Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Actuellement, les agents publics peuvent percevoir l’allocation de retour à l’emploi, comme les salariés de droit privé.

À l’inverse de ce qui vaut pour le secteur privé, cette allocation est financée par l’employeur public en auto-assurance, et non par le régime d’assurance chômage.

Or, selon l’objet de cet amendement, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a involontairement supprimé ce droit. Le présent amendement vise à le rétablir. Bien qu’il ait été déposé extrêmement tardivement et que la commission n’ait pu l’expertiser dans le détail, il me semble que cet amendement est de bon sens.

L’avis est donc favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-973.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 77 ter.

crédits non répartis

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Crédits non répartis

476 749 773

176 749 773

Provision relative aux rémunérations publiques

52 749 773

52 749 773

Dont titre 2

52 749 773

52 749 773

Dépenses accidentelles et imprévisibles

424 000 000

124 000 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

action et transformation publiques

Article additionnel après l'article 77 ter - Amendement n° II-973
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'état - État D

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Action et transformation publiques », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Action et transformation publiques

1 202 200 000

312 100 000

Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants

900 000 000

100 000 000

Fonds pour la transformation de l’action publique

245 000 000

160 000 000

Dont titre 2

5 000 000

5 000 000

Fonds d’accompagnement interministériel Ressources humaines

50 000 000

50 000 000

 Dont titre 2

40 000 000

40 000 000

Fonds pour l’accélération du financement des start-up d’État (ligne nouvelle)

7 200 000

2 100 000

Mme la présidente. L’amendement n° II-445 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Piednoir, Grosperrin, Longuet, Daubresse, Karoutchi et Milon, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin et Allizard, Mme A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et Brisson, Mme Bruguière, MM. Chaize et Cuypers, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. Dufaut, B. Fournier et Gremillet, Mmes Gruny et Imbert, MM. Laménie et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre et Le Gleut, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Panunzi, Pellevat et Poniatowski, Mme Procaccia et MM. Revet, Savary, Savin, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Rénovation énergétique des établissements à caractère scientifique, culturel et professionnel

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants

300 000 000

33 000 000

Fonds pour la transformation de l’action publique

dont titre 2

Fonds d’accompagnement interministériel Ressources humaines

dont titre 2

Fonds pour l’accélération du financement des start-up d’État

dont titre 2

Rénovation énergétique des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel 

300 000 000

33 000 000

TOTAL

300 000 000

300 000 000

33 000 000

33 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Le présent amendement a pour objet de créer un programme budgétaire dédié à la rénovation énergétique des établissements publics d’enseignement supérieur.

Le patrimoine immobilier des universités représente 18,6 millions de mètres carrés ; c’est le deuxième parc de l’État, composé d’une majorité de bâtiments construits dans les années soixante et soixante-dix.

Véritable passoire énergétique, il constitue une source de dépenses considérables, faute d’ambition politique pour l’entretenir, le réhabiliter, l’adapter aux évolutions d’usage ou le valoriser. Le coût énergétique de ce patrimoine pénalise durablement la compétitivité de nos universités, déjà fortement affectée par l’importance des charges d’exploitation.

On ne peut demander aux universités de gérer un patrimoine sans leur en donner les instruments. En parachevant l’autonomie universitaire dans son volet immobilier, l’État pourra concevoir ce patrimoine comme un actif valorisable plutôt que comme une charge de fonctionnement. L’engagement de l’État portera sur 300 millions d’euros, les études opérationnelles seront réalisées en 2019 et les travaux engagés en 2020 et en 2021.

Les crédits sont prélevés sur l’action n° 12, Travaux et gros entretien à la charge du propriétaire, du programme 348, « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Cet amendement vise à transférer un tiers des crédits affectés pour 2019 à la rénovation des cités administratives au titre du programme 348 au profit de la rénovation des universités, en créant un nouveau programme.

Ses auteurs attirent notre attention sur la situation dégradée du patrimoine immobilier des universités. Leur préoccupation est fondée, ainsi que nous pouvons le constater dans nos départements.

Le patrimoine des universités relève de statuts différents selon que les établissements ont bénéficié ou non de la dévolution immobilière. Toutes les universités non propriétaires seraient concernées. Or les crédits prévus pour le programme 348 ne suffiront déjà pas pour rénover toutes les cités administratives : il sera indispensable de procéder à une sélection de projets.

Les cités administratives ont visiblement besoin de rénovation. Il importe donc de ne pas réduire davantage les crédits inscrits à cette fin en étendant la liste des projets ayant vocation à être soutenus. Nous ne saurions ainsi déshabiller Pierre pour habiller Paul !

L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Je partage l’avis du rapporteur spécial.

D’une part, le Grand Plan d’investissement d’avenir prévoit une enveloppe de 400 millions d’euros pour les bâtiments universitaires.

D’autre part et surtout, le programme 348 doit nous permettre à la fois d’investir afin de réaliser des économies, notamment énergétiques, dans cinquante-six cités administratives et de reconstruire totalement quatre très grandes cités administratives, celles de Lille, de Nantes, de Lyon et d’Amiens.

Si cet amendement était adopté, nous ne pourrions mener à bien ces projets, qui sont « encalminés » depuis trop longtemps et que nous allons pouvoir débloquer au cours de l’année 2019, sur l’initiative de la direction de l’immobilier de l’État.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Madame Darcos, l’amendement n° II-445 rectifié est-il maintenu ?

Mme Laure Darcos. Cet amendement avait surtout vocation à nous permettre de discuter de ce sujet très important. Il faudra continuer à débloquer des crédits dans les années à venir pour rénover ces bâtiments dans l’optique de la transition énergétique.

Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° II-445 rectifié est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Action et transformation publiques », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

compte d’affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l’état

Action et transformation publiques - État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 84 ter (nouveau)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Gestion du patrimoine immobilier de lÉtat

391 286 587

483 000 000

Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État

0

0

Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État

391 286 587

483 000 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 84 ter et 84 quater, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

Gestion du patrimoine immobilier de lÉtat

Compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'état - État D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 84 quater (nouveau)

Article 84 ter (nouveau)

Le II de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une collectivité territoriale, un établissement public, une société ou un opérateur mentionnés au 1° du présent II dispose de réserves foncières propres et de biens susceptibles de permettre la réalisation d’un programme qui comporte la construction de logements sociaux, le taux de la décote est calculé dans la limite d’un plafond établi en considération du coût moyen constaté pour la construction de logements sociaux à l’échelle de la commune ou de l’agglomération. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent alinéa. » – (Adopté.)

Article 84 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Régimes sociaux et de retraite - État B

Article 84 quater (nouveau)

L’hôtel du commandement de la Marine, situé boulevard Pomare, à Papeete (Tahiti), implanté sur la parcelle cadastrée section AE n° 19 est transféré en pleine propriété, à titre gratuit, à la Polynésie française en vue de la réalisation, à ses frais, d’un Centre de Mémoire des expérimentations nucléaires en Polynésie française.

Le transfert de propriété intervient au jour de la signature de l’acte authentique constatant le transfert. La Polynésie française est substituée à l’État dans les droits et obligations liés au bien transféré, qu’elle reçoit en l’état.

En cas de revente, y compris fractionnée, ou de cession de droits réels portant sur le bien transféré, pendant un délai de quinze ans à compter de la date de signature de l’acte authentique, la Polynésie française verse à l’État, à titre de complément de prix, la somme correspondant à la moitié de la différence entre le produit des ventes et la somme des coûts afférents au bien transféré et supportés par la Polynésie française, y compris les coûts de dépollution.

Si dans un délai de cinq ans à compter de la date de signature de l’acte authentique constatant le transfert de propriété, la Polynésie française n’a pas procédé à la réalisation de l’objet pour lequel ce transfert est intervenu, le bien est rétrocédé de plein droit à l’État, à titre gratuit, à la date d’expiration de ce délai. Cette disposition constitue une clause résolutoire, inscrite dans l’acte authentique.

Mme la présidente. L’amendement n° II-959, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

L’hôtel du commandement de la Marine, situé boulevard Pomare, à Papeete (Tahiti) implanté sur la parcelle cadastrée section AE n° 19 est transféré

par les mots :

La parcelle cadastrée section AE n° 19, située sur la commune de Papeete et sur laquelle se trouve l’hôtel du commandement de la Marine, est transférée

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise à spécifier la consistance du bien transféré, c’est-à-dire l’ancien hôtel du commandement de la Marine de Papeete, à la collectivité territoriale de Polynésie française. Il s’agit de préciser que le transfert porte sur le bâtiment de l’hôtel, mais aussi l’ensemble de la parcelle sur lequel ce bâtiment est implanté.

Je saisis cette occasion pour souligner que, après de nombreuses années de discussion entre la collectivité territoriale de Polynésie française et l’État français, un accord a été trouvé pour que l’ancien hôtel du commandement de la Marine puisse accueillir le mémorial des essais nucléaires. C’est pour que la parole de la France à l’égard de la Polynésie française soit – enfin – tenue que l’État transfère de manière gracieuse cette parcelle et ce bâtiment.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. L’adoption de cet amendement de précision contribuera à remplir une importante mission de mémoire.

L’avis de la commission est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-959.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 84 quater, modifié.

(Larticle 84 quater est adopté.)

régimes sociaux et de retraite

Article 84 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Compte d'affectation spéciale : pensions - État D

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Régimes sociaux et de retraite

6 284 340 353

6 284 340 353

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

4 163 492 800

4 163 492 800

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

815 697 600

815 697 600

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 305 149 953

1 305 149 953

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

compte d’affectation spéciale : pensions

Régimes sociaux et de retraite - État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Immigration, asile et intégration

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Pensions

59 015 040 000

59 015 040 000

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

55 360 300 000

55 360 300 000

Dont titre 2

55 357 750 000

55 357 750 000

Ouvriers des établissements industriels de l’État

1 934 900 000

1 934 900 000

Dont titre 2

1 927 030 000

1 927 030 000

Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

1 719 840 000

1 719 840 000

Dont titre 2

16 000 000

16 000 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis », « Action et transformation publiques », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures quinze, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Immigration, asile et intégration

Compte d'affectation spéciale : pensions - État D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (et article 77 quater).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 3 octobre dernier, le ministre de l’intérieur, l’homme le mieux informé de France, décrivait la situation très dégradée des quartiers sensibles aux mains d’islamistes radicaux et de narcotrafiquants, concluant en ces termes : « Je crains que, demain, on ne vive face à face. »

Comment en est-on arrivé là ? Reportez-vous trente ou quarante ans en arrière : que la France paraissait paisible ! (Mme Esther Benbassa sexclame.)

Disons-le tout net : le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2019, pourtant en augmentation de 22,7 %, à hauteur de 1,7 milliard d’euros, ne repose sur aucune ambition politique de relever ces immenses défis. Pourtant, n’est-il pas urgent d’ouvrir le débat sur les priorités de la générosité nationale ?

Tout d’abord, ces trois termes obéissent à une compréhension différente et devraient être traités séparément : l’asile pour Asia Bibi n’a rien à voir avec l’immigration d’un étudiant ou d’un cadre japonais qui vient travailler en France. Quant à l’intégration, ultime étape d’un parcours personnel, elle renvoie à un désir de vivre dans un pays d’adoption et d’en partager les valeurs et les usages.

Si le rôle du politique est de fixer des repères, lier ces trois notions signifie ne pas comprendre, ni maîtriser, ni anticiper les dangers pour la patrie que représente cette absence de politique migratoire. Il faut nommer, compter et distinguer.

D’ailleurs, ces 1,7 milliard d’euros ne représentent qu’une infime partie des coûts liés à l’immigration : dans le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2019, auquel contribuent neuf ministères, le coût estimé est de 6,2 milliards d’euros.

Y a-t-il une crise migratoire ? Certains le réfutent. Ainsi, le directeur général de France Terre d’asile m’a assuré qu’il n’y avait plus de crise migratoire. Malheureusement, dans la même conversation, il m’a expliqué que les effectifs de son organisation étaient passés de 30 personnes en 1998 à 900 cette année et que, pourtant, il manquait de moyens…

Sans parler des zones de conflit et de la dégradation du contexte géostratégique, les bouleversements démographiques à l’œuvre à nos portes, avec une Afrique passée de 100 millions d’habitants en 1900 à 1,2 milliard aujourd’hui, et qui en comptera 2,5 milliards en 2050, appellent à sortir du silence.

Pouvons-nous, en conscience, détourner les yeux ? Stephen Smith, dans La Ruée vers lEurope, affirmait en 2017 que l’on n’avait jamais connu une telle pression démographique : « À l’échelle du continent africain, 42 % des jeunes déclarent vouloir émigrer. »

Cette absence de lucidité par rapport aux enjeux, ce projet de budget en est imprégné. Pour les 70 000 à 80 000 obligations de quitter le territoire français, ou OQTF, le Gouvernement fait malheureusement semblant d’appliquer les décisions. Ainsi, on observe une stagnation des crédits pour les reconduites à la frontière, à environ 30 millions d’euros depuis quatre ans, et une baisse continue du taux d’exécution des mesures d’éloignement, qui atteignait à peine 12,5 % au premier semestre de 2018. Que deviennent les personnes concernées ?

Les chiffres des demandes d’asile sont systématiquement sous-évalués. Ainsi, en 2017, alors que 97 300 demandes d’asile avaient été prévues, plus de 100 000 ont été enregistrées. L’enveloppe de l’allocation pour demandeur d’asile, l’ADA, pourtant revalorisée de 5,7 %, pour atteindre un peu plus de 335 millions d’euros, sera insuffisante. En effet, le nombre des demandes d’asile continue de croître, à rebours de ce que l’on observe chez nos voisins : au premier semestre de cette année, il a augmenté de 16,7 %, et nous devrions dépasser les 110 000 demandeurs d’asile l’année prochaine, contre 35 000 en 2007.

Surtout, ces chiffres cachent la hausse du nombre des demandeurs d’asile sous procédure Dublin. Alors que, partout en Europe, le flux des demandes diminue, il continue d’augmenter chez nous. N’est-ce pas la conséquence de notre politique laxiste ?

Mais je dois dire, mes chers collègues, que ce qui me choque le plus, c’est la gestion comptable de cette question décisive pour notre avenir. Nous alignons des chiffres, sans réaliser que, en 2017, nous avons reçu plus de 100 000 demandeurs d’asile, des mineurs isolés et accordé 240 000 titres de séjour. Si l’on ajoute à cela les « dublinés » et l’immigration clandestine, nous dépassons largement les 450 000 entrées. Avons-nous conscience que, à ce rythme, sur cinq ans, c’est au minimum la population de ville de Paris que nous aurons accueillie ? Pouvons-nous nourrir, loger, soigner et intégrer dignement autant de personnes ? Vous devinez la réponse…

Avons-nous été élus pour agir contre les intérêts de la France et des Français ? Il n’y a ni fermeté ni humanité à laisser faire les trafiquants d’êtres humains qui se jouent de nos faiblesses !

Pour éviter d’aller plus avant dans la désintégration de l’identité nationale et la partition du territoire, ayons le courage de reprendre en main nos frontières, qui décrivent les appartenances culturelles et historiques dont nous avons besoin pour vivre.

Dans la situation chaotique que nous traversons, le président Macron serait bien inspiré de refuser le pacte pour les migrations. (M. Alain Houpert opine.) Quant à ce projet de budget qui mérite d’être qualifié d’insincère, mes chers collègues, je vous invite naturellement à le rejeter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale, pour limmigration, lasile, lintégration et la nationalité. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, trois minutes, c’est peu pour résumer l’avis de la commission des lois sur le projet de budget de cette mission. Je me bornerai donc à rappeler quelques principes.

Il faut reconnaître que, à périmètre constant, ce budget augmente de l’ordre de 12 %, et qu’un effort assez substantiel est consenti, puisque les crédits sont en hausse de 0,6 %, soit 200 millions d’euros, par rapport à ce qui avait été programmé. Toutefois, la commission des lois regrette de retrouver dans ce budget des incohérences qu’elle a déjà signalées lors des débats sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, promulguée en septembre dernier.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons bien observé les efforts consentis.

S’agissant d’abord de l’intégration, éternel parent pauvre des politiques migratoires ces dernières années, dont votre rapporteur pour avis avait dénoncé l’insuffisance des moyens l’année dernière déjà, la hausse des crédits devrait profiter à l’accueil des étrangers primoarrivants, via notamment des mesures d’insertion professionnelle et un doublement des cours de langue, ainsi que le préconisait le Sénat. Si cet effort doit être reconnu, il nous faudra rester attentifs à la mise en œuvre des mesures.

Des efforts sont prévus également pour l’accompagnement matériel des réfugiés, avec la création de places d’hébergement pour les demandeurs d’asile. C’est un élément important, mais sans doute faudra-t-il à terme simplifier le dispositif technique, qui paraît complexe.

Reste que ces hausses ponctuelles et importantes des moyens par rapport à 2018 sont généralement fondées sur des hypothèses peu plausibles. À l’évidence, les moyens prévus sont insuffisants au regard de la réalité des phénomènes migratoires auxquels nous devons faire face.

Ainsi, le projet de loi de finances prévoit une stabilisation de la demande d’asile en 2019 puis en 2020, alors que la France reste exposée à une demande d’asile sans précédent, situation atypique en Europe : les demandes ont crû de près de 19 % cette année, avec des flux secondaires en provenance d’Espagne, en sorte que le seuil des 100 000, voire des 120 000 demandeurs, devrait être franchi.

Or les budgets alloués à nos organismes sont stables : ni l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, ni la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, non plus probablement que l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, ne pourront tenir le délai cible de six mois en moyenne pour le traitement des demandes, pas plus que l’objectif de 86 % de demandeurs d’asile hébergés.

En ce qui concerne l’immigration régulière, toujours très dynamique, le nombre des admissions exceptionnelles au séjour a cessé de croître, mais, contrairement à nos espérances, la circulaire Valls, qui représente 30 % de ces régularisations, n’a pas été supprimée.

Enfin, l’immigration irrégulière reste le parent pauvre de la politique migratoire : ses crédits ne représentent que 8 % du total de la mission. Certes, un effort important est consenti pour 2019 en matière de rétention, avec la création de 450 places nouvelles, mais l’effort est quasi nul depuis quatre ans pour ce qui concerne les crédits consacrés à la mise en œuvre des mesures d’éloignement.

La France n’étant pas en mesure de réaliser un quelconque suivi des déboutés du droit d’asile, il n’est guère étonnant que nos politiques d’éloignement des étrangers en situation irrégulière soient un échec. Le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français, déjà dérisoire en 2017, a encore baissé cette année… Sur les six premiers mois de 2018, seulement 12,6 % des décisions d’éloignement ont été exécutées !

Je ne parlerai pas de la procédure Dublin, si ce n’est pour faire observer que l’évolution espérée ne se produira pas, le commissaire européen Avramópoulos ayant annoncé hier dans la presse qu’il n’était pas possible de trouver un accord. Nous sommes donc en très grande difficulté.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)