M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’agence nationale de la cohésion des territoires va donc finir par voir le jour.

Oubliant l’épisode imaginé par le Gouvernement de la création de cette agence via un amendement au projet de loi ÉLAN en juillet dernier, les textes qui nous sont soumis aujourd’hui ont été déposés, avec l’aval du Gouvernement, par nos collègues du RDSE le 2 octobre dernier et font l’objet d’une procédure accélérée.

Le Président de la République avait annoncé cette création devant l’ensemble des élus locaux le 17 juillet 2017 au Sénat à l’occasion de la première Conférence nationale des territoires, puis devant le Congrès des maires de France le 24 novembre 2017 alors qu’il annonçait la suppression progressive de la taxe d’habitation.

Comme nous l’avait dit en commission la ministre Jacqueline Gourault, cette future agence était une demande de l’Association des maires de France, l’AMF, que le Gouvernement avait « écoutée ».

Le président Macron précisait souhaiter que cette agence soit un « guichet unique » pour les collectivités, sur des sujets aussi divers que le numérique ou les déserts médicaux. De fait, l’aménagement du territoire ne peut être efficace que si l’on crée un pouvoir transversal, car nombre de sujets sont liés. Je relève au passage qu’il n’est plus question de faire de pont entre les ministères de la santé et de la cohésion des territoires, comme cela avait été évoqué à l’époque. Ce serait pourtant, à mon avis, la seule façon d’avancer vraiment sur le problème récurrent des déserts médicaux. La commission de l’aménagement du territoire du Sénat ne s’interdit toutefois pas de le traiter encore cette année à l’occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la semaine prochaine.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Très bien !

M. Gérard Cornu. On note donc que, depuis juillet 2017, le processus de création de cette agence aura duré un peu plus longtemps que prévu. Il faut penser que l’opération n’était pas simple, malgré l’urgence à agir, dans un contexte de réduction sensible des dotations aux collectivités.

Au-delà du sujet majeur des dotations qui a mis le feu aux poudres, il fallait évidemment entendre l’impatience des élus qui font, depuis de nombreuses années, partout remonter le fait qu’il y a trop d’interlocuteurs, trop d’opérateurs dans leurs démarches, trop de blocages, trop de délais.

La vocation de l’agence est justement de « donner davantage de lisibilité et d’efficacité à l’intervention de l’État sur les territoires » par la voix des préfets qui en seront les « délégués territoriaux ».

L’agence doit donc, « dans le respect du principe de déconcentration, contribuer à simplifier les relations entre les porteurs de projets locaux et l’État », en créant une structure dont la vocation serait d’accompagner les collectivités ayant de faibles moyens d’ingénierie et devant faire face à la grande complexité des procédures. Vaste programme, vous n’en doutez pas ! En clair, elle doit avant tout fluidifier les relations entre les élus locaux et l’exécutif et apaiser le dialogue au sein de la Conférence nationale des territoires.

Une fois cela dit, beaucoup de questions restaient ouvertes et l’étaient encore dans les deux propositions de loi déposées.

Je voudrais saluer à mon tour l’excellent travail de notre rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable : il a fait entendre la voix des élus locaux et proposé d’utiles enrichissements et rééquilibrages du texte, qui étaient nécessaires.

Concernant le périmètre de l’agence, seuls y seront donc intégrés le CGET, l’EPARECA et l’Agence du numérique. Les autres grands opérateurs – CEREMA, ANAH, ADEME et ANRU – ne seront pas intégrés dans l’agence, mais celle-ci sera appelée à « conventionner » avec eux. On le sait, car la ministre Jacqueline Gourault ne s’en était pas cachée lorsqu’elle avait été auditionnée par la commission, il s’agit notamment d’un problème social : ce n’est pas la même chose d’intégrer dans la nouvelle agence de petites structures comme l’EPARECA ou l’Agence du numérique, qui ne comptent que quelques dizaines d’agents, et le CEREMA, qui en a 2 800.

Pourtant, je continue à penser, comme le président de la commission Hervé Maurey, que cela pouvait – ou devrais-je dire, pourrait – éventuellement être l’occasion d’une rationalisation saine, une expression de la réforme de l’État dont on parle tant et dont on voit si peu de résultats.

S’agissant des moyens et de la gouvernance, peu d’informations nous étaient données.

Pour ce qui est de la gouvernance, il avait été dit initialement que « les élus locaux devraient jouer un rôle dans la gouvernance de l’agence », mais que leur poids et leur mode de désignation allaient être négociés avec « les parlementaires et les associations d’élus ». En commission, et c’est heureux, sur l’initiative du rapporteur, nous avons sensiblement amendé le texte de l’article 3, en prévoyant que le nombre de représentants des collectivités devrait être égal à celui des représentants de l’État. Cela me paraît parfaitement logique s’agissant des territoires et la moindre des choses !

M. Charles Revet. Effectivement !

M. Gérard Cornu. Curieusement, Mme Gourault a indiqué précédemment qu’elle n’y était pas forcément favorable. Nous aurons donc une véritable discussion au sein de cette enceinte, car les représentants des territoires sont tout de même les élus locaux et les parlementaires, notamment les sénateurs.

Concernant les moyens, le rapporteur a fait part de nos craintes : « Le financement de l’agence ne saurait venir en soustraction de moyens actuellement accordés aux collectivités territoriales. Lorsque l’on donne d’une main et que l’on reprend de l’autre, cela finit toujours par se voir », et surtout par mécontenter, en laissant l’impression d’un jeu de dupes.

Comme le rapporteur, je souhaite que l’agence soutienne en priorité les projets innovants des collectivités territoriales, qu’il faut aider partout sur le territoire, en valorisant les beaux projets, que ce soit en matière de mobilités, d’alimentation saine, durable et de proximité, de reconquête de la biodiversité, de création de nouveaux espaces de vie commune.

Pour conclure, reste à suivre évidemment les modalités d’installation de cet outil de décentralisation de la politique d’aménagement et de soutien aux territoires afin d’en concevoir l’utilité réelle. À cet égard, l’identité de son dirigeant, son parcours, son charisme et sa capacité d’entraînement seront fondamentaux. Il faudra que nous soyons très vigilants sur son profil. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mon cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole de près d’une minute.

La parole est à M. Jean-Claude Luche. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Jean-Claude Luche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de nombreux territoires se sentent délaissés, voire carrément abandonnés. Beaucoup de services se détériorent avant de disparaître progressivement des zones les plus isolées.

Pourtant, les élus locaux se battent tous les jours pour préserver et développer leur territoire. Ils ne savent plus qui solliciter pour espérer obtenir une liaison téléphonique correcte, du très haut débit, ou des projets de réhabilitation ou de développement de plus grande ampleur.

L’agence qui nous est proposée aujourd’hui vise à regrouper certains organismes et à assurer une meilleure coordination dans les projets. Si l’on peut se réjouir d’une telle initiative qui est attendue depuis longtemps, de nombreux questionnements subsistent à son propos. Une bonne partie de ces interrogations a déjà été évoquée précédemment par mes collègues. Pour ma part, je m’attarderai sur la représentation des élus au sein de l’agence et sur la mise en pratique concrète de son action sur le terrain.

D’abord, pour ce qui concerne la gouvernance de l’agence, le lien avec les territoires reste indispensable pour la rendre efficace. En effet, l’agence sera physiquement située à Paris – comme bien d’autres organismes… – et les élus locaux ruraux se doivent d’y être assez nombreux et représentatifs des territoires. Ainsi, son conseil d’administration devrait être composé pour moitié d’élus locaux. Un amendement en ce sens vous sera proposé par le groupe Union Centriste.

Ensuite, pour ce qui est de l’action concrète de l’agence dans les territoires, il est proposé que le préfet soit le référent unique de l’agence. Comment pourra-t-il faire face à cette charge nouvelle, sachant que les préfectures sont débordées et subissent déjà des réductions d’effectifs ? Est-il prévu que ces dernières disposent de moyens humains supplémentaires ? Sur quels organismes locaux le préfet pourra-t-il s’appuyer ?

M. Jean-Jacques Lozach. Bonne question !

M. Jean-Claude Luche. Vous conviendrez que l’avancement des projets sera fortement lié à la personnalité et à la volonté propre de chaque préfet. Seront-ils tous en mesure de répondre à cette forte attente des territoires ?

Par ailleurs, concrètement, nous aimerions savoir comment et dans quelles conditions l’agence proposera ses services. Conclura-t-elle des contrats avec les collectivités, avec comme intermédiaire le préfet ? Ses prestations seront-elles gratuites ? L’agence, donc le préfet, deviendra-t-elle un intermédiaire systématique entre les collectivités et les agences conventionnées ? Au contraire, sera-t-il toujours possible pour une commune ou un groupement de communes de saisir directement l’ANAH ou l’ANRU ? Si tel est le cas, à quoi servirait le conventionnement avec l’agence ? Nul doute que le débat qui va suivre permettra de répondre en partie à ces questions.

Il est aussi nécessaire que l’agence trouve sa bonne articulation avec les schémas régionaux ou départementaux déjà existants. Je pense, par exemple, à l’agence d’ingénierie départementale que j’ai créée en 2013 dans mon département de l’Aveyron.

Enfin, il reste la question des financements de l’agence et des moyens alloués à ses actions. Il ne faudrait pas, par exemple, ôter la dotation d’équipement des territoires ruraux pour pouvoir bénéficier des services de celle-ci. Plus directement, nous espérons bien évidemment des financements nouveaux en faveur des territoires, et surtout des territoires ruraux.

Ainsi, malgré toutes les interrogations qui demeurent, nous estimons que la création de l’agence doit être encouragée. Nous resterons vigilants sur l’application et la mise en place de ses actions. Monsieur le ministre, vous pourrez compter sur notre bonne volonté dans les territoires pour favoriser ces dernières.

Pour conclure, vous le savez, les attentes des élus et des territoires sont très fortes. Nous espérons vivement que l’agence permette de répondre à certaines problématiques, notamment en ce qui concerne le très haut débit. Mais sachez que, si pour une raison ou pour une autre, l’action de l’agence se trouvait contrainte, notre déception en serait d’autant plus grande ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création d’une agence nationale de la cohésion des territoires a été évoquée à plusieurs reprises par l’Association des maires de France et par de nombreux groupes politiques.

L’intention est bonne à condition que l’ensemble du processus soit parfaitement défini pour s’insérer dans une organisation durable de l’aménagement territorial. Il convient d’éviter une aggravation du phénomène du millefeuille institutionnel.

Ce débat, au-delà de sa pertinence technique, révèle que les territoires attendent davantage d’attention des services de l’État. Il est évident que la République ne peut pas fonctionner sans une collaboration étroite entre l’État et les collectivités territoriales.

La création d’une agence nationale de la cohésion des territoires doit permettre de lutter contre les multiples fractures – numérique, sociale, économique – qui traversent notre pays. Sur le principe, le groupe Les Indépendants – République et Territoires y est bien sûr favorable. Nous soutenons tout ce qui peut renforcer notre cohésion nationale et améliorer le quotidien de nos concitoyens.

Toutefois, il faudra veiller à ce que ce nouvel acteur n’ajoute pas une couche de complexité bureaucratique au quotidien déjà bien encombré des élus locaux. Son périmètre large ne doit pas in fine conduire à une dilution de son action, car qui trop embrasse mal étreint ! Les élus locaux attendent surtout de l’État une lisibilité globale et un accès facilité au profit de leurs territoires. La nouvelle agence doit impérativement porter cette ambition de simplification pour mieux répondre aux besoins et aider les élus de terrain.

La réussite de l’agence dépend essentiellement de la représentation des élus locaux au sein de ses instances. Comment pourront-ils y participer ? Comment seront-ils désignés ? Les élus territoriaux doivent être le plus possible présents afin de contribuer directement aux choix stratégiques.

Il est essentiel d’associer davantage les élus locaux à la gouvernance centrale de l’agence : nous soutenons l’instauration d’un comité local de la cohésion territoriale à l’échelle départementale.

Si le préfet devient le correspondant unique des élus, quels seront les moyens complémentaires mis à sa disposition par l’agence pour organiser, sur le terrain, au quotidien, le soutien promis aux territoires ? Comment assurer l’accès à l’agence, la lisibilité et le contrôle de son action ?

Enfin, cela a été dit, l’agence doit se concentrer sur les territoires les plus en difficulté, incluant les zones de revitalisation rurale, de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.

Il convient que l’agence soit aussi déconcentrée que possible, au plus proche des élus et de leurs préoccupations quotidiennes.

Ces thèmes nous tiennent à cœur et notre assemblée en a fait un axe majeur de son action législative ces derniers mois. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous nous suivrez sur cette voie. La mise en œuvre d’une agence nationale soulève de nombreuses interrogations. Rien ne serait pire qu’une nouvelle usine à gaz qui élargisse le fossé entre l’État et nos territoires. Nous devons proposer aux élus locaux que nous représentons une solution opérationnelle, pragmatique et surtout utile. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me permets d’engager mon propos en vous soumettant deux remarques.

La première, c’est que la France n’est pas un bloc de pierre monolithique qui pourrait être gouverné depuis Paris. Elle est faite d’équilibres et d’identités qu’il est important de respecter pour mieux créer son unité.

La seconde, c’est que la non-prise en compte de la diversité des territoires et de leur avenir est l’un des enjeux majeurs de la crise française actuelle. J’en suis persuadé.

Les enjeux de la cohésion des territoires, cette capacité à concilier la diversité des territoires et la réduction des inégalités entre citoyens liées à l’espace, sont donc fondamentaux. Nous devons nous mobiliser de manière conjointe – collectivités, élus locaux, État, et plus largement société civile – pour que la cohésion entre les territoires soit réelle et pour bâtir en commun un aménagement durable et innovant des territoires. Le propos est beau, mais quelle pourrait en être la traduction concrète ?

L’agence nationale de la cohésion des territoires est un des éléments de réponse que nous étudions aujourd’hui, et je remercie le rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, qui a travaillé sur ce texte. La présente proposition de loi se veut la concrétisation législative de la politique d’aménagement du territoire de l’exécutif.

Pour reprendre les mots du Président de la République prononcés lors de la première Conférence nationale des territoires, la vocation de l’agence serait de fournir un « appui en particulier en ingénierie publique indispensable dans le rural et dans les territoires les plus périphériques » et de créer « une logique de guichet unique et de simplification de projets pour les territoires ruraux, les villes moyennes en difficulté ».

Créer un établissement public d’État pour travailler en tandem avec les territoires, pour les accompagner, pour les aider à développer leurs projets et pour coordonner l’action de l’État avec celle des collectivités territoriales est pertinent et légitime, s’il ne s’agit pas d’un grand « machin » de plus.

Les élus locaux sont demandeurs de plus de coordination et, surtout, de plus de simplification. Mais la condition sine qua non de la création de cette agence est qu’elle soit réellement au service des territoires, notamment des communes.

J’insiste sur ce dernier point, monsieur le ministre : nous connaissons tous la situation des collectivités territoriales, et notamment des plus rurales, qui se sentent de plus en plus dépossédées aussi bien en termes de compétences que de moyens.

On a réduit les compétences et les financements des collectivités territoriales face à un État loin d’être exemplaire : la dette des collectivités représente moins de 10 % de la dette publique globale, celle de l’État plus de 80 %.

Ce texte présente certaines avancées : la création d’un guichet unique pour les collectivités territoriales, par exemple, est un souhait formulé depuis longtemps par les élus locaux. Pour autant, ce texte du Gouvernement ne répond pas aux espoirs soulevés par la mission de préfiguration voulue par le Premier ministre en personne.

Même si la forme juridique de l’agence nationale de la cohésion des territoires ne pose pas de difficulté, des imprécisions subsistaient sur sa gouvernance et sur son format.

En ce qui concerne la gouvernance, nous avons souhaité renforcer le poids des élus en créant un comité local de la cohésion territoriale et en instaurant, au sein du conseil d’administration, la parité entre représentants de l’État, d’une part, et représentants des élus locaux et nationaux, ainsi que des agents de l’établissement, d’autre part.

La cohésion des territoires ne se fera pas sans les élus ni sans les parlementaires. Les élus connaissent parfaitement leur territoire. Ils doivent avoir toute leur place dans l’organisation de cette agence.

J’ajoute que le lien entre parlementaires, élus locaux et État est indispensable pour le fonctionnement d’une démocratie représentative au service des territoires. Cette agence pourrait justement redonner des leviers d’action locale aux parlementaires.

Depuis la suppression de la réserve parlementaire, qui était pourtant un outil indéniable pour créer de la proximité entre les parlementaires engagés sur des dossiers locaux et les maires et les conseils municipaux, le risque d’éloignement progressif entre les communes du territoire et le parlementaire est bien réel.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Tout à fait !

M. Guillaume Chevrollier. Par ailleurs, nous avons souhaité garantir la prise en compte des territoires les plus fragiles en précisant les zones d’intervention de l’agence.

De plus, pour assurer le succès de l’intégration de l’Agence du numérique à l’agence nationale de la cohésion des territoires, nous avons aménagé une période de transition en prévoyant son transfert au 1er janvier 2021.

L’agence doit en effet constituer une réponse efficace, notamment en matière d’ingénierie, pour soutenir les territoires ruraux et périurbains traversés par des fractures – accès aux soins, mobilité, transports, numérique…

Je voudrais aussi évoquer les problématiques liées à la téléphonie. Dans les départements ruraux comme ailleurs, les problèmes de téléphonie mobile et de téléphonie fixe, notamment en raison de coupures d’électricité, sont des réalités. Au début du mois d’octobre, une commune de mon département a ainsi été privée de courant pendant plusieurs jours, ce qui a bloqué la vie locale. Dans ce type de situation d’urgence, les élus locaux veulent des interlocuteurs d’État prêts à agir immédiatement.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Et efficacement !

M. Guillaume Chevrollier. Le véritable enjeu du numérique, c’est aussi de travailler à l’acculturation, aux ouvertures et aux potentialités pour attirer de nouvelles populations dans les départements et consolider l’économie actuelle.

Aussi est-il important, dans la phase transitoire que nous connaissons aujourd’hui, d’accompagner et de rassurer les citoyens. C’est tout ce travail que doit prendre en compte l’agence nationale de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, les attentes des élus locaux et des citoyens sont grandes pour la cohésion de nos territoires. Nous devons à tout prix éviter la création d’une énième agence de type « coquille vide ».

Nous appelons ainsi le Gouvernement à être particulièrement vigilant sur trois sujets : celui des ressources d’intervention dont bénéficiera l’agence, celui de la rationalisation des interventions de l’État dans les territoires et celui de l’association des élus locaux et nationaux à la gouvernance de cette agence.

Monsieur le ministre, le Sénat sera particulièrement vigilant quant à la mise en œuvre de ce texte qui doit se faire au service des territoires, et notamment des plus fragiles d’entre eux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Alain Fouché applaudissent également.)

M. le président. La discussion générale commune est close.

 
 
 

Nous passons à la discussion de la proposition de loi, dans le texte de la commission.

proposition de loi portant création d’une agence nationale de la cohésion des territoires

TITRE Ier

CRÉATION D’UNE AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES

(Division et intitulé nouveaux)

 
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Le titre III du livre II de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi rétabli :

« TITRE III

« AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES

« CHAPITRE IER

« Statut et missions

« Art. L. 1231-1. – L’Agence nationale de la cohésion des territoires est une institution nationale publique, créée sous la forme d’un établissement public de l’État.

« Elle exerce ses missions sur l’ensemble du territoire national. »

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.

M. Pierre-Yves Collombat. En juillet 2017, Emmanuel Macron annonçait la création d’une agence nationale de la cohésion des territoires, et cette proposition de loi, dont l’objet est identique, est inscrite à l’ordre du jour du Sénat une dizaine de jours avant le congrès de l’Association des maires de France : heureuse coïncidence, nouvelle forme de la séparation des pouvoirs ! (Sourires.)

Mode de gouvernance néolibérale mis à l’honneur d’abord en. Grande-Bretagne, les agences, après les autorités administratives indépendantes – « États dans l’État », disait à l’époque Jacques Mézard –, sont à la mode.

Selon un rapport de l’Inspection générale des finances, publié en 2012, les organismes très divers faisant fonction d’agence étaient au nombre de 1 244. Depuis, faute de nouveau rapport sur le sujet, la seule chose qu’on sache est que ce nombre n’a fait que croître et embellir.

L’IGF constatait alors que les dépenses et les effectifs de ces « agences » croissaient bien plus vite que ceux de l’État. Elle soulignait que « la constitution d’agences se traduit mécaniquement par une augmentation des coûts de structures des politiques publiques » et que le pilotage de l’État peut « conduire à bureaucratiser l’exercice de la tutelle ».

Conclusion de l’IGF : la création des agences ne résulte pas d’une stratégie globale, mais de décisions prises au gré des opportunités, sans cohérence d’ensemble et sans analyse coûts-avantages de la gestion par agences plutôt que par l’administration classique. Toute ressemblance avec l’agence nationale de la cohésion des territoires ne serait pas totalement fortuite…

Il faut répondre au mécontentement des élus, paralysés par des réformes stupides, et, en même temps, faire des économies et libéraliser ? Faisons donc une agence et célébrons à son de trompe cette colossale innovation, plutôt que de donner à l’administration territoriale les moyens de ses missions.

Si cette bonne idée donne les mêmes résultats que les réformes adoptées depuis 2010, mes chers collègues, nous avons du souci à nous faire !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Ce n’est pas faux !

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.

Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le principe d’égalité entre tous les territoires et leurs habitants constitue l’un des fondements de notre République une et indivisible.

Toutefois, ce principe essentiel demande toujours à se concrétiser dans de nombreux territoires fragiles, ruraux ou urbains. L’un des déterminants les plus fréquents de la cohésion territoriale, et sans doute le plus marquant pour l’opinion publique, est la présence ou non de services publics ou de services au public.

Les missions de l’agence doivent se coconstruire avec les collectivités et les acteurs locaux. Dans ces conditions, et parce que les ambitions de la cohésion des territoires sont rappelées régulièrement par le Gouvernement, l’agence nationale de la cohésion des territoires a vocation à s’installer dans une ville moyenne.

Comme ma collègue Viviane Artigalas et moi-même l’avions proposé par un amendement déclaré irrecevable, quel plus beau symbole que d’installer cette agence au service de l’ensemble des territoires de notre pays là où le Gouvernement a réaffirmé, le 14 décembre 2017, la prise en compte par l’État de cet enjeu territorial majeur pour la France, c’est-à-dire à Cahors ?

Édouard Philippe s’était alors enorgueilli de mettre en place une nouvelle « grammaire » des relations entre l’État et les collectivités territoriales dans la ville natale de Clément Marot, créateur, au XVIe siècle, de la fameuse règle de l’accord du participe passé.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.

M. Patrice Joly. Par cette prise de parole, je souhaite témoigner de l’éventail des contenus que représente l’ingénierie territoriale. Comme cela a déjà été souligné, le besoin d’ingénierie des territoires ruraux est particulièrement criant. Moins dotée en termes organisationnels, humains et financiers, la ruralité est durement confrontée, ces dernières années, au désengagement de l’État.

Le principe d’une agence nationale de la cohésion des territoires ne peut donc qu’être approuvé. Reste à confirmer les objectifs et les moyens et à préciser les engagements de chacun et les modalités de la mise en œuvre de l’agence.

Reste également à prendre en compte l’évolution de l’ingénierie confrontée à des modèles de développement et au savoir-faire citoyen. Les développeurs d’hier et d’aujourd’hui n’ont plus le monopole, tant s’en faut, du développement territorial. Il faut entendre et voir la diversité de ceux qui y contribuent.

Il n’y a pas de monopole de l’ingénierie. Deux conceptions peuvent en effet se confronter et doivent s’organiser : d’un côté, l’aménagement pour les territoires – vision plus technique et descendante de l’ingénierie des territoires qui nous réunit aujourd’hui – et, de l’autre, l’aménagement par les acteurs – vision collaborative portée et accompagnée par une ingénierie territoriale d’animation.

Le développement local, notamment en territoire rural, s’est souvent lancé le défi de concilier ces approches dans une démarche collaborative au service de la construction du projet intégré de territoire local. L’usage, l’expérience, la connaissance par chacun de la réalité locale trouvent ici toute leur place.

L’ingénierie a muté. Il ne s’agit plus d’accompagner, voire de porter des projets, mais de faciliter la rencontre, la médiation et même l’intermédiation entre des élus qui se professionnalisent, des entreprises qui se mondialisent ou se territorialisent et des citoyens et acteurs sociaux de plus en plus en demande de participation et d’investissement social local.

Une ingénierie solide est donc avant tout collaborative, coopérative, associant une diversité d’acteurs, d’élus, de citoyens, de professionnels pour faire émerger des projets territoriaux robustes adaptés au potentiel des entités locales et articulés avec les territoires voisins.

Il ne s’agit donc pas, à travers la mise en place d’une agence – et j’appelle à la vigilance sur ce point – de bureaucratiser l’ingénierie territoriale, mais, bien au contraire, de l’organiser selon une approche décentralisée et partenariale.