Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le Gouvernement mène une politique globale de santé dont les objectifs sont clairs : développer la politique de prévention, assurer la sécurité sanitaire, organiser une offre de soins de qualité adaptée et volontaire, qui tienne compte des spécificités de chaque territoire.

Pour préserver un système de santé dont nous pouvons et devons être fiers, le Gouvernement est déterminé, dans le cadre de la stratégie nationale de santé et du plan « Ma santé 2022 », à mobiliser tous les acteurs pour réduire les inégalités qui demeurent, consolider le système de prise en charge solidaire par une vision coordonnée du système de santé, et ce dans le cadre d’une logique de parcours intégrant la promotion de la santé et la prévention.

Vous le savez, les crédits de la mission « Santé » ne constituent qu’une partie des moyens de notre politique publique sanitaire.

Pour mémoire, l’objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale s’élève à près de 218 milliards d’euros. Ces dépenses ont été votées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 même si, malheureusement, le Sénat a préféré s’affranchir d’une nouvelle lecture.

Pour 2019, le projet de loi de finances fixe les crédits de la mission « Santé » à 1,422 milliard d’euros, en hausse de 3,4 %.

L’importance de cette mission, tant dans sa structure que dans les objectifs qu’elle fixe, implique qu’on la regarde dans le détail.

Elle comporte deux programmes, le programme 204 et le programme 183.

Les crédits du programme 204 relatifs à la prévention, la sécurité sanitaire et l’offre de soins sont quasi stables après avoir enregistré une hausse de 10 % en 2018. Ce programme, qui représente 34 % des crédits de la mission, retrace en particulier les subventions pour charges de service public versées à des opérateurs sanitaires de l’État.

En 2019, la réflexion sera poursuivie en liaison avec chacun des opérateurs, afin d’améliorer leur pilotage, de favoriser leur pleine contribution aux efforts requis dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2018-2022, le tout dans une volonté de mieux mutualiser et rationaliser, afin de mieux servir tout en dépensant moins.

Les crédits du programme 183 relatifs à la protection maladie des publics les plus défavorisés et des victimes de l’amiante progressent, pour leur part, de 6 %, passant à près de 943 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019. Ce programme représente 66 % du budget de la mission.

Dans ce programme, les dépenses prévisionnelles pour l’AME sont en augmentation de 45 millions d’euros. Elles s’élèvent à 935 millions d’euros, afin de répondre non seulement au problème récurrent de sous-budgétisation, mais également à un objectif humanitaire et sanitaire.

Je le rappelle, le principe de l’AME est essentiel. Premièrement, il répond au besoin de soigner les gens en première nécessité. Le serment d’Hippocrate n’est pas négociable : pour le médecin, soigner sera toujours un devoir.

Deuxièmement, il répond à une préoccupation de santé publique, en particulier, la lutte contre les maladies infectieuses et les maladies de la précarité, la tuberculose, la gale et bien d’autres maladies, qui peuvent toucher non seulement l’individu, mais aussi son entourage et, en conséquence, une partie de la population.

Mes chers collègues, certains d’entre vous ont la conviction que l’AME est un coût pour l’État et, donc, pour nos concitoyens. Seulement, les maladies contagieuses ne choisissent ni leur pays ni l’origine de celui qui sera contaminé. Alors, à défaut de voir cette volonté comme une démarche humanitaire, faites-le pour vous et pour votre entourage, afin de vous protéger en évitant une contamination par autrui. Le virus ne s’interroge pas sur la nationalité : toute personne pour lui est un vecteur de transmission de la maladie, ni plus ni moins.

Décider de protéger ces femmes et ces hommes n’empêche en rien une politique de contrôle et de lutte contre la fraude. Elle sera renforcée, afin que la mise en œuvre de la solidarité nationale s’accompagne d’une gestion rigoureuse du dispositif. Pour ce faire, l’instruction des demandes d’AME sera centralisée en 2019 autour de trois caisses pivot, à Paris, Bobigny et Marseille, et des procédures harmonisées seront mises en place.

Sans AME, notre territoire prendrait le risque de la contagion et d’une renaissance de certaines maladies. L’AME est un acte humanitaire de base, au même titre qu’un acte de prévention nationale.

Avant de conclure, permettez-moi de revenir sur les litiges amiables et contentieux mis à la charge de l’État au titre d’accidents médicaux. Si, depuis deux ans, le nombre de demandes d’indemnisation des victimes de l’amiante tend à diminuer, d’autres drames de santé publique méritent toute notre attention.

En 2016, les parlementaires ont posé les bases du dispositif d’indemnisation des victimes du valproate de sodium ou de ses dérivés. Les instructions des demandes d’indemnisation des victimes sont confiées à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales – l’ONIAM –, comme elles le sont au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – le FIVA – pour l’amiante.

Pourtant, un problème persiste : le processus d’indemnisation se met en place plus rapidement que les nouvelles découvertes sur les mécanismes d’intoxication médicamenteuse n’émergent. Par conséquent, certaines victimes déboutées dans un premier temps pourraient voir aboutir leur demande aujourd’hui.

Le groupe La République En Marche du Sénat a déposé un amendement visant à réexaminer ces rejets par un collège d’experts. Je ne doute pas un instant que le caractère consensuel du sujet permettra son adoption.

Mes chers collègues, voilà en quelques mots les grandes lignes de la mission « Santé », qui, en plus d’être pertinentes, me paraissent mesurées et allant dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle le groupe La République En Marche votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Santé », d’un budget de 1,8 milliard d’euros, complète les politiques de la sécurité sociale en faveur de l’accès aux soins des publics les plus défavorisés et de l’indemnisation des victimes de l’amiante.

Comme souvent, le Gouvernement annonce un budget en hausse de 3,5 %, d’un côté, mais fait adopter un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui prévoit une diminution de 3,8 milliards d’euros des dépenses de santé et la non-compensation des exonérations de cotisations sociales par l’État à hauteur de 2,1 milliards d’euros, de l’autre.

Nous regrettons ce double discours, qui va encore une fois à l’encontre des plus fragiles au nom de l’apurement de la dette sociale.

La mission « Santé » prévoit une diminution de 1,1 % des crédits de son programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », par rapport à 2018.

Alors que les injustices sociales ne sont plus supportées – à juste titre – par nos concitoyennes et nos concitoyens, et qu’entre 5 et 9 millions de personnes vivent actuellement sous le seuil de pauvreté, vous diminuez les crédits destinés à la santé des populations en difficulté. C’est un non-sens !

Vous ne pouvez pas continuer à augmenter les cadeaux pour les plus riches et, dans le même temps, diminuer les crédits destinés aux plus précaires.

De la même manière, le programme 204 considère le réseau associatif comme « un partenaire essentiel à la réalisation des priorités de santé publique », pour reprendre l’expression figurant dans le bleu budgétaire. Pourtant, dans le même temps, vous avez décidé de supprimer les contrats aidés financés pour partie par l’État, qui étaient indispensables au bon fonctionnement de la majorité des associations.

Vous n’êtes pas, hélas, à une contradiction près.

Ainsi, alors que la COP24 rappelle aux États les engagements pris lors de la Conférence de Paris pour lutter contre le réchauffement climatique, la mission « Santé » prévoit une baisse des crédits relatifs à la santé et l’environnement, puisqu’ils passent de 3,5 millions d’euros en 2018 à 2,78 millions en 2019. C’est une hérésie ! La santé environnementale doit être une priorité pour les pouvoirs publics et votre gouvernement devrait en tirer les conséquences en dégageant des moyens à la hauteur des enjeux.

Pour l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, dont les missions ne font que s’élargir et qui a connu une diminution de 20 millions d’euros de son budget depuis 2012, soit 13 %, de ses crédits, vous prévoyez la suppression de 23 postes pour 2019 et autant en 2020.

Comment pouvez-vous maintenir une réduction de 5 % du budget de l’ANSM, qui est censée garantir la sécurité des produits de santé dans notre pays, après le nouveau scandale sanitaire des « Implant Files », qui s’ajoute aux crises de la Dépakine, du Levothyrox, de l’Agréal, du laboratoire Biotrial, de l’Androcur, et compte tenu de la pénurie de médicaments ?

Par ailleurs, alors que la prévention des maladies chroniques, qui touchent 15 millions de personnes en France, est une priorité du plan « Ma santé 2022 », les crédits diminuent eux aussi en 2019. On observe également une diminution de 2 % des crédits de l’État à l’ONIAM.

Les 77 millions d’euros inscrits au budget 2019 seront-ils suffisants pour indemniser les 1 087 premiers dossiers déposés à la suite du scandale de la Dépakine ? Surtout, que prévoit le Gouvernement pour faire face aux demandes qui risquent d’être déposées par toutes les victimes potentielles de la Dépakine, dont le nombre est estimé entre 16 000 et 30 000 ?

À cette baisse injustifiable s’ajoute la complexité du système pour les victimes qui doivent constituer des dossiers extrêmement lourds en vue de déposer une demande d’indemnisation.

Il faut revoir l’ensemble du système et nous donner les moyens financiers d’y parvenir. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’article 81 quinquies et de l’amendement du Gouvernement tendant à insérer un article additionnel après ce même article.

Concernant les crédits du budget de l’État destinés au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, ils sont reconduits à hauteur de 8 millions d’euros. En revanche, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au FIVA s’établit à 260 millions d’euros, en diminution de 3,7 % par rapport à 2018. Ce n’est pas acceptable !

Enfin, s’agissant du programme 183, « Protection maladie », et de la progression des crédits destinés à l’aide médicale de l’État, nous soutenons la position de la commission des affaires sociales et de la rapporteur pour avis Corinne Imbert. Notre position est cohérente avec l’ensemble de notre discours.

Les personnes étrangères bénéficiaires de l’aide médicale de l’État doivent être intégrées au régime général de la sécurité sociale. Cela s’inscrit dans le prolongement de notre combat humaniste, solidaire et universel, qui refuse d’opérer des distinctions selon les nationalités, d’autant que les bénéficiaires actuels de l’AME sont pour 21 % d’entre eux des mineurs, c’est-à-dire des individus particulièrement vulnérables.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Santé ». (Mme Sophie Taillé-Polian applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Bernard Jomier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, l’examen de la mission « Santé » appelle une mise en perspective préalable.

En effet, si les crédits de la mission progressent globalement de 3,4 %, le programme 204 dédié à la prévention, la sécurité sanitaire et l’offre de soins n’en bénéficie pas, et voit même ses moyens diminuer de 1 % à périmètre constant.

Au moins deux enseignements sont à tirer de cette tendance plus ancienne que le présent quinquennat, mais dont les documents budgétaires confirment l’orientation.

Le premier enseignement, c’est le transfert par le ministère du pilotage de notre politique de santé publique et la concentration croissante des outils de cette politique au niveau de l’assurance maladie. Ces dernières années, les transferts successifs du financement de la HAS, la Haute Autorité de santé, de l’ATIH, l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, des FIR, les fonds d’intervention régionaux, de l’Agence de biomédecine, ainsi que de celui de l’École des hautes études en santé publique, désormais acté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, l’illustrent parfaitement.

Le fait que le reste des crédits non réservés aux agences, qui voient leurs moyens au mieux stabilisés, soit en fait principalement consacré aux frais de justice, notamment pour l’indemnisation des accidents médicamenteux, l’illustre également.

S’agit-il d’un affaiblissement du pilotage politique par le ministère ou de l’étatisation de l’assurance maladie, dont le paritarisme relève d’ailleurs davantage d’une fiction que de la réalité ? En tous les cas, il devient de plus en plus difficile de déceler une vision stratégique dans le périmètre du programme 204.

Le deuxième enseignement que nous pouvons tirer est le différentiel qui sépare la volonté exprimée par le Gouvernement en matière de prévention et sa traduction en actes. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 nous avait déjà laissés sur notre faim en la matière ; la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2019 confirme l’absence de traduction des ambitions affichées dans le plan « Priorité prévention ».

En matière de prévention des addictions, c’est même un jeu à somme négative. Vous avez baissé de 13 % ces crédits, ainsi que de 28 % les crédits dévolus aux partenariats associatifs, alors que nous savons tous que, dans ce domaine, le tissu des acteurs associatifs est dense, expérimenté et précieux.

Il faut également rattacher ces baisses de crédits à la transformation de l’ancien fonds de prévention contre le tabac en un fonds dédié à l’ensemble des addictions à des substances psychoactives. Comme nous l’avons rappelé au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, cette extension du périmètre d’action du fonds ne s’accompagne malheureusement pas d’une augmentation de son enveloppe budgétaire, difficilement maintenue autour de 100 millions d’euros. C’est trop peu, beaucoup trop peu, alors que nous savons que le coût social et sanitaire du seul alcool s’élève à 120 milliards d’euros.

Je dirai également quelques mots sur l’épidémie de VIH, dont le niveau actuel, qui s’établit à 6 000 nouvelles contaminations par an, nous engage collectivement.

Nous accueillons favorablement l’augmentation de près de 6 % des crédits consacrés à cette cause. Les efforts doivent se concentrer sur l’intensification du dépistage dans les populations clés. Nous nourrissons à ce sujet une ambition réaliste si la volonté politique et les moyens suivent, celle de vaincre, pour la première fois dans l’histoire de la médecine, un virus sans vaccin. Nous savons que vos engagements en la matière sont réels et nous les saluons.

La bataille en matière de prévention se mène aussi sur le front de l’environnement. Mais, avec des crédits en baisse de 20 %, les promesses de faire de la santé environnementale une priorité laissent un goût de déception.

Cette diminution nous inquiète à l’approche de la révision, l’an prochain, du quatrième plan national santé-environnement et de la présentation de la nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Vous le savez, les progrès de la santé humaine dans les décennies à venir viendront, pour une part importante, de notre capacité à réduire efficacement les facteurs environnementaux qui dégradent notre santé. Les enjeux sont considérables, et l’attention de nos concitoyens va croissant.

La crédibilité de nos institutions sanitaires a été mise à mal à la suite de l’affaire médiatisée des malformations congénitales dans l’Ain, en Bretagne et dans les Pays de la Loire.

L’enjeu à court terme réside donc, à la fois, dans la mise en œuvre des moyens d’une réduction efficace des facteurs de risque et dans la consolidation de notre système de surveillance sanitaire. Cela passe par un renforcement budgétaire, notamment pour garantir la pérennité de registres de données environnementales et sanitaires, mais également par une réévaluation des méthodes d’expertise héritées de l’infectiologie et, parfois, peu adaptées aux enjeux environnementaux.

De manière plus générale, l’État doit prendre ses responsabilités sur le pilotage opérationnel d’une politique de santé environnementale à part entière, impulsée à la bonne échelle, au travers des services déconcentrés de l’État, et déployée de concert avec les collectivités territoriales.

Une politique de santé environnementale, oui ! Avec les collectivités territoriales, oui ! Sans le ministère, non !

J’en viens au programme 183 et à l’aide médicale de l’État.

Le budget qui nous est présenté est sincère et reflète les efforts entrepris pour rendre la gestion de l’AME plus efficiente. L’alignement de la tarification des séjours hospitaliers pour les soins somatiques des patients accueillis au titre de l’AME a notamment permis des économies estimées entre 80 millions et 140 millions d’euros par an, et les efforts de rationalisation dans la gouvernance ont renforcé, à la fois, le pilotage du dispositif et le contrôle des dossiers.

Ces réformes, conformes à ce que préconisait l’Inspection générale des finances dans son rapport de 2010, montrent qu’une mutualisation avec les services de l’assurance maladie engendre des économies d’échelle et va donc dans le sens d’une plus grande efficience.

La rationalité économique converge ainsi avec la rationalité de ceux qui, pour analyser le régime de l’AME, chaussent les lunettes de la santé publique et de l’efficience des parcours de soins. L’Inspection générale des affaires sociales, notamment, recommande depuis plusieurs années l’intégration de l’AME dans l’assurance maladie. C’est également l’avis de l’Académie nationale de médecine depuis l’année dernière.

Seuls ceux qui examinent l’AME avec les lunettes de leurs propres positions sur la politique migratoire seraient encore tentés de voir le dispositif supprimé ou réduit en morceaux. Quelle erreur !

Les objectifs de santé publique et les intérêts sur le plan économique convergent vers une intégration de l’AME dans le régime général de l’assurance maladie.

Madame la ministre, la mission « Santé », évidemment, ne résume ni ne porte à elle seule notre politique de santé.

Mais certaines volontés se décryptent dans son évolution. Or il est difficile de déceler une vision d’ensemble, un cap clair. Certaines trajectoires, comme les évolutions de l’AME, mériteraient d’être encore plus affirmées ; d’autres, telle la politique de prévention, ne répondent pas, à ce jour, à nos inquiétudes.

Sous réserve du maintien des crédits de l’aide médicale de l’État, nous approuverons toutefois les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Stéphane Artano. Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le 19 septembre dernier, le Président de la République rappelait que notre système de santé constitue un pilier de notre République sociale et qu’il est l’une des meilleures concrétisations de la solidarité nationale.

La mission « Santé » s’inscrit dans cette volonté d’assurer un égal accès aux soins à l’ensemble de nos concitoyens et de corriger les inégalités.

Pour autant, si les crédits augmentent globalement de 3,4 %, je regrette que les moyens alloués au programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » diminuent d’un peu moins de 6 millions d’euros.

Certains me rétorqueront que c’est bien peu. Certes. Toutefois, comme l’avait souligné le Premier ministre lors de la présentation du plan « Priorité Prévention », « on meurt trop souvent trop jeune en France. Et une vraie politique de prévention permettrait de préserver près de 100 000 vies par an. » La prévention doit rester au cœur de notre politique de santé.

Aussi regrettons-nous, notamment, que les dépenses dédiées à la prévention des addictions connaissent une baisse de 13 %. La France est l’un des pays européens où les adolescents consomment le plus de produits stupéfiants : 80 % d’entre eux expérimentent plusieurs produits – tabac, alcool et cannabis –, selon les derniers chiffres de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

En revanche, je note avec satisfaction l’augmentation des crédits destinés à soutenir les actions en matière de lutte contre les infections par le VIH, les infections sexuellement transmissibles, les IST, et les hépatites, qui passent notamment par le renforcement du dépistage.

Selon le dernier bilan épidémiologique publié par Santé publique France, en 2017-2018, 28 % des personnes diagnostiquées pour une infection à VIH ont découvert leur séropositivité à un stade avancé et 49 % n’avaient jamais été testées auparavant. Ces chiffres soulignent l’importance du dépistage.

S’agissant de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, je ne peux que souscrire aux propos de notre rapporteure pour avis.

J’ai eu l’occasion de le rappeler lors du conseil d’administration de l’agence, la semaine dernière, il n’est pas certain que le maintien de la dotation de l’État à son niveau actuel permette à l’agence de faire face à ses nombreuses missions. Au-delà des missions déjà renforcées depuis 2016, le Sénat a formulé des demandes pour que l’agence investisse les champs suivants : l’accès rapide et sécurisé aux innovations thérapeutiques, la prévention et la gestion des ruptures d’approvisionnement de médicaments, son positionnement sur la recherche clinique.

Même si je reconnais que l’agence conserve une dotation identique à celle de 2018, qui avait été augmentée de 8 millions d’euros, vous comprendrez aisément, madame la ministre, ma crainte quant à sa capacité à faire face, dans de bonnes conditions, à ses missions essentielles et à leur potentiel élargissement.

Ma dernière observation porte sur l’AME, qui concentre 99 % des moyens alloués au programme « Protection maladie », avec 935 millions d’euros.

Cette année encore, la commission des finances nous demande de diminuer les crédits de l’AME de 300 millions d’euros. Cette proposition ne nous semble pas aller dans le bon sens, et ce pour plusieurs raisons.

L’AME se caractérise par une prévisibilité particulièrement complexe, dont découle une sous-budgétisation récurrente. Notre rapporteure pour avis l’a rappelé, réduire cette dépense n’est pas une solution satisfaisante : il faudra la prendre en charge d’une façon ou d’une autre.

L’accès pour tous à la santé, indépendamment du statut de la personne, relève d’une démarche humaniste, placée au cœur de notre pacte républicain. Refuser de soigner certaines personnes n’est pas envisageable !

L’AME, enfin, constitue une nécessité de santé publique pour éviter la propagation de maladies contagieuses.

La commission des finances nous propose également d’instaurer une franchise, comme cela existait avant 2012, pour réduire les dépenses et contrer des abus. Je rappellerai simplement qu’un rapport des inspections générales des affaires sociales et des finances avait jugé une telle mesure financièrement inadaptée, administrativement complexe et porteuse de risques sanitaires.

De plus, en matière de lutte contre la fraude, nous saluons déjà les efforts menés dans le contrôle de la résidence et dans l’identification et la condamnation des multi-hébergeurs.

À cela, madame la ministre, s’ajoute cette déclaration que vous avez faite : « En 2019, la centralisation de l’attribution des droits dans trois caisses primaires d’assurance maladie – Paris, Bobigny et Marseille – permettra un traitement plus homogène et un meilleur contrôle des demandes. »

Telles sont, madame la ministre, les quelques observations que je souhaitais formuler à l’occasion de la discussion générale sur cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, au début de l’automne, le Gouvernement a présenté le plan « Ma santé 2022 », visant à refonder le système de santé autour du patient. À l’image du plan Pauvreté, dont nous avons déjà parlé, cette réforme entend « prévenir » et « accompagner » : prévenir les situations à risques et accompagner les personnes pour éviter que les situations ne se reproduisent.

Je salue le cap choisi. Nous ne pouvons pas répondre aux enjeux de vieillissement de la population et de développement des maladies chroniques en gardant comme modèle le « tout-curatif ».

La France peut être fière de son système de santé, qui nous permet de jouir d’une des meilleures espérances de vie au monde : 79,5 ans pour les hommes et 85,4 ans pour les femmes. Mais il faut se pencher sur une autre statistique, qui classe notre pays dans la moyenne européenne, seulement, s’agissant de l’espérance de vie en bonne santé : 62,6 ans pour les hommes et 64,1 ans pour les femmes.

Nous pouvons en conclure que, si nous vivons plus longtemps, nous vivons aussi longtemps en mauvaise santé, notamment à partir du départ à la retraite. C’est d’autant plus vrai pour les femmes, qui vivent plus longtemps que les hommes, mais ne vivent pas, proportionnellement, plus longtemps en bonne santé.

Aussi, la prévention est plus que jamais une urgence pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens, mais aussi pour préserver nos dépenses publiques.

Cette ambition portée par Mme la ministre se retrouve-t-elle, par conséquent, dans la mission « Santé » du projet de loi de finances qui nous est présentée aujourd’hui ?

La mission « Santé », c’est 1,4 milliard d’euros de budget, réparti entre deux programmes : le programme 204 relatif à la prévention, la sécurité sanitaire et l’offre de soins, pour un tiers de l’enveloppe, et le programme 183 relatif à la protection maladie, qui récolte les deux tiers restants.

Si les crédits de la mission progressent globalement de 3,4 %, c’est exclusivement le fait de l’augmentation des moyens de l’aide médicale de l’État, dans le programme 183. À périmètre constant, les crédits du programme 204 diminuent même de 1 %.

Aussi, la politique de prévention de la santé devra composer avec 5,5 millions d’euros de moins que l’année passée, comme l’ont déjà relevé un certain nombre d’orateurs. Si la prévention est autant, voire davantage, affaire de changements de pratiques et de mentalité que de moyens financiers, une telle évolution peut être néanmoins regrettée.

Il est toutefois une évolution positive à noter : l’augmentation de plus de 2 millions d’euros des subventions versées à l’Agence nationale de santé publique, acteur majeur de la prévention.

Inversement, les sommes versées à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé se réduisent de 120 000 euros, après une augmentation salutaire l’année dernière. Je regrette que le Gouvernement ne maintienne pas l’effort, alors que l’agence doit gérer plusieurs crises sanitaires importantes : celle du Levothyrox, celle de la Dépakine ou encore la pénurie de médicaments. Les Français s’inquiètent de ce dernier point à raison, alimentant d’autant la défiance à l’égard de la médecine conventionnelle et des laboratoires.

Face à la pluralité de ses missions, il convient de donner à cette agence les moyens adéquats.

J’en viens maintenant au programme 183, « Protection maladie », qui concentre ses crédits sur l’aide médicale de l’État, l’AME.

Aussi certain qu’après le jour vient la nuit l’AME fait l’objet d’un débat animé à chaque projet de loi de finances. Il serait donc tentant de reprendre, à ce stade, les éléments de l’intervention que j’ai tenue l’an dernier, mais ce serait faire injure à notre assemblée, à nos concitoyens et au débat démocratique.

Je tiens à féliciter notre rapporteure pour avis, Corinne Imbert, pour sa prise de position digne et responsable sur le sujet, à laquelle je me rallie bien volontiers.

L’AME est une nécessité humanitaire, sanitaire et économique. À sa manière, elle participe à la politique publique de prévention sanitaire.

Nous pouvons regretter la difficulté rencontrée par l’État pour contenir sa dépense – qui a pratiquement doublé entre 2004 et 2017 –, ainsi, peut-être, que le manque de sincérité des gouvernements à budgétiser ce programme. Mais il serait vain de nous enfermer dans une forme de déni.

Les propositions de notre rapporteur spécial, Alain Joyandet, de réduire de 300 millions d’euros les crédits de l’AME et l’instauration d’un droit de timbre annuel pour accéder à cette aide ne me paraissent pas opportunes. Ce droit de timbre tendrait à créer une barrière dans l’accès aux soins, tandis que la menace de réduction des crédits affectés à l’AME n’est plus crédible. Sur ces points, les analyses diffèrent au sein du groupe centriste, je le regrette.

Je salue, enfin, la gestion de l’AME de droit commun par les caisses primaires d’assurance maladie de Paris, Bobigny et Marseille. Cet effort de mutualisation permettra des économies de gestion, mais également un renforcement du pilotage du dispositif et du contrôle des dossiers, tout en homogénéisant leur traitement.

Pour conclure, si, dans l’intention, le Gouvernement a fait de la prévention son mot d’ordre en matière de politique sanitaire et sociale, d’un point de vue budgétaire, les moyens restent un peu limités.

Ces quelques déceptions exprimées, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)