Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

MM. Joël Guerriau, Dominique de Legge

1. Procès-verbal

2. Rappel au règlement

Mme Éliane Assassi ; M. le président.

3. Loi de finances pour 2019. – Suite de la discussion d’un projet de loi

seconde partie (suite)

Outre-mer

M. Nuihau Laurey, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Jocelyne Guidez, en remplacement de Mme Nassimah Dindar, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Jean-Louis Lagourgue

Mme Esther Benbassa

Mme Catherine Conconne

M. Guillaume Arnell

M. Gérard Poadja

M. Michel Magras

M. Abdallah Hassani

Mme Victoire Jasmin

M. Stéphane Artano

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer

État B

Amendement n° II-642 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° II-441 de M. Victorin Lurel. – Adoption.

Amendement n° II-439 de M. Victorin Lurel. – Devenu sans objet.

Amendement n° II-537 de Mme Victoire Jasmin. – Adoption.

Amendement n° II-440 de M. Victorin Lurel. – Adoption.

Amendement n° II-552 de M. Victorin Lurel. – Adoption.

Amendement n° II-536 de Mme Victoire Jasmin. – Adoption.

Amendement n° II-509 de Mme Esther Benbassa. – Adoption.

Amendement n° II-437 de Mme Catherine Conconne. – Devenu sans objet.

Amendement n° II-510 de M. Maurice Antiste. – Adoption.

Vote sur les crédits de la mission

Adoption, par scrutin public n° 33, des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B, modifiés.

Article 77 quinquies (nouveau)

M. Maurice Antiste

Adoption de l’article.

4. Candidature à une délégation sénatoriale

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

5. Rappel au règlement

6. Loi de finances pour 2019. – Suite de la discussion d’un projet de loi

seconde partie (suite)

Aide publique au développement

Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers

M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Yvon Collin, en remplacement de M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Richard Yung

M. Pierre Laurent

M. Jacques Le Nay

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. André Vallini

M. Jean-Noël Guérini

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

aide publique au développement

État B

Amendement n° II-687 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° II-419 rectifié bis de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Retrait.

Vote sur les crédits de la mission

Adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B, modifiés.

Article 72 – Adoption.

compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

État D

Vote sur les crédits du compte spécial

Adoption des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.

Action extérieure de lÉtat

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le programme « Action de la France en Europe et dans le monde »

M. Bernard Cazeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le programme « Action de la France en Europe et dans le monde »

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires »

M. Rachid Temal, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires »

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le programme « Diplomatie culturelle et d’influence »

M. André Vallini, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le programme « Diplomatie culturelle et d’influence »

M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères

Mme Christine Prunaud

M. Jean-Noël Guérini

M. Alain Fouché

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Claude Haut

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Olivier Cadic

M. Rachid Temal

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

État B

Amendement n° II-688 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° II-210 rectifié de Mme Christine Prunaud. – Rejet.

Amendement n° II-268 de M. Olivier Cadic. – Retrait.

Amendement n° II-37 de la commission. – Adoption.

Amendement n° II-470 de Mme Claudine Lepage. – Rejet.

Amendement n° II-28 rectifié quater de M. Damien Regnard. – Rejet.

Amendement n° II-467 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.

Amendement n° II-29 rectifié quater de M. Damien Regnard. – Rejet.

Amendement n° II-468 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.

Amendement n° II-524 de Mme Claudine Lepage. – Rejet.

Amendement n° II-30 rectifié ter de M. Damien Regnard. – Rejet.

Amendement n° II-514 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.

Amendement n° II-503 rectifié de M. Olivier Cadic. – Adoption.

Amendement n° II-269 de M. Olivier Cadic. – Retrait.

Amendement n° II-270 de M. Olivier Cadic. – Retrait.

Amendement n° II-38 de la commission. – Retrait.

Amendement n° II-402 de M. Richard Yung. – Rejet.

Amendement n° II-511 de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.

Amendements identiques nos II-469 de Mme Claudine Lepage et II-564 de M. Emmanuel Capus. – Rejet des deux amendements.

Vote sur les crédits de la mission

Adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », figurant à l’état B, modifiés.

Article 71 ter (nouveau) – Adoption.

Articles additionnels après l’article 71 ter

Amendement n° II-517 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.

Amendement n° II-513 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.

Amendement n° II-516 de M. Jean-Yves Leconte. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° II-515 de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.

Amendement n° II-519 de M. Jean-Yves Leconte. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

Recherche et enseignement supérieur

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l’enseignement supérieur

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la recherche

M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis de la commission de la culture

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture

Mme Nelly Tocqueville, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour la recherche en matière de développement durable

M. Antoine Karam

M. Pierre Ouzoulias

Mme Françoise Laborde

M. Alain Fouché

Mme Sylvie Robert

M. Laurent Lafon

Mme Catherine Procaccia

M. Max Brisson

Mme Brigitte Lherbier

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

État B

Amendement n° II-134 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.

Amendement n° II-176 rectifié bis de M. Jean Sol. – Retrait.

Amendement n° II-135 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.

Amendements identiques nos II-34 de la commission et II-54 de M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° II-203 rectifié ter de M. Michel Raison. – Retrait.

Amendement n° II-414 de M. Laurent Lafon. – Retrait.

Amendement n° II-554 de Mme Angèle Préville. – Rejet.

Amendement n° II-502 de M. André Gattolin. – Rejet.

Vote sur les crédits de la mission

Adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B, modifiés.

Article 78

Amendement n° II-133 de M. Pierre Ouzoulias. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 78

Amendement n° II-539 de Mme Laure Darcos. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 78 bis (nouveau) – Adoption.

7. Ordre du jour

Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Joël Guerriau,

M. Dominique de Legge.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, mes chers collègues, alors que des événements d’une extrême gravité se sont déroulés dans notre pays ce week-end, nous poursuivons ce matin la discussion du projet de loi de finances.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas continuer nos travaux sans faire écho à la colère populaire qui s’exprime.

Certains se plaisent à ne commenter que les actes de violence. Nous condamnons toutes et tous, et avec force, ces violences sans précédent et nous avons toutes et tous été choqués par des images montrant des individus, souvent des « ultras », s’attaquant à des symboles de l’histoire de notre pays, mais ces violences ne sauraient faire oublier le message clair que des milliers de nos concitoyennes et de nos concitoyens envoient au Président de la République : ils veulent une augmentation de leur pouvoir d’achat.

Depuis le début de la discussion du projet de loi de finances, notre groupe, par la voix de tous ses élus, n’a cessé de faire des propositions, parmi lesquelles le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, qui permettrait d’annuler la surtaxe sur les carburants, dont on sait qu’elle n’est pas destinée à la transition écologique. Il n’est pas simpliste de constater, sans être une grande économiste, que le rétablissement de l’un règle le problème de l’autre !

Je ne parle même pas ici de taxer les multinationales, les GAFA, ou d’autres mesures encore qui permettraient de répondre à une autre revendication, par exemple l’augmentation de 200 euros du SMIC.

Mes chers collègues, le peuple de France en colère ne demande ni la lune ni des miettes, il réclame la justice sociale, maintenant, pas dans trois mois ! Satisfaire pour le moins ces deux revendications, c’est possible, et c’est possible maintenant ! Ici, au Sénat, ne nous faisons pas complices des choix du Président de la République et de son gouvernement.

Mme Éliane Assassi. Nous sommes des parlementaires, nous sommes la représentation nationale, dont se méfient aujourd’hui nos concitoyennes et nos concitoyens, qui placent maintenant les enjeux démocratiques au cœur de leurs revendications. Envoyons un signal à celles et ceux qui souffrent dans notre pays !

Chers collègues, la France traverse une crise sociale et institutionnelle et nous en sommes à voter des mesures dont l’impact va aggraver la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Ils n’en veulent pas !

Refusons de continuer à débattre d’un budget qui n’apporte aucune réponse concrète à la colère citoyenne, mais qui, à l’inverse, va accroître les souffrances humaines.

Ce matin, je vous demande, monsieur le président, de réunir une conférence des présidents. Face à la gravité de la situation, et alors que le Premier ministre va recevoir les partis politiques et leurs représentants au Parlement, nous devons exiger de sa part des engagements concrets. C’est une nécessité !

Aujourd’hui, pour être à la hauteur de sa sagesse, le Sénat devrait porter la voix du peuple ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement dans son intégralité, ma chère collègue.

3

Article additionnel après l'article 83 quater - Amendement n° II-154 rectifié ter (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Seconde partie

Loi de finances pour 2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Outre-mer

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis nos 148 à 153).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Outre-mer

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et article 77 quinquies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Nuihau Laurey, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » que nous examinons ce matin présentent une double diversité : la diversité des collectivités auxquelles ils sont destinés, d’abord, puisqu’ils concernent au total onze territoires, chacun avec son histoire, sa situation économique et sociale, ses attentes ; la diversité des objectifs qui leur sont assignés, ensuite, car ils sont destinés à financer des interventions dans les champs économique, social, sanitaire ou éducatif, pour ne citer que ceux-là.

Satisfaire avec un même budget une telle pluralité de situations et d’attentes dans un contexte de contrainte budgétaire conduit chaque année le ministre chargé de nos territoires à devoir faire mieux, avec des moyens quasi identiques.

En 2019, cette stabilité se confirme, car, même si le montant total des crédits connaît une forte hausse, de plus de 20 % en crédits de paiement et de plus de 22 % en autorisations d’engagement, cette augmentation exceptionnelle est en réalité issue de deux importantes mesures de périmètre, pour un total de 466 millions d’euros.

La première mesure, qui s’élève à 170 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 120 millions d’euros en crédits de paiement, résulte de modifications fiscales : 100 millions d’euros proviennent de la suppression de la TVA non perçue récupérable, la TVA NPR, et 70 millions d’euros de la réforme de l’impôt sur le revenu dans les départements d’outre-mer ; la seconde mesure, qui atteint 296 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, correspond à la mise en œuvre de la réforme des exonérations de charges spécifiques à l’outre-mer, conduite en même temps que celle du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

Sans ces mesures de périmètre, les crédits de la mission seraient presque stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, à un peu plus de 2 milliards d’euros.

Il est cependant important de rappeler que les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent pas la totalité de l’intervention de l’État. Ces crédits comptent en effet pour moins de 15 % de l’ensemble des crédits budgétaires transversaux, répartis au sein de trente et une missions, regroupant quatre-vingt-huit actions pour 18,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 18,4 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels il convient d’ajouter les dépenses fiscales, estimées à 4,3 milliards d’euros en 2019, soit un montant cumulé d’intervention de l’État de 23 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Au total, l’effort de l’État pour les outre-mer, tel que retracé par le document de politique transversale, est donc en augmentation de plus de 4 % en autorisations d’engagement par rapport à 2018, et de plus de 1,5 % à périmètre constant.

Comme chaque année, l’examen des crédits de la mission met en évidence des points positifs, mais aussi des motifs d’inquiétude.

L’importante mesure de périmètre que j’ai évoquée a pour objet de permettre au Gouvernement de mobiliser une partie de la dépense fiscale supprimée en dépense budgétaire, soit, d’une part, 100 millions d’euros rassemblés au sein d’une nouvelle action n° 04 Financement de l’économie, pour stimuler le développement économique des territoires, et, d’autre part, 70 millions d’euros destinés à abonder le fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, qui passe ainsi de 40 millions d’euros à 110 millions d’euros.

Mon collègue Georges Patient et moi-même avons effectué en 2016 un contrôle budgétaire de ce dispositif de financement des investissements publics dont nous avons noté, avec tous les acteurs locaux, la souplesse de mobilisation et la capacité à initier rapidement des projets jugés essentiels pour les collectivités concernées.

Ces transformations de dépenses fiscales en crédits budgétaires continuent, néanmoins, à susciter des inquiétudes légitimes chez certains de nos collègues.

Une évaluation objective et partagée des dépenses fiscales ou sociales avant leur mutation en crédits budgétaires est toujours nécessaire, compte tenu de l’impact important que pourraient avoir des baisses de ressources sur la situation de l’emploi, dans un contexte de chômage de masse touchant plus particulièrement la jeunesse de chacun de nos territoires.

Moins d’une année après la publication du Livre bleu outre-mer et après l’adoption, en 2017, de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, il était nécessaire de mettre en place les premiers financements destinés aux contrats de convergence et de transformation qui découlent de ces deux dispositifs complémentaires.

Ces financements au titre de la politique contractuelle de l’État totalisent pour 2019 un montant additionnel de 23 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 15 millions d’euros en crédits de paiement. Ils devront impérativement faire l’objet d’une montée en charge durant les prochains exercices afin d’atteindre les objectifs ambitieux assignés à la mise en œuvre de ces deux textes.

Considérant que ces plans se substitueront aux contrats en cours, qu’il s’agisse des contrats de plan, des contrats de développement ou des contrats de projets, avec un périmètre budgétaire élargi, il conviendra d’être particulièrement vigilant sur le respect des engagements financiers de l’État en fin d’exécution des conventions. Mon collègue corapporteur et moi-même avons rappelé à plusieurs reprises, à l’occasion de l’examen annuel de ces crédits, l’insuffisance des sommes inscrites à ce titre au regard des engagements contractuels pris par l’État lors de leur signature.

S’agissant des autres domaines d’intervention – logement, action sociale et sanitaire, action de formation, notamment au travers du service militaire adapté –, le temps qui m’est imparti ne permet pas d’entrer dans une analyse détaillée. J’indiquerai succinctement que l’on peut relever dans l’ensemble un maintien des moyens budgétaires alloués.

Le budget qui nous est présenté pour 2019 se caractérise, en réalité, par sa stabilité ; il progresse même légèrement, contrairement à certains de ceux qui ont été votés durant la précédente décennie.

On peut s’en réjouir, ou au moins s’en satisfaire, dans un contexte de contrainte budgétaire, en notant que ces crédits représentent pour 2019 0,54 % du budget de l’État, contre 0,48 % en 2018.

On peut aussi, à l’inverse, regretter l’insuffisance des sommes destinées à la mise en œuvre des contrats de convergence et de transformation issus du Livre bleu outre-mer et de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dont les ambitions, s’agissant du rattrapage des écarts de développement avec la métropole, nécessitent un effort financier nettement plus important de l’État, qui ne s’est pas totalement concrétisé pour 2019.

Je rappelle que, pour certaines collectivités, cet écart, calculé en points de PIB par habitant, représente un retard de plus de 60 % par rapport à la métropole, avec des taux de chômage compris entre 25 % et 30 %, voire plus de 50 % pour les jeunes, et une part de la population éligible au logement social atteignant parfois près de 80 %.

En définitive, ce budget préserve les grands équilibres dans le financement des principales interventions de l’État en outre-mer, dans une optique de continuité.

Il suscite, ne le nions pas, des inquiétudes, notamment en ce qui concerne les opérations de périmètre, lesquelles sont toujours sensibles, s’agissant de la transformation de dépenses fiscales ou sociales en crédits budgétaires et de la nécessaire validation concertée des volumes de ressources financières à transformer.

Il porte les premiers crédits destinés à financer les actions résultant de la mise en œuvre des dispositions de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et du Livre bleu outre-mer, même si l’on peut regretter leur insuffisance, au regard des enjeux de rattrapage économique et social dont tous les parlementaires ont souligné la gravité.

Pour toutes ces raisons, et tout en étant, comme vous, mes chers collègues, conscient de l’importance des efforts qui restent à fournir pour permettre aux outre-mer de réduire les écarts de développement qui se sont creusés avec la métropole, je vous propose d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer ». (M. Vincent Delahaye et Mme Nathalie Goulet applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues rapporteurs, mes chers collègues, hors mesures de périmètre, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2019 stagnent par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, avec une augmentation de 0 % en autorisations d’engagement et de 0,1 % en crédits de paiement.

L’effort financier total en faveur des outre-mer ne progresse que de 1,5 % en 2019, avec 23,62 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 22,71 milliards d’euros en crédits de paiement, en incluant les dépenses fiscales, estimées à plus de 4,3 milliards d’euros.

À périmètre constant, le budget de la mission pour 2019 respecte donc la programmation pluriannuelle. Celle-ci aurait dû, au contraire, être réévaluée après la tenue des Assises des outre-mer, lesquelles ont permis de définir la stratégie ultramarine du quinquennat et le niveau réel des besoins de la mission « Outre-mer ». Le maintien de cette trajectoire est regrettable, d’autant qu’il entre en contradiction avec l’objectif de rattrapage des territoires ultramarins, fil conducteur du Livre bleu outre-mer.

Certes, les crédits de la mission « Outre-mer » connaissent une hausse sensible – 20,5 % en crédits de paiement et 22,5 % en autorisations d’engagement –, mais celle-ci est uniquement due à des mesures de périmètre.

Ainsi, 170 millions d’euros de ressources nouvelles en autorisations d’engagement et 120 millions d’euros en crédits de paiement sont issus des réformes de la TVA non perçue récupérable et de la réduction d’impôt sur le revenu dont bénéficient les personnes physiques domiciliées fiscalement en outre-mer, et 296 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement correspondent à un transfert au profit du programme 138, « Emploi outre-mer », lié à la mise en œuvre des exonérations de charges spécifiques.

Il s’agit de mesures très décriées, vraiment loin de faire l’unanimité, qu’il nous faut donc accueillir avec une certaine prudence.

La suppression de la TVA NPR et l’abaissement du plafond de réduction d’impôt sur le revenu devraient représenter des gains budgétaires atteignant respectivement 100 millions d’euros et 70 millions d’euros par an. Le Gouvernement prévoit de mobiliser l’équivalent de cette dépense fiscale en dépense budgétaire afin de favoriser le développement économique des territoires et d’abonder le FEI.

Cette logique est toutefois à double tranchant, puisque, si le caractère pilotable des dépenses budgétaires permet un meilleur ciblage que la dépense fiscale, il n’offre toutefois aucune garantie ni quant à leur réaffectation totale ni quant à leur pérennité. Cette question se pose, par ailleurs, avec une pertinence particulière pour le FEI, lequel a déjà fait l’objet par le passé de promesses d’abondement qui n’ont pas été tenues.

Aussi, je souhaite que ces engagements soient, cette fois, spécialement surveillés, notamment par un contrôle budgétaire, afin de veiller à leur bonne exécution.

S’agissant de l’autre mesure qui impacte sensiblement les crédits de cette mission, c’est-à-dire la réforme des exonérations de charges sociales outre-mer, ses effets sont contrastés en fonction des secteurs et des territoires. Après d’âpres échanges ici même, le projet initial du ministère des outre-mer a été corrigé sur certains points afin d’éviter que cette réforme ne se traduise par une trappe à bas salaire.

Nous avons constaté des avancées. En revanche, malgré l’engagement de doter la Guyane d’un dispositif spécifique, celle-ci demeure lésée par cette réforme (Mme la ministre des outre-mer fait des signes de dénégation.). Globalement, les entreprises de Guyane perdent entre 25 millions d’euros et 30 millions d’euros (Mme la ministre des outre-mer le conteste.), ce qui renchérira le coût du travail dans ce territoire où le PIB n’atteint que 48 % du PIB moyen national. Les espoirs des entreprises guyanaises se portent désormais, madame la ministre, sur votre promesse d’examen au cas par cas, qu’il vous faudra tenir.

Mon dernier point portera sur la somme de 1,7 milliard d’euros non ventilée dans le document de politique transversale. De quoi s’agit-il ? Comment et quand sera-t-elle affectée ? Quid des contrats de convergence, qui doivent entrer en application en janvier 2019 ?

Madame la ministre, il faut faire vite, car nos territoires en ont grandement besoin. La Guyane, Mayotte, La Réunion connaissent une ébullition tournante. Vous intervenez dans un cadre contraint, j’en suis conscient, mais je veux pouvoir compter sur vous. Je voterai donc les crédits de cette mission, mais une extrême vigilance s’imposera !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre commission des affaires économiques analyse ce budget des outre-mer pour 2019 comme l’addition de trois principaux mécanismes, que j’ai appelés « les trois R » : une reconduction et deux recyclages.

Reconduction, tout d’abord, de l’enveloppe de 2 milliards d’euros, qui se maintient à ce niveau depuis 2011, avec une difficulté récurrente d’activation des crédits.

La situation est particulièrement alarmante en matière de logement : au fil des ans, les crédits sont stables ou affichés en hausse, mais la construction ralentit pour un certain nombre de raisons, parmi lesquelles la complexité du parcours administratif figure en bonne place.

Notre premier message, qui vaut aussi pour la défiscalisation, porte sur la nécessité de fluidifier les procédures pour favoriser le climat de confiance avec les opérateurs et leur permettre de consacrer plus de temps à leur cœur de métier.

Ensuite, le Gouvernement propose, pour 2019, de greffer sur cette reconduction deux recyclages, lesquels ont suscité des réactions inédites par leur nombre et leur intensité. J’ai écouté les acteurs ultramarins pour analyser l’impact économique réel de l’ensemble de la tuyauterie sociale, budgétaire et fiscale pour 2019 et suggérer des réajustements.

Le premier recyclage a surpris les Ultramarins. Au sortir des Assises des outre-mer et après la publication du Livre bleu outre-mer, l’État nous propose en effet une démarche budgétaire de recentralisation.

Le projet de loi de finances prévoit, en particulier, de prélever en première partie 170 millions d’euros de fonds immédiatement disponibles entre les mains des ménages et des entreprises et de les redistribuer en seconde partie sous forme de subventions accessibles aux Ultramarins après instruction par l’administration d’un dossier de demande.

Sur le plan comptable, les chiffres sont à peu près équivalents, mais, économiquement, les subventions sont lentes à se mettre en place et les crédits sont volatiles d’année en année, alors que les suppressions de compensations fiscales sont pérennes !

Notre second message vise donc à demander au Gouvernement des garanties sur l’activation rapide de ces crédits et sur la continuité de l’effort budgétaire pour les prochaines années.

Le second recyclage est celui du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, transformé en exonération de charges, ce qui pose des problèmes d’évaluation et d’impact.

D’une part, on se demande encore s’il ne manque pas quelque 180 millions d’euros, peut-être parce que les calculs du Gouvernement se sont fondés non pas sur le CICE exigible, mais sur le CICE constaté, ce qui revient à pénaliser de fait certaines entreprises ultramarines qui n’ont pas exercé leur droit.

D’autre part, la concentration au voisinage du SMIC va certainement « booster » l’embauche dans un premier temps, mais risque, à l’avenir, d’enfermer les outre-mer dans la « smicardisation » et les productions de moyenne gamme, alors qu’il faut aussi aider les entreprises à retenir les talents ultramarins pour mener l’offensive sur les activités à haute valeur ajoutée.

Le Sénat a cependant voté des mesures de rééquilibrage en matière de réduction du coût du travail ainsi que des réaménagements fiscaux. Sous réserve de leur prise en compte, il nous est apparu logique de ne pas nous opposer à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2019.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, en remplacement de Mme la rapporteur pour avis.

Mme Jocelyne Guidez, en remplacement de Mme Nassimah Dindar, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la plupart des outre-mer, face à une situation sociale très dégradée, constituent de véritables poudrières. Nous le vérifions en ce moment même : La Réunion s’est embrasée devant des mesures qui risquent d’accroître encore la cherté de la vie. Ces événements font suite aux émeutes survenues en Guyane, aux manifestations contre l’insécurité à Mayotte, aux urgences sécuritaires et sanitaires à Saint-Martin.

Comment pourrait-il en être autrement, alors que le chômage des jeunes concerne plus de la moitié d’une génération, alors que plus de 110 000 logements sont insalubres dans les départements et régions d’outre-mer, alors que la mortalité infantile à Mayotte et en Guyane atteint un niveau très élevé ?

Dans ces conditions, il ne suffit pas de se déplacer sur le terrain ou d’organiser de nouvelles assises. Madame la ministre, vous avez, certes, écouté les attentes immenses des outre-mer ; encore faut-il que les actions mises en œuvre traduisent une réelle prise de conscience.

Or nous craignons que la plupart des mesures annoncées en ce début de quinquennat ne restent à l’état programmatique. Les Assises des outre-mer se sont tenues huit ans après les états généraux de 2009, alors que les propositions formulées à l’époque n’ont rien perdu de leur actualité.

Que penser, en outre, du renvoi des dispositions sur le logement à une nouvelle conférence nationale, alors que des objectifs chiffrés sont prévus par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, ou loi ÉROM, et que le Livre bleu outre-mer contient des orientations claires ?

Notre commission s’est employée à rechercher la traduction de ces annonces dans le budget proposé. Dans le champ social, le bilan est bien mince : les crédits dédiés au logement et à la formation sont toujours en stagnation, de même que la maigre ligne budgétaire consacrée au sanitaire et au social.

En ce qui concerne le recentrage des exonérations de cotisations, la commission alerte sur le risque de création d’une trappe à bas salaires, même si l’équilibre finalement trouvé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale est plus satisfaisant que ne l’était la mesure initiale.

Notre commission n’est pas opposée par principe aux mesures de périmètre touchant la mission. La conversion de mesures fiscales en crédits budgétaires peut être positive, à condition de réaliser au préalable une bonne évaluation. En effet, la prédominance de la dépense fiscale n’est pas un choix des outre-mer, les budgets ayant été historiquement construits de cette façon. Prenons donc garde à ne pas asphyxier les économies ultramarines par un sevrage trop brutal.

Votre rapporteur est cependant opposée à la mesure touchant à l’impôt sur le revenu. Mal évaluée, celle-ci ne pourra répondre au problème des inégalités, qui résultent avant tout de la cherté de la vie.

Si la commission des affaires sociales n’a pas émis un avis défavorable sur ces crédits, c’est uniquement parce que, en réalité, ce budget ne comprend pas grand-chose à quoi nous pourrions nous opposer, dans la mesure où l’architecture budgétaire conduit la plupart des mesures touchant aux outre-mer à être opérées en dehors de cette mission. Cet avis est donc donné sans enthousiasme et dans l’attente d’un sursaut.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » connaissent une hausse de 20 % en raison, seulement, de mesures de périmètre. À périmètre constant, ils sont stables.

La baisse du plafond de l’abattement fiscal portant sur l’impôt sur le revenu a pu poser des difficultés, ou au moins donner lieu à des discussions. À titre personnel, je ne suis pas choqué par le fait que 4 % des foyers fiscaux les plus riches paient pour les plus pauvres.

Une discussion a également eu lieu sur les exonérations de charges, Georges Patient l’a évoquée et je ne vais pas insister. Une solution de compromis a été trouvée, mais les discussions pourraient être prolongées : il y va de l’attractivité de nos territoires, et cela mérite que l’on pousse la réflexion sur le sujet.

Ces éléments ont conduit la commission des lois à donner un avis favorable à l’adoption des crédits, tout en marquant sa vigilance.

Je souhaite aborder maintenant la situation des établissements pénitentiaires dans les outremers.

En dépit d’améliorations récentes, dont certaines sont en cours, cette situation reste globalement déplorable et présente des spécificités qui sont insuffisamment prises en compte. Ainsi, la suroccupation des établissements, l’absence d’activités proposées, l’isolement des détenus et l’accès difficile aux soins ont pour conséquence une grande violence, tant entre détenus qu’à l’égard des personnels pénitentiaires.

Au vu de ces difficultés, il me semble indispensable de mettre en œuvre une politique ambitieuse, avec trois objectifs principaux.

Le premier est de mieux prendre en compte les spécificités des territoires ultramarins, notamment en transformant la mission des services pénitentiaires de l’outre-mer en direction interrégionale, à l’image du dispositif en vigueur sur le territoire métropolitain, avec des moyens humains et financiers renforcés.

Le deuxième objectif est de réduire la surpopulation carcérale. À cette fin, il me semble nécessaire de prévoir la construction de nouvelles places de prison, d’améliorer les alternatives à l’incarcération et de développer les conventions internationales bilatérales.

Le troisième objectif est de favoriser la réinsertion des détenus. Cela implique un renforcement des moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation dans nos territoires.

Enfin, il importe de nouer un dialogue avec nos compatriotes ultramarins et de faire œuvre de pédagogie pour faciliter une meilleure acceptation de la prison et lutter contre la fameuse loi d’airain dénoncée par notre ancien collègue Robert Badinter : en raison de leurs conditions de vie souvent difficiles, nombre d’entre eux éprouvent en effet le sentiment délétère, exacerbé lorsque la population carcérale comprend un grand nombre d’étrangers, que le sort réservé aux personnes détenues serait plus enviable que le leur. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et le temps de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est dans un contexte économique et social très dégradé dans nos territoires ultramarins que nous examinons les crédits consacrés à l’outre-mer.

Il faut que nous entendions la colère légitime qui s’exprime. Cette colère, d’où vient-elle ? Elle vient surtout de l’incertitude face à l’avenir. Elle vient aussi de l’attitude de l’État devant son obligation d’organiser la solidarité nationale.

En effet, au lieu de s’appuyer sur la solidarité nationale, le Gouvernement ne fait que transférer les contributions des Ultramarins vers leur propre territoire. Toutes les mesures que nous avons combattues, comme la suppression de la TVA non perçue récupérable pour les entreprises et le resserrement de l’abattement sur l’impôt sur le revenu, seront, in fine, financées par les Ultramarins eux-mêmes.

Or nos territoires ultramarins souffrent d’un chômage chronique, structurel, important, insupportable. Madame la ministre, vous étiez voilà quelques jours à l’île de la Réunion, où plus de six jeunes sur dix sont au chômage : vous avez pu constater de visu la souffrance et le désarroi de la population réunionnaise, dont près de 42 % vit sous le seuil de pauvreté.

Je vous félicite pour votre courage et pour l’écoute dont vous avez fait preuve vis-à-vis des Réunionnaises et des Réunionnais. Mais, vous l’aurez compris, il faut à présent aller vite, et beaucoup plus loin. Il faut que ces revendications soient entendues au plus haut niveau de l’État !

De fait, à l’image de cette crise sociale sans précédent qui secoue La Réunion, force est de constater que nos territoires d’outre-mer vivent actuellement dans la plus grande inquiétude. Cette situation doit s’améliorer rapidement, car les collectivités territoriales ne peuvent plus agir, en raison, notamment, de la contraction de la dotation globale de fonctionnement et de la suppression des contrats aidés.

L’emploi en outre-mer devrait être la première priorité de cette mission !

Le programme 138 est, en ce sens, crucial. Pour l’essentiel, il prend en charge les exonérations de cotisations de sécurité sociale. Il est donc fortement affecté par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui prévoit, sauf pour Mayotte, les modalités de suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont le taux en outre-mer était majoré à 9 %, contre 6 % en métropole.

Sur le régime des aides directes aux entreprises de la nouvelle action n° 04, je m’interroge : pourquoi remplacer un dispositif qui fonctionne de façon relativement simple – la TVA non perçue récupérable – par une multitude de petits dispositifs complexes de soutien aux entreprises ?

Je m’interroge aussi sur le délai d’activation de ces nouvelles aides, qui doit être le plus court possible : quand seront-elles opérationnelles ? Je m’interroge encore sur leur pérennisation, car on sait que les dispositifs de ce type finissent par être abandonnés par l’État après quelques années… Je m’interroge enfin sur leur efficacité, car on sait qu’un système unique et lisible est toujours préférable à un émiettement des aides.

Nous souhaitons que ce budget pour 2019 ne fasse aucun perdant.

J’en viens maintenant à nos compatriotes d’outre-mer, aux ménages touchés par la ponction de 70 millions d’euros par an prévue à l’article 4 du projet de loi de finances. A-t-on évalué les effets de cette mesure sur la classe moyenne ? A-t-on pris en compte que ralentir un peu plus la consommation en outre-mer nous amènera tout droit vers de nouvelles crises sociales ?

M. Jean-Louis Lagourgue. Le pouvoir d’achat, vous le savez, est l’une des principales préoccupations en outre-mer. L’État doit s’impliquer pour réduire les inégalités avec la métropole.

Plusieurs propositions vous ont été faites, madame la ministre, parmi lesquelles la mise en place d’une continuité territoriale des biens et des marchandises, la révision de certaines taxes et le plafonnement des prix. Le débat doit être ouvert. Je pense que vous avez pleinement conscience des attentes de nos populations.

Madame la ministre, nos outre-mer doivent surmonter à la fois l’éloignement géographique, l’insularité, l’étroitesse des marchés et l’exposition aux risques naturels. Ces défis nécessitent une solidarité de la part de la Nation tout entière. Aujourd’hui, il y a moins lieu que jamais de remettre en cause cette solidarité.

Le budget que vous nous présentez ce matin n’est pas encore à la hauteur des enjeux de nos territoires ultramarins. En conséquence, nous nous abstiendrons sur les crédits de la mission. (Mme Victoire Jasmin applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pauvreté et précarité records, problèmes d’éducation alarmants, criminalité grandissante, manque d’infrastructures scolaires et hospitalières : de quoi parle-t-on, mes chers collègues ? De nos banlieues ? De nos milieux ruraux ? D’un énième espace où l’État est en recul dans la France métropolitaine d’Emmanuel Macron ? Non ! Tout simplement d’autres territoires oubliés de la République, qu’on occulte bien trop souvent : les outre-mer.

À l’appui du constat des grandes difficultés que ces régions et départements rencontrent, la dernière étude de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur l’effectivité des droits de l’homme dans les outre-mer fait état de situations d’extrême pauvreté auxquelles doit faire face une proportion élevée des populations ultramarines. L’exclusion sociale est provoquée notamment par un système éducatif limité, dont les répercussions ne peuvent être que négatives sur l’insertion socioprofessionnelle et le développement des territoires. Les infrastructures scolaires délabrées et mal réparties ne permettent pas aux jeunes d’avoir accès à une éducation de qualité.

Sur le volet sanitaire également, le constat est préoccupant. Ainsi, le taux de la mortalité infantile et maternelle est largement supérieur à celui de la métropole. Pourtant, cette situation est décrite comme évitable, car la surmortalité serait due au manque de moyens dans les établissements hospitaliers et de mesures thérapeutiques.

En outre, les spécificités climatologiques de ces territoires entraîneraient une prévalence des maladies infectieuses et parasitaires, couplées à un déficit d’accès à l’eau potable, notamment à Mayotte et en Guyane. Les enjeux de santé publique les plus élémentaires sont négligés, au détriment d’une population particulièrement exposée.

Les régions et départements d’outre-mer ayant souffert trop longtemps du manque d’investissements de l’État et du recul des services publics, nous attendions beaucoup, madame la ministre, du budget qui leur serait alloué. Nous notons les augmentations d’autorisations d’engagement prévues par ce projet de loi de finances, bien qu’elles soient moindres que ce que laissaient présager les documents budgétaires liminaires transmis à l’Assemblée nationale en octobre dernier.

Toutefois, mes chers collègues, nous vous enjoignons de considérer un peu plus en détail les dépenses prévues par le projet de loi de finances. Plusieurs écueils devraient attirer votre attention.

Dans ce budget, madame la ministre, vous faites le choix de doter massivement l’investissement privé pour l’emploi et les entreprises, au détriment du programme « Conditions de vie outre-mer », au sein duquel nous constatons une réduction des financements accordés aux services publics et une stagnation de ceux alloués aux collectivités territoriales.

Une fois de plus, vous appliquez votre doxa, qui laisse entendre que le progrès social passe avant tout par une bonne santé économique, alors même que la pauvreté et la précarité de ces territoires exigeraient que l’on investisse davantage dans les services publics.

Il faut remarquer aussi le choix discutable que vous faites en matière économique : alors que vous promettez plus de 1 milliard d’euros pour redynamiser les territoires ultramarins, vous décidez de n’accorder que 15 millions d’euros à un « fonds vert » destiné à lutter contre les changements climatiques et à investir dans les énergies renouvelables. S’agit-il d’un acte manqué ?

Au regard du climat majoritairement tropical des outre-mer et compte tenu du fait que la France est la deuxième puissance maritime mondiale, nous avions les moyens de devenir les champions des énergies propres, notamment hydraulique et solaire. Mais, une fois de plus, le Gouvernement est absent là où il aurait pu impulser une politique économique novatrice dans ces territoires.

Mes chers collègues, par les résultats du référendum du 4 novembre dernier en Nouvelle-Calédonie, des Ultramarins ont renouvelé leur confiance en l’État français et ont signifié leur volonté d’appartenir à notre nation. Nous ne saurions leur répondre en les considérant comme des citoyens de seconde zone !

Puisque ce budget manque d’ambition, qu’il porte un énième coup de rabot aux services publics ultramarins et ne prend pas suffisamment en compte les spécificités économiques, sanitaires, sociales, territoriales et climatiques de l’outre-mer, nous voterons contre les crédits de la mission ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Monsieur le président, mes chers collègues, j’aimerais, madame la ministre, que vous vous sentiez exonérée du plaidoyer auquel je vais me livrer. Je vous ai vue au front, ces quatre derniers jours encore à La Réunion : vous avez essayé par tous les moyens, avec toute votre détermination et tout votre être, de rectifier ce qui pouvait l’être, et je vous rends hommage pour cela. Parce que je suis habitée par la justice, cette justice qui a tant fait défaut dans la construction de nos peuples, je me dois de vous rendre justice quand il le faut.

M. Yvon Collin. Très bien !

Mme Catherine Conconne. L’an dernier, à cette même tribune, j’avais parlé à propos du budget de l’outre-mer d’effet Doliprane, faisant allusion à un médicament célèbre censé calmer la douleur. Comme un pied de nez, vous avez choisi la couleur bleue pour désigner le document censé nous apporter des mesures, des solutions, des remèdes : le livre bleu, bleu un peu comme cette fameuse pilule censée redonner de la motivation… (Sourires.)

Hélas, je me rends compte que, cette année encore, le couple formé par l’outre-mer et la France hexagonale s’installera inexorablement dans la routine.

La routine, une année de plus : tout cela parce qu’un énième gouvernement n’a toujours pas compris que, lorsqu’on a entre 23 % et 25 % de chômeurs, tous territoires confondus, et un niveau de revenus inférieur de 10 000 euros à celui du reste du territoire français, il faut sortir de la routine !

Un gouvernement qui n’a toujours pas compris qu’avec des territoires manquant d’infrastructures élémentaires, il faut sortir de la routine !

Un gouvernement qui n’a toujours pas compris qu’avec une industrie touristique qui pourrait être notre fer de lance, mais dont l’attractivité est en berne, et qui peine à faire face à la concurrence mondiale féroce, il faut sortir de la routine !

Un gouvernement qui n’a toujours pas compris qu’avec des territoires dans lesquels l’investissement de l’État par habitant est très inférieur à ce qu’il est dans le reste du territoire, il faut sortir de la routine !

Un gouvernement qui n’a toujours pas compris que, avec des territoires où plus de la moitié de la jeunesse est durablement installée dans le chômage, il faut sortir de la routine !

Il n’a pas compris qu’avec des territoires, comme la Guadeloupe et la Martinique, où entre 3 000 et 5 000 personnes quittent le pays et, pour l’essentiel, n’y reviennent pas, il faut sortir de la routine !

Ni que sur des territoires où la confiance durable est essentielle, on ne peut continuer à rapiécer, en ajoutant en cours de débat 10 millions d’euros par-ci, dix autres par-là. L’amendement du jour, que vous vous apprêtez à présenter, madame la ministre, est une nouvelle illustration de cette méthode. Là aussi, il faut sortir de la routine !

Or on prive la classe moyenne de nos territoires, la seule en mesure pour l’instant d’amorcer la pompe de la consommation, de ce que le Gouvernement, en chasseur de recettes, a qualifié, à tort, de « niche fiscale » : l’abattement légitime de 30 % sur l’impôt sur le revenu destiné à corriger les 38 % de vie chère supplémentaire. Partant, on frappe les classes moyennes en plein vol : alors qu’elles ont déjà arrêté leur plan d’investissement en fonction de leur reste à vivre, on leur annonce qu’elles disposeront d’un reste à vivre amoindri.

Dans des territoires où le logement insalubre fait encore florès, il faut sortir de la routine !

Dans un territoire où la mortalité infantile est trois fois plus élevée que dans le reste du territoire français, oui, il faut sortir de la routine !

Comme vous, madame la ministre, j’aurai « fait le job » ce matin. Mais je l’aurai fait sans espoir, en vain, car j’entends déjà qu’on me hurle un énième : « Nous gardons le cap ! » Ce fameux « Nous gardons le cap ! » qui entraîne aujourd’hui des milliers de Français dans la rue.

Madame la ministre, nous essaierons de faire. Dans nos pays, nous avons l’habitude de la résignation, la saine résignation, et de la résilience, la saine résilience. Nous avons l’habitude aussi de résister, de résister à la fatalité de la misère. Nous avons l’habitude de se maré ren, c’est-à-dire de nous ceindre les reins, en vaillants hommes et femmes, pour faire face aux difficultés.

Nous ferons donc, nous nous bâtirons, comme dirait le poète, « avec des bouts de ficelle, avec des rognures de bois, avec de tout tous les morceaux bas ».

J’aurai moi aussi fait le job, sans espoir, en vain, mais, parce que je refuse la résignation, parce que la situation est trop grave, durablement trop grave, pour que je puisse me contenter d’un « C’est bon comme ça », parce que nos pays ont résolument besoin d’un big-bang, sachez, madame la ministre, que notre groupe votera contre le budget de la mission !

Je finirai par un exemple : nous avons été destinataires du document de programmation par territoire, le DPT, que nous considérons comme un exercice difficile. On nous annonce, pour le pays que je connais le mieux, mais aussi pour les autres, des hausses de budget. Je veux bien y croire, et ce serait tant mieux.

Seulement, nous découvrons que ces hausses – 1,5 % pour le pays que je connais le mieux, la Martinique – correspondent en fait à l’augmentation des budgets de la défense – 8 millions d’euros supplémentaires –, des forces de sécurité – 4 millions d’euros supplémentaires – et de l’administration générale et territoriale de l’État – 4 millions d’euros supplémentaires – et le budget de l’enseignement scolaire, soit tout ce qui fait le devoir de l’État, le devoir régalien de l’État ? J’ai envie de vous demander, pour parodier une célèbre publicité : What else ?

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je vous annonce, la mort dans l’âme, que je voterai contre le budget de la mission « Outre-mer » ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, de prime abord, le budget de la mission « Outre-mer » pour 2019 semble en légère hausse par rapport à celui de cette année : de 22,5 % pour les autorisations d’engagement et de 20,5 % pour les crédits de paiement.

Si l’on s’arrêtait à ces chiffres, on pourrait se réjouir. Mais, comme l’ont souligné les rapporteurs, en soustrayant les mesures de périmètre, il apparaît que les crédits de la mission sont en réalité stables, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

Cela est insuffisant, madame la ministre, pour répondre aux situations difficiles que connaissent nos territoires ultramarins, depuis très longtemps. Une augmentation des crédits aurait été nécessaire pour montrer à nos populations que le Gouvernement avait pris la mesure de leurs difficultés tant structurelles que conjoncturelles.

Malheureusement, budget après budget, ministre après ministre, nous sommes obligés de nous battre avec acharnement pour, simplement, conserver l’existant, déjà insuffisant…

L’augmentation du nombre de contribuables à l’impôt sur le revenu par la modification de l’abattement de 30 % et l’augmentation de la taxation sur le rhum, largement infondée, sont symptomatiques des incohérences et des incompréhensions dont fait preuve le Gouvernement en prenant des décisions unilatérales, le plus souvent sans étude d’impact.

S’agissant du rhum, madame la ministre, lorsque vous évoquez une mesure de santé publique, comprenez notre désarroi dans un contexte où, parallèlement, nous ne savons toujours pas si les taux de sucre dans les denrées alimentaires dans les outre-mer sont bel et bien contrôlés, plus de deux ans après le vote de la loi et la publication, bien tardive, du décret d’application. Comment peut-il y avoir, d’un côté, un empressement à taxer et, de l’autre, un manque de suivi dans l’application d’une loi pourtant fondamentale pour la santé publique ?

En ce qui concerne mon île, Saint-Martin, c’est avec force qu’il m’a fallu, avec l’aide de mes collègues, que je remercie, batailler, contre l’avis du Gouvernement, pour obtenir le maintien du dispositif prévu par la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, en faveur des entreprises sinistrées après le passage d’Irma et qui peinent à repartir.

Il en a été de même pour arracher in extremis des mesures en faveur du logement social et de la rénovation hôtelière.

Madame la ministre, j’espère que vous aurez entendu mon message et celui que le Sénat a voulu vous adresser en adoptant ces deux amendements. Donnez à Saint-Martin les moyens de se relever et, plus largement, aux territoires ultramarins les moyens de faire face aux nombreux défis auxquels ils sont durablement confrontés !

Malgré nos ministres des outre-mer successifs, de Mme Penchard à vous-même, madame Girardin, en passant par M. Lurel, Mmes Pau-Langevin et Ericka Bareigts, le combat reste le même, malheureusement.

Comprenez que notre objectif à tous, c’est de défendre nos territoires, nos populations, non contre vous, mais avec vous ! À vos côtés, mais avec détermination, pour que s’expriment avec force et de façon audible les voix de nos territoires. Puissions-nous être un jour entendus. Alors les outre-mer ne seront plus considérés comme une charge, mais bien au contraire comme une chance pour la France, un atout supplémentaire pour sa cohésion nationale et son rayonnement international ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Victoire Jasmin et M. Pierre Laurent applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Poadja.

M. Gérard Poadja. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Outre-mer ». Ce rendez-vous incontournable est l’occasion de nous prononcer sur les orientations politiques et budgétaires pour nos territoires ultramarins.

Je tiens avant tout à saluer le travail des rapporteurs, plus particulièrement de mes collègues centristes Mme Dindar, rapporteur pour avis, et M. Laurey, rapporteur spécial.

Il est difficile de prendre position sur une mission aussi vaste, avec des domaines divers et des territoires qui ont chacun leurs spécificités. De plus, cette mission ne représente qu’un dixième de l’effort total pour les outre-mer : celui-ci s’élève à 24 milliards d’euros, répartis entre quatre-vingt-huit programmes.

Cela devrait nous amener à une réflexion sur l’organisation du budget des outre-mer. En effet, cette mission est la seule à vocation géographique. Or nous devrions davantage intégrer les outre-mer dans toutes les composantes du budget. Nous pourrions aussi améliorer la lisibilité de ce budget, pour en avoir une vision plus globale et mieux adaptée à la diversité des territoires.

Sur le fond, les défis pour les outre-mer sont nombreux.

La situation actuelle à La Réunion est très préoccupante. Les taux de pauvreté et de chômage, bien plus élevés que dans l’Hexagone, ajoutés à la cherté de la vie, y ont amplifié et fait prendre une tournure violente au mouvement des « gilets jaunes ». Cette situation met en lumière les difficultés économiques, sanitaires, sociales et sécuritaires auxquelles nombre de territoires ultramarins sont confrontés.

Dans ce contexte difficile, ce budget doit avant tout permettre la mise en œuvre du Livre bleu, fruit des assises de l’outre-mer et remis au Président de la République en juin dernier. Nous en attendons cette année les premières concrétisations. Nous saluons cette initiative, mais nous serons attentifs à leur traduction concrète sur le terrain.

À première vue, la mission connaît une hausse exceptionnelle de ses moyens : 22 % d’autorisations d’engagement et 21 % de crédits de paiement en plus. Toutefois, comme il a été signalé à l’Assemblée nationale et au Sénat, cette hausse n’est qu’apparente : elle s’explique en réalité par des mesures de périmètre qui font évoluer les contours de la mission, ainsi que par trois sources de financement qui existaient déjà, mais dont la nature change.

La première de ces sources est la transformation du CICE en exonérations de charges à l’échelle nationale. Les deux autres, ce sont les 170 millions d’euros d’aides fiscales transformées en soutien budgétaire : 100 millions d’euros issus de la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable, 70 millions d’euros de la diminution de l’abattement sur l’impôt sur le revenu applicable dans certains départements et régions d’outre-mer.

En définitive, les crédits de la mission « Outre-mer » sont donc stables.

La disparition d’aides fiscales a logiquement suscité des inquiétudes chez bon nombre de nos collègues ultramarins. Je crois qu’elle aurait mérité davantage de pédagogie de la part du Gouvernement.

Je salue néanmoins, madame la ministre, votre volonté de faire autrement, en changeant le mode d’accompagnement des territoires d’outre-mer.

En matière de logement, ainsi que l’a indiqué notre collègue Nuihau Laurey, rapporteur spécial, les moyens budgétaires visant à le favoriser sont stables, mais inférieurs aux besoins. Dans les collectivités du Pacifique, par exemple, les coûts de construction des logements sont très élevés, du fait de l’insularité et de l’éloignement. L’État doit pouvoir apporter un soutien plus actif à ses territoires les plus éloignés.

À l’Assemblée nationale, la défiscalisation applicable au secteur du logement social a été étendue aux travaux de rénovation d’immeubles de plus de vingt ans dans certaines zones prioritaires des collectivités d’outre-mer et de Nouvelle-Calédonie. C’est une avancée, mais c’est encore insuffisant. Étant donné les coûts de construction élevés, il faudrait relever le plafond du montant des travaux pris en compte pour le calcul de la réduction d’impôt par logement.

Je crois aussi que nous devrons résoudre le problème des effets de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés sur les schémas de défiscalisation en Nouvelle-Calédonie. Je reviendrai sur cette question dans la suite de la discussion du projet de loi de finances.

Plus généralement, le changement aurait pu être mieux accompagné, mais le volontarisme de ce budget doit être salué. En dépit de certaines réserves, le groupe de l’Union Centriste votera donc les crédits de la mission « Outre-mer ».

Madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce budget au lendemain d’une journée historique pour la Nouvelle-Calédonie : le 4 novembre dernier, les Calédoniens ont choisi souverainement leur destin. Je tiens à saluer l’implication de l’État, qui a fait en sorte que la consultation se déroule dans les meilleures conditions. Nous avons franchi une étape de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Il faut désormais nous intéresser à son développement économique, afin de consolider la paix et de construire ensemble un avenir commun !

M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, mes chers collègues, la trajectoire de politique économique pour les outre-mer que vous nous présentez, madame la ministre, au cours de cette séquence budgétaire, ainsi que les mécanismes qui y président, ont suscité des inquiétudes d’une rare intensité.

Ainsi, au cours des nombreuses auditions que j’ai conduites, toutes les remontées de terrain ont convergé pour exprimer de très sérieux doutes sur les choix stratégiques opérés.

Au centre de cette politique, c’est la question du développement des outre-mer qui se pose. Ce développement implique une vision de long terme.

Or plusieurs points constituent des signaux d’alerte.

Le premier concerne la réforme des allégements de charges patronales, un paramètre essentiel pour la compétitivité des économies ultramarines. Si, face à la concurrence régionale et au niveau très bas du coût du travail, cette mesure se justifie, elle ne peut plus se comprendre si l’on se place sur le long terme. De plus, associée à la remise en cause de la baisse des charges sur les salaires d’encadrement et d’expertise, elle enferme les marchés ultramarins, les condamnant à s’inscrire sur des segments de basse et de moyenne gamme.

Surtout, cette orientation n’est pas cohérente avec une politique de développement de la formation et d’exhortation des jeunes à participer à la mobilisation économique.

Les crédits de l’aide à la formation et à la qualification professionnelles sont, à cet égard, en légère hausse, ce dont il faut se féliciter. Mais, faute de salaires attractifs, trop de jeunes diplômés choisiront de poursuivre leur carrière à l’étranger. Il faut plus globalement prendre garde au nivellement salarial provoqué par une telle politique.

Il me semble que le niveau du coût du travail touche à des sujets de fond.

J’ouvre d’ailleurs une parenthèse pour rappeler que, s’agissant de la formation de base, les outre-mer sont pionniers avec un service militaire adapté, le SMA, qui démontre année après année son efficacité. J’ai relevé une approbation unanime au sujet de la solidité de la formation des jeunes passés par ce service militaire. Il existe là un potentiel de formation qui doit être développé, car le SMA ne profite qu’à 6 000 jeunes par an.

Fort pertinemment, les travaux du Sénat ont permis de borner la discussion sur l’établissement des seuils d’exonération, qui a été poursuivie durant la navette et à laquelle, madame la ministre, vous vous étiez engagée, l’honnêteté commande de le souligner. Les échanges ont abouti à un relèvement des seuils qui, sans répondre intégralement aux demandes formulées par les socioprofessionnels, constitue une amélioration par rapport au dispositif initial.

Je crois pouvoir dire que toutes les collectivités ont exprimé un besoin d’adaptation aux réalités locales, dans un souci d’efficience des dispositifs.

Tel a été le cas à Saint-Barthélemy qui a souhaité faire prévaloir la stabilité, surtout dans un contexte économique qui reste, malgré une reconstruction avancée, marqué par l’après-Irma.

L’île de Saint-Barthélemy n’est pas bénéficiaire du CICE : elle n’était donc pas directement concernée par les enjeux de sa transformation en baisse de charges, et je vous sais gré, madame la ministre, d’avoir entendu cette demande.

Un autre signe est envoyé au travers de la méthode employée, qui est inédite – il faut bien le dire – dans ses principes et dans ses proportions : celle-ci a renvoyé l’idée que les outre-mer, par « recyclage » des sommes disponibles localement, financeraient leur propre développement.

Pour 2019, en effet, le budget opère une ponction de sommes disponibles entre les mains des agents économiques pour les centraliser : cela s’appelle une hausse de la fiscalité, qui va modifier les comportements économiques dans un sens restrictif.

Certes, nous comprenons bien les contraintes budgétaires qui obligent à faire des arbitrages douloureux, madame la ministre, mais je ne peux m’empêcher de m’étonner, sinon de l’inexistence, du moins de la faiblesse de la prise en compte des effets collatéraux de mesures qui peuvent paraître pertinentes budgétairement.

Dans ces économies qui peinent, les augmentations fiscales résultant, d’une part, de la réduction de la réfaction de l’impôt sur le revenu des classes moyennes et, d’autre part, de la suppression de la TVA non perçue récupérable, la TVA-NPR, ne pourront avoir qu’un effet déstabilisateur.

Avec la réduction de l’abattement de l’impôt sur le revenu, il reste que ce sont 70 millions d’euros dont seront privés des secteurs d’activité tels que les loisirs, les services à la personne, et j’en passe. Dans cette hypothèse, un cercle vicieux, qui pourrait se traduire à terme par une augmentation des dépenses sociales, s’enclenchera.

En outre, bien que n’ayant pas une inclination particulière pour le développement subventionné, il n’en demeure pas moins que la TVA-NPR constitue un élément de la trésorerie des entreprises. Il y a donc fort à parier que celles-ci seront tentées de compenser sa suppression par des augmentations de prix, créant un autre cercle vicieux inflationniste.

Il est vrai que les territoires ultramarins se caractérisent par leurs besoins en infrastructures. La progression du fonds exceptionnel d’investissement, dont les crédits s’établissent à 110 millions d’euros, est conforme aux préconisations du Livre bleu outre-mer.

Ainsi, à la dépense fiscale faisant appel au libre arbitre des agents économiques, vous préférez la recentralisation des crédits et l’étatisation de la dépense. Le choix a donc été fait de prendre un risque récessif pour améliorer les infrastructures.

Là encore, la compensation soulève de nombreuses inquiétudes essentiellement, très prosaïquement d’ailleurs, en raison du traitement administratif des demandes de financement qui seront présentées. Qui va les traiter, à quel rythme et selon quel processus ?

Dans tous les cas, entreprises et collectivités auront à remplir des dossiers qui devront ensuite être instruits, cette dernière étape comportant des incertitudes et entraînant des délais d’attente. Madame la ministre, le Gouvernement est-il en mesure de s’engager à garantir la célérité des démarches ?

L’annualité budgétaire se traduit trop souvent par des crédits non consommés et l’étape administrative ne doit en aucun cas se transformer en une variable de limitation de la consommation.

La stabilité du cadre fiscal et économique est l’autre enjeu pour les outre-mer.

Chaque gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, se fait fort de présenter sa réforme avant même que les mesures adoptées par ses prédécesseurs n’aient atteint leur rythme de croisière. C’est un stop and go incessant qui pousse les investisseurs à l’attentisme.

Il en va ainsi du CICE, transformé en réduction de cotisations, alors que les entreprises venaient à peine de s’y adapter. Au surplus, cette transformation ne sera pas dénuée de conséquences fiscales.

À la différence du CICE, c’est-à-dire un crédit d’impôt assis sur la masse salariale, les baisses de cotisations entraînent une hausse du résultat net et du bénéfice imposable de l’entreprise. Fiscalement, il n’est donc pas certain que les réductions de charges ne soient pas atténuées dans certains cas par des augmentations d’impôts.

Par ailleurs, en ce qui concerne les zones franches d’activité nouvelle génération, il conviendra de même d’être attentif aux effets d’éviction qui pourraient être occasionnés par la simplification du dispositif et la suppression des zones géographiques, ainsi qu’aux « trous dans la raquette », comme a pu le redouter un entrepreneur auditionné.

Au total, en dépit de toutes les réserves exprimées, je vous fais crédit, madame la ministre, d’avoir pris en compte l’apport du Sénat pour rééquilibrer une approche trop comptable des outre-mer. C’est dans cet esprit constructif que je ne m’opposerai pas à l’adoption des crédits de cette mission, espérant qu’elle permettra une coconstruction accrue dans l’unique intérêt des outre-mer.

Si, sur un plan purement comptable, notre groupe choisit de ne pas s’opposer à votre budget, reconnaissons ici que, derrière les chiffres, il existe des choix politiques forts et surprenants, pour ne pas dire inquiétants, faits par votre gouvernement. Je peux donc comprendre et partager les inquiétudes qui se sont généralisées en outre-mer.

Tout en affirmant votre volonté d’appliquer une politique de différenciation territoriale, madame la ministre, je constate avec une certaine amertume que vous choisissez une direction et un cap diamétralement opposés. C’est dans les territoires que se prennent les bonnes décisions, c’est dans les territoires que se prennent les décisions les mieux adaptées et les plus efficaces. Alors, pourquoi ne pas laisser et redonner aux territoires les moyens et la liberté d’agir ?

M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani.

M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » s’inscrit dans un contexte de maîtrise de la dépense publique. Pour autant, elle n’exclut pas l’ambition d’aider chaque territoire à construire son propre modèle de développement en créant les conditions pour que les initiatives s’expriment et soient soutenues de façon pragmatique, mais durable.

Le Livre bleu outre-mer, remis en juin dernier au Président de la République, constitue la feuille de route du Gouvernement pour les prochaines années. Cette mission en est une première traduction financière.

C’est pourquoi, à un budget 2018 de transition, succède un budget 2019 de transformation et de responsabilisation.

Il s’agit de dépenser mieux pour plus d’efficacité, avec des objectifs prioritaires tels que le développement des infrastructures indispensables au quotidien de la population et au fonctionnement des entreprises créatrices d’emplois et de richesses, mais aussi la réorganisation de l’aide à l’activité économique, la construction et la rénovation de logements et, enfin, la formation des jeunes.

Je rappelle que la mission ne couvre qu’un dixième de l’effort financier global de l’État pour les outre-mer. Celui-ci s’élève à plus de 23 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à plus de 22 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 7,6 % et de 4,6 %. La mission en elle-même, qui représente 2,57 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,49 milliards d’euros en crédits de paiement, correspond à 0,54 % du budget général de l’État contre 0,48 % l’an passé et 0,40 % en 2017, ce qui témoigne de la préservation des crédits spécifiquement affectés aux outre-mer.

Les hausses de crédits de la mission de 22,5 % en autorisations d’engagement et de 20,52 % en crédits de paiement s’expliquent par des mesures de transfert et de périmètre, conséquences de votre volonté, madame la ministre, de mettre la dépense publique au service du plus grand nombre et de repenser les mécanismes d’accompagnement des économies d’outre-mer.

Ces mesures résultent de trois réformes majeures : la transformation nationale du CICE en exonérations de charges ciblées sur des secteurs en développement, la suppression de la TVA non perçue récupérable et la diminution du plafond de la réduction d’impôt pour les plus hauts revenus dans les DOM.

Ces changements, fussent-ils justifiés par un souci de justice et d’efficience économique, ne se font pas sans appréhension. Ils ont donné lieu à d’intenses débats sur nos travées et sur les bancs de l’Assemblée nationale. Certains craignent que des entreprises ne soient perdantes, que des territoires ne perdent de l’attractivité, que le pouvoir d’achat ne baisse.

Vous promettez de redéployer l’équivalent des euros ainsi obtenus aux outre-mer. Beaucoup voient un changement de paradigme : les outre-mer, dont les handicaps structurels et la légitimité à revendiquer une égalité réelle avec l’Hexagone sont indéniables, s’autofinanceraient dorénavant entre eux, les moins faibles aidant les plus pauvres.

Or, vous l’avez dit, madame la ministre, l’État ne se désengage pas. Il consacre 17 milliards euros de crédits aux outre-mer, bien que la fiscalité n’y rapporte que 4 milliards d’euros. J’ajoute que cet effort est largement fondé, ne serait-ce qu’en raison de la faiblesse répétée et toujours très importante du PIB par habitant de nos territoires : celui de Mayotte est ainsi 3,6 fois plus faible que le taux national.

Nous attendons que la réduction des dépenses fiscales et sociales se traduise bien en dépenses budgétaires et pilotables. Les économies issues de la suppression de la TVA-NPR alimenteront le programme 138 de la mission pour améliorer l’accès au financement des entreprises. J’espère aussi que le fonds exceptionnel d’investissement du programme 123 ainsi abondé sera utilisé et ne perdra pas de sa substance au fil des années. Je l’attends d’autant plus qu’une partie de ce fonds doit être consacrée à la construction d’établissements scolaires en Guyane et à Mayotte. J’aurai l’occasion d’y revenir lors de l’examen de la mission « Enseignement scolaire ».

Le nouveau dispositif de zones franches, simplifié et ciblé sur des secteurs d’activités soumis à la concurrence, mais essentiels par leur capacité à créer activité et emplois, contribuera à la revitalisation des économies ultramarines.

Tout en restant ferme dans vos convictions, vous avez su écouter nos inquiétudes et apporter des ajustements, madame la ministre. Vous avez modifié les paramètres des nouvelles exonérations de charges pour les entreprises, afin d’atténuer le phénomène de trappe à bas salaires. Vous avez élargi les secteurs éligibles. Vous avez tenu compte des particularités de la Guyane, notamment.

J’insiste, nos territoires d’outre-mer restent fragiles. Cette fragilité recouvre des difficultés parfois semblables, parfois de nature très différente. Promouvoir un développement endogène est vertueux, mais veillons à ce que des outils mal ajustés ou mal compris ne nous entraînent pas dans une logique de mal-développement endogène. La crise qui a bloqué Mayotte plusieurs mois durant a révélé l’importance du contexte régional dans la conduite des politiques publiques locales. Mayotte, qui fait face à une très forte immigration, a montré qu’elle manquait cruellement de sécurité, de logements, d’écoles, de routes et d’un aéroport adapté – j’insiste sur ce dernier point. Dès lors, comment attirer les compétences et les y maintenir ?

Très récemment, les Réunionnais ont montré leur profond mal-être. Madame la ministre, vous êtes allée à leur rencontre et avez annoncé des mesures, dont plusieurs sont d’ailleurs déjà inscrites dans le budget de l’État. Vous avez ainsi annoncé la création d’une zone franche globale à 7 % à La Réunion. S’agit-il d’un dispositif tout à fait nouveau et particulier ?

M. le président. Il va falloir penser à conclure, mon cher collègue !

M. Abdallah Hassani. Ou bien La Réunion rejoindrait-elle la Guyane et Mayotte dans le régime dit de « compétitivité renforcée » ?

Les besoins en logements sont considérables. Il faudrait en construire 50 000 en Guadeloupe d’ici à 2030, plus de 4 000 par an pendant vingt ans en Guyane. À Mayotte, seuls 570 logements locatifs sociaux et très sociaux ont été financés entre 2015 et 2017.

Les déplacements ultramarins du Président de la République et de nombreux ministres témoignent de l’intérêt de la Nation pour les outre-mer. À la suite de ce premier budget de transformation, les budgets qui lui succéderont continueront d’y apporter, je l’espère – et je répète, je l’espère ! –, une traduction concrète.

Le groupe La République En Marche votera les crédits de cette mission. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « Notre combat, jusqu’ici, a été de tenter un rattrapage à tous les niveaux des départements d’outre-mer vers la métropole. Tout s’est passé comme si, dans l’Hexagone, cette volonté procédait d’un souhait utopique. » Ainsi s’exprimait le député de la Guadeloupe, Frédéric Jalton, en 1990 à l’Assemblée nationale. Ces propos demeurent vingt ans après d’une troublante actualité.

Aussi, madame la ministre, c’est à regret que je relaie ici les inquiétudes suscitées par votre budget, tant il est crucial pour nos collectivités de sortir de l’incompréhension qui mène au mal-développement.

Après plusieurs longs mois d’assises des outre-mer, la déception est d’autant plus grande que les attentes se sont exprimées directement à partir des territoires, qui savent assurément ce qui est bon pour eux.

Mes collègues ayant déjà évoqué avec pertinence les aspects purement budgétaires, je veux, dans le temps qui m’est imparti, me concentrer sur l’état d’esprit qui préside à la politique économique de votre gouvernement, dont nous examinons la traduction chiffrée aujourd’hui.

Si votre budget s’affiche en augmentation au plan comptable, cette hausse est en définitive le résultat de plusieurs ponctions fiscales, autrement dit des hausses d’impôts. Et pour la première fois, les territoires d’outre-mer financeront eux-mêmes les outre-mer.

Localement, la redéfinition des seuils d’exonération, dont les crédits de compensation nous sont présentés, laisse le sentiment amer d’un gouvernement sourd à la vision des socioprofessionnels ultramarins. Pis, le recentrage de nos économies sur les bas salaires risque de pénaliser plus encore une jeunesse déjà fragile et en mal de débouchés.

L’augmentation des crédits de cette mission résulte donc essentiellement d’un jeu d’écritures, inscrivant ici des crédits qui auraient pu l’être ailleurs, dans d’autres missions.

En outre, le « recyclage » mentionné par le président Magras et la « rebudgétisation » dénoncée il y a quelques jours par le sénateur Lurel inaugurent une rupture brutale de la solidarité nationale à l’endroit des outre-mer.

Dès lors se pose une question de fond, qui va bien au-delà de la simple annualité budgétaire : celle du maintien d’un ministère spécifique des outre-mer. À mon sens, ce ministère est certes un gage de sanctuarisation budgétaire, mais c’est aussi un « plafond de verre », qui nous enferme dans un entre-soi, qui ne parle de nous-mêmes qu’à nous-mêmes. (Mme la ministre opine.)

Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler que vous avez justifié votre position, madame la ministre, par l’obligation de rester dans le cadre de l’enveloppe qui vous avait été allouée. Ainsi, au fil des années, à périmètre constant, cette enveloppe stagne en réalité autour de 2,5 milliards d’euros alors que, dans le même temps, la question du développement endogène de nos différents territoires se pose avec beaucoup plus d’acuité.

Je sais combien la tâche est lourde, madame la ministre, et que vous vous investissez sans relâche. Pour autant, je ne peux pas approuver les orientations de ce budget ni m’empêcher de penser, en conscience, qu’il est peut-être temps d’emprunter d’autres voies, notamment institutionnelles.

Je souhaite conclure par ces mots de Frantz Fanon : « La politisation des masses se propose non d’infantiliser les masses mais de les rendre adultes. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Madame la ministre, j’ai apporté mon soutien sans réserve au budget que vous proposiez l’an dernier. Vous veniez d’être nommée, il s’agissait d’un budget de transition, d’amorçage, et nous nous étions donné rendez-vous cette année.

Pour 2019, ce devait être, dans un terme très macronien, le budget de la transformation des outre-mer. Je dois dire que je le recherche aujourd’hui… À l’époque, j’avais déclaré que, pour élaborer un budget – nous sommes tous issus de collectivités –, il faut une colonne vertébrale, faute de quoi ce budget devient un sac d’os.

Quelque part, l’exercice qui nous est proposé ne me convient pas. Je l’avais déjà dit et nous n’avions d’ailleurs pas participé aux assises des outre-mer – d’ailleurs, certains de nos collègues, aujourd’hui, en reviennent.

Quand on fait de la politique, il faut avoir de l’humilité et de la lucidité.

Il faut de l’humilité pour revisiter les méthodes, qui sont les nôtres. Je mets au moins à votre crédit le fait que vous ayez engagé une réflexion approfondie sur les outils, notamment les aides économiques, malgré quelques tensions avec les acteurs ces derniers jours, notamment ceux de la Fédération des entreprises des départements d’outre-mer, la FEDOM, même si je sais que vous avez arraché un arbitrage à Matignon en faveur du maintien d’un certain nombre de dispositifs.

Pour autant, il faut aussi de la lucidité, pour reprendre une expression présidentielle, mais cette fois-ci de notre président, Gérard Larcher. À un moment donné, si le bateau gouvernemental ne suit pas la boussole, qui est celle du CROSS Étel et, en l’occurrence, la boussole parlementaire qui donne un certain nombre de signaux, il s’échoue sur les rochers ou sur les coraux.

Faire preuve d’humilité aujourd’hui, c’est reconnaître, comme l’a fait par exemple Didier Robert à La Réunion, que l’on n’est peut-être pas allé assez loin sur un certain nombre de sujets.

Faire preuve de lucidité, c’est aussi écouter les parlementaires et plus se servir d’eux. Je le dis en toute amitié, et avec tout le respect que j’ai pour la fonction que vous occupez, vous devriez bien plus vous appuyer sur les parlementaires et être en rupture, au sein de ce gouvernement, avec la méthode utilisée. Sinon, vous irez dans le mur, exactement comme le reste du gouvernement, et vous entraînerez avec vous l’ensemble des outre-mer, territoires dont les problématiques sont, je le sais, chaque fois un peu différentes.

L’action publique est avant tout une œuvre collective. Il existe deux délégations parlementaires aux outre-mer, l’une au Sénat et l’autre à l’Assemblée nationale, qui aimeraient œuvrer à vos côtés pour porter la politique de ces territoires au niveau national, de manière plus collective et plus participative, afin que l’on ne découvre plus après coup un certain nombre de choses.

Il faut aussi de la confiance. Et, en la matière, c’est un peu comme en amour, il faut des preuves.

Je vais prendre l’exemple de mon territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon : cette confiance, on l’apprécie à la demande que le préfet a adressée à la collectivité de financer un investissement portuaire dans un port d’intérêt national… La confiance, on la mesure en découvrant, d’après le document de politique transversale consacré à l’outre-mer, que les budgets globaux alloués à ce territoire sont en baisse de 15 millions d’euros en 2019, que l’on s’appuie sur l’analyse des 88 programmes concourant à cette politique transversale ou sur celle de la seule mission « Outre-mer ».

Je suis inquiet pour mon territoire, comme je le suis pour le reste des territoires d’outre-mer, compte tenu de la méthode employée et des crédits engagés. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez apporter un certain nombre de réponses de nature à rassurer mes collègues du groupe du RDSE.

Aujourd’hui, nous sommes réservés sur cette mission parce que, comme l’a rappelé Guillaume Arnell, nous avons ces inquiétudes. Pour ma part, je me suis beaucoup concentré sur la méthode, mais aussi sur les aspects budgétaires de la mission. Nous espérons évidemment que, lors de votre intervention, vous pourrez éclairer notre lanterne ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.)

(M. Vincent Delahaye remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, je reviens tout juste d’un déplacement à La Réunion.

Je suis allé au contact de la population, parce que la seule méthode qui ait du sens pour moi, c’est l’écoute et le dialogue avec nos concitoyens. J’ai également rencontré les élus, le monde économique, les syndicats.

Je voudrais affirmer ici que, en Guyane et à Mayotte, hier, à La Réunion comme dans les autres territoires que je n’oublie pas et à Paris, aujourd’hui, notre modèle de vivre-ensemble, qui a tant fait notre fierté, est mis à mal.

C’est dans ces moments que le mot « gouverner » doit prendre tout son sens : gouverner, ce n’est pas imposer d’en haut des choix déconnectés de la réalité du terrain ; c’est toujours agir en responsabilité, guidé par l’intérêt général, pour que chaque citoyen trouve sa place dans la société.

Le dialogue est nécessaire. Pas plus tard qu’hier, de retour de La Réunion, j’ai organisé une visioconférence avec les Réunionnais, comme je m’y étais engagée devant eux, car le grand débat sur les réseaux sociaux n’avait pas pu aller à son terme.

L’État a pris des engagements forts et je rendrai compte de leur mise en œuvre à La Réunion et dans tous les territoires, tout comme je veillerai d’ailleurs à ce que chacun joue le jeu républicain. Cette responsabilité et cette transparence sont à la base de mon action. Vous le savez tous, depuis dix-huit mois, je travaille pour transformer nos territoires dans la dignité, le respect et l’unité, pour des outre-mer pleinement inscrits au cœur de la République.

Le projet de budget que je vous présente découle bien sûr de choix politiques majeurs et de convictions fortes. Ce choix de la transformation, c’est le refus du conservatisme, c’est la volonté d’accompagner les territoires vers un développement qu’ils auront eux-mêmes défini. C’est le propre de la démocratie participative et ce besoin s’est clairement exprimé sur le terrain, ces jours derniers.

C’était l’intérêt premier des assises des outre-mer : l’expression directe de milliers de citoyens, d’entrepreneurs, de porteurs de projets, qui nous disent à quel point l’État est attendu ! Ce n’est pas toujours plus d’État, mais mieux d’État…

Les exaspérations, les inégalités, les injustices exprimées, je les comprends comme une incitation à aller plus loin et à poursuivre dans la voie de la transformation. L’État est le garant des institutions, il se doit de protéger les plus démunis, mais aussi de libérer les énergies, tout en restant au plus près des attentes des Ultramarins.

Ces attentes sont claires.

Il y a tout d’abord l’emploi. Oui, l’emploi est une priorité parce que, sans activité, sans travail, sans fierté, un territoire, quel qu’il soit d’ailleurs, n’est qu’un navire à la dérive avec un équipage totalement perdu, et souvent en colère.

Il y a le pouvoir d’achat, ensuite : nous devons travailler en profondeur sur ce sujet dans les territoires d’outre-mer.

N’oublions pas non plus la qualité de vie : plus de services publics, plus de crèches, un système de santé performant.

Il faut aussi des formations et des emplois pour la jeunesse ultramarine. Nous avons besoin d’une société moins inégalitaire – elle l’est à La Réunion ou dans d’autres territoires d’outre-mer aujourd’hui – et plus solidaire.

Il faut, par ailleurs, et j’en ai pris l’engagement, une totale transparence de l’action de l’État. J’invite du reste à une totale transparence de l’action des pouvoirs publics.

On m’a aussi rapporté qu’il fallait des responsables et des élus plus exemplaires dans leur manière de gouverner.

Face à ces aspirations, je ne promets pas une égalité réelle ni une convergence des niveaux de vie vers une moyenne nationale, dont tout le monde sait que celle-ci recouvre une grande diversité. Ce n’est pas ma vision des choses, vous le savez. Chaque territoire ultramarin doit trouver son propre modèle de développement. Et comme je le rappelais à La Réunion, l’État ne fera pas seul. Il n’est pas, tant s’en faut, le seul à détenir les réponses aux défis qui sont devant nous.

Pour permettre aux territoires d’enclencher cette dynamique de progrès économique, le présent projet de budget nous donne les moyens d’agir sur l’investissement public et d’appuyer les entreprises.

En ce qui concerne l’investissement public, les crédits du fonds exceptionnel d’investissement sont portés de 40 millions d’euros à 110 millions d’euros par an. Ce niveau d’engagement sera maintenu tout au long du quinquennat. Sur cinq ans, ce sont donc 500 millions d’euros que nous affecterons au financement des infrastructures essentielles aux territoires.

Nous parlions de convergence : ces crédits y contribuent. La loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a par ailleurs prévu la signature d’une nouvelle génération de contrats dédiés au financement du rattrapage structurel. Ces contrats de convergence vont s’accompagner du mot « transformation ». Ils seront signés dans les prochaines semaines et scelleront les engagements de l’État et des collectivités jusqu’en 2022. Les outre-mer sont en avance sur l’Hexagone : sur quatre ans, l’effort de l’ensemble des périmètres ministériels va s’élever à 2 milliards d’euros. Pour ce qui est du ministère des outre-mer, nous allons y consacrer 179 millions d’euros en 2019, soit 15 % de plus que l’an passé.

L’investissement public, c’est également la construction et la rénovation de logements. Vous avez raison, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’une préoccupation essentielle dans les territoires d’outre-mer.

La ligne budgétaire unique est maintenue à 225 millions d’euros. Le produit de la cession des parts de l’État au sein des sociétés immobilières d’outre-mer, les SIDOM, opération que nous attendions tous et qui a rapporté une somme de 19 millions d’euros, est réservé au ministère des outre-mer dans la loi de finances rectificative pour 2018.

Ces derniers jours, j’ai eu l’occasion de réaffirmer les engagements pris en matière d’accession à la propriété et d’aide à la rénovation de l’habitat privé : traitement de l’ensemble des dossiers actuellement bloqués, réflexion sur la mise en place de nouveaux mécanismes en matière d’aide à la rénovation et d’accession à la propriété – je compte sur vous pour m’y aider, mesdames, messieurs les sénateurs. Bien évidemment, la diversification des parcours résidentiels outre-mer est une vraie préoccupation. Je crois que la réponse ne peut pas être que sociale, comme vous le savez tous ici.

D’ailleurs, le présent projet de loi de finances comporte de nombreuses mesures fiscales favorables à la construction de logements : prolongation de la défiscalisation, amélioration de la chronicité du versement du crédit d’impôt, mais aussi augmentation des quotas de prêts locatifs sociaux, allongement des délais de mise en location ou encore extension de la défiscalisation dans les collectivités d’outre-mer pour la réhabilitation du parc social existant.

Accroître l’investissement public est fondamental pour répondre aux besoins du quotidien des Ultramarins.

Mon second combat est tout aussi fondamental : c’est la bataille pour l’emploi, parce que c’est dans le travail, je le répète, que se construit la dignité, rappelée aujourd’hui encore dans les rues de La Réunion. Pour ce faire, il faut soutenir les entreprises et, bien sûr, créer des richesses.

Il m’a également été dit que, au-delà de la création de richesses, la vraie question était celle du partage : mieux répartir la richesse dans les territoires d’outre-mer est un défi que nous devons aussi relever ensemble.

Depuis décembre 2017, le Gouvernement a proposé de faire évoluer les aides pour l’emploi et l’activité économique outre-mer. Vous le savez, un travail énorme a été mené en ce sens. L’objectif était bien de définir une politique de développement économique volontaire, pilotée et cohérente et d’inscrire les dispositifs d’accompagnement dans le temps long.

Oui, certains outils disparaissent, parce qu’ils ne sont pas assez lisibles, parce que l’on ne savait pas, au final, où allaient véritablement les financements, parce qu’ils ne servaient qu’à quelques-uns, mais aussi parce que nos concitoyens nous demandent plus de transparence. Ils veulent savoir où va le moindre euro de leurs impôts, et il est normal que l’on puisse leur répondre, dans les territoires d’outre-mer comme ailleurs. Je puis vous assurer que cette transparence sera au rendez-vous !

Notre objectif n’a pas varié sur la question de l’écosystème d’accompagnement des entreprises : ce système doit être pérenne et ciblé, afin de faire des outre-mer des territoires de conquête économique. Si nous voulons l’excellence, nous devons être à la hauteur ! La transformation du CICE en allégement renforcé de charges sociales a entraîné un bouleversement des exonérations spécifiques aux outre-mer. Dans ce contexte, notre volonté a été d’assumer une politique de l’emploi, de simplifier les barèmes existants et de parier sur les secteurs d’avenir que sont l’économie bleue, l’innovation, le tourisme ou encore l’industrie.

Nous permettons que les zones les plus intenses en emploi bénéficient de charges égales à zéro. Outre-mer, 53 % des salariés gagnent moins de 1,4 SMIC et 80 % des demandeurs d’emploi sont peu ou pas du tout diplômés.

C’est non pas une trappe à bas salaires, mais une trappe à chômage qui existe aujourd’hui dans les territoires d’outre-mer. Je veux les en sortir. Surtout, je veux en sortir la jeunesse non diplômée, la jeunesse non qualifiée. En effet, qui sont tous les jeunes qui manifestent aujourd’hui ? Ce sont des jeunes sans emploi, qui nous demandent de prendre nos responsabilités et de faire en sorte que leur avenir soit meilleur, demain, dans chaque territoire d’outre-mer. Je serai au rendez-vous.

Nous avons mené un travail approfondi avec les administrations et les professionnels. Le Gouvernement a réalisé un effort supplémentaire de l’ordre de 130 millions d’euros, afin d’abaisser le coût du travail en outre-mer, tout en conservant l’objectif de mener une politique volontariste pour l’emploi et contre le travail illégal.

Les conséquences budgétaires sont tirées sur la mission « Outre-mer ». Tel est le sens des amendements qui ont été adoptés à l’Assemblée nationale, avec 30 millions d’euros supplémentaires – 15 millions d’euros à la suite de l’ajout d’un certain nombre de secteurs et 15 millions d’euros pour répondre aux spécificités de la Guyane. Tel est également le sens de l’amendement que je présenterai tout à l’heure, pour un montant de 65 millions d’euros. Au final, ce sont donc 95 millions d’euros supplémentaires qui ont été mobilisés par rapport au projet initial qui a été présenté à l’Assemblée nationale.

Certains s’interrogeront sur la raison de ces petits ajouts. J’avais dit ici qu’il nous fallait encore travailler, et jusqu’au dernier jour, avec l’ensemble du monde économique et coller à la réalité des besoins des territoires. C’est ce que nous avons fait à ce stade. Je précise que la modification des circuits de financement des exonérations de charges a entraîné une mesure de périmètre, faisant entrer 300 millions d’euros dans notre budget. Il s’agit d’une mesure purement technique. Vous connaissez ma volonté de transparence : je ne me vante jamais de quelque chose qui n’existe pas !

Ce nouvel écosystème économique ne se résume pas aux exonérations, même si ces dernières occupent évidemment une place importante dans les crédits du ministère.

Pour améliorer le financement de l’économie, la mission « Outre-mer » sera enrichie de nouveaux outils nécessaires au démarrage des projets. C’est l’objet de la nouvelle action n° 04, qui figure désormais au sein du programme 138. Avec la réforme des dispositifs zonés et la prolongation de la défiscalisation, nous allons construire un ensemble cohérent et efficace. Surtout, nous allons en mesurer les conséquences. S’y ajoute le renforcement des moyens dédiés au financement des investissements structurants, qui bénéficient directement à l’activité des entreprises, puisque, vous le savez, construire des écoles ou des crèches ou encore régler les problématiques d’eau, c’est de l’activité sur les territoires.

Je vous rappelle que, pour les secteurs qui bénéficient des nouvelles zones franches d’activité, le taux d’impôt sur les sociétés est réduit à environ 6 %. Autrement dit, il est plus bas qu’en Irlande !

Comment faire mieux pour permettre l’excellence dans les territoires d’outre-mer ? Démontrons tous ensemble que nous sommes capables de relever le défi qui nous est posé. Mesdames, messieurs les sénateurs, conformément aux orientations du Livre bleu, ce projet de budget propose de transformer nos territoires pour les rendre plus attractifs, plus agréables à vivre, pour en faire des terres d’excellence et de rayonnement, car, oui, nous sommes des richesses. Être une richesse, être une chance pour la France, cela ne se décrète pas ; cela se construit. C’est ce que nous faisons ensemble.

Cela ne peut résulter de la prise de conscience d’une petite partie seulement des territoires d’outre-mer : il faut une prise de conscience de l’État, avec tous ses partenaires, avec l’ensemble des élus des différents territoires. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État ne peut pas tout ! La force de ce budget ne pourra être opérationnelle que si l’ensemble de la classe politique des territoires d’outre-mer, mais aussi de nos acteurs sur le terrain travaillent à une logique collective de construction.

Comme les Réunionnaises et les Réunionnais nous l’ont montré, les Ultramarins sont exigeants. Et ils ont raison de l’être ! Je le suis moi-même. Il ne saurait en être autrement, et il nous appartient, mesdames, messieurs les sénateurs, d’être à la hauteur de leurs attentes, à la hauteur de La Marseillaise qui a retenti, mercredi dernier, à La Réunion, chantée par plus de 2 000 manifestants. Nous devons être à la hauteur des valeurs qui sont au fondement de notre vivre-ensemble : la fierté, l’unité, la dignité et la fraternité. Ces valeurs sont le socle de l’esprit républicain, l’essence même de la France des outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Outre-mer
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 77 quinquies (nouveau) (début)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Outre-mer

2 596 366 115

2 510 696 928

Emploi outre-mer

1 715 782 734

1 719 063 456

Dont titre 2

159 681 065

159 681 065

Conditions de vie outre-mer

880 583 381

791 633 472

M. le président. L’amendement n° II-642, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

65 000 000

 

65 000 000

 

Conditions de vie outre-mer

 

 

 

 

TOTAL

65 000 000

 

65 000 000

 

SOLDE

+ 65 000 000

+ 65 000 000

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. Comme je viens de le dire, cet amendement, qui tend à une majoration des crédits à hauteur de 65 millions d’euros, traduit l’esprit de la réforme, qui s’inscrit dans une politique volontariste pour gagner la bataille de l’emploi, avec un certain nombre de secteurs d’avenir définis dans le projet de loi. Il vise à lutter contre la trappe à inactivité, ou trappe à chômage.

Il s’agit de faire passer les crédits totaux de 120 millions à 130 millions d’euros, de manière à tenir compte de l’ajout, à l’Assemblée nationale, des secteurs de la presse, des transports maritimes et aériens ainsi que du maintien des spécificités de la Guyane, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Nous allons consentir un effort supplémentaire de près de 100 millions d’euros sur le budget de la Nation. Ceux qui invoquaient la solidarité nationale constateront que nous sommes au rendez-vous !

Sur ces 130 millions d’euros, 35 millions d’euros seront financés par le budget de l’outre-mer, par redéploiement de crédits.

Du travail pour tous dépend la dignité d’un territoire tout entier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Madame la ministre, ce matin, lors de la réunion de la commission des finances, nous avons examiné un amendement dont l’objet était de majorer les crédits de 50 millions d’euros. Ce nouvel amendement vise quant à lui un montant de 65 millions d’euros.

Cette modification est la confirmation que la réforme n’était pas aboutie et qu’il aurait fallu suivre la volonté du Sénat, manifestée sur toutes les travées de cet hémicycle, de la reporter d’un an. Cependant, vous avez tenu tête et vous l’avez maintenue.

Aujourd’hui, vous tirez argument des conséquences de la dernière concertation engagée avec les socioprofessionnels concernés pour justifier cet amendement. Avant d’émettre un avis sur celui-ci, nous aimerions obtenir quelques précisions sur cette concertation.

J’en profite pour regretter que, durant toute cette réforme, si vous avez beaucoup discuté avec les socioprofessionnels, vous ayez peu échangé avec les parlementaires. Pourtant, on sait que, au final, tout nous retombe toujours dessus !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, il y avait une erreur dans l’amendement que vous avez examiné ce matin.

N’étant revenue de La Réunion qu’hier, je n’ai pu rectifier le montant auparavant. Je vous prie de m’excuser de n’avoir pu vous soumettre le nouvel amendement qu’au tout dernier moment !

Cela dit, si la modification avait consisté en une diminution de crédits, j’aurais compris que tout le monde soit inquiet. En l’occurrence, il s’agit d’une hausse ! On ne peut que s’en réjouir.

Pourquoi ai-je souhaité maintenir cette réforme, notamment avec le milieu économique ? Parce que, avec la fin du CICE, les entreprises perdaient 500 millions d’euros en 2019, ce qui ne leur permettait pas de passer le cap de la modification. C’est avec elles que nous avons pris la décision de maintenir cette réforme, mais aussi, bien sûr, d’en exclure ceux qui ne touchaient pas le CICE ou qui étaient dans une situation très particulière, comme à Mayotte.

Avec la réforme, des crédits supplémentaires seront versés aux entreprises, dans chaque territoire d’outre-mer. Ainsi, la Guadeloupe et la Martinique toucheront, chacune, 24 millions d’euros de plus, quand la Guyane bénéficiera de 27 millions d’euros supplémentaires – nous ferons le compte avec chaque entreprise – et La Réunion, 41 millions d’euros.

Vous pouvez estimer que la négociation a eu lieu tardivement. De fait, nous avons essayé d’avancer sur un projet de transformation qui était essentiellement macroéconomique et nous avons bien vu, quand nous sommes entrés dans les détails microéconomiques, à partir de septembre dernier, qu’un certain nombre de points devaient être revus. Il faut dire que, quand les choses ne vont pas bien, je continue à dialoguer, je continue d’essayer de changer les choses, pour arriver au plus près possible de ce qui est nécessaire pour les territoires d’outre-mer. Je me suis battue jusqu’à la dernière minute ! Je vous prie de m’excuser si tous les parlementaires n’ont pas été autant associés qu’ils l’auraient voulu, mais ma priorité – vous pouvez me la reprocher – était bel et bien de travailler avec les entreprises, qui étaient en première ligne et sur lesquelles nous devrons compter, demain, pour créer plus d’emplois sur les territoires d’outre-mer. En effet, c’est sur la base du nombre d’emplois créés que je jugerai, à la fin de l’année 2019, si notre transformation a été utile aux territoires d’outre-mer ! Comme je m’y suis engagée à La Réunion, si le compte n’y est pas en matière d’emploi – un compteur sera ouvert territoire par territoire –, je procéderai aux changements nécessaires.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Je remercie Mme la ministre des précisions qu’elle a apportées.

Je rappelle que, ce matin, la commission avait émis un avis favorable sur l’amendement de majoration des crédits à hauteur de 50 millions d’euros.

Par conséquent, nous suivrons Mme la ministre sur ce nouvel amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je n’ai pas souhaité m’exprimer à la tribune ce matin.

Madame la ministre, vous constaterez que, au Sénat, les choses se passent de manière apaisée, sans crispation. Nous reconnaissons votre ténacité et votre volonté d’améliorer les choses.

Vous aviez pris ici l’engagement, et j’ose croire que c’est le résultat du travail du Sénat, de revoir votre copie et de vous donner quinze jours supplémentaires.

Mme Annick Girardin, ministre. Tout à fait !

M. Victorin Lurel. J’ose croire que cet amendement est le fruit de cette réflexion et de cette concertation. J’ai été invité à participer à celle-ci, mais je n’ai pas pu m’y rendre, ce dont je vous prie de nouveau de m’excuser.

Les membres du groupe socialiste et républicain voteront cet amendement, qui va dans le bon sens. Évidemment, son adoption ne permettra pas de compenser le caractère récessif des mesures prises. Je veux le dire sans aspérité, mais, sincèrement, c’est le plus mauvais budget qui nous est présenté depuis une vingtaine d’années ! (M. Claude Raynal sesclaffe.)

Je le dis très clairement, je doute que vous soyez bien reçue lorsque vous vous rendrez outre-mer, parce que, au-delà des concertations de dernière minute, comme l’a dit Catherine Conconne, les amendements nous sont parfois transmis au dernier moment. Au reste, nos collègues de l’Hexagone ne sont pas toujours informés des réalités des outre-mer.

En l’occurrence, on a l’impression d’un budget qui augmente, alors qu’il n’y a pas un centime d’argent frais. (Mme la ministre le conteste.)

Je suis assez atterré que l’on prenne des mesures sans en évaluer les conséquences macroéconomiques. Comment pouvez-vous vouloir diminuer à ce point la consommation, qui est le principal moteur de l’activité ? Le risque est que le PIB baisse et, avec lui, l’emploi ! Je suis consterné de constater que l’on concentre tout autour des bas salaires, ce qui était déjà pratiquement le cas. Dans le même temps, on nous dit que ce n’est pas une trappe à bas salaires, mais une trappe à chômage. Or les mesures proposées ne sont pas de nature à relancer l’emploi !

À l’époque, on m’avait demandé de réaliser 130 millions d’euros d’économies sur le budget des outre-mer – vous m’en aviez d’ailleurs fait le reproche, madame la ministre. J’avais refusé d’accéder à cette demande. Après discussion, un coup de rabot de 24 millions d’euros a été porté sur les hauts salaires, supérieurs à 4,5 SMIC. Aujourd’hui, on est autour de 1,4 SMIC. Vous venez de revoir les « plateaux », à savoir la dégressivité et la sortie du dispositif, à partir de certains seuils. C’est mieux que ce que vous aviez proposé à l’Assemblée nationale et ici même. Nous vous avions demandé de procéder à une telle correction, et vous avez tenu parole.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Mon groupe votera lui aussi cet amendement, qui va dans le bon sens et qui marque la volonté de Mme la ministre, saluée par des sénateurs siégeant dans toutes les travées, de défendre nos territoires jusqu’au dernier moment.

La situation difficile de nos territoires ne date pas d’aujourd’hui. Beaucoup a été dit sur les crédits de cette année.

Pour ma part, je tiens à souligner que, pour la première fois, on porte davantage d’attention aux territoires les plus en difficulté, alors que tous les territoires d’outre-mer sont en difficulté. Il ne s’agit pas ici de diviser les territoires entre eux, mais il convient de le noter. Je n’avais pas vu cela sous les quinquennats précédents.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Cette mesure me semble mériter d’être votée, même si cela n’enlève rien à ce que j’ai dit tout à l’heure sur le budget considéré globalement.

Elle est la preuve des efforts qui ont été consentis par Mme la ministre, à qui je rends hommage, pour tenter de retrouver un équilibre au vu de la disparition de la TVA non perçue récupérable, d’un certain nombre de mesures qui ont été, à tort, qualifiées de « niches fiscales », quand elles n’ont toujours visé qu’à remplir quelque chose qui nous semblait bien vide.

Au vu de ces efforts, nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Madame la ministre, vous vous étiez engagée à mener une concertation. J’ai pu participer à au moins une réunion au ministère avec vous, preuve que vous avez tenu parole.

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous voulons travailler avec vous. Lorsque nous travaillons ensemble, lorsque nous arrivons à nous comprendre, lorsque nous sommes capables de faire abstraction des différences qui peuvent exister entre nos territoires, nous sommes capables d’aller au-delà de nos divergences et de trouver un terrain d’entente.

J’ai eu à défendre le maintien de la LODEOM pour Saint-Martin. Vous avez accepté la proposition intermédiaire pendant au moins un an.

Aujourd’hui, le groupe du RDSE, fidèle à sa réputation de recherche du consensus et à son souci de comprendre, votera unanimement l’augmentation de crédits que vous proposez.

Toutefois, il est vrai qu’il faut travailler davantage et ne pas procéder trop souvent par à-coups, parce que nous ne comprenons pas toujours la finalité de l’action publique. Une action publique se décline à l’avance, avec des orientations, un point de départ et un point d’arrivée.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.

Mme Jocelyne Guidez. Comment être opposé à des financements supplémentaires ? Il serait tout de même assez bizarre de ne pas voter cet amendement.

Bien évidemment, le groupe Union Centriste le votera.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-642.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Ces amendements traitent de thématiques très variées. Ils ont cependant été mis en discussion commune, car ils prélèvent tous des crédits sur l’action n° 04 du programme 138 « Emploi outre-mer ».

Cette action ne comprend que 56,5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Or l’adoption cumulée de tous ces amendements conduirait à la prélever d’une somme très supérieure…

En conséquence, en cas d’adoption d’amendements, les amendements qui conduiraient à dépasser cette somme deviendraient sans objet.

Cette précision faite, nous passons à la présentation des amendements.

L’amendement n° II-441, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

50 000 000

 

50 000 000

Conditions de vie outre-mer

50 000 000

 

50 000 000

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s’agit d’un amendement d’appel pour évoquer les fameux plans dits « de convergence », que Mme la ministre a rebaptisés « plans de convergence et de transformation ».

J’avoue que nous sommes assez surpris, outre-mer, du peu d’importance accordée par le Gouvernement à ce qui nous paraissait un concept novateur. La très longue concertation qui a été menée a débouché sur un texte, après la publication d’un rapport volumineux. J’ose dire, sans forfanterie aucune, que j’ai le sentiment d’être l’un des pères – il y en a beaucoup d’autres – de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer.

À l’époque, on disait que, pour se rapprocher des standards nationaux, des ratios hexagonaux, il fallait vingt ans à certains territoires, comme la Guadeloupe et la Martinique, et trente ans à Mayotte. Contrairement à ce qu’a dit mon collègue Thani Mohamed Soilihi, c’est sous le quinquennat de François Hollande que cette durée a été divisée par deux. Alors que M. Sarkozy estimait à vingt-cinq ans le temps nécessaire à l’alignement du RSA, nous avons ramené ce délai à douze ans. Il me semble tout de même que le plan « Mayotte 2025 » date du quinquennat de M. Hollande ! Nous avons alors enclenché une accélération des réformes, avec un nombre inédit d’ordonnances et de lois relatives à Mayotte. Au reste, cette tendance continue. Il en ira bientôt de même pour la Guyane, pour tenir compte de ses spécificités.

Sans chercher à tirer la couverture à soi, force est de constater que c’est la première fois que l’on voit un gouvernement décider de diminutions.

On a donné très peu de temps aux collectivités, aux départements, aux régions et aux EPCI pour préparer leur plan de convergence. Dans une première lettre qui leur a été adressée, il leur était même demandé de le faire en trois semaines, en fixant une date butoir au 15 septembre ! On s’est rendu compte qu’une telle méthode ne tenait pas la route et qu’il fallait donner aux collectivités le temps d’une véritable réflexion plurisectorielle pour préparer une contractualisation avec l’État. Les crédits prévus – 16 millions d’euros supplémentaires pour onze territoires habités, en particulier les cinq DROM – ne sont pas suffisants.

C’est la raison pour laquelle nous sollicitons 50 millions d’euros supplémentaires pour financer ces contrats.

M. le président. L’amendement n° II-439, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

20 000 000

 

9 000 000

Conditions de vie outre-mer

20 000 000

 

9 000 000

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

9 000 000

9 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Depuis deux ans déjà, on voit les crédits du logement diminuer. (Mme la ministre le conteste.)

La ligne budgétaire unique a perdu près de 9 %, soit 22 millions d’euros, en autorisations d’engagement et plus de 4 %, soit 9 millions d’euros, en crédits de paiement.

Dans le texte proposé par le Gouvernement, on a vu disparaître une partie de l’article 199 undecies C du code général des impôts. Fidèle à sa culture du compromis, le Sénat a rétabli partiellement cet article, notamment pour l’amélioration, la confortation, la réhabilitation et la rénovation du logement privé, opérations assurées notamment par les organismes de logement social, les OLS.

J’espère que le Gouvernement aura la sagesse de faire en sorte que cet amendement survive à la commission mixte paritaire et à la nouvelle lecture.

Je rappelle qu’un tel dispositif a été adopté par l’Assemblée nationale, à l’occasion du vote d’un amendement déposé par Mme Vainqueur-Christophe et M. Letchimy.

Avec cette augmentation des crédits de 20 millions d’euros, il s’agit véritablement de dire qu’il faut faire mieux.

M. le président. L’amendement n° II-537, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

1 500 000

 

1 500 000

Conditions de vie outre-mer

1 500 000

 

1 500 000

 

TOTAL

1 500 000

1 500 000

1 500 000

1 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à abonder les actions nos 02, Aménagement du territoire, et 08, Fonds exceptionnel d’investissement, du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », afin d’y adjoindre un volet spécifique portant sur la prévention des risques naturels majeurs en outre-mer.

Cet amendement est en cohérence avec un récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, publié à la suite du passage des ouragans Irma et Maria aux Antilles.

Il s’agit de mettre en place le plan d’investissement et de prévention des risques recommandé par ce rapport, afin de procéder au rattrapage en la matière, notamment sur les territoires les plus démunis.

Les différents entretiens que nous avons eus nous ont permis de constater que l’ensemble des outre-mer, notamment Mayotte et Wallis-et-Futuna, avaient vraiment besoin d’un certain nombre de moyens de prévention.

Le plan d’investissement et de prévention permettrait de réaliser, en synergie, des actions de sensibilisation, d’information et de mobilisation à destination des populations, des entreprises, des collectivités locales et de toutes les forces de secours, à l’instar de la sécurité civile, afin de garantir des capacités d’intervention rapide et efficace sur les territoires.

Il s’agit, par ce plan, d’une part, de renforcer l’acquisition de moyens de surveillance des phénomènes météorologiques dans les différents bassins océaniques – radars, houlographes, marégraphes… – et, d’autre part, d’institutionnaliser, dans les territoires, une « semaine des risques naturels majeurs » sur le modèle de REPLIK ou de SISMIK, avec des outils, des dispositifs et des messages spécifiques à chaque territoire, tels que la prévention en milieu scolaire ou des exercices de simulation d’aléas.

Des moyens supplémentaires aux différents dispositifs existants sont donc nécessaires pour anticiper et prévenir les dégâts et les pertes humaines évitables.

Ce financement est gagé par une diminution à due concurrence de l’enveloppe du programme 138, « Emploi outre-mer ». Cette diminution est supportée par les crédits de l’action n° 04, dans le seul objectif de garantir la recevabilité financière de l’amendement.

M. le président. L’amendement n° II-440, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

1 500 000

 

1 500 000

Conditions de vie outre-mer

1 500 000

 

1 500 000

 

TOTAL

1 500 000

1 500 000

1 500 000

1 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à augmenter les crédits de la continuité territoriale, issus, d’ailleurs, de la rebudgétisation de la TVA non perçue récupérable et de la réforme de l’abattement fiscal à l’impôt sur le revenu.

Il s’agit, puisque l’on prend aux ménages, de redonner un peu aux ménages.

Cette diminution est supportée par les crédits de l’action n° 04, dans le seul objectif de garantir la recevabilité financière de l’amendement.

La mobilité est un vrai sujet dans les outre-mer. Cette question revient de manière récurrente, en particulier pour ce qui concerne le transport aérien. Il y a là des améliorations à apporter.

M. le président. L’amendement n° II-552, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

300 000

 

300 000

Conditions de vie outre-mer

300 000

 

300 000

 

TOTAL

300 000

300 000

300 000

300 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement concerne les observatoires des prix, des marges et des revenus, les OPMR.

J’ai bien noté les déclarations de Mme la ministre et les engagements qu’elle a pris à l’île de La Réunion – elle m’a d’ailleurs « impacté » à cette occasion, en affirmant que je n’avais rien fait…

Mme Annick Girardin, ministre. Je n’ai pas dit cela !

M. Victorin Lurel. Je l’ai lu, j’ai vu les vidéos et, je le dis très clairement, j’accepte ces propos avec détachement. Nous avons fait voter un texte ; si le Gouvernement voulait mettre les moyens pour qu’il s’applique…

Il faudrait, par exemple, avoir des agents assermentés dans les directions des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi, les DIECCTE ; il faudrait, par exemple, vérifier qu’il n’y a pas de difficultés au niveau des marges de la société anonyme de la raffinerie des Antilles, la SARA, que les compagnies pétrolières respectent leurs engagements, qu’il y a bien 1 000 emplois dans les stations-service, ne serait-ce que chez moi, en Guadeloupe, que les marges abusives et les rentes de situation sont contrôlées. Mais les effectifs baissent dans les DIECCTE, et l’on a laissé s’accroître le pouvoir du secteur concurrentiel.

J’en viens donc à cet amendement n° II–552 et à la nécessité de donner des moyens aux observatoires des prix, des marges et des revenus. À l’époque, on avait parlé de mettre 50 000 à 70 000 euros par OPMR. Il n’en est rien aujourd’hui !

La ministre a pris des engagements à La Réunion. Dans la stricte ligne de ses propos, nous défendons cet amendement, représentant un montant de 300 000 euros – cette somme ne représente rien par rapport au budget, la proposition pourrait, je crois, être valablement acceptée.

Il y a une véritable politique de la concurrence à conduire ! Les instruments conceptuels existent, c’est à nous de les faire vivre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nuihau Laurey, rapporteur spécial. L’avis est défavorable sur l’amendement n° II-441. Son adoption entraînerait une diminution des crédits de l’action n° 04, qui est importante pour le financement de l’économie des différentes collectivités.

Pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable sur l’amendement n° II-439.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° II-537. Les mesures proposées dans cet amendement tiennent compte des recommandations que la délégation sénatoriale aux outre-mer a formulées sur les risques majeurs et leur prévention outre-mer.

L’avis est également favorable sur l’amendement n° II-440, compte tenu de la baisse significative du nombre de bénéficiaires du dispositif de continuité territoriale à la suite de la réforme engagée en 2015.

Sur l’amendement n° II-552, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annick Girardin, ministre. L’amendement n° II-441, qui tend à augmenter de 50 millions d’euros le financement des plans de convergence, était un amendement d’appel, et j’y réponds bien volontiers.

Plus de 23 millions d’euros sont consacrés aux contrats de convergence et de transformation – j’insiste sur ce dernier terme, puisque, pour moi, la convergence ne va pas sans la transformation. L’État financera ces contrats à hauteur de 2,1 milliards d’euros sur quatre ans.

Il faut effectivement prendre le temps de mener à bien les négociations, qui sont en cours entre l’État et les collectivités. Normalement, ces contrats devraient être finalisés dans les semaines à venir.

L’important, c’est d’être à la hauteur des attentes et bien montrer que l’État ne peut pas faire seul, qu’il ne pourra faire qu’aux côtés des collectivités !

Vous savez, monsieur le sénateur Lurel, que nous avons toujours eu une petite divergence sur le mot « réelle » dans l’expression « égalité réelle ».

Ce terme ne signifie pas grand-chose pour moi. Quand le taux de chômage ne dépasse pas 3 % à Saint-Barthélemy, quelle signification la notion de convergence a-t-elle ? Quand, au nom de cette convergence, on se félicite d’un rapprochement avec les taux de métropole, non parce qu’il y a eu une évolution positive outre-mer, mais parce que, malheureusement, on a enregistré une baisse en métropole, faut-il prendre ces éléments en compte ? On peut se fier à la moyenne nationale, mais quand le produit intérieur brut par habitant de la Sarthe est trois fois plus faible que celui de Paris, comment faisons-nous ?

Pour ma part, j’aime et je préfère le mot « équité » – équité à laquelle je veillerai !

L’avis est défavorable sur cet amendement d’appel.

S’agissant de l’amendement n° II-439, nous avons – c’est exact – de vrais défis à relever en matière de réhabilitation des logements.

On voit bien, sur le terrain, combien les bidonvilles – plus dans certains territoires que dans d’autres – sont nombreux. J’ai eu l’occasion de déclarer à Mayotte que la République devrait avoir honte de certaines situations… Et il y a des bidonvilles à La Réunion, aussi, en Guadeloupe, en Martinique ou encore en Guyane !

Mais, à côté de ces grands défis, nous avons un certain nombre de priorités : nous avons préservé la ligne budgétaire unique, fait en sorte que les 19 millions d’euros attendus soient bien versés au budget de l’outre-mer – un sujet sur lequel les débats ont été nourris – et maintenu des avantages fiscaux. C’était important de le faire.

Par conséquent, j’ai bien entendu les difficultés, mais j’émets un avis défavorable sur l’amendement, tout simplement parce que nous sommes au rendez-vous ! Sans doute n’avançons-nous pas aussi vite que je le souhaiterais, mais nous apportons des réponses qui sont, aussi, à la hauteur de ce qu’il est possible de faire dans ces territoires. On n’ira pas plus vite dans les programmes de logements à Mayotte ou en Guyane, par exemple, car on ne peut tout simplement pas construire plus vite avec les forces vives présentes sur le territoire, que ce soit les entreprises ou, eu égard à leurs capacités d’engagement, les collectivités.

Par ailleurs, je demande le retrait de l’amendement n° II-537. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », a été élargi dans ses actions, au cours de la discussion entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et nous allons pouvoir aller plus loin, avec la nomination d’un délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer, qui sera chargé d’animer et de coordonner toutes les politiques publiques.

Vous le savez aussi, je suis très vigilante au fait que les propositions de la délégation du Sénat aux outre-mer, tout comme de celles de la délégation de l’Assemblée nationale, soient suivies. Nous pourrons nous donner rendez-vous sur ces sujets dans le cours de l’année 2019. J’espère effectivement que nous porterons une loi d’amélioration dans ce secteur.

Le « fonds vert » est également au rendez-vous et, aujourd’hui, au regard des demandes remontant du terrain, nous répondons à la hauteur des besoins. Mais vous pouvez compter sur moi pour faire évoluer ce fonds, si besoin.

J’en viens à l’amendement n° II-440 sur la continuité territoriale. Le thème de la mobilité est effectivement au centre de certains de mes échanges actuels avec les parlementaires. Mieux prendre en compte cette mobilité est une vraie question, sur laquelle, avec les collectivités territoriales – notamment lors des dernières rencontres que j’ai pu avoir avec les présidents de régions et de collectivités –, nous nous sommes engagés à travailler collectivement.

Dans l’attente de l’aboutissement de ce travail, je demande le retrait de l’amendement n° II-440. À défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement n° II-552, enfin, concerne les observatoires des prix, des marges et des revenus. Vous avez suivi les déclarations que j’ai faites à La Réunion, monsieur le sénateur Lurel, et c’est très bien ! Nous avons un arsenal législatif ; qu’en avons-nous fait pour connaître encore de telles situations dans les territoires d’outre-mer ? Voilà ce que j’ai dit ! Monopole, concurrence, etc. : ces sujets suscitent de réelles interrogations et nous allons nous donner les moyens d’y répondre, en toute transparence, comme je me suis engagée à le faire.

Vous avez raison, ces observatoires doivent être renforcés.

Ils doivent l’être au travers de la représentation citoyenne. À La Réunion, 50 citoyens siégeront dans l’instance pour une plus grande transparence, et je souhaite que tous les territoires d’outre-mer, dans le respect du niveau de leur population, connaissent un tel apport supplémentaire dans la représentation citoyenne. Pour avoir siégé dans ces observatoires, en tant que fonctionnaire dans une vie antérieure, mais aussi en tant que députée, je peux effectivement dire que nous ne sommes pas à la hauteur des attentes des territoires.

J’ai aussi annoncé le doublement des crédits et, parce qu’il rejoint totalement les annonces que j’ai faites sur le terrain, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce dernier amendement.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je souhaite revenir sur l’amendement n° II-537, qui ne fait que traduire l’une des préconisations de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Nous savons tous ici combien ces préconisations – et c’est le cas pour celle-ci – peuvent être bienvenues !

Cet amendement, mes chers collègues, n’est pas très « budgétivore » et vous ne pouvez pas imaginer à quel point, confrontées à de telles catastrophes naturelles, les populations qui sont éloignées de tout ont besoin d’être rassurées.

Vous avez demandé à notre collègue Victoire Jasmin de bien vouloir retirer son amendement, madame la ministre. Je l’exhorte à le maintenir, afin que nous puissions le voter. Il répond à un besoin essentiel en cas de sinistre !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. Je suis entièrement d’accord avec vous sur la question du dérèglement climatique, monsieur le sénateur : nous sommes, dans les territoires d’outre-mer, les premières victimes de ce dérèglement et tout le monde, de ce fait, a envie de consacrer plus d’argent à la question. Mais pourquoi sur le budget de l’outre-mer ? Portons ensemble une loi sur la gestion des conséquences de ce dérèglement climatique et faisons en sorte que celle-ci n’affecte pas uniquement le budget de l’outre-mer !

C’est pourquoi je préférerais que cet amendement soit retiré et maintiens mon avis défavorable. Cela étant, nous avons effectivement un travail à mener ensemble, et nous allons le faire !

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Je comprends vos propos, madame la ministre, mais je vais tout de même maintenir mon amendement.

Il s’agit, aussi, de prendre des décisions pertinentes et cohérentes par rapport aux problématiques. Nous voyons très souvent les effets du dérèglement climatique en outre-mer, comme dans l’Hexagone d’ailleurs – pensons aux inondations récentes, qui ont fait plusieurs victimes. Ils nous montrent qu’il est urgent d’agir !

Je saisis le sens de vos propositions. Peut-être faut-il prévoir des mesures de droit commun… Pourquoi pas ? Mais les recommandations de notre rapport sont importantes. Vos services, eux-mêmes, nous ont signalé rencontrer un certain nombre de difficultés pour faire de la prévention en vue de possibles évacuations de certaines zones.

Pour le moment, il est question de faire vite et bien !

Obtenir des marégraphes ou tout ce qui est demandé aujourd’hui sera peut-être un plus, mais les dysfonctionnements qui ont été mis en exergue au cours de nos auditions m’inquiètent. J’aurais donc souhaité que des dispositions soient prises, dans un premier temps, afin de réduire les difficultés rencontrées par vos propres services et toutes les personnes travaillant pour la sécurité civile, lesquelles ne sont pas en mesure de faire évacuer certaines zones dans les meilleurs délais, dans des délais permettant de protéger les populations.

Nous ne parlons pas de gros budgets, madame la ministre. En outre, une telle mesure ne vous interdit pas d’aller plus loin, plus tard. Mais il sera peut-être trop tard ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

M. Michel Magras. À mon tour, je souhaite intervenir spécifiquement sur cet amendement n° II-537, qui, je voudrais le rappeler ici, traduit l’essence même du travail de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Dans cette délégation, tous les groupes sont représentés et tous les textes votés le sont à l’unanimité – je n’en ai pas connu un, jusqu’à présent, qui ait donné lieu à un vote différent. Le fait que des collègues traduisent ses recommandations au moment de l’examen d’un texte de loi, indépendamment de la nature de ce dernier, correspond bien au sens du travail de cette délégation. Elle n’a pas de pouvoir législatif, mais chaque sénateur, individuellement, a le sien.

Je peux comprendre ce que vous nous dites, madame la ministre, mais peut-être avons-nous, tout particulièrement en outre-mer, un peu perdu l’habitude d’attendre… Si l’on peut aujourd’hui, à l’occasion de l’examen de ce budget et sans en déstabiliser les crédits, adopter l’amendement de notre collègue Victoire Jasmin, qui était rapporteur sur ces sujets pour la délégation et que je remercie pour ce dépôt, c’est avec grand plaisir que j’invite tous mes collègues à le voter.

Cela n’empêchera pas le Gouvernement, dans un futur projet de loi, ou le Sénat, lorsque le débat aura lieu, d’abonder et de prendre de nouvelles dispositions.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour explication de vote.

M. Stéphane Artano. Je soutiendrai également l’amendement de Mme Victoire Jasmin, notamment dans ses dimensions rappelées par M. Michel Magras. Cet amendement, effectivement, va dans le sens des travaux parlementaires.

Je soutiendrai également l’amendement n° II-552 relatif aux observatoires des prix, des marges et des revenus, auquel le Gouvernement s’est rallié.

J’apporterai enfin quelques précisions sur les plans de convergence et profiterai de l’amendement d’appel sur ce sujet pour interpeler la ministre.

Les plans de convergence ne sont pas des plans de convergence et de transformation ! Je vous renvoie à la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, madame la ministre. Le terme « transformation » a été voulu par le président Macron pour se démarquer du mandat du François Hollande. Cela ne me pose aucune difficulté, mais il faut être précis !

Par ailleurs, il est précisé, à l’article 8 de la loi précitée, que les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution – collectivités à fiscalité particulière, compétences spécifiques, etc., dont fait partie Saint-Pierre-et-Miquelon – peuvent signer des plans ou des contrats de convergence.

La collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon compte 6 300 habitants ! Un contrat État-collectivité est déjà en cours de négociation sur un plan d’investissement. Je ne vois pas l’intérêt – et je vous pose la question, madame la ministre – de signer un plan de convergence. En termes d’efficacité administrative et de technocratie, on n’aura pas fait pire sur un territoire de 6 300 habitants !

Les demandes de la collectivité doivent donc être entendues. Il faut un seul contrat à Saint-Pierre-et-Miquelon. La signature d’un plan de convergence n’a aucun sens dès lors que le contrat de développement en cours de négociation peut intégrer un certain nombre de mesures prévues au titre des dispositifs de convergence.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je voudrais réagir aux argumentaires de Mme la ministre sur les différents amendements.

Je rappelle, madame la ministre, que vous étiez déjà au Gouvernement lorsque le texte Égalité réelle outre-mer a été élaboré et que nous avons inventé, ensemble, ce concept. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut remettre en cause l’adjectif « réelle » !

Mme Annick Girardin, ministre. J’ai dit que je n’étais pas d’accord à l’époque !

M. Victorin Lurel. Nous avions bien précisé qu’il n’était pas employé pour traduire une opposition à l’irréalité ou à la virtualité. Il fallait bien un concept statistique, nous l’avons trouvé, à travers la convergence des moyennes nationales.

Nous avons en outre précisé, en termes de lois probabilistes, pour ne pas dire stochastiques, qu’il était question, non pas d’un rapprochement à la virgule près, mais d’un rapprochement dans un intervalle de confiance, traduisant une marge de progrès.

Je vous invite donc à ne pas remettre ce concept en cause, madame la ministre. L’article 1er de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer est un bon article, qui donne aux collectivités le pouvoir d’élaborer des conceptions.

Oui, il faut prendre le temps de discuter avec elles, mais je rappelle que, au regard des milliards d’euros mentionnés dans le rapport qui avait été remis, les 16 millions d’euros en crédits de paiement et les 23 millions d’euros en autorisations d’engagement apparaissent, pour le moment, dramatiquement insuffisants, même si ce dispositif a le mérite de servir d’amorçage.

Dans le domaine du logement, je vous invite, madame la ministre, à conserver ce qui a été voté par le Sénat.

Vous venez d’affirmer que vous disposiez des crédits relatifs aux sociétés immobilières d’outre-mer, les SIDOM, pour 2018 : 19 millions d’euros. Mais rappelez-vous que nous parlons, en tout, de 80 millions d’euros.

Je précise, pour que tous mes collègues comprennent, CDC Habitat – l’ancien groupe SNI – s’est porté acquéreur des SIDOM et l’on a décidé que l’argent de cette opération serait versé au budget de la mission « Outre-mer » – sur trois ans, peut-être, à raison de 20 millions d’euros la première année et de 20 millions d’euros la deuxième.

Vous avez déclaré à l’Assemblée nationale que cela figurerait dans la loi de finances rectificative ; ce n’est pas le cas !

Mme Annick Girardin, ministre. Mais si !

M. Victorin Lurel. J’aimerais bien que vous le repreniez, au moment où la ligne budgétaire unique, contrairement à ce que vous avez pu dire, diminue. De 263 millions d’euros, nous sommes passés à 247 millions d’euros et, maintenant, à 225 millions d’euros.

Dans le même temps, vous restreignez le champ de la défiscalisation en faveur du logement. L’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, n’intervient pas encore comme il convient. En d’autres termes, on organise une récession dans les outre-mer !

Je conclurai en évoquant la société d’économie mixte de Saint-Martin, la SEMSAMAR.

Je vous engage, madame la ministre, à vous opposer à ce qui va se faire le 15 ou le 17 décembre prochain, car, je le dis très clairement et solennellement, c’est une fusion à marche forcée que l’on est en train d’imposer, avec la Caisse des dépôts et consignations et sa filiale CDC Habitat, en « virant », en plus, une directrice qui avait fait des efforts de développement et des efforts – un peu comme tout le monde ici – pour diminuer son propre salaire. Celui-ci avoisine désormais les 400 000 euros, loin de ce qui se faisait avant – d’ailleurs, le ministre Jacques Mézard s’était trompé à l’époque…

C’est un chantage qui est exercé contre la collectivité de Saint-Martin pour que le président actuel devienne PDG et que l’on vire l’actuelle directrice générale. J’espère que, en tant qu’originaire de l’outre-mer, vous vous y opposerez !

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.

M. Antoine Karam. Madame la ministre, vous avez observé que, depuis le début de cette matinée, tous les intervenants ont d’emblée salué votre courage. Vous êtes allée au-devant de la colère, des colères ! Aujourd’hui, ce sont les Réunionnais qui s’expriment, pour eux et pour les autres populations d’outre-mer, mais la Guyane, en 2017, avait anticipé le mouvement qui se développe actuellement un peu partout en France, dans l’Hexagone et ailleurs !

Je salue votre courage, mais je vous dis, aussi, que je vais voter l’amendement de Mme Victoire Jasmin. Il est le fruit d’un travail collectif de la délégation aux outre-mer, une délégation au sein de laquelle, depuis un certain temps, nous faisons prévaloir la collégialité et, souvent, l’unité pour pouvoir faire entendre notre voix.

Trop longtemps, nous avons été – nous le sommes, pour beaucoup – des cautions exotiques de la République ! Cela devient de plus en plus insupportable, alors qu’il est urgent d’agir pour nos outre-mer !

Si je vote cet amendement, c’est aussi parce qu’il est de plus en plus insupportable d’entendre toujours les mêmes propos sur les bancs du Gouvernement : « Nous allons faire, nous ferons… » On ne peut plus attendre ! Il faut agir, et vite, parce que les événements actuels en France hexagonale sont précisément le résultat de ces discours que tous les gouvernements qui se sont succédé ont tenus. Les gens ne supportent plus cela !

M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, pour explication de vote.

Mme Viviane Malet. Je soutiendrai aussi l’amendement de Mme Victoire Jasmin. Nous travaillons tous ensemble au sein de la délégation aux outre-mer et je pense qu’il est important de soutenir les amendements issus de ses travaux.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Moi aussi, je soutiendrai tous ces amendements de bon sens. Certes, un budget a été construit par un ministère, qui est dans son rôle et qui, de manière assez exceptionnelle, a créé un dialogue assez nourri. Il a été à l’écoute du Sénat, par exemple, quand nous avons réclamé que ce budget soit corrigé, en particulier sur le chapitre des exonérations.

Toutefois, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ! Les risques majeurs, c’est tous les jours ! Ce sont des communes qui sont inondées, des personnes qui disparaissent, des travaux importants qu’il faut réaliser dans l’urgence, des moyens dont il faut doter les services de sécurité civile, qui se portent au-devant des populations et se retrouvent parfois, eux-mêmes, dans la difficulté.

Donc, je dis oui au grand plan sur les risques majeurs promis par le ministère et, plus largement, par le Gouvernement. C’est un souci de notre siècle, qu’il faut affronter avec lucidité ! Mais quand, dans les mois qui viennent, des événements nous tomberont sur la tête, nous aurons besoin de moyens supplémentaires.

C’est pourquoi, personnellement, je soutiendrai l’amendement n° II-537, ainsi que les autres amendements. Dans le respect du périmètre du budget, ces derniers font la preuve du bon sens des élus que nous sommes. Parce que nous connaissons nos territoires, nous préférons faire pencher la balance du côté des préoccupations qui nous apparaissent prioritaires.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Il va de soi que nous voterons l’amendement n° II-537, relatif au fonds exceptionnel d’investissement du programme 123 et visant à lui adjoindre un volet spécifique portant sur la prévention des risques naturels majeurs en outre-mer, volet auquel nous tenons au sein du groupe CRCE – spécifiquement moi, en tant qu’écologiste. Nous voterons aussi les autres amendements.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Je vais exprimer la position du groupe du RDSE, étant précisé que j’ai été le rapporteur coordonnateur de la mission sur les risques naturels majeurs et que n’importe lequel d’entre nous aurait pu présenter cet amendement – mais je remercie Victoire Jasmin de l’avoir fait.

Nous comprenons votre inquiétude, madame la ministre. Pourquoi inscrire cette dépense spécifiquement dans le budget de l’outre-mer ? Le rapporteur pour avis Michel Magras a peut-être donné un signal fort, en indiquant que, si nous actons cette disposition, il vous restera ensuite à traduire la prise en considération de ce sujet dans d’autres textes. Nous le ferons chaque fois que nous en aurons l’occasion !

Ne nous en voulez pas, mais il en est ainsi !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. S’agissant, tout d’abord, de la remarque du sénateur Stéphane Artano concernant l’intitulé du contrat de convergence et de transformation, on peut effectivement s’interroger sur le sens que revêt le mot « convergence » pour un territoire, dont nous sommes issus tous les deux, comme Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mais, qu’il s’agisse d’un plan de développement et de transformation, d’un plan de transformation ou d’un plan de convergence, l’idée est bien de permettre à ce territoire, comme tous les autres, de trouver sa place dans son bassin maritime et l’élan de développement qui créera de l’emploi et de la richesse. J’ai déjà évoqué, avec le président de la collectivité, le fait que l’intitulé n’était pas le plus important dans le travail que nous allions mener en commun.

S’agissant du document de politique transversale, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, ce n’est pas moins 15 millions d’euros, mais plus 2 millions d’euros, soit 2 % d’augmentation. Selon les projets, nous aurons l’occasion d’en débattre à nouveau.

Sur le dérèglement climatique, vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’ai été une de ceux qui se sont largement impliqués dans la COP21. Je travaille sur ces sujets depuis de nombreuses années. J’ai répété à plusieurs reprises que le milieu insulaire était la première victime de ce dérèglement climatique et que nous avions un travail immense devant nous.

Je suis entièrement d’accord avec ce qui a été dit. Je ne changerai pas une virgule… sauf que – je sais que vous allez tous voter l’amendement, mais je l’aurai dit – vous ouvrez une porte, en proposant que les outre-mer, qui, loin d’être les plus gros pollueurs, sont les principales victimes, prennent en charge eux-mêmes les conséquences du dérèglement climatique. Je vous rappelle que ce sont 12 cyclones qui ont frappé nos territoires, dans les trois bassins, au cours des derniers mois.

Le combat que je mène, c’est de dire que la responsabilité doit être partagée ! Elle ne doit pas reposer sur le seul ministère des outre-mer ! Mais j’ai aussi compris que vous vouliez donner un signal… Faites attention, mesdames, messieurs les sénateurs : c’est ouvrir une porte !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-441.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° II-439 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° II-537.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-440.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-552.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Ces amendements, comme les précédents, traitent de thématiques très variées. Ils ont cependant été mis en discussion commune, car ils prélèvent tous des crédits sur l’action n° 09 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».

Cette action ne comprend que 39,3 millions d’euros en autorisations d’engagement. Or, l’adoption cumulée de tous ces amendements conduirait à la prélever d’une somme très supérieure…

En conséquence, en cas d’adoption d’amendements, les amendements qui conduiraient à dépasser cette somme deviendraient sans objet.

Cette précision faite, nous passons à la présentation des amendements.

L’amendement n° II-536, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :

I - Créer un programme :

Fonds pour l’accès à l’eau

II - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

Conditions de vie outre-mer

20 000 000

20 000 000

Fonds pour l’accès à l’eau

20 000 000

20 000 000

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Le manque d’eau, au quotidien, fait partie de la vie ordinaire de nombreux Ultramarins, qui sont obligés de rechercher en permanence des solutions palliatives.

Cette situation, indigne pour une nation comme la nôtre, requiert de la part de la solidarité nationale un engagement massif et urgent pour doter l’ensemble des territoires d’infrastructures adaptées en matière d’assainissement et de distribution d’eau potable.

Pour faire face à l’urgence, le Gouvernement a donc décidé de relancer le plan « Eau pour les départements d’outre-mer », dit Eau-DOM, de 2016. Ce dernier vise, en partenariat avec les ministères en charge de l’environnement, des outre-mer et de la santé, l’Agence française de développement, la Caisse des dépôts et consignations et l’Agence française pour la biodiversité, à accompagner par contractualisation, sur une durée de cinq ans, les collectivités locales compétentes dans l’amélioration du service rendu à leurs usagers en matière d’eau potable et d’assainissement.

Il serait souhaitable de créer un fonds, permettant aux communes et aux EPCI qui n’auraient pas contractualisé de faire bénéficier chaque usager d’un accès à l’eau. C’est un droit !

M. le président. L’amendement n° II-509, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de soutien au sanitaire, social, culture, jeunesse

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

 

 

 

Conditions de vie outre-mer

 

10 000 000

 

 

Fonds de soutien au sanitaire, social, culture, jeunesse

10 000 000

 

 

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

 

 

SOLDE

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à mettre en place un fonds de 10 millions d’euros, en soutien aux services publics des secteurs du sanitaire, du social, de la culture et de la jeunesse.

L’action n° 04 destinée à ces domaines n’a bénéficié que d’une augmentation factice de 0,51 %. Vous conviendrez, mes chers collègues, que cette hausse est bien insuffisante pour améliorer de manière réelle les conditions de vie de nos concitoyens ultramarins.

Alors que les outre-mer souffrent d’une véritable carence en termes d’investissements et de structures sanitaires, sociales et de loisirs, nous ne pouvons laisser se créer de tels écarts avec la France hexagonale.

Nous proposons donc de financer une telle action par la ponction de 10 millions d’euros de l’action n° 09 du programme « Conditions de vie outre-mer », qui ne sert qu’à payer des intérêts bancaires.

Les dotations des collectivités publiques étant en baisse et le budget en faveur des services publics stagnant dans ce projet de loi de finances pour 2019, il nous semble plus judicieux d’injecter les financements étatiques dans des actions pouvant impacter positivement le quotidien des Ultramarins.

Un tel geste viendrait contrebalancer un budget fortement tourné vers l’investissement afin de redynamiser économiquement ces territoires, où le chômage est élevé et l’emploi précaire.

Le problème de la pauvreté ne peut être simplement résolu en donnant une activité professionnelle à tous. D’autres paramètres sont également à prendre en compte, et c’est là le sens de cet amendement.

Un soutien accru à l’action n° 04 du programme « Conditions de vie outre-mer » pourrait se révéler salutaire pour des territoires dont les habitants souffrent au quotidien des manques sanitaires et sociaux, mais aussi de l’absence d’infrastructures éducatives, sportives et culturelles.

Nulle part sur le territoire de la République l’exécutif ne devrait abandonner ses administrés sujets aux inégalités sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. L’amendement n° II-437, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer un nouveau programme :

Fonds pour la mobilité retour

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

 

 

 

Conditions de vie outre-mer

 

10 000 000

 

10 000 000

Fonds pour la mobilité retour

10 000 000

 

10 000 000

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Madame la ministre, tout à l’heure, vous avez fait appel aux élus locaux, et moi je partage cette façon de voir. Je ne crois pas en la tutelle bienfaitrice d’une mère patrie qui ferait tout pour nous à notre place et en nous remplaçant.

Je crois dans cette main qui n’écrase pas, en un cheminement, pacifique, serein, entre les populations de ladite outre-mer et l’État central.

Alors, madame la ministre, avec cet amendement, je vous prends au mot. Le poète a dit : « Gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur. » Nos pays, la Guadeloupe et la Martinique, vivent un vrai drame : le dépeuplement. En une dizaine d’années, en Martinique, nous avons perdu environ 30 000 habitants. Chaque année, nous comptons dans nos rangs entre 3 000 et 5 000 personnes en moins, en particulier des jeunes.

Vous imaginez l’impact sur la démographie : la population vieillit, puisque cette population jeune qui s’en va, c’est celle qui assure, en quelque sorte, par sa fertilité, le repeuplement.

C’est un vrai drame, et face à ce drame, aucune politique publique ne tient debout. Aucune ! Toutes les infrastructures sont touchées : hôpitaux, écoles, etc. Aujourd’hui, on ferme des écoles à tour de bras dans toutes les communes. Ainsi, à Fort-de-France, ville que je connais le mieux, 14 écoles ont fermé leurs portes, la démographie scolaire subissant l’érosion de la démographie globale.

Que faisons-nous ? Avec un groupe de jeunes martiniquais revenus au pays après en être partis, nous avons mis en place un mouvement que nous avons appelé Alé Viré, ce qui, en créole, signifie « partir, mais revenir ». Lundi prochain, à cette même heure, ce mouvement présentera très solennellement le résultat des travaux issus de son groupe de travail.

Ainsi, nous rendrons publiques les conclusions d’une étude que nous avons financée par nos propres moyens et menée auprès de 8 000 ressortissants de ladite outre-mer vivant aujourd’hui en France et ailleurs dans le monde entier. Nous proposerons des pistes de travail déclinées autour d’une vingtaine de fiches action.

Nous avons besoin de vous, madame la ministre. Le travail a été mené en amont et les populations martiniquaises ont œuvré en faveur de ces propositions. L’Agence de l’outre-mer, LADOM, aujourd’hui, apporte une aide au départ, mais pas au retour. Nous vous demandons, symboliquement, et à périmètre constant, de flécher 10 millions d’euros pour amorcer la pompe du retour et travailler à mettre en œuvre les propositions que nous sommes aujourd’hui en mesure de vous faire.

M. le président. L’amendement n° II-510, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lalande, Duran et Todeschini, Mmes Conway-Mouret et Tocqueville, M. Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 5 000 000

 

5 000 000

 

Conditions de vie outre-mer

5 000 000 

 

5 000 000 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Cet amendement d’appel vise à attirer l’attention du Gouvernement sur une question importante pour les entreprises et leur pérennité.

Le non-respect des délais de paiement est aujourd’hui un véritable fléau pour les entreprises, qu’elles soient grandes, moyennes ou petites, voire individuelles ou artisanales. Les retards de paiement dans les départements et régions d’outre-mer restent courants.

Par exemple, en 2016, 40 % des entreprises ultramarines subissaient un tel retard. Elles étaient par ailleurs 45 % à régler leurs fournisseurs au-delà de 60 jours.

Les retards de paiement ont donc un impact important sur la trésorerie des entreprises. Celles-ci peuvent être incitées à reporter le règlement de leurs factures.

Les délais de paiement des entreprises domiennes sont ainsi supérieurs à la moyenne nationale : 63 jours d’achat contre 51 jours pour les délais fournisseurs, et 54 jours de chiffre d’affaires contre 44 jours pour les délais clients.

Les délais fournisseurs restent eux aussi supérieurs à la valeur de 60 jours d’achat prise comme estimation de la limite légale de 60 jours de règlement introduite par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

De la même manière, le délai légal de paiement pour les collectivités territoriales est de 30 jours ; dans les faits, il est en moyenne de 28 jours en France hexagonale. Il atteint toutefois 74 jours en Guadeloupe, 115 jours en Martinique, 86 jours en Guyane, 45 jours à La Réunion et 57 jours à Mayotte.

Dans des territoires où les marchés sont étroits et au sein desquels le poids de la commande publique dans l’économie est prépondérant, il est délicat pour les entreprises de demander aux services de l’État des mandatements d’office. Il est par conséquent urgent que l’État dresse un bilan clair de l’état des retards de paiement dans ces territoires et qu’il établisse un ordre de priorité des dépenses à payer.

À plus long terme, les dispositions prévues pour éviter les retards de paiement n’ayant pas permis d’éviter les dérives actuelles, il conviendrait d’engager une réflexion plus générale sur une éventuelle refonte les concernant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nuihau Laurey, rapporteur spécial. La commission des finances a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements compte tenu de la réduction de crédits qui résulterait de leur adoption, notamment pour les actions nos 04 et 09.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annick Girardin, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Effectivement, nous allons renégocier le plan Eau-DOM. Même si cela ne relève pas de sa compétence, l’État est aux côtés des collectivités. Vous le savez, de nombreux crédits ont été mis à la disposition d’un certain nombre de collectivités, notamment en Guadeloupe, sans que le résultat soit au rendez-vous.

Oui, il faut mettre fin aux tours d’eau, ce à quoi nous nous sommes engagés, avec les collectivités, qu’il s’agisse de la région ou du département. Nous continuerons à travailler dans ce sens, au-delà du plan que nous allons mettre en place.

Créer un fonds d’urgence n’est pas, en soi, une mauvaise idée. Mais où allez-vous chercher l’argent ? Sur le « fonds vert », sur lequel nous venons d’avoir un débat et qui vient d’être abondé selon le souhait des auteurs d’un précédent amendement. À un moment, il faut faire des choix.

S’agissant de LADOM, madame la sénatrice, je suis bien consciente que nous avons un travail à faire sur la démographie de certains territoires d’outre-mer – la Martinique d’abord, la Guadeloupe ensuite, qui est aussi concernée. Quand je discute avec eux, les jeunes me disent qu’ils manquent d’air dans leurs territoires. (Mme Catherine Conconne sen étonne.)

Vous pouvez sourire, madame la sénatrice. Mais sachez que cette remarque vaut également pour La Réunion, même si la question démographique ne se pose pas du tout dans les mêmes termes ; au contraire, la croissance démographique y est largement positive.

Je vous propose que nous menions ce travail ensemble. C’est de l’attractivité des territoires d’outre-mer qu’il est question : l’attractivité de la Martinique, l’attractivité de la Guadeloupe.

LADOM doit revoir un certain nombre de ses missions, pourquoi pas en étendant son aide à la continuité territoriale au billet retour ou en prolongeant la possibilité de conserver le bon de réduction pendant cinq ans, comme nous l’avons évoqué l’an dernier. En effet, aider les jeunes Ultramarins à acquérir de l’expérience ailleurs que dans leur territoire, à l’international comme en métropole, n’est pas une mauvaise chose. Et même peut-être faudrait-il aller encore au-delà de ces cinq ans. Toujours est-il que votre amendement n’est pas le bon outil.

Je le répète, madame la sénatrice, menons ce travail ensemble. Le Président de la République, à qui vous en avez parlé, vous a lui aussi entendue et m’avait dit, après votre intervention, de travailler sur ce sujet.

Enfin, s’agissant des délais de paiement, que l’État établisse un ordre de priorité dans les factures à payer, je vous réponds : chiche ! Cela demandera du courage, mais cela ne peut être imposé sans un travail avec les collectivités. Oui, certains délais sont bien supérieurs à 250 jours : ils atteignent parfois 325 jours dans certains cas. C’est juste inadmissible ! C’est un cercle vicieux dont il est impossible de sortir : le non-paiement de leurs factures par les collectivités conduit les entreprises à ne pas payer leurs charges sociales et fiscales, ce qui entraîne une hausse des devis, puis des prix.

Il faut construire tous ensemble un nouveau cycle, un cycle vertueux. J’y suis favorable, mais cela demandera du courage. J’ouvrirai ce débat dans le cadre de la conférence nationale des territoires qu’a lancée le Premier ministre. Ce sujet sera abordé avec les collectivités. Au final, au cas où personne ne voudrait bouger, je serais plutôt partante pour que l’État prenne ses responsabilités. Tentons au préalable d’agir tous ensemble.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-536.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-509.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° II-437 n’a plus d’objet.

En effet, le programme « Conditions de vie outre-mer » était initialement doté de 39 millions d’euros de crédits. Or, 20 millions d’euros lui ont été retirés à la suite du vote par le Sénat de l’amendement n° II-536, puis 10 millions d’euros supplémentaires après le vote, à l’instant, de l’amendement n° II-509. Il ne reste donc plus sur ce programme que 9 millions d’euros de crédits.

Je mets aux voix l’amendement n° II-510.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Monsieur le président, notre groupe sollicite une suspension de séance de quelques minutes avant de passer au vote sur les crédits de la mission.

M. le président. J’accède bien volontiers à votre demande, mon cher collègue.

Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance suspendue à douze heures quarante est reprise à douze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 33 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 236
Pour l’adoption 216
Contre 20

Le Sénat a adopté. (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

J’appelle en discussion l’article 77 quinquies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».

Outre-mer

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 77 quinquies (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 77 quinquies (nouveau)

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2020, un rapport sur les résultats concrets et l’effectivité réelle des aides aux entreprises outre-mer, en particulier les fonds alloués au titre de l’action « Soutien aux entreprises » du programme « Emploi outre-mer ». Ce rapport permet notamment d’évaluer le soutien à l’autonomie économique de ces territoires, de chiffrer le ratio entre création d’emplois et fonds alloués, c’est-à-dire le coût estimé en euros d’un nouvel emploi créé et soutenu à ce titre.

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les règles d’intervention en discussion générale étant strictes, je n’ai pas pu donner mon sentiment sur cette mission. Je profite donc de cette demande de rapport sur l’évaluation des aides économiques pour intervenir.

Je n’apprendrai rien à personne en vous disant que les Français sont en colère, car le président Macron reste sourd à leur désarroi et à leurs doléances. Outre-mer, 86 % des citoyens n’ont pas ou peu confiance dans les politiques publiques menées à destination de leurs territoires ; 54 % d’entre eux sont pessimistes quant à l’avenir de leur territoire ; 82 % d’entre eux conseillent aux jeunes qui cherchent à faire leurs études ou à trouver un travail de quitter leur pays.

Au regard de votre projet de loi de finances, cette opinion n’évoluera pas positivement

Depuis le début de mon mandat de parlementaire, je répète inlassablement que les territoires ultramarins sont malades, et les symptômes de ce mal sont multiples : un taux de chômage des jeunes deux fois supérieur à celui de l’Hexagone ; des collectivités en situation précaire, voire critique, selon un rapport de la Cour des comptes – 90 collectivités territoriales sur 136, soit les deux tiers – ; des hôpitaux au bord de l’implosion.

Pourtant, sourd à ces réalités, le Gouvernement a fait un choix d’austérité vis-à-vis de l’outre-mer. L’augmentation en trompe-l’œil du budget de cette mission n’abuse pas nos populations, qu’elles soient actives ou retraitées, qu’il s’agisse d’entrepreneurs ou de fonctionnaires.

Je ne reviendrai pas sur la suppression de la TVA non perçue récupérable ou l’abaissement du plafond d’abattement sur l’impôt dans les DOM, étant déjà intervenu sur le sujet. J’ajouterai néanmoins que j’ai de forts doutes sur la réalité des estimations fiscales de vos mesures.

Le président Macron a déclaré, lors la présentation du Livre bleu outre-mer le 28 juin dernier, que « la clé de notre stratégie, c’est une responsabilité partagée qui sera gagnée si nous parvenons à développer et structurer partout les filières économiques ». Il avait omis de préciser que les Ultramarins devraient s’autofinancer, ce qui permettrait à l’État de se désengager de nos territoires.

En conclusion, ce budget pour l’outre-mer est un très mauvais signal pour nos territoires. Il ne réglera rien, bien au contraire. L’exécutif n’écoute rien de ce qui se dit dehors, ne prend même pas la peine d’évaluer l’impact des dispositifs qu’il supprime ni de ceux qu’il crée, et ignore purement et simplement les cris du peuple. D’après les remontées locales qui me parviennent directement, il faut s’attendre au pire.

Toutes nos interventions devraient constituer un signal pour la politique du Gouvernement à destination des outre-mer !

M. le président. Je mets aux voix l’article 77 quinquies.

(Larticle 77 quinquies est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».

Article 77 quinquies (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Discussion générale

4

Candidature à une délégation sénatoriale

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale aux outre-mer a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévue par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour un rappel au règlement.

M. Pierre Laurent. Ce matin, la présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste a pris la parole pour un rappel au règlement, invitant le Sénat à prendre en compte la situation de crise politique que connaît actuellement le pays, et soulignant qu’il était hors de propos de poursuivre l’examen du projet de loi de finances, alors que des consultations sont engagées, qui pourraient conduire à de nouveaux arbitrages budgétaires. Ce rappel au règlement n’a visiblement pas provoqué la moindre réaction. Nous nous en étonnons, d’autant qu’il semblerait que nous nous dirigions dorénavant vers un débat de politique générale mercredi à l’Assemblée nationale et jeudi au Sénat. Je renouvelle donc cette demande qui faisait appel à la sagesse du Sénat.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

6

Article 77 quinquies (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Seconde partie

Loi de finances pour 2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Aide publique au développement -  Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Aide publique au développement

Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Aide publique au développement  - État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement » (et article 72), ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Claude Requier, appelé, avec une délégation d’élus radicaux, par M. le Premier ministre à donner son point de vue dans le cadre des consultations que celui-ci mène en ce moment. J’exposerai donc la totalité du rapport, puisque nous devions nous partager la présentation des crédits de cette mission.

L’exercice 2019 constituera une année charnière pour notre politique d’aide publique au développement : les décisions prises cette année détermineront si notre pays respectera l’objectif posé par le Président de la République d’une aide représentant 0,55 % de notre revenu national brut, ou RNB, en 2022.

En effet, étant donné le décalage entre l’engagement des crédits et leur décaissement effectif, qui dépend de la mise en œuvre concrète des projets, le niveau de l’aide publique au développement de la France en 2022 dépend en grande partie du niveau des engagements de 2019.

C’est donc à l’aune de cet objectif que nous avons analysé la présente mission, en nous demandant, monsieur le ministre, si les moyens engagés nous placent sur la bonne trajectoire en attendant la loi de programmation dont la discussion devrait intervenir en 2019 et qui détaillera les moyens consacrés à cette politique dans les années ultérieures.

Tout d’abord, quelle est l’évolution des moyens financiers affectés au développement en 2019 ?

Je ne m’attarderai pas sur les éléments techniques qui figurent dans le rapport spécial, mais je souligne que les circuits de financement connaissent cette année deux changements significatifs : d’une part, l’Agence française de développement, l’AFD, ne percevra plus de « ressource à condition spéciale », à la suite de sa requalification comptable par l’Office statistique de l’Union européenne, Eurostat, et l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, et, d’autre part, le Gouvernement a choisi de « rebudgétiser » la part de la taxe sur les transactions financières affectée à l’AFD.

Cette rebudgétisation a été critiquée par certaines ONG, mais nous ne partageons pas cette vision. La taxe sur les transactions financières, ou TTF, est affectée au Fonds de solidarité pour le développement, le FSD, et à l’AFD. La part affectée au FSD ne diminue pas d’un euro, et les moyens de l’AFD sont augmentés dans des proportions quatre fois supérieures à la perte de la TTF. Aussi, ces critiques nous semblent focalisées sur l’outil plutôt que sur le niveau des moyens.

En définitive, en tenant compte de ces évolutions des circuits de financements, nous constatons un effort substantiel en faveur du développement en 2019, en autorisations d’engagement du moins. Au total, celles-ci augmentent de 1,4 milliard d’euros par rapport à 2018. L’effort est moindre en crédits de paiement, qui augmentent de 127 millions d’euros sur l’ensemble de la mission.

Il est normal de constater un écart significatif, même si cela peut paraître bizarre, entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, étant donné le temps de mise en œuvre des projets, mais le plus important est de pouvoir engager de nouveaux projets dès 2019. Cependant, concrètement, si les moyens pour engager des projets sont là, une grande partie de l’effort financier, vous le savez bien, monsieur le ministre, est reporté aux années ultérieures.

Cet effort financier est d’autant plus nécessaire que nous ne respectons toujours pas nos engagements internationaux et que nous sommes distancés par nos voisins. Certes, notre aide a fortement progressé – de 15 % – en 2017 et atteint 0,43 % de notre revenu national brut, mais nous restons distancés par l’Allemagne et le Royaume-Uni, dont l’aide représente respectivement le double et 60 % de plus que la nôtre. Cet écart s’explique notamment par le niveau des dons bilatéraux, trois fois supérieur chez nos voisins.

Sommes-nous sur la bonne voie pour atteindre l’objectif de 2022 ?

Le budget pour 2019 n’apporte pas les réponses attendues. Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, a défini en février dernier une trajectoire en pourcentage du RNB, mais sans la traduire budgétairement.

Notre aide publique au développement, au sens de l’OCDE, devra augmenter en 2022 de 5 milliards d’euros par rapport à 2017, sans que cela signifie qu’il faille réaliser un effort financier de cet ordre, compte tenu de l’effet de levier des prêts. Nous n’avons pas obtenu plus de précisions sur le montant des crédits budgétaires qui seront nécessaires pour y parvenir. Cette trajectoire sera définie – ou du moins il faudra y veiller – dans la future loi de programmation de l’aide publique au développement, qui devrait être examinée au Parlement au premier semestre de 2019. Des arbitrages budgétaires difficiles vont devoir être rendus. Il faudra fixer précisément le niveau des autorisations d’engagement et des crédits de paiement jusqu’en 2022 au moins.

Malgré ces points à préciser, nous constatons suffisamment d’éléments positifs pour accorder une confiance, certes vigilante, au Gouvernement et considérer que nous sommes sur la bonne voie pour atteindre l’objectif. En effet, ce budget porte une hausse inédite des moyens financiers. De même, nous observons un engagement personnel du Président de la République sur ce sujet, qu’il aborde régulièrement lors de ses déplacements et qui s’est illustré dans la création d’un « conseil de développement ».

Je passe à la partie du rapport que devait présenter M. Requier.

M. le président. Je vous en prie, monsieur le rapporteur spécial.

M. Yvon Collin, en remplacement de M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial de la commission des finances. Quels sont les moyens dont disposera l’AFD en 2019 ? Ces moyens vont considérablement augmenter. S’agissant des dons, l’AFD disposera de près d’un milliard d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement. En crédits de paiement, en revanche, l’augmentation n’est que de 68 millions d’euros. On observe à nouveau ce décalage entre autorisations d’engagement et crédits de paiement, qui confirme que le gros de l’effort financier est à venir. Ce milliard d’autorisations d’engagement supplémentaires sera décaissé sur treize années. Concernant les prêts, l’AFD bénéficiera de 500 millions d’euros supplémentaires de bonification, qui devraient lui permettre d’accorder 1,5 milliard d’euros d’engagements supplémentaires.

Par ailleurs, l’augmentation de l’activité de l’Agence remet à l’ordre du jour un sujet régulièrement abordé devant la commission : le niveau des fonds propres de l’Agence. Comme vous le savez, l’AFD est une société de financement, soumise au respect des ratios prudentiels, qui peuvent l’empêcher de prêter à certains États, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, par exemple au Maroc ou en Colombie.

L’article 71 bis du présent projet de loi de finances prévoit une solution à court terme : l’État apportera une garantie explicite à certains prêts souverains accordés par l’Agence, et ce dans la limite de 750 millions d’euros. Par ailleurs, à compter de 2020, il faudra envisager un renforcement des fonds propres de l’agence.

Par ailleurs, une des conditions essentielles de l’atteinte de l’objectif réside dans la capacité de l’AFD à absorber cette hausse de son activité.

D’après les informations que nous avons recueillies, pour respecter l’objectif de 0,55 % en 2022, il faudra, à cette date, que les engagements de l’Agence s’élèvent à 17,6 milliards d’euros, soit une multiplication par deux en six ans. Demander à un opérateur de multiplier par deux son activité en aussi peu de temps n’est pas anodin, c’est donc l’une de nos préoccupations. S’y ajoutent des inquiétudes sur la capacité des pays en développement à absorber des volumes de prêts en hausse importante.

Je dirai un mot sur la répartition entre l’aide bilatérale et multilatérale.

Le budget pour 2019 met l’accent sur la hausse de notre aide bilatérale, à travers les ressources de l’AFD. En effet, le CICID a décidé que l’aide bilatérale bénéficiera des deux tiers de l’augmentation des crédits d’ici à 2022. Cette priorité en 2019 est d’autant plus logique que l’aide bilatérale est plus longue à mettre en œuvre que l’aide multilatérale.

Nous soulignons cependant la nécessité de ne pas négliger notre aide multilatérale, dans un monde où le multilatéralisme est fortement contesté, notamment aux États-Unis.

Je terminerai mon intervention en présentant l’article 72, rattaché à la mission.

Cet article autorise à souscrire à l’augmentation de capital de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et de la Société financière internationale. Ces deux institutions multilatérales appartiennent au groupe de la Banque mondiale.

La première intervient auprès des pays à revenu intermédiaire et dans des pays plus pauvres, à condition qu’ils soient solvables ; la seconde intervient pour sa part dans les pays en développement, mais exclusivement auprès du secteur privé. Cette souscription correspond à un coût total de 464 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 93 millions d’euros en crédits de paiement par an entre 2019 et 2023.

Cette augmentation de capital s’accompagne d’évolutions au sein de la Banque mondiale conformes aux souhaits de la France, y compris en ce qui concerne sa gestion. De plus, cela permettra de maintenir la place de notre pays au sein de l’actionnariat de cette institution.

En raison de l’ensemble des éléments que j’ai présentés, la commission des finances vous invite à adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers, ainsi que l’article 72 rattaché à la mission. (M. Richard Yung et M. le président de la commission des affaires étrangères applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on doit se féliciter de l’ambition de porter à 0,55 % du RNB l’aide publique au développement française. Il s’agit d’un instrument important pour lutter contre les désordres du monde : pauvreté, conflits, mouvements de population subis. Le milliard d’euros supplémentaire d’autorisations d’engagement en dons prévu pour 2019 devrait donc aider à orienter davantage notre aide vers les pays les plus pauvres, ce que nous demandions depuis longtemps. C’est pourquoi notre commission a donné un avis favorable aux crédits inscrits au sein du projet de loi de finances pour 2019.

Néanmoins, conformément aux priorités affichées par le Président de la République lui-même, si l’aide au développement, c’est mettre plus de moyens en direction des pays qui demandent plus, c’est aussi s’assurer de l’efficacité de l’aide apportée. On ne peut mesurer le succès d’une politique publique à sa seule capacité à dépenser davantage, surtout quand on peut s’interroger sur la définition de la stratégie, ses objectifs, ainsi que sur son pilotage politique et son évaluation. Ainsi, on ne peut que souscrire à l’excellent constat du député Hervé Berville et au récent rapport de la Cour des comptes à ce sujet.

Concernant la stratégie, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement s’est réuni en février dernier, après plus d’un an sans réunion. En vingt ans, monsieur le ministre, il n’aura été réuni que onze fois.

Quant au conseil du développement auprès du Président de la République et au conseil d’orientation stratégique de l’AFD dont on doit se féliciter, on ne peut pas leur demander plus que de fixer les grandes orientations. Ainsi, aujourd’hui, entre la lutte contre la pauvreté et la transition écologique, entre l’aide à l’Afrique subsaharienne et les prêts à la Chine, entre la stabilisation des zones de conflit et la réduction des migrations subies, notre aide vise à atteindre des objectifs nombreux, peut-être même contradictoires dans certains cas, en tout cas peu lisibles pour nos concitoyens.

Dès lors, il nous paraît difficile de faire l’économie d’un vrai pilotage ministériel, s’agissant d’une politique qui va peser plus de 15 milliards d’euros en 2022. L’Agence française de développement, qui va passer à près de 18 milliards d’euros d’engagements en 2022, a profité du retrait relatif de l’État pour acquérir une large autonomie. Si l’on veut répondre à l’ambition politique affichée, il est nécessaire que le Gouvernement et le Parlement puissent être davantage impliqués. L’aide au développement ne peut pas consister en une accumulation de projets, mais en une vraie politique de la France pour soutenir la volonté de développement des pays aidés.

Vous avez compris, monsieur le ministre, l’importance que nous accordons à la préparation de la prochaine loi d’orientation et de programmation.

En dernier lieu, il va de soi que le déficit de transparence et de « redevabilité » récemment relevé, de même que la trop faible part des crédits dépensée et évaluée, ne sont pas acceptables. Il importe que davantage de crédits impliquent davantage d’évaluation. Là aussi, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour mettre en place une évaluation plus efficace.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis. Pour notre part, nous soutiendrons l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement. » (MM. Bruno Sido et Richard Yung applaudissent, de même que M. le président de la commission des affaires étrangères.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mon collègue rapporteur pour avis Jean-Pierre Vial, je me félicite de l’augmentation des moyens consacrés à l’aide publique au développement, mais surtout du choix de privilégier l’instrument des dons et le bilatéral dans la progression à venir. Une telle orientation permettra au Gouvernement d’avoir une meilleure maîtrise de nos financements et de les diriger davantage vers les pays les plus pauvres, en particulier ceux d’Afrique subsaharienne, où se concentrent pour une large part les enjeux de l’avenir.

La progression des crédits se traduira notamment par une forte augmentation des moyens de l’Agence française de développement, dont les engagements devraient passer de 11 milliards d’euros en 2018 à près de 18 milliards d’euros en 2022. C’est considérable, d’autant que cette augmentation doit avoir lieu dans un contexte de moindre capacité à emprunter de certains pays émergents et, surtout, de nombreux pays africains, qui ont parfois contracté des emprunts massifs auprès de banques chinoises, avec les effets que l’on sait. Augmenter ses engagements sans diminuer en rien ses exigences en matière financière, environnementale et sociale, c’est un défi de taille qui attend l’AFD pour les prochaines années.

Je souhaiterais par ailleurs souligner l’importance de la contribution française à la lutte contre le changement climatique, avec notamment un financement à destination du Fonds vert pour le climat de 775 millions d’euros sur la période 2015-2018. Cet enjeu, tout comme celui de la préservation de la biodiversité, ne peut plus être séparé de l’enjeu du développement. J’ajouterai deux remarques sur ce point.

D’abord, le Fonds vert a actuellement beaucoup de mal à décaisser ses financements, et ses procédures sont très longues. Il faudra donc réfléchir l’année prochaine, dans le cadre des discussions du G7 à Biarritz, à une amélioration de sa gouvernance et de ses procédures.

Deuxième remarque : nos contributions aux divers fonds climatiques ou, plus largement, en faveur du développement durable sont aujourd’hui très complexes, pour ne pas dire illisibles. Ce problème concerne d’ailleurs en réalité l’ensemble de l’aide publique au développement française. Les vecteurs budgétaires et non budgétaires sont si nombreux qu’il est très difficile, parfois impossible, de savoir précisément lesquels de nos financements contribuent à cette cible des 0,55 % que nous sommes censés atteindre en 2022, et dans quelle proportion.

Des évolutions de la présentation budgétaire de la mission « Aide publique au développement » ayant été évoquées pour améliorer cette situation, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus ?

Par ailleurs, nous regrettons – je sais que ce n’est pas l’avis de tous ici – que la part de taxe sur les transactions financières affectée à l’aide au développement diminue en raison de la rebudgétisation des 270 millions d’euros auparavant directement affectés à l’AFD. Cette évolution, et surtout l’absence de réelle visibilité sur la trajectoire censée nous permettre d’atteindre les 0,55 % du RNB consacrés à l’aide publique au développement, a, au demeurant, conduit le groupe socialiste et républicain à s’abstenir lors du vote de cette mission en commission.

M. le président. Veuillez conclure, madame la rapporteur pour avis.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur pour avis. En tout état de cause, nous suivrons avec une très grande attention les travaux de la future loi d’orientation et de programmation annoncée pour 2019, afin d’y inscrire aussi précisément que possible la stratégie, les moyens et, surtout, les mécanismes de contrôle qui permettront de donner un nouvel élan à notre politique de développement. Nous pourrons ainsi rejoindre les leaders européens que sont le Royaume-Uni, les pays nordiques et l’Allemagne, car ils ont déjà compris que l’aide au développement constituait un investissement indispensable, à la fois pour préserver leur influence et pour contribuer à réduire les désordres du monde qui en a grand besoin.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (M. Bruno Sido applaudit.)

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, les autorisations d’engagement en matière d’aide publique au développement vont donc s’accroître de manière très sensible de plus de 1,4 milliard d’euros supplémentaires. Nous nous en réjouissons, en espérant que la trajectoire budgétaire des années prochaines suivra le même rythme. Et nous nous réjouissons plus particulièrement que le Gouvernement ait d’ores et déjà décidé d’affecter les deux tiers de la progression des crédits de l’aide publique au développement à des financements bilatéraux, comme l’ont rappelé nos rapporteurs.

Ne nous méprenons pas : les financements multilatéraux ont souvent permis des avancées importantes et, à condition d’y exercer une influence à la hauteur de nos contributions, ils peuvent constituer des leviers pour atteindre nos objectifs. Ainsi, le Partenariat mondial pour l’éducation cofinance notre priorité éducative au Sahel. L’augmentation annoncée de notre contribution à ce fonds, qui a montré son efficacité, est évidemment un point positif – nous la réclamions d’ailleurs depuis plusieurs années.

Toutefois, j’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec vous, monsieur le ministre, est-ce vraiment le cas des 50 contributions multilatérales de la mission « Aide publique au développement », dont les 850 millions d’euros versés chaque année au Fonds européen de développement, les 380 millions d’euros destinés au Fonds mondial de lutte contre le Sida ou les 775 millions d’euros au Fonds vert pour le climat depuis quatre ans ? Nous ne contestons pas leur fondement et leur utilité, mais ils devraient être mieux articulés les uns avec les autres, mieux expliqués, et surtout mieux évalués ! En tout état de cause, le fait d’augmenter en priorité les financements bilatéraux apparaît cohérent avec la volonté que nous exprimons tous de reprendre en main le pilotage politique de notre politique d’aide au développement.

Une seconde manière d’y parvenir est d’améliorer l’évaluation.

Le Président de la République a dit récemment : « Chaque euro doit être utilisé à bon escient. » Aujourd’hui, l’évaluation reste marquée par son caractère lacunaire, par sa dispersion entre de multiples services – le principal appartenant à l’agence même dont il évalue les projets, à savoir l’AFD – et, enfin, par son caractère trop procédural. Ainsi organisée, l’évaluation de l’aide publique au développement ne permet en aucun cas d’organiser un pilotage par les résultats, ce qui ne fait qu’alimenter de constantes interrogations sur l’utilité de l’aide, son efficience et le devenir des projets dans le long terme.

Dans ce domaine, sachons tirer parti de l’exemple de la commission indépendante pour l’impact de l’aide créée en 2011 par le gouvernement britannique ! Il faut notamment mettre davantage à contribution les cabinets d’expertise, fussent-ils privés, non pas, comme c’est le cas actuellement, pour qu’ils se livrent à une analyse polie et consensuelle sur tel ou tel programme, mais pour qu’ils produisent des évaluations indépendantes, incisives et sans concession.

Enfin, monsieur le ministre, la décision de rapprocher Expertise France de l’Agence française de développement au sein d’un même groupe a été, c’est le moins qu’on puisse dire, un peu précipitée au cours de l’été dernier.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Au lieu de chercher à améliorer le modèle économique d’Expertise France, dont les résultats ont été remarquables, le Gouvernement a décidé de l’adosser à une AFD dont les moyens augmentent fortement. Cette solution de facilité pourrait engendrer d’autres problèmes, tant la culture de l’AFD est éloignée de celle d’une agence d’expertise technique.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous ce rapprochement, qui devra créer des synergies entre ces deux entités, mais aussi préserver l’autonomie d’Expertise France et sa capacité à poursuivre son action indispensable, notamment dans le domaine du continuum sécurité-développement ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission s’est prononcée très largement en faveur du soutien à ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, l’aide publique au développement est une composante essentielle de notre politique d’influence, mais également un impératif de justice et de solidarité internationale qui fait la fierté de la France.

Néanmoins, force est de constater que nous avons échoué depuis quarante ans à remplir nos engagements internationaux en la matière. L’aide publique française n’a jamais dépassé 0,6 % du revenu national brut, contre un objectif fixé à 0,7 % par l’Assemblée générale des Nations unies en 1970. Elle est aujourd’hui plus proche de 0,4 %, ce qui semble insuffisant pour remplir les missions fixées au groupe AFD notamment, au Sahel et dans d’autres zones prioritaires.

Face à ces défis, nous saluons l’initiative du Gouvernement, conformément aux orientations données par le Président de la République, de remettre la France sur la voie du respect de ses engagements. L’objectif intermédiaire de 0,55 % du RNB en 2022 nous semble réaliste, et l’augmentation de 4,7 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » cette année, est un bon signal dans ce sens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires regarde avec bienveillance cette évolution, mais restera vigilant quant au respect effectif de cet engagement. Dans un contexte budgétaire contraint, la tentation est en effet, souvent, de considérer l’aide au développement comme une variable d’ajustement. D’autres pays comme la Chine en ont au contraire fait une composante essentielle de leur diplomatie d’influence, en Afrique, et en Europe de l’Est notamment, avec un volontarisme politique fort et un effort financier important, appuyé sur de puissants opérateurs.

Nous devons changer de logique dans notre approche de l’aide au développement. Elle est certes un impératif de solidarité, mais elle est aussi, et surtout, un investissement : un investissement dans l’avenir, un investissement dans la réussite, chez elle, d’une jeunesse qui s’abîme trop souvent dans une course folle vers l’Europe, un investissement pour que la prospérité, demain, ne soit plus dans ces pays un rêve d’ailleurs, mais une réalité concrète.

Avec cet objectif à l’esprit, il faut penser notre aide au développement d’une façon plus large, à la fois dans la définition des bailleurs, dans les types de projets financés et dans le pilotage des fonds.

En ce qui concerne les acteurs, nous devons impérativement améliorer l’articulation entre l’État, les collectivités territoriales, les ONG et les entreprises ou fondations privées. L’avenir de l’aide publique au développement est aussi, peut-être, dans des partenariats entre les différents types de bailleurs, en fonction des expertises de chacun.

En ce qui concerne les objectifs de l’aide au développement, nous voyons d’un bon œil la convergence des processus « objectifs du développement durable » et « financement du développement » sous l’égide des Nations unies.

Ce rapprochement entre aide au développement et développement durable s’est matérialisé lors de la troisième conférence internationale sur le financement du développement à Addis-Abeba en juillet 2015. Le programme d’action d’Addis-Abeba adopté à son issue a envoyé un message fort sur l’importance du climat et de son intégration dans l’ensemble des politiques de développement. Les événements climatiques extrêmes tels que les sécheresses ou les inondations sont des menaces importantes qui touchent l’ensemble des composantes – économique, sociale et politique – du développement.

Enfin, à propos du pilotage des fonds, deux divisions nous apparaissent structurantes et gagneraient à être éclaircies : tout d’abord, la division entre aides bilatérales et aides multilatérales – elles n’ont ni la même signification politique ni la même efficacité – ; ensuite, la division des crédits entre deux programmes distincts, pilotés par deux ministères différents. Cet émiettement conduit à multiplier les instances de coordination. Il fait perdre à notre politique d’aide au développement à la fois lisibilité et efficacité.

Sous réserve de ces quelques points de vigilance et en espérant, monsieur le ministre, que vous pourrez tenir compte de nos pistes de réflexion, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ces crédits, qui poursuivent une remontée en puissance bienvenue de notre aide au développement.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à débattre de deux programmes : le programme 110, relatif à l’aide économique, et le programme 209, relatif à la solidarité. Le premier représente 960 millions d’euros, le second 1,8 milliard d’euros. Le total dépasse donc 2,7 milliards d’euros.

À ce titre, une première question se pose : pourquoi y a-t-il deux programmes ? Bien sûr, on peut opérer certaines distinctions, mais, en réalité, ces programmes couvrent des activités très similaires. Pour ma part, j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi il n’y en a pas qu’un.

J’ajoute que nous ne voyons ici que la partie émergée de l’iceberg. Ces crédits représentent 36 % de l’APD ; les 64 % restants sont ailleurs. Monsieur le ministre, j’ai bien conscience qu’ils ne sont pas perdus : je suis tout à fait serein ! (Sourires.) Mais ils ne figurent pas dans l’enveloppe dont nous débattons au titre de l’aide publique au développement.

En la matière, nous avons dénombré, au total, vingt-quatre programmes budgétaires, c’est-à-dire les deux que j’ai mentionnés et vingt-deux autres, et quatorze ministères compétents. Un tel découpage est quand même une particularité française… En définitive, on n’y comprend rien !

Mes chers collègues, je ne sais si vous avez essayé d’analyser, globalement, la politique d’aide publique au développement menée par la France : c’est tout à fait impossible ! D’ailleurs – plusieurs intervenants l’ont dit –, il y a une multitude de fonds, bilatéraux ou multilatéraux, représentant respectivement 700 millions, 300 millions ou 20 millions d’euros. Notre aide au développement est tout à fait dispersée ; je ne suis pas le premier à le dire, peut-être même s’agit-il d’une banalité, mais, à mon sens, il faudrait se pencher sur la question. (M. le président de la commission des affaires étrangères acquiesce.)

Certains ont demandé un ministère à part entière, ce qui reviendrait à rétablir le ministère de la coopération. C’est le balancier classique de l’histoire : ce ministère a été supprimé, et à présent il est question de le recréer. Pour ma part, je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse d’une très bonne idée. Ce qui compte, c’est le contrôle des crédits, et il ne suffit pas de créer un ministère de la coopération pour que ce dernier dispose du pouvoir politique de décider.

Peut-être faudrait-il donner davantage de pouvoirs à l’AFD, dont les responsabilités s’étendent. Mais certains – pas moi ! – estiment qu’elle a déjà trop de pouvoirs et qu’elle échappe en quelque sorte à ses maîtres.

M. Richard Yung. Je ne crois pas que ce soit vrai, mais ce n’est peut-être pas non plus une bonne idée de confier tous les crédits à l’AFD.

Monsieur le ministre, il s’agit là d’un problème délicat : excusez-moi de ne pas pouvoir, pour l’heure, vous suggérer une solution.

Les objectifs de l’APD sont bien connus.

Le premier, c’est la lutte contre la radicalisation et le djihad, par notre action non seulement militaire, mais aussi économique, sociale et humanitaire au Sahel. Souvenez-vous de la phrase de Lyautey : quand je construis une école, je libère un bataillon. Aujourd’hui, c’est encore vrai : partout où nous menons des actions de développement, nous aidons à la lutte contre la radicalisation.

Le deuxième objectif, c’est la lutte contre l’émigration illégale. L’action menée à ce titre est peu ou prou la même que la précédente, même si, en la matière, nous avons peut-être un peu moins de succès.

Le troisième objectif, c’est la lutte contre le changement climatique. À cet égard, le verdissement des projets financés par l’AFD mérite d’être salué. Depuis plusieurs années, cette agence a fait un effort considérable pour prendre en compte la question du climat, dans un contexte de sociétés plus ouvertes.

Nous avons déjà évoqué les différents débats habituels, et même classiques. Je pense à la répartition entre les dons et les prêts, question qui revient chaque année. Je sens que le don a le vent en poupe, et c’est peut-être une bonne chose.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Certainement !

M. Richard Yung. Je pense à la distinction entre le bilatéral et le multilatéral ; pour l’instant, à en croire nos différents débats, le bilatéral semble l’emporter. Beaucoup le soutiennent. Mais, pour ma part, j’estime que le multilatéral a de grands mérites, en particulier lorsqu’il est organisé à l’échelle européenne.

Enfin, monsieur le ministre, je pense à différents débats, que vous connaissez bien, quant aux modes de financement : il s’agit de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, la fameuse TTF, dernière laquelle les États de l’Union européenne courent tous depuis de nombreuses années. Où en sont les discussions relatives à la mise en place de la TTF à l’échelle européenne ?

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les membres du groupe auquel j’appartiens voteront, avec enthousiasme, les crédits de cette mission. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Merci de votre enthousiasme !

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons avec cette mission ce qui devrait être l’un des axes majeurs de la politique internationale de la France. Or notre pays n’a jamais été au rendez-vous de l’engagement international fixant à 0,7 % du PIB l’aide publique au développement. Longtemps, nous nous en sommes même éloignés.

Pour la première fois, le budget inverse la trajectoire, et c’est tant mieux, mais en fixant d’emblée un objectif pour 2022 qui reste inférieur à 0,7 %. Si la trajectoire est nouvelle, l’ambition nécessaire n’est pas encore au rendez-vous.

Cette discussion reprendra très vite, dès 2019, avec le projet de loi de programmation de l’aide publique au développement. J’espère que nous réviserons à la hausse l’ambition affichée – pour ce qui nous concerne, nous travaillerons en ce sens. Ce serait un signe fort de réorientation de notre politique extérieure, aujourd’hui clairement dominée par la militarisation de nos relations internationales.

Si l’on ajoute la LPM, les OPEX et le niveau des ventes d’armes, dont nous sommes champions, on mesure à quel point l’APD fait figure de parent pauvre de notre politique internationale. Or c’est un grave contresens historique, tant le développement et la réduction des inégalités mondiales sont aujourd’hui les véritables clefs de la paix et de la sécurité collective mondiales. Je note toutefois que, adossées à l’effort budgétaire nouveau annoncé, la création d’un conseil de développement et la réactivation du conseil d’orientation stratégique de l’AFD constituent de premiers pas vers un nouveau pilotage de notre politique en la matière. Néanmoins, la trajectoire budgétaire appelle plusieurs remarques.

Selon le budget triennal proposé par le Gouvernement, les crédits budgétaires devraient progresser de manière exponentielle : cette hausse devrait être de 4,9 % en 2019, de 10,3 % en 2020, puis de 51,4 % en 2021 et 2022. À terme, l’abondement public atteindrait ainsi 7 milliards d’euros, contre 2,8 milliards d’euros aujourd’hui. L’effort est important, mais il est renvoyé dans le temps, ce qui laisse planer un doute regrettable quant au respect de la trajectoire annoncée.

Pour cette année, le Gouvernement annonce une progression de 1,4 milliard d’euros, mais la hausse réelle est plus limitée. En effet, 1 milliard d’euros crédité cette année ne pourra être décaissé que sur plusieurs années, et 270 millions d’euros proviennent d’une réécriture budgétaire, avec l’inscription dans la mission des fonds provenant initialement de la taxe sur les transactions financières.

À ce propos, nous regrettons vivement la décision de diminuer la part de cette taxe dédiée à l’aide au développement. Elle laisse craindre de futures amputations du même type. Pourtant, des leviers existent pour atteindre et surpasser les objectifs annoncés par le Président de la République. Plusieurs organisations ont fait, en ce sens, des propositions que nous avons choisi de relayer par nos amendements au titre de la première partie du projet de loi de finances. Ainsi, en réorientant la totalité du produit de la TTF et de la taxe sur les billets d’avion, et en lissant sur l’ensemble du quinquennat la hausse des crédits, nous aurions pu obtenir une trajectoire montant plus rapidement ; ce faisant, les objectifs finaux auraient même été dépassés.

D’autres questions essentielles demeurent, quant au périmètre et aux objectifs de notre aide au développement. Notre politique reste étroitement autocentrée.

Monsieur le ministre, vous avez souligné qu’« il faut reconnaître comme légitime le lien entre notre effort de solidarité et les bénéfices à en attendre pour notre pays ». Mais cette action est-elle bien à la hauteur de la situation ? Est-ce bien comprendre les enjeux du développement, quand la survie de la planète et le développement humain sont en cause ? Est-ce cette logique qui nous conduit, par exemple, à considérer que la régulation de l’immigration est du ressort de notre aide publique au développement, à y inclure le financement d’accords discutables avec la Turquie ? Ce choix est d’autant plus discutable que le développement des pays favorisera nécessairement des migrations à court et moyen terme. Ces dernières seront alors conçues comme des vecteurs d’échanges et des chances d’élévation sociale. Cette conception restrictive de l’APD est d’ailleurs contraire aux intentions premières de la déclaration de Paris et des principes de Busan.

À nos yeux, la volonté exprimée d’inscrire dans l’APD des dépenses de sécurité et de défense est également très contestable. Procéder ainsi, c’est prendre le problème à l’envers, quand l’insécurité naît de plus en plus de l’accumulation des inégalités de développement.

Par ailleurs, à une question que je vous avais posée, vous aviez répondu le 30 août dernier que vous comptiez lever les freins au soutien financier du secteur privé et inscrire ces investissements comme partie intégrante de l’APD. Si le secteur privé investit à l’étranger via des fondations, c’est tant mieux. Mais l’État ne peut arguer de ces initiatives pour freiner les engagements propres du développement public.

Vous le constatez, ces choix nous inspirent de multiples réserves – et je pourrais en détailler d’autres. Nous aborderons avec exigence le débat décisif que nous consacrerons au projet de loi de programmation en 2019.

Les membres de notre groupe ne pourront pas voter ce budget. Nous soulignons les progrès accomplis, mais nous souhaitons que la France s’engage au plus vite vers un effort autrement ambitieux, vers une réelle réorientation des aides apportées. (Mme Christine Prunaud et M. Yvon Collin, rapporteur spécial, applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France et l’Europe sont aujourd’hui au cœur d’enjeux structurels majeurs : d’abord, la crise écologique ; ensuite, la pression des migrations économiques. Ces défis appellent, de par leur ampleur et leur pérennité, des réponses structurelles.

Nous pouvons et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour adapter notre pays et trouver des solutions qui répondent aux effets de tels phénomènes. Mais nous devons aussi et surtout chercher à agir – je dis bien « agir » – sur leurs causes, principalement dans les territoires où ils naissent. C’est en cela que l’aide au développement nous est essentielle.

Il faut accompagner le développement des pays d’origine, pour permettre à leur jeunesse de demeurer sur place dans de bonnes conditions, de construire une famille et une vie décente. Nous éviterons ainsi que ces personnes viennent alimenter les flux de migration.

De même, une réponse efficace à l’urgence climatique serait de proposer, à des pays qui polluent malgré eux énormément, des infrastructures urbaines, technologiques et énergétiques pourvues de technologies propres. L’enjeu est bien de limiter leur phase de dépendance aux énergies fossiles. À cet égard, faire du respect de l’accord de Paris un critère majeur dans la sélection des projets aidés par la France est une très bonne chose, et je tiens à saluer cette décision.

Ne l’oublions pas : cette politique ne doit pas seulement être justifiée par ce qu’elle pourrait nous rapporter, dans une logique purement comptable de retour sur investissement. Elle doit également résulter d’une responsabilité de solidarité à l’égard de nations dont les conditions de vie doivent être améliorées.

Monsieur le ministre, nous saluons la progression significative des fonds alloués à l’aide publique au développement. Ils croissent en effet de 4,3 % en crédits de paiement et de près de 46 % en autorisations d’engagement, pour pas moins de 1,3 milliard d’euros supplémentaires.

La montée en puissance de l’Agence française de développement démontre l’implication de notre pays dans le soutien au développement : l’AFD totalise près de 40 milliards d’euros de bilan et environ 10 milliards d’euros d’engagements nouveaux en 2017, contre seulement 7 milliards d’euros en 2012. Je salue assurément cette progression.

Essentielle à la politique d’influence de la France, l’aide publique au développement telle que mise en œuvre par l’AFD doit en outre nous permettre de continuer à exister face au nouveau poids lourd qu’est la Chine ; ce grand pays est de plus en plus présent dans le monde, tout particulièrement en Afrique.

Le Président de la République a annoncé que l’aide publique au développement passerait à 0,55 % du revenu national brut en 2022. En conséquence, l’AFD devra encore accroître son activité, pour atteindre près de 18 milliards d’euros à cette échéance. Si nous l’encourageons, je m’interroge sur sa capacité à mettre en œuvre une telle hausse, qui représente tout de même près de 80 % en cinq ans : ça n’est pas rien !

Je mets donc l’accent sur le fait que cette hausse ne doit pas être uniquement un affichage quantitatif. La volonté d’augmenter massivement les engagements ne doit pas aller à l’encontre de la pertinence des actions menées. Elle ne doit pas nuire à l’efficacité de l’aide. Nous devons ainsi veiller à ce que l’aide soit allouée à des projets œuvrant effectivement au développement des régions concernées, en y associant pleinement les acteurs locaux. Les critères de sélection de ces projets doivent demeurer au cœur de notre stratégie d’aide. Nous y serons particulièrement vigilants.

Enfin, j’aborderai la question de l’aide multilatérale au développement. Il faut bien admettre que nous en parlons peu, malgré son importance : nous versons beaucoup d’argent aux fonds multilatéraux, qui font sans doute du bon travail, mais dans une opacité que je qualifierai de regrettable. Les crédits alloués à l’aide économique et financière multilatérale augmentent de 9,14 % et les montants affectés à la coopération multilatérale progressent de 28,7 %. Il serait bon que le Gouvernement et le Parlement s’engagent vraiment, l’un et l’autre, dans un suivi effectif de ces fonds.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, après avoir mis en avant toutes les observations que je viens d’exprimer, en leur nom, à cette tribune, le groupe Union Centriste votera le budget de l’aide publique au développement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et au banc des commissions, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2019, le budget de l’APD connaît une hausse substantielle, et je m’en félicite. Mais n’est-ce pas là une augmentation en trompe-l’œil ?

Le chiffre de 1 milliard d’euros d’augmentation est impressionnant, mais il s’agit d’autorisations d’engagement. En crédits de paiement, cette hausse se limite à 130 millions d’euros.

Cela masque un recul grave. La taxe sur les transactions financières, jusqu’alors affectée à 50 % à l’APD, ne le sera plus qu’à hauteur de 32 %. Si cette déviation du flux de la TTF est, cette année, compensée budgétairement, donnant la possibilité de communiquer sur une augmentation de budget largement artificielle, rien ne dit que tel sera le cas dans le futur. Le risque est d’entériner le principe d’une baisse de l’affectation de ce financement innovant. Pour aller plus loin dans la recherche de financements innovants, pourquoi ne pas, par exemple, taxer les cargos, qui acheminent plus de 90 % des marchandises de la planète et dégagent une pollution massive ?

Il y a un certain manque de réalisme dans la réaffirmation de la cible de 0,55 % du RNB en fin de quinquennat, objectif déjà peu ambitieux par rapport à nos engagements anciens de 0,7 %, auxquels nombre de nos partenaires européens sont déjà parvenus. Il risque fort de ne pas être tenu, car la trajectoire proposée fait reposer l’essentiel de l’effort sur la fin du quinquennat. Nous étions à 0,43 % en 2017, nous ne serons qu’à 0,44 % en 2019, loin de l’objectif affiché.

Je salue en revanche le début de rééquilibrage entre dons et prêts. Octroyer des prêts n’est pas la raison d’être de notre APD, surtout quand il s’agit de pays ayant les moyens de financer leur propre développement, voire d’investir dans les pays du Sud, comme la Chine, encore fortement bénéficiaire de notre APD, qui investit massivement en Afrique sans se préoccuper de normes sociales ou environnementales. Les aides sous forme de dons, privilégiées par les agences de développement britanniques et allemandes, favorisent des projets en faveur de biens communs comme l’environnement, la santé ou l’éducation.

Cela fait des années que je plaide pour un renforcement du soutien français à l’éducation, notamment celle des filles, et je ne peux que me réjouir qu’il soit enfin élevé au rang de priorité. Les bienfaits des investissements dans l’éducation sont en effet nombreux, tant en matière de développement économique que d’égalité femmes-hommes, de santé, de lutte contre le changement climatique ou de limitation de la pression migratoire.

Mais l’APD délivrée sous forme de dons est aussi plus coûteuse pour le contribuable, d’où une exigence accrue en matière de contrôle et de recevabilité, surtout au regard des contraintes budgétaires qui pèsent sur l’ensemble des autres budgets de l’État.

Pour renforcer le contrôle et l’évaluation, nous avons besoin de définir avec beaucoup plus de rigueur des indicateurs assortis de cibles chiffrées. C’est notamment indispensable pour évaluer notre impact sur des enjeux transversaux tels que l’égalité de genre ou la cohérence de nos actions en matière d’empreinte carbone.

Autre enjeu sur lequel notre budget manque de vision à long terme : la francophonie. La France ne consacre que 32 % de son APD à des pays francophones – presque deux fois moins que ce que le Royaume-Uni flèche vers son espace géolinguistique. L’ensemble des seize pays identifiés comme prioritaires, tous situés en Afrique, ne représentaient en 2017 que 7,2 % des engagements de l’AFD à l’étranger ! Une plus grande implication dans l’aire francophone serait doublement vertueuse, puisqu’elle permettrait de renforcer notre ancrage dans une zone en forte croissance tout en nourrissant cette dernière.

Dans un contexte de forte concurrence internationale, notamment chinoise, il est important de jouer toutes nos cartes. Je défendrai tout à l’heure un amendement visant à sécuriser des financements pour notre audiovisuel extérieur.

J’estime également qu’un déploiement financier de l’AFD réalisé sur fond d’étranglement budgétaire du Quai d’Orsay est contre-productif. Si nous voulons sortir du saupoudrage et du court-termisme, nous devons intégrer notre aide au développement dans un dialogue diplomatique de qualité. À cet égard, le financement de 50 millions d’euros au gouvernement gambien, qui n’est pas le meilleur exemple de démocratie, apparaîtrait presque comme une provocation au regard des coupes budgétaires drastiques imposées à notre ministère des affaires étrangères pour 2019.

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je conclurai simplement en rappelant combien nous devons être vertueux et combien notre aide au développement devrait aussi servir d’élément déterminant dans notre action diplomatique extérieure, avec un contrôle accru. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Vallini. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. André Vallini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs orateurs l’ont rappelé avant moi, le Président de la République s’est engagé à consacrer, d’ici à la fin de son mandat, 0,55 % de la richesse de notre pays à l’aide publique au développement. Or, pas plus que le budget pour 2018, le budget pour 2019 n’engage la France sur une trajectoire crédible vers cet objectif.

Certes, cette trajectoire prévoit une forte augmentation en fin de quinquennat, mais on peut s’interroger sur cette accélération très forte à partir de 2020 quand on sait que l’APD a souvent servi, par le passé, et sous tous les gouvernements, de variable d’ajustement en cas de difficultés budgétaires. En tout cas, nous sommes loin d’allouer à l’APD 0,7 % du revenu national brut ; 0,7 %, ce chiffre qui fait consensus dans les instances internationales et que d’autres pays européens ont déjà atteint : la Norvège, le Royaume-Uni, le Danemark ou encore l’Allemagne.

Après cette introduction, j’en viens à la répartition du budget lui-même.

Monsieur le ministre, je relève tout d’abord deux points positifs.

Premièrement, les financements dédiés à la lutte contre le changement climatique seront renforcés, pour atteindre 1,5 milliard d’euros par an d’ici à 2020. Dans ce cadre, la priorité sera donnée à l’Afrique, aux pays les moins avancés, ou PMA, et aux pays les plus vulnérables au réchauffement.

Deuxièmement, l’éducation sera favorisée – Christian Cambon en a parlé. Sur les trois prochaines années, une contribution de 200 millions d’euros sera accordée au partenariat mondial pour l’éducation, le PME, contre seulement 17 millions d’euros pour la période précédente, et 100 millions d’euros de subventions additionnelles, via l’AFD, seront dédiés au secteur de l’éducation de base.

Je tiens à dire un mot de la répartition entre les prêts et les dons et entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale, sujets dont a parlé Richard Yung.

On sait que la faiblesse des dons conduit depuis longtemps l’APD française vers les pays les plus solvables ; les pays les plus pauvres ne bénéficient, eux, que d’un quart de l’aide française, les autres étant notamment des pays émergents, comme la Chine, le Brésil ou encore l’Afrique du Sud.

Je relève également la montée de nos contributions multilatérales, qui s’observe depuis quelques années, au détriment de nos aides bilatérales. Lors de sa réunion du 8 février dernier, le CICID, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, a préconisé de corriger cette évolution, conformément à ce que souhaite le Sénat depuis de nombreuses années. Les deux tiers de la hausse des autorisations d’engagement de l’APD d’ici à 2022 devront contribuer à la composante bilatérale de l’aide au développement. Parallèlement, les dons progresseront aussi, l’AFD devant bénéficier dès 2019 de plus de 1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement.

Pour résumer, en valeur relative, les dons augmentent par rapport aux prêts et le bilatéral progresse par rapport au multilatéral, ce qui correspond aux préconisations du Sénat. Toutefois, en crédits de paiement, les dons projets de l’AFD ne passeront que de 213 millions à 280 millions d’euros et les autorisations d’engagement, en forte hausse, ne seront mises en œuvre que sur plusieurs années. L’aide réelle aux pays les plus pauvres, notamment ceux du Sahel, dépendra donc du renouvellement de ce niveau élevé d’autorisations d’engagement au cours des prochaines années. Il s’agit d’un véritable défi pour l’AFD, qui, ces dernières années, s’est concentrée sur l’instrument « prêts » au détriment de l’instrument « dons », l’Agence étant devenue, de facto, davantage une banque de développement qu’un opérateur de l’aide au développement.

Pour ce qui concerne les prêts, le plan de croissance rapide des engagements de l’AFD pose deux questions.

Premièrement, la majorité de ces engagements correspond à des prêts à taux de marché ou faiblement bonifiés, contractés avec des pays à revenu intermédiaire ou des pays émergents. Je pense à la Turquie, au Maroc, à la Colombie, à l’Inde, au Brésil, à l’Égypte, ou encore à la Jordanie. Or, dès 2018, la forte dégradation des capacités d’emprunt de plusieurs de ces États risque de rendre l’objectif de croissance des engagements de l’AFD plus difficile à atteindre.

Deuxièmement, si l’AFD parvient à augmenter encore ses prêts, ne risque-t-on pas d’observer une diminution de la qualité de ces engagements, avec des projets qui ne répondraient pas forcément à toutes les exigences environnementales, sociales ou de bonne gouvernance, de démocratie, pour être tout à fait clair, que l’AFD doit respecter ?

Dans le même ordre d’idées, ce plan de croissance va obliger l’Agence à demander l’extension de son mandat à de nouveaux pays, au risque de nuire à la cohérence de la politique d’aide au développement.

Richard Yung a déjà évoqué la gouvernance de l’AFD. Jean-Pierre Vial en a beaucoup parlé, avec raison, et nous l’avons déjà dit en commission : les sénateurs, toutes tendances confondues, pensent qu’il faut améliorer l’articulation entre la politique d’aide au développement et les autres dimensions de la politique extérieure que vous conduisez, monsieur le ministre, à savoir la diplomatie, le commerce extérieur, les interventions militaires contre le terrorisme, la lutte contre l’immigration irrégulière et, surtout, contre les causes profondes des migrations. Il est donc clair que, dans les prochains mois et les prochaines années, le Gouvernement doit renforcer le pilotage politique de l’AFD.

Enfin, je dirai un mot de la taxe sur les transactions financières, la TTF.

En 2018, le Gouvernement a décidé de revenir sur la mesure votée par le Parlement en 2017. En cessant de taxer les opérations intrajournalières, le fameux intraday, il a renoncé à des recettes représentant 2 milliards à 4 milliards d’euros supplémentaires par an. Cette année, vous aggravez votre cas, si je puis dire, en proposant que la TTF, jusqu’à présent allouée à 50 % au développement, ne soit plus affectée au développement qu’à hauteur de 30 %.

Jusqu’à présent, la TTF était allouée pour 528 millions d’euros au Fonds de solidarité pour le développement, le FSD, et pour 270 millions d’euros à l’AFD. Or le projet de loi de finances pour 2019 supprime la part affectée à l’AFD. Marie-Françoise Perol-Dumont en a parlé à l’instant. Elle a raison d’exprimer la crainte ressentie sur toutes les travées du Sénat. Il s’agit d’un recul historique, alors même que 2019 sera une année charnière, ponctuée de rendez-vous incontournables : le G7, bien sûr, la reconstitution du Fonds vert pour le climat, évidemment, et la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Monsieur le ministre, ce budget n’est pas à la hauteur des ambitions que vous affichez et qu’affiche le Président de la République. Il n’est pas à la hauteur de ce que l’on attend de la France dans le monde. C’est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe socialiste et républicain s’abstiendront. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est d’usage, dans le cadre de nos débats sur le projet de loi de finances, de structurer nos interventions par des moissons de chiffres et de comparaisons traduisant notre approbation, nos craintes ou nos réserves. Permettez-moi de déroger à cette tradition en abordant les crédits consacrés à l’aide publique au développement.

Les montants de ces crédits sont peu de choses au regard des grands postes de dépenses de l’État, mais ils ont, à mes yeux, une importance déterminante sur le sens de la politique mise en œuvre par notre pays.

Comme la plupart d’entre nous, je me félicite que cette politique publique bénéficie d’une hausse d’environ 4,7 %, les crédits de paiement augmentant de 127 millions d’euros et les autorisations d’engagement, de 1,4 milliard d’euros.

Je me remémore le discours du Président de la République prononcé à Ouagadougou en novembre 2017. Je me souviens plus précisément d’une phrase : « J’ai pris l’engagement d’avoir une France au rendez-vous du défi de développement. »

Il n’est pas dans mes habitudes de complimenter – on me le reproche assez –, mais je constate qu’il a tenu parole, car cette hausse de crédits est loin d’être négligeable au regard du contexte économique auquel notre pays est confronté. Elle est d’autant plus significative qu’au niveau mondial l’aide publique au développement, d’un montant de 146 milliards de dollars, est en baisse de 0,6 %. À l’heure où les crises liées au changement climatique s’ajoutent aux guerres et conflits, nous pouvons être fiers de joindre actes et paroles, même si bien des efforts restent à accomplir.

Je n’insisterai pas non plus sur les équilibres entre autorisations d’engagement et crédits de paiement structurant les moyens alloués à cette politique publique. Ils s’expliquent par l’augmentation de notre contribution au Fonds européen de développement et trouvent aussi leur justification dans les fluctuations des autorisations d’engagement auxquelles nous avons à nous adapter.

Ayant fermement critiqué l’an passé, à cette même tribune, le risque de déclassement de notre pays, comment ne pas être réconforté en constatant l’inversion de la trajectoire inscrite dans le projet de budget pour 2019, qui nous laisse entrevoir la possibilité d’atteindre le chiffre de 0,55 % de notre revenu national brut consacré à cette politique en 2022 ? Les esprits chagrins feront remarquer que nous sommes loin des objectifs électoraux du Président de la République. Pour ma part, je préfère voir le verre à moitié plein d’un chapitre budgétaire qui inverse « à la hausse » la courbe du montant de nos aides, alors que l’Allemagne ou le Royaume-Uni ont déjà atteint ce seuil de financement.

Si je salue notre trajectoire, en refusant de m’adonner à la litanie des indices et des chiffres, c’est pour insister sur le sens que nous devons donner à cette politique.

Nous avons tous entendu les critiques lancées à l’encontre de l’aide au développement, qualifiée de « sparadrap sur des fractures » ou de « tonneau des Danaïdes ». Pourtant, la réalité infirme ces jugements, et les besoins pour lutter contre la faim, la pauvreté, permettre à l’accès à l’eau et favoriser l’éducation rendent cette aide indispensable. Même imparfaite, même insuffisante, elle est l’une des pièces essentielles au travers de laquelle nous traduisons un devoir de solidarité.

À l’heure où la France traverse une grave crise et où nos concitoyens nous demandent de penser à leur pouvoir d’achat, renforcer l’aide publique au développement, c’est dire clairement que rien ne pourra se faire ici si l’on ne prend pas soin de ceux et celles qui souffrent aussi ailleurs. N’oublions pas, mes chers collègues, les 17 000 enfants qui meurent chaque jour dans le monde ! Plus que jamais, le développement constitue un enjeu géopolitique fort.

Monsieur le ministre, malgré les réserves que je viens de formuler, parce que ces crédits sont orientés à la hausse et parce que l’aide publique au développement n’est qu’une part du soutien que la France apporte aux pays les plus fragiles, le groupe du RDSE votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, je formulerai, après les rapporteurs et les différents orateurs qui sont intervenus, quelques observations sur une mission qui, chacun a bien voulu le reconnaître, enregistre une progression très significative de ses crédits.

Le programme 209 représente 3,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement. Hors dépenses de personnel, il est doté de 1,86 milliard d’euros en crédits de paiement, en progression de 80 millions d’euros en comparaison avec 2018. En matière d’autorisations d’engagement, l’augmentation est de 1,37 milliard d’euros. Je tiens à le dire, en particulier à M. Vallini, qui formulait quelques observations pas forcément agréables, il s’agit d’une hausse sans précédent dans l’histoire de ce programme.

Madame Garriaud-Maylam, vous avez fait une comparaison entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement. Si l’on veut faire les choses correctement, les crédits de paiement doivent être mesurés par rapport aux autorisations d’engagement. L’important est de fixer les autorisations d’engagement, car, en matière d’aide au développement, vous le savez, vous qui connaissez bien ces sujets, les choses prennent du temps, les décaissements étant par nature progressifs. Je peux donc vous l’assurer, les autorisations d’engagement d’aujourd’hui seront les crédits de paiement de demain.

Je le répète, une trajectoire définie en fonction du PIB a été retenue par le CICID du 8 février dernier. Celle-ci sera confortée lors de la discussion du projet de loi de programmation de l’aide publique au développement, qui sera bientôt soumis au Parlement.

Par ailleurs, je voudrais préciser un point technique, le Gouvernement ayant déposé deux amendements – je présenterai le premier dans le cadre de cette mission, le second lors de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État ».

Le Gouvernement a décidé, pour financer les annonces récentes du Premier ministre, un ajustement à la baisse de certains plafonds budgétaires. Or, pour ce qui concerne mon ministère, nous avons appris à la fin du mois de novembre que la contribution française au FED serait inférieure à la prévision initiale, ce qui nous permet de porter l’ensemble de l’ajustement qui nous est demandé sur le programme 209, sans qu’aucune des actions prévues soit remise en cause, tout en préservant les programmes de la mission « Action extérieure de l’État ». Pour le programme 209, cela signifie une hausse des crédits de paiement de 265 millions d’euros par rapport à 2018, ce qui représente, je le répète, une hausse sans précédent.

La hausse de nos engagements permettra de financer des priorités claires, que vous avez tous identifiées : la moitié de ces crédits ira aux secteurs de l’éducation, de la jeunesse ou de la santé ; l’autre moitié financera des actions pour résorber les fragilités en zone de crise, la lutte contre le changement climatique et l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle permettra aussi d’affirmer nos choix géographiques : l’Afrique et, plus particulièrement, dix-neuf pays prioritaires seront les principaux bénéficiaires de cet effort. Ainsi, en 2019, l’aide publique apportée à l’Afrique sera de 1,2 milliard d’euros, dont 429 millions d’euros pour le seul Sahel.

Je récapitule les orientations que j’ai indiquées à plusieurs reprises devant vous : l’inversion de la proportion entre dons et prêts, au bénéficie des dons, entre bilatéral et multilatéral, en faveur du bilatéral, et réorganisation géographique parallèle. Ce sont les souhaits que vous avez émis dans vos différentes interventions ; c’est ce que nous mettons en œuvre très concrètement dans le cadre de ce projet de budget.

Ces crédits en hausse permettront également de financer l’aide humanitaire, dont j’ai fait, vous le savez, une priorité. Comme je m’y étais engagé l’an dernier, les crédits de gestion et de sortie de crise augmentent, cette année encore, de 14 millions d’euros, pour atteindre 100 millions d’euros. À ce titre, le Fonds d’urgence humanitaire sera porté à 45 millions d’euros et notre aide alimentaire programmée sera également renforcée. Nous devenons enfin un acteur humanitaire significatif et sortons d’une situation où nous investissions dans ce secteur moins qu’un pays comme la Belgique – j’avais eu l’occasion de vous le dire l’année dernière.

Je souhaite que le débat sur la future loi de programmation sur l’aide publique au développement soit l’occasion de réfléchir aux moyens permettant de suivre l’utilisation de ces ressources importantes. Il convient en effet de disposer de moyens de pilotage et d’évaluation adaptés à l’effort consenti. Plusieurs d’entre vous sont intervenus sur ce point, avec raison. Il nous faudra donc mettre en œuvre un dispositif adéquat. À cet égard, permettez-moi de souligner trois décisions.

Premièrement, l’AFD sera en première ligne dans la mise en œuvre de ces moyens nouveaux. Nous renégocierons en 2019 sa rémunération. Les ressources ainsi dégagées abonderont le Fonds de solidarité pour les partenariats innovants, le FSPI, qui est facile d’usage, très réactif et généralement à la main des ambassadeurs pour financer des programmes de volume modeste ou dans leur phase initiale. C’est ainsi que ce fonds a permis les premiers travaux de conception du futur campus franco-sénégalais de Dakar.

Deuxièmement, les nouveaux moyens financiers accordés à l’AFD doivent conduire à renforcer son pilotage. Dans la réflexion que nous menons pour élaborer le projet de loi, plusieurs propositions formulées par le député Hervé Berville dans le rapport qu’il nous a remis ont retenu notre attention. Comme il l’a proposé, nous envisageons de créer un conseil de développement sous l’autorité du Président de la République. Par ailleurs, il sera bien précisé dans le projet de loi qu’il reviendra au ministre chargé de la coopération, qui est aujourd’hui le ministre des affaires étrangères, c’est-à-dire moi-même – j’assume ma tâche complètement, vous le savez, madame la sénatrice Garriaud-Maylam –, de présider le conseil d’orientation stratégique de l’Agence.

Troisièmement, une commission nationale d’évaluation indépendante sera amenée à juger l’impact, l’efficacité et l’efficience de nos actions en matière de développement. La création de cette instance, qui répond également à une demande du président Cambon et de certains d’entre vous, sera mise en œuvre par le biais de la loi de programmation.

Je formulerai encore quelques observations complémentaires.

Monsieur Yung, je suis favorable à une clarification de notre architecture budgétaire. Sans doute serait-il souhaitable d’inscrire les dons dans le programme 209 et les prêts dans le programme 110. Quant au FSD, il devrait être abondé par la TTF et orienté prioritairement vers les fonds multilatéraux. Une telle simplification paraît indispensable pour sortir du maquis des fonds dans lequel certains d’entre vous se perdent. Il m’arrive moi-même de m’y perdre, tant l’architecture est complexe.

Notre volonté d’un meilleur suivi de l’augmentation des crédits qui seront affectés à l’AFD doit également s’étendre à l’affectation des fonds multilatéraux, lesquels continuent à être abondés par le budget français. Dans le cadre de leur articulation avec les actions bilatérales et de leur bonne utilisation, ils devront nécessiter de notre part une plus grande vigilance. En effet, le Fonds européen de développement bénéficiera quant à lui de 850 millions d’euros. C’est une somme très importante, sans doute la plus importante qui lui soit affectée, ce qui nécessite, certains l’ont souligné, une vigilance accrue concernant son utilisation.

Concernant Expertise France, j’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec le président Cambon, je serai très vigilant sur le maintien de son identité au sein de l’AFD et pour éviter toute dérive. À l’heure actuelle, rien n’est tranché pour ce qui concerne les modalités, les synergies étant possibles.

Il a été fait état de l’importance du Fonds vert pour le climat. Je le souligne, sa reconstitution est prévue en 2019. La conférence de reconstitution se réunira au cours de l’année. Nous apporterons notre propre contribution sur l’aspect pluriannuel. Nous serons très vigilants sur le maintien et l’augmentation de ce fonds.

Par ailleurs, le Secrétaire général des Nations unies a demandé au Président de la République, lors de la réunion du G 20 à Buenos Aires, que la France joue un rôle majeur dans le cadre du sommet sur le climat de septembre 2019 qu’il organisera à New York. Nous aurons la responsabilité, avec la Jamaïque, d’identifier les enjeux de financement du futur et de faire en sorte que les outils de financement soient au rendez-vous.

Enfin, Mme Perol-Dumont a évoqué le problème de la comptabilisation de l’APD. Comment une somme est-elle identifiée dans le cadre de l’aide publique au développement ? Il existe des règles internationales établies par l’OCDE mentionnant tous les critères nécessaires pour rendre une intervention financière, publique ou privée, éligible à l’aide publique au développement. C’est en fonction de ces critères que nous avons identifié le chiffre de 0,55 % de notre revenu national brut, que devra représenter notre aide en 2022. Tel est l’engagement du Président de la République. La trajectoire qui vous est aujourd’hui proposée permettra d’atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)

aide publique au développement

Aide publique au développement -  Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 72

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Aide publique au développement

4 506 803 421

3 085 181 109

Aide économique et financière au développement

1 305 765 394

1 074 752 833

Solidarité à l’égard des pays en développement

3 201 038 027

2 010 428 276

Dont titre 2

153 150 588

153 150 588

M. le président. L’amendement n° II-687, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

 

 

 

 

Solidarité à l’égard des pays en développement

dont titre 2

 

6 684 507

 

6 684 507

TOTAL

 

6 684 507

 

6 684 507

SOLDE

-6 684 507

-6 684 507

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je viens d’expliquer les raisons qui ont conduit le Gouvernement à déposer cet amendement : la contribution qui nous est demandée pour abonder le Fonds européen de développement est moins importante que celle que nous envisagions au départ. Il est donc proposé de la réduire de 6 684 507 euros. Nous retrouverons cette somme dans un autre chapitre budgétaire du ministère des affaires étrangères. Elle sera destinée au renforcement du fonctionnement de ce ministère.

Il s’agit d’une opération purement technique, pour éviter de déployer des fonds qui ne seront pas mobilisés par le Fonds européen de développement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Au cours de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont augmenté plusieurs dépenses, notamment les crédits relatifs à la prime pour l’emploi. Au total, 236 millions d’euros ont dû être financés en seconde délibération par la « solidarité gouvernementale », appelée plus communément « rabot ». Les missions budgétaires « Action extérieure de l’État » et « Aide publique au développement » ont donc été minorées de près de 20 millions d’euros : 6,7 millions d’euros pour la mission « Action extérieure de l’État » et 12,6 millions d’euros pour la mission « Aide publique au développement », dont 8,3 millions d’euros pour le programme 209.

Le Gouvernement souhaite désormais que l’ensemble de la minoration porte sur la mission « Aide publique au développement ». Il nous propose donc, par cet amendement, de minorer les crédits du programme 209 de 6,7 millions d’euros. Un second amendement, qui a déjà été déposé, vise à majorer du même montant les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». Ce choix vient du fait que les appels de la Commission européenne pour le Fonds européen de développement devraient être moins importants que prévu, ce qui donne une petite marge sur la mission « Aide publique au développement ».

Le Gouvernement peut-il nous confirmer que cette minoration supplémentaire sera bien supportée exclusivement par le FED ? Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quel est le montant exact de cette économie de constatation ? Permettra-t-elle également d’absorber la « première minoration » du programme 209 ? Si tel est le cas, à titre personnel, je pourrai émettre un avis favorable sur cet amendement. En effet, la commission, à son grand regret, n’a pu émettre un avis sur cet amendement, dans la mesure où il a été déposé quinze minutes après le début de la séance…

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, de cette observation positive.

Si on nous demande moins d’argent, je ne vois pas pourquoi nous en mobiliserions toujours autant. La sollicitation du FED est moindre que prévu. Pour autant, les crédits budgétés ici permettent de couvrir l’ensemble de la dépense. Je propose donc que ces 6 684 507 euros soient soustraits de notre participation au Fonds européen de développement, pour abonder le budget de fonctionnement du ministère des affaires étrangères, dont ils avaient été amputés dans un premier temps.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour explication de vote.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Monsieur le ministre, nous avons bien l’entendu vos explications. Pour autant, cette révision à la baisse de notre contribution au FED est un mauvais signal politique. Tel est en tout cas l’analyse de notre groupe.

Le Fonds européen de développement est un outil essentiel pour relever les nouveaux défis, notamment pour ce qui concerne les routes migratoires. Il nous semble important que la France défende une position ambitieuse lors du prochain renouvellement du FED post-2020.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-687.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-419 rectifié bis, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Vall et Brisson, Mme Deromedi, MM. Danesi, Frassa, Grosdidier et Regnard et Mme Renaud-Garabedian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

 

12 000 000

 

4 000 000

Solidarité à l’égard des pays en développement

dont titre 2

12 000 000

 

4 000 000

 

TOTAL

12 000 000

12 000 000

4 000 000

4 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement vise à permettre, par la création d’une ligne de crédits dans le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », le financement des actions d’aide publique au développement réalisées par France Médias Monde.

Cet opérateur de l’action audiovisuelle extérieure de la France diffuse sur ses antennes linéaires – RFI, France 24, MCD – et numériques des programmes de service public destinés aux populations des pays en développement les plus pauvres, notamment en Afrique et dans les zones de crise. Nombre de ces programmes portent ou sont susceptibles de porter sur des domaines considérés comme prioritaires par le CICID, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement : éducation, apprentissage du français, santé, environnement…

Il s’agit de reconnaître cette mission de service public. Nombre de médias internationaux, au premier rang desquels figure la BBC World Service, bénéficient, à ce titre, de financements budgétaires de leur gouvernement.

Afin d’assurer la pérennité de ce financement, il est proposé de doter cette ligne d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement. Les montants, 12 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4 millions d’euros en crédits de paiement, correspondent au besoin de financement nécessaire, voire indispensable, pour maintenir la production et la diffusion de ces programmes en Afrique, notamment dans les langues locales, et de développer de nouvelles émissions thématiques de service public. Cette action est financée par une réduction d’un même montant sur les crédits du programme 110, « Aide économique et financière au développement ».

Il s’agit vraiment, monsieur le ministre, d’une priorité au regard d’un environnement extrêmement compétitif, au sein duquel nous avons vraiment besoin de nous affirmer. Sinon, nous risquons de perdre énormément de parts de marché que nous aurons beaucoup de mal à récupérer par la suite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial de la commission des finances. Cet amendement vise à minorer de 12 millions d’euros les crédits consacrés aux fonds multilatéraux de développement. Il s’agit notamment de la participation de la France au Fonds pour l’environnement mondial ou au Fonds vert pour le climat. Par ailleurs, il tend à majorer de 12 millions d’euros les crédits de Canal France International.

Cet amendement ouvre, au sein de l’examen de la présente mission, un débat qui concerne en fait la mission « Médias, livre et industries culturelles », qui sera examinée demain en séance.

Les moyens de France Médias Monde, qui regroupe les outils de l’audiovisuel public extérieur français, ont diminué en 2018 et connaissent une nouvelle baisse en 2019 de 2 millions d’euros. En conséquence, le présent amendement vise à accorder 12 millions d’euros supplémentaires à l’audiovisuel extérieur français.

Les crédits de France Médias Monde ne sont pas portés par la mission « Aide publique au développement », mais par le compte de concours financiers « Avances à audiovisuel public ». Dès lors, l’adoption de cet amendement n’aurait pas pour conséquence d’abonder le budget de France Médias Monde, mais de Canal France International, qui finance des projets de coopération technique avec les médias du Sud. Certes, CFI est une filiale de FMM, mais il n’y a pas de fongibilité des budgets. Ainsi, ces crédits permettraient non pas de maintenir la production et la diffusion de programmes en Afrique, contrairement à ce qu’indique l’objet de cet amendement, mais de financer des missions de coopération technique dans les pays en développement.

Les missions de CFI consistent notamment à promouvoir la diffusion par les médias locaux de contenus sur les enjeux du développement durable et à soutenir les instances locales de régulation et l’optimisation des grilles des programmations des chaînes de ces pays. Je précise que la dotation pour 2019 de CFI s’élève à 8,2 millions d’euros, soit une hausse de 10 % par rapport à 2018. Ainsi, votre amendement, ma chère collègue, conduirait à l’augmenter de 150 % environ.

J’ajoute que plusieurs amendements ont déjà été déposés sur le compte de concours financiers « Avance à l’audiovisuel public », afin d’augmenter les moyens de France Médias Monde. M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances, propose d’augmenter de 5 millions d’euros ces crédits. Mme Joëlle Garriaud-Maylam, au nom de la commission des affaires étrangères, est favorable à une hausse de 3 millions d’euros. Enfin, M. Jean-Pierre Leleux souhaite également les majorer de 3 millions d’euros.

Je comprends la préoccupation de nos collègues pour l’audiovisuel public. Toutefois, il est important de maintenir une certaine lisibilité : l’aide publique au développement est, au sens de l’OCDE, un agrégat complexe. N’ajoutons pas de la complexité en demandant à l’aide publique au développement de financer l’audiovisuel, sinon, demain, on demandera aussi à cette mission de financer les universités, la vie étudiante, l’accueil des réfugiés, la recherche agricole, la diplomatie culturelle, la gendarmerie et même certaines des bases militaires.

Ma chère collègue, je vous invite à retirer votre amendement. Le débat sur les ressources de France Médias Monde aura lieu demain après-midi, dans le cadre de l’examen par le Sénat de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». À défaut de retrait, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons qui ont été développées par M. le rapporteur spécial.

Il existe déjà un financement de l’audiovisuel dans le cadre de la coopération et de l’aide publique au développement, vous l’avez rappelé, par le biais du dispositif Canal France International, à hauteur de 8,2 millions d’euros. L’augmentation significative des crédits de la présente mission ne doit pas conduire à la transformer en une sorte de guichet, où ceux qui seraient en manque de financements viendraient frapper, ce qui dénaturerait complètement l’objectif que nous cherchons ensemble à atteindre.

Je précise toutefois que certains projets montés par France Médias Monde peuvent éventuellement bénéficier de l’aide publique au développement. Cependant, cela ne peut se faire que sur la base de projets et non pas sous la forme d’une subvention à un établissement public.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. J’en parlais il y a quelques instants avec David Assouline, le Sénat a adopté un dispositif permettant à l’audiovisuel public en général de récupérer un peu plus de 80 millions d’euros. Malheureusement, je le dis tout de suite à notre collègue Assouline, l’Assemblée nationale n’en veut pas, et le Gouvernement non plus. Il le fera donc supprimer par l’Assemblée nationale en seconde lecture. Je défendrai donc demain un certain nombre d’amendements sur le sujet.

Monsieur le ministre, les responsables de France Médias Monde, lorsqu’on les rencontre, sont les premiers à dire que leur action joue terriblement à l’international – c’est une évidence ! –, essentiellement dans des pays francophones, c’est-à-dire, très souvent, africains. Mais France Médias Monde ne parvient pas à financer ses programmes ; elle va d’ailleurs supprimer un certain nombre de stations et de dispositifs.

Quand on regarde ce qui se passe ailleurs en Europe, on constate que d’autres sociétés de programme obtiennent de leurs ministères respectifs des crédits d’aide au développement strictement ciblés sur l’audiovisuel international – je pense au Royaume-Uni ou à l’Allemagne.

M. Roger Karoutchi. Pourquoi la France ne ferait-elle pas le même effort ?

Monsieur le ministre – je vous félicite en passant pour l’augmentation de votre budget –, 12 millions d’euros – en réalité, 4 millions d’euros en crédits de paiement –,…

M. Roger Karoutchi. … même si cela peut paraître beaucoup par rapport à l’ensemble de la mission, rapporté au budget total de l’action internationale de la France, ce n’est pas un montant si élevé.

Monsieur Requier, vous dites qu’il faut empêcher que l’AFD ne se transforme en guichet,…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est moi qui l’ai dit.

M. Roger Karoutchi. … sinon certains vont lui demander de financer des universités. Mais l’AFD a financé l’université solidaire et rebelle de Grenoble en 2018 !

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. Ce n’est pas ce qu’elle a fait de mieux !

M. Roger Karoutchi. J’ai d’ailleurs, comme d’autres à l’Assemblée nationale, posé au ministre une question écrite pour savoir si l’AFD était compétente pour ce genre de choses.

Si l’AFD a un vrai programme, très bien ! Si l’AFD est un guichet, qu’on nous le dise ! (M. Jérôme Bascher et Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Avant la mise aux voix de cet amendement, je voudrais éclairer notre assemblée sur ce qui s’est passé la semaine dernière, lorsque nous avons examiné la première partie du budget.

Je considérais que la baisse du budget de l’audiovisuel public d’environ 80 millions d’euros était injuste. Elle touchait France Médias Monde, Arte, l’ensemble du groupe France Télévisions, en particulier avec la suppression de chaînes comme France Ô ou France 4, et Radio France, qui récolte pourtant des succès d’audience incroyables et concourt vraiment à magnifier le rôle de l’audiovisuel public.

J’étais contre les amendements du type de celui que nous sommes en train d’examiner ou de ceux que M. Karoutchi présentera demain. Dans la pénurie, on nous somme en effet de choisir qui nous ne voulons pas affaiblir et de prendre aux autres. Or c’est l’ensemble de l’audiovisuel public, France Médias Monde compris, qui voit ses crédits diminuer.

Je ne suis pas d’accord pour dire, comme M. Karoutchi, qu’il faut prendre les crédits dont on a besoin à France 2 ou, comme vous, madame Garriaud-Maylam, à l’aide au développement. Vous proposez de financer l’abondement de France Médias Monde à hauteur de 12 millions d’euros non par une augmentation des crédits de la mission, mais par la réduction, à due concurrence, d’autres financements.

Ce débat est maintenant derrière nous, puisque le Sénat a voté, sur mon initiative – c’est un vote du Sénat ! –, le rétablissement de l’affectation d’une part de la TOCE, à hauteur de 86 millions d’euros, à l’audiovisuel public. Il y a là de quoi satisfaire les demandes formulées par Mme Garriaud-Maylam et par M. Karoutchi – France Médias Monde mérite absolument, c’est vrai, de ne pas voir son budget réduit.

M. Karoutchi peut bien dire que rien ne garantit que l’Assemblée nationale nous suivra dans cette voie,…

M. Roger Karoutchi. C’est la stricte vérité !

M. David Assouline. … mais sur quelle base discuter si nous commençons à ne pas tenir compte de nos propres votes et à les décrédibiliser ? Nous avons voté, ici, beaucoup de dispositions dont le sort était suspendu à la décision de l’Assemblée nationale…

Reste que, dans la perspective de la suite du débat sur le projet de loi de finances, grâce à l’amendement que j’ai présenté, il y a l’argent suffisant pour habiller France Médias Monde sans déshabiller ni l’AFD ni le reste du service public de l’audiovisuel.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. J’ai bien entendu l’argumentaire enflammé du rapporteur spécial contre cet amendement. Je voudrais quand même rappeler qu’il y a urgence : le budget de France Médias Monde est en retrait de 7 millions d’euros par rapport aux engagements pris par le Gouvernement dans le contrat d’objectifs et de moyens. C’est énorme !

Cette situation d’urgence fait que, si France Médias Monde n’obtient pas au début de 2019 des crédits suffisants, elle se trouvera rapidement dans l’obligation de supprimer un certain nombre d’émissions, à un moment où jamais il n’a été aussi important d’avoir une présence médiatique à l’étranger, notamment en Afrique.

Mon cher collègue Assouline, nous sommes contraints d’inscrire nos propositions dans le cadre défini par la LOLF. En outre, ma demande ne revient pas à retirer quoi que ce soit au budget de l’aide au développement, puisque, précisément, c’est de l’aide au développement que fait France Médias Monde. Avec ses émissions en peul, ses émissions sur la santé, sur l’égalité entre les femmes et les hommes, sur la protection contre les violences ou sur l’apprentissage des langues, elle joue un rôle considérable, qui me paraît vraiment essentiel, en matière d’éducation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Nous n’avons rien contre France Médias Monde qui, en effet, fait du bon travail et dont l’action correspond à ce que nous souhaitons.

En commission, madame Garriaud-Maylam, nous nous sommes abstenus sur un amendement que vous présentiez visant à ponctionner France Télévisions, qui subit la plus lourde ponction. Aujourd’hui, vous proposez de prendre à l’aide au développement. Le ministre et le rapporteur spécial ont bien expliqué qu’il existe d’autres solutions.

Si vous ne retirez pas votre amendement, le groupe socialiste votera donc contre.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Notre collègue Jean-Marc Todeschini vient de donner la position de notre groupe sur cet amendement. Je pense néanmoins qu’il est possible que nous nous entendions.

France Médias Monde réalise un certain nombre d’émissions en coproduction. Il serait important que ces émissions soient soutenues par le ministère des affaires étrangères dans le cadre du budget dont nous sommes en train de débattre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oui, sur la base de projets !

M. Jean-Yves Leconte. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur cette évolution vers toujours plus de coproductions ou de sous-traitances, qui pose d’autres difficultés, en termes d’indépendance éditoriale notamment.

Cela étant, s’agissant du point concret qui nous occupe ici, dès lors que l’aide publique au développement permet de financer un certain nombre de coproductions, les choses peuvent fonctionner dans le cadre du budget qui nous est présenté.

M. le président. Madame Garriaud-Maylam, l’amendement n° II-419 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je souhaite vraiment que M. le ministre étudie cette question de manière approfondie…

J’interprète son regard comme étant une approbation, un engagement à examiner attentivement ce dossier. Je retire donc cet amendement.

M. le président. L’amendement n° II-419 rectifié bis est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 72, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Aide publique au développement

Aide publique au développement  - État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers  - État D

Article 72

Le ministre chargé de l’économie est autorisé à souscrire :

1° À l’augmentation générale de capital de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, soit la souscription de 9 022 nouvelles parts dont 20 % appelées et 80 % sujettes à appel ;

2° À l’augmentation sélective de capital de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, soit la souscription de 9 185 nouvelles parts dont 6 % appelées et 94 % sujettes à appel ;

3° À l’augmentation générale de capital de la Société financière internationale, soit la souscription de 261 749 nouvelles parts intégralement appelées. – (Adopté.)

compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Article 72
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Action extérieure de l'État

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Prêts à des États étrangers

1 245 350 000

1 114 300 000

Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

1 000 000 000

480 950 000

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

245 350 000

245 350 000

Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

0

388 000 000

Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro

0

0

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Action extérieure de l’État

Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers  - État D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » (et article 71 ter).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dédiée au financement de notre réseau diplomatique et consulaire et à notre rayonnement culturel à l’étranger, la mission « Action extérieure de l’État » constitue l’une des principales missions régaliennes de l’État. Doté d’un peu moins de 3 milliards d’euros en crédits de paiement, ce budget est relativement sobre compte tenu des missions qu’il doit remplir.

L’exercice 2019 se caractérise par la poursuite des efforts budgétaires réalisés ces dernières années par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit 2,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. À périmètre courant, les crédits de la mission diminuent ainsi de 4,3 %. Les mesures de périmètre sont volumineuses cette année, avec notamment la suppression des loyers budgétaires, qui, bien que simple écriture comptable, étaient abondés en crédits. À périmètre constant, les crédits de la mission diminuent donc de 2,2 % environ.

Cette baisse est moins importante que prévu par la loi de programmation des finances publiques votée au mois de juillet. De ce point de vue, la distinction entre périmètre courant et périmètre constant est utile au Gouvernement, car le périmètre courant permet d’afficher un respect du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques à 2,75 milliards d’euros, hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Mon appréciation d’ensemble est que le ministère fait preuve de sérieux budgétaire, alors même qu’il devrait conduire des réformes structurelles importantes en 2019.

Mon examen a porté plus précisément sur le programme 105 de la mission, sur lequel reposent les dépenses de personnel et de fonctionnement des réseaux diplomatique et consulaire ainsi que les contributions internationales. J’ai aussi examiné les crédits relatifs à l’organisation du G7 par la France en 2019.

Le programme 105 est au cœur de la reconfiguration des réseaux de l’État à l’étranger souhaitée par le Président de la République. En effet, à partir de 2019, le programme 105 devient le programme support de l’ensemble des opérateurs et ministères à l’étranger. Par conséquent, il devient affectataire de l’ensemble des immeubles possédés par l’État à l’étranger, ce qui devrait contribuer à l’élaboration d’une stratégie interministérielle plus efficace de gestion du parc immobilier de l’État.

L’objectif de diminution de 10 % de la masse salariale des opérateurs et ministères employeurs d’agents à l’étranger d’ici à 2022 devrait nécessairement impacter les dépenses de personnel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Toutefois, cet effort sur la masse salariale devrait être partagé avec les autres ministères, dans une proportion qui reste à définir.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions sur les pistes de réduction de cette masse salariale qui vous ont été proposées par les postes diplomatiques et consulaires, ainsi que sur la répartition de l’effort entre votre ministère et les autres ? Je sais que, en la matière, vous avez reçu des réponses assez récemment.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Il y a une semaine !

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Ce nouvel exercice d’effort budgétaire pour nos postes à l’étranger est bienvenu. Le cloisonnement des fonctions supports ne permet pas d’établir une vision transversale des moyens mis en œuvre. Je regrette toutefois que la conduite de la réforme ait éclipsé une réflexion sur la valeur ajoutée de certains postes diplomatiques et consulaires, au nom du choix de l’universalité du réseau.

Je souhaiterais appeler votre attention sur plusieurs points de vigilance.

Premièrement, l’érosion des moyens humains du ministère n’empêche pas le dynamisme des dépenses de personnel. Depuis dix ans, le nombre d’équivalents temps plein travaillé a diminué de près de 12 %, mais les dépenses de personnel ont augmenté de 23 %. Une réflexion sur la gestion des ressources humaines du ministère doit impérativement être enclenchée.

Les documents budgétaires montrent par ailleurs un dérapage des dépenses de personnel pour l’exercice 2018, ce qui expliquerait l’écart avec la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques. Comment expliquez-vous que les dépenses de personnel, en 2018, soient près de 30 millions d’euros supérieures aux prévisions ?

Deuxièmement, les contributions internationales et européennes devraient diminuer de 70 millions d’euros environ entre 2018 et 2019, sous l’effet de l’évolution des opérations de maintien de la paix.

La réduction de ce poste de dépenses n’est pas un motif de satisfaction. Elle provient en partie d’une diminution de la quote-part française dans le budget des organisations internationales, laquelle est liée au poids de notre PIB dans le PIB mondial, ce qui témoigne d’un décrochage économique de la France par rapport aux autres États.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cette quote-part ne baisse qu’un petit peu !

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Un petit peu, certes, mais suffisamment pour que nous gagnions de l’argent : comme précédemment avec le budget de l’AFD, notre moindre importance nous fait faire des économies.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Non ! Sur ce budget, ce n’est pas exact !

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Non ? Soit !

Troisièmement, la politique immobilière du ministère doit faire l’objet d’un pilotage renforcé. À la fin de 2016, son parc immobilier était estimé à 4,3 milliards d’euros.

L’immobilier du ministère va être mis à contribution pour financer les dépenses de sécurisation des implantations à l’étranger. Les avances du compte d’affectation spéciale « Gestion immobilière de l’État » devraient représenter 100 millions d’euros, qui devront être remboursés par les produits de cession. Or ceux-ci ne cessent de se réduire et ne devraient représenter que 30 millions d’euros en 2018. Comment comptez-vous rembourser ces avances et à quelle échéance ?

Enfin, concernant le programme 347, « Présidence française du G7 », le coût estimé s’élève à 36,4 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 3,2 millions d’euros au titre des dépenses de protocole. Ce coût est supérieur à celui de l’organisation du G20 en 2008, à Deauville, même en tenant compte de l’inflation. Par conséquent, je présenterai deux amendements visant respectivement à aligner le coût du G7 sur celui du G20 de 2008 et à réduire les dépenses liées à l’organisation de la réunion des ministres des affaires étrangères du G7, qui ne figurent pas dans ce programme et sont rattachées aux dépenses protocolaires.

Le projet de budget pour 2019 de la mission « Action extérieure de l’État » a été critiqué en raison des réformes structurelles qui ont été annoncées, notamment de la diminution de 10 % de la masse salariale d’ici à 2022, qui inquiète beaucoup. Il me semble qu’un examen attentif permet plutôt de souligner une relative préservation de nos moyens à l’étranger pour 2019 et de mettre en évidence l’existence de certaines marges de manœuvre budgétaires, sous réserve des points de vigilance dont je vous ai fait part. Par conséquent, la commission des finances s’est prononcée en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de Vincent Delahaye, je vais brièvement vous présenter les programmes de la mission « Action extérieure de l’État » qui concernent, d’une part, les Français à l’étranger et les affaires consulaires et, d’autre part, la diplomatie culturelle et d’influence et l’enseignement français. Les crédits afférents à ces programmes représentent environ un tiers du total des crédits de la mission.

Le premier constat, à la lecture du projet du Gouvernement, est celui du maintien global de la prévision budgétaire pour 2019 par rapport à l’exercice en cours. Après plusieurs années de baisse, la stabilité réelle de ces crédits doit être soulignée. Cependant, la réduction des emplois du ministère de l’Europe et des affaires étrangères reste préoccupante. La répartition des crédits ne semble donc pas totalement en accord avec la volonté d’avoir de grandes ambitions diplomatiques et une vocation universelle pour notre pays.

Le budget de l’administration consulaire ne pose pas de difficulté. Celle-ci mène de nombreux chantiers de modernisation qui sont source d’économies et qui font preuve d’une réelle efficacité, à telle enseigne que la délivrance des documents d’identité s’avère beaucoup plus rapide pour les Français de l’étranger que pour ceux qui vivent sur le territoire national. Autre marqueur de modernisation : la mise en place du vote électronique sera effective dès le prochain scrutin européen. Le budget alloué à l’organisation des élections européennes est de 3,5 millions d’euros, soit une somme équivalente à celle de 2014. Cela ne devrait donc pas poser de difficultés.

S’agissant du remplacement de la réserve parlementaire, le Gouvernement a mis en place un dispositif nommé « STAFE », soutien au tissu associatif des Français de l’étranger, doté d’un budget de 2 millions d’euros pour 2018, reconduit pour 2019. La première année d’existence de ce dispositif semble relativement prometteuse, puisque 223 projets ont été approuvés, pour un montant de 1,74 million d’euros. Il est intéressant de noter que près de la moitié des subventions sollicitées sont destinées à soutenir un projet éducatif. Nous pourrons certainement mieux en juger l’an prochain – nous pourrons tirer le bilan de l’année 2018 –, en espérant que les crédits pour 2019 pourront être intégralement consommés, car la campagne d’examen des demandes de subventions commencera plus tôt. Mais nous pouvons d’ores et déjà constater que ce dispositif de remplacement de la réserve parlementaire semble fonctionner avec efficacité.

Concernant les acteurs culturels et l’enseignement ainsi que les opérateurs chargés de la politique d’influence de notre pays, la stabilité des crédits apparaît davantage comme un sursis bienvenu, qui n’enlève rien à la nécessité d’établir une stratégie claire de développement du soft power français pour les années à venir.

À la suite des annonces du Président de la République sur le plan Langue française, en mars dernier, l’Institut français bénéficiera de 2 millions d’euros supplémentaires. Il faut saluer cet effort, en ajoutant que des précisions doivent encore être apportées, notamment, sur le rapprochement entre l’Institut français et la Fondation Alliance française, qui a été acté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018.

Les subventions et les emplois des autres opérateurs sont, eux, maintenus à un niveau équivalent à celui de 2018, ce qui marque la volonté de préserver leurs missions en matière d’attractivité de notre pays.

J’en viens à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, sur laquelle nous avons travaillé, avec Vincent Delahaye, dans le cadre de la mission de contrôle budgétaire. Il s’agit d’un des plus grands réseaux d’enseignement public à l’étranger au monde, ce qui en fait un atout très précieux pour la scolarisation des enfants français à l’étranger et pour le rayonnement de notre pays.

Si la préservation, cette année, du budget de l’enseignement français à l’étranger semble positive, elle ne saurait occulter d’importantes tensions. L’annulation d’une partie de la subvention de l’AEFE, à hauteur de 33 millions d’euros, à l’été 2017, avait mis en évidence la difficile équation budgétaire de l’Agence. Celle-ci fait face, depuis de nombreuses années, à une hausse structurelle de ses dépenses parallèle à un désengagement progressif de l’État. Dans ces conditions, les familles sont de plus en plus mises à contribution et les frais de scolarité par élève ont beaucoup augmenté ces dernières années. La stabilité budgétaire, pour 2019, était donc indispensable. Il faut saluer sa concrétisation.

Pour faire face aux difficultés, en effet, l’AEFE a réduit le nombre de postes d’enseignants et d’encadrement qu’elle finance : elle a supprimé 80 postes d’expatriés et 100 postes d’enseignants résidents cette année ; elle prévoit d’en supprimer 166 autres en 2019. Or ces suppressions de postes, qui sont difficiles à accepter pour les établissements, risquent de nuire à la qualité de l’enseignement. Elles sont en outre contradictoires, en apparence en tout cas, avec l’objectif de doublement du nombre d’élèves scolarisés dans le réseau d’ici à 2030. Cet effet ciseaux fragilise l’Agence et l’ensemble des établissements d’enseignement qui lui sont liés. Il devient donc urgent que le Gouvernement donne aux acteurs une visibilité de long terme – tous l’attendent impatiemment – et nous dise comment il entend parvenir au doublement du nombre d’élèves dans les prochaines années.

Pour ma part, et comme beaucoup, je suis attaché à ce service public exceptionnel de l’enseignement français à l’étranger – nous devons trouver les moyens de le projeter dans l’avenir.

Pour conclure, je dirai que ce budget, s’il est tout à fait convenable du point de vue de l’examen de cet exercice budgétaire, semble insuffisant à long terme au regard des ambitions exprimées. Les subventions accordées aux opérateurs chargés de mettre en œuvre la politique d’influence de la France, quoique stables, demeurent d’un niveau insuffisant. Cette insuffisance est plus frappante encore lorsqu’on la compare aux annonces et aux ambitions affichées au début de son mandat par le Président de la République.

Si, comme l’a dit Vincent Delahaye, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits de la mission, nous resterons très attentifs, dans les années qui viennent, à leur inscription dans la durée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois minutes pour présenter un budget de 1,7 milliard d’euros, ce n’est franchement pas beaucoup ! Je vais donc me contenter de vous adresser quelques messages, car, s’agissant des chiffres, je vous renvoie à ceux qu’a présentés Vincent Delahaye et à mon rapport.

Monsieur le ministre, je voudrais exprimer quelques insatisfactions et de réelles inquiétudes. Je fais partie de ceux qui, lors de la Conférence des ambassadeurs, étaient vraiment inquiets : j’avais trouvé, ce jour-là, que, tout à votre contentement de voir augmenter votre budget de l’aide au développement, vous aviez un peu trop vite « lâché » votre budget des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Content, je l’étais !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Certes, mais je suis rapporteur pour avis du programme 105.

Nous considérons, nous, sénateurs, que la diminution de 10 % de la masse salariale d’ici à 2022 n’est pas une bonne nouvelle, d’autant que, en dix ans, la mission « Action extérieure de l’État » a déjà perdu 12 % de ses effectifs.

Quant à la réorganisation des modes de gestion des réseaux de l’État à l’étranger, elle n’est pas plus rassurante. Rassembler sous la tutelle de l’ambassadeur l’ensemble du réseau et tous les fonctionnaires de chaque ambassade, c’est une bonne idée.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oui !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Certes, mais si vous, vous jouez le jeu, ce n’est pas le cas des autres ministères. C’est ce que nous montrent les premiers retours concernant le ministère des finances, le ministère de l’intérieur et le ministère de la défense – je mets les ministres concernés devant leurs responsabilités ! Je ne suis donc pas sûr que cette réforme parte sur de bons rails.

Mon deuxième message sera le suivant : votre politique immobilière – le président de notre commission vous le disait déjà à l’époque où il était rapporteur du programme 105 – est à bout de souffle.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Je vais le redire !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Vous avez tout vendu ! Vous n’avez donc presque plus rien à vendre. Comment allez-vous payer l’entretien des ambassades et de l’ensemble de votre patrimoine ? Non seulement vous n’avez plus rien à vendre, mais vous n’avez inscrit cette année que 12 millions d’euros sur la ligne budgétaire dédiée à l’entretien de vos bâtiments. Or nous savons très bien qu’il faut entre 40 millions et 80 millions d’euros pour financer cet entretien. Sur ce point aussi, nous ne sommes pas tout à fait rassurés.

Mon troisième et dernier message sera sous forme de question : quelle place voulez-vous donner à la France dans le monde ?

Une telle place peut se traduire de différentes manières : par les deux sujets que je viens d’évoquer, mais aussi par l’ensemble des contributions internationales obligatoires. Or elles baissent de près de 10 %. La raison en est très simple : comme le poids économique de la France baisse dans le monde, notre quote-part baisse elle aussi. C’est peut-être bon signe budgétairement parlant, mais, économiquement parlant, ce n’est pas très bon pour la France, de surcroît à un moment où l’Allemagne augmente son budget et ses effectifs et où le Royaume-Uni augmente son budget, ses effectifs et le nombre de ses ambassades !

Monsieur le ministre, c’est sous la mandature Macron, sous le gouvernement de M. Édouard Philippe, sous votre mandat de ministre, que la France est déjà passée du deuxième au troisième rang, derrière les États-Unis et la Chine, pour la taille du réseau international.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce recul date d’avant !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Nous allons passer, l’année prochaine, au quatrième rang : le Royaume-Uni va nous passer devant !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Attendons de voir !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Et les Allemands ne sont pas loin !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Ils ne sont d’ailleurs pas très bons camarades. Je vous renvoie à la déclaration du vice-chancelier allemand demandant, la semaine dernière, que la France…

M. le président. N’abusez pas du temps, s’il vous plaît !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. … perde son siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies au profit d’un siège européen, qui pourrait être allemand…

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Une minute de dépassement !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bernard Cazeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2019, les efforts en faveur de la sécurité extérieure au sens large se poursuivent. Cependant, nous avons quelques interrogations sur le financement.

Notre commission se félicite de la stabilisation des crédits de la coopération de défense et de sécurité, qui constitue notre « premier bouclier au loin », illustration parfaite du continuum entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Il s’agit là d’un rééquilibrage, à un étiage encore bas, mais essentiel à la cohérence de notre politique. Après une forte baisse, les crédits retrouvent le niveau qu’ils avaient voilà dix ans, soit 104 millions d’euros. Nous avons dans ce domaine deux recommandations.

La première consiste à veiller à ne pas imposer une réduction d’effectifs : il faut laisser la direction gérer une baisse de la masse salariale et retrouver ainsi une certaine souplesse au lieu de prévoir la suppression de vingt équivalents temps plein de 2019 à 2022.

La deuxième concerne la loi d’orientation et de programmation de l’aide publique au développement, qui doit permettre d’assurer le financement du continuum entre la sécurité et le développement, en finançant, si possible, hors programme 105 les actions de la DCDS renforçant les capacités des États partenaires dans les domaines de la sécurité intérieure et de la protection civile.

En 2019, les crédits budgétaires dédiés à la sécurisation des emprises françaises à l’étranger diminuent, passant de 75 millions à 44 millions d’euros. Cette réduction de crédits est compensée par une avance de 100 millions d’euros sur deux ans du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Notre commission souhaite la définition d’un programme d’investissements à hauteur des besoins de financement et la réforme des dépenses éligibles au compte d’affectation spéciale. Nous veillerons à ce que le ministère garde toute latitude et indépendance pour définir le programme de cessions dont le produit remboursera l’avance.

Nous notons que la sécurisation est la grande priorité de ce budget. Nous nous en félicitons. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Français à létranger et affaires consulaires ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens comme rapporteur pour avis du programme 151, qui concerne les dépenses du réseau consulaire. Mon propos portera sur les aspects budgétaires.

Pour 2019, les crédits du programme 151 enregistrent une modeste augmentation, de 1,5 %, qui ne doit pas dissimuler le régime d’austérité imposé à notre réseau consulaire. De fait, cette hausse s’explique avant tout par une réévaluation des crédits de titre 2, réévaluation destinée à compenser leur sous-évaluation l’année dernière. Il ne s’agit en aucun cas d’augmenter les effectifs, puisque le programme 151 perdra trente-sept équivalents temps plein en 2019, afin de se conformer aux objectifs du projet Action publique 2022 de réduction des réseaux de l’État à l’étranger.

Hors titre 2, les crédits du programme diminuent de 2,6 %, malgré des transferts de crédits à son profit liés à la nécessité de préparer les élections européennes de mai 2019, à l’abondement du dispositif STAFE, créé pour compenser la suppression de la réserve parlementaire, et, dans une moindre mesure, au rapatriement de crédits d’adoption en provenance du programme 185.

C’est ainsi que certaines lignes subissent des ajustements. C’est le cas de l’aide sociale distribuée par les comités consulaires, en diminution de 1,9 million d’euros. Cette diminution, nous dit-on, s’expliquerait par une baisse du nombre d’allocataires. Nous en doutons un peu. Je rappelle que ces aides, souvent d’un faible montant, n’en sont pas moins importantes pour nos compatriotes à l’étranger en difficulté. Ce sont donc les plus modestes qui risquent de souffrir. De même, la dotation destinée aux bourses scolaires, qui était stable l’an passé, se trouve diminuée de 5 millions d’euros, à 105,3 millions d’euros, au motif qu’il sera possible de puiser dans la soulte de l’AEFE pour compléter si besoin. Certes, cette soulte constitue une réserve confortable qui a de surcroît l’avantage de se reconstituer grâce aux effets de change, mais cela pourrait ne pas durer. Qu’adviendra-t-il si les circonstances sont moins favorables ? La baisse de l’enveloppe budgétaire sera-t-elle réversible ? Ma crainte est que ne se produise un « effet de cliquet ».

Les suppressions d’emplois prévues en 2019 – elles ne sont que la première marche d’un effort appelé à s’accentuer les années suivantes – ne seront possibles qu’au prix de nouvelles mesures de rationalisation : regroupement d’activités, par exemple en matière de transcription de l’état civil, ajustement au strict minimum des effectifs des « postes à gestion simplifiée », poursuite de l’externalisation du traitement des demandes de visas, transformation de postes d’agents titulaires en postes d’agents de droit local… Je le souligne, cette manœuvre n’est pas sans risque dans certains pays.

Par ailleurs, l’administration consulaire continuera à moderniser ses procédures et à dégager des gains de productivité, à travers des projets tels que le paiement en ligne des droits de chancellerie, la pré-demande en ligne des passeports ou encore le lancement d’une expérimentation visant à permettre la transmission dématérialisée des actes d’état civil aux Français de l’étranger.

Bien que notre commission ait émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits, je tiens à faire part de mon inquiétude quant à la réduction continue des moyens d’une administration efficace et appréciée, qui – nous avons déjà eu l’occasion de le dire – ne pourra pas indéfiniment faire plus avec moins. Au final, c’est la capacité d’influence et de rayonnement de la France dans le monde qui en sera amoindrie. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Rachid Temal, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Français à létranger et affaires consulaires ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de mettre l’accent sur quatre points importants, je souhaite rappeler toute l’importance du programme 151, qui représente les services publics aux Français de l’étranger.

Le premier point concerne le dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l’étranger, dit STAFE. Bien que faisant suite à la suppression de la réserve parlementaire, celui-ci accuse une baisse d’un tiers des crédits consacrés, passant de 3 millions à 2 millions d’euros.

Par ailleurs, nous regrettons qu’aucune place n’ait été prévue pour les parlementaires dans ce dispositif, contrairement au précédent.

M. Rachid Temal, rapporteur pour avis. Pour autant, le bilan de la première campagne semble encourageant. Monsieur le ministre, quels enseignements en tirez-vous ? Quelles adaptations envisagez-vous pour la suite ?

Le deuxième point, également abordé par mon corapporteur Jean-Pierre Grand, est celui des bourses scolaires et des aides aux familles. En la matière, il me semble important d’avoir un travail commun entre les associations des Français de l’étranger, la représentation nationale et votre ministère pour aboutir à un diagnostic partagé, afin de sortir de la situation devenue préoccupante sous l’effet de la réduction des prestations. Cette démarche pourrait être organisée sous votre égide.

Le troisième point a trait au Brexit et à la situation de nos 300 000 compatriotes qui résident au Royaume-Uni.

Nous nous réjouissons de la signature de l’accord entre Londres et l’Union européenne le 25 novembre dernier, après des semaines et des mois d’atermoiements. Certes, nous le savons, le processus de ratifications n’est pas simple. Il est même parfois source d’incertitudes. Quelles mesures nos postes consulaires ont-ils prises face aux différents scenarii en présence ?

Par ailleurs, en vertu du compromis sur le maintien des droits convenu le 19 mars 2018, des dispositions sont prévues pour les citoyens européens présents sur le territoire britannique au terme de la période de transition fixée au 31 décembre 2020. Ils pourront continuer à vivre, travailler ou étudier dans les mêmes conditions qu’actuellement. Je veux néanmoins me faire l’écho des préoccupations exprimées par un certain nombre d’associations de ressortissants européens résidant au Royaume-Uni. Elles s’inquiètent de la capacité de l’administration britannique à procéder, sans erreur et dans les délais, au recensement de tous les citoyens de l’Union européenne. Avez-vous des informations à nous apporter sur ce travail ?

Le quatrième point concerne la réforme de la représentation des Français de l’étranger. Annoncée par le Président de la République, elle n’a donné lieu pour l’heure qu’à une consultation des élus et des associations. Mais, vous le savez, son contenu fait encore débat. Pouvez-vous nous en dire davantage, à la fois sur son contenu éventuel et sur son calendrier ? La tradition républicaine voudrait qu’elle puisse être adoptée avant le mois de juin 2019. Ce sujet nous semble très important. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Diplomatie culturelle et dinfluence ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la diplomatie culturelle et d’influence est actuellement un chantier de réflexions multiples, encore inabouties. Un rapprochement de l’Institut français et de la Fondation Alliance française est en cours. L’enseignement français à l’étranger doit être développé. Le Président de la République a présenté un plan ambitieux pour la langue française et le plurilinguisme. Dont acte ! Mais les moyens sont-ils au rendez-vous ?

Je concentrerai mes remarques sur l’AEFE.

La subvention est stable, après une année difficile. Plusieurs mesures très contraignantes pour les établissements scolaires ont été mises en œuvre. Je vous rappelle l’augmentation du taux de la participation française complémentaire sur les frais de scolarité, à 9 %. On nous dit que ce sera 7,5 %. Nous demandons instamment de revenir à 6 % au maximum. En effet, l’équation du financement de l’AEFE repose fondamentalement sur le diptyque État-familles. Lorsque l’État se désengage, ce sont donc automatiquement les familles qui paient. Or elles paient de plus en plus, et de plus en plus de familles françaises à l’étranger à revenus modestes ont des difficultés.

Par ailleurs, comment participer à la sécurisation de locaux n’appartenant pas à l’État ? Comment remédier au fait que l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger, l’ANEFE, ait stoppé ses activités de prêts garantis par l’État aux établissements ?

Tout semble concourir à compliquer la tâche des établissements français à l’étranger, alors qu’un doublement des effectifs des élèves dans la prochaine décennie est prévu dans les écoles de l’AEFE, mais également en dehors. Nous espérons que les crédits des bourses seront augmentés ; c’est nécessaire, car il y aura de nouveaux enfants français. L’éducation nationale aura-t-elle davantage de professeurs détachés ?

Monsieur le ministre, vous le voyez, nos interrogations sont multiples, tant les objectifs de la diplomatie culturelle paraissent disproportionnés par rapport aux moyens déployés.

Je terminerai par une suggestion : une part du budget doit provenir de la vente d’immeubles. Pourquoi ne pas s’inspirer de certains pays voisins et amis dont les ambassades appartiennent à une institution financière nationale ? Nos joyaux diplomatiques – il y en a encore quelques-uns – pourraient, par exemple, être cédés à la Caisse des dépôts et consignations, qui les louerait au ministère. Non seulement ils resteraient français, mais en plus le loyer serait probablement moindre. Étant à moitié autrichien, de résidence en tout cas, je me permets de formuler cette proposition un peu baroque… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Diplomatie culturelle et dinfluence ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants extracommunautaires, une augmentation à la fois brutale et considérable. Certes, le Premier ministre a annoncé en contrepartie une hausse du nombre de bourses, mais cela ne fera que compenser la diminution régulière des crédits, qui ont été divisés par deux en douze ans. Cette mesure aura en tout cas un effet très négatif sur les étudiants originaires du continent africain. Ils sont à la fois les plus nombreux et les plus fragiles économiquement. Or, contrairement à un cliché trop souvent répandu, ils sont bien loin d’être tous issus des classes favorisées.

Au moment où se dessine un mouvement de restitution aux pays africains de biens mal acquis sur l’initiative du Président de la République, au moment de l’amorce d’un processus d’inventaire de la colonisation, notamment de la colonisation de l’Algérie, cette hausse brutale du montant d’inscription constitue un très mauvais signal. En renonçant à accueillir une majorité d’étudiants africains, la France renonce à toute relation privilégiée avec les cadres africains de demain. Or ces futurs cadres sont convoités par de nouveaux acteurs, comme la Chine, l’Inde et la Russie.

En 2018, les étudiants africains inscrits en Chine devraient atteindre le chiffre de 80 000. Ils y bénéficient de la scolarisation et du logement gratuits ainsi que de bourses de 400 euros mensuels. Si l’Europe et la France restent leur priorité, nous perdons du terrain, notamment au profit de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis ou de la Turquie, qui proposent des bourses dans des universités islamiques. L’Arabie saoudite est ainsi passée de la trentième à la treizième place dans la liste des pays pourvoyeurs de bourse, et la Turquie est passée de la vingt-septième à la onzième place.

Le désengagement de la France auprès de la jeunesse africaine est un renoncement. On abandonne à d’autres pays le soin de former les cadres de demain. Ce renoncement va aggraver la perte d’influence de la France sur le continent africain, la déception, le dépit et, demain, le rejet de notre pays par la jeunesse du continent le plus jeune du monde.

Les réactions en Afrique, notamment à Dakar, mais pas seulement, relatées ces derniers jours par la presse, la manifestation de samedi ou des tribunes dans le journal Le Monde doivent vous alerter, monsieur le ministre. Il faut absolument revoir cette décision funeste pour le rayonnement culturel et économique de la France, mais aussi pour la francophonie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits destinés à notre diplomatie culturelle et d’influence ont été les grands sacrifiés du quinquennat de François Hollande : de plus de 750 millions d’euros en 2012, ils sont tombés à moins de 685 millions d’euros cinq ans plus tard, soit une baisse inédite de près de 10 % !

En cette deuxième année du quinquennat d’Emmanuel Macron, nous voyons déjà ce que sera la marque de fabrique du nouveau Président de la République : de grandes envolées, de beaux discours, des intentions louables, trente-trois mesures dans le plan Langue française et plurilinguisme… Qui d’entre nous ne serait pas derrière le Président de la République pour « donner un nouvel élan à notre diplomatie culturelle », comme il s’y est engagé ? Personne ! Mais, derrière les beaux discours, derrière les grandes envolées lyriques, quand on regarde dans le détail le budget, qui est le reflet de la véritable politique menée par le Gouvernement, que voit-on ? Des crédits durablement maintenus au niveau bas atteint en 2017, comme une confirmation, une acceptation, de la politique menée durant le précédent quinquennat ! Et les années à venir risquent d’être particulièrement douloureuses, le Gouvernement ayant annoncé dans le cadre du plan Action publique 2022 la réduction de 10 % de la masse salariale de l’ensemble des réseaux de l’État à l’étranger d’ici à 2022 !

Dans ces conditions, si l’on regarde les opérateurs de notre diplomatie culturelle, comment mettre en œuvre dix-sept des trente-trois mesures du plan Langue française et plurilinguisme avec seulement 2 millions d’euros supplémentaires non reconductibles et aucun emploi pour l’Institut français ? Comment doubler le nombre d’étudiants internationaux accueillis en France avec un budget inchangé pour Campus France ? Surtout, comment doubler le nombre d’élèves scolarisés dans notre réseau à l’étranger, avec un budget également inchangé pour l’AEFE ? Atteindre les 700 000 élèves dans le réseau en 2030, comme l’a annoncé le Président de la République, c’est l’équivalent de l’ouverture de quarante-huit établissements tous les ans pendant treize ans. Est-ce un objectif vraiment raisonnable ?

Je m’interroge aussi sur le devenir de la Fondation Alliance française, qui, si elle a échappé à la disparition, est néanmoins profondément dévitalisée dans l’opération de rapprochement avec l’Institut français. Notre pays a encore la chance d’avoir deux beaux réseaux d’influence dans le monde : les instituts français et les alliances françaises. Il faut absolument rétablir la confiance. Nous avons besoin d’un « travailler ensemble » serein et apaisé entre ces deux réseaux. Ce sont des pépites pour notre pays. Mais pour combien de temps encore, au regard des coupes budgétaires drastiques dont fait l’objet notre réseau à l’étranger ?

Mes chers collègues, vous le voyez, ma frustration est grande et mes réserves sont immenses. La commission de la culture, sans enthousiasme aucun, mais au vu de la stabilité de ce programme, a néanmoins choisi d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits destinés à notre diplomatie culturelle au sein de la mission « Action extérieure de l’État ».

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quoi de plus essentiel en vérité, malgré leur modestie, que les crédits du Quai d’Orsay ? Ce budget porte en effet l’action diplomatique de la France dans le monde. Or la voix de la France est aujourd’hui absolument primordiale. Le monde est confronté à une forme de « chaos » géopolitique.

D’un côté, il y a l’aggravation des menaces. Menaces de la force, on le voit ces jours-ci en mer d’Azov, comme hier en Crimée, mais aussi en mer de Chine, dans les îles Éparses et jusqu’en Méditerranée. Menaces de la faiblesse, celle des États faillis, qui nourrissent le terrorisme djihadiste. Menaces hybrides, créant des situations « troubles », dans la zone grise entre guerre et paix, via l’utilisation de milices ou la désinformation massive. Nouveaux espaces de conflictualité : face au cyberespace, il faut aussi désormais l’espace extra-atmosphérique.

De l’autre côté, les outils de régulation des crises internationales issus de la Seconde Guerre mondiale sont contestés : le Conseil de sécurité de l’ONU est bloqué sur la Syrie, sur le Yémen, sur le conflit israélo-palestinien. Le droit international est bafoué, la liberté de circulation des mers est contestée, les traités de maîtrise de la prolifération chimique et nucléaire sont fragilisés. Nos alliances les plus solides, comme la relation transatlantique, vacillent. L’Europe elle-même est frappée en plein cœur par la montée des populismes et la sortie de sa troisième puissance économique, le Royaume-Uni.

Pourquoi, dans ce contexte, les crédits du Quai d’Orsay sont-ils si importants ? Parce que la France a, par sa diplomatie universelle, un rôle particulier à jouer sur la scène internationale.

Membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, puissance militaire parmi les seules au monde à se projeter au-delà de ses frontières, nation qui « parle à tous », indépendante, dotée d’armées disposant d’une autonomie stratégique basée sur une capacité d’appréciation propre, la France est l’une des seules puissances mondiales à ne pas avoir « d’agenda caché » dans la gestion des crises. La France, pour résumer, ne vise qu’à « produire de la sécurité » et à se battre pour la paix.

Néanmoins, si nous soutenons l’objectif de mieux intégrer les « 3 D » – diplomatie, défense et développement –, nous ne partageons pas toutes les orientations prises pour y parvenir.

Nous l’avons indiqué précédemment, l’aide au développement ne nous semble pas assez fermement pilotée du point de vue des priorités politiques. Nous l’avons dit samedi, notre confiance dans la bonne exécution de la loi de programmation militaire est désormais entamée : la défense a dû financer 400 millions de surcoûts des OPEX, qui auraient dû être pris sur la solidarité interministérielle.

Venons-en à la diplomatie.

Sur plusieurs sujets, la France n’est pas toujours au rendez-vous de son rôle historique. La vision un peu trop angélique qu’a l’exécutif du multilatéralisme ne nous permet pas de peser vraiment sur le cours des choses. Je déplore que nous soyons quasiment sortis des radars au Moyen-Orient, une région dont nous connaissons si bien les complexités. Il convient aussi de réinvestir l’Afrique, où notre leadership est sévèrement contesté.

Sur l’Europe, enfin, la vision très ambitieuse portée par le discours de la Sorbonne est quand même assez loin de la réalité. Prenons l’exemple du couple franco-allemand, qui – il faut bien le dire – ne pèse pas du même poids des deux côtés du Rhin !

Monsieur le ministre, à l’instar de Ladislas Poniatowski, je souhaite entendre votre réaction sur cette étonnante proposition allemande de mutualiser notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Ce serait scandaleux !

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. De mon point de vue, c’est une faute de la part de nos amis Allemands, non seulement parce que cela affaiblit la légitimité française au sein du Conseil de sécurité, mais aussi parce que cela joue contre une réforme plus globale défendue par la France : faire entrer l’Allemagne au Conseil de sécurité, mais également élargir ce dernier au « nouveau monde » qui a émergé, avec le Brésil, l’Inde, le Japon et des pays africains.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Exactement !

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Cette proposition joue aussi contre l’intérêt de l’Union européenne, qui est d’avoir plusieurs sièges au sein du Conseil de sécurité. J’espère que vous aurez l’occasion de le dire haut et fort à votre collègue allemand, dont les déclarations ne sont pas acceptables pour nous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Fouché applaudit également.)

Revenons à ce budget si modeste, mais si crucial. Je voudrais insister sur deux inquiétudes que nos rapporteurs ont bien mises en lumière.

On se réjouit que les dépenses contraintes baissent ? C’est en fait le reflet de notre recul au classement économique international. Est-ce donc le moment d’amputer en plus cet outil d’influence qu’est le réseau diplomatique ? À l’heure où l’Allemagne et le Royaume-Uni augmentent leurs budgets et leurs effectifs, la réforme précipitée du Gouvernement est un non-sens. Pour économiser 110 millions d’euros, soit une demi-journée de dépenses de l’assurance maladie, on risque de se priver de leviers d’actions essentiels : amputer la diplomatie économique, alors que notre balance commerciale est décevante ; rogner sur l’action culturelle, alors qu’on lutte contre l’obscurantisme partout dans le monde ; saper notre capacité diplomatique, alors que le monde est à feu et à sang ! N’est-ce pas là un contresens ?

Nous serons évidemment très attentifs aux effets de cette réforme et à la répartition des efforts d’économies entre les différents ministères.

Le modèle de gestion immobilière du Quai d’Orsay nous paraît à bout de souffle. L’entretien courant des bâtiments provient des cessions d’immeubles, qui financent aussi la moitié de la rénovation des sites parisiens du ministère ! L’entretien lourd du patrimoine à l’étranger est doté de 12 millions d’euros, pour des besoins réels qui se situent entre 25 millions et 80 millions d’euros. Pis, la sécurisation de nos emprises à l’étranger n’est pas financée par des crédits budgétaires, mais par des cessions ! Car c’est bien à cela que mène le dispositif d’avance que Bercy vous a proposé pour 100 millions d’euros sur deux ans ! La commission le dit haut et fort : il faut mettre un terme à l’érosion du patrimoine qui découle de cette politique mortifère !

Monsieur le ministre, je veux vous donner acte que, depuis votre arrivée au ministère, cette politique a cessé.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Merci !

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Je souhaite que nous poursuivions dans cette voie.

Au-delà de toutes ces observations, nous sommes évidemment à vos côtés. La commission a massivement voté vos crédits pour faire en sorte de défendre l’action diplomatique de la France. J’en suis persuadé, malgré les difficultés intérieures que nous vivons actuellement – elles risquent malheureusement de porter atteinte au rayonnement de notre pays –, nos diplomates, qui font un travail absolument extraordinaire et auquel je souhaite rendre hommage ici, méritent qu’on les soutienne, qu’on les encourage et qu’on les aide à agir pour le bien et le rayonnement de la France et pour la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en convenons tous ici, il n’y a aucun doute sur le potentiel de la France en matière d’action extérieure de l’État, mais cela a un prix et nécessite un investissement. À ce titre, nous regrettons que la diplomatie économique soit considérée comme le levier majeur de notre diplomatie. Ce choix stratégique nous semble contestable.

Il existe toujours malgré tout un reliquat de colonialisme dans notre pratique des échanges commerciaux avec certains pays, notamment d’Afrique. Ainsi, sous couvert d’aide au développement de ces pays, l’enjeu est aussi d’assurer un avenir international à nos entreprises. Sauf que le focus mis sur la diplomatie économique a conduit, par exemple, à une diplomatie politique des ventes d’armes, à propos desquelles vous connaissez notre opposition. Ces ventes massives d’armes n’ont pas développé d’emplois en France, puisque le secteur de l’industrie de l’armement a vu disparaître 44 000 emplois en dix ans.

Dans le cadre de cette discussion budgétaire, je tiens aussi à intervenir sur un sujet dont on ne parle pas trop souvent, même si nous avons déjà abordé ce point avec vous, monsieur le ministre, à savoir le franc CFA, c’est-à-dire le franc des anciennes colonies d’Afrique.

Le maintien d’une zone franc après la décolonisation grève fondamentalement les capacités d’investissement des États et nuit à leur indépendance monétaire. Le franc CFA a le mérite de limiter l’inflation et d’apporter de la stabilité aux économies nationales, mais son indexation sur l’euro, une monnaie forte, freine de nombreuses PME africaines et encourage la fuite des capitaux.

Le fait d’aborder la problématique du franc CFA dans le cadre de cette mission vous surprendra peut-être, mes chers collègues, mais il me semble que ce point n’est pas sans lien avec nos objectifs dans le domaine des actions extérieures de la France. Si le franc CFA permet de maintenir un pré carré pour la France, il est aussi de plus en plus un motif de rejet de notre pays dans les pays concernés. Il faudra bien qu’on s’attelle un jour à ce problème.

J’aborde maintenant un autre point : la nécessité de réinvestir massivement dans notre diplomatie culturelle.

La situation de la diplomatie culturelle aujourd’hui est très délicate. C’est le domaine d’action qui présente le plus gros déficit entre les moyens mis en œuvre et les besoins auxquels ils sont censés répondre. À ce titre, monsieur le ministre, vous m’aviez dit en commission que la fermeture de l’institut français de Naplouse n’était pas figée et que les discussions restaient ouvertes. Qu’en est-il désormais ? La situation a-t-elle changé ? Plus largement, nous nous interrogeons sur la fusion des alliances françaises et des instituts français comme sur leur financement. Le désinvestissement de l’État, au motif d’encourager l’autofinancement, est contradictoire avec une ambition forte de politique étrangère.

Cette ambition se fracture également avec l’exemple des étudiants étrangers. On ne peut que condamner la décision du Gouvernement d’augmenter drastiquement les frais d’inscription des étudiants étrangers à l’université. Dire qu’il s’agit d’une mesure visant à compenser ce que ces étudiants coûtent, c’est remettre en cause le sens même d’un service public ! Certes le principe du service public repose sur le caractère contributif de son fonctionnement, mais un étudiant étranger crée lui aussi de la richesse puisque, en travaillant, il consomme et paie des impôts indirects.

Avec cette décision, vous ôtez tout espoir aux étudiants modestes de venir étudier en France, alors même qu’il existe déjà une barrière à l’entrée par le biais des revenus minimaux exigés. Doit-on considérer que les 620 euros demandés ne sont pas suffisants pour vivre en France ?

Cette sélection par l’argent se couple à l’absence de critères sociaux dans l’attribution de bourses du Gouvernement, comme vient de le souligner l’un de mes collègues. Au-delà de leur accessibilité directe, cela empêche chaque année un certain nombre de jeunes étrangers de postuler dans l’une de nos universités. Alors que la France est le quatrième pays d’accueil d’étudiants étrangers, cette situation risque d’entraîner un recul de notre pays en la matière.

Je terminerai en évoquant l’un des piliers les plus importants de notre action extérieure : notre réseau consulaire. La baisse des effectifs au sein des représentations françaises à l’étranger inquiète. Alors que le Quai d’Orsay a perdu 53 % de ses effectifs en trente ans et un tiers depuis 2008, le Gouvernement a encore annoncé la suppression de 10 % des effectifs. Aujourd’hui, on décompte seulement 13 800 agents pour 2 millions d’expatriés, sans tenir compte des touristes. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements, mais le schéma « fermeture des accueils et dématérialisation des procédures » conduit à un certain recul.

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Christine Prunaud. Au vu de ces éléments, il nous est impossible de voter des crédits en baisse qui affaiblissent plus encore l’action extérieure de la France.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’action extérieure de l’État, on le sait, est l’un des principaux instruments du rayonnement de la France dans le monde. À ce titre, il est important de préserver les moyens de la mission que nous examinons, ce maintien étant le gage de la diffusion des valeurs universelles qui nous sont chères.

Avec une dotation de 2,9 milliards d’euros pour 2019 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, j’observe, à périmètre constant, une diminution de 2,2 % des crédits par rapport à 2018. Cependant, même si en matière de chiffres les jeux d’écriture restent toujours possibles, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que cette baisse était toute relative, puisque les dépenses de sécurisation des implantations à l’étranger relèvent d’un programme extérieur à la présente mission.

Dans un monde multipolaire fragilisé, d’un côté, par la faiblesse des États faillis et, de l’autre, par les nouvelles stratégies de puissance, le projet kantien de paix perpétuelle demeure un idéal. Aussi, nous avons besoin d’un outil diplomatique efficace pour conserver à la France ses capacités d’influence et de pleine participation à la résolution des conflits. Cette influence, nous devons continuer à la déployer sur tous les fronts de l’action extérieure, que ce soit celui de la diplomatie culturelle, celui de notre emprise consulaire et, bien sûr, celui de notre implication dans les grandes organisations internationales.

S’agissant de la diffusion de notre culture, la promotion de la langue française reste une composante majeure de notre diplomatie. Je me félicite donc de la sanctuarisation des crédits du programme 185. Toutefois, sans un soutien plus affirmé, il me semble que l’objectif de 700 millions de locuteurs au milieu de ce siècle, au lieu de 274 millions aujourd’hui, sera difficile à atteindre. Dans ces conditions, l’effort en direction du réseau des lycées français à l’étranger doit être conforté. N’hésitons pas aussi à nous appuyer davantage sur nos outre-mer pour mieux diffuser la francophonie.

Pour ce qui concerne le réseau consulaire, je m’inquiète des conséquences que pourrait avoir la poursuite à marche forcée de la rationalisation qui affecte le programme 105. Je pense, en particulier, à la réduction de la masse salariale amorcée dans ce budget pour coller à l’objectif d’une diminution de 10 % des effectifs d’ici à 2022. Il s’agit d’une nouvelle saignée, alors que les réseaux consulaires sont déjà fortement contraints dans l’actuel schéma pluriannuel d’emploi, comme l’a souligné M. le président de la commission des affaires étrangères.

Pour autant, je ne conteste pas le chantier de la mutualisation des fonctions supports de l’ensemble des ministères et opérateurs de l’État à l’étranger opéré dans le cadre du plan Action publique 2022. Je partage l’idée que cela contribuera à faire de chaque ambassade une véritable agence de l’État. Mais attention à ne pas effectuer ces réformes dans la brutalité, au risque d’affaiblir un réseau dont l’universalité en fait le troisième au monde ! Tout comme le président de la commission des affaires étrangères, j’espère que nous nous maintiendrons à cette place.

Enfin, au-delà du maillage des continents par nos ambassades, nos lycées et nos alliances françaises, c’est également au sein des grandes organisations internationales que la France expose son point de vue pour répondre aux défis du monde actuel. À cet égard, je salue l’initiative du Président de la République d’installer annuellement un Forum de la paix – preuve qu’il m’arrive parfois d’être d’accord avec lui ! Cette enceinte permettra, parmi d’autres, de promouvoir l’action multilatérale de la France. C’est aussi, on peut le dire, une façon de conforter notre rôle dans la résolution des conflits.

Reste que nous devons être vigilants, car, sans être ouvertement contestée, notre place peut parfois être discutée. Je pense à notre partenaire allemand qui souhaite – Ladislas Poniatowski l’a rappelé – que la France abandonne son siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies au profit de l’Europe. Or rappelons à nos amis Allemands qu’il faudrait au préalable que l’Union européenne ait une politique étrangère unique pour qu’elle ait un siège unique.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Jean-Noël Guérini. Nous n’en sommes pas là ! J’ajouterai que ce n’est pas forcément avec des excédents budgétaires exemplaires que l’on répond aux défis stratégiques…

L’engagement des militaires français sur les théâtres extérieurs est parmi les plus importants, ce qui justifie la place centrale de la France dans les instances multilatérales et sa légitimité à parler à tous.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Bien sûr !

M. Jean-Noël Guérini. Sans prétendre à l’arrogance, nous devons préserver la place qui est la nôtre, car, au-delà de l’attractivité de notre pays, il s’agit de lui conserver son autonomie. J’entends bien sûr par autonomie celle qui nous permet de contrôler nos intérêts tout en continuant à nous ouvrir au monde, comme l’a très justement rappelé le Président de la République au Forum de la paix.

Le cycle mémoriel de la Grande Guerre, qui vient de s’achever, a ouvert des instants de commémoration rappelant que la paix d’hier avait été chèrement payée, et que celle d’aujourd’hui n’était pas éternellement acquise.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !

M. Jean-Noël Guérini. Je vous encourage donc, monsieur le ministre, à poursuivre dans la voie de la consolidation de tous les outils diplomatiques qui se mettent au service des libertés humaines.

Malgré tout, le groupe du RDSE votera ce budget. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’action de la France dans le monde est plus que jamais attendue et nécessaire. Dans un contexte international dégradé, dangereux, instable, comme le montrent une fois encore les conditions du G20 ce week-end, le monde a besoin de plus de diplomatie et de plus de dialogue.

Jean-Pierre Raffarin, qui a été un grand président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, comme l’est aujourd’hui Christian Cambon, avait l’habitude d’affirmer devant cette assemblée que le grand rôle de notre pays au XXIe siècle serait double : à la fois défendre inlassablement la paix entre les nations et promouvoir farouchement le multilatéralisme. L’actualité internationale lui donne chaque jour un peu plus raison.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Tout à fait !

M. Alain Fouché. Avec le troisième réseau diplomatique et consulaire, avec l’un des meilleurs corps diplomatiques au monde, avec des relais d’influence culturels, stratégiques et politiques anciens sur tous les continents, la France a toutes les cartes en main pour demeurer une grande puissance de diplomatie et de paix. Néanmoins, nous devons veiller à ne pas prendre pour acquise cette position unique sur la scène internationale. L’histoire nous montre que, lorsque nous cessons d’investir dans notre diplomatie et notre action extérieure, notre connaissance du monde s’amoindrit, notre voix s’affaiblit.

À ce titre, l’affaiblissement continu du Quai d’Orsay et des réseaux culturels français depuis plusieurs années est inquiétant. II faut cesser de considérer notre action extérieure comme une variable d’ajustement. De l’aveu même de nombreux diplomates, le Quai d’Orsay est aujourd’hui à l’os. Je le dis aujourd’hui avec force : notre diplomatie est un actif précieux pour la France et un atout pour l’avenir ! Or vous semblez, monsieur le ministre, poursuivre dans cette logique de rabot progressif sur les crédits dédiés à cette mission, une fois corrigées les mesures de périmètre.

Si nous croyons souhaitable la rationalisation du système de prime des agents diplomatiques, si des économies de fonctionnement sont encore possibles, nous estimons que la logique d’économies structurelles arrive à son terme, à moins de revoir drastiquement notre stature diplomatique. Cette stature, pour l’avenir, doit reposer sur trois piliers dans lesquels nous devrons investir des moyens financiers et humains importants.

Le premier est la diplomatie d’influence, le fameux soft power. D’autres pays affichent des efforts colossaux dans ce domaine : la Chine, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, par exemple, investissent massivement dans leur réseau culturel à l’étranger et occupent les espaces que nous délaissons. Notre propre réseau, atomisé et en perte de puissance, gagnerait à être rationalisé pour répondre à ce défi. Il pourrait s’appuyer sur une ambition renouvelée.

Le deuxième pilier est notre présence dans les institutions multilatérales. Elle doit être renforcée et pilotée au plus haut niveau politique. La France, comme l’ont rappelé le président de la commission des affaires étrangères et d’autres collègues, est un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, et elle occupe ce rôle avec dynamisme et esprit d’initiative. Elle ne doit naturellement pas renoncer à ce privilège, comme je l’ai récemment entendu dire par nos amis Allemands. Face au retrait des États-Unis, face aux blocages persistants de la Russie, la France a une responsabilité accrue pour maintenir vivantes et efficaces les enceintes du multilatéralisme.

Le troisième pilier est l’Europe. Elle est l’horizon naturel de notre action extérieure qu’elle a vocation à amplifier et à catalyser. Nous devrons œuvrer à la construction d’une véritable politique extérieure commune – nous en parlons depuis tellement d’années ! – sur les grands sujets qui touchent à notre sécurité commune, aux crises dans notre voisinage et aux biens communs de l’humanité.

Monsieur le ministre, ces points de vigilance ayant été rappelés, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur ces crédits qui ne nous semblent pas à la hauteur des enjeux que doit affronter notre diplomatie.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la disproportion entre l’ampleur des efforts réclamés au Quai d’Orsay et son poids de moins de 2 % dans le budget de l’État est flagrante. Pour l’année prochaine, il lui est demandé de contribuer à 8 % de la baisse totale des emplois de l’État, alors qu’il ne représente que 0,7 % de l’ensemble de ses emplois ! Alors qu’il a déjà perdu 12 % de ses effectifs au cours de la dernière décennie, il reçoit cette fois l’injonction de conduire d’ici à 2022 une réduction de 10 % de la masse salariale de l’ensemble des réseaux français à l’étranger.

Bien sûr, les Français de l’étranger ont un pouvoir de blocage limité, très inférieur à celui des gilets jaunes. Bien sûr, la saignée que l’on fait subir à nos ambassades et à nos réseaux culturels et économiques à l’étranger ne laisse que peu de traces visibles sur le sol français dans l’immédiat. Mais c’est là faire preuve d’une bien courte vue de la part du Gouvernement. Cynisme de Bercy ou bien réelle absence de vision à long terme ?

Comment ne pas être exaspéré par le décalage entre les ambitions affichées et des moyens toujours plus restreints ? Oui nous devons, dans tous les domaines, apprendre à faire mieux avec moins ! Mais malgré l’immense qualité et le dévouement hors norme du personnel consulaire et diplomatique, auquel je tiens à rendre hommage, il faut cependant une baisse budgétaire minimale incompressible. Une réduction de 31 ETP pour le personnel consulaire ne permet pas de faire de vrais miracles.

Ce budget pose aussi un problème de sincérité. Plusieurs des évolutions affichées s’apparentent à des tours de passe-passe. C’est notamment vrai pour notre patrimoine immobilier à l’étranger. Notre histoire nous a légué de véritables joyaux qui constituent une véritable vitrine de la France à l’étranger : si une gestion innovante est nécessaire pour mieux en optimiser l’usage, gardons-nous de les brader, surtout dans des conditions de transparence douteuses.

Je note aussi que 30 millions d’euros non inscrits au budget seront consacrés en 2019 et en 2020 à des investissements de sécurité dans le réseau sous forme d’avances, avances que le ministère devra rendre entre 2021 et 2025 par des cessions de biens immobiliers. Je soutiens donc la proposition, qui n’est pas si baroque que cela, de notre collègue Robert del Picchia de les vendre à des institutions françaises, comme la Caisse des dépôts et consignations.

De même, la suppression de la réserve parlementaire s’est traduite par une perte nette de budget pour nombre de structures françaises à l’étranger. Non seulement le dispositif STAFE, censé la remplacer, est bien moins doté d’un tiers, mais il décourage de nombreuses petites associations, incapables de trouver elles-mêmes la même somme en autofinancement. Plus inquiétant encore, nous assistons à des effets de substitution où des budgets dépendant autrefois de l’action extérieure de l’État passent désormais sur la ligne STAFE. Je l’ai noté à Londres justement.

Le nombre de Français à l’étranger ne cesse d’augmenter, et les moyens ne suivent pas. Soyons bien conscients qu’une stagnation des budgets équivaut, sur le terrain, à une dégradation des services publics.

Le budget des bourses scolaires, par exemple, va continuer de baisser : il sera cette année amputé de 5 millions d’euros. Cela fait des années que nous demandons une étude sérieuse sur l’effet conjugué de l’augmentation des frais de scolarité et de la réforme du système de bourses. Malgré les dénégations des gouvernements Hollande et Macron, il est clair que les classes moyennes et les familles à faible revenu sont en train d’être écartées de nos écoles.

L’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger subira une diminution de 3,7 % de ses crédits et une baisse de 166 équivalents temps plein. Ces nouvelles contraintes sont imposées alors même que les effectifs d’élèves ne cessent de croître, occasionnant des dépenses en hausse. Emmanuel Macron s’est même engagé à doubler le nombre d’élèves scolarisés dans nos écoles françaises à l’étranger. Cherchez l’erreur ! Ce sont évidemment les frais de scolarité qui vont flamber.

Alors que le Président de la République a multiplié les annonces en faveur de la francophonie, ce dont nous lui sommes reconnaissants, les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » baisseront de 2,6 %, après une année 2018 stable et deux années de recul. La faible augmentation des crédits aux instituts français et alliances françaises n’est pas à la hauteur des enjeux.

Au-delà des questions budgétaires, les modalités du rapprochement de ces deux réseaux demeurent floues et laissent craindre des fermetures de centres culturels, de vastes zones, voire des pays entiers, risquant de se retrouver sans foyer de diffusion francophone.

Ce budget pour 2019 donne l’impression que le Quai d’Orsay, déjà affecté par des années de rabot budgétaire, est maintenant à l’os et en est réduit à des expédients et à des économies « de bouts de chandelles ». Je ne reviendrai pas ici sur la menace de suppression des journées défense et citoyenneté à l’étranger, pourtant peu coûteuses, puisque j’en ai parlé dans le débat relatif au budget de la défense, et pour le maintien desquelles j’avais déposé des amendements. Nous en reparlerons ultérieurement, d’autant que je sais, monsieur le ministre, que le ministre de la défense doit également évoquer ce point avec vous. Mais il est clair qu’en supprimant les JDC nous refusons la diffusion de nos valeurs parmi nos jeunes compatriotes et binationaux à l’étranger. À un moment où cela est indispensable, nous nous privons de nos meilleurs ambassadeurs de demain. Ce serait une faute aussi morale que stratégique !

La France a toujours eu une place à part dans les relations internationales. Dans ce village global où les rivalités font rage, nos concurrents ont, eux, bien compris que le progrès et le développement économique passaient obligatoirement par l’international. Ils se donnent, eux, les moyens de leur réussite. Dans quelques années, nous risquons de regretter notre aveuglement si nous ne prenons pas les mesures adéquates. (Mmes Hélène Conway-Mouret et Claudine Lepage applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Claude Haut.

M. Claude Haut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tandis que nous examinons les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », nos diplomates et nos services consulaires sont à la tâche aux quatre coins de la planète. Ils ont cette mission impérieuse de nouer, de tisser et de maintenir des relations entre notre pays et le reste du monde. Ils ont aussi cette lourde responsabilité de s’adapter à la croissance continue de nos communautés à l’étranger et de les protéger.

Je voudrais leur rendre hommage, les remercier, au nom de la représentation nationale, pour leur travail au service de la France, pour leur engagement immuable, pour leur immense impact dans tous les coins et recoins du monde. Ils font face à de multiples défis, l’environnement stratégique mondial étant durablement marqué par l’incertitude et l’instabilité.

Je pense ainsi au changement climatique. La COP24, qui s’est ouverte hier en Pologne, tout comme les signes déjà visibles des dérèglements climatiques sont là pour nous rappeler l’urgence d’agir ensemble, l’urgence de trouver des solutions ambitieuses pour sauver notre planète et pour nous assurer que, demain, nos enfants et nos petits-enfants ne naîtront pas condamnés. Je pense aux défis sécuritaires, qui engagent nos intérêts et nos forces civiles et militaires, en particulier dans la lutte contre le terrorisme. Je pense aux grands mouvements migratoires, aux remises en cause du libre-échange et de la stabilité de l’ordre international ou encore aux coups portés au projet européen.

Pour compliquer encore la donne internationale, tout comme nos actions diplomatiques, le multilatéralisme hérité du siècle passé est aujourd’hui sérieusement ébranlé. Des puissances comme les États-Unis, qui, hier encore, défendaient ce système, se mettent désormais à le contester, préférant jeter leur dévolu sur un repli nationaliste bien plus qu’inquiétant. Nous ne pouvons que le regretter amèrement.

Toutes ces questions sont prépondérantes pour notre diplomatie. Elles sont cruciales pour notre avenir. C’est pourquoi notre pays doit pouvoir continuer à compter sur un outil diplomatique efficace et crédible.

Avec un budget de 2,79 milliards d’euros dédié à la mission « Action extérieure de l’État », le ministère de l’Europe et des affaires étrangères subit une diminution d’environ 4 %. Comme vous aviez eu l’occasion de l’expliquer, monsieur le ministre, cette baisse s’explique à la fois par une réduction du coût des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix, par une diminution de la quote-part française et par une gestion améliorée du risque de change par votre ministère.

Ce montant est aussi à mettre en perspective avec le budget global du Quai d’Orsay, d’un montant de 4,89 milliards d’euros, mission « Aide publique au développement » comprise. Au total, le ministère bénéficie d’une hausse de plus de 151 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cette hausse, répercutée dans l’aide publique au développement, est inégalée et salutaire, puisqu’elle est un précieux outil de l’influence internationale de la France. Elle nous permet d’adopter une approche globale et concrète des crises et des enjeux internationaux.

Avant tout, le budget de la mission « Action extérieure de l’État » reflète notre fervent engagement envers le multilatéralisme et la sécurité collective, ainsi qu’envers les acteurs qui l’animent et agissent au quotidien pour rendre le monde plus équitable et moins incertain. Le maintien de notre rang international est porté par cet engagement. Il passe par notre participation et nos contributions obligatoires aux opérations de maintien de la paix conduites sous l’égide de l’ONU, qui atteignent 326 millions d’euros. Il passe aussi par notre action constante au sein des organisations internationales. Notre contribution à leur fonctionnement s’élève à 194 millions d’euros en crédits de paiement pour 2019. Concrètement, cet argent servira à soutenir le travail remarquable effectué par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés en faveur de l’action humanitaire ou encore celui mené par l’UNICEF pour les droits des enfants.

Ce budget est aussi celui du renforcement de l’influence et de l’attractivité de la France dans le monde. Étant donné l’importance des ambitions de renforcement de notre attractivité universitaire et de diffusion de notre culture et de notre langue, nous nous réjouissons de la sanctuarisation des moyens de notre réseau de coopération et d’action culturelle, comme vous l’aviez promis l’an passé, monsieur le ministre, au moment d’acter une hausse de ce budget, dans la loi de finances pour 2018. Ainsi, les crédits alloués à l’Institut français sont rehaussés, après avoir diminué de 11 % entre 2012 et 2017,…

Mme Claudine Lepage. C’est artificiel !

M. Claude Haut. … tandis que les bourses d’étudiant sont sanctuarisées.

Soulignons que notre réseau d’enseignement français est unique au monde et scolarise 350 000 élèves dans 500 établissements.

De même, notre groupe tient à réaffirmer son soutien pour le travail exceptionnel et complémentaire qu’effectuent le réseau des Instituts français et celui des Alliances françaises.

Enfin, ce budget doit permettre d’acter une réforme structurelle du ministère, attendue de longue date, qui s’inscrit dans le cadre de la démarche de modernisation Action publique 2022. Le Quai d’Orsay se voit effectivement confier le pilotage de l’ensemble des réseaux de l’État à l’étranger. L’ambassadeur en poste devient le chef de file de l’ensemble de son équipe. Il aura une vision globale sur les moyens dont il dispose et fixera les compétences requises au regard du plan d’action de l’ambassade.

Nous nous félicitons de cette unité budgétaire et de commandement, qui aura un impact positif direct sur la qualité de nos actions diplomatiques. Elle permettra à notre diplomatie de mieux embrasser les priorités thématiques et géographiques. À travers ses 163 ambassades, la France a la responsabilité de faire entendre sa voix au nom de la paix, de la prospérité mondiale et du bien commun.

Face à cette tâche immense qui nous incombe, nous savons, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur votre engagement total, ainsi que sur celui du Gouvernement. Le groupe La République En Marche votera par conséquent en faveur des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », pour témoigner de son soutien en faveur de notre diplomatie. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, vous êtes à la tête d’un grand et beau ministère qui mériterait d’être au cœur de l’État, parce qu’il est d’abord, comme le rappelait le président Christian Cambon, le ministère de la paix. Nous en avons plus que jamais besoin !

Notre pouvoir d’influence à l’international reste fort, parce que nous avons fait le choix, fruit d’une longue tradition, d’être présents physiquement grâce à notre réseau diplomatique et consulaire, considéré comme l’un des premiers au monde, et grâce à notre présence culturelle éducative et économique. La France compte ! On nous fait confiance, parce que nous allons au contact porter notre voix, et vous êtes le premier à montrer l’exemple.

C’est bien notre force de persuasion et d’attraction qui a fait de la COP21 un formidable succès pour notre pays. Pourtant, notre diplomatie souffre d’une vision obsolète du rôle de l’ambassadeur, se traduisant par des choix budgétaires qui ne sont guère en faveur du Quai d’Orsay, traité depuis longtemps par le ministère des finances comme une variable d’ajustement. Cela se traduit, notamment, par la vente et le retrait de nos antennes et de certaines missions à l’étranger, qui entraînent immédiatement une baisse de la présence française, toujours très mal perçue par nos ressortissants et les autorités des pays concernés.

Si vous vous inscrivez dans un mouvement qui n’est pas nouveau, son ampleur est nouvelle. Vous nous annoncez une ponction inédite de 10 % sur la masse salariale de toutes les missions, ce qui entraînera d’importantes suppressions de postes. Vous en conviendrez, on nous impose un vrai massacre à la calculette.

Les effectifs concernés, 130 pour 2019, sont issus de plusieurs ministères. Néanmoins, six de vos collègues du Gouvernement, et non des moindres – les ministres de l’action et des comptes publics, de l’économie et des finances, de l’agriculture, des armées, de l’intérieur et de la transition écologique –, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils refusaient de se laisser imposer de futures suppressions de postes internationaux par votre ministère. Allez-vous être forcé de concentrer ces économies sur le seul Quai d’Orsay ?

Si vous deviez supporter majoritairement les suppressions demandées, celles-ci entraîneraient indéniablement la fermeture de nombreuses ambassades et consulats et mettraient fin, d’un coup, à ce que nous avons laborieusement construit depuis longtemps. Cela nous amènerait également à entamer de longues négociations pour payer des primes de licenciement à des personnels recrutés localement, qui ont souvent fait toute leur carrière au service de la France. Les économies réalisées risquent fort de nous coûter très cher sur le long terme. L’image de la France sera également ternie.

Dans ce contexte, pourriez-vous préciser quelles sont les intentions du ministère de l’Europe et des affaires étrangères quant à cette politique de suppressions de postes ? J’imagine que la dématérialisation et l’externalisation seront accélérées, alors qu’elles ne sont pas accessibles par tous et partout.

Je regrette le choix d’un service public d’où disparaît progressivement le contact humain, pour des raisons comptables. Heureusement, nous avons nos 442 conseillers consulaires, qui sont nos meilleurs liens de proximité avec les Français établis hors de France et qui sont élus, notamment, pour les conseiller et les accompagner lors de leurs démarches administratives. Nous aurons, semble-t-il, de plus en plus besoin de ces femmes et de ces hommes, élus locaux indispensables au maintien d’un lien social, essentiel, dans nos communautés.

Je voudrais maintenant aborder la question de l’enseignement français.

Nous avons 497 établissements implantés dans 197 pays, gérés par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ; 350 000 élèves y sont scolarisés, avec une augmentation de 2 % par an de ces effectifs.

Après l’annulation de 33 millions d’euros des crédits de l’AEFE en 2017, le taux de participation financière complémentaire versée par les établissements conventionnés est passé de 6 points à 9 points en 2018 pour compenser cette baisse. Ce sont les familles qui ont été mises à contribution, avec une augmentation des frais de scolarité. Il n’est pas logique de conserver une enveloppe des bourses à budget constant, alors que la demande croît, de par l’augmentation des frais de scolarité et de par la hausse de 3 % par an de nos communautés françaises présentes à l’étranger.

Le Président de la République a annoncé vouloir doubler le nombre d’apprenants de français dans le monde. Nous avons donc besoin de davantage d’établissements pour les accueillir, nécessitant plus de moyens financiers et humains. Or la décision d’arrêter brutalement la garantie de l’État, accordée jusqu’alors par l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger, l’ANEFE, bloque aujourd’hui l’agrandissement de certains établissements et ne permettra pas à d’autres de contracter les prêts nécessaires. Un remplacement de ce système de garantie est-il recherché afin de sortir ces établissements de l’impasse dans laquelle ils se trouvent et qui engage leur stabilité financière et l’avenir scolaire des élèves qui y sont scolarisés ? Ce retrait de l’État est-il la première étape vers la recherche d’investisseurs privés qui se substitueront à lui ?

Si le doublement du nombre d’élèves semble reporté à 2030 dans les documents budgétaires du projet de loi de finances pour 2019, ce qui diffère de l’engagement présidentiel d’origine, cet objectif ne pourra être atteint que si le recrutement des professeurs, et surtout leur détachement, est planifié. Or la réduction du nombre des enseignants, après cinq ans d’augmentation, et la circulaire limitant leur détachement ne vont pas dans le sens de la hausse importante du nombre de détachements dont le réseau aura besoin. Sans compter les postes nécessaires au réseau de la Mission laïque française, conseillers culturels, directeurs d’alliances françaises et d’instituts français.

L’ambition constante du Président de la République à déployer une diplomatie universelle et des services consulaires de qualité pour nos compatriotes établis hors de France est incompatible avec son engagement de réduire, en même temps et dès 2019, le budget du ministère sur ces missions essentielles à notre service public. C’est l’image et le rayonnement de la France qui sont en jeu, partout dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Action extérieure de l’État » que nous abordons aujourd’hui est un rendez-vous essentiel pour la vie des Français vivant hors de nos frontières, ces compatriotes que j’ai l’honneur de représenter au sein de cette assemblée.

Avant de commencer mon intervention, je souhaite témoigner que l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République a donné un lustre à l’image de notre pays à l’international que nous n’avions pas connu depuis très longtemps. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Une grosse ficelle pour susciter les réactions ! (Sourires.)

M. Olivier Cadic. C’est une source de satisfaction pour tous ceux qui sont attachés à promouvoir la France à l’étranger. Pourvu que ça dure !

M. Jean-Marc Todeschini. C’est un vœu pieux !

M. Olivier Cadic. En quatre ans de mandat, j’ai effectué 289 déplacements dans 79 pays à l’étranger. Cela m’a permis d’engager un contact étroit avec nos ambassadeurs, nos conseillers consulaires, qui forment le tissu de nos élus locaux à l’étranger, nos consuls, nos consuls honoraires et tous les acteurs des domaines économique et culturel. Je souhaite ici tous les remercier pour leur aide et leurs suggestions afin de m’aider dans mes missions.

Le budget de l’action extérieure de l’État recouvre trois grands programmes. Schématiquement, le programme 105 recouvre le budget des ambassades et l’action diplomatique ; le programme 151 concerne les consulats, qui assurent l’administration des Français à l’étranger ; enfin, le programme 185 a trait à notre action culturelle, avec ses écoles, instituts français et alliances françaises. Je tiens à ce titre à saluer nos rapporteurs, notamment mes collègues de l’Union Centriste Claude Kern et Vincent Delahaye, pour la qualité de tous leurs travaux dans ces domaines.

La baisse globale des crédits dédiés à l’action extérieure de l’État va dans le sens souhaité par les Français d’une réduction de la dépense publique. Mais si nous pouvons être d’accord sur l’objectif, nous émettons des réserves sur les chemins empruntés pour y parvenir. Comme certains l’ont dit, pour le Quai d’Orsay, Bercy a inventé le coup de rabot permanent.

Commençons par la réduction moyenne de la masse salariale de 10 % d’ici à 2022. La méthode engagée pour y parvenir a des effets qui conduisent les personnels en poste au découragement. Pour obtenir l’adhésion, il faudrait assortir cette démarche d’une vision qui permette aux 90 % des agents restants de s’attendre à ce que leur futur soit plus glorieux. Nos ambassades, nos résidences sont la vitrine de la France à l’étranger ! C’est ce qui nous permet de communiquer.

J’ai pu constater à Hong Kong ou Cape Town que la vente de nos résidences pour financer l’entretien d’autres biens dégradait notre image localement. Cela n’est même pas pertinent financièrement, car nous sommes contraints de louer des résidences là où nous étions propriétaires.

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Olivier Cadic. Maurice Gourdault-Montagne, secrétaire général du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, s’est exclamé lors d’une audition : « Les bijoux de famille ont été vendus ! »

Nous n’avons plus beaucoup de marges de manœuvre. M. Gourdault-Montagne a rappelé que notre immobilier n’était financé que par des cessions, et ce qu’il s’agisse de maintenance ou de construction. Depuis une dizaine d’années, nous avons donc débudgétisé l’immobilier.

Nous avons connu, en 2018, onze opérations de cession à l’étranger, pour un total de 30 millions d’euros. Nous aurons, en 2019, un montant à peu près équivalent, ce qui n’est pas suffisant et a entraîné, par exemple, la suspension de la construction d’une nouvelle ambassade en Corée.

Parce que nous n’investissons pas suffisamment dans l’entretien de nos bâtiments, ils se dégradent. Déjà, l’an dernier, nous vous posions ici la question suivante, restée sans réponse : quelle est, monsieur le ministre, la stratégie du Gouvernement à moyen terme dans ce domaine ?

Dans le cadre de la « modernisation des services consulaires », nous proposons en outre plusieurs pistes de travail qui servent toutes cette ambition d’offrir un service public de qualité aux Français de l’étranger.

Nous avons de plus en plus d’expatriés, mais de moins en moins de moyens, c’est le fameux effet ciseaux. Nous souhaiterions expérimenter une approche plus audacieuse, au terme de laquelle les consulats seraient transformés en centres de profit via la récupération intégrale du produit des services fournis. Parmi les solutions envisagées pourrait figurer également l’équipement d’outils de saisie d’empreintes biométriques pour les consuls honoraires, à l’image de ce que font nos amis Allemands.

Autre sujet majeur : l’enseignement français à l’étranger.

Tout d’abord, je veux faire part d’une véritable satisfaction. Je vous proposais à cette tribune l’an dernier, au nom du groupe Union Centriste, l’objectif de doubler le nombre d’écoles françaises à l’étranger d’ici à cinq ans. Depuis lors, le Président de la République, dans son discours de mars dernier, a fixé l’objectif de doubler le nombre d’élèves scolarisés dans l’enseignement français à l’étranger d’ici à 2025. L’objectif est désormais fixé à 2030.

Je me félicite que le réseau se mette « en marche », même si je regrette que cela soit une marche lente. Nous espérons que cela aboutira à une profonde réforme de l’AEFE, et nous nous réjouissons que le Premier ministre ait confié une mission à la députée Samantha Cazebonne sur le sujet. Nous appelons de nos vœux une transparence totale sur les dépenses de l’AEFE, qui, je le rappelle, n’accueille qu’un enfant français sur cinq établis à l’étranger. Lorsque des revenus de chef d’établissement sont supérieurs, comme on peut l’observer, à ceux des ministres, ou quand des enseignants résidents sont surpayés par rapport à leurs collègues recrutés localement pour effectuer le même travail, cela pose question, ne trouvez-vous pas, monsieur le ministre ?

Enfin, la politique de coopération culturelle constitue une part essentielle de l’action de la France à l’étranger. Elle permet à notre pays de rayonner hors de ses frontières auprès de publics étrangers, tout en s’adressant aussi à nos compatriotes expatriés. Nous saluons donc la hausse du budget alloué à ces actions dans le programme 185, bien que nous en déplorions la faiblesse des montants. Pour quatre enfants français sur cinq à l’étranger, les familles doivent donc se tourner vers l’enseignement local, voire vers les établissements internationaux. De fait, de nombreux enfants nés de couples binationaux ne parlent aujourd’hui pas notre langue, et ce alors même qu’ils disposent de la nationalité française.

L’objectif que nous proposons, comme nous l’avions fait l’an dernier, est que tous les Français parlent français. Je soumettrai donc trois amendements visant à apporter une réponse à cette problématique par le transfert des crédits de l’AEFE vers l’Institut français, pour financer l’expérimentation d’un chèque éducation ouvert à tous les enfants français à l’étranger. Cela participera au financement de l’Institut français et des alliances françaises, qui réalisent un travail essentiel de diffusion de la langue et de la culture françaises hors de nos frontières.

Dans un contexte de stagnation budgétaire, nous nous félicitons que l’Institut français fasse figure d’exception, puisque sa subvention augmente de près de 7 %. De même, les subventions aux alliances françaises croissent de 6 % pour mettre en œuvre le plan en faveur de la langue française. Or la Fondation Alliance française reste dans une situation difficile. Mon groupe aura donc l’occasion de vous soumettre un amendement visant à la soutenir.

Le groupe Union Centriste votera la mission « Action extérieure de l’État », tout en restant vigilant sur la mise en œuvre des crédits et leur évolution au cours des prochaines années. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal.

M. Rachid Temal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, à titre liminaire, de souligner l’importance de l’action environnementale multilatérale de la France, surtout en un moment où la question énergétique agite notre pays. Je salue d’ailleurs l’annonce de la future loi de programmation énergétique.

La mission « Action extérieure de l’État » est essentielle à l’heure de la redistribution des positions et des mutations géostratégiques, dans un contexte où les moyens d’influence se complexifient et se multiplient. Nous devons surtout ne pas oublier que les luttes d’influence ne sont plus seulement le fait d’États et de groupes politico-militaires, mais également de géants économiques.

La question du devenir du multilatéralisme est engagée. Le Président américain donnant un exemple à ne pas suivre, il est important que la France maintienne avec force sa doctrine et convainque ses partenaires. De ce point de vue, je m’associe aux propos du président Cambon sur l’importance du réseau, de la diplomatie et des moyens qui y sont consacrés, car ces femmes et ces hommes qui portent la parole de la France jouent un rôle essentiel.

La mission porte par ailleurs l’ambition du rayonnement français dans les domaines de la diplomatie, de l’économie, de la culture, de l’influence, de l’audiovisuel, de la coopération et du tourisme. Or on observe un net recul dans de nombreux secteurs, notamment celui, que j’évoquais précédemment, des Français de l’étranger ; il s’agit pourtant, selon nous, du premier vecteur du rayonnement de la France à l’international. Il aurait fallu sanctuariser les aides sociales ainsi que les bourses et travailler à l’élaboration de critères plus lisibles et plus adaptés, notamment aux demandes des Français de l’étranger. J’espère que la proposition qui vous a été faite d’associer l’ensemble des partenaires pourra être acceptée.

Je souhaite également évoquer la journée défense et citoyenneté, laquelle favorise le lien entre les jeunes concernés, dont la moitié est constituée de binationaux, et la République. Il n’est ni normal ni justifiable qu’elle soit aujourd’hui supprimée.

M. Rachid Temal. La réduction massive des crédits consulaires aura un impact sur le service public qui sera délivré. Cela va dans le mauvais sens et posera des problèmes à long terme.

J’en viens à la question de l’augmentation des frais d’inscription pour les étrangers non communautaires dans les universités françaises, qui pose un problème grave pour la logique d’influence. En effet, ces femmes et ces hommes qui étudient plusieurs années dans nos universités, partageant notre approche et notre vision du monde, participent au rayonnement de notre pays. Il conviendrait donc de revenir sur cette décision qui n’est pas appropriée.

Pour ce qui concerne l’audiovisuel public extérieur, des débats ont eu lieu et des amendements seront présentés. Il serait bon que le soutien que nous lui apportons, les uns et les autres, ne se fasse pas au détriment de France Télévisions, par exemple. L’amendement que nous avons adopté afin de remédier à cette situation voilà quelques jours va dans le bon sens.

Je tiens enfin à évoquer le secteur du tourisme, qui représente, ne l’oublions pas, 7 % de notre PIB et 2 millions d’emplois en France.

Il est important, monsieur le ministre, que nous puissions travailler sur la question des visas, lesquels permettent, même si c’est de façon trop réduite, de financer notre stratégie touristique. Si nous souhaitons atteindre l’objectif de 100 millions de visiteurs dans notre pays, il faut d’ores et déjà s’en préoccuper.

Pour terminer, je souhaite souligner la qualité et la richesse des travaux de la commission, sous la présidence de Christian Cambon. J’espère, monsieur le ministre, que vous ne serez pas sourd aux observations que nous avons formulées au cours de ce travail collectif et partagé.

Pour les raisons que j’ai expliquées et celles évoquées par Hélène Conway Mouret, le groupe socialiste et républicain votera contre les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la mission « Action extérieure de l’État » est reconduit à périmètre constant. J’y insiste, toutes les dotations de cette mission sont reconduites à périmètre constant. La diminution de 4 % des crédits que vous avez pu constater s’explique par deux facteurs, que certains d’entre vous ont soulignés.

Tout d’abord, nos contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix diminuent. La baisse précitée des crédits, monsieur Delahaye, est donc liée au simple constat de la réduction en volume, et non pas uniquement en proportion, des opérations de maintien de la paix. Nous avons également pu agir de manière habile et anticipée sur l’évolution du taux de change, ce qui nous permet de réaliser des économies.

Ensuite, il y a les crédits liés à la sécurité. Ils ne sont pas en baisse. Simplement, la possibilité a été ouverte au ministère de l’Europe et des affaires étrangères de puiser 100 millions d’euros dans le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », comme l’ont relevé les uns et les autres. Il a été rappelé également qu’il faudrait rembourser ce montant progressivement à partir de 2021. Nous allons donc immédiatement engager 100 millions d’euros de travaux pour la sécurité de nos lycées et de nos sites les plus exposés.

Si nous demeurons à politique constante, ce qui n’est sans doute pas la bonne méthode pour l’avenir, nous bénéficierons d’un apport supplémentaire de parc immobilier sous la forme de plus de 250 emprises immobilières, du fait de la politique qui a été lancée d’unification du pilotage interministériel de l’ensemble de l’action extérieure de l’État.

Ces points méritaient d’être soulignés en introduction.

Je précise, à l’intention des sénatrices et des sénateurs qui n’étaient pas présents lorsque nous examinions les crédits de la mission « Aide publique au développement », que je vais présenter un amendement visant à abonder de 6,6 millions d’euros les trois programmes de la mission « Action extérieure de l’État », afin que ces crédits soient rétablis au niveau prévu dans le projet de loi de finances initial.

Le périmètre initial de ce budget n’est donc aucunement modifié, et MM. Delahaye et Féraud ont bien voulu le reconnaître dans leur propos introductif. Je leur sais gré de leur clarté à cet égard et de la précision de leurs analyses sur le projet de budget que je vous soumets.

Il a également été fait état de la décision de conforter le ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans son rôle de pilotage interministériel de l’ensemble de l’action extérieure de l’État.

J’ai fait précédemment référence à la partie immobilière. Il s’agit de créer une véritable agence de l’État à l’étranger, sous l’autorité de l’ambassadeur. Désormais, la gestion des fonctions supports et des crédits de fonctionnement de tous les réseaux internationaux de l’État, aujourd’hui disséminés, sera unifiée sous la seule responsabilité du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. C’est une mutation considérable, et je remercie les rapporteurs spéciaux d’avoir bien voulu le noter. Nous allons ainsi mettre un terme à l’effet « silo » de la gestion des moyens de l’État à l’étranger.

Il est vrai qu’en contrepartie de ces réorganisations et dans le cadre de la maîtrise des dépenses de l’État, le Premier ministre a fixé un objectif de réduction de 10 % de la masse salariale – et non pas des emplois ! – à l’étranger à l’horizon de 2022. Une confusion a d’ailleurs été faite entre l’objectif qui m’a été assigné et le projet de budget pour 2019 qui vous est soumis.

Le projet de budget pour 2019 prévoit effectivement, au sein du schéma d’emplois, une réduction de 130 emplois équivalents temps plein, mais cette baisse permettra de contribuer à l’effort qui nous est demandé sur la durée. Il ne s’agit pas d’une réduction de 10 % de la masse salariale. En effet, comme l’ont noté les rapporteurs spéciaux, les dépenses de personnel sont en réalité en augmentation de 36,6 millions d’euros, en grande partie du fait que l’inflation à l’étranger, là où se trouve la majorité de nos personnels, est supérieure à celle que nous connaissons en France.

Puisque l’on m’a interrogé sur l’objectif de réduction de 10 % de la masse salariale à l’horizon de 2022, je veux dire que cette réduction concernera l’ensemble des ministères présents au sein de l’unité qui se met actuellement en place. Chacun devra contribuer à cet effort, et je veillerai personnellement à ce que notre capacité à mener à bien l’ensemble des missions ne soit en rien remise en cause. J’y serai très vigilant, le Premier ministre le sait, et je tiens à vous en informer.

Pour répondre à la question de M. Delahaye, j’indique que nous avons interrogé nos ambassadeurs et ceux-ci viennent de nous transmettre l’ensemble de leurs propositions. Je n’ai pas eu encore le temps de les étudier, mais, lorsque je le ferai, je serai extrêmement vigilant sur l’effort partagé, sur la durée et sur la préservation de toutes de nos missions, lesquelles ne sauraient être réduites par quelque dispositif que ce soit. Je ne pratique donc pas la politique du rabot !

Réorganiser les fonctions de l’État à l’étranger afin de les rationaliser et de les rendre cohérentes, en supprimant les doublons et en renforçant l’efficacité, c’est suivre une logique de cohérence, et non pas de rabot. Toutefois, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères doit contribuer, comme les autres ministères, à la maîtrise des dépenses publiques.

J’entends de nombreux intervenants dire qu’il faut maîtriser les dépenses publiques. Pour notre part, nous y contribuons en essayant d’accroître notre efficacité.

Ce projet de budget doit nous permettre de mettre en œuvre les grandes priorités de notre diplomatie. La première d’entre elles est le soutien au multilatéralisme et, plus largement, aux acteurs qui agissent pour un monde plus équitable et plus stable.

Plusieurs d’entre vous, en particulier le président Christian Cambon ainsi que MM. Fouché et Poniatowski, ont fait état de la crise du multilatéralisme. Je reviens du sommet du G20, et je l’ai constatée de visu.

Il est nécessaire que nous soyons à l’avant-garde de la refondation du multilatéralisme, que nous maintenions nos positions sur ce sujet et que nous trouvions des alliés ; il y en a ! Il importe que nous soyons présents sur ce terrain. Notre rang international veut que nous œuvrions en faveur de la refondation du multilatéralisme, de la sécurité collective, de la coopération. C’est un autre débat, que je pourrais avoir avec vous prochainement en commission, mais ce point est tout à fait essentiel pour nous.

À cet égard, je voudrais préciser que nous sommes absolument en désaccord avec les propos tenus par Olaf Scholtz, le ministre de l’économie…

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Ministre des finances et vice-chancelier !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En tout cas, il ne s’agit pas du ministre des affaires étrangères allemand, avec qui j’ai discuté de cette question.

D’abord, il serait inconvenant à l’égard de la France de remettre en cause sa place de membre permanent du Conseil de sécurité.

Ensuite, il serait aléatoire de demander un siège unique européen au sein du Conseil de sécurité, alors que l’Europe en compte aujourd’hui cinq, dont deux permanents.

Par ailleurs, nous avons fait des propositions de réforme du Conseil de sécurité que certains d’entre vous ont évoquées et qui nous paraissent de bonne méthode pour s’adapter à l’évolution du monde. Il ne s’agit pas seulement de la présence de l’Europe au sein du Conseil.

Je voulais répondre à cette question avec beaucoup de clarté. Nous avons fait savoir aux autorités allemandes quelle était notre position sur ce sujet.

Monsieur Temal, puisque nous parlons de multilatéralisme et d’un monde plus stable, sachez que nous avons bien pris en compte, dans les rendez-vous à venir, l’hypothèse d’un Brexit sans accord. En cas de crise majeure, nous avons pris les dispositions nécessaires pour que nos consulats soient renforcés et qu’ils puissent réagir aux difficultés qui ne manqueraient pas de se produire alors.

La deuxième priorité assignée à mon ministère est de renforcer l’influence et l’attractivité de notre pays. C’est pourquoi j’ai souhaité que les moyens de notre réseau de coopération et d’action culturelle soient sanctuarisés. Ils ont été augmentés l’année dernière, et j’avais alors annoncé qu’ils seraient sanctuarisés à ce niveau, ce qui est aujourd’hui le cas. C’est même la première fois depuis longtemps que les moyens de ce réseau se stabilisent au lieu de baisser – je suis prêt à toutes les comparaisons avec le passé. Cet outil est tout à fait indispensable non seulement pour la diffusion de notre langue, mais aussi pour porter notre vision de la culture, défendre nos industries culturelles et créatives, nouer des partenariats dans tous les domaines scientifiques, ainsi que pour renforcer notre attractivité universitaire.

Les moyens de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger seront maintenus, conformément aux engagements du Président de la République. L’AEFE recevra ainsi une subvention de 384 millions d’euros. Le modèle de l’Agence sera conforté, et nous engagerons les évolutions nécessaires à un développement plus ambitieux de son réseau, comme l’a demandé le Président de la République. Je travaille sur ce sujet avec M. Blanquer, et je serai amené assez rapidement à faire des propositions au Président de la République – j’en informerai les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat – visant à doubler le nombre d’apprenants – M. Cadic y a fait allusion – à l’horizon de 2030.

L’enveloppe des bourses scolaires sera préservée. Son passage de 110 millions à 105 millions d’euros vise simplement à adapter le budget à la dépense réelle observée. Je tiens d’ailleurs à vous préciser que, lors de la discussion budgétaire en séance publique à l’Assemblée nationale, en réponse à plusieurs amendements déposés sur la possibilité d’augmenter le nombre de familles bénéficiaires d’une aide à la scolarité, j’ai annoncé que j’allais étudier la revalorisation du barème du quotient familial maximum de 21 000 à 23 000 euros pour la rentrée 2019-2020. Cette mesure n’est pas d’ordre législatif, mais je souhaite qu’elle puisse advenir dans les délais indiqués. En cas de besoin supérieur de crédits, la « soulte » accumulée par l’AEFE sur les bourses, aujourd’hui sous-consommée, pourra être mobilisée.

On m’a beaucoup parlé du STAFE. Sachez que je suis prêt à regarder avec vous comment valider le dispositif et même l’améliorer, à partir des retours d’expérience.

Concernant enfin les opérateurs, l’accroissement des moyens de l’Institut français, à hauteur de 2 millions d’euros, permettra notamment de financer les actions liées au plan Francophonie annoncé par le Président de la République en mars dernier.

Notre troisième priorité est bien entendu d’assurer au ministère des affaires étrangères les moyens de fonctionner dans de bonnes conditions.

J’ai eu l’occasion de vous donner des précisions sur le patrimoine immobilier de l’État à l’étranger. Nous allons poursuivre notre vigilance sur la bonne qualité de la mobilisation des fonds qui y sont affectés. À cet égard, je voudrais rassurer M. Cadic : notre ambassade à Séoul sera la première priorité de notre programmation en 2019.

Je sais qu’il y a beaucoup d’interrogations sur le programme temporaire 347, consacré à la présidence française du G7. Nous allons y revenir lors de la discussion des amendements, mais je voudrais d’ores et déjà vous dire que ce programme a été paramétré pour faire face aux besoins les plus indispensables, et guère plus. Nous avons une maîtrise très rigoureuse de ces crédits, sous le contrôle de la Cour des comptes. La vigilance sera donc totale.

Tels sont les quelques propos complémentaires dont je voulais vous faire part sur la mission « Action extérieure de l’État ». Sachez que les moyens mis à disposition me permettent d’agir et permettent à l’ensemble des acteurs du Quai d’Orsay d’agir de manière cohérente et efficace. Les leviers d’action à notre disposition permettront à la France de conserver une présence toujours à la hauteur de sa place dans le monde et à celle des enjeux de la refondation du multilatéralisme que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Action extérieure de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 71 ter (nouveau)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Action extérieure de lÉtat

2 865 134 577

2 865 897 510

Action de la France en Europe et dans le monde

1 773 806 770

1 772 169 703

Dont titre 2

660 989 072

660 989 072

Diplomatie culturelle et d’influence

698 008 181

698 008 181

Dont titre 2

74 235 198

74 235 198

Français à l’étranger et affaires consulaires

371 319 626

371 319 626

Dont titre 2

238 294 240

238 294 240

Présidence française du G7

22 000 000

24 400 000

M. le président. L’amendement n° II-688, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

2 200 825

 

2 200 825

 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

1 562 940

 

1 562 940

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

2 920 742

 

 2 920 742 

 

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

6 684 507

 

6 684 507

 

SOLDE

+ 6 684 507

+ 6 684 507

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement est le pendant de celui que j’ai présenté lors de l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement ». Il s’agit d’abonder les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » de 6,6 millions d’euros à partir des trois programmes « Action de la France en Europe et dans le monde », « Diplomatie culturelle et d’influence » et « Français à l’étranger et affaires consulaires ».

Nous proposons de revenir à la situation initiale pour renforcer nos capacités de mener convenablement la mission « Action extérieure de l’État ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous expliquer pourquoi les députés ont décidé d’amputer le budget de l’action extérieure de l’État de 6,684 millions d’euros ?

Par ailleurs, cet amendement nous est parvenu très tardivement. La commission des finances s’est réunie ce matin pour étudier tous les amendements, mais n’a pu examiner celui-ci. Rémi Féraud et moi-même émettrons donc, à titre personnel, un avis favorable, parce qu’il s’agit d’abonder les crédits de la mission, mais nous souhaiterions que le Gouvernement nous fasse part de ses amendements un peu plus tôt, cela faciliterait notre travail…

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai eu l’occasion de m’en expliquer précédemment : le Premier ministre a initié une régulation pour financer les annonces faites en matière de transition écologique. Chaque ministère a dû y contribuer, et les différents programmes des missions dont j’ai la charge ont été amputés de 15 millions d’euros.

À la fin de la semaine dernière, ce qui explique le retard que vous évoquez, nous avons eu confirmation que les crédits que nous devions affecter au Fonds européen de développement étaient nettement inférieurs à nos prévisions. C’est la raison pour laquelle nous proposons de réabonder la mission « Action extérieure de l’État » de 6,6 millions d’euros, comme le Sénat nous y a autorisés lors de l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Cet amendement est en quelque sorte le miroir de celui que nous avons adopté précédemment. C’est aussi une divine surprise : 6,6 millions d’euros ne vous tombent pas tous les jours du ciel !

Sur la ligne « Français à l’étranger et affaires consulaires » sont inscrits 2,9 millions d’euros. Pouvez-vous nous donner les grandes masses de leur affectation ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, comme j’ai été quelque peu bavard lors de la discussion générale, j’ai dépassé mon temps de parole sans pouvoir dire que nous allions voter votre budget, en dépit des observations et des inquiétudes que j’ai exprimées.

Bien évidemment, je suis tout à fait favorable à cet amendement. Vous avez en quelque sorte un petit peu entendu mon amicale critique sur le fait que vous n’aviez pas assez bien défendu votre quai d’Orsay lors de la Conférence des ambassadeurs. Vous rectifiez les choses dans le bon sens !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur Yung, les crédits ainsi débloqués serviront à rétablir entièrement l’aide sociale à son niveau d’origine.

Monsieur Poniatowski, de par mon expérience – qui commence à être un peu longue –, j’ai toujours considéré qu’il ne fallait mener qu’un combat à la fois ; jusqu’à présent, la méthode me réussit ! (Sourires)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-688.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons entamer la discussion de douze amendements en discussion commune.

Ces amendements traitent de thématiques très variées. Malgré l’existence d’incompatibilités de fond, ils ont été inscrits en discussion commune, car, d’une part, deux d’entre eux visent à prélever des crédits sur l’action n° 05 du programme 185 pour un montant cumulé supérieur aux crédits inscrits et, d’autre part, huit d’entre eux tendent à prélever des crédits sur le programme 347 pour un montant cumulé très supérieur aux crédits inscrits.

En conséquence, en cas d’adoption d’amendements, ceux qui conduiraient à dépasser les crédits inscrits tomberaient.

L’amendement n° II-210 rectifié, présenté par Mme Prunaud, MM. P. Laurent, Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Promotion du français

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

34 356 040

 

34 356 040

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 

451 022 156

 

451 022 156

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

37 178 020

 

37 178 020

 

Présidence française du G7

 

20 000 000

 

20 000 000

Promotion du français

468 200 176

 

468 200 176

 

TOTAL

505 378 196

505 378 196

505 378 196

505 378 196

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Le Premier ministre a annoncé 10 % de suppression de postes dans votre ministère, alors même que 150 demandes de missions de renfort ne peuvent être satisfaites à l’heure actuelle, faute de moyens.

En se basant sur les deux tiers des agents qui « badgent », les heures écrêtées effectuées et les congés perdus représentent 70 emplois à temps plein. Il existe donc un vrai différentiel entre les besoins et les ressources en matière de personnels, dont la conséquence la plus évidente est la baisse de qualité du service rendu aux Français expatriés.

Entre une surcharge de travail pour les agents et la fermeture d’antennes locales consulaires, les Français à l’étranger sont de plus en plus nombreux à renoncer à certaines démarches administratives. Nous avons tous en mémoire les témoignages de ces Français faisant plusieurs centaines de kilomètres pour aller voter l’an dernier.

Pour répondre à cette situation, vous avez lancé la généralisation des procédures numériques pour les démarches administratives. Cette dématérialisation peut effectivement constituer une alternative importante, à condition qu’elle ne remplace pas la possibilité de se déplacer – mais je ne développerai pas davantage.

Par ailleurs, je vous rappelle que le tribunal administratif a condamné l’État à requalifier en titulaires d’anciens fonctionnaires poussés à l’abandon de leur statut pour pouvoir être envoyés à l’étranger. J’avoue qu’il s’agit d’une situation particulièrement complexe.

Aujourd’hui, les agents titulaires ne sont plus qu’un tiers des personnels, un autre tiers est composé de recrutements locaux remplaçant les postes vacants dont la rémunération est basée sur le droit local et le dernier tiers est constitué de contractuels intérimaires de droit français. Cette répartition revient évidemment beaucoup moins cher à l’État, puisque les rémunérations et les perspectives de carrière sont extrêmement limitées. Par contre, cette situation interroge sur les conditions de vie et de travail induites et sur l’image de la France et de son réseau consulaire.

Cet amendement vise donc à redonner des moyens adaptés à nos services consulaires, ou tout du moins à nous renseigner davantage.

M. le président. L’amendement n° II-268, présenté par M. Cadic, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

 

 

 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 

31 000 000

 

31 000 000

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

31 000 000

 

31 000 000

 

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

31 000 000

31 000 000

31 000 000

31 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Cet amendement a pour objet de permettre le financement des actions en faveur de l’enseignement du français pour les élèves de nationalité française vivant à l’étranger. Les fonds ainsi transférés du programme 185 vers le programme 151 ont en effet vocation à être réinjectés via deux autres amendements, que je présenterai dans quelques instants, dans le programme 185, et notamment son action n° 02 « Coopération culturelle et promotion du français ».

Ce transfert de crédits permettra la mise en place d’un chèque éducation ouvrant la possibilité, à tous les élèves français, de prendre des cours de français auprès des instituts français. Il servira aussi à soutenir le réseau FLAM, plébiscité par les familles françaises vivant à l’étranger.

M. le président. L’amendement n° II-37, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

 

 

 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 

 

 

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

 

 

 

Présidence française du G7

 

3 200 000

 

3 200 000

TOTAL

3 200 000

3 200 000

SOLDE

- 3 200 000

- 3 200 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Cet amendement vise à réduire les crédits prévus pour l’organisation du G7 en raison des contraintes budgétaires que nous connaissons. Nous proposons de nous en tenir au budget du G20 de Deauville de 2011, corrigé de l’inflation, soit 33,2 millions d’euros au lieu des 36,4 millions retenus aujourd’hui.

Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de principe.

M. le président. L’amendement n° II-470, présenté par Mmes Lepage et Conway-Mouret, MM. Todeschini, Kanner et Boutant, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

 

 

 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

15 000 000

 

15 000 000

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

 

 

 

Présidence française du G7

 

15 000 000

 

15 000 000

TOTAL

15 000 000

15 000 000

15 000 000

15 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger a subi, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017, une annulation de crédits d’un montant de 33 millions d’euros qui a placé ce réseau dans une position plus que délicate.

Cette annulation de crédits a fragilisé l’AEFE, qui se trouvait déjà en situation de sous-financement depuis le transfert à l’Agence des compétences relatives au patrimoine immobilier ainsi que de la charge des pensions civiles, charges que le ministère n’a jamais compensées financièrement depuis 2008.

L’amputation du budget de l’AEFE l’a contrainte à prendre une série de mesures drastiques comme la diminution du nombre de titulaires détachés de l’éducation nationale. Elle a également affaibli ses capacités d’intervention, d’investissement et sa capacité de pilotage, dans un réseau pourtant largement reconnu dans le monde et indispensable à notre diplomatie d’influence.

Cette baisse de crédits survient alors que le Président de la République a fixé lui-même l’objectif de doubler le nombre d’élèves scolarisés à l’étranger d’ici à 2030. On ne peut énoncer un tel objectif ambitieux et, en même temps, ne pas se donner les moyens financiers de l’atteindre, surtout lorsque l’on constate une augmentation croissante des effectifs à un niveau de 2 % en moyenne par an. Il conviendrait, à l’inverse, que l’enseignement français à l’étranger et son opérateur public, l’AEFE, connaissent une augmentation de budget dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

Le présent amendement vise donc à renforcer le budget de l’AEFE de 15 millions d’euros, qui seraient ainsi prélevés à l’action n° 01 du programme 347, « Présidence française du G7 », et attribués à l’action n° 05 du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence ».

M. le président. L’amendement n° II-28 rectifié quater, présenté par MM. Regnard et D. Laurent, Mme Deromedi, MM. Frassa, Henno et Le Gleut, Mmes Gruny et L. Darcos, MM. B. Fournier, Bonhomme, del Picchia, H. Leroy, Revet, Vial et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Karoutchi et Wattebled, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

4 700 000

 

4 700 000

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 4 700 000

 

4 700 000 

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

 

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

4 700 000

4 700 000

4 700 000

4 700 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Damien Regnard.

M. Damien Regnard. Cet amendement vise à augmenter de 4,7 millions d’euros la subvention pour charges de service public versée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger afin de compenser, dans sa totalité, les effets de l’annulation d’une partie de la subvention en juillet 2017.

La question de la soutenabilité budgétaire du réseau de l’Agence est clairement posée à la suite de l’annonce, par le Président de la République, de doubler le nombre d’élèves dans ces établissements scolaires d’ici à 2025.

Aujourd’hui, 350 000 élèves sont scolarisés dans 492 établissements homologués à travers 137 pays. Le seuil de tolérance des familles est désormais atteint et le désengagement progressif de l’État devient menaçant.

Pour ces raisons, les auteurs de cet amendement proposent d’augmenter la dotation de l’AEFE de 4,7 millions d’euros pour lui permettre de faire face à ses missions.

M. le président. L’amendement n° II-467, présenté par Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Todeschini, Kanner et Boutant, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 

 

 

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

 

 

 

Présidence française du G7

 

10 000 000

 

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement vise à flécher 10 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires vers l’action « Réseau diplomatique », au sein du programme « Action de la France en Europe et dans le monde », et à réduire d’autant les crédits de paiement de l’action « Préparation et organisation du sommet du G7 » au sein du programme « Présidence française du G7 ».

Nous préférons flécher les crédits au bénéfice du plus grand nombre, même si nous souhaitons le plus grand succès du G7, puisque cet amendement vise à soutenir l’action de notre réseau des ambassades afin de préserver la sécurité des postes à l’étranger.

M. le président. L’amendement n° II-29 rectifié quater, présenté par MM. Regnard et D. Laurent, Mme Deromedi, MM. Frassa, Henno et Le Gleut, Mmes Gruny et L. Darcos, MM. B. Fournier, Bonhomme, del Picchia, H. Leroy, Revet, Vial et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Karoutchi et Wattebled, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

7 000 000

7 000 000

Présidence française du G7

7 000 000

7 000 000

TOTAL

7 000 000

7 000 000

7 000 000

7 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Damien Regnard.

M. Damien Regnard. Cet amendement vise à soutenir le dispositif des bourses scolaires en faveur des familles à revenus modestes et à accompagner les élèves en situation de handicap.

Les familles qui rencontrent des difficultés pour faire face aux frais de scolarité doivent pouvoir être soutenues et accompagnées afin que l’excellence des enseignements dispensés par les établissements du réseau de l’AEFE leur soit également accessible. C’est la raison pour laquelle les auteurs de cet amendement proposent d’augmenter la dotation de l’AEFE de 7 millions d’euros.

M. le président. L’amendement n° II-468, présenté par Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Todeschini, Kanner et Boutant, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

5 000 000

5 000 000

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 

 

 

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

5 000 000

 

5 000 000

 

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

 5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Le Président de la République avait annoncé, en juillet 2017, un gel des crédits de l’AEFE de 33 millions d’euros et s’était engagé à sanctuariser ce budget au même niveau en 2018.

Le programme 151 affirme ainsi qu’il faut stabiliser la dotation annuelle consacrée à l’aide à la scolarité des enfants français inscrits dans les établissements du réseau de l’AEFE à son niveau de 110 millions d’euros. Or le programme prévoit une aide à la scolarité budgétée à 105 millions d’euros, auxquels s’ajouterait un prélèvement de 5 millions d’euros sur des liquidités accumulées au sein de l’AEFE. Cette soulte ne peut être considérée comme un maintien au même niveau des dotations dédiées à l’AEFE ; elle relève plutôt de l’artifice comptable. Elle a été constituée au cours des années antérieures par des trop-perçus et des gains au change des années précédentes.

Le Gouvernement affirme que l’AEFE disposerait des moyens nécessaires pour faire face au coût anticipé de la campagne des bourses et aux risques éventuels d’une perte au change ou d’une augmentation des frais de scolarité. Si cela était vrai, nous serions obligés de faire entrer au forceps les besoins des familles dans une enveloppe qui n’y répond pas aujourd’hui. Or nous savons que l’AEFE ne dispose pas des moyens nécessaires pour faire face à cette augmentation de 5 millions d’euros.

La diminution des dotations entraîne une augmentation des frais de scolarité, qui touche, de fait, les familles les plus modestes. Les demandes de bourses s’en trouvent ainsi augmentées, et toutes ne sont pas satisfaites à hauteur des besoins. La tendance est d’ailleurs à s’attaquer aux boursiers à 100 % en réduisant leur quotité pour des raisons budgétaires.

De nombreux établissements doivent aussi faire face à de plus en plus d’impayés, en raison des difficultés financières des familles. De telles situations sont intolérables.

Alors que le Président de la République souhaite doubler le nombre d’apprenants du français, faudra-t-il alors que ces lycées soient réservés aux plus privilégiés ?

Pour ces raisons, le groupe socialiste propose le rétablissement des crédits à hauteur de 5 millions d’euros.

M. le président. L’amendement n° II-524, présenté par Mme Lepage et M. Leconte, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

 

 

 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

5 000 000

 

5 000 000

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

 

 

 

Présidence française du G7

 

5 000 000

 

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Le Premier ministre a annoncé récemment la stratégie d’attractivité du Gouvernement pour les étudiants internationaux, dont Campus France est l’un des opérateurs. Cette stratégie, censée améliorer notre capacité à attirer davantage d’étudiants et à faire face à la concurrence des pays étrangers, fait quasiment l’unanimité contre elle. Il est vrai que l’on peut s’interroger sur l’efficacité de cette stratégie, qui repose principalement sur l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers.

Si je peux concéder que l’augmentation du prix des formations pourrait attirer certains étudiants de nationalité chinoise ou indienne, pour qui un prix élevé de scolarité est souvent synonyme de qualité, cette hausse va nécessairement nous priver d’étudiants plus modestes. En effet, le droit d’étudier sera désormais fixé à 2 770 euros en licence, contre 170 euros aujourd’hui, et à 3 770 euros en master et en doctorat, contre 243 euros en master et 380 euros en doctorat aujourd’hui, soit un prix prohibitif pour de nombreux étudiants.

Certains d’entre eux, notamment en Afrique francophone, ont réagi avec tristesse et colère à vos annonces. Ils ont en effet eu le sentiment d’être trahis. Comment ne pas les comprendre, alors que le Président de la République avait indiqué à plusieurs reprises ces derniers mois son ambition pour la francophonie ? Au regard de cette stratégie, cette ambition francophone ne me semble plus crédible.

Monsieur le ministre, au lieu d’augmenter les frais d’inscription, nous vous proposons, par cet amendement visant à renforcer le budget de Campus France de 5 millions d’euros, d’améliorer significativement l’accueil et les conditions de vie des étudiants étrangers.

M. le président. L’amendement n° II-30 rectifié ter, présenté par MM. Regnard et D. Laurent, Mme Deromedi, MM. Frassa, Henno et Le Gleut, Mmes Gruny et L. Darcos, MM. B. Fournier, Bonhomme, del Picchia, H. Leroy, Revet, Vial et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Karoutchi et Wattebled, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

1 340 000

 

1 340 000

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 

 

 

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

1 340 000

 

1 340 000

 

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

1 340 000

1 340 000

1 340 000

1 340 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Damien Regnard.

M. Damien Regnard. Pour 2017, 3,34 millions d’euros de crédits étaient inscrits dans le projet de loi de finances au titre de la réserve parlementaire des députés et sénateurs des Français de l’étranger, au programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », dans la mission « Action extérieure de l’État ». Ces crédits budgétaires apportaient une contribution vitale à la vie associative française à l’étranger, que ce soit dans le domaine de la culture, de la solidarité ou de l’emploi.

Pour compenser la suppression de la réserve parlementaire, prévue à l’article 14 de la loi organique n° 2017 1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, le Gouvernement a mis en place un dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l’étranger.

En 2018, la commission consultative du STAFE a versé 1,74 million d’euros pour le financement de 223 projets à travers le monde. Pour 2019, le programme 151 a été doté de 2 millions d’euros.

Pourtant, le 2 octobre 2017, devant l’Assemblée des Français de l’étranger, le Président de la République a déclaré : « Je demande au ministre de l’Europe et des affaires étrangères […] d’étudier la mise en place d’un dispositif permettant d’accompagner le tissu associatif des Français de l’étranger compte tenu de la suppression de cette réserve.

« Nous devons avoir là un principe de justice, je sais que pour beaucoup d’associations que vous souteniez et que les parlementaires accompagnaient, la réserve était un élément important et donc nous devons regarder là-dessus comment créer avec le Quai un dispositif comparable et que les ministres puissent instruire cela en lien avec vous-même et les parlementaires. »

Or le STAFE est très loin de compenser la réserve parlementaire. Entre 2017 et 2019, l’effort budgétaire en direction des associations françaises à l’étranger a baissé de 40 %.

De fait, l’immense majorité des associations françaises qui structurent le lien social des communautés à l’étranger sont abandonnées par l’État. Or elles remplissent une mission essentielle d’intérêt général et ne peuvent s’appuyer sur aucune autre personne publique, qu’il s’agisse du maire, du conseil départemental ou du conseil régional…

Le système d’« appel à projets » est inégalitaire, dans la mesure où il favorise les associations les plus importantes, lesquelles sont déjà les mieux positionnées pour lever des fonds. Il est aussi peu démocratique, car il exclut les parlementaires du processus de sélection des projets.

Cet amendement vise donc à augmenter la dotation du STAFE afin de compenser totalement celle de la réserve parlementaire. Pour ce faire, il tend à opérer un transfert de 3,34 millions d’euros, au lieu de 2 millions d’euros, vers le Fonds pour le développement de la vie associative, à l’action n° 01 du programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », en soustrayant la somme de 1,34 million d’euros au programme 105.

M. Alain Fouché. Très bien !

M. le président. L’amendement n° II-514, présenté par M. Leconte et Mmes Conway-Mouret et Lepage, est ainsi libellé :

Mission « Action extérieure de l’État »

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

 

 

 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 

 

 

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

1 340 000

 

1 340 000

 

Présidence française du G7

 

1 340 000

 

1 340 000

TOTAL

1 340 000

1 340 000

1 340 000

1 340 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement procède du même esprit que celui que vient de défendre Damien Regnard.

La suppression de la réserve parlementaire a conduit le Gouvernement à déposer un amendement l’année dernière visant à abonder de 2 millions d’euros le programme « Jeunesse et vie associative » pour soutenir l’action associative des Français vivant hors de France.

Monsieur le ministre, vous avez globalement tenu parole sur la mise en place de cette enveloppe.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Merci de le dire !

M. Jean-Yves Leconte. J’ai déposé cet amendement avec deux objectifs.

Le premier, c’est pour augmenter cette somme, car, 2 millions d’euros, c’est peu au regard du montant dont nous disposions auparavant, auquel il serait souhaitable de revenir.

Le second, c’est pour montrer que, après une année de fonctionnement, trois éléments du STAFE mériteraient d’être corrigés.

Tout d’abord, le nombre de projets pouvant être sélectionnés est plafonné à six, que la circonscription regroupe 1 000 ou 200 000 Français.

Ensuite, alors que tous les pays ne connaissent pas la liberté d’association, vous demandez que l’association percevant la subvention relève du droit local. Cela fonctionne très bien dans les pays européens, mais dans ceux où la vie associative est fragile et où l’argent venant de l’étranger n’est pas bien vu, il n’est pas possible d’aider les associations de droit français.

Enfin, la condition selon laquelle plus de 50 % du financement d’une action doit provenir d’un autre moyen fait disparaître tout le système de la réserve parlementaire, qui permettait d’amorcer de nouvelles idées.

Il me semble qu’il faut revoir le dispositif du STAFE à la lumière de ces trois remarques et accélérer sa mise en œuvre au cours de l’année budgétaire.

M. le président. L’amendement n° II-503 rectifié, présenté par M. Cadic et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

 

 

 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

600 000

 

600 000

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

 

 

Présidence française du G7

 

600 000

 

600 000

TOTAL

600 000

600 000

600 000

600 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Monsieur le ministre, il y a un an, nous vous avions sollicité, avec la présidente Catherine Morin-Desailly, pour la Fondation Alliance française, qui se trouvait dans une situation désespérée. Grâce à votre concours et à l’appui des pouvoirs publics, elle a pu être sauvée, au prix d’une restructuration majeure : elle a été recentrée sur ses missions premières d’animation du réseau mondial des alliances françaises et elle s’est rapprochée de l’Institut français, au moyen d’une clarification de leurs rôles respectifs, en réponse au vœu présidentiel. Enfin, son contentieux avec l’Alliance française Paris Île-de-France est en cours de règlement.

Cet assainissement, qui va permettre de préserver une tête de réseau mondial, interface entre les sociétés civiles locales, dont les alliances sont l’émanation, et notre diplomatie d’influence, n’est toutefois pas entièrement acquis. La Fondation tire en effet une part substantielle de ses recettes des locations immobilières de son site du boulevard Raspail. Or, dans le cadre du rapprochement avec l’Institut français, il est prévu que celui-ci s’installe, en tant que locataire, dans ces locaux. Cette installation, annoncée par le Président de la République en mars dernier, priverait la Fondation de ressources pendant la durée, estimée à plus de deux ans, des travaux importants nécessaires à l’accueil de près de 150 agents sur près de 3 000 mètres carrés.

En l’absence de confirmation de cette décision, le budget de la Fondation pour 2019 ne peut être établi. En 2018, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères avait demandé à la Fondation de ne pas renouveler certains baux locatifs, dans l’attente de la confirmation de l’arrivée de l’Institut, et avait versé une subvention exceptionnelle pour soutenir cet effort.

Si, l’an prochain, le chantier d’installation était maintenu, la Fondation serait confrontée à un manque à gagner de quelque 600 000 euros, soit le quart de son budget. Pour mémoire, dans le cadre de sa restructuration, elle a déjà réduit ses effectifs de 45 %. Avec moins de dix agents, elle court le risque d’être incapable de faire face à ses missions au service de quelque 835 alliances.

Le présent amendement a donc pour objet de transférer 600 000 euros du programme 347 vers l’action n° 02 du programme 185, afin de compenser cette perte et de sécuriser la situation financière de la Fondation Alliance française.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Si vous le permettez, monsieur le président, mon collègue Rémi Féraud et moi-même vous proposons, pour la clarté de nos débats, de donner l’avis de la commission en alternance.

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. L’amendement n° II-210 rectifié vise à augmenter de 37 millions d’euros les crédits affectés à l’administration consulaire et à créer un programme dédié à la promotion du français, doté de 488 millions d’euros, par le regroupement des crédits consacrés à la promotion culturelle dans le programme 185 et de ceux de l’AEFE.

Sur la forme, la création d’un programme dédié à la promotion du français n’apparaît pas comme une nécessité en l’état de la maquette budgétaire.

Sur le fond, cet amendement tend à réduire les crédits consacrés à Atout France et la somme destinée à l’organisation du sommet du G7 de 20 millions d’euros chacun. Si ces deux postes de dépenses pourraient sans doute faire l’objet d’une réduction budgétaire, une diminution d’une telle ampleur compromettrait le bon fonctionnement de leurs missions et serait dommageable pour l’organisation du G7. Sur ce dernier point, deux amendements déposés par la commission des finances visent à diminuer les crédits de façon plus mesurée.

Enfin, cet amendement abonde les crédits de l’administration consulaire de 37 millions d’euros. Une telle hausse ne semble pas nécessaire, d’autant que nos travaux ont mis en évidence les chantiers de modernisation du réseau consulaire à moindres frais.

L’avis est donc défavorable.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. L’amendement n° II-268 vise à financer la mise en place d’un chèque éducation pour les élèves français vivant à l’étranger et à soutenir le réseau associatif FLAM. Il tend également à retirer 31 millions d’euros, soit 8 % de son budget, à l’AEFE, laquelle a pourtant déjà supprimé 174 postes cette année et en supprimera 166 l’année prochaine. L’adoption d’une modification budgétaire d’une telle ampleur nous entraînerait vers un autre système d’enseignement français à l’étranger. En conséquence, l’avis ne peut être que défavorable.

L’amendement n° II-470 vise à abonder de 15 millions d’euros le budget de l’AEFE en privant celui du G7 de la même somme. Nous comprenons l’intérêt que présente le gain de cette somme pour l’AEFE, mais l’équilibre qui en résulterait serait déraisonnable pour l’organisation du sommet. L’avis est donc défavorable.

L’amendement n° II-28 rectifié quater tend à ponctionner le programme 105 de 4,7 millions d’euros au profit de l’AEFE. Ces crédits manqueraient évidemment audit programme, alors que, je tiens à le rappeler, l’allocation de l’AEFE est à peu près stable. En effet, si elle diminue en apparence de 14,7 millions d’euros, les dépenses de sécurisation qui correspondent à ce montant relèveront, en 2019, du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Je me contente de la qualifier « d’à peu près stable », car il faudra bien rembourser ces sommes dans les budgets suivants ; monsieur le ministre, vous pourrez peut-être nous apporter des éléments à ce sujet. En tout état de cause, cela ne grèvera pas le budget de l’AEFE cette année. L’avis est donc défavorable.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. L’amendement n° II-467 vise à augmenter de 10 millions d’euros l’action « Réseau diplomatique » au sein du programme 105, en réduisant d’autant le budget du G7. Or la baisse des crédits de cette action n’est que la conséquence d’une écriture comptable : la suppression des loyers budgétaires et des nouvelles modalités de financement des dépenses de sécurisation, ainsi que vient de l’indiquer mon collègue Rémi Féraud.

En outre, si l’on réduisait de 10 millions d’euros son budget, le G7 deviendrait très difficile à organiser. La commission des finances a déposé deux amendements qui amputent ce budget d’une somme moins importante ; je vous suggère de vous y rallier.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. Les amendements nos II-29 rectifié quater et II-468 visent à abonder le budget des bourses scolaires respectivement de 7 millions d’euros et de 5 millions d’euros. Or, dans le cadre de nos travaux, ce budget ne nous est pas apparu insuffisant à barème constant. Il ne serait sans doute pas aberrant d’envisager une modification de ce barème, mais il n’existe pas de besoin budgétaire pour l’instant.

En outre, puisqu’il faut bien trouver l’argent quelque part, l’amendement n° II-29 rectifié quater tend à soustraire des crédits au budget d’organisation du G7, lequel, à force d’être ponctionné, sera bientôt réduit à la portion congrue ! S’agissant de l’amendement n° II-468, il ne me semble pas non plus raisonnable de retirer 5 millions d’euros au programme 105.

Mme Hélène Conway-Mouret. Non, il s’agit de la soulte !

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. L’avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. L’amendement n° II-524 vise encore à prélever des crédits destinés à l’organisation du G7 – à ce rythme, ils vont finir à zéro ! – pour abonder, à hauteur de 5 millions d’euros, la subvention de Campus France, laquelle est pourtant maintenue au niveau de 2018 et en augmentation par rapport à 2017.

Pour 2019, Campus France devrait bénéficier de 81,3 millions d’euros de financement public, soit 16 % de plus qu’en 2016. Sa subvention pour charges de service public versée par la mission « Action extérieure de l’État » est stable entre 2018 et 2019, à 3,8 millions d’euros.

Depuis 2016, l’attractivité de l’enseignement supérieur français pour les étudiants étrangers se confirme. Le nombre d’étudiants étrangers en mobilité en France est ainsi passé de 184 000 en 2016 à 192 000 en 2018 et devrait atteindre 200 000 en 2020, d’après le projet annuel de performance de la mission.

L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement.

Les amendements n° II-30 rectifié ter et II-514 visent à augmenter de 1,34 million d’euros les crédits du dispositif STAFE.

Doté d’un budget de 2 millions d’euros, ce dispositif a été mis en place pour compenser en partie la suppression de la réserve parlementaire l’année dernière. Selon les informations transmises par le ministère à vos rapporteurs spéciaux, il n’a démarré qu’à la moitié de l’année 2018, entraînant des retards dans l’instruction des dossiers. Toutefois, les postes diplomatiques et consulaires semblent s’être bien approprié cet outil, puisque, début octobre, 302 projets émanant de 112 postes diplomatiques avaient été reçus et examinés par la commission consultative du STAFE.

Reste que le budget dédié de 2 millions d’euros est inférieur au budget précédemment consacré à la réserve parlementaire des députés et sénateurs des Français de l’étranger, qui atteignait 3,34 millions d’euros. La commission souhaiterait donc entendre l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. L’amendement n° II-503 rectifié vise à accorder une subvention exceptionnelle de 600 000 euros à la Fondation Alliance française. Ce montant, très limité, tient compte de la situation particulière de la Fondation.

L’effort de rapprochement avec l’Institut français peut permettre à cette dernière de sortir par le haut d’une crise liée, notamment, à ses difficultés avec l’Alliance française Paris Île-de-France. Toutefois, ce processus a des conséquences immédiates – une période de travaux préalable au versement de loyers par l’Institut français – qui vont peser sur les rentrées budgétaires de la Fondation.

La somme de 600 000 euros, visée dans cet amendement, serait prise sur le budget d’organisation du G7. Elle ne nous semble pas déraisonnable, mais elle correspond à une situation que nous n’avons pas pu étudier à fond. En conséquence, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement et souhaite également connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur la quasi-totalité des amendements. Il est donc inutile que je reprenne ses arguments, si ce n’est un, qui s’adresse à tout le monde, y compris, en partie, aux rapporteurs spéciaux.

J’ai entendu plusieurs intervenants appeler de leurs vœux le renforcement de la présence et de l’influence de la France. Ils ont raison ! Pourtant, j’entends les mêmes presque nous dire qu’il faut supprimer le G7 !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. À force de le priver de financement, on ne pourra plus l’organiser. Si on ne l’organise plus, on n’en sera plus membre. Et alors, adieu les initiatives sur le multilatéralisme ! Évitons donc les effets de manches !

J’avoue que l’accumulation des ponctions sur le budget d’organisation du G7 m’épate un peu de la part de sénateurs soucieux de la présence de la France dans le monde. On finance tout avec le G7 ! C’est extraordinaire !

M. Jean-Yves Leconte. Vous avez été député, vous savez bien ce qu’on fait lors d’un débat budgétaire !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Sur l’amendement n° II-210 rectifié, l’avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons qu’a exposées le rapporteur spécial, M. Delahaye.

Monsieur Cadic, le rapporteur spécial a indiqué à raison qu’il ne paraît pas logique de retirer de l’argent à l’AEFE pour financer le chèque éducation. Des efforts importants sont par ailleurs effectués à l’égard du réseau des Français à l’étranger dans le cadre du dispositif FLAM : amputer une partie des crédits de l’AEFE ne serait pas de bonne politique. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement n° II-268.

Je ne partage pas l’avis de M. Delahaye sur la diminution du budget du G7.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. C’est dommage !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, la maîtrise des coûts sera très rigoureuse. Les présidences italienne, en 2017, et canadienne, en 2018, ont déployé des moyens beaucoup plus importants que les nôtres. Je suis prêt à me soumettre à la comparaison. Nous sommes bien en dessous ! Il est vrai que le budget prévu est un peu supérieur à celui de l’organisation du sommet de Deauville, mais, depuis cette date, les aménagements techniques et sécuritaires sont beaucoup plus importants. C’était presque une autre époque… L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° II-37.

Au fil des amendements, comme je l’ai dit, on nous propose la suppression progressive du budget de la présidence du G7. C’est le cas de l’amendement n° II-470 pour financer l’AEFE. Je rappelle à Mmes Lepage et Conway-Mouret, comme à tous ceux d’entre vous qui sont intervenus sur ce sujet, que les crédits de l’AEFE sont maintenus. Nous avions annoncé qu’ils seraient sanctuarisés, ils le sont ! J’en avais pris l’engagement, je l’ai tenu ! J’entends bien qu’ils restent sanctuarisés pour les années qui viennent.

S’agissant du développement de l’enseignement du français à l’étranger, je rappelle que le Président de la République m’a sollicité pour faire des propositions ; j’y travaille, et je livrerai rapidement mes conclusions, lesquelles ne remettront pas en cause l’existence de l’AEFE ni son architecture actuelle. J’ajoute que le Premier ministre a demandé à Mme Cazebonne d’établir un diagnostic sur la situation des effectifs scolarisés en français et de faire des préconisations pour la réalisation de l’objectif de doublement des élèves d’ici à 2030 ; j’attends ce rapport pour le confronter aux résultats de mes réflexions et aboutir ainsi à une proposition globale.

Les dépenses de sécurisation de l’AEFE seront prises en charge par le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » du ministère de l’action et des comptes publics. Nous avons obtenu de mobiliser 100 millions d’euros pour les travaux de sécurisation, ce qui permettra d’accélérer les procédures.

Les crédits de l’AEFE ne diminuant pas, ainsi que le rapporteur spécial a bien voulu le rappeler, l’avis est défavorable sur l’amendement n° II-470, ainsi que sur l’amendement n° II-28 rectifié quater.

Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur l’amendement n° II-467, qui concerne la réforme des réseaux.

Les amendements nos II-29 rectifié quater et II-468 visent les bourses scolaires. Je comprends la préoccupation exprimée par M. Regnard et par Mme Conway-Mouret, mais, je le répète, la réduction de 5 millions d’euros s’explique par le fait que la mobilisation des crédits est insuffisante. Nous n’allons pas ajouter de l’argent alors que les crédits disponibles n’ont pas été consommés. Si d’aventure un besoin supplémentaire se faisait jour, il existe une soulte des bourses de l’AEFE qui pourra être utilisée. Les effets de manches sont donc appuyés sur un argumentaire techniquement incorrect.

Pour le plafond du quotient familial, j’ai proposé qu’il soit relevé de 21 000 à 23 000 euros. Cette mesure n’étant pas d’ordre législatif, je la prendrai, ce qui permettra, dans le cadre de l’enveloppe actuelle, même diminuée, de mobiliser ce financement en direction des familles directement concernées.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces deux amendements.

L’amendement n° II-524 a pour objet d’augmenter la subvention de Campus France en ponctionnant, une fois de plus, le budget du G7. Je rappelle que ladite subvention a été maintenue en 2019 à son niveau de 2018.

S’agissant des frais d’inscription des étudiants étrangers non communautaires, je voudrais répondre à M. Vallini qu’il faut décliner cette mesure conjointement avec les quatre dimensions du plan.

Premièrement, nous allons bel et bien faire payer les droits d’inscription aux étudiants étrangers non communautaires, mais ceux-ci ne représenteront que le tiers de leur valeur réelle. La quasi-totalité des pays qui accueillent des étudiants étrangers non communautaires font payer des droits d’inscription, souvent beaucoup plus élevés que ceux que nous allons demander.

Deuxièmement, nous multiplions par trois le nombre de bourses d’exonération pour les étudiants étrangers qui s’inscrivent auprès des postes consulaires pour entrer à l’université en France. Ces bourses vont s’ajouter aux bourses financières existantes.

Troisièmement, Campus France sera chargé de faire en sorte que l’accueil des étudiants étrangers soit renforcé dans les universités.

Quatrièmement, enfin, au-delà de l’attractivité de nos propres universités, l’objectif de fond de cette réforme est de proposer des formations françaises en partenariat avec les universités locales dans les pays concernés. Nous avons mis en place cela à Abidjan, où j’ai récemment inauguré le hub éducatif franco-ivoirien, qui offre des cursus doubles et des formations françaises en Côte d’Ivoire. Nous sommes en train de travailler en ce sens au Sénégal et, bientôt, en Tunisie.

La logique de cette réforme est d’établir des partenariats croisés permettant aux étudiants étrangers de poursuivre sur leur propre territoire des études de qualité bénéficiant du label de l’excellence française. Le Premier ministre a bien évoqué cet ensemble de mesures, et non la seule augmentation des droits d’inscription, laquelle serait incompréhensible si on l’envisageait en dehors de ce cadre.

L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° II-524.

Concernant le dispositif STAFE, vous avez bien voulu reconnaître, monsieur Leconte, que j’avais respecté mes engagements, puisqu’il existe un fonds de 2 millions d’euros. Mais, excusez-moi du peu, seul 1,7 million d’euros a été dépensé ! Ce fonds étant destiné à financer les actions et non le fonctionnement des associations, des critères rigoureux s’appliquent. Or ceux-ci n’ont pas provoqué de blocage, puisque 75 % des projets déposés ont été retenus.

Je considère donc que le dispositif est aujourd’hui satisfaisant, mais je suis prêt à le revoir le moment venu, quand nous aurons tous les éléments, et à faire un point sur le sujet avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, si son président le souhaite. Aujourd’hui, toutefois, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les amendements nos II-30 rectifié ter et II-514.

Concernant la Fondation Alliance française, qui fait l’objet de l’amendement n° II-503 rectifié, vous posez une bonne question, monsieur Olivier Cadic, mais, à mon sens, il est un peu trop tôt pour lui apporter une réponse. Nous étions face à une situation de crise compliquée, tonique même, à différents égards, mais nous sommes parvenus à un résultat : un accord entre l’Institut français et la Fondation Alliance française. Cette dernière a vu ses fonctions limitées, de sorte qu’elle n’entre plus en concurrence avec d’autres outils, car il est de bon sens de favoriser la cohérence en la matière.

Il me semble donc qu’il est trop tôt pour avoir une opinion arrêtée sur un dispositif qui vient de naître. Comme pour le dispositif STAFE, je souhaite que nous en reparlions un peu plus tard. Pour le moment, l’avis du Gouvernement est défavorable sur l’amendement n° II-503 rectifié.

M. le président. Quel est, maintenant, l’avis de la commission sur les amendements nos II-30 rectifié ter et II-514 ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. M. le ministre a expliqué que l’enveloppe de 2 millions d’euros allouée au dispositif STAFE n’avait pas été complètement consommée. C’est que les trois quarts seulement des dossiers ont été acceptés.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Un quart seulement ne l’ont pas été !

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Nous n’avions pas connaissance des critères d’acceptation ou de refus.

Il est un peu regrettable que le remplacement de la réserve parlementaire par un dispositif piloté par les services de l’État conduise à une transparence incomplète et à une réduction des crédits.

Compte tenu de l’avis du Gouvernement, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur les deux amendements.

M. le président. La commission maintient-elle son avis de sagesse sur l’amendement n° II-503 rectifié, à propos duquel elle a également souhaité entendre l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Cet avis est maintenu, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-210 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur l’amendement n° II-268.

M. Olivier Cadic. L’effort de 31 millions d’euros – et non pas 33, monsieur le rapporteur spécial – est un peu moindre que celui qui avait été consenti l’an dernier. C’était donc possible.

On pourrait revenir sur l’exécution de ce budget par l’AEFE en 2018, qui n’a pas donné vraiment satisfaction. Je pense en particulier à la décision unilatérale de faire payer les écoles conventionnées à hauteur de 9 %, et non plus 6 %, de leur chiffre d’affaires, alors même que des contrats couraient.

Dans le système actuel, tout l’argent va vers un enfant sur cinq à l’étranger, et rien vers les quatre autres. J’y reviendrai en expliquant mon vote sur des amendements ultérieurs. S’agissant de celui-ci, je le retire.

M. le président. L’amendement n° II-268 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° II-37.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-470.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote sur l’amendement n° II-28 rectifié quater.

M. Ladislas Poniatowski. Je suis encore moins d’accord avec cet amendement qu’avec les autres.

Les autres amendements ont pour contrepartie, à titre de caution, une réduction des crédits du programme « Présidence française du G7 » – comme, dans le temps, on gageait tous les amendements par une augmentation des droits sur les tabacs. D’ailleurs, monsieur le ministre, vous auriez pu arguer qu’en additionnant toutes ces « cautions G7 » le budget du G7 exploserait en vol, si je puis dire ! On parle là de sommes avoisinant non plus 24 millions d’euros, ni même 39 millions d’euros, mais 60 millions d’euros.

L’amendement n° II-28 rectifié quater, lui, a pour contrepartie une réduction des crédits du programme 105. Je vous ai félicité il y a quelques instants, monsieur le ministre, de proposer l’abondement de ce programme à hauteur de 2,2 millions d’euros. On voudrait ici que nous lui retirions 4,7 millions d’euros. J’y suis tout à fait opposé !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-28 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-467.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-29 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-468.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° II-524.

M. Jean-Yves Leconte. À propos de l’accueil des étudiants étrangers, je souhaite présenter quelques remarques et formuler une grosse interrogation.

Je commencerai par la grosse interrogation : alors que le Premier ministre a annoncé, le 19 novembre dernier, le triplement des bourses, le bleu budgétaire prévoit un niveau de bourses de 58 535 236 euros, soit exactement le même que cette année. J’ai même cru qu’il y avait erreur, qu’on avait fait un copier-coller entre les deux projets de loi de finances. Comment peut-on annoncer le triplement des bourses et prévoir un montant inchangé par rapport à cette année ?

Je puis concevoir que la mesure n’ait pas encore été budgétée ; mais il faut alors nous dire quand elle le sera, et avec quelle contrepartie. Monsieur le ministre, comment financerez-vous le triplement des bourses ? Quand on est parlementaire, c’est le G7…

Au regard de l’objectif du Président de la République de doubler le nombre d’élèves dans les établissements scolaires français à l’étranger, il est absolument impératif que tous ceux ayant fait leurs études dans nos établissements et qui sont titulaires du baccalauréat puissent bénéficier des mêmes tarifs qu’actuellement.

Par ailleurs, s’agissant des pays qui voudront maintenir les tarifs actuels d’accès à l’université en France, ce qui sera utile pour nous, il faut au moins que cela puisse se faire sur une base bilatérale.

J’ajoute que ceux qui ont déjà commencé leurs études ne pourront peut-être pas faire face aux évolutions des frais de scolarité.

Enfin, il y a du travail dans notre réseau sur la question des visas étudiants. Dans certains pays d’Afrique, il faut plus d’un mois pour avoir un rendez-vous en vue d’obtenir un visa étudiant. Dans d’autres pays, où nous n’avons plus d’ambassade, il n’est plus possible de demander un visa étudiant.

Même si je sais que cela dépend non pas de vous, monsieur le ministre, mais du ministère de l’intérieur, l’exigence systématique de biométrie fait que nous avons du mal à attirer des étudiants du Brésil, du Japon ou des États-Unis.

Il nous reste donc beaucoup de travail à faire pour être attractifs.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur Leconte, je n’ouvrirai pas un débat de fond sur un sujet qui ne relève pas directement de la compétence de mon ministère, mais je tiens à apporter certaines précisions.

D’abord, je n’ai été à l’origine de la fermeture d’aucune ambassade et n’ai l’intention d’en fermer aucune. Cela doit remonter à loin – en tout cas, ce n’était pas sous ma responsabilité.

Par ailleurs, vous ne m’avez pas bien entendu : nous allons tripler le nombre de bourses d’exonération, ce qui signifie que les étudiants susceptibles de ne pas pouvoir payer le montant indiqué, qui est le tiers du coût réel supporté par le contribuable français, bénéficieront d’un dispositif leur permettant de poursuivre leurs études en France.

Par ailleurs, l’ensemble des mesures indiquées ne s’applique pas aux étudiants déjà en scolarité.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. L’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers non communautaires est un problème dramatique.

Monsieur le ministre, vous avez raison de signaler que le nombre d’étudiants étrangers a augmenté en France de 4,6 %. Mais, dans le monde, l’augmentation est de près de 7 %, en sorte que la France a perdu un rang, au profit de l’Australie, et en perdra sans doute deux autres l’année prochaine, au profit de la Russie et de l’Allemagne.

Par ailleurs, si vous considérez que la connaissance et la pédagogie universitaires sont un marché, les étudiants iront au plus offrant, c’est-à-dire vers les universités qui les paient pour étudier. C’est de cette façon que l’Arabie Saoudite et la Turquie, par exemple, ont augmenté leur nombre d’étudiants étrangers de 172 %.

Que veut la France ? Monsieur le ministre, si elle veut s’effacer derrière des nations qui font aujourd’hui l’effort de chercher les étudiants, alors votre politique est la bonne !

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Dans certains pays, pour éviter tous les problèmes liés à la nécessité de se rendre à l’ambassade, l’étudiant étranger obtient son visa à son arrivée. Ainsi, en Angleterre, c’est en arrivant à Londres que les étudiants étrangers se voient accorder leur visa, en relation avec leur université.

Pour le reste, je comprends ce qui est dit, mais il faut bien voir qu’ailleurs, par exemple au Royaume-Uni, les étudiants qui ne sont pas de l’Union européenne ont des frais de scolarité supérieurs à 20 000 euros par an. Faire payer tout le service au contribuable, cela pose question. C’est d’ailleurs ce sur quoi certains nous alertent actuellement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-524.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote sur l’amendement n° II-30 rectifié ter.

M. Ladislas Poniatowski. Voilà encore un amendement gagé par une amputation des crédits du programme 105. J’observe que certains de ses signataires sont en contradiction avec les propos qu’ils ont tenus à la tribune visant à défendre la dotation de ce programme. Pour ma part, je suis tout à fait hostile à cet amendement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-30 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-514.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. Après son effort de restructuration, la Fondation Alliance française fonctionne avec dix équivalents temps plein et pourrait même descendre à six l’année prochaine, faute de recettes supplémentaires ; elle serait alors à la limite de la rupture pour faire face à ses missions.

Par ailleurs, pour l’accueil de l’Institut français dans ses locaux du boulevard Raspail, des travaux d’un montant de 15 millions d’euros sont à prévoir sur deux ans.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu sur ce sujet, mais je vous demande de surveiller la situation de près, pour que la Fondation Alliance française ait les moyens de fonctionner correctement en 2019.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote sur l’amendement n° II-503 rectifié.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, vous expliquez qu’il serait trop tôt. C’est aussi ce que vous disiez l’année dernière, parce qu’un audit était en cours sur les grosses difficultés rencontrées par la Fondation Alliance française.

Nous avions déposé un amendement à hauteur de 1,5 million d’euros, pour éviter le dépôt de bilan qui s’est malheureusement produit au mois de janvier suivant, entraînant la démission du président, M. Clément, et de plusieurs membres éminents du conseil d’administration, dont faisaient partie M. Juppé et Mme Carrère d’Encausse.

Depuis lors, il y a le sentiment qu’il manque un pilote dans l’avion. Alors que cette fondation rassemble chaque année l’ensemble des présidents d’alliance française à Paris, elle n’a pas pu le faire l’année dernière et ne le fera pas cette année.

Tous les directeurs d’alliance que je rencontre au cours de mes déplacements attendent que cette fondation, qui donne une certaine direction à l’ensemble du réseau, reprenne la main. Je voterai donc l’amendement de M. Cadic, car il serait incompréhensible de ne pas soutenir une structure qui est, avec le réseau des alliances françaises, l’un des piliers de notre diplomatie linguistique et culturelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Du fait des difficultés de la fondation, les alliances françaises, qui accomplissent un travail formidable pour la présence française à l’étranger sans que cela coûte rien au budget, ont été très heurtées ces dernières années. En particulier, nombre d’entre elles sont assez perturbées par ce qui s’est passé au cours des dix-huit derniers mois autour de la Fondation Alliance française et par les difficultés de nomination des directeurs liés à des détachements programmés, avec des retards dans la signature des contrats.

Aussi, monsieur le ministre, l’année prochaine, vous devriez faire en sorte que les présidents et les comités des alliances françaises soient rassérénés par vos orientations et l’importance que vous leur reconnaîtriez en les recevant. C’est une demande que j’entends souvent quand je les visite. Y accéder serait important pour marquer la valeur du travail qu’ils accomplissent et leur montrer que, dorénavant, l’outil peut repartir de l’avant en ayant dépassé les difficultés des deux dernières années.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de léducation et de la communication. J’appuie la position du rapporteur pour avis de la commission de la culture.

L’année dernière, monsieur le ministre, j’avais demandé qu’un débat soit organisé dans cet hémicycle, en amont de la loi de finances pour 2018, sur l’articulation entre l’Institut français et les alliances françaises. Nous avions débattu des très grandes difficultés dans lesquelles se trouvait la Fondation Alliance française.

L’amendement de M. Cadic me paraît de bon sens et raisonnable, compte tenu de ce que nous observons. Quand nous nous déplaçons à l’étranger, notre commission ne manque jamais de visiter les alliances françaises et les instituts français. Partout dans le monde, nous constatons un certain nombre de difficultés, d’autant que les moyens de la mission « Action extérieure de l’État », pour le volet « diplomatie culturelle », ont été considérablement réduits lors du précédent quinquennat, il faut le rappeler.

Si les crédits ont été stabilisés depuis deux ans, on est loin d’avoir retrouvé l’ensemble des ressources nécessaires à l’ambition défendue aujourd’hui par le Président de la République.

Mes chers collègues, les alliances françaises font un travail remarquable au service de l’enseignement du français à l’étranger !

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je remercie nos collègues qui se sont exprimés en faveur de mon amendement et la commission de la culture pour ses commentaires. Tout le monde s’accorde à dire que la Fondation Alliance française est un outil nécessaire. Maintenant, mes chers collègues, adoptons l’amendement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-503 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-269, présenté par M. Cadic, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

 

 

 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

30 000 000

 

30 000 000

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

30 000 000

 

30 000 000

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

30 000 000

30 000 000

30 000 000

30 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. L’amendement n° II-268 ayant été retiré, celui-ci devient un amendement d’appel. Il s’inscrit dans la volonté exprimée par le Président de la République de renforcer le soutien à l’enseignement du français à destination des enfants de nos concitoyens expatriés.

L’article 2 de notre Constitution affirme : « La langue de la République est le français. » Mais comment s’assurer que tous les Français parlent la langue de la République, dès lors que, de plus en plus, les nouvelles générations qui naissent à l’étranger ne pratiquent pas le français ?

Dans certains pays, plus de la moitié des Français nés à l’étranger ne maîtrisent pas notre langue ; cette proportion atteint parfois les deux tiers en Amérique latine.

Alors que seul un jeune Français sur cinq à l’étranger suit l’enseignement offert par le réseau AEFE, cet amendement vise à réorienter une partie du budget vers les 80 % d’enfants français à l’étranger qui ne reçoivent aucune aide pour apprendre notre langue. Il s’agit de garantir à tous nos compatriotes un accès égal à l’enseignement du français à l’étranger, en créant un « chèque éducation » pour chaque enfant en âge d’être scolarisé vivant hors de France, dont la valeur dépendrait du pays.

Ce chèque éducation unique pourrait être utilisé exclusivement pour financer un enseignement du français ou en français, au sein d’un établissement du réseau AEFE, du réseau des missions laïques françaises, de l’Institut français, d’une alliance française ou d’une école privée, avec un objectif de suivi par acquisition obligatoire du diplôme d’enseignement de langue française, le DELF, et de la certification du Centre international d’études pédagogiques, le CIEP, pour s’assurer de la maîtrise du français acquise.

La création de ce dispositif nécessiterait de transférer 30 millions d’euros du programme 151 vers le programme 185, notamment son action n° 02, Coopération culturelle et promotion du français.

L’attribution de ce chèque éducation et son suivi seraient confiés à l’Institut français, dont la mission est justement d’assurer la promotion de la langue française en s’appuyant sur un réseau d’alliances françaises et d’instituts français bien plus développé et décentralisé que celui de l’AEFE, et qui permet donc de toucher davantage de familles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. Il est défavorable. M. Cadic a lui-même indiqué qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Reste qu’il sera intéressant d’entendre le Gouvernement sur le fond du sujet. L’idée d’un chèque éducation a aussi été évoquée par Pierre Vimont lors de son audition au Sénat. En l’occurrence, il s’agirait de retirer 30 millions d’euros au programme 151, c’est-à-dire de réduire de 30 % le budget des bourses scolaires, ce à quoi nous ne pouvons que nous opposer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Il ne s’agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Cet amendement nous appelle à la réflexion sur l’ambition que nous défendons en matière d’enseignement du français à l’étranger au-delà des établissements gérés par l’AEFE et sur les moyens qu’ont les instituts français et l’Alliance française pour scolariser un plus grand nombre de jeunes Français afin de leur apprendre leur langue maternelle.

Cette question renvoie bien entendu à l’adéquation de l’ambition portée par le Gouvernement aux moyens budgétaires, ainsi qu’aux manières d’intéresser les jeunes Français à l’étranger à rejoindre des cours de français.

Ce sujet mérite un travail de fond, ne serait-ce que pour disposer de davantage de statistiques et de données sur tous ces jeunes Français à l’étranger, parfois très éloignés des lycées français. Cet amendement est une invitation à engager cette réflexion dès l’année prochaine.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. M. Cadic ne sera pas surpris que je ne soutienne pas son amendement, car nous en avons déjà plusieurs fois parlé ; cette mesure fait partie d’une liste de propositions qu’il a faites voilà déjà quelques années.

Cet amendement tombe au mauvais moment, alors que des Français expriment leur colère contre l’injustice fiscale dont ils se sentent victimes. En effet, avec ce chèque éducation, on nous propose, si je comprends bien, de donner la même somme à toutes les familles, qu’elles gagnent 1 500 ou 15 000 euros par mois.

Aujourd’hui, nous avons un système de bourses scolaires progressif, afin de faire appel à la solidarité nationale pour aider les familles qui en ont le plus besoin. Si l’on donne la même somme à tout le monde, la famille qui a 15 000 euros de revenus sera certes heureuse, mais elle n’en aura peut-être pas besoin, alors que, pour celle qui a 1 500 euros de revenus, l’aide ne sera certainement pas suffisante pour scolariser un enfant dans le réseau AEFE, où les frais de scolarité sont assez élevés.

Monsieur Cadic, je comprends votre volonté, mais, sincèrement, je ne pense pas que la méthode soit la bonne.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Monsieur le rapporteur spécial, mon intention n’est pas de retirer aux bourses scolaires la somme nécessaire au financement du chèque éducation ; j’ai proposé, pour compenser, un autre prélèvement en provenance de l’AEFE.

Madame Conway-Mouret, j’ai bien entendu votre propos. Mais cela ne vous gêne-t-il pas de voir autant de Français à qui on n’apprend pas à parler français ?

M. Jean-Marc Todeschini. Ça n’a rien à voir !

M. Olivier Cadic. Alors, que faut-il faire ?

Mme Hélène Conway-Mouret. Aider les familles qui en ont vraiment besoin !

M. Olivier Cadic. On peut faire des grandes déclarations sur la francophonie et dire à tout le monde qu’on va apprendre le français au monde entier, mais, quand on n’est même pas capable d’apprendre le français à nos compatriotes, il y a un problème !

Quand je vois que personne ne fait rien, je m’interroge. Je propose une solution sous forme d’expérimentation. Tout le monde ne toucherait pas la même chose, car l’aide dépendrait des pays : le coût pour apprendre le français n’est pas le même dans une alliance française à Madagascar et dans un pays de l’Union européenne.

Travaillons ensemble pour mener une telle expérimentation. J’aurais aimé que tout le monde se rassemble autour de cet objectif : que tous les Français puissent apprendre à parler français !

Pour l’heure, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° II-269 est retiré.

L’amendement n° II-270, présenté par M. Cadic, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

 

 

 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

1 000 000

 

1 000 000

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

1 000 000

 

1 000 000

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Initié en 2001 par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, sur l’initiative des représentants des Français établis hors de France, le dispositif « Français langue maternelle », ou FLAM, vise à soutenir des associations qui proposent à des enfants français établis à l’étranger, dans un contexte extrascolaire, des activités permettant de conserver la pratique du français en tant que langue maternelle et le contact avec les cultures française et francophones.

Les associations peuvent ainsi bénéficier de subventions d’appui au fonctionnement au démarrage de leur projet, ainsi que de subventions pour l’organisation de regroupements régionaux d’associations FLAM.

L’opérateur désigné par le ministère pour la gestion administrative de ce dispositif est l’AEFE.

Cet amendement vise à la fois à développer le programme FLAM, en lui affectant un budget propre de 1 million d’euros, et à en transférer la gestion à l’Institut français, dont la mission est justement d’assurer la promotion de la langue française, en s’appuyant sur un réseau d’alliances françaises et d’instituts français, qui, je le répète, est bien plus développé et décentralisé que celui de l’AEFE.

Mme Claudine Lepage. Vous en voulez décidément à l’AEFE !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. Il est défavorable. Si nous avons bien compris, cet amendement va avec les amendements nos II-268 et II-269. Sans entrer dans le débat de fond, il n’y aurait pas de cohérence à l’adopter seul.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je prends note de ces avis. Puisque cet amendement n’est plus financé, par cohérence, je le retire. Mais j’insiste, monsieur le ministre : le dispositif FLAM serait mieux dirigé par l’Institut français !

M. le président. L’amendement n° II-270 est retiré.

L’amendement n° II-38, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

3 100 000

 

3 100 000

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 

 

 

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

 

 

 

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

3 100 000

 

3 100 000

SOLDE

- 3 100 000

- 3 100 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Les dépenses protocolaires augmentent fortement, de 8,6 millions d’euros, en prévision de plusieurs conférences internationales. Mais cette hausse inclut 3,1 millions d’euros pour le G7, qui fait l’objet par ailleurs d’un budget spécifique. Il n’y a pas de raison de maintenir une ligne pour le G7 dans ces dépenses protocolaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Si cet amendement était adopté, à mes collègues membres du G7 auxquels j’ai dit, lors du G20, que nous nous retrouverions bientôt pour continuer d’aborder des sujets difficiles, je devrais expliquer dès demain matin que le Sénat s’oppose à cette réunion. Monsieur le rapporteur spécial, maintenant que vous connaissez la destination de ce financement, je vous demande de retirer votre amendement.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Je retire l’amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° II-38 est retiré.

L’amendement n° II-402, présenté par M. Yung, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

14 700 000 

 

14 700 000 

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

14 700 000 

 

14 700 000 

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

 

 

 

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

14 700 000

14 700 000

14 700 000

14 700 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je voudrais évoquer un sujet qui a déjà été abordé, celui des crédits qui sont consacrés à la sécurisation des établissements scolaires français à l’étranger.

Nous avons tous conscience que ces écoles, ces lycées, peuvent être des cibles de « choix » pour tous ceux qui nous veulent du mal. On peut imaginer ce que susciterait un drame qui se déroulerait dans tel ou tel pays, y compris dans l’opinion publique française.

Jusqu’à maintenant, ces crédits étaient inscrits dans le programme 185. Cette année, ils ont été transférés dans le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

M. Robert del Picchia. Tout à fait !

M. Richard Yung. On pourrait penser que les deux affectations budgétaires se valent, mais ce ne pas le cas : en réalité, le transfert de ces crédits au CAS signifie qu’ils devront être remboursés sur une certaine période, deux ou trois ans, je ne sais plus. En d’autres termes, il s’agit non plus d’une dotation budgétaire de 14,7 millions d’euros, mais d’une avance qui sert aux différents établissements pour réaliser leurs travaux.

Je crains que le transfert de ces dépenses de sécurisation n’ouvre la voie à leur réduction progressive au fil des ans – ce sera non plus 14,7 millions d’euros, mais peut-être 10 millions d’euros l’année prochaine, puis 8 millions d’euros l’année suivante, etc. –, au motif qu’il deviendrait très difficile de les financer. Après tout, il est vrai que nous avons de moins en moins de bijoux de famille, comme on dit, à vendre.

Je propose de réaffecter 14,7 millions d’euros du programme 105 au programme 185, afin d’éviter avec certitude que ces crédits ne puissent être remis en cause.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. Nous en avons parlé tout à l’heure, la commission est défavorable à l’amendement, et ce pour deux raisons : d’abord, cette mesure priverait le programme 105 de 14,7 millions d’euros et réduirait les moyens de notre diplomatie ; ensuite, le financement de ces dépenses par l’intermédiaire d’un compte d’affectation spéciale relève d’un choix du Gouvernement.

En tout cas, ce choix n’aura pas d’impact budgétaire négatif en 2019. L’enjeu porte sur le remboursement des avances du CAS les années suivantes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable, mais je voudrais en donner les raisons à M. Yung, car mes propos précédents n’ont peut-être pas été assez clairs.

C’est à ma demande que les 100 millions d’euros dont j’ai parlé tout à l’heure ont été affectés à un compte d’affectation spéciale, après une discussion assez ferme avec le ministre de l’action et des comptes publics, et à la suite de mon déplacement à Ouagadougou.

Lorsque j’ai compris qu’il y aurait eu des morts dans l’ambassade de France au Burkina Faso si nous n’avions pas réalisé de travaux avant l’attentat, j’ai décidé d’accélérer le processus de sécurisation des lieux les plus sensibles, que ce soient les ambassades, les centres culturels, les lycées ou l’ensemble des établissements français.

Je souhaite que ces 100 millions d’euros soient dépensés le plus rapidement possible et que les travaux nécessaires soient effectués. Le remboursement des avances n’interviendra qu’à partir de 2021, ce qui signifie que les 14,7 millions d’euros dont vous parlez auront déjà été dépensés. Vous n’avez donc aucune inquiétude à avoir sur ce point, sous réserve que les acteurs soient en mesure de réaliser les travaux très rapidement.

En outre, le remboursement interviendra à partir de 2021, mais sur un parc immobilier très élargi. Je l’ai dit dans mon propos initial, nous allons acquérir 215 emprises immobilières supplémentaires – je me suis trompé sur le chiffre. Il faudra les gérer, les rendre sans doute plus cohérentes, ce qui permettra du même coup de percevoir des recettes qui n’étaient pas prévues initialement. Il s’agit donc d’un processus gagnant-gagnant.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-402.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-511, présenté par M. Leconte et Mme Lepage, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

8 000 000

 

8 000 000

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

 

 

 

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

8 000 000

 

8 000 000

 

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

8 000 000

8 000 000

8 000 000

8 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Comme l’indiquait Olivier Cadic, il y a un certain nombre d’enfants français qui ne sont pas scolarisés dans notre réseau et, parmi ceux-là, beaucoup ne sont pas scolarisés parce que leurs parents ne peuvent pas payer les frais de scolarité.

Lorsque la scolarité d’un seul enfant coûte entre 5 000 et 20 000 euros et que les bourses scolaires sont partielles, le reste à charge est trop important. C’est la raison pour laquelle il est absolument essentiel de revaloriser le barème des bourses. Vous l’avez évoqué tout à l’heure, monsieur le ministre, ce barème doit permettre aux familles de payer une juste quotité, qui leur permette de scolariser leurs enfants. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

J’attire votre attention sur deux autres sujets.

Le premier concerne l’enjeu de l’école inclusive. Aujourd’hui, rien n’est vraiment normé en termes de moyens pour aider les familles dont les enfants ont besoin d’auxiliaires de vie scolaire, ou AVS. Lorsqu’on est boursier, il est possible d’obtenir des aides, mais ce n’est pas toujours très clair. En revanche, quand on n’est pas boursier, mais que l’on n’a pas pour autant les moyens de financer un AVS, on n’a rien. Il faudrait donc mieux prendre en compte cet objectif.

Le second a trait aux voies de recours. Ce n’est pas parce que l’on obtient une bourse à 10 % que l’on a pour autant obtenu satisfaction. Cela veut seulement dire qu’il vous reste 90 % des frais de scolarité à payer.

Pour les familles qui se voient notifier une décision en première commission, il faut mettre en place un système qui garantisse des voies de recours et qui informe systématiquement les familles de ces voies. Toutes les familles concernées ont en effet le droit de déposer un recours en seconde commission.

C’est une vraie souffrance pour nous de constater, comme nous l’avons fait lors du projet de loi de finances rectificative pour 2018, que 11 millions d’euros repartent vers le budget général, faute d’avoir été utilisés. C’est une souffrance quand on voit le nombre de familles qui ne peuvent pas scolariser leurs enfants pour des raisons financières.

Cela étant, dans la mesure où il est quasi identique à l’amendement n° II-468, je ne comprends pas pourquoi mon amendement n’est pas tombé. Cela m’aura au moins permis d’insister sur une question réellement importante.

M. le président. Compte tenu de ce que vous nous expliquez, monsieur Leconte, souhaitez-vous maintenir l’amendement n° II-511 ?

M. Jean-Yves Leconte. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-511 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-469 est présenté par Mme Lepage, MM. Todeschini, Kanner et Boutant, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° II-564 est présenté par MM. Capus, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

 

5 000 000

5 000 000

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

5 000 000

5 000 000

 

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

 

 

 

 

Présidence française du G7

 

 

 

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Claudine Lepage, pour présenter l’amendement n° II-469.

Mme Claudine Lepage. Cet amendement vise à doubler la hausse de 5 millions d’euros de crédits décidée par le Gouvernement, en abondant le budget par un montant équivalent en faveur de la coopération culturelle et de la promotion du français.

Le doublement de ces crédits résulte de la conviction que l’apprentissage ainsi que la promotion de la langue française et du plurilinguisme constituent une nécessité et un atout dans la mondialisation, de même qu’un facteur de diversité indispensable.

Cette mesure permettrait d’augmenter les dotations aux instituts français et les subventions aux alliances françaises, qui en ont besoin pour être de véritables acteurs de la modernisation de l’offre éducative et de la coopération linguistique.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour présenter l’amendement n° II-564.

M. Alain Fouché. En préambule, je veux rappeler à certains de mes collègues qui se sont exprimés que la suppression de la réserve parlementaire a eu des effets néfastes, que celle-ci n’a pas été redistribuée et a été en grande partie conservée par l’État, contrairement à ce qui avait été annoncé.

Pour en revenir à mon amendement, il vise, comme l’amendement précédent, un doublement des crédits et résulte de la conviction que le rayonnement culturel de la France ainsi que la promotion de la langue française et le pluralisme constituent une nécessité et un atout dans la mondialisation, de même qu’un facteur de diversité indispensable, et ce dans tous les domaines : instituts français, subventions aux alliances françaises, etc.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. La commission demande à leurs auteurs de retirer ces amendements, faute de quoi elle y sera défavorable. En effet, on a déjà voté tout à l’heure un amendement qui augmente de 600 000 euros les crédits de l’Alliance française.

Mme Hélène Conway-Mouret. Non, ce sont les crédits de la Fondation Alliance française !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.

Mme Claudine Lepage. Je tiens à apporter une précision. On fait souvent la confusion, monsieur le rapporteur spécial, entre l’Institut français, qui est un établissement public industriel et commercial situé à Paris, la Fondation Alliance française, également située à Paris, et le réseau des instituts français et celui des alliances françaises.

En réalité, il n’y a aucun lien entre les réseaux des instituts et des alliances et les organismes que j’ai mentionnés. Quand on accorde une subvention à la Fondation Alliance française, c’est pour son fonctionnement. Cela ne veut pas dire que les alliances françaises situées partout dans le monde en bénéficieront.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-469 et II-564.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 71 ter et les amendements portant article additionnel après l’article 71 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

Action extérieure de lÉtat

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-517

Article 71 ter (nouveau)

I. – Le 1° du I de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 est abrogé.

II. – Le Gouvernement joint au projet de loi de finances de l’année une annexe générale présentant :

1° Ses choix stratégiques quant à la présence géographique et fonctionnelle à l’étranger de l’État et de ses opérateurs ;

2° Les réformes envisagées ou engagées pour diminuer de 10 %, à horizon 2022, la masse salariale afférente aux personnels de l’État et de ses opérateurs en poste à l’étranger, en faisant ressortir, en crédits et en effectifs, la contribution de chaque ministère et opérateur à cette diminution ;

3° L’état du parc immobilier de l’État et de ses opérateurs à l’étranger, les dispositions prises pour le rationaliser ainsi que les économies et recettes qui en découlent.

M. le président. Je mets aux voix l’article 71 ter.

(Larticle 71 ter est adopté.)

Article 71 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-513

Articles additionnels après l’article 71 ter

M. le président. L’amendement n° II-517, présenté par M. Leconte et Mmes Conway-Mouret et Lepage, est ainsi libellé :

Après l’article 71 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour l’application du plafond des autorisations d’emplois du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » de la mission « Action extérieure de l’État », le calcul du montant des équivalents temps plein travaillés attribué à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger s’effectue par l’addition des prorata de rémunération de chaque équivalent temps plein travaillé qui ne sont pas financés par une ressource extrabudgétaire.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite évoquer la question des plafonds d’emplois de l’AEFE et de leur mode de calcul.

Le Président de la République a annoncé vouloir doubler le nombre des élèves dans les établissements conventionnés. Or le plafond d’emplois dans ces établissements passe de 6 117 à 5 882 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, en un an.

Pour remédier à ce problème, et comme nombre de ces ETPT sont financés non par l’État, mais par les frais de scolarité, par les établissements et les familles, je propose un nouveau mode de calcul de ces emplois sur la base de la part effectivement prise en charge par l’État. Ainsi, la part des personnels pris en charge par l’établissement scolaire ne serait pas considérée comme des ETPT. Cette disposition permettrait de favoriser largement le développement de nos établissements scolaires.

J’en profite pour vous interroger sur deux autres sujets, monsieur le ministre

Ma première question touche aux emplois rémunérés par l’AEFE. Le bleu budgétaire précise qu’il existe 4 894 ETPT rémunérés par cet opérateur hors plafond. Comment expliquez-vous ces 4 894 ETPT, alors que les emplois rémunérés dans les établissements en gestion directe, y compris donc s’agissant de l’AEFE, sont censés être sous plafond ? Il y a là une contradiction.

Deuxième question : je voudrais avoir votre opinion sur les plafonds d’emplois qui s’appliquent aux établissements à autonomie financière, c’est-à-dire à nos instituts français à l’étranger. Quand nous allons les voter dans le cadre de l’examen de l’article 45, vous ne serez pas au banc du Gouvernement. Ce dispositif est absolument aberrant, parce que ces plafonds empêchent nos instituts de disposer des moyens, c’est-à-dire des personnels, leur permettant de développer leur activité.

C’est la raison pour laquelle la question des plafonds d’emplois mérite d’être posée dans cette discussion budgétaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. Si ma mémoire est bonne, vous aviez déposé un amendement similaire l’an dernier, mon cher collègue, et la commission avait déjà émis un avis défavorable.

C’est vrai que l’AEFE présente des spécificités en tant qu’opérateur de l’État, mais l’amendement tend à calculer son plafond d’emplois de manière dérogatoire. Vous présentez un raisonnement qui peut y conduire, mais, à ce stade, la commission des finances émettra de nouveau un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement, même si la question posée est juste et mérite qu’on y réfléchisse.

Il est encore un peu prématuré d’y apporter des solutions, mais il est certain que cette question va revenir d’une manière ou d’une autre dans le cadre des réflexions en cours sur le possible doublement du nombre d’élèves dans les établissements. Je préfère que le sujet soit débattu dans ce cadre qu’au détour d’un amendement. Vous aviez déjà fait une telle proposition l’année dernière, mais elle n’a tout simplement pas encore sa pertinence pour l’instant.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-517.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-517
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-516

M. le président. L’amendement n° II-513, présenté par M. Leconte et Mmes Conway-Mouret et Lepage, est ainsi libellé :

Après l’article 71 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 6° du II de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Réduction d’impôt accordée au titre des frais de scolarité des enfants poursuivant des études du premier ou du second degré dans un établissement français d’enseignement à l’étranger

« Art. 199 quater … – I. – Les contribuables peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu lorsque les enfants qu’ils ont à leur charge, au sens de l’article 196, sont scolarisés dans les enseignements du premier ou du second degré dans des établissements français d’enseignement à l’étranger, mentionnés au titre V du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation, durant l’année scolaire en cours au 31 décembre de l’année d’imposition.

« La réduction d’impôt s’applique également lorsque l’enfant est majeur et âgé de moins de vingt-et-un ans, qu’il a opté pour le rattachement au foyer fiscal dont il faisait partie avant sa majorité, en application du 3 de l’article 6 du présent code, dès lors qu’il est scolarisé dans un enseignement du second degré durant l’année scolaire en cours au 31 décembre de l’année d’imposition en vue de l’obtention du baccalauréat.

« II. – La réduction d’impôt est égale aux frais de scolarité engagés par les contribuables, déduction faite de la part prise en charge par l’employeur ou par une bourse, mentionnée au 5° de l’article L. 452-2 du code de l’éducation.

« Son montant est divisé par deux lorsque l’enfant est réputé à charge égale de l’un et l’autre de ses parents.

« III. – Le bénéfice de la réduction d’impôt est subordonné à la condition que soient mentionnés sur la déclaration des revenus, pour chaque enfant concerné, ses nom et prénom, le nom de l’établissement scolaire et la classe qu’il fréquente.

« Le 5 du I de l’article 197 est applicable.

« IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Comme tout à l’heure pour mon amendement sur les bourses scolaires, je me demande pourquoi on examine cet amendement à ce stade de la discussion budgétaire. C’est une surprise pour moi, mais il s’agit sûrement des mystères de la séance…

Je propose que les frais de scolarité payés par un contribuable français puissent ouvrir droit à une réduction d’impôt. Eu égard au montant de ces frais, il me semble important d’aider toutes les familles qui scolarisent leurs enfants dans les établissements scolaires. Cette disposition permettrait d’accompagner certaines familles, qui ont deux ou trois enfants dans le réseau et qui sont en partie contribuables en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. La commission est défavorable à l’amendement.

Pourquoi créer une réduction d’impôt spécifique pour les Français de l’étranger ? Pourquoi pas pour les autres Français qui ont aussi des enfants scolarisés ?

Il n’y a aucune raison de prévoir une réduction spécifique à l’étranger, qui ne s’appliquerait pas sur l’ensemble du territoire.

En outre, cette mesure a un coût, mon cher collègue. Quel est-il, selon vous ? Vous ne l’avez pas chiffré et c’est embêtant. La commission, pour sa part, a évalué le coût de cette disposition à 650 millions d’euros au bas mot, en tablant sur 125 000 bénéficiaires ! (M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, sexclame.)

M. Ladislas Poniatowski. Il n’y a qu’à dire que c’est le G7 qui va le garantir !

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Honnêtement, ce coût est hyper-excessif, ce qui fait que la commission y est hyper-défavorable ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis défavorable, avec les mêmes superlatifs que la commission ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur spécial, ce n’est pas parce que cet amendement ne devrait probablement être examiné à ce stade du débat budgétaire qu’il faut donner des évaluations complètement déraisonnables.

Au total, les frais de scolarité dans les établissements scolaires français à l’étranger coûtent aux familles entre 2 milliards et 2,2 milliards d’euros. Dès lors que, dans 90 % des cas, ces personnes sont résidentes fiscales dans le pays dans lequel elles habitent, je ne vois pas comment on pourrait arriver à un tel chiffrage. Le coût de la mesure équivaudrait au quart de ce que l’ensemble des familles paie. C’est complètement dément ! Je n’ai pas chiffré le dispositif que je propose, mais je préfère ne pas le faire plutôt que de donner une telle estimation.

Sur le fond, les frais de scolarité dont je parle n’ont rien à voir avec les frais de scolarité d’un établissement privé sous contrat en France. On évalue ces frais entre 4 000 et 15 000 euros par enfant. Chaque famille qui scolarise ses enfants participe au financement d’un établissement scolaire et au rayonnement de la France. Et ce n’est pas spécifique aux Français de l’étranger, c’est spécifique à toute personne qui scolarise ses enfants dans le réseau et qui est pour partie contribuable en France.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-513.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-513
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-515

M. le président. L’amendement n° II-516, présenté par M. Leconte et Mme Lepage, est ainsi libellé :

Après l’article 71 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase de l’article L. 452-8 du code de l’éducation, après les mots : « des frais de scolarité », sont insérés les mots : « , du produit des frais de cession ».

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. En 2018, pour la première fois, une activité développée par un établissement scolaire en gestion directe a été cédée à un opérateur privé sans appel à manifestation d’intérêt et sans qu’un protocole d’accord entre l’État, l’AEFE et le repreneur, qui précise les conditions de la transaction, ait été rendu public.

Ce type d’opération est absolument inadmissible, d’autant qu’aucune clarification n’a été faite pour l’instant. C’est la raison pour laquelle il nous semble utile de prévoir que le rapport annuel que l’AEFE remet au Parlement devra préciser le produit des frais de cession qu’elle opère en son sein.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. Jean-Yves Leconte parle vraisemblablement du cas d’une école à Saint-Pétersbourg. Il s’agit d’une mesure de transparence, qui sera utile à tous. Elle est tout à fait raisonnable et ne coûte rien, qui plus est. La commission est donc favorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-516.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-516
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-519

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 71 ter.

L’amendement n° II-515, présenté par M. Leconte et Mmes Conway-Mouret et Lepage, est ainsi libellé :

Après l’article 71 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les établissements scolaires établis à l’étranger, homologués par l’éducation nationale et accueillant du personnel détaché direct par l’éducation nationale, paient annuellement à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger une redevance de :

1° 4 000 € par détaché direct s’il y a moins de 2,5 détachés directs pour 100 élèves inscrits dans le cursus homologué, ou si le cursus a moins de 30 élèves et un maximum d’un détaché ;

2° 10 000 € par détaché direct s’il y a plus de 2,5 détachés pour 100 élèves dans le cursus homologué.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. J’ai déjà déposé un amendement similaire l’an dernier.

Depuis lors, je me suis rendu compte que le nombre de personnels détachés directs dans le réseau homologué est passé de 2 190 à 2 490, ce qui représente pour l’État un coût caché de plus de 10 millions d’euros supplémentaires.

Les établissements homologués par l’éducation nationale, dits « partenaires » ou « totalement privés », ne sont pas à coût zéro pour l’État. Chaque personnel détaché direct dans ces établissements, même si son salaire est payé directement par l’établissement lui-même, voit sa pension civile de fonctionnaire prise en charge par l’État : cela représente entre 20 000 et 30 000 euros par an et par enseignant. C’est d’ailleurs l’une des difficultés que rencontre l’AEFE avec les personnels qui sont détachés auprès d’elle.

Le dispositif que je propose contribue à verser environ 10 millions d’euros de plus – c’est l’estimation que j’en fais – à l’État pour combler les 10 millions d’euros de coût caché qu’engendre l’augmentation du nombre de détachés directs entre cette année et l’année dernière.

D’une manière plus générale, dans le cadre de la réflexion sur l’évolution du réseau de l’enseignement français à l’étranger, nous ne pouvons pas continuer avec ces personnels détachés directs qui coûtent à l’État, d’autant que ce coût est complètement caché et ignoré de tous. On parle d’établissements autofinancés, alors que c’est inexact. Il me semblerait par conséquent logique de demander à ces établissements de contribuer auprès de l’État de la même manière que les établissements gérés par l’AEFE.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. Comme l’an dernier, la commission est défavorable à l’amendement.

Il s’agit d’une vraie question, mais l’adoption de cet amendement aurait des conséquences qui dépassent l’objectif visé. Elle conduirait notamment à instaurer une forme de redevance de la part des établissements partenaires, que le Gouvernement souhaite au contraire développer pour accroître notamment le nombre d’élèves. Le problème soulevé en termes d’équité entre les établissements est bien réel, mais il mériterait d’être étudié dans le cadre d’un débat plus approfondi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement, tout en précisant que la question posée est légitime. Il faudrait probablement l’étudier dans un cadre plus large. Ce sujet fait partie des réflexions en cours sur la perspective de doublement des capacités d’accueil de nos établissements et des partenariats à développer.

Je vous demanderai de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, faute de quoi j’y serai défavorable pour une raison d’opportunité et de moment.

M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° II-515 est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Leconte. Non, monsieur le président, compte tenu des propos que je viens d’entendre. Cela étant, il faudra vraiment prendre ce sujet en compte dans la réflexion sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger.

Je retire l’amendement.

Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-515
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Recherche et enseignement supérieur

M. le président. L’amendement n° II-515 est retiré.

L’amendement n° II-519, présenté par M. Leconte et Mmes Conway-Mouret et Lepage, est ainsi libellé :

Après l’article 71 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois à compter de la publication de la présente loi, le ministre chargé de l’économie et le ministre des affaires étrangères remettent au Parlement un rapport portant sur l’application de l’article 51 de la loi de finances rectificative pour 1964 (n° 64-1278 du 23 décembre 1964), complété par l’article 89 de la loi n° 70-1199 de finances pour 1971.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement est tout autant essentiel pour le développement du réseau d’enseignement français à l’étranger que le précédent.

Depuis 1971, un décret précise les modalités d’attribution de la garantie de l’État à des écoles françaises privées à l’étranger développant des projets immobiliers. Ce dispositif est absolument primordial pour le développement de notre réseau.

Toutefois, la direction générale du Trésor a décidé, en août 2018, de ne plus participer aux comités de prêts, qui aidaient à la préparation des dossiers de demande de garantie de l’État.

Compte tenu de l’évolution du nombre des dossiers, de leur montant et des risques encourus, je peux comprendre qu’une réflexion s’engage sur la manière d’attribuer cette garantie de l’État. Cependant, nous ne pouvons accepter que des projets soient bloqués, gelés ou même abandonnés en raison de l’incertitude qui pèse aujourd’hui sur les futures modalités d’attribution de la garantie de l’État.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la remise d’un rapport portant sur l’application des dispositions des lois de 1964 et de 1971, qui prévoyaient la mise en place de cette garantie.

Aujourd’hui, plus d’une dizaine d’établissements ont gelé ou abandonné leurs projets et attendent des informations. Je le répète, cette problématique est primordiale pour la croissance du réseau d’enseignement français à l’étranger. Monsieur le ministre, que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. En ce qui concerne les demandes de rapport, le Sénat recommande parfois d’en limiter le nombre. En même temps, il s’agit d’un vrai sujet : la commission est donc plutôt favorable à l’amendement si le Gouvernement l’est aussi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement considère lui aussi qu’il s’agit d’un vrai sujet, qui mérite d’être étudié et approfondi, et sur lequel on doit faire des propositions. J’y réfléchis moi-même dans le cadre du projet dont j’ai parlé à plusieurs reprises.

Pour juger de l’opportunité de cette demande de rapport supplémentaire – s’il y a parfois des demandes de rapport sur des sujets accessoires, celle-ci a du sens -, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-519.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 71 ter.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de la France ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. David Assouline.)

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Recherche et enseignement supérieur

Article additionnel après l'article 71 ter - Amendement n° II-519
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (et articles 78 et 78 bis).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour lenseignement supérieur. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, les crédits de paiement alloués à cette mission s’élèvent à 27 milliards d’euros. Ils progressent de plus de 500 millions d’euros.

Ces augmentations doivent être mises en regard des annulations de crédits prévues dans le projet de loi de finances rectificative pour 2018, qui se montent à plus de 200 millions d’euros sur cette mission. Ce que la loi de finances donne, la loi de finances rectificative peut le reprendre en gestion, ce qui limite la portée de notre vote de ce jour !

M. Pierre Ouzoulias. Exactement !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Le budget de l’enseignement supérieur stricto sensu s’inscrit, cette année, dans la trajectoire dessinée par la loi de finances pour 2018. Les programmes 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », et 231, « Vie étudiante », connaissent une légère progression de plus de 1 %, soit 173 millions d’euros en crédits de paiement.

Ce budget est globalement satisfaisant, madame la ministre, dans le contexte budgétaire actuel.

De plus, il faut prendre en considération les crédits consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche dans le Grand plan d’investissement, qui s’élèvent à 645 millions d’euros.

Je partage les principales orientations de la politique sous-tendant ce budget, en particulier, le plan Étudiants et l’importance accordée à l’orientation – c’est en orientant mieux les étudiants que l’on réduira l’échec en licence, qui touche 40 % d’entre eux –, ainsi que l’insertion professionnelle des jeunes.

Voilà pour le positif. Mais j’ai aussi quelques réserves, madame la ministre.

J’observe, cette année encore, que les dépenses salariales contraintes ne sont pas intégralement budgétées, et ce dans une fourchette allant de 50 millions à 100 millions d’euros. Il est insupportable de ne pas prévoir une dépense pourtant certaine.

Le glissement vieillesse-technicité, le GVT, des établissements – une dépense obligatoire – ne pourra pas être couvert. Par ailleurs, de nombreux emplois pourtant budgétés ne seront pas créés puisqu’ils servent de variable d’ajustement. Ce n’est pas une bonne méthode, et cela réduit la portée des moyens annoncés.

S’agissant des dotations des universités, la subvention pour charges de service public notifiée à chaque établissement est aujourd’hui encore presque intégralement déterminée à partir du montant de la notification de l’année précédente, à laquelle sont appliqués différents ajustements, très marginaux puisqu’ils n’excèdent pas 5 %.

Je souhaite, madame la ministre, que votre administration s’oriente vers un pilotage plus fin des dotations aux opérateurs, tenant compte, notamment, de la stratégie et des enjeux propres à chacun d’eux.

Les ressources propres de ces universités ne représentent, en moyenne, que 16 % de leurs dépenses de fonctionnement, ce qui est tout à fait insuffisant. On espère que la valorisation de la recherche pourra faire évoluer la situation.

Les frais d’inscription demeurent extrêmement faibles. M. le Premier ministre a annoncé que les étudiants non européens pourraient voir leur cotisation augmenter substantiellement, potentiellement de 170 euros à 2 700 euros, et, dans un très récent rapport, la Cour des comptes recommande d’augmenter également les frais d’inscription pour les étudiants français, du moins en master et en doctorat, mais à des niveaux moindres.

Année après année, je milite pour que l’on améliore la situation des étudiants, en augmentant les frais d’inscription. On accepte aujourd’hui plus facilement de payer une cotisation à un club de sport, dont l’effet ne sera pas le même sur l’avenir des jeunes : c’est anormal ! Aujourd’hui, les étudiants en licence s’acquittent de moins de 2 % du coût réel de leurs études ; nous avons de la marge, je pense, pour pouvoir agir.

Cela dit, ces nouvelles ressources seront, et devront l’être, de la responsabilité des universités, pour leur montant comme pour leur affectation. Madame la ministre, entendez-vous néanmoins faire des préconisations pour que ces sommes soient mises au service des étudiants, de leur environnement, de la pédagogie ? Il ne serait pas normal qu’elles servent à pallier l’absence de financement par l’État pour, par exemple, le GVT. Je souhaite, sur ce point, avoir des assurances de votre part.

Le soutien à l’enseignement supérieur privé demeure trop limité, de mon point de vue.

Le montant moyen de la subvention de l’État par étudiant a diminué de 45 % entre 2008 et 2018. C’est d’autant plus préjudiciable que les établissements d’enseignement supérieur accueillent un nombre croissant d’étudiants.

Un étudiant inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, un EESPIG, est aujourd’hui soutenu par l’État à hauteur de 600 euros, en moyenne, alors que le coût par étudiant dans le secteur public s’élève à plus de 9 000 euros, et l’économie que représentent ces 100 000 étudiants pour le budget de l’État s’élève donc à environ 800 millions d’euros.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission vous propose d’adopter un amendement tendant à augmenter la dotation allouée à ces établissements, dont certains éprouvent de réelles difficultés, et ce d’autant plus si certaines municipalités se désengagent.

Les crédits du programme 231, « Vie étudiante », connaissent des changements modestes pour 2019.

Le projet de loi de finances introduit la contribution vie étudiante et de campus, la CVEC, dans la liste des taxes affectées, plafonnant son produit à 95 millions d’euros.

Dans la mesure où la collecte de 2018 semble d’ores et déjà s’établir autour de 115 à 120 millions d’euros, une vingtaine ou une trentaine de millions d’euros collectés sur le revenu des étudiants pourraient ainsi abonder le budget de l’État et participer à l’équilibre des finances publiques. J’estime, madame la ministre, que l’argent ainsi collecté doit être intégralement affecté à la vie étudiante et que le plafond de cette taxe affectée doit être réévalué et amendé dès le projet de loi de finances pour 2019.

Les cotisations pour la mutuelle étudiante, qui s’élevaient en moyenne à 217 euros par étudiant, sont remplacées par cette CVEC d’environ 90 euros.

Un tel allégement de coûts pour les étudiants est plutôt positif. En revanche, la méthode employée a quelque chose de peu convenable : alors que tous les étudiants paieront cette contribution, y compris ceux qui sont inscrits dans des EESPIG, ces derniers recevront seulement 20 euros en retour, contre 40 euros pour les étudiants des établissements publics. Je ne comprends pas cette inégalité de traitement, madame la ministre, et j’aimerais que vous nous disiez ce que vous comptez faire pour y remédier.

Ces observations faites, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », sous réserve de l’adoption de son amendement. (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la recherche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, mon intervention portera sur les sept programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche.

En préambule, je souhaiterais souligner qu’en dépit d’un contexte budgétaire contraint, le volet « recherche » de la mission voit ses crédits progresser, et ce pour la seconde année consécutive. Parce qu’il constitue la dépense d’avenir par excellence, c’est un budget prioritaire, au même titre que ceux de la sécurité, de la justice ou de l’éducation.

La somme des budgets des programmes relatifs à la recherche devrait atteindre 11,75 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 11,86 milliards d’euros en crédits de paiement en 2019, soit une hausse de 330 millions d’euros – 2,9 % – par rapport au budget 2018.

Le budget pour 2019 s’inscrit ainsi dans la trajectoire dessinée pour 2018, avec une forte progression des crédits alloués à ces programmes sur deux ans : de l’ordre de 817 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 440 millions d’euros en crédits de paiement.

Le montant total des crédits alloués aux programmes dépendant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est-à-dire les programmes 172, « Recherches scientifiques et technologies pluridisciplinaires », et 193, « Recherche spatiale », s’établira à 8,8 milliards d’euros, soit une forte hausse de 376,4 millions d’euros par rapport à 2018.

Ces programmes captant l’intégralité de la hausse des crédits de la mission, je souhaiterais m’arrêter sur quelques points saillants qui m’ont interpellé au cours des auditions.

Tout d’abord, le budget alloué à la recherche spatiale, en progression de 205 millions d’euros, absorbe les deux tiers de l’augmentation des crédits du volet « recherche », pour atteindre 1,8 milliard d’euros. Cette hausse serait destinée à financer les engagements de la France sur le programme Ariane 6, tout en poursuivant l’apurement de la dette française auprès de l’Agence spatiale européenne, l’ESA.

Je note à ce sujet, madame la ministre, que la contribution française à l’ESA franchit cette année le cap symbolique du milliard d’euros, en passant de 963 millions d’euros à 1,17 milliard d’euros en 2019.

Par ailleurs, le relèvement des moyens financiers de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, se poursuit. Avec une augmentation de 86,3 millions d’euros en crédits de paiement, l’agence devrait être en mesure de renouer avec un taux de succès sur les appels à projets supérieur à 15 %.

Peut-on pour autant considérer que l’objectif que s’est fixé le Président de la République, à savoir redonner à l’ANR des moyens dignes de ceux de ses homologues étrangers, est atteint ? Assurément pas ! L’augmentation de son budget doit rester une priorité pour se rapprocher des standards européens en matière de recherche sur projets, avec un taux de succès moyen de 24 %.

Cette évolution est d’autant plus nécessaire que nos chercheurs peinent à obtenir des financements européens, comme en attestent les chiffres du programme-cadre Horizon 2020, peu flatteurs pour la France.

Enfin, le plan Intelligence artificielle bénéficiera de 17 millions d’euros en 2019, auxquels s’ajoutent 12 millions d’euros en provenance des programmes d’investissements d’avenir, les PIA, pour accompagner la mise en place d’un réseau emblématique d’instituts dédiés à l’intelligence artificielle.

Je ne peux que saluer, madame la ministre, les efforts consentis afin de doter la France d’une véritable stratégie en matière d’intelligence artificielle. Je regrette néanmoins que les moyens alloués au plan Intelligence artificielle en 2019 demeurent très en deçà des annonces gouvernementales, d’une part, et difficilement traçables, d’autre part. Je reste convaincu que ce n’est que par l’intelligence artificielle européenne que nous pourrons éviter de devenir dépendants des géants qui nous entourent.

S’il faut nous féliciter de toutes ces hausses de crédit, je tiens à rappeler qu’elles se font au détriment des organismes de recherche, lesquels voient leurs dotations diminuer ou stagner.

Confrontés à une augmentation considérable de leur masse salariale, ces organismes n’ont souvent d’autre choix que de réduire leurs effectifs, ce d’autant, madame la ministre, que le GVT n’est pas compensé pour eux – Philippe Adnot vient de le préciser.

Les directeurs des organismes de recherche m’ont, par ailleurs, signalé plusieurs situations d’impasse budgétaire.

Ainsi le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, se retrouvera confronté, à moyen terme, à un surcoût de plusieurs centaines de millions d’euros dans le cadre de la construction du réacteur Jules Horowitz, tandis que les plans Santé commandés par le Gouvernement à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, doivent bénéficier des financements adéquats, combinés, d’ailleurs, avec les fonds européens sur certains programmes.

À plus long terme, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, devra faire face à des besoins de financement de l’ordre de 500 millions d’euros pour le renouvellement de la flotte océanographique, sans qu’aucun plan d’investissement à moyen terme ait été élaboré à ce jour.

Je note toutefois avec satisfaction que le Premier ministre a annoncé le lancement d’une réflexion à ce sujet, lors du comité interministériel de la mer du 15 novembre. Je ne saurai qu’inviter le Gouvernement à poursuivre dans cette voie, de manière à anticiper au mieux les besoins d’investissement de notre flotte océanographique.

Les autres programmes, qui ne dépendent pas du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, voient leurs crédits stagner ou diminuer en 2019. Ce sera notamment le cas des programmes 192, « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », 191, « Recherche duale (civile et militaire) », et 186, « Recherche culturelle et culture scientifique ».

Deux exceptions à cette tendance morose sont à noter.

Le programme 142, « Enseignement supérieur et recherche agricoles », qui porte, notamment, les crédits de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, voit ses crédits progresser de 2 %.

Je voudrais rappeler, à ce sujet, que l’année 2019 sera marquée par la préparation de la fusion de ces deux organismes en un institut unique, qui devrait voir le jour le 1er janvier 2020.

M. Jérôme Bascher. Il était temps !

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Une enveloppe de 4 millions d’euros supplémentaires est débloquée pour couvrir les besoins engendrés par ce processus.

Le programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » bénéficiera, lui, d’une augmentation de 5,8 millions d’euros. J’attire néanmoins votre attention sur le fait que, en dépit de cette hausse, l’Institut français du pétrole-Énergies nouvelles, l’IFPEN, verra sa subvention diminuer de 4,1 millions d’euros en 2019, puis en 2020.

Je voudrais terminer mon intervention par quelques considérations sur le crédit d’impôt recherche, ou CIR.

Si cette dépense fiscale représente un coût considérable pour les finances publiques, de l’ordre de 6,2 milliards d’euros en 2019, la plupart des évaluations s’accordent à reconnaître l’existence d’un effet positif. Pour que la France ne se laisse pas distancer dans la compétition internationale, pour qu’elle reste la cinquième puissance scientifique mondiale, ce soutien à la recherche privée doit être maintenu.

En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, j’indique que la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits, qui bénéficient de hausses importantes, de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », dont le budget marque, cela vient d’être dit, un nouvel effort en faveur de la recherche.

Voici, résumées, nos principales observations.

Sur la politique spatiale européenne, qui constitue de loin le premier poste d’augmentation de ce budget, il faut absolument réduire les coûts et amplifier l’effort d’innovation dans le domaine des lanceurs. Les États européens doivent également s’accorder sur le principe de « préférence européenne ». Notre souveraineté en dépend.

Sur l’Agence nationale de la recherche, l’effort budgétaire mériterait d’être amplifié à l’avenir, pour parvenir à un taux de sélection de 20 % et éviter le découragement des chercheurs.

Sur le programme 190, nous appelons à la plus grande vigilance sur la situation de trésorerie de l’IFPEN, qui connaît une baisse continue de sa subvention.

Sur le programme 192, la diminution de la dotation servant à financer les aides à l’innovation octroyées par Bpifrance doit cesser. Le plancher de 120 millions d’euros ne devra pas être dépassé.

Quant à la suppression du fonds unique interministériel, qui marque un désengagement de l’État dans la politique des pôles de compétitivité, il ne faudrait pas, madame la ministre, qu’elle conduise à l’assèchement financier. Les rôles respectifs de l’État et des régions dans la phase IV des pôles mériteraient aussi d’être clairement définis.

J’ai porté une attention particulière à la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle. Cette stratégie a probablement trop tardé, mais elle a le mérite d’exister.

Si le chiffre de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans peut impressionner, il est à relativiser, au regard des investissements publics réalisés par les États-Unis et la Chine en rapport à leur poids dans l’économie mondiale. Mais, surtout, 9 % seulement de cette somme sera composée de crédits nouveaux.

La mise en œuvre a déjà débuté en 2018, ce qu’il convient de saluer. Il s’agit dorénavant d’accélérer, car la France ne peut se permettre de perdre plus de temps. Il conviendrait de s’appuyer sur des coopérations bilatérales et de peser sur la définition de la stratégie au niveau européen pour décupler l’impact de la nôtre.

Enfin, madame la ministre, il serait bienvenu que, à l’avenir, la ventilation des crédits affectés au plan soit bien précisée dans les documents budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication, pour la recherche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Jean-François Rapin a rappelé les évolutions positives des crédits consacrés à la recherche. Celles-ci ne doivent cependant pas masquer les menaces qui pèsent sur la recherche à moyen terme.

Il y a lieu, tout d’abord, de s’inquiéter de la place de plus en plus importante que prennent les financements sur projets dans le budget des opérateurs de recherche. S’ils constituent désormais des ressources complémentaires indispensables, ils ne compensent que partiellement la diminution de la dotation de base dans le temps.

Il faut, ensuite, aborder avec lucidité la question du niveau des subventions pour charges de service public ; celles-ci sont à ce jour largement obérées par l’augmentation de la masse salariale, notamment par le coût du glissement vieillesse-technicité. Ces charges salariales élevées, subies et, donc, indépendantes de la stratégie des opérateurs en matière de ressources humaines contraignent un certain nombre d’entre eux à réduire leurs effectifs, dans des proportions parfois importantes. Une telle situation n’est pas tenable à long terme et menace les projets de recherche.

Je souhaiterais également aborder le financement des plans Santé confiés à l’INSERM. Lors de votre audition par la commission de la culture, madame la ministre, vous avez évoqué un effort de 17 millions d’euros en gestion pour 2019. Je suis ravie de voir que les alertes que le président Alain Milon et moi-même vous adressons depuis un an ont porté leurs fruits. Toutefois, la stratégie nationale de santé publique ne mérite-t-elle pas une inscription, dès la loi de finances initiale, des crédits qui lui seront affectés ?

En conclusion, je souhaiterais appeler votre attention sur trois objectifs, qui me semblent prioritaires pour 2019.

Le premier objectif est, de mon point de vue, la nécessaire revalorisation salariale des chercheurs et la remise à plat de leur régime indemnitaire. Il y va de l’attractivité du métier de chercheur et de la capacité de la France à tenir son rang dans le domaine stratégique de recherche.

Le second objectif est de réussir la fusion entre l’INRA et l’IRSTEA. C’est un beau projet scientifique, qui doit être soutenu financièrement par les deux ministères de tutelle jusqu’au bout.

Le troisième objectif est de rétablir un lien de confiance entre l’État et le CEA, et d’éviter que les solutions arrêtées pour limiter le coût des projets de recherche dans le nucléaire ne pénalisent l’ensemble des activités de recherche du centre.

Enfin, je ne saurais trop insister sur la nécessité de donner au plateau de Saclay les moyens de ses ambitions. Vitrine française de la recherche et de la formation à l’international, le projet du plateau de Saclay est aujourd’hui menacé dans son développement par l’absence d’infrastructures de transport dignes de ce nom. Il y a urgence à ce que soit construite la ligne 18 du métro du Grand Paris Express.

Sous les réserves que je viens d’évoquer, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication, pour lenseignement supérieur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, qui représente tout de même 6 % du budget général de l’État, avec 28 milliards d’euros, le programme 150 est en légère augmentation de 1,2 %.

Les 166 millions d’euros de crédits supplémentaires, auxquels il convient d’ajouter un moindre gel des crédits à hauteur de 40 millions d’euros, sont à mettre en perspective avec l’inflation à 1,7 %, l’augmentation du budget de l’État de 1,9 % – je ne suis pas sûr que ce soit une bonne référence – et, surtout, l’augmentation des effectifs d’environ 2,5 % sur les deux rentrées de 2018 et 2019.

Mais je veux souligner les dépenses contraintes des établissements d’enseignement supérieur, déjà évoquées précédemment : 50 millions d’euros pour le GVT de l’État, 50 millions d’euros pour l’augmentation de CSG, 30 millions d’euros pour la suite du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », le PPCR.

Il est extrêmement regrettable que de telles charges, qui dépendent de décisions prises par l’État, ne soient pas intégralement compensées.

En définitive, sur l’enveloppe globale, bien peu servira à améliorer les conditions d’études supérieures, alors même que c’était l’objectif prioritaire annoncé par le Gouvernement.

Concernant les établissements privés, j’ai souhaité, comme mon collègue Philippe Adnot, porter un amendement de réévaluation sur trois ans de la contribution aux EESPIG, à hauteur de 1 000 euros par étudiant. Rappelons que, depuis 2000, on constate une augmentation de 62 % des effectifs dans les établissements privés, à comparer à la hausse globale des effectifs de 18 %.

Ce coup de pouce est possible en puisant sur le fonds mobilité, curieusement porté à 30 millions d’euros, alors que les crédits consommés cette année ont été très maigres.

De même, le plafonnement de la CVEC à 95 millions d’euros interroge, alors que le montant de la collecte à la rentrée, déduction faite des remboursements aux boursiers, s’élève à environ 120 millions d’euros.

Près d’un an après l’adoption du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, il conviendra d’observer l’évolution du taux de réussite en licence en trois ans – moins de 30 % aujourd’hui –, mais aussi de la part des sortants du supérieur sans diplôme, 17 % à l’heure actuelle. Les objectifs du Gouvernement dans ce domaine sont particulièrement mesurés !

La création de 31 000 places au printemps, puis cet été, dans les établissements de l’enseignement supérieur est de nature à faire face à l’arrivée de nouveaux étudiants. Mais quid des places vacantes, de l’ordre de 120 000, à l’issue de la procédure Parcoursup ?

De même, l’absence d’accompagnement financier de la réforme annoncée des études de santé, qui va pourtant entrer en vigueur à la rentrée de 2019, est aussi surprenante.

Concernant le programme 231, « Vie étudiante », porté à 2,7 milliards d’euros, il faut saluer les quelques mesures favorables, comme la suppression, à hauteur de 217 millions d’euros, de la cotisation d’assurance maladie, il est vrai compensée en partie par la CVEC, la baisse symbolique des frais de scolarité, le gel du tarif des restaurants universitaires – le ticket RU – depuis 2015 et, enfin, le versement plus rapide des bourses.

Forte de ces constats, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Nelly Tocqueville, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable, pour la recherche en matière de développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie, comme chaque année, du programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui soutient les activités de sept opérateurs dans les domaines du développement durable, de l’énergie, des risques, des transports, de la construction et de l’aménagement du territoire.

À l’heure de la transition écologique, ce programme revêt une importance fondamentale en tant qu’appui scientifique aux politiques en faveur du développement durable.

Ses crédits sont relativement stables par rapport à l’année dernière, ce dont nous pouvons nous réjouir. Mais cette trajectoire globale cache une évolution inégale des subventions allouées aux différents opérateurs.

Comme les années précédentes, le principal bénéficiaire du programme reste de loin le CEA, qui reçoit 1,22 milliard d’euros, soit plus de 75 % des subventions pour charges de service public prévues par le programme.

C’est la raison pour laquelle je voudrais insister, madame la ministre, sur la nécessité d’accélérer les investissements dans la recherche liée, en particulier, à la production d’hydrogène. Le CEA mène en effet d’importants travaux sur cette production décarbonée et sur son utilisation dans les mobilités, domaines dans lesquels la recherche française conserve encore une certaine avance. Mais pour combien de temps encore ?

Il est donc plus que jamais indispensable d’accélérer l’expérimentation et l’amélioration de la performance des infrastructures de production, mais aussi de stockage et de transport de l’hydrogène.

D’autres pays ont récemment accéléré le déploiement de cette technologie : ainsi, l’Allemagne a mis en service son premier train à hydrogène, en Basse-Saxe.

Ma deuxième observation portera sur la subvention attribuée à l’IFP Énergies nouvelles, l’IFPEN, qui diminue de plus de 4 millions d’euros, confirmant une tendance à la baisse observée depuis plusieurs années. En effet, la dotation à l’institut est passée de 169 millions d’euros en 2010 à 128 millions, soit une diminution de près de 25 %. Or l’IFPEN soutient de nombreux projets en matière de nouvelles technologies de l’énergie, en particulier en partenariat avec de petites et moyennes entreprises et pour leur développement.

Madame la ministre, lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, vous avez évoqué un redéploiement de 1 million d’euros en faveur de l’IFPEN. Pouvez-vous nous confirmer cette décision et nous en préciser les modalités ?

Pour conclure, je voudrais insister sur l’impérieuse nécessité de maintenir les fonds alloués au programme 190. Au vu des actions menées par les différents opérateurs, ces ressources contribuent non seulement à la décarbonation de notre économie, mais également à sa compétitivité face à une concurrence internationale de plus en plus rude, y compris en matière d’énergies renouvelables et de transition écologique. Il est donc vital de maintenir un engagement financier à la hauteur des enjeux.

Pour ces différentes raisons, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur l’adoption de ces crédits, mais elle restera néanmoins vigilante.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Antoine Karam. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Antoine Karam. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce soir pour examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Domaine hautement stratégique pour la France, la recherche conditionne la compétitivité de nos entreprises et la performance de notre économie. Je le dis régulièrement, elle constitue également un formidable levier de développement économique et social pour nos territoires.

L’enseignement supérieur est quant à lui cette porte ouverte sur le monde pour nos jeunes, ce guide chargé de les accompagner vers la réussite. Plus largement, il constitue le socle de la diffusion du savoir et, bien sûr, in fine, de la recherche.

On peut donc se satisfaire que la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » soit l’une des mieux préservées de ce budget 2019. Par-delà la ventilation et l’ampleur des lignes budgétaires, on retiendra que l’augmentation de ce budget est de 549 millions d’euros, pour un total de plus de 25 milliards d’euros.

L’enseignement supérieur a été marqué cette année par la mise en œuvre de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. Si des cas spécifiques ont pu poser des difficultés, je veux saluer les efforts accomplis par tous les acteurs dans la mise en place de la plateforme Parcoursup, qui, pour sa première année, a donné satisfaction.

Raccourcissement du calendrier, mobilité intra-académique, ou encore présentation de l’offre de formation : plusieurs pistes d’amélioration ont déjà été envisagées. Nul doute qu’elles seront complétées par le rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup, qui vous sera rendu dans les prochains jours, madame la ministre.

Le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », doté de 13,6 milliards d’euros, enregistre une hausse non négligeable de 166 millions d’euros. Il marque ainsi la montée en puissance du plan Étudiants, dont l’objectif majeur est cher à notre commission de la culture puisqu’il s’agit de réduire l’échec en licence.

L’effort budgétaire s’accompagnera d’une amélioration incontestable des conditions de vie étudiante que nous devons souligner. Pour la première fois, le coût de la rentrée universitaire a été significativement réduit : d’une part, avec la suppression de la cotisation de 217 euros au régime de la sécurité sociale des étudiants ; d’autre part, avec le paiement à date des bourses.

Pour la première fois aussi, la contribution vie étudiante et de campus, la CVEC, a été collectée. Si notre commission a émis des réserves sur les 95 millions d’euros budgétés, je crois que nous pouvons vous faire confiance, madame la ministre, pour que l’argent de la vie étudiante reste bien à la vie étudiante dans la loi de finances rectificative pour 2019.

Il faut le reconnaître : ces changements sont loin d’être négligeables dans la vie et le budget d’un étudiant.

L’année 2019 engage par ailleurs nos universités dans une double dynamique qui doit être poursuivie : d’une part, l’affirmation de l’autonomie des établissements, de nature à garantir l’adaptation de l’offre de formation aux conditions locales ; d’autre part, l’incitation au regroupement, au sein des pôles de compétitivité, des contrats de site ou des projets de recherche collaborative.

C’est une démarche indispensable face aux nécessités du temps.

Je souscris pleinement à cette ambition qui consiste à développer le rayonnement international de nos universités, notamment au niveau européen. Le processus de Bologne a posé les bases de l’espace européen de l’enseignement supérieur, a harmonisé les systèmes nationaux et généralisé une division en trois cycles impliquant une reconnaissance réciproque des qualifications.

Le système européen des crédits favorise la dimension internationale des formations supérieures, et c’est bien. Pour autant, l’université de demain doit également mieux s’inscrire dans son environnement régional. Je pense notamment à nos universités d’outre-mer, qui ont vocation à davantage coopérer et échanger avec les pays de leur bassin géographique, au niveau aussi bien de la recherche que de l’enseignement supérieur.

J’en viens maintenant à la recherche, qui se voit, elle aussi, portée avec ambition par ce budget. En effet, les montants alloués aux programmes de recherche du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation progressent nettement par rapport à la loi de finances pour 2018, pour atteindre 8,66 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 8,76 milliards d’euros en crédits de paiement.

Je voudrais particulièrement souligner l’inscription des 205 millions d’euros destinés à sécuriser le développement du lanceur Ariane 6.

Le Centre spatial guyanais, qui a opéré en septembre dernier le centième tir d’une fusée Ariane 5, devra, avec ce nouveau lanceur, relever le défi d’une concurrence internationale accrue.

Mon collègue Laurent Lafon, que je salue, que j’ai accompagné en Guyane en avril dernier, sera certainement d’accord avec moi : visiter le Centre spatial guyanais vous donne un sentiment étrange, celui que, dans un autre temps, tout n’était qu’une question de volonté. C’est un sentiment assez surréaliste, entre la technologie la plus pointue et les disparités qui existent sur le reste du territoire.

Alors, je dois le dire : lorsque les lobbies écologistes se précipitent en Guyane pour lutter contre tout projet industriel en expliquant que le territoire doit s’engager dans l’économie de la connaissance, je pense d’abord à nos 24 % de chômage et je souris avec amertume.

En effet, selon une récente étude du cabinet Deloitte commandée par le WWF, la création d’un fonds de vitalisation de la biodiversité de 100 millions d’euros pourrait générer en Guyane plus de 10 000 emplois en quinze ans.

Sur le principe, je dis oui – mille fois oui ! – à la valorisation de notre biodiversité, à une économie verte et durable en Guyane. Mais, en pratique et en réalité, où sont les investisseurs, privés comme publics, pour structurer une telle filière ? Pour cela, il faudrait une volonté forte, comparable à celle qu’a déployée le général de Gaulle lorsqu’il s’est agi d’installer le Centre spatial guyanais en 1964.

M. Jérôme Bascher. Très bien !

M. Antoine Karam. Mais en sommes-nous vraiment capables ? C’est là un chantier que je vous soumets, madame la ministre, et pour lequel vous m’aurez toujours à vos côtés : faire de la recherche française un moteur de l’économie de la connaissance en Guyane.

De manière générale, il me semble essentiel d’articuler la recherche fondamentale et la recherche appliquée, et de favoriser l’interaction avec les entreprises dans les domaines d’avenir.

La biodiversité, mais aussi l’économie bleue, l’économie circulaire ou encore le développement des biocarburants – en somme, tout ce qui converge vers la transition écologique – représentent une voie incontournable vers l’avenir autant que des filières d’emplois à structurer.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe votera favorablement les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec une certaine gravité que je porte, au nom des chercheurs, de leurs syndicats et de plusieurs sociétés savantes, devant vous, une grande inquiétude devant le décrochage de la science française.

D’année en année, la part du produit intérieur brut que la France consacre à la recherche ne cesse de diminuer. Elle était de 2,23 % en 2015 et elle devrait être de 2,19 % en 2017.

Non seulement l’objectif ambitieux d’une part de 3 % du PIB s’éloigne inexorablement, mais son écart avec les taux de nos voisins ne cesse de s’accroître. Pour ne prendre que deux exemples, les dépenses de recherche de la Belgique rapportées à son PIB ont dépassé celles de la France en 2012 et ne cessent de progresser ; celles de l’Allemagne se trouvent quasiment au niveau de 3 % du PIB.

Plus grave encore, les dépenses de recherche et développement des industries de la construction spatiale et aéronautique sont en forte baisse, de 3,2 %. Ce désengagement a des conséquences directes sur l’emploi des chercheurs dans ces domaines, en baisse de 1 %. À terme, c’est toute la capacité de recherche et d’innovation de notre pays qui est menacée.

Au XVIe siècle, Jean Bodin affirmait : « Il n’y a richesse, ni force que d’hommes. » La maxime s’applique avec encore plus d’évidence au domaine de la science : il n’y a pas de recherche sans chercheuses et sans chercheurs. Or les opérateurs publics voient leurs effectifs se réduire inéluctablement. Certes, dans les documents budgétaires produits par le Gouvernement, les plafonds d’emplois semblent préservés, mais, pratiquement, ils ne sont jamais atteints et il devient impérieux de nous interroger sur leur sincérité.

Je salue la qualité de l’analyse budgétaire produite par notre collègue Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances. Il montre avec grande précision que le coût des mesures salariales décidées par le Gouvernement n’est jamais intégralement compensé et que les opérateurs de la recherche sont donc obligés de réduire leur masse salariale pour équilibrer leur budget.

Ainsi, pour le CNRS, le coût supplémentaire du financement du seul glissement vieillissement-technicité, le fameux GVT, est évalué, pour le budget de 2019, à 25,3 millions d’euros. Il impose au CNRS de réduire son recrutement de cinquante chercheurs et de le porter à un niveau historiquement bas, qui compromet la crédibilité des concours et, en amont, la pérennité de nombreuses filières de l’enseignement supérieur.

En deux ans, les effectifs du CNRS ont diminué de 375 équivalents temps plein. La baisse est de plus de 1 000 postes depuis 2011.

Je partage totalement ce que fait observer Jean-François Rapin dans son rapport spécial : « Alors que notre pays cherche à attirer des chercheurs, la baisse des effectifs envoie un signal singulièrement négatif. »

J’ajoute que la fuite vers l’étranger est devenue la seule issue possible pour une génération de chercheuses et de chercheurs qui se sent sacrifiée.

Cette saignée a des répercussions sur la capacité de la science française à maintenir son rang. Ainsi, les financements obtenus par les équipes françaises pour le programme-cadre pour la recherche et l’innovation de l’Union européenne étaient encore de 13,5 % de son montant total, pour le cinquième programme, mais de seulement 11,3 % pour le septième, qui s’est achevé en 2013.

De nombreux autres indicateurs attestent la baisse continue de l’influence de la science française. Je regrette vivement que vous donniez à votre ministère la seule ambition de l’accompagner.

À cet affaiblissement de la capacité d’action des opérateurs publics s’ajoutent des choix stratégiques discutables, qui concentrent davantage les aides apportées à la recherche privée sur un dispositif, le crédit d’impôt recherche, ou CIR, qui mobilise plus de 6 milliards d’euros, pour des résultats que, désormais, la représentation nationale considère comme difficilement quantifiables.

Je note que le nouveau fonds pour l’innovation et l’industrie, destiné à « garantir la souveraineté scientifique et technologique de notre pays et de son développement économique », répond à un modus operandi totalement différent de celui du CIR.

Ses axes stratégiques sont définis par un conseil de l’innovation, ses programmes confiés à des responsables chargés de leur mise en œuvre, chaque action faisant l’objet d’une convention et d’un rendu évalué. C’est le fonctionnement normal adopté par tous les pays pour orienter et maîtriser leurs aides à la recherche privée. Il faut se demander pourquoi il ne s’appliquerait pas au CIR.

Comme la recherche publique, l’enseignement supérieur souffre d’un désinvestissement de l’État dont les conséquences catastrophiques se mesurent notamment sur le taux d’encadrement des étudiants, qui ne cesse de diminuer.

Comme pour les opérateurs de la recherche, les universités sont dans l’impossibilité d’atteindre leurs plafonds d’emplois. Ainsi, pour la période 2013-2016, seuls 76 % des emplois notifiés aux établissements ont effectivement été ouverts au recrutement.

Dans un contexte de forte poussée de la démographie estudiantine, cette contraction ne permet pas d’améliorer l’accompagnement pédagogique, qui était pourtant l’un des objectifs de votre loi pour la réussite des étudiants.

S’agissant de son application, il est très regrettable que votre ministère ne nous ait pas fourni un bilan complet de Parcoursup avant cette discussion budgétaire. Pourtant, les premières données très générales disponibles montrent que les bacheliers des filières techniques et professionnelles ont subi des discriminations sur lesquelles nous aurions souhaité vous entendre.

Madame la ministre, votre budget consacre le renoncement du Gouvernement, il organise une forme de déclin ou d’étiolement accepté. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « dans la lutte qui vient de finir, l’infériorité de la France a été surtout intellectuelle ; ce qui nous a manqué, ce n’est pas le cœur, c’est la tête ». Voilà ce qu’écrivait Ernest Renan dans La Réforme intellectuelle et morale en analysant la défaite de 1870.

Alors que l’intelligence artificielle est partout, de l’industrie à la santé, en passant par l’environnement, l’énergie et surtout la défense, il faut pouvoir placer rapidement la France en pointe des nations les plus influentes en ce domaine.

Madame la ministre, vous avez dévoilé le 28 novembre à Toulouse la « stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle », qui fait sienne cette ambition. Ce plan va bénéficier, au cours des quatre prochaines années, d’une enveloppe de 665 millions d’euros de la part de l’État, montant qui grimpera à un peu plus de 1 milliard d’euros pour la période 2019-2022.

Si le signal est fort, ce secteur continuera néanmoins à voir ses cerveaux fuir à l’étranger, où les chercheurs français sont parfois les plus courtisés. Pour inverser cette tendance, il serait urgent de revaloriser les carrières des enseignants-chercheurs, notamment dans l’intelligence artificielle.

Dans son rapport, Cédric Villani propose d’ailleurs de doubler le montant de leur salaire, et ce dès le début de leur carrière.

Malheureusement, vous semblez exclure définitivement cette modalité et je serai vigilante à ce que d’autres voies soient trouvées pour lancer ce chantier de la revalorisation salariale.

La rapporteure pour avis de la commission de la culture a estimé que le doublement du montant des primes de trois chercheurs sur quatre s’élèverait à 20 millions d’euros pour le CNRS et entre 30 millions et 35 millions d’euros pour l’ensemble des établissements publics à caractère scientifique et technologique.

Une telle réforme ambitieuse serait de nature à renforcer la compétitivité de la France.

Autre point de vigilance que je veux soulever : le manque de transparence sur le soutien de l’État aux domaines de recherche jugés prioritaires.

La concomitance de nombreux dispositifs et d’annonces parallèles fait qu’il est quasiment impossible d’évaluer le soutien financier réel de l’État aux recherches considérées comme prioritaires, et ce d’autant plus que la plupart de ces financements ne sont pas liés à la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Globalement, l’augmentation de crédits demandés au titre des programmes « Recherche » de la présente mission est de 2,4 % en autorisations d’engagement et de 2,9 % en crédits de paiement, ce qui traduit une ambition pour la recherche française qui reste en deçà de nos espérances.

Alors que l’on connaît l’importance stratégique de la recherche et développement dans la croissance économique, le groupe du RDSE regrette qu’un effort supplémentaire n’ait pas été fait afin d’approcher l’objectif Europe 2020, qui a pour ambition de porter, à cet horizon, la part de la recherche et développement à 3 % du PIB.

Or, d’après les indicateurs, en 2019, cette part sera seulement maintenue au niveau de 2018, soit 2,5 % du PIB.

Je regrette également que l’évolution des crédits à la hausse sur le volet « recherche » soit uniquement captée par les programmes du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, alors que les programmes dépendant d’autres ministères verront leurs moyens au mieux stagner, au pire diminuer.

Nous nous interrogeons sur la soutenabilité d’une telle politique à moyen terme et sur son implication sur les programmes en question, comme ceux qui visent à promouvoir la recherche culturelle et la culture scientifique et technique, avec, en son cœur, Universcience, dont le budget diminue une nouvelle fois.

Même au sein de la MIRES, dont le budget se voit consolidé, nous ne pouvons ignorer l’impasse budgétaire dans laquelle se trouvent certains organismes de recherche, qui ne bénéficient pas des financements adéquats pour mener à bien les plans qui leur sont commandés – CEA, INSERM ou IFREMER.

Parallèlement, la réforme de l’ISF a fait chuter les dons « d’au moins 50 % », selon France générosités, notamment en faveur d’organismes de recherche qui peuvent être fortement dépendants de ces contributions, comme le CNRS.

Dans un récent rapport sur le mécénat, la Cour des comptes ne traite malheureusement pas du mécénat des particuliers, mais je rejoins la rapporteure pour avis pour dire qu’il est nécessaire de trouver une solution pour le favoriser, afin de retrouver le niveau des montants dont bénéficiaient les opérateurs de recherche les années précédentes.

S’agissant du plan Étudiants, 123 millions d’euros supplémentaires doivent y être consacrés afin de répondre aux nouveaux défis de notre système, notamment l’afflux d’étudiants. Toutefois, ces nouveaux moyens risquent surtout d’être absorbés par la progression naturelle de la masse salariale et des dépenses. D’après le rapport pour avis de la commission de la culture, une fois que les établissements se seront réellement acquittés de leurs charges incontournables, ne resteraient plus que 26 millions d’euros pour lancer des actions véritablement nouvelles en 2019. C’est trop peu !

Je rejoins le rapporteur spécial pour dire qu’il faut renforcer le pilotage des dotations des universités, généraliser le dialogue stratégique entre le ministère et les autorités académiques pour aller vers un pilotage plus fin des ressources des opérateurs.

Mes chers collègues, même si ce projet de budget comporte des points d’inquiétude – que j’ai évidemment cités – relatifs à l’investissement de la France dans la connaissance et la recherche, clé de voûte de notre croissance future, il présente néanmoins des points positifs, au premier plan desquels une hausse des crédits. C’est pourquoi notre groupe votera en faveur de ce budget, même si celui-ci aurait pu aller plus loin. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » rassemble les programmes qui visent à investir dans les compétences et à stimuler l’innovation pour préparer l’avenir de la France et des Français.

Ce budget, en troisième position dans le budget général de l’État, connaît une hausse de plus de 5 % en deux ans, et atteint désormais un montant de 28,17 milliards d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2019.

Avec une part de 2,27 % du PIB, nous nous rapprochons de l’objectif européen de 3 %, mais nous sommes encore loin derrière les puissances technologiques que sont la Corée du Sud, Israël et le Japon.

La mission est composée de sept programmes, dont le programme 142, « Enseignement supérieur et recherche agricoles ». Nous mesurons son importance pour trouver des alternatives économiquement viables à notre modèle agricole hérité du XXe siècle.

Nous remarquons que trois programmes sont en nette augmentation : « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », « Formations supérieures et recherche universitaire », « Recherche spatiale ».

S’agissant de ce dernier programme, madame la ministre, une grande partie de l’augmentation des crédits est fléchée vers le remboursement des dettes de la France envers l’Agence spatiale européenne. Mais 205 millions d’euros sont budgétisés pour sécuriser le lancement d’Ariane 6 en 2020.

La mission que nous examinons est stratégique. Le bon fonctionnement de notre écosystème d’enseignement et de recherche, conjugué au dynamisme de nos entreprises, est un élément indispensable pour permettre à la France de s’adapter et de prendre part aux changements qui déstabilisent les anciens modèles et anciennes rentes.

Au sein de la nouvelle économie, qui est celle de la connaissance et de l’immatériel, la concurrence s’exerce désormais par l’intelligence, par la capacité à innover et à préparer l’avenir.

La première des priorités, madame la ministre, reste l’augmentation du niveau de qualification. Si les conditions d’insertion des jeunes diplômés se sont dégradées compte tenu du resserrement du marché du travail, le diplôme reste le meilleur rempart contre le chômage.

L’accès à la formation tout au long de la vie est la deuxième priorité de cette mission. Les connaissances acquises aujourd’hui ne nous seront plus d’aucune utilité dans cinquante ans. Que chacun soit en mesure d’exprimer le meilleur de lui-même, quels que soient son parcours et son âge : voilà notre ligne d’horizon !

À cet égard, je vous conseille de consulter le rapport sur les métiers de demain de la délégation à la prospective du Sénat, qui traitait ces problèmes en apportant un certain nombre de solutions, saluées par l’ancien ministre du travail, maire de Dijon.

Nous partageons la volonté du Gouvernement de favoriser les passerelles entre les formations et les générations, de développer une culture du progrès, de l’émancipation et du rebond. Le numérique est une opportunité inestimable. La mobilité géographique reste une nécessité. Aussi, madame la ministre, nous soutenons les mesures prises par le Gouvernement en faveur de la mobilité des étudiants et des chercheurs.

En revanche, notre groupe s’étonne du choix du Gouvernement de diminuer de 5 millions d’euros l’enveloppe consacrée à l’aide au mérite, pourtant fer de lance de l’émancipation pour bon nombre de jeunes talents issus de milieux défavorisés. C’est désolant !

La France, pays aux 68 prix Nobel, se classe au quatrième rang mondial dans le système européen des brevets, mais n’arrive qu’à la septième place dans la part mondiale de publications scientifiques, sous l’effet de l’entrée en scène de la Chine, de l’Inde et du Brésil.

Le soutien du Gouvernement à la recherche est fondamental. Le crédit d’impôt pour la recherche représente les deux tiers du soutien public à la recherche et développement privés.

Le plan Deep Tech, la création du fonds de l’innovation et le positionnement stratégique de la France en matière d’intelligence artificielle et de recherche spatiale viennent renforcer l’attractivité et le dynamisme de notre écosystème de recherche national.

Au sein du programme 172, cinquante bourses « convention industrielle de formation par la recherche » supplémentaires seront financées en 2019, permettant de renforcer les liens entre recherche et entreprise.

Le bilan de l’examen de cette mission est plus mitigé en ce qui concerne les dotations du programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables ». Les moyens ne semblent pas au rendez-vous, malgré votre volonté politique affichée de faire de la France un acteur stratégique de l’énergie hydrogène, ce qui n’est pas tout à fait dans l’air du temps.

Au regard de ces différents éléments, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Lors de la présentation du plan Étudiants, vous avez déclaré, madame la ministre, qu’il doit permettre de « poursuivre le financement de nouvelles places dans l’enseignement supérieur, d’accentuer l’effort de recrutement d’enseignants-chercheurs et de personnels pour les accueillir et les accompagner, et d’intensifier la reconnaissance de l’engagement pédagogique dans le supérieur ».

Sur le premier point, il faut saluer l’ouverture, en deux temps, de 30 000 places en licence pour accompagner l’arrivée de nombreux jeunes dans le supérieur à la rentrée 2018. Si la massification de l’enseignement supérieur est une chance pour notre pays, elle soulève plusieurs défis, au premier rang desquels figure l’adaptation de notre système pour accueillir au mieux les étudiants.

Si on prend comme postulat initial un investissement moyen autour de 10 000 euros par étudiant, il faudrait, pour 2019, une augmentation de 400 millions d’euros afin d’absorber parfaitement la croissance de la démographie estudiantine. Cette année, les établissements d’enseignement supérieur bénéficieront de 206 millions d’euros de crédits supplémentaires.

Or cette hausse, amputée des dépenses contraintes – GVT et compensation de la CSG, notamment – et de la montée en charge de mesures déjà engagées en 2018, ne servira qu’à financer 26 millions d’euros d’actions réellement nouvelles, ce qui nous paraît bien sûr insuffisant au regard du besoin de diversifier et de généraliser plus encore les modules pédagogiques, les fameux « oui, si », et contradictoire avec l’ambition affichée dans la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE.

Assurer la réussite des étudiants, c’est principalement mettre en place une politique d’orientation efficace. Sans effectuer un bilan exhaustif de l’an I de Parcoursup, plusieurs constats peuvent néanmoins être dégagés : Parcoursup, en tant qu’outil d’affectation, a plutôt bien fonctionné, peu de jeunes se retrouvant sans aucune affectation à l’issue de la procédure ; mais Parcoursup, en tant qu’outil d’orientation, a-t-il bien fonctionné ?

Mme Maryvonne Blondin. Bonne question !

Mme Sylvie Robert. Rien ne prouve que la capacité de la plateforme à affecter correctement les étudiants soit un gage d’une orientation réussie. Ce n’est pas parce qu’un candidat accepte, in fine, une proposition de formation qu’il est satisfait de l’intégrer, d’autant qu’il n’existe plus de hiérarchisation des vœux. C’est l’énorme différence entre une orientation choisie et une orientation subie.

C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de nouveau, à l’image de la plupart des syndicats étudiants, de conduire et de publier une enquête nationale qualitative, à partir d’un échantillon représentatif, pour connaître véritablement le degré de satisfaction des étudiants quant à leur orientation. C’est uniquement à cette aune que nous pourrons évaluer Parcoursup comme instrument au service de l’orientation.

Dernier point de vigilance, le nombre élevé de candidats ayant quitté la plateforme interroge : même si une partie d’entre eux s’est indubitablement dirigée vers des formations non répertoriées sur Parcoursup, il est évident que d’autres ont tout simplement abandonné la poursuite de leurs études. Madame la ministre, avez-vous pu effectuer une analyse plus fine de ces candidats dits « inactifs » ? Il est impératif, vous le savez, de lutter contre cette forme de décrochage et d’être encore plus proactif afin de l’endiguer.

En ce qui concerne le volet « vie étudiante », la poursuite des efforts engagés au cours du précédent quinquennat, notamment en matière de construction de logements – 60 000 d’ici à 2022 –, est une bonne chose. Il en est de même du gel du prix du ticket RU et celui de la suppression de la cotisation d’assurance maladie, qui accroissent le pouvoir d’achat des étudiants.

Pour autant, le plafonnement du produit de la contribution vie étudiante et de campus, la fameuse CVEC, à 95 millions d’euros, alors qu’il en est attendu un résultat – estimé par vos services lors des auditions – d’environ 130 millions d’euros, pose problème. Bien que vous ayez annoncé que l’intégralité de cette contribution serait reversée à la vie étudiante, en l’état, tout dépassement du plafond abondera, on le sait, le budget général de l’État.

Alors, pourquoi attendre ? Pourquoi ne pas prévoir d’ores et déjà un plafond suffisamment haut, de sorte que la totalité de la CVEC profite immédiatement aux étudiants ? En procédant ainsi, vous éviteriez de susciter une forme de suspicion autour de la finalité de la CVEC : elle n’a pas vocation à alimenter, vous le savez, même temporairement et partiellement, le budget de l’État ! L’amendement porté par notre groupe a été déclaré irrecevable, mais vous, madame la ministre, vous pouvez augmenter dès maintenant ce plafond en toute transparence.

Dernière inquiétude, loin d’être anodine : la hausse des frais de scolarité pour les étudiants extracommunautaires à la rentrée prochaine. Alors, allez-vous me dire, quel lien avec le PLF 2019 ? Outre que la méthode du Gouvernement pose question, notamment sur l’absence de concertation, cette annonce complètement inattendue suscite déjà un vif émoi et réveille des tensions au sein de la communauté étudiante, alors même que nous sommes en train de débattre du budget.

Surtout, nous aimerions comprendre en quoi multiplier par plus de dix les frais de scolarité pour ces étudiants serait source d’attractivité comme vous le prétendez. Soyons sérieux, ce n’est pas la création de 15 000 bourses – et voilà le lien avec le projet de loi de finances pour 2019 : où sont les crédits ? – qui sera de nature à compenser l’effet d’éviction massif des étudiants extracommunautaires pour raison pécuniaire, qui constituent, de surcroît, la grande majorité des jeunes venant étudier dans le supérieur français. La Suède a tenté récemment l’expérience, le résultat a été probant : une chute drastique de 80 % du nombre d’étudiants étrangers fréquentant ses universités. Est-ce ainsi que vous voulez améliorer le rayonnement de la France ? Est-ce ainsi que vous voulez atteindre le chiffre de 500 000 étudiants étrangers d’ici à 2027 ?

Si nous souhaitons collectivement renforcer l’attractivité de la France, cultivons son image, dynamisons son réseau culturel, continuons à développer des formations à la fois reconnues à l’étranger pour leur qualité et leur spécificité. Mais ne cherchez pas à décupler les ressources des établissements supérieurs aux dépens de certains étudiants étrangers, ou – pour paraphraser un article paru dernièrement dans un quotidien – à « attirer les plus riches et, en même temps, à écarter les plus pauvres ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Nous en reparlerons, madame la ministre, car, sur le fond et sur la forme, c’est incompréhensible et c’est inacceptable !

La recherche est fondamentale pour le progrès scientifique et le développement économique. Pour la deuxième année consécutive, nous nous félicitons de ce que le budget consacré voie ses crédits augmenter, en l’occurrence de 330 millions d’euros. Cependant, plusieurs sujets méritent une vigilance accrue.

D’abord, il s’agit du statut des chercheurs. Pour rappel, la stratégie européenne Horizon 2020 a comme premier pilier l’excellence scientifique, qui vise notamment à « soutenir les chercheurs les plus créatifs et les plus talentueux dans leurs travaux de recherche exploratoire ». Or, en France, depuis de nombreuses années, leur statut se révèle en inadéquation avec leur cursus et avec l’apport bénéfique de leurs découvertes à l’ensemble de la société. Leur rémunération est indigne, eu égard à leur niveau de qualification et à l’importance de leur travail.

Madame la ministre, entendez-vous mener une réforme qui pose déjà les jalons d’un véritable statut, protecteur et stimulant ? C’est une affaire non seulement de reconnaissance, mais aussi d’attractivité de la France, afin de contrer la fuite des chercheurs français et d’attirer ceux qui sont étrangers.

Ensuite, la recherche culturelle et la culture scientifique et technique accusent encore une baisse, certes modique, de leurs crédits. Universcience va subir, une nouvelle fois, une diminution de son budget à hauteur de 2 millions d’euros. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de ma collègue Angèle Préville, qui a pour objet de réaffecter les 2 millions d’euros à Universcience.

Pour finir, j’aimerais aborder la recherche afférente aux énergies renouvelables. Dans une note sur les dépenses publiques de recherche et développement en énergie en 2016, le Commissariat général au développement durable a mis en exergue que, depuis environ une décennie, l’investissement public en la matière s’est érodé. En 2016, il s’élevait à 913 millions d’euros, soit 5 % de la dépense publique en recherche et 0,05 % du PIB ! Quel constat effarant, dès lors que la transition écologique – surtout actuellement – est érigée en priorité cardinale.

Surtout, nous le savons, l’une des spécificités de la France est le poids du nucléaire dans cette recherche, puisqu’il concentre 45 % des dépenses. Il n’est donc guère surprenant que la dotation versée au titre du programme 190 au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables soit de 433 millions d’euros pour le financement de la recherche sur l’énergie nucléaire, et seulement de 51 millions pour la recherche sur les énergies renouvelables, soit neuf fois moins.

Par ailleurs, le fait que la dotation accordée à l’IFPEN ait été asséchée de 4,5 millions d’euros depuis 2017 est un vrai problème. Étant donné les engagements nationaux, européens et internationaux de la France liés à la transition énergétique, il serait incohérent que les moyens dédiés à l’IFPEN, qui œuvre pour le développement des énergies propres et la mobilité durable, baissent encore une fois.

Au final, les ambiguïtés de la recherche énergétique traduisent les tensions et contradictions plus globales de la politique énergétique française. Certes, la France occupe une place prépondérante dans certains domaines, comme la biomasse, mais il serait plus opportun que les crédits alloués à la recherche sur ces énergies soient augmentés drastiquement. De plus, un changement d’échelle est nécessaire, comme l’a préconisé la Cour des comptes.

Madame la ministre, vous l’avez compris, nous relevons des points positifs, mais nous avons de nombreux questionnements, réserves et points de vigilance. Vous portiez une grande ambition dans la loi ORE. Malheureusement, le premier rendez-vous budgétaire pour la mettre en œuvre dans de bonnes conditions n’est pas à la hauteur. Dommage ! Le groupe socialiste et républicain ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Lafon. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines, le consentement à l’impôt est sérieusement remis en cause : dans cette période de fortes tensions sociales, la discussion générale sur le troisième poste budgétaire de la Nation est évidemment un moment particulier de l’examen de ce projet de loi de finances.

Le budget 2019 a un mérite qu’il faut saluer : il tient compte de la très forte pression démographique sur le système universitaire français. Vous le savez, d’ici à 2025, la population étudiante aura augmenté de 21 % en l’espace de dix ans seulement. Pourtant, pendant des années, les moyens alloués à l’enseignement supérieur avaient été décorrélés du flux de nouveaux étudiants.

Après une progression de 2,7 % l’an passé, l’évolution globale des crédits de paiement à hauteur de 166 millions d’euros cette année va donc dans le bon sens. La pérennisation des financements alloués au titre de l’indemnité compensatrice de la CSG constitue, à ce titre, une bonne nouvelle.

L’augmentation des crédits ne règle pas tous les problèmes pour autant. Pour le groupe Union Centriste, la priorité des années à venir doit être la lutte contre l’échec universitaire. Parcoursup a le mérite d’apporter des premières réponses dans la lutte contre l’allongement du temps écoulé entre l’obtention du bac et celle de la licence. La France reste malheureusement l’un des rares pays de l’Union européenne où moins de 50 % des étudiants valident leur licence au bout de quatre ans, contre plus de 75 % en Allemagne ou aux Pays-Bas.

Les dizaines de milliers d’années d’étude perdues chaque année par les jeunes dans le supérieur sont évidemment un gâchis humain, mais aussi un gâchis d’argent public. En raccourcissant la durée d’obtention des licences à trois ans et demi, notre pays pourrait accueillir les futures générations d’étudiants à moyens constants, sans dépenser un seul centime de plus. Les dispositifs d’accompagnement « oui, si » doivent ainsi être fortement encouragés, notamment sur le plan budgétaire : nous y veillerons attentivement. Les expérimentations menées par certaines universités – je pense en particulier à Paris-Descartes – sur les années propédeutiques méritent également d’être soutenues.

Ce raisonnement nous rappelle que la hausse des crédits de paiement n’est pas une fin en soin. La tentation d’évaluer le budget de l’enseignement supérieur par un prisme purement comptable nous a fait oublier qu’un budget en hausse n’est pas nécessairement un bon budget. Méfions-nous de l’« effet cliquet » qui nous pousse à saluer la croissance perpétuelle des nouvelles dépenses sans jamais nous interroger sur la nature des dépenses passées reconduites.

La légitimité du financement, essentiellement public, de l’enseignement supérieur français est une exception occidentale qui dépendra directement des performances et des réponses que cet enseignement apporte à la société française. Un euro dépensé pour l’enseignement supérieur est-il un euro systématiquement utile ? Quelle insertion professionnelle garantit-il pour les jeunes ? Permet-il de répondre aux besoins de l’économie et aux qualifications d’avenir ? Voilà les vraies questions que le Gouvernement doit se poser.

À ce titre, le Sénat interpelle l’État depuis plusieurs années sur la permanence de nombreux archaïsmes, comme la procédure de qualification du Conseil national des universités, le CNU, coûteuse et chronophage. Surtout, l’État ne peut plus éluder aucune réflexion majeure comme l’est celle de l’offre de formation.

Notre groupe partage les interrogations du rapporteur pour avis de la commission de la culture sur la pérennité des filières dans lesquelles sont constatées des places vacantes. De plus, vous l’avez reconnu en commission, madame la ministre, la demande insuffisante des jeunes générations pour les filières scientifiques nous fait défaut : il y a une révolution culturelle à opérer et à construire avec le ministère de l’éducation nationale.

Cette nécessité de réfléchir très attentivement aux filières que la puissance publique privilégie et soutient est rendue d’autant plus nécessaire que les besoins de l’enseignement supérieur seront exponentiels dans les années à venir. Le comité pour la stratégie nationale de l’enseignement supérieur a évalué le besoin de financement à 1 milliard d’euros supplémentaires chaque année d’ici à 2020 ! Ailleurs dans le monde, des moyens colossaux sont mobilisés. À quelques kilomètres de notre frontière, à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, les post-doctorants bénéficient d’un crédit d’installation dépassant parfois le million d’euros.

Ces chiffres donnent le vertige : alors que l’argent public se fait rare, que les prélèvements obligatoires sont déjà excessifs, que le Gouvernement actuel n’a aucune stratégie efficace pour réduire notre niveau de dépenses publiques, comment allons-nous financer un modèle universitaire français à la hauteur du rang que notre pays est en droit d’ambitionner ?

Le Gouvernement a décidé de baisser de 8 % les droits de scolarité en licence cette année, après trois années de gel : pouvons-nous vraiment, madame la ministre, laisser nos universités se développer sans ressources propres significatives ? Ces questions imposent des choix forts, bousculant les équilibres établis. De ce point de vue, nous ne sommes pas opposés, par principe, à une augmentation des tarifs des étudiants étrangers, à condition, bien entendu, qu’elle s’accompagne d’une politique ambitieuse pour l’octroi de bourses.

En matière de recherche, nous nous réjouissons que ses crédits augmentent de 330 millions d’euros par rapport à 2018, et de près de 830 millions par rapport à 2017.

Pour le groupe Union Centriste, la revalorisation des chercheurs est une question essentielle. En plus d’assurer la formation de nos étudiants, les chercheurs sont ceux qui permettent, par les avancées scientifiques sur lesquelles ils travaillent, de trouver des solutions aux enjeux écologiques, économiques, sociaux, technologiques de demain. Il est donc essentiel pour notre pays que cette matière grise puisse exercer en France dans de bonnes conditions, et ce sur le long terme. Nous ne le répéterons jamais assez : un pays attractif pour les chercheurs, notamment internationaux, est un gage d’attractivité global pour l’avenir.

Le prix Nobel de médecine, François Jacob, soulignait très justement : « Longtemps, la puissance d’une nation s’est mesurée à celle de son armée. Aujourd’hui, elle s’évalue plutôt à son potentiel scientifique. » Garantir et développer le potentiel scientifique français, voilà le défi à relever pour les années à venir.

Nous voterons donc les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », car le groupe Union Centriste considère que ce budget est une première étape pour y parvenir, à condition d’assumer les choix courageux qui nous font face désormais. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour nous prononcer sur le budget alloué à la recherche en 2019.

Pour ma part, je préfère commencer mon propos par des félicitations : félicitations à l’égard des chercheurs français, qui font partie des meilleurs du monde et sont reconnus au travers de nos 36 prix Nobel, dont notre lauréat en physique cette année, Gérard Mourou.

Il y a juste une semaine, six ans après Curiosity, la sonde InSight s’est posée avec succès sur Mars : exploit de la NASA, mais aussi des organismes et chercheurs français, puisque l’instrument principal qui va étudier la structure interne de la planète, le sismographe SEIS, est français, et même val-de-marnais.

C’est dire l’excellence de nos chercheurs, puisque la France consacre seulement 2,2 % du produit intérieur brut à la recherche et au développement, très en deçà de l’objectif de 3 % de la stratégie de Lisbonne.

En période de coupes budgétaires, le groupe Les Républicains ne fera pas partie de ceux qui voient la coupe à moitié vide, et nous nous réjouissons que ce budget soit en hausse même si, pour être plus exacts, le chiffre annoncé devrait tenir compte de l’inflation.

Mon propos se concentrera sur trois programmes principaux : le spatial, l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, et l’énergie.

Vous avez décidé, madame la ministre, de respecter les engagements budgétaires internationaux de la France à l’égard de l’Agence spatiale européenne, l’ESA. Il me paraît difficile de faire autrement. Notre accès à l’espace, les lanceurs, les satellites ne peuvent se concevoir et se développer que dans cette configuration. Je ne peux que vous demander une nouvelle fois, comme nous l’avions déjà fait avec Bruno Sido en 2012 dans notre rapport sur la politique spatiale européenne, que soit mise en place, dans les faits, une réelle préférence communautaire. L’Europe est la seule puissance spatiale au monde assez masochiste pour ne pas confier ses lanceurs et ses lancements aux entreprises qu’elle finance. Compte tenu de l’importance de la contribution de la France au budget de l’Agence spatiale européenne, je souhaite, madame la ministre, que vous arriviez à faire évoluer les choses.

Je reviens sur l’une de mes anciennes préoccupations : les débris spatiaux. Depuis le premier Spoutnik, voilà plus de soixante ans, les missions spatiales se sont multipliées ainsi que les débris et les risques de collision avec des satellites devenus indispensables à la vie quotidienne de plus de 7 milliards d’êtres humains, même si ces derniers n’en sont pas toujours conscients. Je me félicite de ce que l’ESA ait enfin lancé un programme « Clean Space ». J’aimerais que vous me fassiez savoir si des chercheurs et entreprises français y participent.

Madame la ministre, eu égard à l’importance de la recherche spatiale, y compris sur le plan budgétaire, et à l’étendue de vos compétences, je réitère la demande formulée l’année dernière, même si elle vous avait fait sourire : que votre ministère accole enfin le terme « espace » à sa dénomination.

Passons, maintenant, à l’ANR, qui avait été bien malmenée dans le précédent gouvernement et envers laquelle vous tenez des engagements pris l’an passé. La revalorisation de ses crédits de 34 millions d’euros devrait permettre de faire remonter le taux de sélection des projets présentés par les équipes de chercheurs. Avec 14 % de projets en 2017, on est encore très loin des 20 % de 2012. Certains de mes collègues, dont le rapporteur spécial Jean-François Rapin, demandent que sa dotation soit un peu plus importante pour permettre le financement de plus de projets.

Pour ma part, je continue à recevoir des mails de chercheurs qui estiment que l’ANR constitue un échelon administratif inutile. En tous cas, il est certain que la procédure de sélection est lourde et complexe. J’ai lu, sur le site de l’ANR, que « des évolutions ont été apportées à l’appel à projets 2019 afin d’améliorer sa compréhension et optimiser les modalités de dépôts des dossiers et d’évaluation ».

Comptez-vous, madame la ministre, évaluer ce nouveau processus ? Seconde question : savez-vous si des projets portant sur le chlordécone ont été sélectionnés l’an passé ? Les Antilles ne pourront sortir de cette pollution que si les recherches aboutissent, et je suis persuadée que vous en êtes convaincue.

Compte tenu du temps qui m’est imparti, je dirai quelques mots seulement sur le programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », qui devrait être le levier de la transition énergétique.

Ce programme est décevant : il est en baisse de 7 millions d’euros en crédits de paiement, alors que l’on sait bien que les opérations de démantèlement et d’assainissement des installations nucléaires à l’arrêt sont prioritaires, d’autant plus prioritaires que, voilà quelques jours, le Président de la République vient de décider de l’arrêt de nouveaux réacteurs, alors qu’il s’agit d’une production décarbonée. La recherche française doit pouvoir avancer sur les nouvelles technologies, comme celle de l’hydrogène.

Le groupe Les Républicains votera ce budget, d’autant qu’il se réjouit du fléchage des crédits sur la recherche contre les cancers pédiatriques, qui n’ont pas été évoqués jusqu’à présent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Je veux d’abord saluer, madame la ministre, le choix que vous avez fait de rompre avec la philosophie du précédent quinquennat. Qu’on se le rappelle : baisse des crédits affectés à la recherche, mise en place d’une sélection par tirage au sort, création d’allocations sans contreparties, à l’image de l’aide à la recherche du premier emploi ; c’étaient de mauvaises mesures, qui ternissaient l’image et l’efficacité de nos politiques en matière de recherche et d’enseignement supérieur. Assurément, ces choix questionnables et polémiques sont derrière nous.

L’augmentation des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » va donc dans le bon sens, avec, au total, plus de 500 millions d’euros supplémentaires, essentiellement au bénéfice de la recherche, comme l’a dit le rapporteur spécial Jean-François Rapin. L’enseignement supérieur continuera en effet de connaître, lui, une évolution inférieure à celle du budget général de l’État, et surtout à celle des effectifs d’étudiants.

L’ambition de montée en puissance de l’enseignement supérieur ne se retrouve donc pas suffisamment dans ce budget ; le plafonnement de la CVEC à 95 millions d’euros en est l’illustration. Pour l’instant, vous n’avez répondu que très partiellement, madame la ministre, à la demande pourtant insistante du rapporteur pour avis de notre commission de la culture, Stéphane Piednoir.

Je suis donc au regret de constater que, en matière d’enseignement supérieur, la hausse des crédits vient plutôt donner de l’air à des programmes asphyxiés, colmater des brèches déjà béantes et renforcer certains axes, sans que se dégage une politique globale.

Deux chantiers me semblent pourtant essentiels.

Le premier est de savoir comment rendre la recherche plus attractive. Comme l’a souligné la rapporteur pour avis de notre commission, Laure Darcos, la rémunération nette d’un jeune chercheur correspond à peine à 1,8 fois le SMIC, et elle atteint péniblement 2 800 euros au bout de dix ans de carrière. Nous serons donc tous d’accord, je pense, pour dire que cela porte préjudice à l’attrait et au dynamisme de la recherche dans notre pays.

Vous nous proposez, certes, d’inscrire 130 millions d’euros de crédits supplémentaires : ils permettront essentiellement d’améliorer le déroulement des carrières, de déployer le protocole PPCR, de financer le glissement vieillesse-technicité, mais ils ne s’attaqueront pas à la mise à plat du régime indemnitaire des enseignants-chercheurs.

Le second chantier est, bien entendu, la lutte contre l’échec massif des étudiants dans les premières années de leur parcours universitaire. C’est le cancer de l’enseignement supérieur et de notre société ; il prouve que l’université peine à répondre à la massification continue et à préserver cette belle spécificité française du faible coût de l’enseignement supérieur.

Notre collègue Stéphane Piednoir a rappelé que le taux de réussite en licence n’était que de 28 % et que le Gouvernement envisageait d’atteindre péniblement 30 % en 2020. Je me demande si ces maigres objectifs n’avouent pas un manque de volonté politique. Il en est de même avec le plan Étudiants : 206 millions d’euros ont été annoncés, mais moins de la moitié seront effectivement affectés au plan, puisqu’une partie servira à payer le GVT et à compenser la hausse de la CSG.

Madame la ministre, votre budget devrait porter l’ambition de renvoyer aux limbes de l’histoire ces taux d’échecs massifs qui caractérisent de nombreuses filières de l’université française et de l’enseignement supérieur. Pour cela, il faut allouer des moyens importants à la réussite des étudiants, diversifier les modes de financement de l’université, affiner le dispositif Parcoursup, donner toute sa place aux établissements privés d’enseignement supérieur, mais surtout travailler – et je crois que c’est la clé – à l’articulation entre le lycée et la licence, entre le lycée et l’enseignement supérieur.

Or, depuis deux ans, nous constatons au contraire que les deux ministères travaillent en parallèle plutôt qu’en partenariat. Ainsi, la loi ORE a été lancée avant la réforme du baccalauréat, dans un calendrier où l’aval se désintéresse de l’amont et où l’amont ne cherche pas à comprendre l’aval. Le défi est bien, et vous ne l’abordez pas de manière frontale : c’est celui du « bac-3/bac+3 ».

Certes, comme les membres du groupe Les Républicains, je voterai les crédits de cette mission, enrichis des amendements de nos commissions. Toutefois, je crois qu’il est urgent de se retrousser les manches et de s’attaquer aux problèmes structurels de l’échec et du décrochage qui marquent l’enseignement supérieur, et de travailler pleinement aux liens entre le lycée et la licence, entre le secondaire et l’enseignement supérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà plus d’un siècle déjà, le Premier ministre anglais Benjamin Disraeli affirmait : « De l’éducation de son peuple dépend le destin d’un pays. »

Universitaire, j’ai pu, pendant toute ma vie professionnelle, constater combien notre jeunesse a du potentiel dès qu’on lui fait confiance, dès qu’on lui donne les moyens de ses ambitions.

J’aime à imaginer que de grandes figures comme Curie, Lavoisier, Buffon, Pasteur, Pascal, Ampère, Poincaré et tant d’autres nous regardent ce soir, en espérant que la France puisse retrouver son rang de pionnier dans l’éducation et la recherche scientifique : par le truchement de coupes budgétaires, son rôle en la matière s’est inexorablement terni.

Je tiens donc à saluer le fait que la mission « Recherche et enseignement supérieur » est la troisième mission du budget général de l’État, avec 28,1 milliards d’euros, somme en augmentation de 1,8 %.

Pour ce qui concerne la recherche, le programme 193, « Recherche spatiale », voit son budget en hausse de 205 millions d’euros. Le programme 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », est quant à lui rehaussé de 171 millions d’euros. Je salue l’effort fait par le Gouvernement. Mais je dois aussi relever certaines urgences qui n’ont pas été prises en compte par l’exécutif.

Ainsi, lors de son recrutement, un jeune chercheur perçoit une rémunération nette mensuelle de 2 191 euros, soit environ 1,8 fois le SMIC. Après dix ans, cette rémunération s’élève à 2 885 euros. Il faut savoir que, aux États-Unis, chimistes, biologistes et physiciens gagnent en moyenne 136 000 dollars par an ! Si des salaires plus bas existent évidemment, ce montant est tout de même bien au-dessus ce que nous offrons actuellement à nos chercheurs.

Dans un tout autre domaine, je me dois d’appeler l’attention sur le lancement de la ligne 18 du métro pour désenclaver Saclay. Je rappelle que ce site représente 14 établissements, 63 000 étudiants, 9 000 chercheurs et enseignants-chercheurs, 135 000 publications par an et près de 15 % de la recherche en France. Sachant que la population du campus devrait passer de 31 000 à 46 000 jeunes d’ici à 2022, ce désenclavement devient urgent, non seulement pour les conditions de travail et d’études sur place, mais surtout pour le rayonnement de ce pôle d’excellence scientifique tricolore.

Pour finir, je souligne que le déroulement de Parcoursup, s’il a été moins chaotique que prévu, reste à améliorer sur plusieurs points. Je pense à l’amélioration des informations données aux candidats, au raccourcissement du calendrier, ou encore à la mise en place d’un répondeur automatique pour les élèves et parents en quête d’informations. Cela étant, si un point doit réellement être amélioré de toute urgence, c’est la transparence des critères de classement des dossiers reçus. En effet, le risque principal que nous devons éviter, c’est une fracture, tant géographique que sociale, dans les établissements d’enseignement supérieur. Une telle situation irait à l’encontre des principes mêmes de notre République.

M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !

Mme Brigitte Lherbier. Madame la ministre, mes chers collègues, la commission a fait un excellent travail, et il convient de le souligner. Suivant son avis, les élus de notre groupe ont décidé de voter pour le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

C’est du bon sens que de mettre en avant la recherche et l’enseignement de notre pays. Mais le Gouvernement devra prendre en compte nos recommandations et nos réserves ; nous les avons formulées, non pas pour le plaisir de critiquer, mais bien pour garantir à notre pays un rayonnement éducatif et scientifique à la hauteur de son histoire et de ses ambitions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, tenir notre rang dans la compétition internationale, jouer un rôle déterminant dans l’élucidation des grandes questions scientifiques, favoriser l’innovation, mieux former et mieux diplômer nos étudiants sont les piliers de mon engagement en tant que ministre.

Les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », ou MIRES, pour 2019 sont la traduction budgétaire de cet engagement, défendu par l’ensemble du Gouvernement depuis plus de dix-huit mois. L’objectif, affiché dans la loi de programmation des finances publiques, d’une MIRES dépassant les 28 milliards d’euros à l’horizon 2020 est pour l’heure respecté.

Le budget que j’ai l’honneur de vous présenter a vu ses crédits augmenter de 5,3 % en deux ans, soit 1,3 milliard d’euros supplémentaires, dans un contexte financier que chacun mesure dans cet hémicycle.

L’année prochaine, le budget du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation atteindra près de 25,1 milliards d’euros, soit 549 millions d’euros d’augmentation. Sur le périmètre complet de la MIRES, la hausse sera de 500 millions d’euros, portant les crédits de l’ensemble de la mission à 27,9 milliards d’euros. Ces montants ne prennent en compte ni les crédits du programme d’investissements d’avenir, ou PIA, qui abondent les universités et les centres de recherche, ni l’effort consenti par les collectivités territoriales et les entreprises au financement de la recherche, de l’enseignement supérieur et de nos politiques en faveur de l’innovation.

En matière d’enseignement supérieur, l’année 2019 sera prioritairement consacrée à la poursuite de la réforme du premier cycle, pour laquelle les équipes des lycées et des universités se sont formées, au service de l’orientation des jeunes, dans un continuum du bac-3 au bac+3 que chacun appelle de ses vœux.

C’est un peu plus de 123 millions d’euros qui financeront, au travers du programme 150, des parcours personnalisés de réussite, ainsi que les mesures indemnitaires qui permettront de soutenir et de valoriser l’engagement des équipes, tant dans la mise en œuvre de Parcoursup que dans l’innovation pédagogique.

À ce propos, la question de l’aide au mérite a été explicitement posée. Il s’agit d’une aide constatée, et non d’une aide plafonnée. Ainsi, la réduction que connaît ce budget est le résultat de décisions prises par le précédent gouvernement.

Le financement du plan Étudiants est une réalité. En tout, 33 millions d’euros seront consacrés aux « oui, si », à savoir 23 millions d’euros pour l’année universitaire 2018-2019 et 10 millions d’euros pour la rentrée universitaire 2019. Toujours afin de mieux accueillir nos étudiants, 55 millions d’euros seront dédiés non seulement à l’ouverture de places supplémentaires, mais aussi au développement de formations courtes à fort potentiel d’insertion professionnelle. De plus, 33 millions d’euros permettront de financer les places créées pour l’année en cours et 22 millions d’euros sont d’ores et déjà prévus pour ouvrir de nouvelles places à la rentrée prochaine.

Au-delà, le PIA continuera à soutenir la rénovation des cursus universitaires ; au total, 325 millions d’euros ont été affectés aux établissements qui se sont saisis du nouvel arrêté de licence pour repenser le contenu du premier cycle. La réforme des études de santé obéira au même esprit.

Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État prendra toutes ses responsabilités afin de couvrir au mieux les besoins exprimés par les universités. Ainsi, à titre d’exemple, nous venons de débloquer 3 millions d’euros en fin de gestion à destination des personnels des bibliothèques, ingénieurs, administratifs, personnels techniques, sociaux et de santé, ou BIATSS, notamment ceux des services de scolarité qui se sont engagés pleinement dans la réforme. Cet engagement supplémentaire mérite d’être souligné devant le Parlement.

Pour ce qui concerne l’enseignement privé, je pense notamment aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, les EESPIG, et je salue la constance de l’engagement du Sénat sur ce sujet.

La Haute Assemblée m’a alertée dès 2017. Nous avons pris la mesure des problèmes dont il s’agissait et, comme l’a relevé M. Stéphane Piednoir dans son rapport pour avis, nous avons mis un terme à la baisse ininterrompue des subventions versées à l’enseignement privé. Près de 2 millions d’euros ont été abondés en gestion l’année dernière et « soclés » dans le budget de cette année. Nous tâcherons de réaliser en gestion un nouvel effort de 2 millions d’euros.

Parce que la réussite académique est indissociable des conditions de vie concrètes des étudiants, la question de l’accueil et du financement de la vie étudiante est au cœur des politiques qui seront conduites par mon ministère pendant l’année à venir.

Pour la première fois cette année, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, ont pu collecter la contribution vie étudiante et de campus, la CVEC, sans se voir imposer aucun plafond – je tiens à le rappeler. Ainsi, la totalité des financements reçus à ce titre en 2018 seront bien affectés à la vie universitaire et à la vie étudiante. Il en sera de même pour les montants perçus à la rentrée 2019. Un plafond prévisionnel, fixé en loi de finances à 95 millions d’euros, a été établi sur le fondement des prévisions réalisées par les services du ministère. Comme nous nous y sommes engagés, ce plafond sera révisé à la fin de 2019, à l’occasion du projet de loi de finances rectificative : dès lors, le montant effectivement perçu par les écoles et les universités à la rentrée prochaine pourra leur être totalement affecté.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Très bien !

Mme Frédérique Vidal, ministre. J’attire votre attention sur le fait que les EESPIG sont, eux aussi, bénéficiaires de la CVEC, qui leur permettra de percevoir dès cette année environ 3 millions d’euros supplémentaires au profit de la vie étudiante. Avec l’effort en gestion assumé par l’État, ils bénéficieront ainsi de 5 millions d’euros supplémentaires pour 2018. Je tenais tout particulièrement à rassurer le Sénat sur ce point.

Les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé, les SUMPPS, comme les services universitaires des activités physiques et sportives, ou SUAPS, sont gérés par les universités. C’est ce qui justifie la répartition que nous avons choisi d’opérer pour la CVEC.

Le Gouvernement est parvenu, pour la première fois, à réduire de manière significative le coût de la rentrée universitaire, notamment par la suppression de la cotisation de 217 euros au régime de la sécurité sociale des étudiants et par la mise en place du paiement à date des bourses. En 2018, la rentrée universitaire a donc coûté 100 millions d’euros de moins qu’en 2017 à l’ensemble des étudiants et à leurs familles.

En 2019, je veillerai aussi à ce que nous nous donnions les moyens d’aller plus loin dans l’autonomie des universités.

Avant la fin de cette année, nous publierons l’ordonnance relative aux regroupements expérimentaux. De plus, en complément de ce texte, j’expérimente depuis la rentrée un dialogue stratégique de gestion avec neuf établissements. Le but est de pouvoir échanger directement avec eux quant à leurs besoins, à leurs projets et au développement de leur propre signature. C’est un élément fondamental de modernisation du pilotage des opérateurs du programme 150, et j’espère pouvoir le généraliser dès que possible. Comme vous, j’estime qu’il est nécessaire de soutenir les établissements dans leur stratégie, y compris les établissements ultramarins : Annick Girardin et moi-même y veillons.

Comme vous le savez, nous avons élargi le principe de spécialité l’année dernière, à l’occasion de la loi de finances pour 2018, afin de permettre aux universités de mieux valoriser leur patrimoine. Une seconde vague de dévolution est en cours d’achèvement. Elle concernera les universités de Bordeaux, Marseille, Caen et Tours.

J’en viens à l’attractivité dont doivent bénéficier nos établissements aux yeux des étudiants internationaux. Au-delà du triplement des bourses, 10 millions d’euros ont été mis à disposition des établissements au titre du fonds « Bienvenue en France ». De surcroît, 10 millions d’euros du ministère des affaires étrangères permettront de développer les campus internationaux. N’oublions pas non plus que, pour la première fois, des titres de séjour seront accordés pour la durée des cycles universitaires où les étudiants sont inscrits. De plus, les étudiants internationaux disposant d’un diplôme de master ou de doctorat pourront travailler en France sans être obligés de rentrer dans leur pays pour demander de nouveaux visas de travail.

C’est donc bien une véritable politique d’attractivité pour les étudiants internationaux que nous souhaitons mener. En effet, il est extrêmement important que nous prenions en considération les attentes de ces étudiants en matière d’accueil. C’est pourquoi nous allons travailler, notamment, avec Campus France pour définir ce label « Bienvenue en France ».

Les délibérations des conseils d’administration fixeront les règles d’exonération dont pourront bénéficier les étudiants internationaux. Je vous le confirme, c’est sur cette base que les droits perçus permettront aux établissements de soutenir leur stratégie d’attractivité.

Parce qu’elle est tout aussi prioritaire que l’enseignement supérieur, la politique de recherche et d’innovation conduite par ce gouvernement sous-tend également la construction de la MIRES 2019. Afin de faire face à une concurrence internationale renouvelée par le volontarisme, en la matière, de la Chine ou de l’Inde, mes priorités sont simples : soutien à la recherche fondamentale, mobilisation des forces scientifiques pour répondre aux grands défis sociétaux et renforcement du partenariat entre universités et organismes de recherche.

Il me semble indispensable de renforcer les missions nationales des organismes de recherche en leur confiant des programmes prioritaires de recherche à l’échelle nationale, à l’instar du programme pour le climat ou du programme dédié à l’intelligence artificielle. Au total, 29 millions d’euros, issus de la MIRES et du PIA financeront le volet « recherche » de ces programmes en 2019. Ces financements monteront en puissance année après année pour atteindre, au total, 665 millions d’euros sur la durée du quinquennat.

Ce travail devra être mené en encourageant l’excellence scientifique de demain. Ainsi, le CNRS recrutera 300 nouveaux doctorants d’ici à 2020 pour renforcer les laboratoires.

Au service de cette ambition, le budget de la recherche augmentera de 2,5 % cette année, soit une hausse de près de 8 % en deux ans. Cet effort souligne le caractère stratégique de la recherche pour notre pays. Le programme 172 disposera d’une hausse de 171 millions d’euros pour s’établir à 6,9 milliards d’euros. En matière spatiale, le programme 193 sera établi à 1,8 milliard d’euros, en hausse de 205 millions d’euros.

Nous travaillons activement à la définition de la préférence européenne pour les lanceurs, et le conseil informel de Madrid a permis des avancées en ce sens. L’observation des débris constitue également un enjeu de plus en plus important. Plusieurs leviers sont actionnés, avant, pour limiter par la réglementation la constitution de ces débris, pendant, pour surveiller l’espace et éviter les collisions, et après, pour se débarrasser de ces débris. Plusieurs projets sont en cours, notamment chez Thales Alenia Space, qui considère cette question comme un véritable sujet d’avenir.

Parce que la santé est l’une des plus urgentes préoccupations de nos concitoyens, mon ministère consacrera 17 millions d’euros en gestion au financement des plans Santé, qui sont, pour la plupart, menés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM.

Le Sénat a, comme l’Assemblée nationale, souhaité s’emparer de la question du cancer pédiatrique, et je l’en remercie. Le budget soumis à votre examen ce soir a été amendé par vos collègues députés, à l’unanimité des suffrages, pour mobiliser et mieux coordonner la recherche fondamentale dans la lutte contre les formes les plus résistantes des cancers des enfants. Nous mobiliserons ainsi 5 millions d’euros supplémentaires par an pour mieux valoriser les travaux de nos chercheurs.

Pour ce qui concerne l’Institut français du pétrole-Énergies nouvelles, l’IFPEN, 1 million d’euros seront ajoutés en gestion : cet engagement a été pris devant l’Assemblée nationale, et je souhaite le confirmer devant vous aujourd’hui. Quant au plan Hydrogène, il recevra près de 100 millions d’euros de la part du ministère de la transition écologique et solidaire. Ces fonds seront consacrés au soutien à l’innovation, via le PIA, et au soutien au premier déploiement, au travers d’appels à projets. L’accompagnement et le conseil seront fournis par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME.

Au titre des méthodes, j’ai la conviction qu’il ne faut pas opposer le financement sur projet au financement dit « de base ». Il faut recourir aux deux procédés, et il faut les employer au bon niveau, quel que soit le vecteur. C’est pourquoi j’ai décidé de reconduire en 2019 le financement direct « en base » aux laboratoires à hauteur de 25 millions d’euros. La rémunération des personnels des établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, bénéficiera également d’une revalorisation à hauteur de 28 millions d’euros dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », ou PPCR.

Pour ce qui concerne le financement sur projet, le redressement du financement de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, se poursuit. Le budget traduit cet effort : 33 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement sont inscrits pour 2019. L’effort atteint ainsi 65 millions d’euros en deux ans. À ces montants correspond un engagement ferme de l’État en termes de crédits de paiement : 86 millions d’euros en 2019, soit 220 millions d’euros supplémentaires en deux ans. C’est bien la preuve de mon engagement dans la durée pour assurer à la fois plus de visibilité et, comme l’a noté Mme Procaccia, plus de simplicité pour nos chercheurs.

Je renouvellerai aussi mon soutien aux initiatives vertueuses permettant d’associer le meilleur de l’initiative privée et le meilleur de la recherche publique. C’est pourquoi, en 2019, l’effort de 5 millions d’euros déjà réalisé en 2018 au profit des instituts Carnot sera reconduit.

Après avoir régularisé la situation de la France auprès des organisations scientifiques internationales à hauteur de 300 millions d’euros en 2018, dont plus de 170 millions d’euros hors secteur spatial, mon ministère restera, en 2019, pleinement engagé dans le financement des très grandes infrastructures de recherche, les TGIR. Les crédits dédiés à ces organisations internationales et aux TGIR seront en hausse de 23 millions d’euros. C’est un choix lourd, exigeant, mais fondamental pour repousser les frontières de la connaissance.

Vous le savez, l’Europe joue un rôle essentiel dans ce domaine. C’est non seulement le lieu géographique naturel de la coopération scientifique et universitaire, mais aussi celui dans lequel se dessinent l’université et la recherche de demain. Nous devons projeter nos politiques et nos pratiques à l’échelle européenne, dans le cadre de la préparation du programme Horizon Europe, le premier programme mondial en matière de recherche.

Vous le savez également, le Conseil Compétitivité volet « recherche », qui s’est tenu le 30 novembre dernier et auquel j’ai participé, nous a permis d’adopter une orientation générale partielle à propos du règlement établissant le futur programme Horizon Europe.

Les principaux éléments de cette orientation confirment que la structure du programme viendra dans la continuité du programme Horizon 2020, avec un premier pilier « excellence », un deuxième pilier « problématiques mondiales », portant notamment sur les questions climatiques et sur la compétitivité industrielle de l’Europe, et un troisième pilier « innovation ouverte ».

La négociation nous a permis d’obtenir une orientation générale partielle conforme aux grandes lignes attendues. Je songe en particulier à la création de l’agence européenne de l’innovation de rupture, l’EIC, avec un outil spécifique permettant l’émergence de start-up et un outil d’accélération dont la majorité des moyens sera dédiée à la croissance rapide, en combinant plusieurs types de soutien financier.

La Commission européenne a lancé l’appel à propositions « Universités européennes ». Je m’en réjouis d’autant plus que cette initiative répond à un engagement du Président de la République. Il s’agit d’un jalon indispensable pour affirmer clairement que notre avenir commun n’est pas concevable en dehors du cadre européen.

Cet appel à propositions, doté de 30 millions d’euros pour six projets pilotes, permettra à des consortiums d’établissements français et européens d’au moins trois pays de bâtir les premiers projets pilotes des universités européennes. Dans ce cadre, la France apportera son soutien à hauteur de 100 millions d’euros sur dix ans à la constitution de ces projets. Bien sûr, j’appelle tous les établissements français qui le souhaitent à se saisir de cette chance sans précédent, pour voir les premières universités européennes émerger dès la rentrée 2019.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les principales priorités du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en perspective de l’année à venir et la façon dont elles sont traduites dans le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Pour conclure, je tiens à remercier les différents rapporteurs de la qualité du travail fourni, tant dans la rédaction de leurs rapports qu’au titre des auditions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

Recherche et enseignement supérieur
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 78

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Recherche et enseignement supérieur

27 953 884 660

28 146 420 984

Formations supérieures et recherche universitaire

13 523 258 788

13 599 389 277

Dont titre 2

526 808 533

526 808 533

Vie étudiante

2 703 272 712

2 704 657 912

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

6 831 308 963

6 931 219 918

Recherche spatiale

1 817 940 214

1 817 940 214

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

1 763 263 758

1 722 927 442

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

673 458 636

728 818 603

Dont titre 2

105 851 219

105 851 219

Recherche duale (civile et militaire)

179 519 167

179 519 167

Recherche culturelle et culture scientifique

110 499 410

109 722 718

Enseignement supérieur et recherche agricoles

351 363 012

352 225 733

Dont titre 2

222 244 448

222 244 448

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-134, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

700 000 000

700 000 000

Vie étudiante

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

700 000 000

700 000 000

Recherche spatiale

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

TOTAL

700 000 000

700 000 000

700 000 000

700 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Mes chers collègues, avec cet amendement, nous proposons la suppression de l’ANR. La radicalité de cette mesure m’est inspirée non par les événements en cours (M. Jérôme Bascher sexclame.),…

M. André Gattolin. Pas encore !

M. Pierre Ouzoulias. … mais par une analyse logique, que je vais vous exposer maintenant, sans gilet jaune.

Madame la ministre, votre objectif est que les projets déposés devant l’ANR atteignent un taux de réussite de 20 %. Or, comme l’ont souligné nos rapporteurs, cette proportion est extrêmement faible : elle est de l’ordre de 40 % en Suisse et de 35 % en Allemagne. Surtout, d’après nos calculs, ce taux ne pourrait être obtenu, à la fin du mandat – si vous parvenez à son terme –, que par une baisse tendancielle du budget moyen.

En effet, le taux de financement moyen des programmes, qui était de 487 000 euros en 2009, est tombé à 360 000 en 2017. Pour atteindre les 20 %, il faudrait que cette diminution continue.

À mon sens, une telle évolution n’est pas de bonne politique : si, aujourd’hui, les chercheurs consentent énormément d’efforts à ce titre, c’est aussi parce que le jeu en vaut la chandelle. Si le taux moyen de financement baisse, les demandes baisseront également. Mais peut-être est-ce votre but ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Non !

M. Pierre Ouzoulias. À ce sujet, notre ancien collègue Michel Berson avait bien posé les termes du débat, soulignant très justement que des structures comme l’ANR ne peuvent fonctionner, en France, sans un budget annuel d’environ 1 milliard d’euros. On en est loin ! Sincèrement, le demi-régime, tel que vous l’avez calculé et qui constitue votre objectif, ne peut fonctionner en l’état.

En d’autres termes, soit il faut consacrer 1 milliard d’euros à cette agence, ce qui n’est pas le cas, soit il faut la supprimer : les financements dont il s’agit seront dédiés au préciput des équipes, qui aujourd’hui fait défaut.

M. le président. L’amendement n° II-176 rectifié bis, présenté par M. Sol, Mmes Noël et Gruny, MM. Paccaud, Daubresse et Calvet, Mme Garriaud-Maylam, M. Sido, Mme Deromedi, MM. Moga et Mandelli, Mmes Vullien, Lanfranchi Dorgal, F. Gerbaud et Lamure et MM. B. Fournier, Grand, Babary, Charon, Genest, Delcros, L. Hervé et Piednoir, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

266 000 000

266 000 000

Vie étudiante

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

266 000 000

266 000 000

Recherche spatiale

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

TOTAL

266 000 000

266 000 000

266 000 000

266 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Monsieur Ouzoulias, au travers de l’amendement n° II-134, vous suggérez purement et simplement de supprimer les crédits de l’ANR : ce faisant, vous allez à l’encontre du programme proposé par le Gouvernement et par la commission.

Je l’ai déjà dit cette année, comme l’année dernière, lors de la discussion générale : à mon sens, et au regard de la courte expérience dont je dispose en la matière, il est important de faire progresser les crédits de l’ANR. À cet égard, vous avez cité un chiffre très intéressant, à savoir 1 milliard d’euros. Il faut encore nous donner un peu de temps pour atteindre cet objectif, mais nous y arrivons progressivement. Nous verrons si, de manière corrélée, le nombre de projets reçus augmente significativement.

Je vous signale également un petit problème technique au sujet du transfert de crédits. Au sein du programme 172, vous mentionnez une action n° 09. Nous ne l’avons pas trouvée ; en revanche, nous avons trouvé une action n° 17, qui correspond mieux au sujet traité.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Cette précision étant faite, à la lecture de votre amendement, l’on ne perçoit pas non plus les éléments qui pourraient tendre à remplacer les missions actuellement exercées par l’ANR. Non seulement cette agence distribue des crédits à différents projets, mais elle dispose de diverses attributions, comme la gestion des crédits du PIA. Il faudrait également tenir compte de toutes les conséquences qu’entraînerait sa suppression.

Laissons encore une chance de progression au Gouvernement : Mme la ministre reviendra sans doute l’année prochaine avec des crédits en augmentation et, certainement, avec un meilleur taux de réussite. Nous pourrons alors reparler de ce sujet, mais, pour l’heure, je suis très défavorable à cet amendement de suppression de l’ANR.

Au travers de l’amendement n° II-176 rectifié bis, M. Sol vise un objectif tout à fait intéressant, et pour cause : à l’encontre de la précédente proposition, il s’agit d’augmenter les fonds dévolus à l’ANR. Le seul problème, c’est que le transfert de crédits serait opéré aux dépens de la sécurisation et de l’équipement des bâtiments universitaires. Si ce budget était grevé de 20 %, l’on s’exposerait à des conséquences inquiétantes, et même catastrophiques.

De plus, l’un des points figurant dans l’objet de l’amendement me paraît contestable : il s’agit du traitement réservé au crédit d’impôt recherche, le CIR. Au regard des auditions que nous avons menées, il me semble que ce dispositif doit être préservé. De plus, dans l’exercice de mes mandats de sénateur et conseiller régional, je visite régulièrement des entreprises. Or beaucoup de PME bénéficient du CIR, grâce auquel elles atteignent un taux de croissance intéressant, en particulier au titre de la recherche.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; de toute manière, la commission et de Gouvernement défendent déjà l’augmentation progressive des crédits de l’ANR, que proposent ses auteurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Au titre de l’amendement n° II-134, je signale que l’ANR permet à de jeunes équipes d’obtenir des financements propres, donc d’émerger en créant leur laboratoire. De plus, les crédits de cette agence viennent abonder les laboratoires de recherche : d’une manière ou d’une autre, ces derniers sont donc bien destinataires des fonds.

À propos de l’amendement n° II-176 rectifié bis, je rappelle que l’urgence climatique est, bien entendu, une priorité absolue de ce gouvernement. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà ouvert un programme prioritaire de recherche. Nous avons également veillé à ce que le programme Horizon Europe puisse dédier des crédits spécifiques à la question de la transition énergétique et du climat.

Sur ces deux amendements, le Gouvernement émet donc les mêmes avis que la commission.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Sans vouloir prolonger les débats, je tiens à apporter mon témoignage.

Monsieur Ouzoulias, votre amendement, qui est radical, m’a surprise. Pour avoir passé près de quatre heures à l’ANR, je peux vous dire que M. Thierry Damerval et la nouvelle équipe font tout pour rationaliser les projets. J’en ai également discuté avec le cabinet de Mme la ministre. L’ANR peut sectoriser les thématiques de recherche, et repérer ainsi ce qui n’a pas été entrepris. En même temps, elle recense toutes les thématiques génériques. Sur les spécificités importantes pour les années à venir, l’ANR est en mesure d’avoir plus de visibilité qu’une autre structure.

Je ne vois vraiment pas comment vous pourriez distribuer directement les crédits aux laboratoires, par quels biais. Ce serait, dirais-je, un peu « foutraque » ! (Murmures amusés.) Dans la situation actuelle, on espère dépasser le taux de 20 % de réponses positives. Quoi qu’il en soit, c’est bien l’intention de l’équipe, et j’aimerais vraiment lui laisser le bénéfice du doute pour les deux ou trois années à venir.

Je voterai bien évidemment contre l’amendement de mon collègue et néanmoins ami Pierre Ouzoulias.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote sur l’amendement n° II-134.

M. Pierre Ouzoulias. Foutraque, non ; dialectique, sans doute ! (Sourires.)

Manifestement, entre zéro et un milliard, les termes médians ne sont pas satisfaisants. Pour qu’une agence de moyens fonctionne bien, il faut qu’elle ait un gros volume. Sinon, les taux d’insatisfaction sont trop élevés. Cela demande énormément de travail aux chercheurs, pour de faibles résultats.

Monsieur le rapporteur spécial, j’ai parfaitement entendu votre argumentation très détaillée, et je vous en remercie. Je vous fais simplement remarquer qu’avec le rythme de progression actuelle nous n’atteindrons pas 1 milliard d’euros en 2022. Nous en serons à 866 millions d’euros.

Par ailleurs, à titre d’exemple, j’indique que le programme prioritaire de recherche sur les solutions alternatives aux pesticides, s’il a été confié à l’INRA par l’État, sera mis en œuvre par voie d’appels à projets de l’ANR. Ainsi, tout doucement, le Gouvernement tend à considérer l’ANR comme une nouvelle agence de moyens pour financer des projets nouveaux, qu’elle confie à des opérateurs sans leur donner de moyens de financement : autant d’argent qui ne va pas aux jeunes chercheurs évoqués par Mme la ministre.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je dois chercher dans mes très vieux souvenirs pour me remémorer la création de l’ANR. À l’époque, le groupe communiste s’y était opposé, en s’appuyant exactement sur les mêmes arguments. On peut donc vous féliciter, mon cher collègue, de rester fidèle, en tant qu’archéologue et spécialiste de l’histoire ancienne, à une certaine vérité historique. Simplement, ce n’est pas forcément celle-là qui trouve à s’appliquer à ce que vivent concrètement nos chercheurs.

À l’époque, il s’agissait de dénoncer le fait que l’État, tout en distribuant des crédits de soutien aux laboratoires, n’était plus stratège et ne décidait plus de grands projets de recherche, comme au bon temps du général de Gaulle. Moi aussi, j’ai un côté archéologue ! (Sourires.)

C’est la raison pour laquelle l’ANR doit continuer à vivre. Certes, elle a sans doute, comme toute structure, à évoluer et à s’améliorer, à l’instar du CNU que nous évoquions tout à l’heure.

Selon moi, il est donc raisonnable de ne pas suivre l’amendement déposé par nos amis communistes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-134.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-176 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Piednoir ?

M. Stéphane Piednoir. En concertation avec mon collègue Didier Mandelli, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-176 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-135, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

81 895 852

 

81 895 852

Vie étudiante

81 895 852

 

81 895 852

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

81 895 852

81 895 852

81 895 852

81 895 852

SOLDE

0

0

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement devrait également rencontrer un immense succès ! (Sourires.)

Je le dis tout de suite, je soutiens la liberté de conscience et je n’ai rien contre l’enseignement privé, catholique ou quel qu’il soit.

Toutefois, en tant que sénateur et membre de la représentation nationale, il est selon moi indispensable, quand on soutient des structures privées pour des charges de service public, qu’on obtienne en retour un bilan des missions de service public qui y sont exercées.

Premièrement, pour ce qui concerne ces instituts – on ne peut pas les appeler des universités –, j’aimerais savoir quelle est la part de boursiers et quelle est la composition sociologique du corpus universitaire. Nous devons en effet savoir où va l’argent.

Deuxièmement, j’ai participé au débat précédent sur la mission « Action extérieure de l’État », et j’ai constaté non sans un certain plaisir que le programme « Présidence française du G7 » était vidé de sa substance pour financer d’autres mesures.

Dans le cas qui nous occupe, je n’ai d’autre ressource que de prendre sur les financements de l’enseignement privé pour financer la vie étudiante, pour laquelle il y a un vrai souci.

Je le rappelle, un quart des étudiants vit sous le seuil de pauvreté et la moitié d’entre eux travaille. Le reste à charge pour des étudiants boursiers en région parisienne est de plus de 300 euros. Pour des étudiants non boursiers dans les grandes villes universitaires, il est d’environ 1 000 euros.

Nous sommes donc confrontés à ce que je n’hésite pas à qualifier de « misère étudiante ». Pour expliquer le taux d’échec, dont vous souligniez tout à l’heure le caractère insupportable, les conditions matérielles d’enseignement devront, à un moment donné, être prises en compte.

Il s’agit donc d’un amendement d’appel ou d’alerte visant à souligner les difficultés rencontrées aujourd’hui par les étudiantes et les étudiants.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-34 est présenté par M. Adnot, au nom de la commission des finances.

L’amendement n° II-54 est présenté par M. Piednoir, au nom de la commission de la culture.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

14 000 000

 

14 000 000

 

Vie étudiante

 

14 000 000

 

14 000 000

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

14 000 000

14 000 000

14 000 000

14 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-34.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Cet amendement vise, au contraire, à donner un peu d’air à l’enseignement supérieur privé. En quelques années, depuis 2008, ce dernier a perdu 45 % de l’accompagnement accordé par l’État, alors même que les EESPIG ont passé contrat avec l’État pour atteindre un certain seuil de qualité.

Aujourd’hui, ces établissements se trouvent dans une situation assez difficile, puisque, dans un certain nombre de villes, les crédits que les municipalités leur accordent diminuent. Je pense à Lyon, à Lille et même à Paris.

Je rappelle que, à l’heure actuelle, la moyenne de financement par étudiant dans l’enseignement supérieur privé est à peu près de 600 euros. Elle a donc baissé considérablement.

Par conséquent, nous proposons, comme la commission de la culture, de flécher 14 millions d’euros de crédits vers l’enseignement supérieur privé. Dans la mesure où il nous a été confirmé que le fameux plafond pourrait être porté de 95 millions à 130 millions d’euros, les crédits sont disponibles pour apporter ce soutien.

C’est un premier pas. Il devra se poursuivre pendant trois ans. Permettez-moi en effet de rappeler l’équation suivante : si cet amendement d’appel était rejeté, 106 000 étudiants qui sont aujourd’hui dans le privé se tourneraient vers l’enseignement supérieur public, qui n’aurait pas de place pour les prendre et qui consacrerait 9 000 euros de plus que l’enseignement supérieur privé par étudiant ; on a donc 81 millions d’euros d’un côté et 900 millions d’euros de l’autre.

Fléchons ces 14 millions d’euros vers l’enseignement supérieur privé pour qu’il puisse vivre en bonne harmonie avec l’enseignement supérieur public. Les collaborations sont nombreuses. Il s’agit non pas d’opposer l’un à l’autre, mais au contraire de créer une dynamique permettant de faire progresser notre pays. (M. Jérôme Bascher applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-54.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement est identique au précédent. Ce plan de 42 millions d’euros a été calculé sur trois ans. Il est destiné à ramener la contribution aux EESPIG à 1 000 euros par étudiant, ce qui représente, je le rappelle, environ 10 % de ce que coûte un étudiant dans une université publique. Il s’agit donc d’un effort mesuré. Il n’est pas question, comme cela a été dit, d’opposer l’enseignement privé à l’enseignement public. Néanmoins, depuis une quinzaine d’années, on a observé une augmentation de plus de 60 % des effectifs des établissements privés, qu’il convient de comparer à l’évolution globale de l’ensemble des effectifs du supérieur, qui est de moins de 20 %.

On ne peut que le constater, l’enseignement privé contribue à la mission de service public de l’enseignement supérieur. L’adoption de cet amendement constituerait un geste destiné à revenir aux ratios de 2012. Et je ne parle pas de 2008, où le montant de l’aide accordée atteignait 1 200 euros par étudiant !

M. le président. La présentation de l’amendement n° II-34 vaut-elle avis de la commission sur l’amendement n° II-135, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Absolument, monsieur le président !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. S’agissant de l’amendement n° II-135, qui vise à supprimer le financement des établissements d’enseignement supérieur privés, le Gouvernement y est défavorable pour plusieurs motifs.

D’abord, l’action n° 04 du programme 150 visé par cet amendement finance exclusivement les établissements d’enseignement supérieur privé à but non lucratif, c’est-à-dire les associations et fondations reconnues d’utilité publique et les syndicats professionnels.

La participation de ces établissements au service public de l’enseignement supérieur est reconnue par la qualification d’établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général. Un contrat est conclu par l’État avec chacun de ces établissements, pour définir les conditions dans lesquelles ils exercent les missions de service public de l’enseignement supérieur, dans le cadre d’une gestion désintéressée. Les établissements s’engagent notamment sur des actions à mettre en œuvre en matière de politique sociale : exonération des droits d’inscription des boursiers de l’État et attribution de bourses complémentaires ou de prêts sur critères sociaux financés par les établissements eux-mêmes.

Ces établissements participent donc pleinement à l’objectif de réduction des inégalités sociales du service public.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

Je précise, pour en venir aux amendements identiques nos II-34 et II-54, que le modèle économique de ces établissements est, par définition, différent, chacun l’a bien compris.

Il est important d’apporter un soutien aux établissements privés. C’est la raison pour laquelle le budget a augmenté de 2 millions d’euros en 2018. Cette somme a été « soclée » pour 2019. Un nouvel engagement en gestion, à hauteur de 2 millions d’euros, a été pris par le Gouvernement pour 2019.

Les crédits du fonds d’aide à la mobilité étudiante constituent le gage destiné à équilibrer la disposition. Or il nous paraît extrêmement important de préserver ces crédits, au sujet desquels j’ai été interrogée. Leur montant doit être affiché en amont, afin que les jeunes puissent se déplacer et préparer leur déplacement pour rejoindre des formations qui ont encore de la place, mais ne sont pas situées sur leur lieu d’habitation.

Il va de soi que la contribution vie étudiante et de campus doit aller à la vie étudiante et de campus. Il n’est donc pas question de surfinancer les EESPIG par le biais de cette contribution. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande également le retrait de ces deux amendements identiques ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. L’amendement n° II-135 est-il retiré, monsieur Ouzoulias ?

M. Pierre Ouzoulias. Jamais ! La garde meurt mais ne se rend pas ! (Sourires.)

Monsieur le rapporteur spécial, je vous répondrai dans un sens qui pourrait, je vais peut-être vous étonner, vous faire plaisir.

Entre 2003 et 2016, le nombre d’étudiants en licence, master ou doctorat a doublé dans les universités privées, notamment catholiques. Il y a là une vraie réussite, qui s’explique par plusieurs raisons.

Tout d’abord, il s’agit d’universités à taille humaine, de petits modules, qui attachent un intérêt particulier au développement des étudiants, lesquels sont mieux encadrés qu’ailleurs.

Ensuite, les universités catholiques, je les cite, « s’intéressent au développement de la personne et pas seulement à la transmission des savoirs ». Cela fait partie de la doctrine de l’Église. On peut donc y enseigner, comme à l’Institut catholique de Paris, le droit canonique ou, mieux encore, le code des canons des Églises orientales, matières estimables que j’aurais personnellement aimé étudier.

Toutefois, reconnaissez-le avec moi, l’insertion des étudiants pour ces disciplines est relativement limitée. On est face à un enseignement désintéressé.

Pourquoi ce qui fait aujourd’hui la réussite de ces instituts privés ne ferait-il pas celle des universités publiques ? Pourquoi demandons-nous tout à fait autre chose aux universités publiques ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-135.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-34 et II-54.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° II-203 rectifié ter, présenté par M. Raison, Mme Loisier, M. Milon, Mme M. Mercier, MM. Kern, B. Fournier et Bonhomme, Mme Gruny, MM. Détraigne, Pierre et Huré, Mme Bruguière, MM. Mouiller et Charon, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Vaspart et Cornu, Mmes Imbert et Sollogoub, M. Longeot, Mmes Vullien et Procaccia, MM. Panunzi, Louault, Henno, Le Gleut et Daubresse, Mme Micouleau, M. Morisset, Mmes Deromedi et Morhet-Richaud, MM. Gilles, D. Laurent, Revet, Poniatowski, Rapin, Longuet, Bonne, Savary et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. L. Hervé, Luche, Gremillet, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Deroche, MM. Moga et Priou, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Delcros, Darnaud, Pellevat et Genest, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Recherche appliquée et innovations agroalimentaires

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

20 000 000

 

20 000 000

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche appliquée et innovations agroalimentaires

20 000 000

 

20 000 000

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à créer un nouveau programme « Recherche appliquée et innovations agroalimentaires », pour soutenir l’innovation dans ce secteur, en le dotant, modestement, de 20 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Quand on voit un amendement sur l’agriculture signé par Michel Raison, on fait attention à ne pas trébucher, surtout si on l’a cosigné ! (Sourires.)

La mission dont il est question est déjà portée par l’INRA. Il semble donc inutile, en période de fusion de l’INRA avec l’IRSTEA, de compliquer les choses. Il faut garder raison – sans faire de jeu de mots ! – en la matière.

Je demande donc le retrait de cet amendement. J’ajoute que l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence le captage de crédits par un organisme qui n’en a pas besoin, l’essentiel de sa subvention étant destiné à financer des charges de fonctionnement.

Je me vois mal émettre un avis favorable sur des dispositions qui mettraient en difficulté le Palais de la découverte ou la Cité des sciences et de l’industrie.

Mme Catherine Procaccia. L’amendement est retiré, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° II-203 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° II-414, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

8 000 000

 

8 000 000

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

8 000 000

 

8 000 000

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

8 000 000

8 000 000

8 000 000

8 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. Il s’agit de vous interroger, madame la ministre, sur une baisse de crédits de 50 % qui nous a paru assez surprenante. Elle concerne les crédits dédiés à la recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de la mobilité durables, notamment à la recherche partenariale dans le domaine du développement et de l’aménagement durables.

Par cet amendement, je propose donc de reconstituer ces crédits à la hauteur de ce qu’ils étaient l’année précédente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Cette baisse correspond à une extinction progressive des éléments de recherche sur ces programmes. Il s’agit donc d’une extinction de crédits naturelle.

La commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

M. le président. L’amendement n° II-414 est-il maintenu, monsieur Lafon ?

M. Laurent Lafon. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-414 est retiré.

L’amendement n° II-554, présenté par Mmes Préville et S. Robert et M. Tissot, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

2 000 000

 

2 000 000

Recherche culturelle et culture scientifique

2 000 000

 

2 000 000

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Le budget alloué à la culture scientifique et technique est de nouveau en baisse. Cette diminution représente cette année deux millions d’euros.

Quel dommage, nous avons tant besoin de science ! À l’heure où le réchauffement climatique s’installe, où l’avenir de nos sociétés est à construire, où chacun sera amené à faire des choix de vie, de société, et des choix politiques, il est plus que jamais indispensable que tout un chacun soit en capacité de comprendre, de savoir, pour être un citoyen éclairé, averti et conscient des enjeux. C’est le gage d’une société apaisée.

S’agissant de la transition énergétique, rien ne se fera sans l’adhésion pleine et entière de nos concitoyens et rien ne se fera non plus sans justice sociale, la réalité nous le rappelle.

La culture scientifique et technique croise aussi d’autres sujets d’actualité, comme celui de l’intelligence artificielle, vaste sujet de société dont il faudra débattre.

Nous nous devons de permettre à nos jeunes de découvrir qu’ils aiment les sciences, de cultiver le goût de la science, celui des expériences et de la recherche. Nous aurons besoin à l’avenir de techniciens, d’ingénieurs, de chercheurs. Il y aura donc des postes à pourvoir pour les jeunes ayant reçu cette culture scientifique. Leurs études demanderont un investissement que sublimera la passion nécessaire à la réussite.

Ainsi la culture scientifique est-elle indispensable à la dynamique économique de notre pays. Nous aurons besoin de solutions innovantes pour résoudre les problèmes actuels, qui s’apparentent à des défis.

J’avais déjà déposé cet amendement l’année dernière. Vous aviez évoqué, madame la ministre, un groupe de travail. N’ayant pas été sollicitée, je voudrais savoir où en est ce projet.

Cet amendement tend donc à abonder à hauteur de 2 millions d’euros les crédits de l’action n° 03 « Culture scientifique et technique » du programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », en réduisant d’autant les crédits de l’action n° 03 du programme 191. Vous vous en doutez, il s’agit non pas de réduire les crédits de la recherche duale, mais plutôt d’attirer votre attention sur l’importance de la recherche culturelle et de la culture scientifique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Ma chère collègue, j’adhère pleinement à vos propos et votre exposé. Toutefois, vous-même avez abouti à cette conclusion : il est difficile d’enlever des crédits à la recherche duale, dont les crédits ont été simplement maintenus, cela a été dit dans la discussion générale.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, à moins que vous ne le retiriez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. La diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, la CSTI, est une préoccupation majeure du Gouvernement, mais aussi une préoccupation personnelle.

Toutefois, je serai claire : la CSTI ne se résume ni au seul budget de l’État ni au seul programme 186. Chacun des 16 organismes de recherche, sous la tutelle du ministère, y consacre 1 à 2 millions d’euros par an. Il en est de même pour ce qui concerne le programme 150, puisque 125 millions d’euros sont prévus au titre de la diffusion des savoirs et des musées. Le ministère finance directement chaque année la fête de la science à hauteur de 1,1 million d’euros.

Vous le savez aussi, depuis la loi NOTRe, la CSTI est non plus seulement une compétence de l’État, mais une responsabilité partagée avec les collectivités territoriales, notamment les régions.

Universcience est évidemment une institution extrêmement importante au cœur de la CSTI, qu’elle ne résume cependant pas, tant s’en faut. Le budget d’Universcience a été établi avec le ministère de la culture, pleinement engagé dans la diffusion de la culture scientifique. Ce budget lui permettra de répondre à ses missions en 2019.

C’est pourquoi je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Madame Préville, maintenez-vous l’amendement n° II-554 ?

Mme Angèle Préville. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-554.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-502, présenté par M. Gattolin, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

900 000

 

900 000

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

900 000

 

900 000

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

900 000

900 000

900 000

900 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Cet amendement, plus modeste dans sa logique de transfert que les deux précédents, vise à transférer 900 000 euros du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » vers le programme « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », auquel appartient l’action dont dépend le FAJV, le fonds d’aide au jeu vidéo.

Ce fonds, créé en 2008, était depuis lors cofinancé par le ministère de l’économie, via la direction générale des entreprises, la DGE, et par le ministère de la culture, via le Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC.

Le ministère de l’économie a décidé de supprimer sa contribution au fonds, dont le montant était de 900 000 euros.

C’est extrêmement dommageable. Le FAJV est en effet aujourd’hui l’un des deux grands dispositifs de soutien à cette industrie innovante, culturelle et ancrée dans les territoires qu’est celle du jeu vidéo.

Le crédit d’impôt jeu vidéo, qui est le deuxième de ces outils, s’adresse essentiellement, lui, à des entreprises de taille importante, créant des jeux au coût de production élevé, de plus de 100 000 euros. Il est donc peu accessible à la myriade de petites entreprises qui constituent aujourd’hui notre écosystème de jeunes studios travaillant sur des jeux plus modestes, sur console, mais pas seulement, et qui font, en la matière, notre dynamisme.

Le soutien au jeu vidéo est un combat de longue haleine mené par les parlementaires, députés et sénateurs, à l’instigation de l’ancien député Patrice Martin-Lalande à l’Assemblée nationale.

Avec un certain nombre de mes collègues, comme Catherine Morin-Desailly et Bruno Retailleau – j’ai écrit avec ce dernier, voilà cinq ans, un rapport sur l’industrie du jeu vidéo –, je pense qu’il est absolument indispensable, dans le cadre d’une compétition internationale acharnée qui voit nos entrepreneurs attirés à coup de crédits d’impôt colossaux vers le Canada, les États-Unis ou l’Inde, que nous disposions de moyens de conserver nos talents. Et ces talents sont importants, puisque nos écoles, en ce domaine, sont parmi les meilleures au monde.

Sans soutien à ces jeunes entreprises, nous ne parviendrons jamais à être performants dans ce secteur essentiel du divertissement – il s’agit aujourd’hui de la première industrie culturelle, devant le cinéma –, dont les entreprises sont particulièrement innovantes sur tous les territoires de France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. C’est un domaine passionnant, dont les modes de financement sont quelque peu complexes.

Je commencerai par dire ma surprise, monsieur Gattolin, de vous voir « pomper » le programme 172, dont je sais qu’il vous intéresse aussi beaucoup,…

M. André Gattolin. Ils m’intéressent tous !

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. … puisqu’il a, par exemple, vocation à financer des recherches sur l’intelligence artificielle.

Deuxième surprise : cet amendement a déjà été présenté à l’Assemblée nationale, me semble-t-il, et y a reçu des avis défavorables tant de la commission que du Gouvernement.

Je pense par ailleurs qu’une partie de vos demandes seront reprises dans le plan Nano 2022. La direction générale des entreprises prévoit en effet, dans le cadre de ce plan, de financer l’innovation via un fonds de compétitivité.

Quant au crédit d’impôt, que vous avez cité, il est préservé, lui.

M. André Gattolin. Mais il ne s’adresse pas aux entreprises que j’ai en vue !

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Certes.

Bien qu’une partie des financements ministériels du fonds d’aide disparaissent, la contribution du ministère de la culture est maintenue. Le fonds connaît donc une restructuration globale qui n’est pas forcément synonyme de baisse.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Je maintiendrai évidemment cet amendement.

Les arguments qui me sont donnés ne correspondent pas à la réalité de l’écosystème du jeu vidéo. Le crédit d’impôt est destiné à de grandes entreprises ; je demande une aide pour les petites entreprises, les PME – 61 % des entreprises bénéficiaires du fonds sont de petites entreprises.

J’invite chacun, donc, à la cohérence ! Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur spécial, mais le plan Nano 2022 ne couvre pas ce genre d’actions. La DGE montre qu’elle ne connaît pas le monde de l’entreprise, du moins dans ce domaine, lorsqu’elle prend des décisions de ce type.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-502.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 78 et 78 bis, ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 78, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Recherche et enseignement supérieur

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article additionnel après l'article 78 - Amendement n° II-539

Article 78

L’article 50 de la loi n° 2016-1088 du 16 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est abrogé à compter du 1er janvier 2019.

Toutefois, ses dispositions demeurent applicables aux demandeurs de l’aide à la recherche du premier emploi ayant obtenu leur diplôme à finalité professionnelle au plus tard le 31 décembre 2018.

M. le président. L’amendement n° II-133, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Je souhaite simplement, en déposant cet amendement, obtenir des explications sur l’aide à la recherche du premier emploi, l’ARPE.

J’aimerais comprendre pourquoi ce dispositif n’a pas connu de succès et pourquoi il est supprimé. Si vous me dites, madame la ministre, que toutes les étudiantes et tous les étudiants sortant de l’université trouvent systématiquement un emploi et qu’il est inutile de les aider à en trouver un, j’en serai très heureux. Cela montrerait, encore une fois, l’efficacité de l’université française. (Sourires.)

M. Jérôme Bascher. Dommage, c’est faux !

M. Alain Fouché. Il suffit de traverser la rue ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Monsieur Ouzoulias, cet article 78 prévoit la suppression du dispositif que vous avez évoqué. C’est compréhensible, dans la mesure où les crédits n’ont jamais été bien consommés.

Cette aide créait par ailleurs une très grande inégalité, puisqu’un étudiant qui n’obtenait pas son diplôme n’avait pas le droit de bénéficier de ces crédits, alors que celui qui l’obtenait, dont on peut penser qu’il était plus facilement employable, pouvait éventuellement en bénéficier.

Elle était même parfois contre-productive : le jeune pouvait se dire qu’il disposait de trois ou quatre mois pendant lesquels il n’était pas contraint d’aller immédiatement vers l’emploi. On peut espérer, au contraire, que les jeunes cherchent à trouver un emploi avant même d’être sortis de l’université. Tous nos établissements d’enseignement supérieur devraient d’ailleurs – je les mettrais volontiers au défi de le faire – inviter leurs étudiants à se préoccuper bien avant la fin de leurs études de trouver un débouché à celles-ci.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances a approuvé la fin de ce dispositif et donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Ce dispositif n’a pas atteint son objectif et n’a eu aucun effet significatif en matière d’insertion professionnelle, comme il a été démontré dès l’an dernier par le sénateur Adnot dans son rapport spécial.

Les dernières informations communiquées par le ministère du travail, en octobre 2018, montrent que le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A de moins de 25 ans a diminué de 1 % en un an et que les jeunes diplômés mettent, en moyenne, deux mois à trouver un emploi.

Muriel Pénicaud et moi-même avons donc proposé de remplacer l’ARPE par la garantie jeunes, qui concerne tous les jeunes âgés de 16 à 25 ans, dont le montant maximal est de 484,82 euros par mois, et qui est cumulable jusqu’à 300 euros avec un revenu d’activité. Cet outil est plus efficient pour accompagner les jeunes, y compris diplômés, dans leur insertion sur le marché du travail.

Nous avons donc décidé de supprimer le dispositif d’aide à la recherche du premier emploi, qui n’avait pas montré son efficacité.

M. le président. Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° II-133 est-il maintenu ?

M. Pierre Ouzoulias. J’ai obtenu une réponse. Comme il est minuit passé, le carrosse s’est transformé en citrouille et la citrouille est compatissante. (Sourires.) Je vais donc retirer mon amendement, monsieur le président.

J’ai compris que ce dispositif était supprimé et que les crédits disponibles étaient affectés à un fonds de mobilité. Je vous interrogerai donc l’année prochaine, madame la ministre, sur l’utilisation des crédits dans le cadre de ce nouvel outil, en espérant qu’ils seront cette fois mieux employés.

M. le président. L’amendement n° II-133 est retiré.

Je mets aux voix l’article 78.

(Larticle 78 est adopté.)

Article 78
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 78 bis (nouveau) (début)

Article additionnel après l’article 78

M. le président. L’amendement n° II-539, présenté par Mme L. Darcos, est ainsi libellé :

Après l’article 78

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 129 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette annexe présente la contribution de l’État, des administrations publiques, des associations et des entreprises au financement de la recherche fondamentale utile à la lutte contre le cancer pédiatrique. »

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Me voici placée par M. Ouzoulias dans le rôle de Cendrillon ; je vais donc tâcher d’être brève, monsieur le président. (Sourires.)

Je voudrais remercier Mme la ministre d’avoir abondé de 5 millions d’euros supplémentaires les crédits dédiés à la recherche contre les cancers pédiatriques.

L’adoption de cet amendement nous donnerait la possibilité de mieux savoir où passent ces crédits. Il s’agit en effet de renseigner le Parlement et nos concitoyens sur la réalité des montants consacrés annuellement à cette recherche fondamentale.

À la différence des pays anglo-saxons, qui présentent des financements au coût réel, intégrant la masse salariale des chercheurs travaillant à améliorer notre compréhension des mécanismes fondamentaux à l’origine des cancers les plus résistants chez l’enfant, la France n’affiche que des financements additionnels consacrés aux programmes ou aux bourses de recherche existants en la matière, qui transitent principalement par l’INCa, l’Institut national du cancer.

L’Assemblée nationale, lors de l’examen des crédits de cette mission, a adopté un amendement présenté par le Gouvernement visant à consacrer 5 millions d’euros par an à la mobilisation et à la coordination de la recherche fondamentale.

Lors de votre audition par notre commission, madame la ministre, vous avez évoqué des recherches sur d’autres cancers, qui ne sont pas forcément spécifiquement pédiatriques, ainsi que sur l’embryon, en appelant de vos vœux une coordination de toutes ces recherches.

Le présent amendement vise ainsi à ce que l’annexe budgétaire consacrée aux politiques de financement de la recherche soit complétée en sorte qu’elle rende compte de manière détaillée de l’usage qui sera fait de ces sommes et, plus généralement, de la réalité des montants consacrés chaque année à cette question d’intérêt majeur pour nos concitoyens.

Les associations de familles des enfants malades nous écoutent et j’espère, en leur nom, un avis favorable de la part du Gouvernement. Je voudrais m’excuser auprès de mes collègues pour avoir déposé cet amendement à la dernière minute ; j’ai reçu beaucoup de messages de sénatrices et sénateurs qui s’associaient à ma proposition. Je les en remercie ; j’en ai été très touchée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Ma chère collègue, vous savez qu’avec ce sujet vous touchez la corde sensible ; nous en parlons souvent ensemble. Quels que soient les moyens utilisés, crédits ou contrôle de l’utilisation de ces crédits, on est, en la matière, toujours trop radin.

La commission a émis un avis de sagesse mais, à titre personnel, je voterai bien sûr pour cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Vous le savez, la France réalise un effort important en matière de lutte contre le cancer en général. Dans ce cadre, le Sénat et l’Assemblée nationale ont proposé d’accorder une attention particulière aux cancers pédiatriques, ce qui a permis au Gouvernement de présenter un amendement qui, comme cela a été dit, a été voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

Mon ministère comme le ministère de la santé se sont engagés à améliorer, en la matière, la lisibilité de l’information. Mais c’est bien sûr au Parlement de décider de l’information qu’il souhaite avoir à sa disposition.

L’avis du Gouvernement est tout à fait favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. J’ai entendu avec intérêt les propos de Mme Darcos. On a souvent vu, à une époque – je l’ai constaté par moi-même –, que les fonds destinés à la recherche contre les cancers pédiatriques passaient dans le financement du fonctionnement des CHU, les centres hospitaliers universitaires.

J’espère que ces pratiques sont révolues.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je soutiens moi aussi cet amendement.

Le Sénat est attaché au traitement spécifique du cancer pédiatrique : c’est ici que se déroule, depuis plusieurs années, un colloque sur ce sujet. Le Gouvernement a eu raison de faire cette rallonge budgétaire en faveur de la recherche sur ce type de cancer. Les choses avancent pas à pas, et la lisibilité de l’usage des fonds est en effet nécessaire.

Je voterai donc, évidemment, pour cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-539.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 78.

Article additionnel après l'article 78 - Amendement n° II-539
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 78 bis (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 78 bis (nouveau)

Les opérateurs de la mission « Recherche et enseignement supérieur » produisent chaque année, dans un format défini par arrêté du ministre chargé de la recherche, les données relatives à leurs activités de recherche disponibles dans leurs systèmes d’information.

Cet arrêté précise également la date à compter de laquelle cette obligation s’applique. Cette date ne peut être postérieure au 1er janvier 2022.

Dans les six mois suivant la publication de cet arrêté, chacun des opérateurs concernés communique au ministre chargé de la recherche un rapport rendant compte des mesures prises pour se conformer à cette obligation. – (Adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Article 78 bis (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Discussion générale

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 4 décembre 2018 :

À neuf heures trente : questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (n° 146, 2018-2019) ;

- Culture (+ article 74 septies) ;

- Médias, livre et industries culturelles ;

- Compte spécial : Avances à l’audiovisuel public (+ article 84 quinquies) ;

- Pouvoirs publics ;

- Conseil et contrôle de l’État ;

- Direction de l’action du Gouvernement ;

- Budget annexe : Publications officielles et information administrative ;

- Travail et emploi (+ articles 84 et 84 bis) ;

- Compte spécial : Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 4 décembre 2018, à zéro heure dix.)

 

nomination dun membre dune délégation sénatoriale

Le groupe socialiste et républicain a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Patrick Kanner est membre de la délégation sénatoriale aux outre-mer, en remplacement de M. Didier Guillaume.

 

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD