M. Claude Raynal. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à lire l’article 51, on aurait presque l’impression qu’il ne se passe rien en France ! L’époque est ce qu’elle est, et cet article a bien sûr été rédigé avant les derniers événements.

Pour autant, cet article, qui remplace l’exit tax – dispositif destiné, je le rappelle, à juguler l’optimisation fiscale, et voulu par le président Sarkozy – par un dispositif anti-abus s’inscrit de fait dans la droite ligne de l’action du Gouvernement, qui n’a de cesse de privilégier les plus riches au détriment de nos concitoyens les plus modestes.

Je rappelle que, pour être redevables de cette taxe, les entrepreneurs concernés doivent détenir, en moyenne, plus de 800 000 euros en actions…

Nous profitons de la discussion de cet article, énième cadeau à l’égard de nos concitoyens les plus aisés, pour appeler encore une fois le Gouvernement, et la majorité sénatoriale, à rétablir l’ISF ou, en tout cas, à mettre en place un nouvel impôt sur le patrimoine.

Ce rétablissement s’impose aujourd’hui, au nom de la justice fiscale que nos concitoyens appellent clairement de leurs vœux. La suppression de cette imposition a en effet constitué un cadeau fiscal inespéré pour les plus riches. L’étude menée par l’Institut des politiques publiques est, à cet égard, extrêmement claire : le pouvoir d’achat des 1 % les plus aisés de nos concitoyens a crû de 6 % depuis un an.

Dans le même temps, selon l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, les désindexations des pensions de retraite, des prestations familiales et des allocations logement prévues dans ce projet de loi de finances et dans la loi de financement de la sécurité sociale amputeraient en 2019 le pouvoir d’achat de nos concitoyens de plus de 3 milliards d’euros, soit 0,2 point de revenu disponible brut.

Par ailleurs, aucun élément ne vient confirmer que la suppression de l’ISF ait mené à plus d’investissement dans nos entreprises ou encore à plus de créations d’emplois. Avec la flat tax, le Gouvernement a encore renoncé à près de 4 milliards d’euros de recettes fiscales afin de favoriser le pouvoir d’achat de quelques-uns. Pendant ce temps-là, le pouvoir d’achat de nos concitoyens les plus modestes ne cesse, lui, de se dégrader !

Nous appelons donc à une répartition plus équitable de l’effort fiscal ; nous demandons le rétablissement de l’ISF et la suppression de la flat tax, ainsi que le retrait de l’article 51 de ce projet de loi de finances. (Mme Frédérique Espagnac applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-349 rectifié bis est présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian et Blondin, MM. Antiste, Courteau, Fichet, Temal, Bérit-Débat, Dagbert, Kerrouche et Marie, Mme Monier, M. Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° II-821 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° II-349 rectifié bis.

Mme Sophie Taillé-Polian. La réforme de l’exit tax proposée au travers de cet article ne nous étonne pas, madame la secrétaire d’État. Elle s’inscrit, après tout, dans la politique de votre gouvernement : vous avez, depuis votre arrivée au pouvoir, multiplié les cadeaux à l’égard des plus riches. Vous aviez par ailleurs – « en même temps » –, considérablement augmenté la fiscalité sur les carburants, qui devait peser de façon accrue sur nos concitoyens les plus modestes.

Cette suppression ne nous étonne donc pas, mais elle nous attriste ; je dirais même que sa présence, encore aujourd’hui, dans ce texte, nous atterre.

Par cette disposition, le Gouvernement ouvre en effet la voie à tous les abus et encourage l’optimisation fiscale. Pour rappel, une récente étude menée par trois chercheurs, parmi lesquels le chercheur français Gabriel Zucman, estime que près de 300 milliards d’euros, soit 15 % du PIB et des avoirs des ménages français, sont placés dans des paradis fiscaux. Or, au lieu de les imposer, le Gouvernement préfère en favoriser la fuite, en facilitant le transfert de domiciles fiscaux vers l’étranger.

Le Gouvernement propose, dans cet article, de ramener l’actuel délai de surveillance suivant le départ hors de France d’un contribuable de quinze ans à deux ans, ou à cinq ans pour les participations supérieures à 2,57 millions d’euros. Par ce biais, le Gouvernement permet donc aux contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France de ne pas être imposés sur les plus-values qu’ils réaliseront s’ils cèdent leurs titres et participations deux ans après avoir quitté la France.

Ce délai de deux ans n’est pas suffisant, et le délai de cinq ans proposé pour les patrimoines de plus de 2,57 millions ne l’est pas plus : il est en effet trop facile de s’installer pendant deux ans dans un pays à faible fiscalité afin de liquider ses actions !

La majorité présidentielle fait encore une fois un cadeau aux contribuables français les plus riches, alors que nos concitoyens les plus modestes, qui étaient déjà censés subir la hausse de la fiscalité du carburant, vont de toute manière endurer la sous-indexation des pensions de retraite et de plusieurs prestations sociales.

Encore un exemple d’injustice fiscale ! La situation sociale exige la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° II-821.

M. Éric Bocquet. Nos collègues Claude Raynal et Sophie Taillé-Polian ont parfaitement présenté les termes de ces amendements identiques.

Je veux simplement ajouter un petit rappel. Vous vous souvenez, mes chers collègues, que l’annonce de la suppression de l’exit tax avait été faite depuis les États-Unis ; les belles annonces se font souvent depuis l’étranger. Celle-ci avait valu à M. le Président de la République de faire la une de Forbes. En plus, c’était un 1er mai !

M. Éric Bocquet. On veut toujours plus d’attractivité, on veut toujours attirer chez soi les investisseurs ! C’est pourquoi il faudrait lever les obstacles, baisser la fiscalité, ou encore alléger les contraintes du droit du travail : on connaît cela par cœur !

Ce nouveau dispositif cible les cessions effectuées deux ans après le départ de France pour éviter les comportements d’optimisation consistant à faire un aller-retour de courte durée à l’étranger pour réaliser sa plus-value.

Cela rappelle curieusement le mécanisme des « CumEx Files » : dans cet arbitrage de dividendes, on se déleste pendant deux jours de ses actions, au moment du versement des dividendes, avant de les récupérer, en utilisant éventuellement au passage les services d’une banque d’un territoire offshore. C’est le même mécanisme, la même logique, la même philosophie !

Or cette proposition ne faisait pas consensus : même au sein de la majorité En Marche de l’Assemblée nationale, il y a eu des débats. Je me souviens que la rapporteur de la commission des finances avait émis des réserves sérieuses sur ce dispositif.

De fait, n’importe quel chef d’entreprise – certes, ils ne sont pas tous mal intentionnés, tel n’est pas mon propos, mais il est vérifié que certains le sont – pourra aller louer un studio en Belgique pour quelques semaines et lessiver ses plus-values une fois le délai passé. Et le tour est joué !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Toute une discussion avait eu lieu sur la nécessité de supprimer cette taxe. Or l’article 51 n’est pas du tout conforme aux intentions du Président de la République, qui avait annoncé en mai dernier qu’il supprimerait l’exit tax. On en est loin ! Finalement, il ne s’agit que d’un simple aménagement. Voilà la réalité des choses, il faut la rappeler.

Néanmoins, je ne suis pas favorable à ces deux amendements de suppression de l’aménagement de l’exit tax, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, il faut se demander si cette taxe est efficace. Elle n’a certainement pas empêché les départs à l’étranger. Un rapport, remis chaque année au Parlement, et que je tiens à votre disposition, mes chers collègues, nous offre les statistiques concernant ces départs.

Je voudrais sur ce point apporter une petite nuance aux propos d’Éric Bocquet. Pour bénéficier de ces aménagements, il faut tout de même avoir transféré à l’étranger son domicile fiscal. Je ne suis pas certain qu’il suffise pour ce faire de louer un studio à Bruxelles pour deux jours. L’établissement du domicile fiscal se fait quand même sur des critères précis : le lieu principal de vos activités, la source de vos revenus, ou encore le lieu de scolarisation de vos enfants.

M. Éric Bocquet. Oui ! Et alors ?…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il ne suffit pas de dire « Ce soir, je vais habiter Bruxelles » ! Les critères de résidence font converger au moins trois facteurs. Dans le cas des montages dénoncés dans les « CumEx Files », on pouvait peut-être faire de tels allers-retours pour vendre des actions ; je ne suis pas certain, en revanche, qu’il soit aussi rapide de transférer son domicile fiscal.

En tout cas, l’exit tax n’a pas empêché les départs à l’étranger.

En outre, ce dispositif est tout de même relativement limité.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Entre 2011 et 2015, le nombre de départs concernés par les déclarations d’exit tax varie entre 194 et 437 ; il est donc assez limité.

En revanche, il est certain que cette taxe engendre, pour l’administration fiscale, un travail de suivi. Nous appelons pourtant tous de nos vœux, me semble-t-il, une administration un peu plus efficace. Or ce travail est relativement lourd : il faut suivre pendant quinze ans des plus-values latentes et les obligations de déclarations afférentes. Cela n’empêche rien ! Je ne sais pas combien cela exige d’équivalents temps plein travaillés, mais je ne suis pas certain que l’efficacité du dispositif soit supérieure au coût du suivi.

L’aménagement proposé par le Gouvernement me paraît donc plutôt bienvenu. Il ne s’agit pas d’une suppression totale de cette taxe ; je ne partageais pas forcément ce qui a été dit initialement sur ce sujet. En tout cas, cet aménagement est plutôt de bon sens : il s’agit de réduire les délais pour ce dispositif dont la portée est, dans la pratique, limitée.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression de l’article 51.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je voudrais préciser un certain nombre de choses après ce que j’ai entendu.

En matière de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales, la France met en œuvre depuis un an une politique qui n’a rien de symbolique.

On peut citer, parmi les mesures prises, la transposition dans notre droit de la liste noire européenne des États et territoires non coopératifs ; nous sommes les premiers et les seuls en Europe à l’avoir fait.

La France a en outre joué un rôle moteur, non seulement pour faire adopter, en quelques mois, la directive relative aux obligations de déclaration des intermédiaires fiscaux, mais aussi dans la lutte contre l’optimisation fiscale pratiquée par les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon. Je peux vous dire que les enjeux sont là autrement plus importants que ceux que nous évoquons en matière d’impôt. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Nous avons obtenu l’accord de l’Allemagne ! Je ne crois pas avoir vu un gouvernement se saisir de ce sujet avant nous, alors que d’autres étaient en position de le faire ces dernières années.

Nous avons réalisé des avancées majeures en matière de convergence fiscale, dans le cadre des futures directives ACIS et ACCIS, afin de limiter les effets du dumping fiscal en Europe.

Par ailleurs, la loi relative à la lutte contre la fraude, qu’a défendue M. Darmanin, a renforcé les dispositifs internes de lutte contre la fraude : aggravation des sanctions, création d’une police fiscale, publicité des sanctions fiscales pour les fraudes graves, enfin fermeture du guichet de régularisation pour les Français ayant des comptes non déclarés à l’étranger. Voilà pour la lutte contre la fraude fiscale !

M. Éric Bocquet. Et M. Ghosn ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je voudrais à présent rappeler quelques-unes des mesures qui ont été prises pour les ménages modestes et moyens.

On a fort peu parlé de la loi sur la pauvreté ; on n’entend rien au sujet de la suppression des charges sociales ; quant à la suppression de la taxe d’habitation (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Elle n’est pas financée ! Elle devait l’être par la TICPE !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. … il s’agit de 10 milliards d’euros, à comparer au 1,5 milliard d’euros que rapportait l’ISF ! Je peux citer aussi le reste à charge zéro sur les dépenses de dispositifs médicaux.

Quant à la taxe sur les carburants, sauf erreur, elle pèse sur tous les Français, et non pas seulement sur les pauvres.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Merci au Sénat de l’avoir supprimée !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. On pourrait même penser que les plus riches ont de plus grosses cylindrées et dépensent plus d’argent. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Enfin, cette trajectoire carbone, si je ne me trompe, figurait dans les programmes de tous les candidats à l’élection présidentielle.

Mme Sophie Taillé-Polian. Pas avec la suppression de l’ISF ! C’’est une question d’équité !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. L’ISF représentait 1,5 milliard d’euros, madame la sénatrice : il faut savoir de quel montant on parle ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Il ne se passerait donc rien dans le pays, madame la secrétaire d’État ? Sortez donc de vos fiches !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. L’attractivité, ce sont des rentrées d’impôt supplémentaires. L’attractivité, ce sont, l’année dernière, 30 % d’investissements supplémentaires provenant de l’étranger, des investissements qui financent des emplois et des ouvertures de site.

M. Fabien Gay. Le CICE, c’est combien de milliards pour combien d’emplois ? Cent milliards pour 200 000 emplois !

M. le président. Madame la secrétaire d’État, veuillez poursuivre votre propos sans vous interrompre à chaque interpellation, au demeurant classique dans un hémicycle.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Encore une chose, mesdames, messieurs les sénateurs : nous menons une politique d’attractivité, notamment, pour faire venir dans notre pays, après le Brexit, des activités financières qui, certes, sont décriées, mais qui créent de la richesse. Cela nous permettrait de collecter plusieurs milliards d’euros en recettes fiscales supplémentaires.

Voilà les enjeux !

Alors, oui, l’exit tax n’est pas supprimée ; elle est adaptée. Un tel dispositif existe dans un certain nombre de pays européens relativement équivalents au nôtre.

Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement sur ces amendements est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Nous n’allons pas avoir ici le débat qui se tient dans la rue. Il me semble que les Français sont seuls juges de la politique sociale de ce gouvernement, et on voit ce qu’ils en pensent ! On voit où cette politique et cette méthode du mépris nous mènent !

Nous avons passé énormément de temps à examiner ce projet de loi de finances, énormément de choses ont été dites. Alors, on ne va pas, une fois de plus, passer des heures à débattre de cela, mais on constate aisément ce que les Français voient et vivent, ainsi que la façon dont certaines mesures sociales les affectent et les mettent encore plus en difficulté.

Quant à l’exit tax, que font les principaux pays européens ? Lorsque cette taxe a été créée, avec un délai de huit ans, une mesure équivalente existait en Allemagne, où le délai est de dix ans. Une telle taxe existe aussi en Suède, en Espagne et en Italie.

Madame la secrétaire d’État, vous affirmez travailler énormément sur la fraude fiscale. Nous avons eu des débats à ce sujet, dans cet hémicycle, lors de l’examen de la loi relative à la lutte contre la fraude. Nous étions alors nombreux à noter que, si ce texte comportait des avancées certaines, il souffrait en revanche d’énormes manques et, notamment, d’un manque d’ambition extrêmement important.

Je signalais hier – vous n’étiez pas présente , madame la secrétaire d’État ; M. Dussopt représentait le Gouvernement – que les baisses d’effectifs annoncées pour la direction générale des finances publiques, notamment au sein du personnel affecté au contrôle fiscal, n’allaient qu’aggraver la diminution du taux des contrôles fiscaux par rapport au nombre d’entreprises. On peut également relever la baisse, observable depuis plusieurs années, des montants récupérés.

Vous ne pouvez donc pas nous faire croire que vous êtes les champions de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales : cela ne peut pas nous convaincre !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d’État, elle va nous mener où, l’attractivité ? On veut attirer les investisseurs, mais où sera la limite ? Veut-on 0 % de taxation ? Est-ce cela, la limite, ou bien faudra-t-il une taxation négative ? Faudra-t-il bientôt leur donner de l’argent pour qu’ils viennent investir chez nous ?

Le Brexit est devant nous ; vous savez bien qu’il va se produire. Alors, on espère que la place financière de Paris, grâce à son attractivité, fera venir des milliers de banquiers et de financiers.

M. Julien Bargeton. Ça, c’est moins sûr !

M. Éric Bocquet. Mais Mme May ne va pas se laisser faire : vous pensez bien qu’elle a déjà sorti de son chapeau les arguments nécessaires pour les retenir. Elle avait déclaré, au lendemain du vote pour le Brexit : « Je vais faire en sorte que le Royaume-Uni devienne le meilleur endroit au monde pour faire du business. »

Alors, bon courage !

M. Philippe Dallier. Bon courage à elle ! Elle n’est pas sortie de l’auberge !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-349 rectifié bis et II-821.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° II-852 rectifié, présenté par Mme Renaud-Garabedian, M. H. Leroy, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam et M. Charon, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) La première phrase du a est complétée par les mots : « et des cessions forcées liées à un pacte d’actionnaires ou d’associés, ce pacte s’entendant d’un contrat régi par les articles 1103 et suivants du code civil, conclu entre associés ou actionnaires d’une même société, généralement non révélé aux tiers, et qui définit entre associés ou actionnaires du pacte des obligations réciproques, ainsi que celles liées à un pacte de préférence tel que défini à l’article 1123 du même code » ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Quelque chose a dû m’échapper : il me semblait que notre débat portait sur l’exit tax ! J’aimerais bien rappeler ce qu’est cette taxe.

L’exit tax a été instituée en 2011 afin de dissuader les contribuables français de pratiquer l’expatriation fiscale en cherchant à bénéficier de la fiscalité réduite que pratiquent certains pays en cas de plus-value réalisée sur la cession d’actifs. Nous débattons de ce point particulier.

La réforme envisagée aujourd’hui n’a pas pour objectif de supprimer cette taxe, mais simplement de l’aménager et de tenir compte du fait que tous les Français qui partent de France ne le font pas pour des raisons fiscales. Je représente les Français de l’étranger : ils partent pour des raisons professionnelles ou familiales, et non pour des raisons fiscales.

Les contribuables se trouvent dans la situation suivante : l’exit tax a pour effet de leur faire payer l’impôt sur la plus-value dès qu’ils partent de France, alors qu’ils n’ont pas vendu les actifs concernés. C’est la raison pour laquelle ils bénéficient, de la part de l’administration fiscale, d’un sursis de paiement qu’ils doivent garantir par des cautions bancaires.

L’idée de la réforme dont il est ici question est simple : il ne faut pas pénaliser les contribuables français qui ne partent pas pour des raisons fiscales.

Prenons l’exemple d’un associé d’une société commerciale qui détient 50 % des parts et a signé avec son associé un contrat dénommé « pacte de préférence ». Il part à l’étranger, pour des raisons familiales et professionnelles ; son associé veut vendre ses parts. Alors, en application des obligations réciproques figurant dans le pacte, l’associé parti à l’étranger est lui aussi obligé de vendre. Cela n’est pas son choix : la vente lui est imposée !

Mon amendement vise justement à exclure la cession forcée des cas mettant fin au sursis, parce qu’il ne s’agit pas d’un cas d’abus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je remercie notre collègue d’avoir bien précisé la nature de l’exit tax et rappelé que, parmi les causes de départ de France de nos compatriotes, les raisons fiscales sont sans doute minoritaires : beaucoup de Français, aujourd’hui, sont amenés à partir à l’étranger pour des raisons professionnelles sans pour autant avoir la volonté de pratiquer une optimisation fiscale.

Cet amendement vise donc à apporter une réponse à ce problème en distinguant entre les cessions forcées et celles qui sont voulues.

Certes, si l’on suit ce raisonnement, on peut tout à fait souscrire à l’idée que certains contribuables quittent la France pour d’autres raisons qu’une volonté d’optimisation fiscale.

En revanche, l’adoption de cet amendement créerait une différence de traitement, dans le cas de cessions forcées, entre les personnes qui quittent la France et celles qui y restent ; ces dernières subissent elles aussi, du fait d’un pacte d’actionnaires, une imposition sur la plus-value. Concrètement, les contribuables demeurant en France seraient, dans ce cas, dans une situation plus défavorable que ceux qui partent. Cela poserait un vrai problème d’égalité de traitement.

Le dispositif de cet amendement est donc, en fait, presque contraire au principe même de l’exit tax, dont l’objet est justement d’assurer une égalité de traitement entre le contribuable qui réside en France et celui qui transfère son domicile fiscal hors de France. Pour le coup, le contribuable qui reste en France serait, en cas de cession forcée, dans une situation plus défavorable.

Nous ne pouvons donc souscrire à cet amendement. Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir le retirer, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Il est défavorable, mais le problème que vous soulevez, madame la sénatrice, doit effectivement être traité ; vous avez notamment évoqué le cas de certaines professions qui exercent en cabinets de plusieurs associés. Je n’ai pas de réponse à vous apporter tout de suite, mais j’estime que cela mérite une investigation.

En l’état, nous sommes face à une difficulté : un tel dispositif ouvre la porte à des abus. Comme d’habitude, on écrit les lois en pensant à ceux qui tentent de les transgresser, mais ceux qui les respectent en font les frais. À ce stade, je n’ai malheureusement pas de meilleure réponse.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Je ne voterai évidemment pas cet amendement. Simplement, je voudrais répondre à Mme la secrétaire d’État, qui essaye de nous convaincre de la motivation de ce gouvernement dans la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales, toutes ces stratégies d’évitement de l’impôt.

Je voudrais citer des propos tenus par M. le Président de la République au cours de son déplacement en Belgique, le 20 novembre dernier. Lors de sa rencontre avec la communauté française, à Bruxelles, il a évoqué les « bonnes raisons » qui les avaient poussés à fuir la fiscalité hexagonale.

Alors, quelles étaient ces « bonnes raisons », madame la secrétaire d’État, et quelles sont celles qui, aujourd’hui, nous prouveraient que le Gouvernement veut effectivement terrasser l’évasion fiscale ?

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour explication de vote.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je suis évidemment prête à retirer cet amendement si le Gouvernement prend l’engagement de travailler sur le sujet.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. C’est un bon et vrai sujet.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je retire donc mon amendement, mais j’ai un autre sujet, madame la secrétaire d’État !

M. le président. L’amendement n° II-852 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-853 rectifié, présenté par Mme Renaud-Garabedian, M. H. Leroy, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam et M. Charon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au 1° du même b, les mots : « avec pour motif principal » sont remplacés par les mots : « à seule fin » ;

La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je m’excuse par avance du caractère très juridique de ma présentation de cet amendement.

Dans le cadre de l’exit tax, le sursis prend fin en cas de vente, dans les délais de conservation – nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement n° II-851 rectifié –, mais aussi en cas de donation, si le donateur est fiscalement domicilié dans un État tiers à l’Espace économique européen, sauf s’il parvient à démontrer que le changement de domicile n’avait pas un but principalement fiscal.

La formule utilisée à l’article 167 bis du code général des impôts – « avec pour motif principal d’éluder l’impôt » – est source d’insécurité juridique. Déterminer à l’avance si le motif principal d’une donation est fiscal s’avère extrêmement compliqué et, surtout, subjectif. Or le droit se doit d’être objectif !

De plus, cette rédaction date de 2013, année où l’on a substitué au motif « exclusivement fiscal » le motif « principalement fiscal », pour harmoniser la définition présente à cet article du code général des impôts avec la définition de l’abus de droit telle que modifiée par la loi de finances pour 2014.

Or cette définition de l’abus de droit, fondée sur le « principalement fiscal », a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a considéré qu’elle avait « pour effet de conférer une importante marge d’appréciation à l’administration fiscale ». Pour autant, l’article 167 bis du code général des impôts n’a pas été modifié.

Je propose donc, simplement, de corriger cette faiblesse en revenant à l’ancienne rédaction, donc au motif « exclusivement fiscal », qui est beaucoup plus facile à appréhender.