Outre-mer
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 77 quinquies (nouveau) (début)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Outre-mer

2 596 366 115

2 510 696 928

Emploi outre-mer

1 715 782 734

1 719 063 456

Dont titre 2

159 681 065

159 681 065

Conditions de vie outre-mer

880 583 381

791 633 472

M. le président. L’amendement n° II-642, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

65 000 000

 

65 000 000

 

Conditions de vie outre-mer

 

 

 

 

TOTAL

65 000 000

 

65 000 000

 

SOLDE

+ 65 000 000

+ 65 000 000

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. Comme je viens de le dire, cet amendement, qui tend à une majoration des crédits à hauteur de 65 millions d’euros, traduit l’esprit de la réforme, qui s’inscrit dans une politique volontariste pour gagner la bataille de l’emploi, avec un certain nombre de secteurs d’avenir définis dans le projet de loi. Il vise à lutter contre la trappe à inactivité, ou trappe à chômage.

Il s’agit de faire passer les crédits totaux de 120 millions à 130 millions d’euros, de manière à tenir compte de l’ajout, à l’Assemblée nationale, des secteurs de la presse, des transports maritimes et aériens ainsi que du maintien des spécificités de la Guyane, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Nous allons consentir un effort supplémentaire de près de 100 millions d’euros sur le budget de la Nation. Ceux qui invoquaient la solidarité nationale constateront que nous sommes au rendez-vous !

Sur ces 130 millions d’euros, 35 millions d’euros seront financés par le budget de l’outre-mer, par redéploiement de crédits.

Du travail pour tous dépend la dignité d’un territoire tout entier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Madame la ministre, ce matin, lors de la réunion de la commission des finances, nous avons examiné un amendement dont l’objet était de majorer les crédits de 50 millions d’euros. Ce nouvel amendement vise quant à lui un montant de 65 millions d’euros.

Cette modification est la confirmation que la réforme n’était pas aboutie et qu’il aurait fallu suivre la volonté du Sénat, manifestée sur toutes les travées de cet hémicycle, de la reporter d’un an. Cependant, vous avez tenu tête et vous l’avez maintenue.

Aujourd’hui, vous tirez argument des conséquences de la dernière concertation engagée avec les socioprofessionnels concernés pour justifier cet amendement. Avant d’émettre un avis sur celui-ci, nous aimerions obtenir quelques précisions sur cette concertation.

J’en profite pour regretter que, durant toute cette réforme, si vous avez beaucoup discuté avec les socioprofessionnels, vous ayez peu échangé avec les parlementaires. Pourtant, on sait que, au final, tout nous retombe toujours dessus !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, il y avait une erreur dans l’amendement que vous avez examiné ce matin.

N’étant revenue de La Réunion qu’hier, je n’ai pu rectifier le montant auparavant. Je vous prie de m’excuser de n’avoir pu vous soumettre le nouvel amendement qu’au tout dernier moment !

Cela dit, si la modification avait consisté en une diminution de crédits, j’aurais compris que tout le monde soit inquiet. En l’occurrence, il s’agit d’une hausse ! On ne peut que s’en réjouir.

Pourquoi ai-je souhaité maintenir cette réforme, notamment avec le milieu économique ? Parce que, avec la fin du CICE, les entreprises perdaient 500 millions d’euros en 2019, ce qui ne leur permettait pas de passer le cap de la modification. C’est avec elles que nous avons pris la décision de maintenir cette réforme, mais aussi, bien sûr, d’en exclure ceux qui ne touchaient pas le CICE ou qui étaient dans une situation très particulière, comme à Mayotte.

Avec la réforme, des crédits supplémentaires seront versés aux entreprises, dans chaque territoire d’outre-mer. Ainsi, la Guadeloupe et la Martinique toucheront, chacune, 24 millions d’euros de plus, quand la Guyane bénéficiera de 27 millions d’euros supplémentaires – nous ferons le compte avec chaque entreprise – et La Réunion, 41 millions d’euros.

Vous pouvez estimer que la négociation a eu lieu tardivement. De fait, nous avons essayé d’avancer sur un projet de transformation qui était essentiellement macroéconomique et nous avons bien vu, quand nous sommes entrés dans les détails microéconomiques, à partir de septembre dernier, qu’un certain nombre de points devaient être revus. Il faut dire que, quand les choses ne vont pas bien, je continue à dialoguer, je continue d’essayer de changer les choses, pour arriver au plus près possible de ce qui est nécessaire pour les territoires d’outre-mer. Je me suis battue jusqu’à la dernière minute ! Je vous prie de m’excuser si tous les parlementaires n’ont pas été autant associés qu’ils l’auraient voulu, mais ma priorité – vous pouvez me la reprocher – était bel et bien de travailler avec les entreprises, qui étaient en première ligne et sur lesquelles nous devrons compter, demain, pour créer plus d’emplois sur les territoires d’outre-mer. En effet, c’est sur la base du nombre d’emplois créés que je jugerai, à la fin de l’année 2019, si notre transformation a été utile aux territoires d’outre-mer ! Comme je m’y suis engagée à La Réunion, si le compte n’y est pas en matière d’emploi – un compteur sera ouvert territoire par territoire –, je procéderai aux changements nécessaires.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Je remercie Mme la ministre des précisions qu’elle a apportées.

Je rappelle que, ce matin, la commission avait émis un avis favorable sur l’amendement de majoration des crédits à hauteur de 50 millions d’euros.

Par conséquent, nous suivrons Mme la ministre sur ce nouvel amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je n’ai pas souhaité m’exprimer à la tribune ce matin.

Madame la ministre, vous constaterez que, au Sénat, les choses se passent de manière apaisée, sans crispation. Nous reconnaissons votre ténacité et votre volonté d’améliorer les choses.

Vous aviez pris ici l’engagement, et j’ose croire que c’est le résultat du travail du Sénat, de revoir votre copie et de vous donner quinze jours supplémentaires.

Mme Annick Girardin, ministre. Tout à fait !

M. Victorin Lurel. J’ose croire que cet amendement est le fruit de cette réflexion et de cette concertation. J’ai été invité à participer à celle-ci, mais je n’ai pas pu m’y rendre, ce dont je vous prie de nouveau de m’excuser.

Les membres du groupe socialiste et républicain voteront cet amendement, qui va dans le bon sens. Évidemment, son adoption ne permettra pas de compenser le caractère récessif des mesures prises. Je veux le dire sans aspérité, mais, sincèrement, c’est le plus mauvais budget qui nous est présenté depuis une vingtaine d’années ! (M. Claude Raynal sesclaffe.)

Je le dis très clairement, je doute que vous soyez bien reçue lorsque vous vous rendrez outre-mer, parce que, au-delà des concertations de dernière minute, comme l’a dit Catherine Conconne, les amendements nous sont parfois transmis au dernier moment. Au reste, nos collègues de l’Hexagone ne sont pas toujours informés des réalités des outre-mer.

En l’occurrence, on a l’impression d’un budget qui augmente, alors qu’il n’y a pas un centime d’argent frais. (Mme la ministre le conteste.)

Je suis assez atterré que l’on prenne des mesures sans en évaluer les conséquences macroéconomiques. Comment pouvez-vous vouloir diminuer à ce point la consommation, qui est le principal moteur de l’activité ? Le risque est que le PIB baisse et, avec lui, l’emploi ! Je suis consterné de constater que l’on concentre tout autour des bas salaires, ce qui était déjà pratiquement le cas. Dans le même temps, on nous dit que ce n’est pas une trappe à bas salaires, mais une trappe à chômage. Or les mesures proposées ne sont pas de nature à relancer l’emploi !

À l’époque, on m’avait demandé de réaliser 130 millions d’euros d’économies sur le budget des outre-mer – vous m’en aviez d’ailleurs fait le reproche, madame la ministre. J’avais refusé d’accéder à cette demande. Après discussion, un coup de rabot de 24 millions d’euros a été porté sur les hauts salaires, supérieurs à 4,5 SMIC. Aujourd’hui, on est autour de 1,4 SMIC. Vous venez de revoir les « plateaux », à savoir la dégressivité et la sortie du dispositif, à partir de certains seuils. C’est mieux que ce que vous aviez proposé à l’Assemblée nationale et ici même. Nous vous avions demandé de procéder à une telle correction, et vous avez tenu parole.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Mon groupe votera lui aussi cet amendement, qui va dans le bon sens et qui marque la volonté de Mme la ministre, saluée par des sénateurs siégeant dans toutes les travées, de défendre nos territoires jusqu’au dernier moment.

La situation difficile de nos territoires ne date pas d’aujourd’hui. Beaucoup a été dit sur les crédits de cette année.

Pour ma part, je tiens à souligner que, pour la première fois, on porte davantage d’attention aux territoires les plus en difficulté, alors que tous les territoires d’outre-mer sont en difficulté. Il ne s’agit pas ici de diviser les territoires entre eux, mais il convient de le noter. Je n’avais pas vu cela sous les quinquennats précédents.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Cette mesure me semble mériter d’être votée, même si cela n’enlève rien à ce que j’ai dit tout à l’heure sur le budget considéré globalement.

Elle est la preuve des efforts qui ont été consentis par Mme la ministre, à qui je rends hommage, pour tenter de retrouver un équilibre au vu de la disparition de la TVA non perçue récupérable, d’un certain nombre de mesures qui ont été, à tort, qualifiées de « niches fiscales », quand elles n’ont toujours visé qu’à remplir quelque chose qui nous semblait bien vide.

Au vu de ces efforts, nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Madame la ministre, vous vous étiez engagée à mener une concertation. J’ai pu participer à au moins une réunion au ministère avec vous, preuve que vous avez tenu parole.

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous voulons travailler avec vous. Lorsque nous travaillons ensemble, lorsque nous arrivons à nous comprendre, lorsque nous sommes capables de faire abstraction des différences qui peuvent exister entre nos territoires, nous sommes capables d’aller au-delà de nos divergences et de trouver un terrain d’entente.

J’ai eu à défendre le maintien de la LODEOM pour Saint-Martin. Vous avez accepté la proposition intermédiaire pendant au moins un an.

Aujourd’hui, le groupe du RDSE, fidèle à sa réputation de recherche du consensus et à son souci de comprendre, votera unanimement l’augmentation de crédits que vous proposez.

Toutefois, il est vrai qu’il faut travailler davantage et ne pas procéder trop souvent par à-coups, parce que nous ne comprenons pas toujours la finalité de l’action publique. Une action publique se décline à l’avance, avec des orientations, un point de départ et un point d’arrivée.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.

Mme Jocelyne Guidez. Comment être opposé à des financements supplémentaires ? Il serait tout de même assez bizarre de ne pas voter cet amendement.

Bien évidemment, le groupe Union Centriste le votera.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-642.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Ces amendements traitent de thématiques très variées. Ils ont cependant été mis en discussion commune, car ils prélèvent tous des crédits sur l’action n° 04 du programme 138 « Emploi outre-mer ».

Cette action ne comprend que 56,5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Or l’adoption cumulée de tous ces amendements conduirait à la prélever d’une somme très supérieure…

En conséquence, en cas d’adoption d’amendements, les amendements qui conduiraient à dépasser cette somme deviendraient sans objet.

Cette précision faite, nous passons à la présentation des amendements.

L’amendement n° II-441, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

50 000 000

 

50 000 000

Conditions de vie outre-mer

50 000 000

 

50 000 000

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s’agit d’un amendement d’appel pour évoquer les fameux plans dits « de convergence », que Mme la ministre a rebaptisés « plans de convergence et de transformation ».

J’avoue que nous sommes assez surpris, outre-mer, du peu d’importance accordée par le Gouvernement à ce qui nous paraissait un concept novateur. La très longue concertation qui a été menée a débouché sur un texte, après la publication d’un rapport volumineux. J’ose dire, sans forfanterie aucune, que j’ai le sentiment d’être l’un des pères – il y en a beaucoup d’autres – de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer.

À l’époque, on disait que, pour se rapprocher des standards nationaux, des ratios hexagonaux, il fallait vingt ans à certains territoires, comme la Guadeloupe et la Martinique, et trente ans à Mayotte. Contrairement à ce qu’a dit mon collègue Thani Mohamed Soilihi, c’est sous le quinquennat de François Hollande que cette durée a été divisée par deux. Alors que M. Sarkozy estimait à vingt-cinq ans le temps nécessaire à l’alignement du RSA, nous avons ramené ce délai à douze ans. Il me semble tout de même que le plan « Mayotte 2025 » date du quinquennat de M. Hollande ! Nous avons alors enclenché une accélération des réformes, avec un nombre inédit d’ordonnances et de lois relatives à Mayotte. Au reste, cette tendance continue. Il en ira bientôt de même pour la Guyane, pour tenir compte de ses spécificités.

Sans chercher à tirer la couverture à soi, force est de constater que c’est la première fois que l’on voit un gouvernement décider de diminutions.

On a donné très peu de temps aux collectivités, aux départements, aux régions et aux EPCI pour préparer leur plan de convergence. Dans une première lettre qui leur a été adressée, il leur était même demandé de le faire en trois semaines, en fixant une date butoir au 15 septembre ! On s’est rendu compte qu’une telle méthode ne tenait pas la route et qu’il fallait donner aux collectivités le temps d’une véritable réflexion plurisectorielle pour préparer une contractualisation avec l’État. Les crédits prévus – 16 millions d’euros supplémentaires pour onze territoires habités, en particulier les cinq DROM – ne sont pas suffisants.

C’est la raison pour laquelle nous sollicitons 50 millions d’euros supplémentaires pour financer ces contrats.

M. le président. L’amendement n° II-439, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

20 000 000

 

9 000 000

Conditions de vie outre-mer

20 000 000

 

9 000 000

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

9 000 000

9 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Depuis deux ans déjà, on voit les crédits du logement diminuer. (Mme la ministre le conteste.)

La ligne budgétaire unique a perdu près de 9 %, soit 22 millions d’euros, en autorisations d’engagement et plus de 4 %, soit 9 millions d’euros, en crédits de paiement.

Dans le texte proposé par le Gouvernement, on a vu disparaître une partie de l’article 199 undecies C du code général des impôts. Fidèle à sa culture du compromis, le Sénat a rétabli partiellement cet article, notamment pour l’amélioration, la confortation, la réhabilitation et la rénovation du logement privé, opérations assurées notamment par les organismes de logement social, les OLS.

J’espère que le Gouvernement aura la sagesse de faire en sorte que cet amendement survive à la commission mixte paritaire et à la nouvelle lecture.

Je rappelle qu’un tel dispositif a été adopté par l’Assemblée nationale, à l’occasion du vote d’un amendement déposé par Mme Vainqueur-Christophe et M. Letchimy.

Avec cette augmentation des crédits de 20 millions d’euros, il s’agit véritablement de dire qu’il faut faire mieux.

M. le président. L’amendement n° II-537, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

1 500 000

 

1 500 000

Conditions de vie outre-mer

1 500 000

 

1 500 000

 

TOTAL

1 500 000

1 500 000

1 500 000

1 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à abonder les actions nos 02, Aménagement du territoire, et 08, Fonds exceptionnel d’investissement, du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », afin d’y adjoindre un volet spécifique portant sur la prévention des risques naturels majeurs en outre-mer.

Cet amendement est en cohérence avec un récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, publié à la suite du passage des ouragans Irma et Maria aux Antilles.

Il s’agit de mettre en place le plan d’investissement et de prévention des risques recommandé par ce rapport, afin de procéder au rattrapage en la matière, notamment sur les territoires les plus démunis.

Les différents entretiens que nous avons eus nous ont permis de constater que l’ensemble des outre-mer, notamment Mayotte et Wallis-et-Futuna, avaient vraiment besoin d’un certain nombre de moyens de prévention.

Le plan d’investissement et de prévention permettrait de réaliser, en synergie, des actions de sensibilisation, d’information et de mobilisation à destination des populations, des entreprises, des collectivités locales et de toutes les forces de secours, à l’instar de la sécurité civile, afin de garantir des capacités d’intervention rapide et efficace sur les territoires.

Il s’agit, par ce plan, d’une part, de renforcer l’acquisition de moyens de surveillance des phénomènes météorologiques dans les différents bassins océaniques – radars, houlographes, marégraphes… – et, d’autre part, d’institutionnaliser, dans les territoires, une « semaine des risques naturels majeurs » sur le modèle de REPLIK ou de SISMIK, avec des outils, des dispositifs et des messages spécifiques à chaque territoire, tels que la prévention en milieu scolaire ou des exercices de simulation d’aléas.

Des moyens supplémentaires aux différents dispositifs existants sont donc nécessaires pour anticiper et prévenir les dégâts et les pertes humaines évitables.

Ce financement est gagé par une diminution à due concurrence de l’enveloppe du programme 138, « Emploi outre-mer ». Cette diminution est supportée par les crédits de l’action n° 04, dans le seul objectif de garantir la recevabilité financière de l’amendement.

M. le président. L’amendement n° II-440, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

1 500 000

 

1 500 000

Conditions de vie outre-mer

1 500 000

 

1 500 000

 

TOTAL

1 500 000

1 500 000

1 500 000

1 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à augmenter les crédits de la continuité territoriale, issus, d’ailleurs, de la rebudgétisation de la TVA non perçue récupérable et de la réforme de l’abattement fiscal à l’impôt sur le revenu.

Il s’agit, puisque l’on prend aux ménages, de redonner un peu aux ménages.

Cette diminution est supportée par les crédits de l’action n° 04, dans le seul objectif de garantir la recevabilité financière de l’amendement.

La mobilité est un vrai sujet dans les outre-mer. Cette question revient de manière récurrente, en particulier pour ce qui concerne le transport aérien. Il y a là des améliorations à apporter.

M. le président. L’amendement n° II-552, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

300 000

 

300 000

Conditions de vie outre-mer

300 000

 

300 000

 

TOTAL

300 000

300 000

300 000

300 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement concerne les observatoires des prix, des marges et des revenus, les OPMR.

J’ai bien noté les déclarations de Mme la ministre et les engagements qu’elle a pris à l’île de La Réunion – elle m’a d’ailleurs « impacté » à cette occasion, en affirmant que je n’avais rien fait…

Mme Annick Girardin, ministre. Je n’ai pas dit cela !

M. Victorin Lurel. Je l’ai lu, j’ai vu les vidéos et, je le dis très clairement, j’accepte ces propos avec détachement. Nous avons fait voter un texte ; si le Gouvernement voulait mettre les moyens pour qu’il s’applique…

Il faudrait, par exemple, avoir des agents assermentés dans les directions des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi, les DIECCTE ; il faudrait, par exemple, vérifier qu’il n’y a pas de difficultés au niveau des marges de la société anonyme de la raffinerie des Antilles, la SARA, que les compagnies pétrolières respectent leurs engagements, qu’il y a bien 1 000 emplois dans les stations-service, ne serait-ce que chez moi, en Guadeloupe, que les marges abusives et les rentes de situation sont contrôlées. Mais les effectifs baissent dans les DIECCTE, et l’on a laissé s’accroître le pouvoir du secteur concurrentiel.

J’en viens donc à cet amendement n° II–552 et à la nécessité de donner des moyens aux observatoires des prix, des marges et des revenus. À l’époque, on avait parlé de mettre 50 000 à 70 000 euros par OPMR. Il n’en est rien aujourd’hui !

La ministre a pris des engagements à La Réunion. Dans la stricte ligne de ses propos, nous défendons cet amendement, représentant un montant de 300 000 euros – cette somme ne représente rien par rapport au budget, la proposition pourrait, je crois, être valablement acceptée.

Il y a une véritable politique de la concurrence à conduire ! Les instruments conceptuels existent, c’est à nous de les faire vivre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nuihau Laurey, rapporteur spécial. L’avis est défavorable sur l’amendement n° II-441. Son adoption entraînerait une diminution des crédits de l’action n° 04, qui est importante pour le financement de l’économie des différentes collectivités.

Pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable sur l’amendement n° II-439.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° II-537. Les mesures proposées dans cet amendement tiennent compte des recommandations que la délégation sénatoriale aux outre-mer a formulées sur les risques majeurs et leur prévention outre-mer.

L’avis est également favorable sur l’amendement n° II-440, compte tenu de la baisse significative du nombre de bénéficiaires du dispositif de continuité territoriale à la suite de la réforme engagée en 2015.

Sur l’amendement n° II-552, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annick Girardin, ministre. L’amendement n° II-441, qui tend à augmenter de 50 millions d’euros le financement des plans de convergence, était un amendement d’appel, et j’y réponds bien volontiers.

Plus de 23 millions d’euros sont consacrés aux contrats de convergence et de transformation – j’insiste sur ce dernier terme, puisque, pour moi, la convergence ne va pas sans la transformation. L’État financera ces contrats à hauteur de 2,1 milliards d’euros sur quatre ans.

Il faut effectivement prendre le temps de mener à bien les négociations, qui sont en cours entre l’État et les collectivités. Normalement, ces contrats devraient être finalisés dans les semaines à venir.

L’important, c’est d’être à la hauteur des attentes et bien montrer que l’État ne peut pas faire seul, qu’il ne pourra faire qu’aux côtés des collectivités !

Vous savez, monsieur le sénateur Lurel, que nous avons toujours eu une petite divergence sur le mot « réelle » dans l’expression « égalité réelle ».

Ce terme ne signifie pas grand-chose pour moi. Quand le taux de chômage ne dépasse pas 3 % à Saint-Barthélemy, quelle signification la notion de convergence a-t-elle ? Quand, au nom de cette convergence, on se félicite d’un rapprochement avec les taux de métropole, non parce qu’il y a eu une évolution positive outre-mer, mais parce que, malheureusement, on a enregistré une baisse en métropole, faut-il prendre ces éléments en compte ? On peut se fier à la moyenne nationale, mais quand le produit intérieur brut par habitant de la Sarthe est trois fois plus faible que celui de Paris, comment faisons-nous ?

Pour ma part, j’aime et je préfère le mot « équité » – équité à laquelle je veillerai !

L’avis est défavorable sur cet amendement d’appel.

S’agissant de l’amendement n° II-439, nous avons – c’est exact – de vrais défis à relever en matière de réhabilitation des logements.

On voit bien, sur le terrain, combien les bidonvilles – plus dans certains territoires que dans d’autres – sont nombreux. J’ai eu l’occasion de déclarer à Mayotte que la République devrait avoir honte de certaines situations… Et il y a des bidonvilles à La Réunion, aussi, en Guadeloupe, en Martinique ou encore en Guyane !

Mais, à côté de ces grands défis, nous avons un certain nombre de priorités : nous avons préservé la ligne budgétaire unique, fait en sorte que les 19 millions d’euros attendus soient bien versés au budget de l’outre-mer – un sujet sur lequel les débats ont été nourris – et maintenu des avantages fiscaux. C’était important de le faire.

Par conséquent, j’ai bien entendu les difficultés, mais j’émets un avis défavorable sur l’amendement, tout simplement parce que nous sommes au rendez-vous ! Sans doute n’avançons-nous pas aussi vite que je le souhaiterais, mais nous apportons des réponses qui sont, aussi, à la hauteur de ce qu’il est possible de faire dans ces territoires. On n’ira pas plus vite dans les programmes de logements à Mayotte ou en Guyane, par exemple, car on ne peut tout simplement pas construire plus vite avec les forces vives présentes sur le territoire, que ce soit les entreprises ou, eu égard à leurs capacités d’engagement, les collectivités.

Par ailleurs, je demande le retrait de l’amendement n° II-537. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », a été élargi dans ses actions, au cours de la discussion entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et nous allons pouvoir aller plus loin, avec la nomination d’un délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer, qui sera chargé d’animer et de coordonner toutes les politiques publiques.

Vous le savez aussi, je suis très vigilante au fait que les propositions de la délégation du Sénat aux outre-mer, tout comme de celles de la délégation de l’Assemblée nationale, soient suivies. Nous pourrons nous donner rendez-vous sur ces sujets dans le cours de l’année 2019. J’espère effectivement que nous porterons une loi d’amélioration dans ce secteur.

Le « fonds vert » est également au rendez-vous et, aujourd’hui, au regard des demandes remontant du terrain, nous répondons à la hauteur des besoins. Mais vous pouvez compter sur moi pour faire évoluer ce fonds, si besoin.

J’en viens à l’amendement n° II-440 sur la continuité territoriale. Le thème de la mobilité est effectivement au centre de certains de mes échanges actuels avec les parlementaires. Mieux prendre en compte cette mobilité est une vraie question, sur laquelle, avec les collectivités territoriales – notamment lors des dernières rencontres que j’ai pu avoir avec les présidents de régions et de collectivités –, nous nous sommes engagés à travailler collectivement.

Dans l’attente de l’aboutissement de ce travail, je demande le retrait de l’amendement n° II-440. À défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement n° II-552, enfin, concerne les observatoires des prix, des marges et des revenus. Vous avez suivi les déclarations que j’ai faites à La Réunion, monsieur le sénateur Lurel, et c’est très bien ! Nous avons un arsenal législatif ; qu’en avons-nous fait pour connaître encore de telles situations dans les territoires d’outre-mer ? Voilà ce que j’ai dit ! Monopole, concurrence, etc. : ces sujets suscitent de réelles interrogations et nous allons nous donner les moyens d’y répondre, en toute transparence, comme je me suis engagée à le faire.

Vous avez raison, ces observatoires doivent être renforcés.

Ils doivent l’être au travers de la représentation citoyenne. À La Réunion, 50 citoyens siégeront dans l’instance pour une plus grande transparence, et je souhaite que tous les territoires d’outre-mer, dans le respect du niveau de leur population, connaissent un tel apport supplémentaire dans la représentation citoyenne. Pour avoir siégé dans ces observatoires, en tant que fonctionnaire dans une vie antérieure, mais aussi en tant que députée, je peux effectivement dire que nous ne sommes pas à la hauteur des attentes des territoires.

J’ai aussi annoncé le doublement des crédits et, parce qu’il rejoint totalement les annonces que j’ai faites sur le terrain, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce dernier amendement.