M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques ». Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Claude Nougein et moi-même nous sommes répartis les interventions sur les différents programmes, afin d’éviter toute redondance. Compte tenu du peu de temps de parole accordé aux rapporteurs spéciaux, nous vous renvoyons à notre rapport écrit.

Pour ma part, j’évoquerai l’administration fiscale, qui représente à elle seule les trois quarts des 10,7 milliards d’euros de crédits de la mission, en diminution de 0,7 %. Nous sommes à la veille d’un bouleversement inédit depuis des décennies, du moins si l’on en croit les ambitions affichées par le Gouvernement.

Le rapport du comité Action publique 2022 a donné le cap, l’objectif étant notamment de mettre en place à l’horizon 2022 une agence unique de recouvrement regroupant les missions de la DGFiP, de la douane et de l’URSSAF, ainsi que de généraliser les procédures dématérialisées, de réorganiser les implantations territoriales, dans une logique de séparation entre l’accueil physique et la gestion des dossiers, ou encore d’intensifier le recours au data mining dans le cadre de la programmation du contrôle fiscal.

Ces transformations auront, pour la DGFiP, des incidences sur ses effectifs et sur son organisation sans commune mesure avec les réformes de ces dernières années. Dans ses interventions prononcées les 11 juillet et 28 novembre derniers devant les cadres du ministère, le ministre de l’action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, n’a pas caché que ces transformations se traduiraient par d’importantes réorganisations et suppressions de postes.

Ces chantiers trouvent-ils une traduction dans le projet de budget qui nous est présenté pour l’année prochaine ? En un mot : non.

Certes, le projet de loi de finances n’a qu’une portée annuelle, et des chantiers de cette ampleur s’étendent évidemment sur plusieurs années, mais ils se préparent aussi en amont, et sont, pour certains, déjà lancés ; il est surprenant de n’en trouver aucune trace ou presque dans ce projet de budget. L’approche des élections professionnelles y est-elle pour quelque chose ?

Je ne voudrais pas, pour autant, sous-estimer l’effort consenti cette année encore par la DGFiP : 2 130 postes seront supprimés en 2019, soit un rythme comparable à celui des dernières années, exception faite de 2017 et de 2018, où 500 postes avaient été « préservés » dans le cadre de la mise en œuvre du prélèvement à la source. Cette année encore, Bercy est de loin le principal contributeur aux réductions d’effectifs dans la fonction publique d’État.

Mais, en réalité, ce budget apparaît bien davantage comme le « dernier des budgets précédents » que comme le « premier des suivants ». Je me limiterai à évoquer, à titre d’illustrations, la réorganisation territoriale, la pression croissante au sein des services et les systèmes d’information.

Premièrement, la navigation à vue se poursuit en matière de réorganisation territoriale. Des efforts ont été accomplis : 890 services comptaient moins de cinq agents en 2012, ils ne sont plus que 506 aujourd’hui ; des 42 services qui ne comptaient qu’un seul agent en 2012, il n’en reste plus que 6. Mais ce chantier reste mené de façon opportuniste, au gré des départs à la retraite et des mutations individuelles, sans stratégie d’ensemble et sans concertation avec les territoires et les autres administrations.

En pratique, chaque directeur est prié de « restituer » un certain nombre de postes chaque année pour respecter le schéma d’emplois. Tout cela manque de logique – 61 % des EPCI dépendent aujourd’hui encore de deux trésoreries ou plus – et de mutualisation : la DGFiP n’est présente que dans 250 maisons de services au public sur 1 200.

Dans ses interventions des 11 juillet et 28 novembre derniers, M. Gérald Darmanin a dit vouloir une « déconcentration de proximité ». Les territoires, les élus, les agents de la DGFiP, ont besoin de visibilité ; à l’avenir, il est impératif que l’administration se dote, en la matière, d’un schéma pluriannuel explicite, fixant un cap.

Deuxièmement, j’évoquerai la pression croissante au sein des services. En dix ans, les effectifs de la DGFiP ont diminué de 16 %, mais les tâches ont augmenté, et elles augmenteront encore avec le prélèvement à la source, la suppression de la taxe d’habitation, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, le PFU, et de l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière, la révision des valeurs locatives et l’accroissement du nombre d’entreprises. Il viendra un moment où, à missions inchangées, les agents ne seront plus en mesure de faire leur travail correctement. Là encore, le Gouvernement semble faire preuve d’une inquiétante légèreté, ou, à tout le moins, d’un sérieux manque de transparence au regard de ces échéances.

Troisièmement, je parlerai des systèmes d’information, clé de voûte des réformes structurelles qui s’annoncent. Les treize grands projets rattachés à la mission représentent un quart du coût total des grands projets de l’État, soit 608 millions d’euros. Le dérapage budgétaire est très préoccupant, avec un surcoût global de 95 %. À titre de mise en garde contre les erreurs de conception et la faiblesse du pilotage, en dépit du transfert et du rôle de la DINSIC, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, faut-il rappeler le précédent fâcheux de l’opérateur national de paie et des 346 millions d’euros dépensés en pure perte ?

Le budget informatique de la DGFiP a été divisé par dix en dix ans, et 80 % des dépenses d’investissement vont à la maintenance d’applications obsolètes, dont certaines datent des années quatre-vingt. Il y a une dizaine de « ruptures applicatives » dans la chaîne du contrôle fiscal.

Aucun des grands chantiers à venir ne pourra se faire sans rendre les systèmes interopérables et évolutifs. Peut-être faudra-t-il même tout recommencer de zéro, ou presque, tant les systèmes actuels sont hétérogènes, sédimentés et « défendus » par les services qui les ont conçus et qui les utilisent.

Dans le projet de budget qui nous est présenté cette année, aussi exigeant soit-il en matière de réductions du nombre de postes, un effort de clarification s’impose, monsieur le ministre.

J’en viens maintenant aux crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

Un changement de logique dans le financement de la politique immobilière de l’État semble s’engager. Le constat d’un essoufflement du mode de financement historique, consistant à céder des biens pour construire et rénover, est partagé. Le déficit du compte, qui s’élève à 73 millions d’euros, en est la preuve.

Comme nos voisins européens, nous devons désormais envisager une valorisation de notre patrimoine immobilier. À cette fin, le Gouvernement envisage de mettre en location des biens non utilisés, mais dont la vente n’est pas envisageable. Sans doute, monsieur le ministre, pourrez-vous nous préciser davantage les contours de ce projet.

Cette orientation nouvelle pourrait notamment prendre la forme de la création d’une foncière publique, qui recevrait ces biens afin de les valoriser. Le cas échéant, quel serait le devenir de la foncière existante – je veux parler de la SOVAFIM, la société de valorisation foncière et immobilière ?

De façon très concrète, nous avons identifié des cas pour lesquels la constitution d’une foncière publique, non exclusivement orientée vers la production de logements sociaux, pourrait présenter un réel avantage.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Tel est en particulier le cas de l’immobilier pénitentiaire : pour atteindre les objectifs de rénovation et de création de 7 000 places supplémentaires de prison, il serait pertinent de recourir à une structure de portage afin de lisser les coûts.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques ». Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je traiterai pour ma part du budget de la douane.

Depuis trois ans, la Direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, fait exception au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » : ses crédits et ses effectifs augmentent. Les crédits s’établissent à 1,6 milliard d’euros pour 2019, en hausse de 2,6 %.

La douane se prépare en effet pour le Brexit : quelle que soit l’issue des négociations, toutes ses missions seront concernées, du contrôle des voyageurs et des marchandises aux missions fiscales, notamment lors de la détaxe. Les effectifs seront affectés en priorité aux grandes frontières que nous avons avec le Royaume-Uni, dans les ports de la Manche, bien sûr, à la gare du Nord, mais aussi dans tous les petits aéroports régionaux du Sud-Ouest.

Dans ce contexte, 250 postes supplémentaires seront créés en 2019, ce solde net se déclinant en 350 créations au titre du Brexit et en 100 suppressions au titre de la modernisation de la douane. Ces créations de postes viennent s’ajouter à celles des deux années précédentes, et marquent un changement d’époque par rapport aux années de l’« après-Maastricht ».

La deuxième grande priorité de la douane pour 2019 est le soutien aux buralistes et la lutte contre la contrebande de tabac, deux actions d’autant plus nécessaires que le Gouvernement a décidé de porter progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros.

Le nouveau protocole 2018-2021, signé avec les buralistes en février, se traduit par 111 millions d’euros de crédits d’intervention supplémentaires, dont une partie destinée à abonder un « fonds de transformation » dédié au développement de nouveaux services de proximité. Je voudrais souligner ici le rôle que jouent les buralistes dans nos territoires, où ils sont parfois les derniers commerçants. À cet égard, l’article 63 du PLF, qui permettra à la DGFiP d’externaliser l’encaissement des espèces, avec un objectif « zéro numéraire » en 2022, pourrait être l’occasion pour les buralistes de diversifier leurs activités, par exemple dans le cadre d’un partenariat avec La Poste.

Le nécessaire pendant de cette politique est une action résolue contre la contrebande. La douane travaille à la mise en place d’un système de traçabilité indépendant des fabricants.

Cela m’amène, plus généralement, à évoquer l’action de la DGDDI en matière de lutte contre les trafics. Les résultats sont bons, quoique très variables d’année en année. On peut toutefois regretter que les indicateurs de performance reposent sur des seuils permettant de définir des « dossiers à enjeu ». Cela incite les douaniers à se concentrer sur les fraudes les plus graves, en laissant de côté les autres. Cette méthode n’apparaît pas adaptée à l’un des grands défis actuels que doit relever la douane : l’essor du e-commerce, caractérisé par une multitude de petits envois représentant chacun un faible risque ou enjeu, mais dont l’ensemble est, au total, très important.

Enfin, en 2019, la douane achèvera le renouvellement de ses moyens opérationnels. Sa flotte aérienne est maintenant au complet, et trois des sept nouveaux avions Beechcraft sont déjà opérationnels. S’agissant du renouvellement des hélicoptères, la douane a finalement fait le même choix que la sécurité civile avant elle : pour trois d’entre eux, dont deux sont basés aux Antilles, elle a opté pour la location, un choix dicté avant tout par les coûts de maintenance. L’avenir dira s’il s’agit d’une décision budgétaire avisée.

Voilà pour les perspectives immédiates. Cela étant, la douane est, comme la DGFiP, engagée dans une transformation de long terme de son organisation et de ses missions. Les progrès de la dématérialisation et de l’exploitation des données, la mise en œuvre du nouveau code des douanes de l’Union et du « droit à l’erreur » et, surtout, la mise en place de l’agence de recouvrement auront des conséquences majeures sur l’organisation de la DGDDI.

Ces transformations ne devraient toutefois pas avoir l’ampleur de celles de la DGFiP, ne serait-ce que parce que la douane, avec 17 000 agents, est une « petite » administration. Quelque quarante-quatre fusions ont eu lieu depuis 2015, selon un plan stratégique qui devrait s’achever en 2020.

J’aborderai maintenant la mission « Action et transformation publiques ».

Les enjeux budgétaires sont d’une moindre envergure, mais cette mission revêt une importance politique cruciale, puisqu’elle constitue un vecteur budgétaire du plan « Action publique 2022 ». Toutefois, les fonds prévus servent avant tout à légitimer cette démarche ; en pratique, cette mission comporte essentiellement des crédits dédiés à la rénovation des cités administratives. Ce programme répond à un besoin réel : nous connaissons tous, dans nos préfectures, l’état des cités administratives, qui sont rarement des œuvres architecturales remarquables.

Nous attirons néanmoins l’attention sur deux éléments : tous les projets ne pourront pas être financés et un lien direct est opéré avec la réforme des services déconcentrés de l’État, dans une perspective de rationalisation et de mutualisation.

Je conclurai par quelques mots sur la mission « Crédits non répartis ».

Le projet de loi de finances prévoit un montant total de 177 millions d’euros pour les deux programmes de cette mission. La dotation dédiée au programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » est maintenue à son niveau de 2018, soit 124 millions d’euros de crédits de paiement.

Les 53 millions d’euros qui restent inscrits au titre du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » me laissent en revanche plus circonspect. Une partie des crédits initiaux ont certes été répartis en seconde délibération à l’Assemblée nationale, mais pas ceux concernant la revalorisation du barème de monétisation des jours épargnés sur un compte épargne-temps. Pourtant, le rendez-vous salarial a eu lieu il y a cinq mois !

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Quand comptez-vous répartir ces crédits dans les différentes missions, monsieur le secrétaire d’État ?

Sous réserve de ces observations, je propose au Sénat de voter les crédits de cette mission.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur spéciale.

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la contribution de l’État aux régimes sociaux et de retraite s’élève à 6,28 milliards d’euros. Elle est nécessaire pour couvrir les deux tiers des retraites versées par les caisses des régimes spéciaux, principalement ceux de la SNCF, pour 3,3 milliards d’euros, de la RATP, pour 736 millions d’euros, des marins, pour 815 millions d’euros, et des mines, pour 1,1 milliard d’euros.

Les besoins de financement de ces régimes proviennent des déséquilibres démographiques résultant d’un nombre de cotisants très inférieur à celui des pensionnés. Dans le régime général, on compte 1,3 actif pour un pensionné, contre 0,65 à la SNCF et 0,85 à la RATP.

La contribution de l’État couvre également des avantages dérogatoires. L’âge de départ est de 52 ans pour les agents de conduite de la SNCF, et la durée de service d’une pension atteint 40 ans à la RATP, soit plus que la période d’activité.

La revalorisation des retraites au 1er janvier 2019 va coûter 30 millions d’euros ; la non-indexation des pensions sur l’inflation représente toutefois une économie de 100 millions d’euros.

Le compte d’affectation spéciale « Pensions » bénéficie de la sous-revalorisation des retraites. Compte tenu des charges, qui s’élèvent à 59 milliards d’euros, l’effet est très significatif, avec une économie de 600 millions d’euros par point d’inflation non pris en compte. En l’absence de revalorisation générale du point d’indice et du fait de la hausse du nombre de contractuels – 11,8 % des effectifs en 2006, contre 16,5 % aujourd’hui –, les recettes augmentent peu.

Malgré tout, le solde du compte d’affectation spéciale est largement positif, à 1,6 milliard d’euros ; à la fin de l’exercice budgétaire, les excédents cumulés s’élèveront à plus de 8 milliards d’euros, car, ces dernières années, les cotisations salariales des fonctionnaires ont davantage augmenté que la charge employeur, alimentant ainsi l’excédent.

Globalement, les soldes financiers des régimes couverts par le compte d’affectation spéciale devraient demeurer positifs – ils le sont dans tous les scénarios – à l’horizon de 2070, au contraire du solde du régime général, qui ne pourra l’être que si la croissance est supérieure à 1,5 % par an.

Les perspectives financières à long terme induisent une réduction du taux de rendement des cotisations du fait de l’allongement de la vie active, qui réduit la valeur actualisée des droits, et de la décorrélation entre les droits à pension et la croissance économique.

Sans surprise, dans un tel contexte, le niveau de vie des retraités de la fonction publique recule par rapport à celui de la population active. La perspective du taux de remplacement n’est pas sans poser problème, puisqu’elle incite les intéressés à accroître leur effort d’épargne, avec probablement des effets assez discriminants selon les niveaux de revenu d’activité et la composition des familles.

Pour les régimes spéciaux, le rééquilibrage des comptes suppose que les anciennes réformes portent leurs fruits, en particulier le relèvement de l’âge de départ effectif à la retraite, pour la SNCF et la RATP.

L’adoption du pacte ferroviaire entraîne la création d’un nouveau régime spécial de retraite SNCF. Le déficit de ce nouveau régime va d’abord se creuser, car il n’y aura plus de nouveaux cotisants, et les besoins d’équilibre vont augmenter. À très long terme, le déficit s’effacera de lui-même avec la diminution naturelle du nombre de pensionnés.

L’un des objectifs de la réforme des retraites est, dit-on, d’instaurer un système plus juste. Le principe d’uniformité des rendements contributifs nécessitera néanmoins le maintien d’un certain niveau de solidarité, ce qui, finalement, nous ramènera à une situation assez proche de l’existant.

La question de la transition entre les deux systèmes est fondamentale : quelle en sera la durée ? Que fera-t-on des excédents ou des déficits des différents régimes actuels ? Les uns compenseront-ils les autres ? Comment prendra-t-on en compte la pénibilité ou la dangerosité de certains métiers – je pense notamment aux militaires ou aux gendarmes ? Comment prendra-t-on en compte les différentes situations familiales ? Que vont devenir les actuels gestionnaires des retraites appelés à se regrouper en une seule entité ? Les personnels seront-ils déplacés ? Les sites de province seront-ils abandonnés? Comment sera pilotée la valeur fondamentale du point dans le futur système ? Comment convaincre les fonctionnaires que leur salaire net actuel doit baisser pour une meilleure retraite ?

Je n’ai pas la réponse à ces questions, et l’échéance de juin 2019 annoncé par le Gouvernement pour y répondre me paraît bien proche.

Pour conclure, malgré ces interrogations lourdes de conséquences, et compte tenu de la nécessité de l’équilibre du compte d’affectation spéciale « Pensions » et des actuels besoins de la mission « Régimes sociaux et de retraite », je vous propose, mes chers collègues, d’adopter les crédits.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen des crédits de ces missions me donne l’occasion de rappeler deux messages qu’a portés, cet automne, la commission des affaires sociales du Sénat en matière de retraite, bien avant que l’on ne voie les retraités manifester.

Le premier concerne la principale économie budgétaire proposée par le Gouvernement, à savoir la sous-revalorisation de l’ensemble des prestations sociales, au premier rang desquelles les pensions de retraite : elles ne progresseront que de 0,3 % en 2019 et en 2020. Dans le contexte d’une reprise de l’inflation, c’est véritablement insoutenable.

Cette mesure, qui rapportera, en 2019, 2,4 milliards d’euros dans le champ de la sécurité sociale, engendrera également 800 millions d’euros d’économie pour le budget de l’État, principalement au titre des dépenses de retraite des fonctionnaires de l’État et des régimes spéciaux équilibrés par la solidarité nationale.

En cumulant la sous-revalorisation des pensions et l’augmentation de la CSG pour les retraités, la politique du Gouvernement en matière de retraites affiche un rendement financier proche de celui de la réforme des retraites de 2010.

Vous êtes donc en train de mener, sans l’assumer, une réforme financière des retraites pesant sur les seuls retraités, ce qui est en contradiction avec votre discours selon lequel il s’agirait d’une réforme non financière, qui ne concernera pas les retraités actuels. Nous considérons que la réforme doit maintenir, à l’avenir, le niveau des pensions, et ne doit exclure aucun paramètre de justice intergénérationnelle.

Le second message concerne les régimes spéciaux de retraite, dont j’ai entendu les représentants au cours des derniers mois.

Malgré les réformes de convergence vers le régime général, entreprises depuis 2003 pour les régimes de la fonction publique et depuis 2008 pour les autres régimes, trois spécificités principales demeurent : l’architecture de ces régimes, intégrant retraite de base et retraite complémentaire, les règles de calcul des pensions et l’existence des catégories actives, qui correspondent aux emplois particulièrement dangereux ou pénibles, aux personnels qui sont en première ligne actuellement : policiers, gendarmes, pompiers, infirmiers notamment.

La commission des affaires sociales considère que le débat sur la prise en compte de la pénibilité pour l’ensemble de la population active dans le futur système de retraite doit être ouvert rapidement. Il conviendra toutefois de tenir compte de l’échec récent du compte personnel de prévention de la pénibilité et de ne pas créer de tensions au sein des entreprises ni de stigmatisation.

En 2018, le Sénat a été le promoteur d’un débat ouvert et transparent sur la réforme des retraites, en organisant notamment le colloque du 19 avril dernier, qui a permis de lancer la réforme. Nous continuerons l’année prochaine dans cet esprit, pour construire une réforme qui soit acceptable par l’ensemble de nos concitoyens en 2019. (M. Jackie Pierre applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé, en remplacement de Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Troendlé, en remplacement de Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale, pour le programme « Fonction publique ». Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis, qui m’a demandé de la remplacer. En tant que présidente des commissions administratives paritaires, elle devait être présente au centre de gestion du Rhône, pour les élections professionnelles.

L’avis budgétaire « Fonction publique » de la commission des lois porte prioritairement sur la fonction publique de l’État et, plus précisément, sur le programme 148, destiné à compléter les actions des ministères en matière de ressources humaines.

Ce programme 148 est doté de 206,91 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019, soit une baisse de 0,91 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, à périmètre constant.

Concernant la formation interministérielle, des projets de réforme des instituts régionaux d’administration et de l’École nationale d’administration permettent de dégager une économie de 1,92 million d’euros par rapport à l’exercice 2018. La commission des lois a salué le plan de transformation de l’ENA, qui doit permettre un retour à l’équilibre budgétaire dès 2020.

En 2019, les aides pour le recrutement des apprentis dans la fonction publique de l’État ne figurent plus dans le programme 148, mais sont réparties entre les budgets de chaque ministère. On peut regretter ce choix, car, d’une part, l’action de l’État en faveur de l’apprentissage perd en lisibilité, et, d’autre part, son pilotage devient plus complexe. Nous n’avons pas pu connaître l’enveloppe précise consacrée à l’apprentissage pour l’exercice 2019.

Néanmoins, je vous propose de voter en faveur de l’adoption des crédits du programme 148.

Au-delà de ce programme, je souhaite aborder trois points.

Le premier concerne la réduction des effectifs dans la fonction publique de l’État. En deux ans, seuls 5 824 équivalents temps plein seront supprimés dans les ministères et chez les opérateurs, alors que le Gouvernement s’est engagé à en supprimer 50 000 en cinq ans. L’objectif paraît donc très difficile à atteindre.

Le deuxième point a trait au retard pris dans le déploiement du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel, le RIFSEEP. Seulement 23 % des fonctionnaires de l’État sont couverts par ce régime indemnitaire. Les retards pris par l’État sont préjudiciables aux employeurs et aux agents territoriaux, car, pour rejoindre dans le RIFSEEP, un cadre d’emplois de la fonction publique territoriale doit attendre l’adhésion du corps équivalent dans la fonction publique de l’État.

Cette situation constitue une source d’incompréhension pour les agents territoriaux et de complexité pour les employeurs. Il y a donc urgence à achever le déploiement du RIFSEEP, notamment dans les filières techniques, et à mieux valoriser les résultats des services.

De même, la commission des lois a regretté que des corps de la haute fonction publique soient exclus du RIFSEEP, comme celui des directeurs d’administration centrale.

Troisième point, la volonté du Gouvernement est de multiplier le recours aux agents contractuels pour les emplois de direction de la fonction publique territoriale. Sur le fond, la modification des règles de recrutement pour les emplois fonctionnels ne fait pas consensus.

D’une part, le droit en vigueur satisfait les employeurs territoriaux. Ces derniers n’expriment pas le besoin de recruter davantage d’agents contractuels pour des emplois fonctionnels. En revanche, ils souhaitent plus de souplesse pour recruter des contractuels sur des missions spécifiques.

D’autre part, ouvrir de nouveaux emplois fonctionnels aux agents contractuels nécessite, en amont, de repenser et de sécuriser les procédures de recrutement, de rémunération et de déontologie.

Après avoir entendu l’ensemble des parties prenantes, la commission des lois a émis beaucoup de réserves concernant une éventuelle réforme des règles applicables au recrutement pour les postes de direction de la fonction publique territoriale.