plus, limitée dans le temps, afin de ne pas prolonger indéfiniment un régime très dérogatoire par rapport au droit commun. Pour toutes ces raisons, la quasi-unanimité du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen la soutient.

J’attire toutefois votre attention sur un angle mort qui me paraît particulièrement problématique, même si nous lui trouverons probablement une solution. Vous avez évoqué cette difficulté, madame la ministre, qui ne m’est apparue que trop tardivement : l’article 2 bis, issu d’un amendement de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, introduit une exonération fiscale sur le paiement des droits de partage dans l’ensemble des territoires ultramarins. Or cette exonération impose une modification du code général des impôts, lequel, comme vous le savez, n’est applicable, en vertu des lois organiques, ni à Saint-Pierre-et-Miquelon, ni à Saint-Barthélemy, ni à Saint-Martin.

J’aurai l’occasion de revenir sur ce problème en présentant tout à l’heure deux amendements visant à corriger cette erreur, qui tiennent compte des demandes que vous avez formulées, madame la ministre.

Enfin, il faut également souligner le fait que, en l’état actuel des choses, la proposition de loi étend aux résidents métropolitains l’accès à cette exemption fiscale totale, prolongée jusqu’en 2028, dans le cas où ils hériteraient d’un bien en outre-mer. Cette possibilité, qui ouvre la voie à de nombreuses dérives, ne me paraît ni pertinente ni juste au regard de l’objectif initial, qui était de remédier à des problématiques foncières spécifiques aux territoires ultramarins. Une mesure corrective visant à circonscrire cet avantage aux seuls résidents outre-mer serait donc la bienvenue, du point de vue de la majorité de notre groupe, et contribuerait à l’équilibre d’un texte dont nous saluons, malgré tout, les nombreux apports. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani, dernier orateur avant la suspension de la séance précédant les questions d’actualité au Gouvernement.

M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner en seconde lecture une proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dans le cadre d’un débat dont la complexité technique ne saurait occulter l’urgente nécessité.

Le Parlement présente ainsi une réponse législative digne d’intérêt au fléau endémique de l’indivision successorale en outre-mer. L’accumulation des dévolutions successorales non réglées est en effet extrêmement préoccupante pour le développement des territoires ultramarins, notamment de Mayotte.

Pour démêler l’écheveau de cet imbroglio foncier a donc été institué un régime dérogatoire et temporaire selon lequel, durant dix ans, la sortie de l’indivision n’exigerait plus l’unanimité des indivisaires.

Je ne répéterai pas ce qui vient d’être excellemment exposé par Mme la ministre et par notre rapporteur Thani Mohamed Soilihi. Le Sénat s’est inscrit dans la continuité des travaux engagés par l’Assemblée nationale. Sur ce terrain comme sur d’autres, la fabrication législative a été tempérée par l’art de la mesure. Ce texte nécessitait de véritables compétences d’équilibriste : il fallait trouver la bonne formule pour articuler l’opérationnalité du dispositif et les garanties juridiques du droit de propriété. Dans cet exercice, notre rapporteur a fait preuve de virtuosité.

Le Sénat a beaucoup enrichi cette proposition de loi : il a institué un droit de préemption au sein de la famille au cas où un tiers se porterait acquéreur du bien mis en cession ; il a voté une exonération des taxes attachées aux opérations de partage ; il a renforcé le mécanisme de protection des droits, notamment en matière d’information, afin de ne pas léser ceux qui ne font pas partie de la majorité des 51 % ; il a inclus la Polynésie française dans le dispositif, mais aussi Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui ne figuraient pas non plus dans le texte initial ; il a, enfin, prévu d’étendre les dispositions concernant l’attribution préférentielle et l’omission d’héritiers aux autres collectivités d’outre-mer.

L’Assemblée nationale s’est engagée, quant à elle, dans une collaboration constructive, au terme de laquelle elle s’est alignée sur les suggestions sénatoriales. Si, sur l’initiative du Gouvernement, les dispositions concernant la Polynésie française ont été retirées du texte, c’est pour les intégrer dans le projet de loi ordinaire devant compléter le projet de loi organique relatif à la révision du statut de la Polynésie qui nous sera bientôt soumis, avec un titre consacré spécifiquement au droit foncier.

Ces deux lectures aboutiront donc à un vote conforme et je note avec plaisir le consensus fort qui s’est fait autour de la proposition de loi.

Quelques mots sur la logique d’approche dont s’inspire ce texte : monsieur le rapporteur, à l’évidence, votre entreprise fut un franc succès. Ici, aucune conception hexagonale surplombante n’aplatit les réalités ultramarines. Vous l’avez bien compris, l’organisation territoriale ne doit plus être un simple prêt-à-porter ; elle exige du sur-mesure. Le droit à la différenciation ne doit plus se borner à saupoudrer d’éléments ultramarins des tronçons normatifs d’inspiration hexagonale. Renouons avec l’esprit de l’article 73 de notre Constitution, car il n’est pas iconoclaste de proclamer que la démocratie du terrain, c’est la démocratie du concret !

Ce texte nous rappelle donc combien il est nécessaire d’articuler l’organisation territoriale de la République avec ses modalités d’expression locale et nous montre la voie.

Voilà, pour l’essentiel, l’ordre des faits qui nous conduit à apporter sans réserve notre soutien au rapporteur et au texte adopté par notre commission des lois. (M. le rapporteur applaudit.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)