Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de ces amendements proposent de réduire de 1,7 point le taux de la CSG sur les pensions de retraite pour l’amener à 6,6 %, soit son niveau de 2017.

Même si la commission partage les préoccupations de nos collègues, je sollicite le retrait de ces amendements, faute de quoi j’y serai défavorable, vu le coût très élevé qu’entraînerait leur adoption. Je le répète, après l’avoir déjà dit en commission, mais aussi à Mme Apourceau-Poly avant la suspension de nos travaux cet après-midi, nous ferons d’autres propositions au moment de l’examen de l’article 44 pour soutenir le niveau de vie des retraités.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Paccaud, maintenez-vous l’amendement n° 49 rectifié bis ?

M. Olivier Paccaud. Si la proposition de la commission, c’est de maintenir la revalorisation des pensions de retraite au niveau de l’inflation, elle ne me convient pas du tout, parce que cela veut dire que l’on entérine une baisse forte de pouvoir d’achat pour les retraités.

Vous savez, les retraités savent compter, et ils comptent mieux que les ordinateurs de Bercy. (Mme Victoire Jasmin sesclaffe.)

Nous en avons tous rencontré beaucoup, qui nous ont donné des chiffres très précis. Ils comptent de tête, ou alors ils ont des petits cahiers à spirale dans lesquels ils notent toutes leurs dépenses. Ils sont capables de dire que, en 2016, ils ont fait rentrer du fioul à 0,54 euro le litre et que, aujourd’hui, il est à 0,97 euro. Si je veux être cohérent, et j’essaie de l’être dans ma défense des retraités, je ne peux que maintenir mon amendement.

Mme la présidente. Madame Apourceau-Poly, l’amendement n° 496 est-il maintenu ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. Oui, madame la présidente, nous maintenons notre amendement, car cette proposition ne nous convient pas du tout. Les quelques exemples que j’ai cités dans mon intervention montrent à quel point les retraités vont perdre en pouvoir d’achat. Nous ne pouvons pas l’accepter.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Habituellement, je soutiens les avis des commissions, en l’occurrence la commission des affaires sociales. Pourtant, je resterai solidaire de ces deux amendements, pour différentes raisons.

Nous avons été, ces dernières semaines, destinataires de nombreux courriers de retraités, qui ont appelé notre attention sur leur situation difficile, compte tenu du niveau de leurs retraites. Les chiffres qui ont été rappelés sont malheureusement édifiants. Personnellement, j’ai dû recevoir pas loin d’une centaine de courriers, chiffres à l’appui, de tous les coins du département des Ardennes. Certes, il s’agit d’une lettre type, mais les arguments sont forts.

Ces amendements visent à réduire de 1,7 point le montant de la CSG pour les retraités. Je peux comprendre l’intérêt financier de la hausse qui avait été décidée pour l’équilibre des comptes sociaux, donc les positions de M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales et de Mme la ministre. Mais il y a malheureusement beaucoup de retraités qui souffrent, donc, je le répète, je resterai solidaire de ces amendements.

Mme Laurence Cohen. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Bien sûr, le niveau de vie des retraités est une préoccupation de la commission. C’est pour cette raison que nous n’avons pas souhaité suivre le Gouvernement dans ses propositions, qui conduisent clairement à un appauvrissement des retraités. Et cela va se répercuter, Mme la ministre le sait bien, sur plusieurs années. La non-revalorisation des retraites, c’est près de 2 milliards d’euros cette année, 3,8 milliards d’euros en 2020 et jusqu’à 8 milliards d’euros en 2021. Avec cette tendance, on voit bien que ce sont les retraités actuels qui vont équilibrer le système pour la réforme des retraites qui doit venir derrière. Il faut être attentif à ce point.

La commission des affaires sociales a donc souhaité trouver une solution réaliste prenant en compte les contraintes financières du PLFSS, parce qu’il ne faut pas oublier qu’il y a des recettes derrière. C’est pourquoi nous avons présenté un amendement permettant notamment de trouver un prélèvement de 1 milliard d’euros sur les OCAM, les organismes complémentaires d’assurance maladie, et que nous avons assumé de proposer le recul de l’âge légal de la retraite.

Cela montre bien qu’il y a différents leviers pour équilibrer le système des retraites. On ne peut pas s’acharner en permanence à l’équilibrer seulement avec des baisses de pension. Il nous paraît tout à fait opportun d’envisager d’utiliser tous les leviers susceptibles de maintenir le système en équilibre, et, surtout, un niveau de vie décent pour les retraités.

J’invite donc nos collègues à nous rejoindre sur l’article 44, qui doit nous permettre de trouver le consensus nécessaire au sein de notre hémicycle pour donner un signe fort aux personnes retraitées, tout en équilibrant ce PLFSS.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Nous sommes tous des élus de terrain, et nous nous sommes rendu compte que l’augmentation de la CSG – demain la désindexation des retraites – allait avoir pour conséquence une baisse du pouvoir d’achat des retraités. D’ailleurs, ils expriment leur mécontentement. En même temps, nous sommes aussi responsables, ici, au Sénat, de l’équilibre des comptes et du PLFSS. Le président et le rapporteur général nous disaient hier encore que l’on a besoin de recettes pour former des médecins, pour avoir un panier de soins qui soit décent, et pour assurer la solidarité dans notre pays.

Il me semble donc qu’il faut trouver cet équilibre entre l’écoute des personnes sur le terrain et notre devoir de responsabilité. Nous voterons contre cet amendement parce que nous préférons la proposition sur l’article 44, retenue au terme de la discussion qui a eu lieu en commission et qui me semble équilibrée. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Je dirai quelques mots, précisant d’emblée que j’ai l’impression de rajeunir d’un an…

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Quelle chance ! (Sourires.)

M. Martin Lévrier. Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour le dire ! On nous refait un peu le coup de l’année dernière sur les retraites, on fait quelques omissions, on nous parle de retraités qui vivent un enfer depuis un an. Je suis désolé de vous le dire, je suis, comme vous, sur le terrain et je vois, moi aussi, énormément de retraités.

De plus, j’ai la chance – je vais parler de moi l’espace d’une seconde – d’avoir une maman de 99 ans qui a de tout petits revenus, je sais donc parfaitement de quoi je parle. Vous oubliez, cette fois-ci, de parler de la taxe d’habitation. Or les deux sujets sont liés. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Mais oui ! Il est toujours très facile de ne prendre l’histoire que d’un côté et de ne jamais vouloir regarder le l’autre côté !

Premier point, les personnes âgées retraitées dont le revenu est inférieur à quelque 2 500 euros ne perdent pas de pouvoir d’achat. (Même mouvement.)

Deuxième point, vous omettez de mentionner toutes les mesures que vous avez fait adopter. Souvenez-vous celle qui fut votée en 2012 et appliquée en 2014, qui est la suppression de la demi-part des veuves. Elle a, faut-il le rappeler, impacté beaucoup de personnes âgées retraitées très pauvres, ce qui n’a gêné personne à l’époque ! Nous nous employons à rectifier le tir cette année, mais cela, vous ne le dites pas. C’est étonnant !

Il est quand même important de regarder les choses sous tous les angles et d’arrêter de faire du misérabilisme !

Mme Catherine Morin-Desailly. Dites cela aux retraités !

M. Martin Lévrier. Nous ne sommes pas là pour cela, notre rôle est de faire des lois !

Troisième point, il était question d’équilibre, car le sujet des retraites met en cause des équilibres. Aujourd’hui, nous sommes tous conscients que la proportion des retraités par rapport à des actifs de moins en moins nombreux ne cesse d’augmenter, ce qui montre bien la nécessité de rechercher un équilibre.

Nous proposons de travailler tous ensemble sur une nouvelle loi pour les retraites. Ce texte est essentiel et vous savez que, a priori, il va dans le bon sens. Il est donc normal de se donner le temps de le faire. Comme il est normal, dans la recherche de cet équilibre pour la retraite, de tenir compte des recettes potentielles liées aux actifs d’aujourd’hui pour les redistribuer sur les retraités d’aujourd’hui. Il est vrai que ce choix nous empêche d’augmenter les pensions de 1,7 %, 1,8 %, voire de 1,3 % et nous contraint à limiter l’augmentation à 0,3 %. C’est vrai, pour offrir une belle retraite à tous, on demande à certains retraités de faire un effort sur leur pouvoir d’achat et on l’assume parfaitement !

Vous, en revanche – mais nous aurons ce débat tout à l’heure –, vous allez demander aux actifs encore plus d’efforts puisque vous allez proposer une durée supplémentaire de cotisations d’un an et vous allez proposer la création de nouvelles taxes, ce qui est précisément le reproche que vous nous adressez ! Je précise, de surcroît, qu’elles ne sont pas du tout du même montant ! On en reparlera tout à l’heure, mais arrêtez le misérabilisme sur les retraités ! Ce que vous dites est faux ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Franchement, on peut être en désaccord avec les amendements proposés, on en discute et on s’oppose, c’est le jeu démocratique. Mais arriver à dire, comme je viens de l’entendre, qu’une augmentation de 0,3 % est suffisante pour les retraités, alors qu’elle ne correspond même pas à l’augmentation du coût de la vie, moi, je trouve cela particulièrement indécent ! Cela ne gêne personne d’entendre évoquer la nécessité d’équilibrer les comptes de la sécurité sociale, tout en acceptant une envolée des exonérations des cotisations patronales et alors que le Gouvernement, pour faire en sorte de sauvegarder l’équilibre, réduit les dépenses dans les hôpitaux au détriment de la qualité des soins ! Il faut quand même raison garder !

Ce qui est proposé des deux côtés de l’hémicycle, c’est de prendre en compte une situation réelle. Quels que soient nos territoires, nous avons, toutes et tous, autour de nous des exemples de retraités qui souffrent durement et viennent nous le dire dans nos permanences. C’est cette réalité qu’il nous faut prendre en compte et il est de notre responsabilité de parlementaire de le faire en relayant leur parole ici, dans notre Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Bien évidemment, nous sommes tous des élus de terrain et bien évidemment, nous rencontrons régulièrement dans nos territoires les week-ends, le jeudi, le vendredi, le lundi, des retraités et des citoyens qui ne sont pas forcément très satisfaits des mesures prises par le Gouvernement. Bien évidemment, la hausse de la CSG mécontente les retraités. Bien évidemment, la non-indexation ou la sous-indexation des retraites sur l’inflation entraîne un mécontentement !

C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a travaillé le sujet en ayant deux préoccupations : la première, c’est de parvenir à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, faisant en sorte d’éviter les diminutions de recettes afin de pouvoir apporter quand même la meilleure santé possible à l’ensemble de nos concitoyens ; la seconde, c’est de proposer des mesures qui pourraient, dans le cadre d’une commission mixte paritaire, être acceptées par l’Assemblée nationale.

Les propositions de la commission des affaires sociales sont des propositions réfléchies – je ne dis pas que les vôtres ne le sont pas –, qui prennent en compte ces deux éléments : préserver l’équilibre des comptes de la sécurité sociale et les possibilités de négociation avec l’Assemblée nationale.

Je vous demanderai d’aller dans le sens de la commission des affaires sociales. Faites un peu confiance à nos rapporteurs et aux membres de la commission des affaires sociales ! Nous faisons confiance à nos homologues de la commission des finances ou de la commission des affaires économiques lors de nos rencontres et échanges avec eux.

Vous avez adopté hier une attitude opposée à celle que nous vous montrons lorsque nous venons discuter des propositions qui émanent de vos commissions. Faites comme nous, faites-nous confiance, ce que nous proposons, c’est dans l’intérêt des retraités, dans l’intérêt de la sécurité sociale et dans l’intérêt du Sénat. Essayez de nous suivre, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. La vie est actuellement assez difficile dans des secteurs ruraux où le niveau des retraites est faible.

Le redressement des comptes de la sécurité sociale s’accompagne de modifications financières entre l’État et la sécurité sociale. En 2019, en effet, certains allégements sur les bas salaires, les heures supplémentaires, le CICE pour certains régimes spéciaux, n’ont pas été compensés. Cela représente au total 1,3 milliard d’euros.

Je vais faire une proposition qui ne sera sûrement pas retenue, mais que je défends quand même : alors que la branche vieillesse a un excédent de 0,7 milliard d’euros, l’augmentation des pensions est limitée à 0,3 %, ce qui est trop peu. Les pensions retraites diminuent. Je citerai également les prestations familiales et celles qui sont destinées à l’invalidité. Dans un premier temps, la commission mixte paritaire pourrait accepter que l’État restitue environ 1 milliard d’euros. Et on pourrait, dans un deuxième temps, en prenant en compte les 0,3 %, augmenter les pensions de retraite de 1 %.

À ce stade, je voterai en faveur de la proposition de la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 rectifié bis et 496.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 17, présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le II de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Sont exonérés de la contribution sociale au taux de 9,9 % les revenus mentionnés au a du I de l’article L. 136-6 perçus par les personnes percevant une pension de retraite dont les revenus de l’avant-dernière année, définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts, n’excèdent pas 11 018 euros pour la première part du quotient familial, majorée de 2 942 euros pour chaque demi-part supplémentaire. »

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l’exonération de contribution sociale généralisée sur les revenus fonciers est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Charles Guené, vice-président de la commission des finances. Cet amendement vise à exonérer de CSG sur les revenus fonciers les retraités dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas 11 018 euros pour une personne seule et 16 902 euros pour un couple. Vous avez compris qu’il s’agit du revenu total.

Ce sont des retraités modestes, dont vous avez reconnu le profil – anciens commerçants, agriculteurs, indépendants, veuves. –, dont le cumul de la retraite est tronqué. Les ressources de ces personnes, qui cumulent le revenu tiré des fermages de quelques dizaines d’hectares qu’ils ont pu conserver ou d’un ancien fonds de commerce, arrivent péniblement à atteindre ces 11 018 euros. Cette population a vocation à régresser plutôt qu’à augmenter au fil du temps.

Vous avez là l’exemple type d’un amendement ciselé, intelligent et juste à la bonne mesure, qui permettra à ces personnes de ne pas acquitter la CSG sur ces revenus très modestes.

Avec une telle proposition dont le coût doit être modeste et qui s’adresse à une population véritablement en difficulté, il me semble que nous venons au secours du Gouvernement. Je ne comprends même pas qu’il n’y ait pas pensé ! (Sourires.)

C’est un fait, les retraités ont été durement touchés par la hausse de 1,7 % de la CSG inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Ils le seront aussi en 2019 et 2020 par la désindexation des prestations sociales.

Notre amendement vise à atténuer l’effet de ces mesures successives sur des retraités qui sont vraiment les plus modestes de notre pays et pour lesquels l’amendement à l’article 44 n’apportera malheureusement pas de solution puisqu’il s’agit de revenus fonciers.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je voudrais dire à M. Guené, qui représente la commission des finances, que les personnes qu’il entend exonérer de la CSG sur leur patrimoine ne payent pas de CSG sur leur pension, qui constitue sans doute l’essentiel de leurs ressources. À moins de 11 018 euros, on n’est pas assujetti à la CSG !

Votre intention de les exonérer de CSG sur les revenus du patrimoine est sans doute louable, mais je tenais à apporter cette précision pour dissiper l’impression que tous les retraités paieraient une CSG plus lourde : cela n’est pas vrai pour cette catégorie.

En plus, au-delà des difficultés techniques, et elles ne sont sans doute pas négligeables, posées par cet amendement, il peut aussi soulever un vrai problème de principe. En effet, la CSG frappe jusqu’à présent les revenus du patrimoine de façon uniforme : application d’un taux unique, absence de niche. Et pour sa part, la commission souhaite qu’il en reste ainsi. À nos yeux, la CSG ne doit pas ressembler à la fiscalité d’État, qui truffe les revenus du travail et du patrimoine de niches et d’exonérations au point que l’on ne s’y retrouve plus. Nous en faisons une affaire de principe, il est pour nous essentiel que la CSG reste juste et uniforme, qu’elle s’applique en toute égalité.

Pour ces raisons, qui me paraissent de toute première importance, la commission vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur, l’exonération que vous proposez porterait sur les seuls revenus fonciers perçus par certains pensionnés. Il nous semble qu’elle créerait des inégalités de traitement importantes au détriment des personnes modestes, qu’elles soient pensionnées ou non.

Ainsi, si on imagine deux retraités dont le niveau de pension est le même et qui ont tous les deux un revenu fiscal de référence inférieur au seuil que vous avez fixé, seul celui qui aurait des revenus fonciers, disposant donc d’une source de revenus supplémentaires, serait avantagé par la suppression des prélèvements.

Au-delà de cela, rien ne justifierait de ne pas tenir compte de ce critère de revenu fiscal de référence pour l’ensemble des redevables de la CSG et des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, notamment les actifs. La mesure que vous proposez présente donc un risque juridique élevé.

Par ailleurs, et je rejoins tout à fait M. le rapporteur général, une telle exonération porterait atteinte à l’universalité des prélèvements sociaux assis sur les revenus du capital, qui ont vocation à s’appliquer de la même manière à tous les redevables, indépendamment de leur niveau de ressources. À cet égard, les prélèvements sociaux n’obéissent pas à la logique de l’impôt sur le revenu.

J’entends votre argument selon lequel la proposition vise à préserver les retraités modestes qui bénéficient d’un patrimoine foncier, notamment dans le secteur agricole. Il ne nous paraît cependant pas très efficace de chercher à répondre à la situation particulière des petites retraites agricoles par une réduction de la fiscalité du patrimoine, car elle n’atteindra pas directement l’objectif.

Nous proposons d’autres mesures pour mieux aider les petites retraites, notamment agricoles. Je pense à la revalorisation de l’allocation de solidarité pour les personnes âgées, évidemment à la disparition de la taxe d’habitation, à tout ce que nous faisons pour le reste à charge zéro ou l’aide à la complémentaire santé… Autant de mesures en faveur des retraités les plus modestes.

La CSG ne permettra pas de redistribuer du pouvoir d’achat à des ménages – seuls les bénéficiaires de revenus fonciers significatifs seraient concernés par votre mesure. Outre qu’elle me semble trop inégalitaire, elle présente un risque juridique très important.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je suis tout à fait favorable à cet amendement. Je rappelle que ces retraités, qui sont surtout des artisans, des commerçants ou de petits agriculteurs, ne payaient peut-être pas de taxe d’habitation. Ils vont payer un peu plus de CSG puisqu’ils touchent plus de 11 000 euros – pour une personne seule. Ils perçoivent quelques revenus fonciers, d’un niveau très faible, et sur lesquels ils vont s’acquitter de la contribution sociale généralisée au taux de 9,9 % .

Je pense que c’est un bon amendement, qui aidera un peu les personnes modestes. Par conséquent, je le voterai.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Nous avions réfléchi sur le sujet en commission où M. le rapporteur général a bien expliqué la situation. Je pense qu’il faut essayer d’en rester là.

Je veux profiter de cette explication de vote pour répondre à M. Lévrier, qui a affirmé que nous ne sommes pas honnêtes dans notre raisonnement. En effet, à l’entendre, nous ne tenons pas compte de l’ensemble des hausses et des baisses.

Or nous ne nous prononçons pas à la légère, et je vous invite, cher collègue, à consulter les études qui ont été faites, notamment par le Conseil d’orientation des retraites, le COR, lequel a analysé ces différentes mesures. Les choses sont claires. Quand vous tenez compte, d’un côté, de l’augmentation de la CSG, de la CRDS, qui, même si son taux n’est pas très important, vient encore grever le dispositif, de la diminution de l’allocation logement, de la baisse des revalorisations par rapport à ce qui était prévu – 0,3 % au lieu de suivre l’inflation – et, de l’autre côté, en compensation, de la suppression de la taxe d’habitation – elle a commencé à intervenir pour certains et on ne sait pas, à terme, jusqu’où elle va aller, car il reste encore un certain nombre de milliards à trouver… –, il y a, les études le montrent, 79 % de perdants parmi les retraités et 21 % de gagnants dans cette même catégorie. Cela porte sur des sommes allant de 400 à 700 euros, ce qui n’est pas négligeable. On le voit bien, dans cette affaire, les perdants sont beaucoup plus nombreux que les gagnants. (Mme Jocelyne Guidez acquiesce.)

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Charles Guené, vice-président de la commission des finances. Le technicien que je suis – ou que j’ai été – comprend parfaitement les arguments de la commission des affaires sociales et de Mme la ministre. Je voudrais cependant souligner que derrière cette technique, il y a des gens qui ont vraiment les plus faibles revenus de notre société. On dit qu’il ne faut pas distinguer entre les revenus fonciers et les salaires. À cet égard, il est bon de préciser que cette catégorie tire ses revenus pour partie de salaires et pour partie de revenus fonciers. L’exemple type de cette population, ce sont des agriculteurs qui ont conservé quelques hectares ou des petits commerçants qui ont encore leur fonds de commerce. Dans ces conditions, il est un peu excessif de parler de fiscalité du patrimoine. Certes, il est question de revenus du patrimoine, mais on a tendance à faire penser que nous viserions des gens disposant d’un patrimoine très important. Or nous sommes face à des personnes extrêmement vulnérables.

Je ne pense pas que le coût de la mesure proposée aurait été excessif. Je ne retirerai pas l’amendement. Je n’en ai pas le pouvoir, car il s’agit d’un amendement de la commission des finances et que je ne suis pas mandaté pour le faire. Je vais le laisser prospérer, sans trop d’illusion sur le sort qui lui sera réservé.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

A. - Alinéas 2 à 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

I. - Au premier alinéa du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, après les mots : « dont les revenus », sont insérés les mots : « de l’antépénultième ou ».

B. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l’introduction d’une condition d’assujettissement à la contribution sociale généralisée au taux de 3,8 % des retraités, des bénéficiaires d’une pension d’invalidité et des allocataires de l’assurance chômage au dépassement du seuil de revenu fiscal de référence deux années consécutives est compensée, à due concurrence, par une majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Notre amendement vise à aligner le dispositif prévu dans l’article pour les retraités s’agissant de l’effet de seuil qui existe entre le taux de 3,8 % et le taux supérieur. Les retraités sont redevables sur leur pension suivant le niveau des revenus, selon des modalités différentes.

Il est important de le rappeler. Ils ne paient rien en dessous de 11 018 euros de revenu fiscal de référence. Ils se voient appliquer un taux de 3,8 %, plus la CRDS, pour un revenu compris entre 11 018 et 14 403 euros. Ce taux passe désormais à 8,3 % quand le revenu fiscal de référence dépasse 14 403 euros, plus la CRDS et une contribution de 0,3 % au titre de la solidarité pour l’autonomie.

Peut-être pour exprimer un regret laissé par la réforme de l’année dernière, qui a augmenté de 1,7 point sans compensation le taux supérieur de la CSG pour les retraités, le Gouvernement propose de rendre plus difficile le passage à ce taux supérieur. Je pense qu’il a parfaitement raison. Ces effets de seuil, qui ne jouent pas seulement dans ce cas, sont souvent assez brutaux. Désormais, il faudra dépasser le seuil de revenus pendant deux années consécutives pour se voir appliquer le taux maximal.

Dans un souci de cohérence, la commission a estimé qu’il faudrait peut-être appliquer le même critère de dépassement du seuil de revenus de deux années de suite pour le passage du taux nul au taux intermédiaire, c’est-à-dire de 0 à 3,8 %. C’est ce que nous proposons dans l’amendement n° 57.

Cette disposition, qui concerne les revenus les plus modestes, me semble de stricte équité et de justice, compte tenu de la proposition faite par le Gouvernement pour le taux supérieur.