M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2019, le budget de l’APD connaît une hausse substantielle, et je m’en félicite. Mais n’est-ce pas là une augmentation en trompe-l’œil ?

Le chiffre de 1 milliard d’euros d’augmentation est impressionnant, mais il s’agit d’autorisations d’engagement. En crédits de paiement, cette hausse se limite à 130 millions d’euros.

Cela masque un recul grave. La taxe sur les transactions financières, jusqu’alors affectée à 50 % à l’APD, ne le sera plus qu’à hauteur de 32 %. Si cette déviation du flux de la TTF est, cette année, compensée budgétairement, donnant la possibilité de communiquer sur une augmentation de budget largement artificielle, rien ne dit que tel sera le cas dans le futur. Le risque est d’entériner le principe d’une baisse de l’affectation de ce financement innovant. Pour aller plus loin dans la recherche de financements innovants, pourquoi ne pas, par exemple, taxer les cargos, qui acheminent plus de 90 % des marchandises de la planète et dégagent une pollution massive ?

Il y a un certain manque de réalisme dans la réaffirmation de la cible de 0,55 % du RNB en fin de quinquennat, objectif déjà peu ambitieux par rapport à nos engagements anciens de 0,7 %, auxquels nombre de nos partenaires européens sont déjà parvenus. Il risque fort de ne pas être tenu, car la trajectoire proposée fait reposer l’essentiel de l’effort sur la fin du quinquennat. Nous étions à 0,43 % en 2017, nous ne serons qu’à 0,44 % en 2019, loin de l’objectif affiché.

Je salue en revanche le début de rééquilibrage entre dons et prêts. Octroyer des prêts n’est pas la raison d’être de notre APD, surtout quand il s’agit de pays ayant les moyens de financer leur propre développement, voire d’investir dans les pays du Sud, comme la Chine, encore fortement bénéficiaire de notre APD, qui investit massivement en Afrique sans se préoccuper de normes sociales ou environnementales. Les aides sous forme de dons, privilégiées par les agences de développement britanniques et allemandes, favorisent des projets en faveur de biens communs comme l’environnement, la santé ou l’éducation.

Cela fait des années que je plaide pour un renforcement du soutien français à l’éducation, notamment celle des filles, et je ne peux que me réjouir qu’il soit enfin élevé au rang de priorité. Les bienfaits des investissements dans l’éducation sont en effet nombreux, tant en matière de développement économique que d’égalité femmes-hommes, de santé, de lutte contre le changement climatique ou de limitation de la pression migratoire.

Mais l’APD délivrée sous forme de dons est aussi plus coûteuse pour le contribuable, d’où une exigence accrue en matière de contrôle et de recevabilité, surtout au regard des contraintes budgétaires qui pèsent sur l’ensemble des autres budgets de l’État.

Pour renforcer le contrôle et l’évaluation, nous avons besoin de définir avec beaucoup plus de rigueur des indicateurs assortis de cibles chiffrées. C’est notamment indispensable pour évaluer notre impact sur des enjeux transversaux tels que l’égalité de genre ou la cohérence de nos actions en matière d’empreinte carbone.

Autre enjeu sur lequel notre budget manque de vision à long terme : la francophonie. La France ne consacre que 32 % de son APD à des pays francophones – presque deux fois moins que ce que le Royaume-Uni flèche vers son espace géolinguistique. L’ensemble des seize pays identifiés comme prioritaires, tous situés en Afrique, ne représentaient en 2017 que 7,2 % des engagements de l’AFD à l’étranger ! Une plus grande implication dans l’aire francophone serait doublement vertueuse, puisqu’elle permettrait de renforcer notre ancrage dans une zone en forte croissance tout en nourrissant cette dernière.

Dans un contexte de forte concurrence internationale, notamment chinoise, il est important de jouer toutes nos cartes. Je défendrai tout à l’heure un amendement visant à sécuriser des financements pour notre audiovisuel extérieur.

J’estime également qu’un déploiement financier de l’AFD réalisé sur fond d’étranglement budgétaire du Quai d’Orsay est contre-productif. Si nous voulons sortir du saupoudrage et du court-termisme, nous devons intégrer notre aide au développement dans un dialogue diplomatique de qualité. À cet égard, le financement de 50 millions d’euros au gouvernement gambien, qui n’est pas le meilleur exemple de démocratie, apparaîtrait presque comme une provocation au regard des coupes budgétaires drastiques imposées à notre ministère des affaires étrangères pour 2019.

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je conclurai simplement en rappelant combien nous devons être vertueux et combien notre aide au développement devrait aussi servir d’élément déterminant dans notre action diplomatique extérieure, avec un contrôle accru. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Vallini. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. André Vallini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs orateurs l’ont rappelé avant moi, le Président de la République s’est engagé à consacrer, d’ici à la fin de son mandat, 0,55 % de la richesse de notre pays à l’aide publique au développement. Or, pas plus que le budget pour 2018, le budget pour 2019 n’engage la France sur une trajectoire crédible vers cet objectif.

Certes, cette trajectoire prévoit une forte augmentation en fin de quinquennat, mais on peut s’interroger sur cette accélération très forte à partir de 2020 quand on sait que l’APD a souvent servi, par le passé, et sous tous les gouvernements, de variable d’ajustement en cas de difficultés budgétaires. En tout cas, nous sommes loin d’allouer à l’APD 0,7 % du revenu national brut ; 0,7 %, ce chiffre qui fait consensus dans les instances internationales et que d’autres pays européens ont déjà atteint : la Norvège, le Royaume-Uni, le Danemark ou encore l’Allemagne.

Après cette introduction, j’en viens à la répartition du budget lui-même.

Monsieur le ministre, je relève tout d’abord deux points positifs.

Premièrement, les financements dédiés à la lutte contre le changement climatique seront renforcés, pour atteindre 1,5 milliard d’euros par an d’ici à 2020. Dans ce cadre, la priorité sera donnée à l’Afrique, aux pays les moins avancés, ou PMA, et aux pays les plus vulnérables au réchauffement.

Deuxièmement, l’éducation sera favorisée – Christian Cambon en a parlé. Sur les trois prochaines années, une contribution de 200 millions d’euros sera accordée au partenariat mondial pour l’éducation, le PME, contre seulement 17 millions d’euros pour la période précédente, et 100 millions d’euros de subventions additionnelles, via l’AFD, seront dédiés au secteur de l’éducation de base.

Je tiens à dire un mot de la répartition entre les prêts et les dons et entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale, sujets dont a parlé Richard Yung.

On sait que la faiblesse des dons conduit depuis longtemps l’APD française vers les pays les plus solvables ; les pays les plus pauvres ne bénéficient, eux, que d’un quart de l’aide française, les autres étant notamment des pays émergents, comme la Chine, le Brésil ou encore l’Afrique du Sud.

Je relève également la montée de nos contributions multilatérales, qui s’observe depuis quelques années, au détriment de nos aides bilatérales. Lors de sa réunion du 8 février dernier, le CICID, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, a préconisé de corriger cette évolution, conformément à ce que souhaite le Sénat depuis de nombreuses années. Les deux tiers de la hausse des autorisations d’engagement de l’APD d’ici à 2022 devront contribuer à la composante bilatérale de l’aide au développement. Parallèlement, les dons progresseront aussi, l’AFD devant bénéficier dès 2019 de plus de 1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement.

Pour résumer, en valeur relative, les dons augmentent par rapport aux prêts et le bilatéral progresse par rapport au multilatéral, ce qui correspond aux préconisations du Sénat. Toutefois, en crédits de paiement, les dons projets de l’AFD ne passeront que de 213 millions à 280 millions d’euros et les autorisations d’engagement, en forte hausse, ne seront mises en œuvre que sur plusieurs années. L’aide réelle aux pays les plus pauvres, notamment ceux du Sahel, dépendra donc du renouvellement de ce niveau élevé d’autorisations d’engagement au cours des prochaines années. Il s’agit d’un véritable défi pour l’AFD, qui, ces dernières années, s’est concentrée sur l’instrument « prêts » au détriment de l’instrument « dons », l’Agence étant devenue, de facto, davantage une banque de développement qu’un opérateur de l’aide au développement.

Pour ce qui concerne les prêts, le plan de croissance rapide des engagements de l’AFD pose deux questions.

Premièrement, la majorité de ces engagements correspond à des prêts à taux de marché ou faiblement bonifiés, contractés avec des pays à revenu intermédiaire ou des pays émergents. Je pense à la Turquie, au Maroc, à la Colombie, à l’Inde, au Brésil, à l’Égypte, ou encore à la Jordanie. Or, dès 2018, la forte dégradation des capacités d’emprunt de plusieurs de ces États risque de rendre l’objectif de croissance des engagements de l’AFD plus difficile à atteindre.

Deuxièmement, si l’AFD parvient à augmenter encore ses prêts, ne risque-t-on pas d’observer une diminution de la qualité de ces engagements, avec des projets qui ne répondraient pas forcément à toutes les exigences environnementales, sociales ou de bonne gouvernance, de démocratie, pour être tout à fait clair, que l’AFD doit respecter ?

Dans le même ordre d’idées, ce plan de croissance va obliger l’Agence à demander l’extension de son mandat à de nouveaux pays, au risque de nuire à la cohérence de la politique d’aide au développement.

Richard Yung a déjà évoqué la gouvernance de l’AFD. Jean-Pierre Vial en a beaucoup parlé, avec raison, et nous l’avons déjà dit en commission : les sénateurs, toutes tendances confondues, pensent qu’il faut améliorer l’articulation entre la politique d’aide au développement et les autres dimensions de la politique extérieure que vous conduisez, monsieur le ministre, à savoir la diplomatie, le commerce extérieur, les interventions militaires contre le terrorisme, la lutte contre l’immigration irrégulière et, surtout, contre les causes profondes des migrations. Il est donc clair que, dans les prochains mois et les prochaines années, le Gouvernement doit renforcer le pilotage politique de l’AFD.

Enfin, je dirai un mot de la taxe sur les transactions financières, la TTF.

En 2018, le Gouvernement a décidé de revenir sur la mesure votée par le Parlement en 2017. En cessant de taxer les opérations intrajournalières, le fameux intraday, il a renoncé à des recettes représentant 2 milliards à 4 milliards d’euros supplémentaires par an. Cette année, vous aggravez votre cas, si je puis dire, en proposant que la TTF, jusqu’à présent allouée à 50 % au développement, ne soit plus affectée au développement qu’à hauteur de 30 %.

Jusqu’à présent, la TTF était allouée pour 528 millions d’euros au Fonds de solidarité pour le développement, le FSD, et pour 270 millions d’euros à l’AFD. Or le projet de loi de finances pour 2019 supprime la part affectée à l’AFD. Marie-Françoise Perol-Dumont en a parlé à l’instant. Elle a raison d’exprimer la crainte ressentie sur toutes les travées du Sénat. Il s’agit d’un recul historique, alors même que 2019 sera une année charnière, ponctuée de rendez-vous incontournables : le G7, bien sûr, la reconstitution du Fonds vert pour le climat, évidemment, et la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Monsieur le ministre, ce budget n’est pas à la hauteur des ambitions que vous affichez et qu’affiche le Président de la République. Il n’est pas à la hauteur de ce que l’on attend de la France dans le monde. C’est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe socialiste et républicain s’abstiendront. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est d’usage, dans le cadre de nos débats sur le projet de loi de finances, de structurer nos interventions par des moissons de chiffres et de comparaisons traduisant notre approbation, nos craintes ou nos réserves. Permettez-moi de déroger à cette tradition en abordant les crédits consacrés à l’aide publique au développement.

Les montants de ces crédits sont peu de choses au regard des grands postes de dépenses de l’État, mais ils ont, à mes yeux, une importance déterminante sur le sens de la politique mise en œuvre par notre pays.

Comme la plupart d’entre nous, je me félicite que cette politique publique bénéficie d’une hausse d’environ 4,7 %, les crédits de paiement augmentant de 127 millions d’euros et les autorisations d’engagement, de 1,4 milliard d’euros.

Je me remémore le discours du Président de la République prononcé à Ouagadougou en novembre 2017. Je me souviens plus précisément d’une phrase : « J’ai pris l’engagement d’avoir une France au rendez-vous du défi de développement. »

Il n’est pas dans mes habitudes de complimenter – on me le reproche assez –, mais je constate qu’il a tenu parole, car cette hausse de crédits est loin d’être négligeable au regard du contexte économique auquel notre pays est confronté. Elle est d’autant plus significative qu’au niveau mondial l’aide publique au développement, d’un montant de 146 milliards de dollars, est en baisse de 0,6 %. À l’heure où les crises liées au changement climatique s’ajoutent aux guerres et conflits, nous pouvons être fiers de joindre actes et paroles, même si bien des efforts restent à accomplir.

Je n’insisterai pas non plus sur les équilibres entre autorisations d’engagement et crédits de paiement structurant les moyens alloués à cette politique publique. Ils s’expliquent par l’augmentation de notre contribution au Fonds européen de développement et trouvent aussi leur justification dans les fluctuations des autorisations d’engagement auxquelles nous avons à nous adapter.

Ayant fermement critiqué l’an passé, à cette même tribune, le risque de déclassement de notre pays, comment ne pas être réconforté en constatant l’inversion de la trajectoire inscrite dans le projet de budget pour 2019, qui nous laisse entrevoir la possibilité d’atteindre le chiffre de 0,55 % de notre revenu national brut consacré à cette politique en 2022 ? Les esprits chagrins feront remarquer que nous sommes loin des objectifs électoraux du Président de la République. Pour ma part, je préfère voir le verre à moitié plein d’un chapitre budgétaire qui inverse « à la hausse » la courbe du montant de nos aides, alors que l’Allemagne ou le Royaume-Uni ont déjà atteint ce seuil de financement.

Si je salue notre trajectoire, en refusant de m’adonner à la litanie des indices et des chiffres, c’est pour insister sur le sens que nous devons donner à cette politique.

Nous avons tous entendu les critiques lancées à l’encontre de l’aide au développement, qualifiée de « sparadrap sur des fractures » ou de « tonneau des Danaïdes ». Pourtant, la réalité infirme ces jugements, et les besoins pour lutter contre la faim, la pauvreté, permettre à l’accès à l’eau et favoriser l’éducation rendent cette aide indispensable. Même imparfaite, même insuffisante, elle est l’une des pièces essentielles au travers de laquelle nous traduisons un devoir de solidarité.

À l’heure où la France traverse une grave crise et où nos concitoyens nous demandent de penser à leur pouvoir d’achat, renforcer l’aide publique au développement, c’est dire clairement que rien ne pourra se faire ici si l’on ne prend pas soin de ceux et celles qui souffrent aussi ailleurs. N’oublions pas, mes chers collègues, les 17 000 enfants qui meurent chaque jour dans le monde ! Plus que jamais, le développement constitue un enjeu géopolitique fort.

Monsieur le ministre, malgré les réserves que je viens de formuler, parce que ces crédits sont orientés à la hausse et parce que l’aide publique au développement n’est qu’une part du soutien que la France apporte aux pays les plus fragiles, le groupe du RDSE votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, je formulerai, après les rapporteurs et les différents orateurs qui sont intervenus, quelques observations sur une mission qui, chacun a bien voulu le reconnaître, enregistre une progression très significative de ses crédits.

Le programme 209 représente 3,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement. Hors dépenses de personnel, il est doté de 1,86 milliard d’euros en crédits de paiement, en progression de 80 millions d’euros en comparaison avec 2018. En matière d’autorisations d’engagement, l’augmentation est de 1,37 milliard d’euros. Je tiens à le dire, en particulier à M. Vallini, qui formulait quelques observations pas forcément agréables, il s’agit d’une hausse sans précédent dans l’histoire de ce programme.

Madame Garriaud-Maylam, vous avez fait une comparaison entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement. Si l’on veut faire les choses correctement, les crédits de paiement doivent être mesurés par rapport aux autorisations d’engagement. L’important est de fixer les autorisations d’engagement, car, en matière d’aide au développement, vous le savez, vous qui connaissez bien ces sujets, les choses prennent du temps, les décaissements étant par nature progressifs. Je peux donc vous l’assurer, les autorisations d’engagement d’aujourd’hui seront les crédits de paiement de demain.

Je le répète, une trajectoire définie en fonction du PIB a été retenue par le CICID du 8 février dernier. Celle-ci sera confortée lors de la discussion du projet de loi de programmation de l’aide publique au développement, qui sera bientôt soumis au Parlement.

Par ailleurs, je voudrais préciser un point technique, le Gouvernement ayant déposé deux amendements – je présenterai le premier dans le cadre de cette mission, le second lors de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État ».

Le Gouvernement a décidé, pour financer les annonces récentes du Premier ministre, un ajustement à la baisse de certains plafonds budgétaires. Or, pour ce qui concerne mon ministère, nous avons appris à la fin du mois de novembre que la contribution française au FED serait inférieure à la prévision initiale, ce qui nous permet de porter l’ensemble de l’ajustement qui nous est demandé sur le programme 209, sans qu’aucune des actions prévues soit remise en cause, tout en préservant les programmes de la mission « Action extérieure de l’État ». Pour le programme 209, cela signifie une hausse des crédits de paiement de 265 millions d’euros par rapport à 2018, ce qui représente, je le répète, une hausse sans précédent.

La hausse de nos engagements permettra de financer des priorités claires, que vous avez tous identifiées : la moitié de ces crédits ira aux secteurs de l’éducation, de la jeunesse ou de la santé ; l’autre moitié financera des actions pour résorber les fragilités en zone de crise, la lutte contre le changement climatique et l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle permettra aussi d’affirmer nos choix géographiques : l’Afrique et, plus particulièrement, dix-neuf pays prioritaires seront les principaux bénéficiaires de cet effort. Ainsi, en 2019, l’aide publique apportée à l’Afrique sera de 1,2 milliard d’euros, dont 429 millions d’euros pour le seul Sahel.

Je récapitule les orientations que j’ai indiquées à plusieurs reprises devant vous : l’inversion de la proportion entre dons et prêts, au bénéficie des dons, entre bilatéral et multilatéral, en faveur du bilatéral, et réorganisation géographique parallèle. Ce sont les souhaits que vous avez émis dans vos différentes interventions ; c’est ce que nous mettons en œuvre très concrètement dans le cadre de ce projet de budget.

Ces crédits en hausse permettront également de financer l’aide humanitaire, dont j’ai fait, vous le savez, une priorité. Comme je m’y étais engagé l’an dernier, les crédits de gestion et de sortie de crise augmentent, cette année encore, de 14 millions d’euros, pour atteindre 100 millions d’euros. À ce titre, le Fonds d’urgence humanitaire sera porté à 45 millions d’euros et notre aide alimentaire programmée sera également renforcée. Nous devenons enfin un acteur humanitaire significatif et sortons d’une situation où nous investissions dans ce secteur moins qu’un pays comme la Belgique – j’avais eu l’occasion de vous le dire l’année dernière.

Je souhaite que le débat sur la future loi de programmation sur l’aide publique au développement soit l’occasion de réfléchir aux moyens permettant de suivre l’utilisation de ces ressources importantes. Il convient en effet de disposer de moyens de pilotage et d’évaluation adaptés à l’effort consenti. Plusieurs d’entre vous sont intervenus sur ce point, avec raison. Il nous faudra donc mettre en œuvre un dispositif adéquat. À cet égard, permettez-moi de souligner trois décisions.

Premièrement, l’AFD sera en première ligne dans la mise en œuvre de ces moyens nouveaux. Nous renégocierons en 2019 sa rémunération. Les ressources ainsi dégagées abonderont le Fonds de solidarité pour les partenariats innovants, le FSPI, qui est facile d’usage, très réactif et généralement à la main des ambassadeurs pour financer des programmes de volume modeste ou dans leur phase initiale. C’est ainsi que ce fonds a permis les premiers travaux de conception du futur campus franco-sénégalais de Dakar.

Deuxièmement, les nouveaux moyens financiers accordés à l’AFD doivent conduire à renforcer son pilotage. Dans la réflexion que nous menons pour élaborer le projet de loi, plusieurs propositions formulées par le député Hervé Berville dans le rapport qu’il nous a remis ont retenu notre attention. Comme il l’a proposé, nous envisageons de créer un conseil de développement sous l’autorité du Président de la République. Par ailleurs, il sera bien précisé dans le projet de loi qu’il reviendra au ministre chargé de la coopération, qui est aujourd’hui le ministre des affaires étrangères, c’est-à-dire moi-même – j’assume ma tâche complètement, vous le savez, madame la sénatrice Garriaud-Maylam –, de présider le conseil d’orientation stratégique de l’Agence.

Troisièmement, une commission nationale d’évaluation indépendante sera amenée à juger l’impact, l’efficacité et l’efficience de nos actions en matière de développement. La création de cette instance, qui répond également à une demande du président Cambon et de certains d’entre vous, sera mise en œuvre par le biais de la loi de programmation.

Je formulerai encore quelques observations complémentaires.

Monsieur Yung, je suis favorable à une clarification de notre architecture budgétaire. Sans doute serait-il souhaitable d’inscrire les dons dans le programme 209 et les prêts dans le programme 110. Quant au FSD, il devrait être abondé par la TTF et orienté prioritairement vers les fonds multilatéraux. Une telle simplification paraît indispensable pour sortir du maquis des fonds dans lequel certains d’entre vous se perdent. Il m’arrive moi-même de m’y perdre, tant l’architecture est complexe.

Notre volonté d’un meilleur suivi de l’augmentation des crédits qui seront affectés à l’AFD doit également s’étendre à l’affectation des fonds multilatéraux, lesquels continuent à être abondés par le budget français. Dans le cadre de leur articulation avec les actions bilatérales et de leur bonne utilisation, ils devront nécessiter de notre part une plus grande vigilance. En effet, le Fonds européen de développement bénéficiera quant à lui de 850 millions d’euros. C’est une somme très importante, sans doute la plus importante qui lui soit affectée, ce qui nécessite, certains l’ont souligné, une vigilance accrue concernant son utilisation.

Concernant Expertise France, j’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec le président Cambon, je serai très vigilant sur le maintien de son identité au sein de l’AFD et pour éviter toute dérive. À l’heure actuelle, rien n’est tranché pour ce qui concerne les modalités, les synergies étant possibles.

Il a été fait état de l’importance du Fonds vert pour le climat. Je le souligne, sa reconstitution est prévue en 2019. La conférence de reconstitution se réunira au cours de l’année. Nous apporterons notre propre contribution sur l’aspect pluriannuel. Nous serons très vigilants sur le maintien et l’augmentation de ce fonds.

Par ailleurs, le Secrétaire général des Nations unies a demandé au Président de la République, lors de la réunion du G 20 à Buenos Aires, que la France joue un rôle majeur dans le cadre du sommet sur le climat de septembre 2019 qu’il organisera à New York. Nous aurons la responsabilité, avec la Jamaïque, d’identifier les enjeux de financement du futur et de faire en sorte que les outils de financement soient au rendez-vous.

Enfin, Mme Perol-Dumont a évoqué le problème de la comptabilisation de l’APD. Comment une somme est-elle identifiée dans le cadre de l’aide publique au développement ? Il existe des règles internationales établies par l’OCDE mentionnant tous les critères nécessaires pour rendre une intervention financière, publique ou privée, éligible à l’aide publique au développement. C’est en fonction de ces critères que nous avons identifié le chiffre de 0,55 % de notre revenu national brut, que devra représenter notre aide en 2022. Tel est l’engagement du Président de la République. La trajectoire qui vous est aujourd’hui proposée permettra d’atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)

aide publique au développement

Aide publique au développement -  Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 72

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Aide publique au développement

4 506 803 421

3 085 181 109

Aide économique et financière au développement

1 305 765 394

1 074 752 833

Solidarité à l’égard des pays en développement

3 201 038 027

2 010 428 276

Dont titre 2

153 150 588

153 150 588

M. le président. L’amendement n° II-687, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

 

 

 

 

Solidarité à l’égard des pays en développement

dont titre 2

 

6 684 507

 

6 684 507

TOTAL

 

6 684 507

 

6 684 507

SOLDE

-6 684 507

-6 684 507

La parole est à M. le ministre.