M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Mon intervention sera dans la même tonalité que celle de mon collègue Lurel.

M. le secrétaire d’État nous a réchauffé la petite note qui nous a été livrée il y a près d’un mois, note dans laquelle on a trouvé tellement d’incohérences, tellement de contre-vérités, tellement de contresens que Mme la ministre a finalement dû consentir, avant son départ à La Réunion, hier matin, à nous recevoir dès huit heures trente pour nous faire part de ses réserves sur un certain nombre de points. Elle est notamment revenue en arrière sur certaines choses, en particulier en ce qui concerne les exonérations.

Tout ce qui vient de nous être dit, on nous l’avait déjà dit il y a un mois ! C’est la même note que M. le secrétaire d’État a relue, et tout est faux ! Les chiffres concernant les contribuables impactés ne correspondent pas à la réalité !

Là où nous sommes le plus déçus, c’est qu’on nous avait vendu ça (Mme Catherine Conconne brandit un document.) : un suivi transparent, 1 milliard d’euros fléchés pour les outre-mer dans le grand plan d’investissement, un compteur public qui afficherait sa réalisation ! Et que nous dit-on à présent ? Comme vous avez des retards, en particulier en Guyane et à Mayotte, et qu’il vous manque des écoles et des routes, eh bien, que tous les DOM versent au pot et contribuent à rattraper les retards de développement ! Je vous le dis franchement, je n’ai jamais vu ça ! Jamais ! Je n’ai jamais entendu une chose pareille avant ! Ce n’est pas considérer les populations des outre-mer avec respect et dignité !

On inaugure dans l’outre-mer cette même brutalité qui conduit aujourd’hui autant de Français à descendre dans la rue. C’est d’une brutalité à nulle autre pareille ! Nous prenons acte de ce que vous dites, mais nous ne sommes plus à un mensonge près…

Comme mon collègue Lurel, je suis profondément déçue qu’il n’y ait aucune vision, aucune ambition, en bref qu’il n’y ait rien pour ces pays. C’est à croire qu’ils ne sont finalement pour la France que des positions géostratégiques, des richesses en termes de biodiversité, des richesses au niveau de la puissance maritime, et rien de plus ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. J’aborderai trois points en réponse aux deux interventions qui viennent d’avoir lieu.

Premièrement, car il est important de rassurer, aucun des contribuables qui ne sont pas aujourd’hui imposables ne le sera après l’application de cette réforme.

M. Victorin Lurel. Si : 895 foyers !

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Deuxièmement – aucun des deux intervenants n’a contesté ces exemples –, seront uniquement concernés en Guyane et à Mayotte un couple avec deux enfants et déclarant plus de 92 000 euros annuels ou encore, en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, une famille de trois enfants, avec plus de 96 000 euros de revenus annuels.

Troisièmement, vous me pardonnerez de le dire brutalement, il est compliqué – la ministre de l’outre-mer vous l’aurait dit comme moi – d’entendre dire qu’il y a une absence de solidarité quand, comme je l’ai rappelé, 2,1 milliards d’euros seront investis dans les plans de convergence, quand 50 % de l’enveloppe des investissements hospitaliers sera consacrée aux outre-mer, quand nous augmentons le périmètre budgétaire des outre-mer de 300 millions d’euros en 2019.

M. Victorin Lurel. Ce n’est pas vrai !

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Il est tout aussi difficile, monsieur Lurel, de pointer l’absence de solidarité quand l’effort budgétaire de l’État par habitant est supérieur de 50 % à celui de l’Hexagone ou quand les taux de prélèvement y sont plus de 10 points inférieurs, faisant des départements et régions d’outre-mer des territoires où le niveau de taxation est à peu près équivalent à celui des pays les moins taxés de l’Union européenne, comme l’Irlande ou la Lituanie.

Cela fait partie des éléments qui nous amènent à ne pas être d’accord, je le dis sans polémique, avec les arguments que vous avez développés. Voilà pourquoi je maintiens mon avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-343, I-456 et I-560 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-345, présenté par Mme Conconne, MM. Antiste, Lurel, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mmes Taillé-Polian, Blondin et Bonnefoy, MM. Cabanel, Courteau, Duran, Fichet, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Il s’agit d’un amendement de repli, car il ne nous reste plus que ça : nous replier derrière notre misère, nous replier derrière notre sous-développement, nous replier derrière la sous-considération (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), nous replier derrière cette absence de vision, nous replier derrière cette alchimie de chiffres maintes et maintes fois notifiés comme faux à l’administration fiscale, mais également au ministère concerné !

Cet amendement de repli vise à supprimer l’abaissement des limites de l’abattement fiscal pour atténuer l’impact de la mesure sur les classes moyennes et professionnelles.

Pour terminer, je veux dire que, si la grande république française, tellement fière de ses outre-mer, qui lui confèrent tant de puissance à l’international, est aujourd’hui à 70 millions près pour les aider à rattraper des retards qu’il est nécessaire de rattraper – vous avez vu les images de la Guyane et celles de Mayotte – et à lutter contre leur non-développement, je vous invite à jeter la clé de la France dans un grand geste de désespoir dans la Seine !

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° I-765 est présenté par M. Lurel.

L’amendement n° I-788 est présenté par MM. Magras, Mouiller, Revet, Frassa et Charon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

1° Le 3 du I de l’article 197 est ainsi modifié :

a) Les montants : « 5 100 € » et « 6 700 € » sont remplacés respectivement par les montants : « 3 825 » et « 5 375 » pour l’imposition des revenus perçus au titre de l’année 2019 ;

b) Les montants : « 3 825 » et « 5 025 » sont remplacés respectivement par les montants : « 2 550 » et « 4 050 » pour l’imposition des revenus perçus au titre de l’année 2020 ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° I-765.

M. Victorin Lurel. Avant de présenter mon amendement, permettez-moi de contester absolument vos chiffres, monsieur le secrétaire d’État. Je ne sais d’ailleurs pas d’où vous les tenez ! Je suis économiste de formation, et j’ai passé mon temps à m’abimer les yeux en étudiant les chiffres : je n’ai vu nulle part ceux que vous citez !

S’il y avait autant de gracieusetés et d’abondance, nous ne serions pas à moins de la moitié du PIB par habitant, 49 % de nos populations ne seraient pas en dessous du seuil de pauvreté. Tout cela est calculé sur la définition nationale et européenne. À l’échelon local, ces chiffres seraient encore plus élevés !

Par ailleurs, vous n’ignorez pas qu’une controverse a opposé le parlementaire que je suis à la ministre des outre-mer. Ce débat a été tranché par un parlementaire du groupe La République En Marche, Georges Patient, qui reconnaît également que les chiffres que vous venez d’exposer sont faux : les gens vont payer beaucoup plus d’impôts que vous ne le dites !

Sur la base des chiffres fournis par la DGFiP, il apparaît que 895 foyers nouveaux vont intégrer l’impôt. Avec le mécanisme du prélèvement à la source et les taux par défaut, nous allons entrer plus tôt dans l’impôt. Vous l’avez calculé vous-même : l’augmentation moyenne sera de 1 534 euros par foyer. Si l’on multiplie cette somme par 50 000, ça fait 77 millions. Or vous parlez de 70 millions : ce chiffre n’est pas crédible !

Monsieur le secrétaire d’État, dans un souci de compromis, je vous propose d’étaler la baisse de l’abattement sur deux ans. Cela ne remet pas en cause l’équilibre budgétaire.

J’avoue qu’il est assez compliqué de discuter avec ce gouvernement, qui n’entend pas, qui n’écoute pas et qui assène des vérités ! Le Président de la République est venu en Guadeloupe et en Martinique. Il s’est livré à un véritable soliloque ! On a entendu le discours d’un sachant ! Il sait, et il impose, sans jamais tenir compte du débat contradictoire, en opposition complète avec le principe même du parlementarisme !

Monsieur le secrétaire d’État, je vous exhorte à nous écouter et j’exhorte mes collègues dans cet hémicycle à accepter cet amendement de compromis.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour présenter l’amendement n° I-788.

M. Michel Magras. Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de joindre ma voix à celles de mes collègues qui m’ont précédé de l’autre côté de l’hémicycle. Vous parlez d’un sujet que vous ne connaissez pas. Les chiffres que vous avez cités sont totalement faux, pas un n’est juste : nous sommes en mesure de vous le prouver quand vous voudrez !

À titre liminaire, je ne peux m’empêcher de m’étonner du procédé sans précédent qui consiste à augmenter dans de telles proportions les impôts outre-mer pour y financer par ailleurs des mesures. Je le dis comme je le pense, ce procédé et la réduction de l’abattement qui en découle me semblent économiquement absurdes !

Même si l’on admet que la réduction de l’abattement ne concerne que les catégories supérieures, il n’en reste pas moins que, macroéconomiquement, il s’agit d’une augmentation d’impôt. Elle sera de 1 534 euros en moyenne, selon les chiffres du Gouvernement, montant qui n’a pas la même résonance selon l’endroit où l’on se situe sur l’échelle des catégories dites « supérieures ». Dès lors, dans tous les cas, cette augmentation d’impôt se traduira immanquablement par une baisse de la consommation, dont les effets ne seront pas nécessairement compensés par les dépenses au titre du FEI puisqu’elles stimuleront l’investissement et non la consommation.

Nous ne devons pas non plus occulter l’impact psychologique de la réduction de l’abattement. Interprétée comme l’annonce de sa suppression définitive à plus ou moins court terme, elle engendrera un comportement de prudence ou de méfiance, y compris de la part des contribuables qui ne sont pas concernés. Cela entraînera une réduction de la consommation, qui pourrait se traduire par une augmentation de l’épargne de prudence.

Enfin, replacée dans le contexte de la politique budgétaire outre-mer pour 2019, la réduction de l’abattement devient un facteur supplémentaire du climat récessif qui s’annonce sous l’effet des mesures cumulées.

Monsieur le secrétaire d’État, il y a un an, lorsque vous avez lancé les Assises des outre-mer, j’avais publié un tweet – cela m’arrive aussi… – disant que ces assises risquaient de faire naître des espoirs que le Gouvernement ne serait pas en mesure de satisfaire. C’est la clé du problème : vous voulez répondre au Livre bleu, mais la méthode utilisée n’est pas la bonne !

Au travers de cet amendement, nous proposons de procéder à la réduction de l’abattement sur deux ans. Cet étalement offre de surcroît le mérite d’évaluer les effets du dispositif au bout d’un an.

M. le président. L’amendement n° I-348, présenté par Mme Conconne, MM. Antiste, Lurel, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mmes Taillé-Polian, Blondin et Bonnefoy, MM. Cabanel, Courteau, Duran, Fichet, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le montant :

2 450 €

par le montant :

4 600 €

et le montant :

4 050 €

par le montant :

6 100 €

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Quand j’entends un ministre chargé des comptes publics nous affirmer que l’investissement par habitant est supérieur en outre-mer qu’en France, je crois rêver. D’où viennent ces chiffres ? Moi, j’ai les chiffres de l’INSEE : le revenu par habitant est de 10 000 euros moins élevé en outre-mer qu’en France !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’outre-mer, c’est aussi la France !

Mme Catherine Conconne. L’investissement de l’État est de 10 000 euros moins élevé dans l’outre-mer qu’en France ! Où a-t-il pris ces chiffres ?

L’INSEE est un institut national que je sache ! Référez-vous à leurs études, qui sont sensées ! D’où viennent ces chiffres fumeux qui changent chaque matin et qui nous ont valu d’être convoqués à huit heures trente au ministère des outre-mer, parce qu’il fallait tout revoir et tout recommencer ? Même les socio-professionnels de nos pays n’ont pas accepté la farine dans laquelle nous étions roulés !

Michel Magras a fait allusion au Livre bleu des outre-mer. J’invite mes collègues à aller voir de quoi il s’agit. Le bleu est censé être une couleur de motivation… Eh bien, je puis vous garantir que ce livre constitue une grande déception. C’est un inventaire à la Prévert de projets prétendument soutenus par les outre-mer. On met même à notre compte la baisse du plafond de l’abattement ! On met sur le compte du Livre bleu des outre-mer la TVA NPR ! On met tout dedans !

Quand on supprime pour 4 milliards d’ISF aux riches, aux vrais riches, il faut pouvoir trouver de quoi boucher le trou ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) On prend alors partout, 1 million par-ci, 10 millions ou 100 millions par-là, même s’il s’agit d’une injustice totale !

M. le président. L’amendement n° I-347, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, MM. Antiste, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mmes Taillé-Polian, Blondin et Bonnefoy, MM. Cabanel, Courteau, Duran, Fichet, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le montant :

2 450 €

par le montant :

4 080 €

et le montant :

4 050 €

par le montant :

5 360 €

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. L’amendement est défendu.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° I-349 est présenté par M. Lurel, Mme Conconne, MM. Antiste, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mmes Taillé-Polian, Blondin et Bonnefoy, MM. Cabanel, Courteau, Duran, Fichet, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° I-792 est présenté par MM. Magras, Mouiller, Revet, Frassa et Charon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Remplacer le montant :

2 450 €

par le montant :

3 825 €

et le montant :

4 050 €

par le montant :

5 025 €

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° I-349.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour présenter l’amendement n° I-792.

M. le président. L’amendement n° I-692 rectifié, présenté par Mme Conconne, MM. Antiste, Lurel et P. Joly, Mme Jasmin, MM. Montaugé et Duran, Mme Préville et M. Jacquin, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer le montant :

2 450 €

par le montant :

3 775 €

et le montant :

4 050 €

par le montant :

5 375 €

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – À compter du 1er janvier 2020 au 3 du I de l’article 197 du code général des impôts, les montants : « 3 775 € » et « 5 375 € » sont respectivement remplacés par les montants : « 2 450 € » et « 4 050 € ».

III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Étant donné le caractère hermétique de ce gouvernement, qui a décidé, par tous les voies et moyens, de trouver une manière de compenser un certain nombre de mesures qui ont été annoncées, en particulier pendant les campagnes électorales, que voulez-vous que nous disions ? Eh bien, allez-y ! Et lorsque ça chauffera, comme à La Réunion, on nous enverra des ministres pour nous jouer du pipeau. Ils viendront nous raconter que tout ira mieux, que le Gouvernement donnera 1 milliard par-ci, 100 millions ou 10 millions par-là, exactement comme lors de la crise guyanaise, le tout sans avoir à aucun moment les moyens de financer les retards de développement qui ont été pris. Eh bien, assumez, et on verra ! Rendez-vous dans trois ans et demi !

M. le président. L’amendement n° I-535, présenté par MM. Théophile, Patient et Karam, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le montant :

2 450 €

par le montant :

3 100 €

et le montant :

4 050 €

par le montant :

4 700 €

La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Je m’en voudrais de ne pas intervenir sur ce sujet. Je n’ai pas pris part à la discussion sur la suppression de l’abattement. J’estime en effet que ce qui est repris sera reversé au budget des outre-mer.

Face à un abattement passant brusquement de 5 100 euros à 2 450 euros ou de 6 700 euros à 4 050 euros, je demande, pour pacifier les débats, que l’on fasse un geste. Quelle que soit la situation du citoyen, quelles que soient les sommes qu’il touche, il faut prévoir une atténuation des montants prélevés.

Si l’on parle en pourcentage et non plus en montant, cela représente plus de 50 % de ce qu’il pouvait espérer. Il me semble donc préférable de prévoir soit un étalement, soit une atténuation. Pour ma part, je propose une atténuation : plutôt qu’une limite à 2 450 euros, je dis qu’il faut passer à 3 100 euros et de 4 050 euros à 4 700 euros. Il ne s’agit que de 600 euros par citoyen.

Cela ne m’arrive pas souvent, mais ici c’est le cas : je partage la critique sur l’imprécision du volume de l’enveloppe. On parle de 150 millions, de 70 millions… On ne dit jamais 69 millions ni 60 millions ! Mais, dans la marge, il y a plus de 70 millions ! Cette atténuation de 600 euros pourra être retrouvée dans la marge nécessaire pour financer les 70 millions d’euros dans le budget des outre-mer.

Je demande à mes collègues de bien vouloir voter cette atténuation, qui ne remet pas en question la philosophie de ce qui a été adopté.

M. le président. La commission a déjà émis un avis défavorable sur ces amendements.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Comme mes autres collègues ultramarins, je ne peux me taire, moi qui, au nom du groupe du RDSE, vous en êtes témoins, mes chers collègues, participe à l’ensemble des débats sur les questions métropolitaines et pas simplement ultramarines.

M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !

M. Guillaume Arnell. Nous vous demandons simplement ce soir une forme de compréhension et d’analyse de la détresse qui est la nôtre lorsqu’il s’agit de défendre nos populations au regard de ce que propose le Gouvernement.

Pour être des citoyens à part entière, il est important que nous participions, dans les temps qui sont les nôtres, à l’effort national. Mais lorsque l’effort est plus que difficilement supportable, il n’est pas possible de le répercuter que sur une partie de la population.

Régulièrement et de façon récurrente, quels que soient les gouvernements, qu’ils soient de droite, de gauche, qu’ils appartiennent à La République En Marche, il nous faut toujours batailler, ferrailler, pour obtenir un petit delta de considération. Il me vient à l’esprit, et mon collègue Lurel s’en rappellera très certainement, ce fameux livre qui a fait couler tant d’encre : Les Danseuses de la France. Comme si nous étions une charge et uniquement une charge pour la France ! Les outre-mer contribuent au rayonnement de la France !

Mme Catherine Conconne. Tout à fait !

M. Guillaume Arnell. À ce titre, nous vous demandons, mes chers collègues, de comprendre quelle sera notre position lorsque nous retournerons dans nos territoires et lorsqu’il nous faudra faire face à nos populations. Vous, vous serez ici, tandis que nous, nous serons confrontés à l’angoisse et à la détresse. Je vous demande de considérer la position de repli qui est la nôtre. Elle témoigne de notre ouverture et montre que nous ne sommes pas figés sur notre position. Mais, de grâce, comprenez-nous !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je voudrais m’adresser à mes collègues sénateurs.

L’ensemble des mesures qui sont prises pour la République, pour l’Hexagone, s’applique bien entendu outre-mer. Mais ce volet spécial ne porte pas simplement sur cette réfaction ni la suppression de 100 millions de TVA NPR, il comprend tout un ensemble de mesures récessives qui sont soumises à votre agrément et qui sont votées allègrement avec l’image, en arrière-fond, que les outre-mer sont des assistés, des « danseuses de la France ». Or je rappelle qu’il y a aussi des contribuables. Si de nombreux Ultramarins ne payent pas d’impôt, c’est parce que leurs revenus sont nettement plus bas qu’ici. Néanmoins, 838 millions d’euros d’impôt sont payés.

Par ailleurs, on peut vous faire un reproche. Vous voulez réformer : très bien ! Vous demandez un effort supplémentaire à des contribuables : très bien ! Mais que faites-vous pour lutter contre la vie chère ? Pour ma part, j’ai fait voter des lois contre la vie chère. Catherine Conconne vient de le rappeler, nous devons payer 38 % à 40 % de plus sur les produits alimentaires, il y a des monopoles, et il a fallu renforcer le pouvoir de l’Autorité de la concurrence pour mieux sévir et infliger des amendes ! En baissant la consommation, qui est le moteur de la croissance, vous créez artificiellement une crise considérable, mais sans prendre de mesures pour lutter contre la vie chère et contre les marges abusives.

Je vous demande de bien vouloir faire preuve de bienveillance et de voter cet amendement de compromis, qui ne remet pas en cause l’équilibre budgétaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai exprimé assez rapidement l’avis de la commission. Je maintiens bien entendu mon avis sur les amendements de suppression de l’article, même s’ils ont déjà été mis aux voix. Reste que les mesures d’étalement, plus particulièrement celles qui sont prévues dans les deux amendements identiques nos I-765 et I-788 de nos collègues Lurel et Magras, me semblent plus acceptables et raisonnables. Je les remercie d’ailleurs d’avoir déposé ces deux amendements de repli.

Cependant, si la commission voit ces deux amendements d’un œil bienveillant, ils ne tournent pas. Je m’explique : vous avez modifié l’article 4, et vous avez changé le premier alinéa. Or, dans le pastillage, le 4 et le 5 sont relatifs aux taux du prélèvement à la source applicables en 2019. Si nous étalons sur deux ans la charge, il faut évidemment modifier les taux du prélèvement à la source. Dans le cas contraire, la mesure serait inopérante et l’article ne fonctionnerait pas. Je vous renvoie donc au texte de la petite loi.

M. Victorin Lurel. C’est prévu dans l’amendement n° I-350 que nous allons examiner !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En tous les cas, dans ces amendements, la mesure ne tourne pas, ce qui explique notre réticence. Il faudrait que les taux du prélèvement soient modifiés, sinon on prélèvera deux fois plus. Si ces deux amendements étaient rectifiés en ce sens, ils auraient bien sûr la préférence de la commission. En revanche, nous restons très défavorables aux autres amendements en discussion commune.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

M. Michel Magras. Je m’apprêtais à intervenir sur le même thème que le rapporteur général. Il est vrai que les amendements nos I-765 et I-788 visent à modifier le premier alinéa. Cependant, la semaine dernière, lorsque nous avons débattu du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons procédé un peu de la même manière, puisque nous avons proposé des seuils différents, ce qui a conduit le Gouvernement, dans la navette, à revoir la copie. Il nous a ensuite, comme l’a expliqué Catherine Conconne, invités au ministère pour rechercher un consensus. Il me semble que nous pourrions faire pareil ici.

J’admets que nous ne sommes pas allés suffisamment au fond en rédigeant ces amendements et que nous n’avons pas calculé leur impact sur le prélèvement à la source. Mais nous pourrions les adopter quitte à ce que le Gouvernement en corrige l’impact avant le deuxième passage du texte à l’Assemblée nationale, d’autant qu’il s’agit simplement de diviser certains chiffres par deux.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président,…

M. le président. Mon cher collègue, vous êtes déjà intervenu pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. … je veux juste dire que le problème soulevé par le rapporteur général est réglé dans l’amendement n° I-350, qui vise à revoir les bornes inférieures et supérieures de la grille par défaut.