M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (Mme Patricia Schillinger, ainsi que MM. Julien Bargeton et Bernard Buis applaudissent.)

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le développement de l’activité et de l’emploi est au cœur des préoccupations du Gouvernement et de la majorité.

Depuis un an, les résultats sont encourageants : baisse de 1,2 % du nombre de chômeurs inscrits en catégorie A et augmentation du taux d’activité, qui s’établit à 72 %.

La diminution des crédits de la mission « Travail et emploi », de l’ordre de 496,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement, s’inscrit dans ce contexte d’amélioration globale de la situation de l’emploi et de maîtrise indispensable de la dépense publique. Avec une dette qui s’accroît chaque année par un déficit de plusieurs milliards d’euros, réduire la dépense publique n’est pas un choix, mais une nécessité, nous en sommes tous conscients !

Il faut noter que cette baisse n’est pas seulement le reflet d’une coupe budgétaire, elle est avant tout liée à la situation actuelle du marché du travail : le nombre de chômeurs diminue, les dépenses aussi. Elle est, par ailleurs, le fruit de la réduction, ou du transfert, de certains dispositifs d’aide à l’embauche et de la stabilisation des parcours emploi compétences, les PEC, dont les crédits – 213 milliards d’euros – sont transférés également. À cela s’ajoute, enfin, la restriction des contrats aidés.

Examinons de plus près le contenu de cette mission : elle se subdivise en quatre programmes et un compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».

Le programme 102 est porté par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP. Il comporte deux objectifs précis.

L’action n° 01 consacre son crédit de 3,6 milliards d’euros à l’amélioration du service public de l’emploi. En d’autres termes, l’État participera au fonctionnement de Pôle emploi à hauteur de 1,6 milliard d’euros et au financement du régime de solidarité d’indemnisation du chômage, à travers l’allocation de solidarité spécifique, ou ASS, à hauteur de 2,1 milliards d’euros.

L’action n° 02 consacre son crédit de 2,1 milliards d’euros à l’amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi pour celles et ceux qui en demeurent très éloignés, grâce à une mobilisation territoriale renforcée au travers du fond d’inclusion dans l’emploi ou des outils d’insertion par l’activité économique.

L’objectif de l’État est de recentrer ce type de contrats sur les personnes les plus éloignées du marché du travail et non sur les employeurs. Quant aux associations, la transformation du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, en allégement de charges leur permettra de diminuer le coût du travail et, probablement, d’embaucher en contrat à durée indéterminée, en CDI. Cela leur donnera également les moyens de gérer efficacement cette transformation.

Notons, en sus, que le programme 102 finance notamment la garantie jeunes, les écoles de la deuxième chance, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » et, enfin, l’aide aux entreprises adaptées qui accueillent des personnes en situation de handicap.

Le programme 103 vise à accompagner les mutations économiques et le développement de l’emploi et porte un plan massif de développement des compétences.

Sur la durée du quinquennat, 14,6 milliards d’euros seront mobilisés pour accroître les qualifications et donc l’emploi durable, dont 13,8 milliards d’euros sont engagés sur la mission.

Ce programme s’inscrit ainsi pleinement dans la rénovation de notre modèle social voulu par le Gouvernement, en participant, par exemple, au financement, à hauteur de 3 millions d’euros, de la mise en œuvre du compte personnel de formation, le CPF, lequel place les personnes au cœur du système et permet la simplification de l’accès à la formation grâce à une plateforme numérique qui rend chaque salarié acteur de son parcours professionnel.

Le programme 103 finance également le dispositif des emplois francs, expérimenté jusqu’en 2020, avec 237 millions d’euros en autorisations d’engagement et près de 71 millions d’euros en crédits de paiement, permettant de couvrir le coût de plus de 25 000 contrats.

À propos de ce programme, encore, il faut mettre l’accent sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et sur le déploiement du plan d’investissement dans les compétences. Ce dernier mobilisera 14 milliards d’euros entre 2018 et 2022 afin d’accompagner la généralisation effective de la garantie jeunes ainsi que le financement des parcours prévus dans le cadre de son volet formation.

Le programme 111, relatif à l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail des salariés du secteur concurrentiel, voit, lui aussi, ses crédits réévalués à la hausse afin de financer la formation des conseillers prud’hommes et des défenseurs syndicaux et de renforcer les actions en matière de santé et de sécurité au travail.

Son budget prévisionnel pour 2019 s’élève à 88 millions d’euros en crédits de paiement, contre 86,52 millions d’euros en 2018.

En revanche, les autorisations d’engagement sont en forte diminution, en raison du renouvellement, en 2018, des conventions triennales 2018–2020 de l’État pour l’Association de gestion du fonds paritaire national et pour les instituts régionaux du travail social.

Le programme 155, enfin, voit ses crédits augmenter de 7 millions d’euros pour atteindre la somme de 689 millions d’euros. Pour rappel, il s’agit d’un programme d’appui et de soutien aux politiques publiques, qui porte sur l’ensemble des 9 500 emplois du ministère.

Enfin, les recettes du compte d’affection spéciale consacré au développement et à la modernisation de l’apprentissage augmentent de 77 millions d’euros. Il est important de rappeler ici que ce compte disparaîtra l’an prochain en raison de l’entrée en application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et de la création de France compétences.

Vous l’aurez compris, notre volonté est de mieux dépenser l’argent public en étant plus efficaces (M. Laurent Duplomb sesclaffe.) : nous investissons dans les dispositifs d’accompagnement et de mobilité qui ont prouvé et prouvent encore leur efficacité.

Nous voterons donc les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une nouvelle baisse des crédits de la mission « Travail et emploi », dont le montant va passer de 15,2 milliards d’euros en 2018 à 12,23 milliards d’euros en 2019, soit une contraction de 19,4 %.

Une fois de plus, madame la ministre, vous abandonnez des mesures en faveur de l’emploi, en réduisant l’aide à l’embauche dans les PME et les contrats aidés.

Ce budget prétend poursuivre la dynamique de transformation des politiques de l’emploi engagée dans la précédente loi de finances, en augmentant notamment l’effort de formation des jeunes et en améliorant l’efficacité des dispositifs d’insertion dans l’emploi des publics fragiles, mais le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, êtes les seuls à le croire, car vous sabordez les dispositifs qui permettraient de mener cette politique !

Ainsi, 1 618 postes sont supprimés à l’AFPA, à l’Inspection du travail, au ministère du travail et à Pôle emploi, ce qui provoque un transfert de compétences vers les missions locales, qui sont pourtant, elles aussi, en mal de financement.

Porter atteinte à l’AFPA, qui joue un rôle central dans la formation professionnelle des adultes, est un non-sens, dès lors que le niveau du chômage en France s’explique notamment par un déficit de compétences, comme l’a souligné un rapport de l’OCDE publié l’année dernière.

Le constat est identique s’agissant de Pôle emploi. Cette réduction des effectifs, alors que ses missions ont été augmentées, en particulier par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, pose la question de la capacité des agents à assurer toutes leurs missions.

Les salariés de Pôle emploi ont exprimé leurs craintes, à la fin du mois de novembre dernier, lors d’une grève d’ampleur. Ils ont déploré l’augmentation de leur charge de travail, qui risque de les contraindre à recentrer leur activité sur les missions de contrôle, au détriment de l’accompagnement des demandeurs, pourtant essentiel pour favoriser le retour à l’emploi.

Ces suppressions de postes vont aussi concerner l’inspection du travail. Madame la ministre, en novembre dernier vous avez présenté un index de l’égalité femmes-hommes permettant d’évaluer les entreprises et de les sanctionner si nécessaire. Afin de garantir que cette politique soit efficacement mise en œuvre, vous avez promis une multiplication par quatre des contrôles menés par l’inspection du travail. Or cette promesse ne pourra en aucun cas être tenue avec des effectifs réduits.

La baisse des crédits de la mission « Travail et emploi » s’explique, enfin, par une nouvelle diminution des contrats aidés, dont 100 000 seront supprimés. Nous renouvelons notre opposition à cette mesure qui a un impact direct sur les collectivités territoriales, notamment dans les territoires ruraux, et sur les associations, avec pour conséquence un affaiblissement du service public de proximité, des services à la personne et du monde associatif et culturel.

Cette diminution est en outre difficilement justifiable : selon une étude de 2015, 67 % des contrats aidés du secteur marchand – 41 % dans les secteurs non marchands – débouchent sur un emploi au bout de six mois.

Quelques mesures semblent toutefois positives, comme l’extension de la garantie jeunes à 100 000 nouveaux bénéficiaires ou l’accent mis sur le soutien aux entreprises adaptées, dans le cadre de la politique d’emploi des travailleurs handicapés. Ce coup de pouce ne suffit cependant pas à faire oublier l’accumulation de dispositions négatives adoptées par le Gouvernement, qui ont porté atteinte au pouvoir d’achat et aux conditions d’existence des personnes en situation de handicap.

Enfin, le mode de financement choisi pour ces mesures nous empêche de nous en satisfaire pleinement : nous ne pouvons accepter que le Gouvernement supprime certains programmes pour en financer d’autres à moindre coût et nous nous opposons à la pratique qui consiste à prendre d’une main pour donner de l’autre, tout en continuant à restreindre globalement les crédits.

Alors même que le taux de chômage reste à 9 %, il est inacceptable que le service public de l’emploi soit affaibli afin de réduire les dépenses budgétaires alors que, dans le même temps, le Gouvernement consacre chaque année 20 milliards d’euros au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Comme si cette somme n’était pas suffisante – aucune somme ne l’est jamais, aux yeux des quelques privilégiés –, elle se cumulera cette année avec des allégements de cotisations patronales, pour un total de 40 milliards d’euros !

Finalement, nous ne sommes pas surpris par vos propositions !

Alors que notre pays traverse une crise profonde, vous décidez, comme si rien ne se passait, de maintenir vos politiques visant à faire des cadeaux aux plus riches et à imposer l’austérité aux autres !

Oui, il nous faut ramener la paix et la sérénité dans notre pays. À cette fin, je vous invite à prendre la mesure de ce qui se passe en adoptant des dispositions fortes, au lieu de mépriser notre peuple comme vous le faites ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

M. François Bonhomme. Ce n’est pas gentil, ça !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » apparaît comme l’une des grandes sacrifiées du projet de loi de finances pour 2019.

Par rapport au budget de l’année précédente, la baisse des crédits consacrés à l’action de l’État en faveur du travail et de l’emploi est drastique : perdant 500 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 milliards d’euros en crédits de paiement, ces pôles de dépenses respectifs s’élèvent péniblement à 13,4 milliards d’euros et 12,4 milliards d’euros pour l’année 2019.

Malheureusement, ce tournant budgétaire ne résulte pas d’une embellie majeure sur le marché de l’emploi en France. En effet, si l’indicateur de l’INSEE pointe une baisse de 0,5 point du taux de chômage au deuxième trimestre de l’année 2018, ce dernier semble s’être stabilisé à 9,1 % de la population active au troisième trimestre, soit plus de 2 730 000 chômeurs, toujours à la recherche d’un travail dans notre pays.

De plus, cet indicateur masque une triste réalité : la précarisation de l’emploi et un éloignement toujours plus important des chômeurs les plus fragiles. En effet, si l’on observe une baisse de 1 % du nombre de chômeurs de catégorie A, celle-ci est malheureusement compensée par une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi des catégories B et C, qui exercent une activité réduite.

Maîtrise des dépenses publiques oblige, la contribution exigée de la mission « Travail et emploi », et donc, à travers elle, de ses opérateurs, est considérable. Pôle emploi sera la structure la plus touchée, puisqu’elle supporte l’essentiel de la diminution du montant des subventions, avec un effort chiffré à près de 84,7 millions d’euros ! Vous affirmez, madame la ministre, que l’augmentation de la contribution versée par l’UNEDIC et la baisse des effectifs devraient compenser l’impact pour Pôle emploi de ces mesures, mais aucune garantie n’est avancée contre le risque probable d’une dégradation des conditions de travail des agents et donc du service rendu aux demandeurs d’emploi comme aux employeurs.

Concernant les emplois aidés, les prévisions budgétaires annoncent une diminution du nombre d’entrées en contrat de 200 000 en 2018 à 100 000 en 2019. Ce dispositif n’a, certes, pas fait la preuve de sa capacité à favoriser à chaque fois un retour à l’emploi, mais cette diminution de moitié entraînera des difficultés d’organisation majeures pour nos collectivités territoriales et pour les publics les plus isolés.

Dans le même temps, la mission « Travail et emploi » permet de conforter le lancement du grand plan d’investissement dans les compétences, en faveur de la formation et de l’accompagnement de deux millions de jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, afin de les armer pour satisfaire aux nouvelles exigences du monde du travail.

Pourtant, les missions locales chargées de la mise en œuvre de la garantie jeunes verront leur dotation diminuer. C’est incompréhensible ! Il faut opérer un véritable changement d’échelle ! Le combat contre le chômage et la précarisation du travail ne peut être mené exclusivement par l’État ; de nombreuses politiques territoriales sont d’ores et déjà orchestrées dans nos métropoles comme en milieu rural, où les élus locaux agissent sur le terrain en faveur de l’emploi et des compétences. Ce sont des initiatives qui fonctionnent ! Le PIC ne saurait atteindre les objectifs qui lui sont fixés sans les fers de lance que représentent ces plateformes locales d’animation et d’ingénierie, que sont les plans locaux pour l’insertion et l’emploi – les PLIE – et les maisons de l’emploi, les MDE. Vous devez prendre en compte cette dimension de proximité, qui doit être au cœur des politiques sociales menées en faveur de l’emploi !

C’est pourquoi le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen défend ardemment, aux côtés des rapporteurs spéciaux, l’amendement que ceux-ci ont déposé pour aider au maintien des maisons de l’emploi.

Celles-ci, créées par la loi de 2005 de programmation pour la cohésion sociale, sont de véritables outils d’ancrage territorial qui ont démontré toute leur pertinence en matière de plan de formation, d’analyse des besoins des entreprises et de gestion prévisionnelle territorialisée des emplois et des compétences, ainsi que de nombreux rapports d’évaluation en témoignent. Lieux reconnus d’ingénierie territoriale et de construction collective de l’emploi, les 106 maisons de l’emploi réparties sur le territoire français sont portées par plus de 15 000 communes et plus 1 500 000 entreprises.

Elles permettent également l’application de la clause sociale, ou clause d’insertion et contribuent ainsi à renforcer les outils de lutte contre les discriminations et d’aide à la mobilité, à favoriser l’émergence de nouvelles filières – numérique, bâtiment, développement durable – et à soutenir l’économie sociale et solidaire ainsi que la politique de la ville. Grâce à la clause d’insertion, 72 % des personnes les plus éloignées de l’emploi qui sont embauchées obtiennent un CDI après dix-huit mois de contrat ! Qui dit mieux ?

Pourtant, alors que 82 millions d’euros étaient affectés par l’État aux maisons de l’emploi en 2010, ce chiffre tombe à 5 millions d’euros pour 2019, laissant les collectivités assumer quasi seules le dispositif. Ce n’est pas acceptable !

Je remercie le Sénat de se mobiliser à nouveau, aujourd’hui, pour garantir le maintien de ces structures par la création d’un programme ad hoc au sein de la mission « Travail et emploi », doté de 10 millions d’euros – c’est un minimum – en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

En conclusion, la grande majorité des membres du groupe du RDSE votera, avec la commission des finances, l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l’adoption de l’amendement de ses rapporteurs spéciaux relatif aux maisons de l’emploi.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon les derniers chiffres d’Eurostat, sortis la semaine dernière, le taux de chômage dans la zone euro a poursuivi sa baisse en novembre 2018 pour atteindre 8,1 %. Il est encore de 9,1 % en France, sans compter les emplois précaires, notamment les emplois aidés. Malgré la reprise de l’activité et la baisse du chômage dans notre pays, nous sommes donc loin de la moyenne européenne.

Le groupe Les Indépendants estime que la lutte contre le chômage de masse que nous connaissons depuis plus de trente ans est une grande cause nationale. Dans ce contexte difficile, des coupes importantes auront lieu sur les crédits de la mission « Travail et emploi » en 2019, comme en 2018, qui subissent une diminution record de 500 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3 milliards d’euros en crédits de paiement ! Malgré cette forte baisse, ils sont maintenus à un niveau élevé par rapport à la moyenne des dix dernières années.

Je salue les efforts de pédagogie déployés par le rapporteur spécial, M. Emmanuel Capus, qui nous a démontré que cette baisse s’accompagnait d’un recentrage des crédits vers les dispositifs qui fonctionnent vraiment.

Tout d’abord, je souhaite revenir sur la diminution de l’enveloppe consacrée aux contrats aidés, dont 100 000 seulement seront conclus en 2019 dans le secteur non marchand, soit moitié moins qu’en 2018. Nous connaissons tous l’utilité de ces emplois pour certaines collectivités territoriales ainsi que pour le secteur associatif. Les collectivités, par exemple, ont beaucoup profité des emplois-jeunes et sont maintenant à bout de souffle.

Néanmoins, il s’agit, par nature, de contrats précaires subventionnés qui n’apportent donc qu’une réponse de court terme à la catastrophe nationale que constitue le chômage de masse.

Le temps est venu de recentrer les moyens sur les publics les plus éloignés de l’emploi. Nous saluons ainsi la transformation des contrats d’accompagnement dans l’emploi en parcours emploi compétences, intervenue en début d’année.

J’en viens à l’autre point important de cette mission : la lutte contre le chômage des jeunes et l’investissement dans les compétences. L’augmentation significative des crédits consacrés au plan d’investissement dans les compétences, le PIC, permettra d’accompagner la généralisation effective de la garantie jeunes, notamment dans son volet formation. Le chômage des jeunes atteint 20 % dans notre pays, ce n’est pas nouveau, mais c’est inacceptable. Ce sont les générations futures que nous sacrifions ! L’accent mis sur la formation des jeunes dans ce projet de loi de finances est donc une bonne orientation.

Enfin, j’insiste sur la nécessaire territorialisation des politiques de l’emploi. Pour lutter contre le chômage, il faut bien connaître les situations locales ainsi que les bassins d’emploi et déployer une action de proximité. Nous nous interrogeons donc, comme nos collègues, sur la diminution quasi constante des moyens consacrés par l’État aux maisons de l’emploi depuis leur création, dans le plan Borloo.

Au regard de l’utilité de ces maisons dans certains territoires – ceux qui ont pu en bénéficier – la suppression simple de leurs crédits paraît regrettable. Nous soutiendrons donc l’amendement des rapporteurs spéciaux Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian destiné à appuyer ces structures.

M. Alain Fouché. Notre groupe est convaincu qu’un tournant des politiques de l’emploi est nécessaire pour faire face aux mutations du monde du travail ; vous l’avez entamé, madame la ministre. Nous portons donc un regard positif sur votre politique, qui favorise la montée en compétences de l’ensemble des travailleurs tout au long de leur carrière, l’adaptation rapide aux transformations technologiques et la revalorisation de l’apprentissage, que l’on évoque depuis longtemps et qui est essentielle.

Nous voterons ces crédits en l’état, car ils annoncent un redéploiement pertinent des efforts financiers de l’État vers les dispositifs les plus efficaces et un changement de logique bienvenu vers la formation et l’insertion plutôt que vers la précarité subventionnée.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, investir dans les politiques publiques de l’emploi est capital pour permettre à chacun de nos concitoyens, notamment aux plus fragiles d’entre eux, de s’émanciper par le travail. Or les crédits consacrés à la politique de l’emploi dans le projet de loi de finances pour 2019 vont, malheureusement, à rebours de cette ambition.

Pour la deuxième année consécutive, nous assistons à une baisse du budget de la mission « Travail et emploi » : ses crédits diminuent de 3 milliards d’euros, alors que les derniers chiffres montrent un ralentissement des créations d’emploi et l’échec du Gouvernement à résorber le chômage en 2018.

Certes, un effort est tout de même consenti en faveur des structures de l’insertion par l’activité économique, ou encore, s’agissant de l’insertion professionnelle des jeunes, des établissements pour l’insertion dans l’emploi – EPIDE – et écoles de la deuxième chance.

Ces écoles offrent aux décrocheurs une réelle opportunité de se relancer : 60 % des jeunes passés dans ces structures en sortent avec une qualification ou un emploi. Nous nous étonnons d’ailleurs, madame la ministre, que vous ne débloquiez pas les crédits nécessaires à l’accélération de leur implantation. Le département de l’Aisne est candidat pour accueillir un établissement, mais sa démarche se heurte à un parcours du combattant.

D’autres dispositifs subissent malheureusement une contraction inexpliquée de leurs moyens.

D’abord, le sort réservé aux missions locales suscite l’inquiétude dans nos territoires. En effet, alors que les missions locales sont en première ligne pour la mobilisation de la garantie jeunes, leurs moyens consacrés à l’accompagnement diminuent de 4 %. Si l’on peut sans doute réfléchir à la modernisation et à la rationalisation de ce dispositif, prenons garde à ne pas le casser par une baisse de crédits trop importante, qui lui serait fatale.

L’avenir des maisons de l’emploi est un autre sujet de préoccupation. Dans le projet de loi de finances initial, l’État prévoyait de se désengager totalement de leur budget de fonctionnement. Une telle décision aurait immanquablement mis ces structures en difficulté, alors même qu’elles interviennent dans des domaines qui ne sont pas toujours couverts par les services publics de l’emploi.

Pour une fois, l’Assemblée nationale n’est pas restée sourde à ce sujet : elle a adopté un premier amendement prévoyant une dotation de 5 millions d’euros, complété par un autre amendement, portant sur 10 millions d’euros, proposé par les rapporteurs de la commission des finances du Sénat. Le nouveau montant permettra un soutien effectif de ces structures et évitera le saupoudrage des crédits.

L’importante contraction des crédits de la mission est également l’une des conséquences les plus visibles du coup de frein brutal porté à la politique des contrats aidés à l’automne 2017.

Moins d’un an après sa mise en place, la nouvelle formule de contrats aidés, les parcours emploi compétences, dits PEC, présente un bilan plus que mitigé. Si l’on observe une sous-consommation des PEC depuis le début de cette année, c’est en partie dû à l’excessive complexité du dispositif. Le coût s’est également avéré dissuasif pour les associations et les petites collectivités territoriales, puisque le taux de prise en charge par l’État a été ramené de 73 % en 2017 à 50 % en 2018.

Ajoutons que la diminution du nombre de contrats aidés est intervenue dans un contexte financier déjà fragilisé pour les associations et les collectivités territoriales, en raison de la suppression de la réserve parlementaire et de la baisse des dotations de l’État.

Je rappelle que nous ne sommes pas hostiles à l’évolution des contrats aidés vers davantage d’accompagnement et de formation des bénéficiaires. Ce que nous dénonçons, c’est la brutalité avec laquelle cette réforme a été menée. Et quelle réponse pour les petites communes qui n’ont pas les moyens d’embaucher autrement ? Aucune solution alternative ne leur a été apportée !

Quant au budget de Pôle emploi, il en baisse de 85 millions d’euros, après une baisse de 50 millions d’euros en 2018. Là encore, j’ai du mal à comprendre ce choix : ce n’est pas en réduisant les moyens humains et financiers de Pôle emploi et en augmentant dans le même temps les charges des conseillers – 70 dossiers supplémentaires pour chacun avec le plan pauvreté – que la situation des demandeurs d’emploi s’améliorera. C’est une aberration, car nombre de personnes ont plutôt besoin d’être prises par la main.

Enfin, permettez-moi d’aborder la question du handicap. S’il faut saluer l’effort de 15 millions d’euros portant à 400 millions d’euros au total les financements en faveur de l’emploi des personnes handicapées, beaucoup reste à faire pour améliorer leur situation.

Ainsi, la prise en charge de la prestation de compensation du handicap, la PCH, reste insuffisante pour ceux qui travaillent et doivent financer les équipements nécessaires pour s’adapter à leur emploi, comme un véhicule adapté ou un fauteuil. On constate aussi de nombreux retards dans le paiement des aides, et l’expérimentation en cours visant à faire prendre en charge la PCH par les fonds départementaux de compensation du handicap s’avère complexe, en raison des finances exsangues des départements.

Madame la ministre, nous souhaitons le meilleur pour la France. Chaque fois qu’une bonne mesure en faveur de l’emploi est proposée, nous la votons sans hésitation, comme nous l’avons fait avec les ordonnances Travail.