M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.

M. Patrice Joly. Le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » a pour objectif, cela a été rappelé, de proposer de manière exhaustive à tous les demandeurs d’emploi de longue durée, présents depuis plus de six mois dans un territoire donné, un emploi à durée indéterminée – c’est un point important –, adapté à leur savoir-faire – autre caractéristique particulière pour un dispositif d’insertion.

Comme dans neuf autres territoires, cette expérimentation est menée dans la Nièvre, sur un espace comprenant 4 000 habitants, depuis maintenant un an et demi.

Dans ces territoires, les salariés ne sont pas recrutés, mais embauchés en CDI, ce qui change tout. À ce jour, dans la Nièvre, nous dénombrons 90 personnes embauchées par l’entreprise à but d’emploi existante et 60 autres en attente de l’être, soit par cette EBE, soit par une deuxième EBE qui serait créée à cet effet, avec les partenaires de l’économie sociale et solidaire.

Dans le cadre de cette expérimentation, ce sont des services et des prestations qui sont offerts à l’agriculture dans des secteurs d’emplois difficiles à pourvoir – je pense, en particulier, aux saisonniers. Ce sont également des services mis à disposition des personnes, notamment des personnes âgées, qui jusque-là n’étaient pas rendus, notamment parce que la demande sociale était peu, voire très peu solvable.

L’expérimentation permet aussi d’offrir des perspectives aux salariés, qui peuvent se projeter en matière de logement, en matière d’investissement dans un véhicule, leur permettant d’avoir accès à la mobilité. Aujourd’hui, l’immobilier vacant a presque disparu sur ce territoire, des travaux sont réalisés et l’emploi dans le secteur de l’artisanat et du commerce se développe.

On peut donc parler d’une sorte de dynamique vertueuse qui s’est engagée.

De plus – et ce n’est pas le moindre des aspects –, sur le plan humain, des hommes et des femmes relèvent la tête, participent à la vie de la cité, dans des associations, à l’occasion d’événements, etc. Ils ont retrouvé leur dignité !

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette expérimentation est un vrai succès dans mon département, mais également, pour ce que j’en sais, dans les autres territoires où elle est menée. Il importe donc qu’elle perdure et qu’elle puisse être déclinée ailleurs.

On nous annonce un périmètre de 40 territoires ; il faut les moyens correspondants ! C’est pourquoi je figure parmi les cosignataires de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Je me félicite de tous les arguments qui sont avancés, aujourd’hui, pour mettre en valeur cette expérimentation. Je fais partie, comme je l’ai indiqué précédemment, de ceux qui espèrent une issue favorable pour la pérennisation de ce dispositif.

Néanmoins – je le vois de près, pour disposer d’une expérimentation dans mon département et siéger au conseil d’administration du fonds –, nous avons besoin de temps pour nous assurer que cette pérennisation est possible.

Les emplois créés, je le rappelle, sont des CDI. Qui dit CDI, dit pérennisation de l’expérimentation et nécessité que les entreprises développent un vrai modèle économique pour permettre le suivi. C’est un point essentiel !

Or ce n’est pas en dix-huit mois qu’une entreprise peut être certaine d’asseoir définitivement sa capacité réelle à perdurer, dans le cadre de la mise en place d’un nouveau modèle économique concernant, en outre, une niche particulière, puisque ces emplois ne sont pas concurrentiels.

L’exercice est donc un peu complexe et, au-delà des effets d’annonce, je crois nécessaire de prendre du temps pour évaluer ces questions de la pérennité et du suivi. Le délai écoulé de l’expérimentation est trop court, aujourd’hui, pour envisager une généralisation. C’est prématuré ! Développons, déjà, le champ de l’expérimentation.

J’évoquerai aussi le volet financier, toujours en ma qualité de membre du conseil d’administration du fonds. Je me demande si, aujourd’hui, le besoin réel n’est pas, plutôt que de doubler les montants financiers, d’apporter de la souplesse administrative dans la gestion de ce fonds…

Les difficultés rencontrées actuellement sont des difficultés de trésorerie, d’affectation réelle des crédits à la gestion du fonds, puis, ensuite, à celle des entreprises. L’expérimentation vaut donc pour ceux qui soutiennent l’entreprise, mais aussi pour l’administration, qui doit faire preuve de souplesse dans la gestion et dans l’accompagnement de ce projet.

Je terminerai mon intervention par une petite remarque de forme. Madame Taillé-Polian, dans le cadre de vos interventions, êtes-vous rapporteur à la fois de la commission et du groupe socialiste et républicain ? Cette précision sera bienvenue.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. Sachez, monsieur Mouiller, que M. Capus et moi-même nous sommes répartis les tâches. Je donnerai l’avis de la commission des finances, lorsque celui-ci sera favorable. Il l’est rarement, et je le regrette.

En outre, le fait d’être rapporteur ne prive pas de la possibilité d’exprimer une position personnelle, ce que je fais. Et c’est, je pense, ce que vous feriez si vous étiez à ma place.

M. Philippe Mouiller. Je n’en suis pas sûr !

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. Cela dit, il est extrêmement important, dans l’évaluation à venir, de considérer l’impact global en termes de dynamique économique sur l’ensemble du territoire. C’est effectivement un point saillant de ces projets : ils bénéficient, non seulement aux personnes qui sont en situation d’être embauchées par les EBE, mais aussi au territoire entier, en redonnant du pouvoir d’achat à un certain nombre d’habitants et, donc, en redynamisant le tissu économique. Il faudra être attentif à cet aspect.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-540 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques.

L’amendement n° II-69 est présenté par M. Capus et Mme Taillé-Polian, au nom de la commission des finances.

L’amendement n° II-408 rectifié est présenté par MM. Lefèvre et Husson.

L’amendement n° II-430 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Collin, Corbisez et Gabouty, Mme Jouve et M. Requier.

L’amendement n° II-489 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° II-494 est présenté par Mme Schillinger.

L’amendement n° II-526 rectifié est présenté par M. Henno, Mme Létard, M. Delcros, Mme Vullien, MM. Kern, Vanlerenberghe et Janssens, Mme Sollogoub et M. Moga.

L’amendement n° II-543 rectifié est présenté par Mmes Féret et Van Heghe, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, MM. Tourenne, Houllegatte, Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel et Raynal, Mme G. Jourda, M. Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Ces sept amendements sont ainsi libellés :

I. – Créer le programme :

Maisons de l’emploi

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

 

10 000 000

 

10 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

 

 

 

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

 

 

 

 

Maisons de l’emploi

10 000 000

 

10 000 000

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-69.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Je vais essayer d’être bref, puisque sept amendements identiques ont été présentés sur le sujet.

Nous avons eu ce même débat l’an dernier, madame la ministre. Les crédits des maisons de l’emploi avaient été réduits à 12 millions d’euros et nous avions dit que ces 12 millions d’euros devaient être concentrés sur les maisons qui fonctionnaient bien.

Entre-temps, ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même avons réalisé une mission de contrôle budgétaire. Nous en concluons – en tout cas, c’était l’avis de l’ensemble des acteurs que nous avons auditionnés – un bilan globalement positif de ces maisons de l’emploi, celles qui existent encore. Elles ont su trouver leur place ; elles fédèrent les démarches engagées par tous les acteurs du secteur de l’emploi et présentent des spécificités, notamment en termes de clauses sociales et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC.

À l’Assemblée nationale, à la suite du dépôt d’un amendement par notre homologue rapporteur spécial, a été votée la réouverture d’un crédit de 5 millions d’euros pour les maisons de l’emploi, alors que rien n’était prévu dans le projet de loi de finances initiale.

La commission des finances du Sénat et ses deux rapporteurs spéciaux estiment que l’on pourrait porter ce budget à 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. C’est ce que nous proposons ici.

En toute vraisemblance, les crédits consacrés à la garantie jeunes ne seront pas intégralement consommés et il existe sans doute une réserve – pas de 20 millions d’euros, pas de 18 millions d’euros – de 5 millions d’euros, qui permettrait de créer un programme ad hoc.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour présenter l’amendement n° II-408 rectifié.

M. Antoine Lefèvre. Cet amendement est identique à celui qui a été présenté par les deux rapporteurs spéciaux de la commission des finances, qui ont justement rappelé, dans leurs interventions, l’utilité des actions des maisons de l’emploi et de la formation.

Plusieurs collègues se sont également exprimés pour défendre le rôle de ces maisons de l’emploi et de la formation dans notre maillage territorial. L’État, en abandonnant ces structures, laisse les collectivités se débrouiller avec cette mission, si essentielle, que représente l’insertion professionnelle des jeunes.

Cet abandon des maisons de l’emploi et de la formation est d’autant plus incompréhensible que le Président de la République s’est engagé à multiplier par cinq l’accueil des jeunes dans le cadre du plan Pauvreté présenté voilà deux mois.

Les maisons de l’emploi n’ont pas des missions redondantes. Bien au contraire, elles apportent un éclairage supplémentaire et leur objet social est unique : accompagner, notamment dans les zones rurales, dont nous avons beaucoup entendu parler ces temps-ci, des populations en situation de difficultés chroniques et qui peinent à revenir sur le marché, quand ce n’est pas, juste, à y venir !

Il est indispensable de donner aux maisons de l’emploi les moyens de poursuivre leur mission de proximité au service de nos territoires. C’est ce que permettrait l’adoption de cet amendement !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° II-430 rectifié.

Mme Nathalie Delattre. Depuis un an, madame le ministre, je vous demande audience en tant que présidente des maisons de l’emploi, pour vous parler de cet outil, né des territoires, de la volonté d’élus qui œuvrent pour l’emploi et l’insertion.

Depuis 2005, date de leur création par Jean-Louis Borloo, les maisons de l’emploi ont adapté leurs missions aux évolutions des territoires et des besoins sociétaux, en lien avec chaque ministre successif du travail et de l’emploi.

Aujourd’hui, elles sont au nombre de 106 et emploient 1 200 collaborateurs, que je défendrai bec et ongles.

Toutes ont une spécificité, au cœur de leur mission principale de gestion prévisionnelle des compétences : création d’entreprise et bâtiment à Bordeaux, formation transfrontalière à Strasbourg, accompagnement des TPE dans leur recrutement et ressources humaines à Brest, outils numériques à Roubaix… Je ne passerai pas en revue les 106 maisons de l’emploi !

Ces dernières, comme je l’indiquais au cours de la discussion générale, sont soutenues par 15 000 communes et plus de 1,5 million d’entreprises. Elles sont aussi le support de clauses d’insertion, ce dispositif selon lequel 72 % des personnes les plus éloignées de l’emploi restent en CDI après dix-huit mois de contrat. C’est le dispositif le plus évalué, et toujours positivement !

Cet outil est pertinent et remplit sa part de contrat ; l’État, lui, ne remplit presque plus la sienne. Nous passons de 82 millions d’euros en 2005 à 5 millions d’euros en 2019. C’est incompréhensible pour les élus de terrain, qui voient, sur un dossier supplémentaire, le désengagement de l’État, le mépris pour un outil auquel ils sont attachés.

Le Sénat se mobilise, sur toutes les travées, pour vous demander des crédits supplémentaires. Merci de l’entendre, madame la ministre. (MM. Antoine Lefèvre et Philippe Mouiller applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° II-489.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement a pour objet de rétablir les financements à destination des maisons de l’emploi, qu’il était prévu de supprimer dans ce budget pour 2019.

Les maisons de l’emploi permettent de faire le lien entre les différents partenaires publics et privés, d’élaborer une stratégie au niveau local et de développer l’emploi.

Le retrait des financements de l’État est particulièrement dommageable pour les collectivités qui sont dans une situation financière difficile, car elles ne pourront plus financer ces maisons de l’emploi. Cette mesure aggravera donc les inégalités territoriales. C’est la double peine pour les habitants de ces territoires, privés d’emploi et de structures d’accès à l’emploi !

Vous le savez, mes chers collègues, notre pays connaît un taux de chômage élevé, puisqu’il s’établit à 9 % – 11,7 % dans ma région, les Hauts-de-France, dont le taux de pauvreté atteint 18 %, plus de 20 % dans mon département du Pas-de-Calais.

Pourtant, ce projet de loi de finances organise un recul global du service public de l’emploi, et un certain nombre d’opérateurs essentiels à l’insertion dans l’emploi et à la formation professionnelle voient leur financement diminuer, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises. Citons Pôle emploi, l’inspection du travail, l’AFPA, qui voient aussi leurs effectifs se réduire, alors que, dans le même temps, la liste de leurs missions s’allonge.

Nous nous opposons à cette politique par laquelle l’État se désengage des initiatives en faveur de l’emploi. Il est nécessaire de maintenir un service public de l’emploi de proximité accessible à tous, pour tous, sur tout le territoire.

Pour ces raisons, nous proposons de rétablir les financements des maisons de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Victoire Jasmin se joint à ces applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° II-494.

Mme Patricia Schillinger. Mes chers collègues, j’ai déposé un amendement identique pour que le budget de notre nation continue d’apporter un soutien important à l’activité indispensable des maisons de l’emploi sur nos territoires.

Dans mon département, notamment, je tiens à souligner le dynamisme dont fait preuve la maison de l’emploi et de la formation de Mulhouse sud-Alsace pour répondre aux besoins des entreprises et des actifs et contribuer à la lutte contre le chômage. Qu’il s’agisse de l’anticipation des mutations économiques, du développement de l’emploi local, de l’orientation ou de la mise en œuvre du plan local pour l’insertion et l’emploi, ou PLIE, les équipes sont toujours à pied d’œuvre.

Ainsi, sur mon territoire, les maisons de l’emploi ont largement contribué au succès des clauses sociales d’insertion dans les marchés publics. Elles ont également œuvré au développement de l’emploi et de l’apprentissage transfrontaliers. Enfin, je mentionnerai une implication dans le travail de fond sur la promotion des mobilités professionnelles pour tous les actifs, dans la droite ligne de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que nous avons adoptée cette année.

Ce réseau mérite donc tout notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° II-526 rectifié.

M. Olivier Henno. Cet amendement a été défendu.

J’ajouterai juste quelques remarques complémentaires.

Lorsque Jean-Louis Borloo a créé les maisons de l’emploi dans le cadre du plan de cohésion sociale, l’objectif était double : il s’agissait d’introduire des complémentarités et, surtout, une notion de gouvernance territoriale dans le service de l’emploi.

Dans un monde idéal, si le service public de l’emploi fonctionnait très bien, nous n’aurions plus besoin de maisons de l’emploi…

Commençons donc par introduire dans le service public de l’emploi et, particulièrement, dans le fonctionnement de Pôle emploi, plus de gouvernance territoriale avant de nous interroger sur la pertinence du maintien des maisons de l’emploi.

Dans la vie réelle, les maisons de l’emploi sont encore utiles dans un certain nombre de territoires. Certes, le dispositif est très disparate, mais il rend des services très pertinents. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Nathalie Delattre se joint à ces applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° II-543 rectifié.

Mme Corinne Féret. À mon tour, madame la ministre, d’apporter quelques éléments pour appuyer ces amendements…

Entre les fermetures de sites de l’AFPA, la fusion des missions locales avec Pôle emploi et le désengagement de l’État dans les maisons de l’emploi, c’est tout le service public de la formation et de l’emploi dans nos territoires qui est rogné ! Or nous avons besoin de structures de proximité.

Cette réduction du périmètre et de l’efficacité des structures territoriales publiques de l’emploi inquiète fortement les élus locaux impliqués dans cette politique publique de toute première importance pour nos concitoyens.

Je pense en particulier, sur mon territoire, à la maison de l’emploi et de la formation de l’agglomération caennaise, la MEFAC. Je pense à sa présidente, pour qui le changement d’échelle entraîné par le plan d’investissement compétences, le PIC ne pourra se faire sans l’implication et la mobilisation des plateformes locales d’animation et d’ingénierie que sont les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi et les maisons de l’emploi.

Dans le même esprit, le rapport de la mission d’information du Sénat relative aux maisons de l’emploi a conclu à un bilan gain-efficacité négatif, en cas de retrait complet de l’État du financement des maisons de l’emploi.

Certes, l’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à augmenter de 5 millions d’euros la ligne budgétaire concernée, mais c’est totalement insuffisant à nos yeux ! le présent amendement vise donc à augmenter, à hauteur de 10 millions d’euros, cette ligne budgétaire pour 2019.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Au moment de la création des maisons de l’emploi, le service public de l’emploi, tel qu’il a ensuite été conçu, n’existait pas. C’est la raison pour laquelle tous les gouvernements précédents, de tous les bords, ont fortement réduit les subventions aux maisons de l’emploi. De 2009 à 2017, année après année, on a fait baisser le budget de 75 %.

Par ailleurs, de nombreux élus locaux ont fait évoluer les maisons de l’emploi, au travers, notamment, de rapprochements avec les maisons de services au public qui gèrent les PLIE ou les missions locales. Plusieurs d’entre eux nous ont indiqué qu’ils souhaitaient poursuivre dans cette voie.

Comme cela a été évoqué, si nous procédons à des rapprochements – à ce titre, je ne sais pas combien de fois il va falloir dire qu’aucune fusion n’est envisagée entre les missions locales et Pôle emploi –, avec des gouvernances mieux partagées, cela peut être l’occasion d’un travail commun.

La multiplication des structures au plan local n’est pas forcément un gage d’efficacité. Il faut, en revanche, une coopération très étroite entre les structures, sans quoi on a de la perte en ligne. Souvent, les maisons de l’emploi suppléent à une coordination qui n’est pas faite par ailleurs.

Mme Nathalie Delattre. Mais 15 000 communes les soutiennent !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il vaut peut-être mieux que les organismes se coordonnent, plutôt que de prévoir une strate supplémentaire pour assurer cette coordination.

Nous avions déjà annoncé, l’an dernier, que l’État ne continuerait pas à financer les maisons de l’emploi. Cela a été dit, le nombre de territoires concernés est assez faible et chaque structure vise des objectifs très différents. On ne peut donc pas parler, en dépit d’une même appellation, d’une véritable politique nationale.

En revanche, nous estimons que, selon les objectifs, des accompagnements s’imposent.

Les maisons de l’emploi, je le rappelle, sont éligibles au Fonds social européen, le FSE.

Par ailleurs, elles peuvent postuler aux dispositifs liés à la GPEC, domaine dans lequel nous disposons de financements importants. Un bon nombre d’entre elles mènent effectivement des projets de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences à l’échelle d’un bassin d’emploi, ce qui me semble très pertinent et ne supplée pas à ce que d’autres font.

Nous avions annoncé l’année dernière que l’État ne financerait plus les maisons de l’emploi. De fait, l’Assemblée nationale a adopté un amendement, sur lequel je me suis prononcée favorablement, visant à augmenter de 5 millions d’euros les crédits qui leur sont dédiés. C’est pourquoi je regrette de devoir émettre un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. Au nom de la commission, j’insiste une nouvelle fois sur l’ensemble de ces amendements identiques.

Nous l’avons bien noté, la diminution des crédits, progressive, mais importante, jusqu’à leur extinction, ne date pas d’hier. À mesure que ces crédits se raréfiaient, un certain nombre de réorganisations, de fusions, ont eu lieu. On a même assisté à la disparition de certaines maisons de l’emploi qui, aux yeux des élus des territoires, n’avaient pas forcément rempli leurs objectifs ou trouvé leur place.

Il n’en demeure pas moins que ces structures existent toujours, qu’elles ont démontré leur capacité à créer des dynamiques et à les agréger autour d’elles, à susciter des échanges au sein des territoires. Parce qu’elles sont pilotées par des élus locaux, il paraît difficile d’imaginer que Pôle emploi, compte tenu de son mode de gouvernance, puisse prendre leur relais.

Nous préconisons effectivement de maintenir un financement suffisant pour assurer la pérennité des maisons de l’emploi encore en service, qui ont prouvé leur utilité sur les territoires où elles sont implantées. Et je ne parle pas seulement des financements aux projets, lesquels tendent à fragiliser les structures et à faire supporter la charge par les collectivités locales, qui, comme chacun le sait ici, ont déjà beaucoup à faire pour maintenir les politiques publiques locales.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Je connais bien ces maisons de l’emploi pour avoir présidé le conseil général de la Vienne.

Créées à la suite du plan Borloo, lorsque celui-ci était ministre de Nicolas Sarkozy, elles disposaient alors de crédits de fonctionnement très importants. On m’a proposé de construire une maison de l’emploi à Poitiers. Or j’ai préféré une répartition des crédits sur tout le territoire de façon que chacun puisse y accéder.

Après l’élection de François Hollande, le préfet m’a convoqué pour me dire que l’État ne financerait plus les maisons de l’emploi, parce que la politique désormais menée était différente et que financer ces structures n’était plus intéressant. C’est la vérité pure !

Après avoir assuré dans un premier temps des permanences, Pôle emploi y a mis fin. Du coup, il a fallu se battre, taper du poing sur la table comme on sait le faire quand on est élu. Le préfet m’a alors invité à créer une maison de services au public, s’engageant à nous aider un peu pour ce faire.

Nous avons donc créé cette maison de services au public, avec des financements du département et, dans une moindre mesure, de la région dans le cadre du contrat de territoire. Après la disparition progressive de ces contrats, ces financements ont pris fin et c’est désormais le département qui met ses personnels à disposition pour accueillir le public.

Ce système des maisons de l’emploi fonctionnait bien, mais de nombreux départements n’ont pas pu en bénéficier en raison de la rupture intervenue avant l’arrivée au pouvoir du président Macron. C’est pourquoi ces crédits sont importants.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-69, II-408 rectifié, II-430 rectifié et II-489, II-494, II-526 rectifié et II-543 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° II-544 rectifié, présenté par Mmes Féret, Van Heghe et Taillé-Polian, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, MM. Tourenne, Houllegatte, Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel et Raynal, Mme G. Jourda, M. Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

8 250 000

 

8 250 000

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

8 250 000

 

8 250 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

8 250 000

8 250 000

8 250 000

8 250 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Le budget global des missions locales pour 2019 est en baisse de 8,25 millions d’euros par rapport à 2018 dans le cadre des conventions pluriannuelles d’objectifs.

Cette réduction budgétaire est en contradiction avec les annonces du Président de la République qui placent les missions locales au cœur du plan de lutte contre la pauvreté des jeunes.

Ainsi le plan Pauvreté vise-t-il un quintuplement du nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes. Or le présent projet de loi de finances ne fixe comme objectif que 100 000 nouveaux jeunes entrants pour 2019, ce qui est notoirement insuffisant et en contradiction avec l’affichage du Gouvernement. Il convient donc de renforcer la capacité d’accompagnement des jeunes en difficulté par les missions locales, parce que la garantie jeunes ne se résume pas à une simple allocation, mais intègre un volet accompagnement. C’est d’ailleurs ce qui a fait le succès et l’efficacité de ce dispositif.

S’il est bien prévu une augmentation de 40,4 millions d’euros des crédits du financement de l’allocation stricto sensu de la garantie jeunes, d’abord, celle-ci est liée à la capacité des missions locales de répondre à des appels à projets dans le cadre du Fonds social européen, et, ensuite, rien n’est prévu en matière d’accompagnement de ces jeunes par les missions locales.

Pis, les crédits dédiés à l’accompagnement de tous les jeunes, hors garantie jeunes donc, soit tout de même 86,4 % des jeunes, diminuent fortement, ce qui remet en cause la capacité d’information, d’orientation pour une prise en charge la plus adaptée et l’accompagnement de l’ensemble des jeunes en difficulté d’insertion professionnelle. Ce à quoi il convient d’ajouter une perte de 250 équivalents temps plein.

Le Gouvernement se prive ainsi d’une réelle capacité à lutter contre les 20 % de jeunes non diplômés qui vivent sous le seuil de pauvreté et dont le taux de chômage atteint 56 %.

Nous vous demandons, madame la ministre, de la cohérence dans votre politique et de sortir des effets d’annonce en maintenant le financement des missions locales à son niveau de 2018, et ce afin de préserver leur capacité d’agir en direction de tous les jeunes qui en ont besoin.