Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.

M. Maurice Antiste. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances remet en cause, dans son article 83, le dispositif de garantie de ressources pour les personnes les plus sévèrement handicapées, adopté en 2005.

Le Gouvernement entend ainsi rationaliser les prestations complémentaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, car la coexistence du complément de ressources – 179,31 euros par mois – et de la majoration pour la vie autonome – 104,77 euros par mois – nuirait à la lisibilité de l’AAH. Il estime donc que la fusion de ces deux compléments de ressources répond à une nécessaire simplification du dispositif et qu’elle permettra d’alléger les démarches des bénéficiaires de l’AAH.

Elle lui permettra également, toutefois, de les aligner sur la prestation la moins coûteuse, la majoration pour la vie autonome, par ailleurs elle-même soumise à la condition de percevoir une aide au logement. Le Gouvernement fera ainsi des économies de l’ordre de 75 euros à 179 euros par mois par personne concernée. À titre d’information, en décembre 2016, on comptait 152 883 bénéficiaires de la majoration pour la vie autonome et 68 118 bénéficiaires du complément de ressources.

Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, a exprimé son vif refus de cette mesure, rappelant que les deux compléments à l’AAH, s’ils ont effectivement des caractéristiques communes, ont également des motifs distincts : le complément de ressources a pour objectif de compenser l’absence durable de revenus d’activité des personnes qui sont dans l’incapacité de travailler, alors que la majoration pour la vie autonome favorise l’accès des personnes en situation de handicap à un logement autonome, sur la base d’un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 %.

Les dispositions de l’article 83 aggraveront dès lors l’insécurité financière à moyen terme des bénéficiaires de ces compléments. La pauvreté des personnes en situation de handicap, des bénéficiaires de l’AAH, d’une pension d’invalidité ou d’une rente, ou encore des travailleurs handicapés est une réalité prégnante sur laquelle je refuse de fermer les yeux.

C’est pourquoi je soutiendrai la demande de suppression de cet article.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° II-82 est présenté par MM. Bazin et Bocquet, au nom de la commission des finances.

L’amendement n° II-750 est présenté par MM. Tourenne, Antiste, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

L’amendement n° II-770 rectifié ter est présenté par MM. Corbisez, Artano et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-82.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Je ne reviendrai pas sur l’exposé général qui vient d’être excellemment fait par notre collègue. Je souligne simplement que le complément de ressources – 179 euros par mois – bénéficie tout de même à plus de 67 000 personnes et la majoration pour la vie autonome – 104 euros – à près de 150 000 personnes.

Le Gouvernement justifie la suppression du complément de ressources par le manque de lisibilité et de simplicité du dispositif, en raison de la coexistence de deux compléments aux modalités d’attribution proches.

Nous considérons que ces arguments ne sont pas recevables, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, ce complément de ressources constituait une avancée permise par la loi du 11 février 2005, laquelle avait mis en place une garantie de ressources pour les personnes les plus sévèrement handicapées.

Ensuite, bien que ces deux compléments de l’AAH partagent des similarités, ils ont des caractéristiques propres : le complément de ressources a pour objectif de compenser l’absence durable de revenus d’activité des personnes qui sont dans l’incapacité de travailler ; la majoration pour la vie autonome permet, quant à elle, de favoriser l’accès à un logement autonome.

Enfin le nombre de bénéficiaires – plus de 67 000, je le rappelle – du complément de ressources ne peut être considéré comme constitutif d’un surcroît de charge de travail pour les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui gèrent plus de 4 millions de demandes par an et traitent automatiquement et simultanément les demandes de complément de ressources et d’allocation aux adultes handicapés.

La suppression du complément de ressources priverait les bénéficiaires de celui-ci de 75 euros par mois dans le meilleur des cas, s’ils sont éligibles à la majoration pour la vie autonome, voire de 179 euros, s’ils n’y sont pas éligibles, par exemple parce qu’ils sont logés à titre gratuit.

Enfin, le régime qui nous est proposé créerait deux types de droit : tandis que les personnes déjà incluses dans le dispositif continueraient d’en bénéficier, celles qui n’y avaient pas recours jusqu’ici, pour diverses raisons, ne pourraient plus jamais y être intégrées.

Le Gouvernement affirme vouloir lutter contre le non-recours aux prestations, mais ce qu’il nous propose illustre le manque de cohérence de cette démarche. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 83.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° II-750.

M. Jean-Louis Tourenne. À l’appui de cet amendement identique au précédent, j’ajouterai simplement à la démonstration parfaite de M. Antiste que la suppression du complément de ressources entraînerait, entre autres conséquences insoupçonnées, la disparition de la garantie de ressources.

En effet, en plus d’augmenter les revenus des personnes handicapées au taux d’au moins 80 %, ce complément donne à chaque personne handicapée le droit d’avoir un revenu au moins équivalent à 998 euros. En supprimant le complément de ressources, on supprimerait cette garantie, ce qui ferait s’enfoncer davantage encore dans la pauvreté un certain nombre de nos concitoyens handicapés.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold, pour présenter l’amendement n° II-770 rectifié ter.

M. Éric Gold. L’article 83 remet en cause le dispositif du complément de ressources AAH adopté en 2005, qui garantit des ressources au niveau du seuil de pauvreté. La suppression de ce dispositif risque d’engendrer une perte de 75 à 179 euros par mois pour les personnes concernées.

Même si une mesure transitoire est prévue pour une durée de dix ans pour les bénéficiaires actuels, la disposition proposée sera source d’insécurité financière à moyen terme et créera une disparité de ressources entre les personnes en situation de handicap.

La pauvreté des personnes en situation de handicap est une réalité qu’on ne peut pas ignorer !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. L’article 83 du projet de loi de finances simplifie les compléments à l’allocation aux adultes handicapés en fusionnant les deux dispositifs actuels en un seul.

La coexistence de deux compléments visant le même objectif – soutenir l’autonomie des personnes dans le logement – est source de complexité et d’absence de lisibilité pour les bénéficiaires comme pour ceux qui les accompagnent.

La suppression du complément de ressources au profit de la majoration pour la vie autonome est une mesure de simplification importante, qui évitera de soumettre le demandeur à une double appréciation : de son taux d’incapacité permanente, d’une part, et de sa capacité minimale de travail, d’autre part. C’est pour arrêter de demander aux personnes d’apporter constamment la preuve de leur handicap que le Premier ministre a décidé, notamment, de rendre possible l’attribution des droits à vie, dans le cadre du dernier comité interministériel du handicap, le 25 octobre dernier.

À vrai dire, le maintien du complément de ressources est une survivance historique : il aurait dû disparaître avec la création, en 2005, de la prestation de compensation du handicap, la PCH. Destinée à soutenir l’autonomie des personnes handicapées à domicile, cette prestation bénéficie aujourd’hui à plus de 280 000 personnes, pour un montant de près de 2 milliards d’euros.

La suppression, à compter du 1er janvier 2020, du complément de ressources au profit de la majoration pour la vie autonome est organisée de manière à préserver strictement les droits des bénéficiaires actuels. Ils continueront d’en bénéficier, y compris lorsqu’ils formuleront une demande de renouvellement, pendant une durée de dix ans.

Au-delà de cette mesure, je veux rappeler que le Gouvernement soutient résolument l’autonomie dans le logement des personnes en situation de handicap, au travers notamment de l’habitat inclusif, auquel la loi ÉLAN, récemment adoptée, donne une définition législative. Son développement bénéficiera d’une enveloppe de 15 millions d’euros, financée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, dès l’année prochaine.

Enfin, nous entreprenons un travail, très attendu, de remise à plat de la prestation de compensation du handicap, dans le cadre de la conférence nationale du handicap 2018-2019 lancée lundi dernier, 3 décembre, journée internationale des personnes handicapées.

Respectueuse de la responsabilité particulière des départements dans ce domaine, j’ai confié le pilotage de ce chantier à Mme Marie-Pierre Martin, première vice-présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire. Vous pouvez compter sur ma détermination pour aboutir à de véritables réponses aux besoins des personnes en situation de handicap.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, dans la situation particulière où nous sommes, je dois dire qu’on en a vraiment assez, que les gens en ont assez, de cette communication gouvernementale qui privilégie toujours les raccourcis et les petits arrangements avec la vérité. Parce que les Français s’en rendent compte !

En l’occurrence, c’est typiquement de cela qu’il s’agit : on nous dit qu’on va augmenter l’AAH, alors que, en fait, il y a une fusion, que c’est bien plus compliqué et qu’il y aura des perdants.

De même, dans le plan Pauvreté, on nous annonce une augmentation importante du dispositif « Territoires zéro chômeur », mais, quand on regarde le budget, les crédits n’y sont pas.

Songeons aussi à la prime d’activité, la mesure sociale mise en avant par le Gouvernement : un coefficient de prise en compte des revenus limitera l’augmentation qu’on nous a annoncée.

Dernier exemple en date : on annonce l’augmentation du SMIC de 3 %, alors que la hausse réelle, automatique et liée à l’augmentation des prix, ne sera que de 1,7 %.

Les gens en ont assez, parce qu’ils finissent par se rendre compte de tout cela ! C’est ainsi que l’on brise le lien de confiance, en faisant toujours des raccourcis avec la vérité. C’est ainsi que les gens finissent par s’informer sur Facebook, où prospèrent les pires thèses conspirationnistes, parce qu’ils ne croient plus à la parole politique, plus à la parole gouvernementale !

M. Martin Lévrier. Cela fait longtemps…

Mme Sophie Taillé-Polian. Je voterai évidemment ces amendements, pour les raisons que mes collègues ont très bien expliquées, mais je tenais à lancer cet appel : trêve de mauvaise foi, parce qu’elle nous conduit, nous le voyons bien, à une situation sociale où le dialogue n’est plus possible avec le Gouvernement et les autorités ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Alain Joyandet. Ce n’est pas faux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Madame la secrétaire d’État, comment pouvez-vous affirmer que vous faites tout ce qui est possible pour l’inclusion des personnes handicapées dans le logement, quand une disposition de la loi ÉLAN réduit considérablement la proportion obligatoire de logements adaptés aux personnes handicapées ? Nous l’avons combattue, mais nous n’avons pas été entendus.

Nous le savons : s’il n’y a pas d’obligation dès le départ, les choses ne se feront pas. En effet, aménager des logements existants pour des personnes handicapées, compte tenu des mesures prises contre les organismes de logements sociaux, sera extrêmement compliqué. Sans obligation, il y aura moins de logements pour les personnes handicapées !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-82, II-750 et II-770 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 83 est supprimé.

Article 83
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article additionnel après l'article 83 - Amendement n° II-87 rectifié

Articles additionnels après l’article 83

Mme la présidente. L’amendement n° II-758, présenté par M. Tourenne, Mme Rossignol, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Van Heghe, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 83

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’avant-dernier alinéa du I de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … – à l’amende prévue à l’article 621-1 du code pénal. »

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. En application de l’article 4 de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, l’article 621-1 du code pénal dispose que l’outrage sexiste est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe et précise les circonstances aggravantes pour lesquelles il est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

Ce dispositif a vocation à réprimer le harcèlement dans l’espace public, c’est-à-dire un comportement qui contrevient à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la liberté de circulation des femmes. Il s’agit, in fine, de changer ce type de comportement.

Le présent amendement vise à assurer un suivi de ce dispositif dans le cadre du document de politique transversale relatif à la politique d’égalité femmes-hommes pour 2019. Ce travail de suivi complétera l’évaluation de la diffusion de la culture de l’égalité prévue par ce même document, ainsi que la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur, votre proposition est déjà satisfaite, dans la mesure où le suivi de la mise en œuvre du nouveau dispositif pénal est d’ores et déjà prévu. Dans le cadre du document de politique transversale, les contributions des ministères de l’intérieur et de la justice traiteront bien de cet aspect.

Le législateur a prévu qu’un rapport sur la politique publique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dont sont victimes les enfants, les femmes et les hommes serait élaboré. Ce rapport devra notamment récapituler, par ministère et pour le dernier exercice connu, l’ensemble des crédits affectés à cette politique publique, évaluer au regard des crédits affectés la pertinence des dispositifs de prévention et de répression de ces violences. Il comportera une présentation stratégique assortie d’objectifs et d’indicateurs de performance, une présentation des actions ainsi que des dépenses et des emplois avec une justification au premier euro.

Tous les éléments de ce rapport intégreront le document de politique transversale. Les contributions des ministères de l’intérieur et de la justice, notamment, seront attendues.

Je pense donc, monsieur le sénateur, que votre demande de suivi, tout à fait légitime, est satisfaite. Je sollicite le retrait de votre amendement et j’y serai défavorable s’il est maintenu.

Mme la présidente. Monsieur Tourenne, l’amendement n° II-758 est-il maintenu ?

M. Jean-Louis Tourenne. Une fois n’est pas coutume, madame la ministre, je vais vous faire confiance sur les orientations que vous avez présentées et l’ensemble des moyens qui seront mis en œuvre. Je retire donc l’amendement.

Article additionnel après l'article 83 - Amendement n° II-758
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 83 bis (nouveau)

Mme la présidente. L’amendement n° II-758 est retiré.

L’amendement n° II-87 rectifié, présenté par MM. Brisson, Bas et Dallier, Mmes Bonfanti-Dossat et Noël, MM. Frassa et Cardoux, Mme Gruny, M. Courtial, Mmes Bruguière et Di Folco, M. Savary, Mmes Boulay-Espéronnier et Lanfranchi Dorgal, MM. Bonne, Cuypers et Schmitz, Mmes Imbert, L. Darcos et Deromedi, MM. Pellevat, Karoutchi, Pierre, Vogel, Gremillet, Genest, Darnaud, D. Laurent, Mandelli et Rapin, Mme Keller et MM. Le Gleut, Bonhomme, Laménie et de Nicolaÿ, est ainsi libellé :

Après l’article 83

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les groupements d’intérêt public maison départementale des personnes handicapées, issus de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, sont exonérés de la taxe sur les salaires.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par une majoration des taux des prélèvements sur les jeux et paris mentionnés aux articles 302 bis ZH, 302 bis ZI et 302 bis ZK du code général des impôts.

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Peu de temps après leur création, voilà douze ans, nombre de maisons départementales des personnes handicapées, ou MDPH, ont vu leur structure de personnel déstabilisée du fait du choix laissé aux agents de l’État de ne pas rejoindre leur nouvelle affectation en MDPH, mais de regagner leur administration d’origine.

L’État n’ayant pas toujours été en mesure de remplacer physiquement les intéressés, les MDPH ont dû pourvoir aux vacances par le recrutement d’agents contractuels. Afin de ne pas augmenter le nombre d’agents, certains départements ont confié des ressources financières aux groupements d’intérêt public MDPH, les GIP MDPH, pour qu’ils procèdent au recrutement des agents supplémentaires ou remplaçants nécessaires. Ainsi, de 2014 à 2016, les dépenses de personnel réglées directement par les MDPH ont crû de 12,4 %.

Or, contrairement aux collectivités territoriales et à leurs régies, les GIP MDPH employeurs ne sont pas exonérés de taxe sur les salaires ; ils sont soumis, dans ce domaine, au même régime que les entreprises privées.

Le présent amendement vise à les exonérer de cette taxe, afin de préserver leur situation financière fragile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Nous partageons l’inquiétude de notre collègue Max Brisson quant aux difficultés auxquelles doivent faire face les MDPH. On a précédemment évoqué le nombre considérable de décisions que ces structures sont amenées à prendre chaque année.

Toutefois, instaurer une exonération pour les groupements d’intérêt public MDPH ne nous paraît pas justifié, car ces établissements dotés de la personnalité morale relèvent de la catégorie des établissements redevables de la taxe sur les salaires, comme les établissements publics ou les organismes médico-sociaux.

Par ailleurs, cette exemption aurait un coût non négligeable sur les finances de l’État, et vous connaissez la vigilance de la commission des finances en la matière.

L’avis sur l’amendement est donc défavorable.

En revanche, nous souhaitons interroger Mme la secrétaire d’État sur les mesures mises en œuvre par le Gouvernement pour soulager le fonctionnement des MDPH, dont certaines sont en grande difficulté.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, c’est à titre personnel que je prends la parole. Je soutiens cet amendement d’appel portant sur une piste sérieuse, dont le groupe CRCE partage la philosophie. Nous prônons même une exonération de taxe sur les salaires généralisée aux établissements de santé, les hôpitaux, dont on connaît les difficultés financières.

Évidemment, on nous objectera le coût de cette mesure, mais, en face des coûts, il y a toujours des choix à faire. Aujourd’hui, c’est l’heure des choix.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Si je comprends bien les préoccupations qui inspirent cet amendement, je ne puis toutefois lui donner un avis favorable, car accorder une exonération de taxe sur les salaires aux seuls GIP MDPH employeurs serait contraire au principe d’égalité devant la loi et susciterait des demandes tout aussi légitimes de la part d’autres structures du secteur médico-social.

Si les collectivités territoriales, leurs régies personnalisées et leurs groupements sont expressément exonérés de taxe sur les salaires, les groupements d’intérêt public ne constituent pas des structures bénéficiant d’une exonération. Ainsi, comme tous les groupements d’employeurs, les GIP MDPH sont redevables de la taxe sur les salaires pour leurs personnels contractuels si moins de 90 % de leurs recettes ont été soumises à la TVA au titre de l’année précédente. En revanche, la taxe sur les salaires ne s’applique pas aux rémunérations des personnels de l’État ou des collectivités territoriales mis à leur disposition et qui restent rémunérés par leur administration ou leur collectivité.

Réserver une exonération de taxe sur les salaires aux GIP MDPH poserait une difficulté sur le plan du principe d’égalité devant la loi. En effet, ces structures ne sont pas les seules du secteur médico-social et ne sont pas placées dans une situation différente des autres personnes morales chargées de la gestion d’un service public dans le domaine social. Cette mesure, si elle était adoptée, susciterait donc des demandes également justifiées de la part des autres acteurs du secteur médico-social, auxquelles il serait très difficile de ne pas donner une suite favorable. Il en résulterait un coût pour le budget de la sécurité sociale, auquel la taxe sur les salaires est intégralement affectée.

Plus largement, monsieur le rapporteur spécial, il est très important que nous puissions simplifier la vie des maisons départementales des personnes handicapées. Cette simplification et les droits à vie allégeront la charge des personnels.

Par ailleurs, je tiens à vous signaler que, parmi les cinq chantiers que nous avons ouverts lors de la conférence nationale du handicap, il y a celui de la gouvernance et du fonctionnement des MDPH. Très attendu, ce chantier sera collégialement mené par les départements et l’État, afin de faire évoluer des groupements d’intérêt public créés en 2005 et dont la composition actuelle ne correspond plus exactement aux besoins ni aux réorganisations que nous souhaitons pour les MDPH. Il faut que ces structures travaillent vraiment aux orientations et aux accompagnements des personnes, ce qu’elles feront d’autant mieux si nous libérons du temps grâce à la simplification.

Monsieur le rapporteur spécial, vous pouvez compter sur moi pour tenir régulièrement le Sénat informé de l’avancée de ce chantier.

S’agissant de l’amendement, j’en sollicite le retrait ; j’y serai défavorable s’il est maintenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Quand j’entends Mme la secrétaire d’État parler de simplification, je tremble… Je tremble, parce que, en règle générale, cela se traduit par des amputations.

Sur la proposition d’exonérer les MDPH, je suis un peu partagé. En effet, d’exonération en exonération, on finit par inventer l’éternité, puisqu’on ne revient jamais sur une niche fiscale : quelles que soient les belles déclarations, les bonnes intentions, on n’arrive pas à changer les choses, parce qu’on a créé une sorte de droit acquis et que ceux à qui on voudrait retirer cet avantage manient immédiatement la menace.

En l’occurrence, si les MDPH ont des difficultés, ce n’est pas lié simplement à la taxe sur les salaires. C’est lié au fait que l’État n’a pas revalorisé régulièrement sa participation, à tel point que, aujourd’hui, ces structures sont majoritairement financées par les départements, qui n’ont cessé de voir leurs charges augmenter.

Je tremble aussi quand Mme la secrétaire d’État annonce qu’on va réorienter les objectifs des départements, alors que l’État n’assure pratiquement plus le fonctionnement des MDPH, ou seulement une part infime de celui-ci. À une exonération, je préférerais l’engagement de l’État d’apporter une juste contribution au fonctionnement de ces établissements !

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous demande d’être synthétiques dans vos interventions, car il nous reste peu de temps pour examiner les derniers amendements de cette mission.

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la secrétaire d’État, votre explication ne tient pas en ce qui concerne le personnel de l’État qui n’est plus transféré aux MDPH à terme. Cette situation oblige les MDPH à payer du personnel de remplacement, pour lequel il faudrait, en effet, prévoir une exonération de taxe sur les salaires.

C’est la double peine pour les MDPH : l’État fait des économies en ne leur transférant pas de personnel, et elles doivent lui verser une taxe sur les salaires !

Comme le budget des MDPH doit être équilibré, qui paie le déséquilibre engendré par cette non-compensation du personnel ? Les départements, qui font face ainsi à une double charge.

C’est pourquoi l’exonération proposée serait intéressante, en ce qui concerne le personnel normalement mis à disposition par l’État, mais qui, au fil du temps, ne l’est plus – ce qui représente seulement quelques personnes.

N’oublions pas que ce sont les départements qui en ont la responsabilité et qui participent aujourd’hui plus que la CNSA au budget de fonctionnement des MDPH. La solution de simplicité, madame la secrétaire d’État, c’est de faire confiance aux départements : confiez-leur la gestion entière de ce dispositif, à eux qui gèrent déjà les personnes âgées, les personnes en insertion et la politique familiale.

Faites davantage confiance aux départements, en leur donnant les moyens nécessaires, et vous verrez que les choses se passeront beaucoup mieux, beaucoup plus simplement, avec des réponses beaucoup plus rapides et adaptées aux territoires ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Faire confiance aux départements, je ne puis qu’applaudir à cette idée. Mais à la condition qu’on leur donne les moyens ! Or ce n’est pas ce que fait le Gouvernement, ni, hélas, ce qu’on fait les gouvernements précédents. Les collectivités territoriales ont été particulièrement étranglées et continuent de l’être, y compris au travers d’une remise en cause de leurs compétences.

Je trouve que la suppression de la taxe sur les salaires pour ces établissements est une idée intéressante. Comme Éric Bocquet l’a souligné, nous avons abordé cette question à plusieurs reprises, notamment lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale à propos des hôpitaux publics.

À cet égard, je rappelle à Mme la ministre de la santé ce qu’elle a dit devant notre Haute Assemblée : un travail sera mené sur la question de la taxe sur les salaires en ce qui concerne les hôpitaux publics. À la suite de cette annonce, j’avais retiré un de mes amendements. Je reste très intéressée et vigilante sur le travail qui sera mené au sujet de ce qui me paraît être une des solutions à envisager.