Mme Annick Billon. Comme l’amendement précédent, cet amendement de Vincent Delahaye vise à universaliser l’impôt sur le revenu et à atténuer sa concentration sur les classes moyennes.

Néanmoins, à la différence de l’amendement n° I-668, il ne tend pas à abroger de niches fiscales. En revanche, il vise à simplifier le barème en retenant des tranches arrondies, plus lisibles et sans doute plus facilement compréhensibles pour le contribuable.

M. le président. L’amendement n° I-445, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 4 à 8

Remplacer ces alinéas par dix alinéas ainsi rédigés :

a) Le 1 est ainsi rédigé :

« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 9 807 € le taux de :

« 8 % pour la fraction supérieure à 9 964 € et inférieure ou égale à 12 878 € ;

« 12 % pour la fraction supérieure à 12 878 € et inférieure ou égale à 19 002 € ;

« 16 % pour la fraction supérieure à 19002 € et inférieure ou égale à 27 519 € ;

« 22 % pour la fraction supérieure à 27 519 € et inférieure ou égale à 46 223 € ;

« 30 % pour la fraction supérieure à 46 223 € et inférieure ou égale à 73 779 € ;

« 40 % pour la fraction supérieure à 73 779 € et inférieure ou égale à 112 990 € ;

« 45 % pour la fraction supérieure à 112 990 € et inférieure ou égale à 156 243 € ;

« 50 % pour la fraction supérieure à 156 243 €. » ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par le relèvement du taux de l’impôt sur les sociétés et de l’imposition des plus–values des entreprises.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement a pour objet de poser de nouveau la question de la progressivité de l’impôt sur le revenu et de revenir sur le rendement même de cet impôt.

L’impôt sur le revenu est, au fond, assez mal défini. L’un de ses défauts essentiels réside dans son assiette, par trop réduite, notamment au regard de la contribution sociale généralisée, qui s’apparente de plus en plus à un impôt sur le revenu de base.

L’adoption, l’an dernier, du système du prélèvement forfaitaire libératoire, ou flat tax, a continué de miter cette assiette et le sens même de l’impôt, donnant une forme de traitement prioritaire aux revenus autres que ceux du travail.

Cette étroitesse de l’assiette de l’impôt relativise toujours le débat que nous avons sur les taux d’imposition des tranches du barème. À nos yeux, la question du taux marginal est donc importante, sans être nécessairement déterminante.

Il ne s’agit pas pour nous d’un dogme immuable de notre système fiscal, d’un signe fort qu’il conviendrait de préserver coûte que coûte : c’est tout simplement une nécessité.

Nous nous attachons depuis de longues années à défendre et à illustrer le principe constitutionnel en vertu duquel chacun et chacune contribuent à la charge publique à proportion de leurs facultés.

Je ne citerai pas ici les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais les conditions sont peut-être réunies dans notre assemblée pour leur donner un relief particulier. Il est bon aussi que l’opinion publique puisse entendre les propositions que nous sommes en mesure de porter.

La défense et l’illustration de ce principe passent, à notre sens, par un double mouvement de renforcement de la progressivité de l’impôt par le biais du barème et de rééquilibrage du traitement de la matière fiscale pour chacune des catégories de revenu.

Comme je l’ai souligné hier dans la discussion générale, nous avons à réhabiliter les vertus de l’impôt.

Cet amendement vise à favoriser le premier terme de ce mouvement en affirmant plus clairement la progressivité du barème, victime notamment de l’effet d’amortissement de la tranche centrale à 30 % qui traite pareillement des situations fort différentes.

C’est aussi pour des raisons évidentes de rendement de l’impôt que nous avons déposé cet amendement.

Ce sont autant de recettes – nous voulons aider le Gouvernement à trouver de l’argent pour le budget de la Nation – qui permettraient de prendre en charge les dépenses utiles, de réduire les déficits et donc, dans les années à venir, de diminuer les impôts de tout le monde pour éviter à la France les travers de l’austérité.

M. le président. L’amendement n° I-336, présenté par Mme Lubin, MM. Kerrouche, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian, Blondin et Bonnefoy, MM. Cabanel, Courteau, Duran, Fichet, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer le montant :

156 244 €

par le montant :

154 244 €

La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Cet amendement tend à revaloriser le seuil de la tranche à 45 % du barème de l’impôt sur le revenu de 0,3 %, et non de 1,6 % comme c’est le cas pour les trois autres seuils.

Pour des raisons d’économies budgétaires, le Gouvernement a décidé de sous-revaloriser, pour l’année 2019, les retraites, les allocations familiales et les aides au logement. Sous l’hypothèse d’une inflation à 1,6 % en 2019, la revalorisation de ces prestations de seulement 0,3 % réduira le pouvoir d’achat de leurs bénéficiaires de 3,2 milliards d’euros.

Le groupe socialiste et républicain s’oppose à cette sous-revalorisation, injuste socialement, et propose d’indexer ces prestations à hauteur de l’inflation.

Pour financer en partie cette réindexation, nous souhaitons revaloriser de seulement 0,3 % le seuil de la tranche à 45 % du barème de l’impôt sur le revenu. Ce seuil passerait donc de 153 783 euros à 154 244 euros, et non plus à 156 244 euros.

Plus généralement, il s’agit d’un amendement de justice sociale visant à promouvoir un impôt plus juste et équilibré mettant à contribution les contribuables à même d’assumer une solidarité accrue en faveur des plus vulnérables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Chaque année, nous avons le même débat au sujet de l’impôt sur le revenu. Je suis d’ailleurs quelque peu déçu cette année parce que le groupe du RDSE n’a pas déposé son amendement habituel qui, à la mémoire de Joseph Caillaux, vise à faire de l’impôt un impôt universel ! (Sourires.)

M. Philippe Dallier. C’est parce qu’on a passé le centenaire de l’impôt sur le revenu !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’idée généralement avancée est qu’aucun contribuable ne doit pouvoir échapper à l’impôt sur le revenu. Nous pourrions d’ailleurs y souscrire ; les deux amendements déposés par le groupe de l’Union Centriste vont dans ce sens, puisqu’ils tendent à rendre un peu plus universel l’impôt sur le revenu.

Les sénateurs du groupe CRCE pensent que le barème n’est pas assez progressif. D’autres estiment au contraire qu’il l’est trop. C’est un débat que nous pourrions évidemment avoir à l’infini sans parvenir à trouver un accord sur les différentes travées de cet hémicycle. Ce qui est certain, c’est qu’il existe une hyper-concentration de l’impôt. Selon les chiffres définitifs relatifs à l’impôt sur le revenu de la campagne 2016, 20 % des foyers fiscaux ont payé très exactement 83,4 % de l’impôt.

En créant de nouvelles tranches, supérieures ou non revalorisées, comme le proposent le groupe socialiste et républicain ou le groupe CRCE, nous accroîtrions encore cette hyper-concentration. Si l’on regarde le montant de l’impôt payé par nos concitoyens entre 2012 et 2016, on s’aperçoit que les deux derniers déciles des foyers fiscaux ont vu leur imposition augmenter de 10 milliards d’euros.

Bref, malgré les mesures de décote, nous constatons une hyper-concentration.

La commission des finances défend une autre vision. Nous souhaitons que l’impôt - c’est une exigence constitutionnelle - garde son caractère progressif, mais nous voulons également aider les classes moyennes, qui ont été les plus victimes de la politique fiscale du précédent gouvernement, notamment à travers le quotient familial.

Certains amendements qui ont été présentés visent à revaloriser le quotient familial. J’y suis défavorable, non pas que je ne partage pas les convictions exprimées par le groupe Union Centriste. Pourquoi, en effet, ne modifierions-nous pas le barème de l’impôt sur le revenu et ne supprimerions-nous pas trente-sept niches fiscales ? Quoi qu’il en soit, toutes ces niches devraient être examinées attentivement. On y trouve en effet l’allocation de vétérance pour les pompiers, la prestation de fidélisation, les pensions temporaires d’orphelin…

Soyons donc prudents et examinons l’efficacité réelle de ces différentes mesures avant d’en proposer la suppression brutale.

L’idée d’un impôt plus large, plus universel et qui évite des niches est bonne en soi, mais je ne peux émettre un avis favorable.

On ne peut pas mesurer non plus le coût de l’amendement n° I- 672 du groupe Union Centriste. Il faudra évidemment ajuster cet amendement, qui ne tourne pas relativement au taux neutre du prélèvement à la source : avis défavorable.

La commission est également défavorable à l’amendement n° I-445 du groupe CRCE, et on le comprend. Si en effet 20 % des foyers acquittent 83,4 % de l’impôt, il serait totalement déraisonnable d’aller au-delà : on se souvient des dégâts de la fameuse taxe à 75 %, qui n’a rien rapporté, mais qui a fait fuir les gens !

Je ferai la même analyse sur la revalorisation de la tranche à 45 % proposée par le groupe socialiste et républicain par l’amendement n° I-336.

L’avis est donc défavorable sur ces différents amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est également défavorable à ces quatre amendements.

Nous partageons quelques-uns des arguments développés par M. le rapporteur général, mais nous pourrions discuter des autres. Plus globalement, nous considérons que le barème de l’impôt sur le revenu a subi de nombreuses modifications au cours des dernières années et que la stabilité s’impose.

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Le groupe Union Centriste, cette année, a souhaité pouvoir faire partager ses préoccupations après avoir sondé la population française quant au consentement à l’impôt sur le revenu.

Nous constatons en effet que moins d’un ménage sur deux paye l’impôt sur le revenu dans notre pays. Or il nous semble important que le plus grand nombre de nos concitoyens puissent acquitter cet impôt, car il est essentiel que chacun sache que les services qui sont apportés à la population ont un coût. Cela se mesure, notamment, par le consentement à l’impôt.

En cela, nous relayons les préoccupations habituelles du groupe du RDSE et nous répondons partiellement à la requête formulée par Éric Bocquet en créant une tranche supplémentaire jusqu’à 10 000 euros.

Il est surtout important que l’on ne pénalise pas les classes moyennes. Ces dernières, comme vient de le souligner M. le rapporteur général, ont le sentiment d’être aujourd’hui accablées d’impôts et de taxes. Nos amendements visent donc aussi à permettre aux classes moyennes de payer un peu moins d’impôt sur le revenu que ce qu’elles devraient acquitter normalement. Ils répondent ainsi à une partie des préoccupations des classes moyennes.

Et, franchement, la situation financière du budget de l’État étant assez dégradée, pourquoi ne pas supprimer aussi un certain nombre de niches fiscales ? Nous espérons que nos propositions permettront à l’État de retrouver un peu plus de recettes.

Notre ambition est de promouvoir un dispositif fiscal un peu plus juste que celui d’aujourd’hui et, surtout, beaucoup plus lisible.

C’est le sens des deux amendements signés par une bonne partie du groupe Union Centriste, mais soutenu par une très large majorité du groupe. Si ces amendements, à notre grand regret, n’étaient pas adoptés, nous espérons que le Gouvernement étudiera nos propositions dans les prochains budgets.

Il importe que chacun participe au financement de l’ensemble des services nécessaires à notre pays. Il y va véritablement du sentiment d’appartenance à la France.

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.

M. Julien Bargeton. C’est un débat un peu ancien.

M. Philippe Dallier. Récurrent !

M. Julien Bargeton. Qui contribue et à quel niveau faut-il fixer les contributions ?

Tout d’abord, il n’y a pas que l’impôt sur le revenu qui finance les services publics. En effet, les personnes qui ne contribuent pas au titre de l’impôt sur le revenu payent beaucoup d’autres impôts :…

M. Julien Bargeton. … TVA, CSG, sans parler des taxes qui nous agitent beaucoup en ce moment, sur l’essence et le diésel.

Toutes les couches de la population contribuent donc bel et bien au financement des services publics, y compris les personnes qui ne payent pas l’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, si l’idée que chacun, sur son revenu, doit contribuer à l’effort, ne serait-ce que symboliquement et de façon minimale, peut paraître séduisante, quel sens cela aurait-il de demander à des personnes qui perçoivent les minima sociaux de contribuer à l’impôt sur le revenu ? Nous serions alors obligés de compenser la perte de pouvoir d’achat par une augmentation de ces mêmes minima…

Dans ce débat, qui est intéressant, il y a deux apories.

Premièrement, on ne peut pas faire contribuer davantage des personnes disposant de peu de revenus, sauf à augmenter par ailleurs leurs revenus. Deuxièmement, il ne faut pas oublier que bien d’autres impôts, au-delà de l’impôt sur le revenu, permettent aux Français de participer à la solidarité nationale.

Voilà pourquoi ce débat mérite, à mon avis, d’être envisagé sous un angle beaucoup plus large.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. J’ai entendu les arguments de la commission et du Gouvernement, mais le groupe Union Centriste, comme l’a rappelé mon collègue Michel Canevet, souhaite maintenir ces amendements d’appel, même si les deux avis négatifs qu’ils ont recueillis ne nous laissent que peu de doute sur leur longévité…

Nous sommes bien évidemment conscients qu’il existe d’autres impôts. Il s’agit d’un problème global sur les taxes et les impôts, de manière très générale. C’est en ce sens que le groupe Union Centriste a déposé ces deux propositions. Nous espérons qu’elles seront adoptées.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je ne comptais pas intervenir dans le débat, mais j’y suis incité par notre collègue Julien Bargeton, dont je ne partage absolument pas l’appréciation.

M. Julien Bargeton. C’est bien !

M. Roger Karoutchi. C’est normal : le « en même temps » ne peut pas être constant ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Payer l’impôt sur le revenu, ce n’est pas la même chose que payer la TVA. Quand on achète un appareil électroménager, on paye certes la TVA, mais personne n’a le sentiment de contribuer en quoi que ce soit au financement des services publics.

M. Roger Karoutchi. Non, ou alors c’est que vous avez un problème avec votre électroménager ! (Sourires sur les mêmes travées.)

En réalité, nos concitoyens ont le sentiment de participer grâce à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés.

M. Julien Bargeton. Et la taxe sur l’essence ?…

M. Roger Karoutchi. Je ne sais pas si, en payant les taxes sur les carburants, les Français ont le sentiment de participer à autre chose qu’à un racket fiscal ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Mais passons …

Je sais bien que la commission a émis un avis défavorable, mais je voterai l’amendement n° I-668. Contrairement à vous, monsieur Bargeton, je pense qu’il vaut mieux augmenter un peu les minima sociaux et demander à tous une contribution, pour que chacun se sente contributeur.

M. Julien Bargeton. C’est de la tuyauterie !

M. Roger Karoutchi. J’irai même plus loin : bien des gens qui ne payent pas l’impôt sur le revenu sont culpabilisés parce qu’ils ne participent pas. (M. Yvon Collin opine.)

M. Julien Bargeton. Et le coût administratif ?

M. Roger Karoutchi. Mieux vaut avoir beaucoup de contributeurs, quitte à augmenter les minima sociaux, que de laisser certains de nos compatriotes en dehors de la contribution nationale. (M. Julien Bargeton fait des signes de dénégation.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. J’entends les explications sur la question de la progressivité des tranches et du barème. M. le rapporteur général a raison : 20 % des gens payent 83 % du volume de la recette de l’impôt sur le revenu, mais je trouve notre débat un peu « borderline ».

On peut en effet s’émouvoir de ce chiffre, mais il faut aussi savoir assumer ses choix politiques et économiques. On a supprimé l’ISF pour 3,3 milliards d’euros : qui paye ? On a inversé le rapport du revenu et des recettes de l’impôt sur les sociétés : qui paye ? Alors, ne versez pas trop de larmes de crocodile sur les couches moyennes et les hauts contributeurs à l’impôt sur le revenu : considérez plutôt certains renversements de situation !

Quand on parle des plus modestes, il faut savoir de quoi l’on parle. Je vais donc étaler ici les chiffres. Quand on n’est pas imposé sur le revenu, on paye non seulement la CSG, mais aussi la CRDS, que l’on a tendance à oublier, et la TVA.

En ce qui concerne la TVA, je vous laisse à vos explications, mais j’ai en mémoire les débats que nous avons eus l’an dernier au sujet du niveau de la TVA sur les couches-culottes, sur les serviettes périodiques et autres produits de première nécessité pour les personnes les plus pauvres.

La TVA est une taxe qui fait mal aux plus modestes et aux personnes exclues des droits fondamentaux dans la société.

En bref, assumez vos choix et cessez de verser des larmes de crocodile !

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Ces amendements sont intéressants et soulèvent un certain nombre de problèmes.

Notre collègue Annick Billon a rappelé, en présentant l’objet de l’amendement n° I-668, qu’il était important d’aller vers plus de simplification en matière de niches fiscales.

Par ailleurs, dans cet article 2, si l’on regarde les chiffres de l’état annexé au rapport général, on s’aperçoit que la première source de recettes fiscales est la TVA. Mais l’impôt sur le revenu représente, de mémoire, 86,9 milliards d’euros. Il s’agit donc d’une recette particulièrement importante aussi.

Quant aux barèmes, ils sont certes historiques, mais ils peuvent évoluer. L’impôt sur le revenu est, pour les personnes qui y sont assujetties, une forme de solidarité financière par rapport au budget de l’État. Nous sommes toutes et tous concernés.

Je comprends l’avis qui a été émis par la commission des finances, mais, à titre personnel, et compte tenu de l’importance de l’enjeu, je m’associerai à l’amendement n° I-668.

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Je croyais que les amendements d’appel, une fois tenu le débat souhaité, avaient vocation à être retirés…

Je suis donc un peu surpris que cet amendement soit maintenu, d’autant qu’il porte sur un sujet très large qui mériterait, comme l’a dit M. Bargeton, une analyse plus complète. Sincèrement, il ne peut pas être approuvé en l’état.

Nous avions tous, à un moment donné, partagé l’idée que chacun devait contribuer un tant soit peu. Avec le temps, nous sommes revenus en arrière, d’abord parce que cela obligerait à augmenter les prestations sociales, afin de permettre le paiement d’un petit impôt, qui couvrirait à peine le coût administratif de sa collecte.

M. Claude Raynal. Ensuite, cela contraindrait à modifier en cascade la pléthore de mesures sociales dont bénéficient les personnes non imposables. Puisque c’est un amendement d’appel, soyez raisonnables, retirez-le !

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

M. Emmanuel Capus. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais les propos de M. Savoldelli m’y poussent.

Nos collègues Bocquet et Savoldelli ne cessent de nous expliquer qu’il faut réhabiliter l’impôt, lui rendre ses lettres de noblesse. Or pour ce faire, il faudrait que plus de 43 % des Français paient l’impôt sur le revenu. Sur ce point, je suis assez sensible aux arguments avancés par nos collègues de l’Union Centriste, d’autant que le fait d’être non imposable ouvre des droits, ce qui creuse encore davantage le fossé avec les personnes soumises à l’impôt sur le revenu. Il ne me semblerait pas incohérent, pour réhabiliter l’impôt, de le rendre plus universel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Que M. le rapporteur général, qui s’est étonné de l’absence de l’amendement Caillaux relatif au rétablissement de la tranche à 5 % pour l’impôt sur le revenu, se rassure : la volonté du groupe RDSE reste intacte, mais le passage au prélèvement à la source rendait la mise en œuvre de ce dispositif quelque peu compliquée en cette année de transition.

J’ajouterai que, même si la démonstration de M. Bargeton est techniquement et économiquement tout à fait pertinente, l’impôt sur le revenu ne doit pas être confondu avec les droits et les taxes. Dans la vie courante, lorsque l’on vous demande combien d’impôt vous payez, vous n’indiquez pas quel montant de TVA ou de TICPE vous avez payé au supermarché ou à la pompe ! Ce qui vous vient tout de suite à l’esprit, c’est l’impôt sur le revenu, qui a un caractère universel.

M. Julien Bargeton. La CSG est un impôt.

M. Jean-Marc Gabouty. C’est en outre, à ma connaissance, le seul impôt dont l’utilisation n’est pas fléchée. La TICPE, par exemple, est destinée à financer la transition énergétique.

M. Philippe Dallier. Non ! C’est bien le problème…

M. Jean-Marc Gabouty. Elle sert aussi à cela, même si une part de son produit est affectée au financement des collectivités locales et une autre au budget de l’État. Quant à la TVA, elle est en partie affectée aux régions.

L’impôt sur le revenu, lui, est généraliste et universel. Nous sommes plutôt favorables à la démarche proposée par le groupe Union Centriste.

M. Julien Bargeton. Pour une fois, je ne suis pas d’accord avec vous !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le groupe Union Centriste a lui-même précisé que l’amendement n° I-668 était un amendement d’appel, pas très précisément chiffré. Pour ma part, je suis totalement incapable de mesurer les conséquences de la mise en œuvre d’une telle proposition. En projet de loi de finances rectificative, on est parfois conduit à modifier ou à supprimer des dispositifs fiscaux qui avaient été mal calibrés.

M. Philippe Dallier. Il n’y a plus de PLFR, comme ça, c’est réglé !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Soyons donc extrêmement prudents avant de prendre des dispositions dont nous ne mesurons absolument pas les conséquences.

Proposer de supprimer telle ou telle niche fiscale, c’est sympathique, mais certaines niches profitent à des familles, à des personnes handicapées, à des orphelins, etc., que l’on ne peut pas priver de ces avantages, qu’ils soient justifiés ou non, du jour au lendemain.

Le débat sur la progressivité et la concentration de l’impôt est légitime, d’autant que nous avons connu une hyperconcentration dans le passé. Mais soyons sérieux : on ne peut pas à la fois reprocher en permanence au Gouvernement de présenter des amendements sans les accompagner de simulations et d’une étude d’impact et procéder soi-même de cette façon. Voter cet amendement à l’aveugle serait extrêmement dangereux.

Ce débat est nécessaire, et il reviendra sans doute à l’occasion d’autres échéances. Il est clair que l’impôt sur le revenu pourrait être modernisé et qu’un travail sérieux devrait être mené sur les niches fiscales, mais cela ne peut pas être fait au détour d’un amendement.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Peu de mots, quelques chiffres !

Le produit de l’impôt sur les sociétés était estimé à 40 milliards d’euros en 2000, à 37 milliards d’euros en 2009, et il est annoncé à 31,5 milliards d’euros pour 2019.

Le produit de l’impôt sur le revenu représentait 51 milliards d’euros en 2000, 50 milliards d’euros en 2009, et il est prévu qu’il s’établisse à 70 milliards d’euros pour 2019.

Il y a donc un léger transfert… Dans le même temps, le PIB de la France est passé de 1 485 milliards d’euros en 2000 à 2 291,7 milliards d’euros en 2017, soit une augmentation de 54 %. Je livre ces chiffres au débat !

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Nous suivrons, bien sûr, l’avis défavorable du rapporteur général, parce que l’on ne peut pas traiter d’un problème aussi lourd au détour d’un amendement.

Je remercie toutefois nos collègues centristes, car ils ont soulevé une vraie question.

Cette question est ancienne, puisque, aux termes de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pour l’entretien de la force publique, et pour les charges générales d’administration, les citoyens, à proportion de leurs moyens, doivent être mis à contribution.

Le problème est que, en France, nous sommes les champions du monde des prélèvements obligatoires et que, en outre, ceux-ci sont très concentrés ; les insurrections fiscales commencent à nous envoyer un signal à cet égard…

Il en va de même avec la suppression de la taxe d’habitation : gardons-nous de donner à croire à nos concitoyens que rien ne se paie, même ce qui semble gratuit.

Encore une fois, c’est un véritable sujet, mais nos collègues centristes comprendront certainement que mon groupe suive l’avis, toujours éclairé, de notre rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.