Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

impartialité,

insérer les mots :

et sur décision du juge des affaires familiales,

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article 6 consacre une banalisation des mesures de fixation de la modification du montant d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.

Cette déjudiciarisation est plus qu’inquiétante, puisqu’elle aboutit à une atteinte d’une exceptionnelle gravité aux droits de l’enfant et des parents, dans des situations souvent complexes et conflictuelles. La protection du mineur et la bonne fixation de ces contributions doivent être la priorité.

L’objectif du Gouvernement est annoncé : réduire le temps de procédure de révision, pour obtenir plus rapidement l’actualisation d’une pension alimentaire. On peut certes entendre cet argument : avec l’engorgement de nos tribunaux, le règlement des litiges ayant trait à la revalorisation des pensions se fait dans un délai qui excède souvent six mois, et qui tend à s’accroître ces dernières années. Bien que nous en réprouvions le mécanisme, l’automatisation des révisions au moyen d’un barème devrait en effet permettre de fluidifier le processus de décision.

Cet amendement de repli vise toutefois à ériger un garde-fou, en conditionnant la mise en œuvre de cette disposition à une décision préalable du juge aux affaires familiales, gardien des libertés. Son action étant guidée par l’intérêt supérieur des enfants, il nous semble naturel qu’il ait a priori un droit de regard sur les cas pouvant faire l’objet d’une barémisation.

Je profite enfin de cette présentation, madame la ministre, pour vous faire part de l’avis des membres du barreau de Paris sur cet aspect de votre projet de loi : « C’est une atteinte grave à la démocratie et au principe de la séparation des pouvoirs. Dans un État de droit, il est impossible qu’une décision définitive d’un juge judiciaire soit modifiée par le directeur d’une CAF. Cela se ferait nécessairement au détriment des Français les moins riches, car les CAF ne connaissent pas l’intégralité des revenus des plus aisés, qu’ils proviennent de l’étranger ou des capitaux, notamment. Cette réforme créerait une inégalité entre les Français, alors que la pension alimentaire constitue un élément essentiel de l’équilibre d’un divorce. Il est intolérable de laisser le pouvoir remettre en question cet équilibre décidé par un juge à une autorité administrative. »

Je partage cet avis, madame la ministre.

M. Jacques Bigot. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. Cet amendement prévoit une décision du juge aux affaires familiales pour autoriser les caisses d’allocations familiales à réviser les pensions alimentaires. Ce faisant, il prive le dispositif prévu à l’article 6 de tout effet.

Si le juge doit intervenir pour autoriser la CAF à réviser une pension qui fait l’objet d’un accord des parties, autant que le juge homologue directement cet accord.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 211, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

1° Remplacer les mots :

la publication

par les mots :

l’entrée en vigueur

2° Après les mots :

des enfants,

insérer les mots :

sur la base d’un barème national

II. – Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

III. – Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, les documents ou pièces produites devant être portés à la connaissance de chacune des parties

IV. – Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

f) La demande modificative est formée par un créancier résidant ou ayant élu domicile dans l’un des départements désignés ou par un débiteur à l’égard d’un créancier résidant ou ayant élu domicile dans l’un de ces départements ;

V. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L’organisme compétent peut, en cas de carence d’un parent de produire les renseignements et documents requis, moduler forfaitairement le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation.

VI. – Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

La contestation du titre est formée devant le juge aux affaires.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je propose, par cet amendement, de rétablir le périmètre de l’expérimentation tel qu’il avait été initialement envisagé dans le projet de loi, avec comme objectif la déjudiciarisation de la modification de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Il ne me semble pas, madame Assassi, que cette disposition porte atteinte à la démocratie.

Limiter cette expérimentation aux seules situations où les parents sont d’accord sur le montant modifié de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, comme le propose la commission des lois, apparaît inutile par rapport à la situation actuelle.

En effet, depuis le 1er avril 2018, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales peut déjà donner force exécutoire à l’accord par lequel les parents qui se séparent fixent le montant de cette contribution, sous certaines conditions.

L’expérimentation, pour être utile, doit donc viser d’autres hypothèses que celle de l’accord entre les parents sur le montant de la pension alimentaire.

Afin de permettre une appréciation objective de la situation des parents, l’organisme chargé de la délivrance de titres exécutoires s’appuiera, comme je l’ai indiqué, sur le barème qu’utilisent déjà les juridictions et les avocats.

En cas de carence d’un parent qui ne produirait pas les renseignements nécessaires pour apprécier la demande, l’organisme saisi pourrait appliquer un forfait pour le montant de la pension. Ce dispositif est donc incitatif pour les parents ; il permettra de délivrer dans des délais brefs un titre exécutoire établi en fonction de documents qui seront échangés contradictoirement, sur le fondement d’un barème connu et objectif.

À ceux qui s’inquiètent du respect des droits des parties et de l’intérêt de l’enfant, je rappelle, d’une part, que l’échange des pièces est obligatoire et, d’autre part, que la possibilité de former un recours devant un juge aux affaires familiales demeure. La seule différence, madame la sénatrice, est que vous souhaitez un recours a priori, alors que je le propose a posteriori, en cas de contestation du titre.

Rappelons en outre qu’il est ici demandé à la CAF de se prononcer sur une question d’ordre exclusivement financier, après une fixation initiale par le juge ou par accord entre les parents, en dehors de toute question relative à l’autorité parentale.

J’entends également que certains craignent une sorte de conflit d’intérêts pour les organismes désignés. Ils soutiennent en particulier que les CAF seraient juge et partie, puisqu’elles distribuent des prestations familiales en cas de carence ou d’insuffisance de la pension alimentaire. Elles pourraient donc être tentées d’en augmenter le montant pour payer moins de prestations.

En premier lieu, comme toute personne morale chargée d’une mission de service public, la CAF, dans son fonctionnement, répond aux exigences de neutralité et d’impartialité – il est important de le souligner. Il lui appartient, le cas échéant, d’adapter son organisation interne en conséquence.

En deuxième lieu, le montant de la pension résultera de l’application d’un barème préétabli. La CAF sera tenue par ce barème et ne pourra pas majorer ou minorer la pension à sa guise.

Enfin, en troisième lieu, la CAF n’aurait aucun intérêt à majorer sans justification le montant des pensions alimentaires. Cela entraînerait presque automatiquement la défaillance du débiteur et la CAF serait alors obligée de verser la prestation compensatoire correspondante.

En outre, dans ces situations, la CAF doit lancer une procédure de recouvrement qui conduit à un travail supplémentaire, coûteux et inutile pour elle.

Cette expérimentation que je propose apparaît donc mesurée et encadrée. Elle devrait permettre, par une meilleure prévisibilité du montant de la pension, une relative pacification des relations entre les parents séparés.

Mme Éliane Assassi. Vous ne connaissez pas la situation des CAF !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a souhaité restreindre le champ de cette expérimentation aux seules hypothèses dans lesquelles les parties sont d’accord sur le nouveau montant de la pension.

Contrairement à ce qui est indiqué dans l’objet de l’amendement, l’expérimentation envisagée par la commission va plus loin que les dispositions actuelles de l’article L. 582-2 du code de la sécurité sociale. En effet, les CAF ne peuvent pour l’instant intervenir qu’en matière de fixation ou de révision de pensions concernant des parents qui n’étaient pas mariés. Le nouveau dispositif permettrait d’intervenir cette fois pour réviser les pensions de tous les parents, qu’ils aient été mariés ou non.

La commission a voulu en revanche écarter l’application de l’expérimentation en cas de désaccord des parties, car la fixation de la contribution reposerait exclusivement sur l’application mathématique d’un barème, y compris lorsque l’un des parents n’a pas fourni les renseignements et documents demandés, sans possibilité de prise en compte de la situation particulière du foyer et de l’intérêt supérieur de l’enfant, comme le fait habituellement le juge.

La commission a également choisi de limiter les personnes compétentes pour homologuer ces accords. Alors que l’article 6, dans sa rédaction initiale, donnait compétence aux caisses d’allocations familiales et à des officiers publics et ministériels, sans préciser lesquels, la commission a préféré confier cette compétence aux seules caisses d’allocations familiales, qui, comme le fait valoir le Gouvernement, interviennent déjà en la matière depuis le 1er avril 2018 et disposent par ailleurs d’un accès facilité aux informations nécessaires pour évaluer les ressources des parents.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur le rétablissement du périmètre initial de l’expérimentation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Nous ne suivrons pas le Gouvernement sur cet amendement, étant d’accord avec les propositions des corapporteurs.

Madame la ministre, vous vous êtes inspirée du dispositif adopté en décembre 2016 et appliqué depuis le mois d’avril dernier en cas d’accord entre les parties. Si votre objectif est effectivement de trouver un organisme public qui, en dehors de la justice, puisse modifier les pensions alimentaires en l’absence d’accord entre les parents, pourquoi ne proposez-vous pas aux services fiscaux de le faire ?

Ils sont mieux numérisés que la justice, peut-être même que les CAF, ils ont accès aux revenus des parents et peuvent mener des investigations. Pourquoi confier cette mission aux caisses d’allocations familiales qui, comme l’a souligné Mme Assassi, ne connaissent pas les personnes qui ont de très hauts revenus et ne perçoivent pas de prestations familiales ni d’aide personnalisée au logement – leur cas mériterait d’ailleurs d’être soumis au fisc qui pourrait s’inquiéter de savoir où sont passés leurs revenus ?

Restons-en à la proposition raisonnable de la commission. Vous pourriez d’ailleurs la soutenir devant l’Assemblée nationale, madame la ministre. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Vous avez insisté sur la notion d’expérimentation, madame la ministre, et vous avez développé de façon pédagogique des sujets dont il faut reconnaître qu’ils sont très complexes. Vous avez également souligné l’impartialité des CAF et des autres organismes qui peuvent intervenir.

Les explications du rapporteur de la commission des lois nous éclairent sur l’aspect humain, qu’il convient aussi de prendre en compte. Nous voulons tous défendre l’intérêt des enfants. Du côté des parents, malheureusement, les séparations engendrent de nombreux drames, et les enfants sont souvent pénalisés.

Nous devons essayer de trouver des solutions. Outre le code de la sécurité sociale, on peut aussi faire référence au code civil, dont certains articles prévoient des obligations à l’égard des enfants – les élus les rappellent lors des cérémonies de mariage.

J’irai pleinement dans le sens de la commission des lois sur ce sujet extrêmement sensible.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pourquoi ne confie-t-on pas cette mission aux services fiscaux, monsieur Bigot ?

Les CAF ont accès aux informations sur les revenus par les services fiscaux, et il me semble qu’elles sont un peu mieux placées que les services fiscaux pour apprécier la situation des familles.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Enfin, en toute hypothèse, dès lors que l’un des deux parents contesterait la proposition faite par la CAF, le recours au juge serait immédiat.

Pour toutes ces raisons, je maintiens ma demande d’expérimentation.

Mme Éliane Assassi. Pourquoi faire à l’envers ce qu’on peut faire à l’endroit ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 211.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

L’article 1397 du code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, les mots : « Après deux années d’application du régime matrimonial, » sont supprimés » ;

b) Les mots : « de le modifier » sont remplacés par les mots : « de modifier leur régime matrimonial » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas d’enfant majeur sous mesure de protection juridique, l’information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles. » ;

3° (Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 212, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° Au cinquième alinéa, les mots : « , l’acte notarié est obligatoirement soumis à l’homologation du tribunal du domicile des époux » sont remplacés par les mots : « sous le régime de l’administration légale, le notaire peut saisir le juge des tutelles dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 387-3 du code civil ».

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à simplifier le changement de régime matrimonial en présence d’enfants mineurs, en supprimant l’intervention systématique du juge.

Il s’agit là d’une simplification très importante, qui s’inscrit dans les objectifs de ce projet de loi.

L’homologation judiciaire en présence d’enfants mineurs serait désormais exclusivement réservée aux situations à risques. Cette proposition s’inscrit dans la continuité de la réforme de l’administration légale, intervenue en 2015, qui a établi une présomption de bonne gestion des biens du mineur par ses représentants légaux.

Les parents sont en effet les premiers garants de l’intérêt de leurs enfants et, bien souvent, la demande de changement de régime matrimonial intervient précisément pour protéger la famille, par exemple lorsque l’un des parents devient commerçant ou lorsqu’il est frappé par une maladie grave.

L’intervention du juge est souvent mal acceptée, de même que les délais et les frais qui en résultent. Il arrive parfois que ce changement de régime matrimonial intervienne trop tardivement, comme j’ai pu le constater à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité dont j’ai eu à connaître au Conseil constitutionnel.

Pour les hypothèses résiduelles où il existerait un risque que l’un des parents ou les deux agissent en contradiction avec les intérêts de l’enfant mineur, un mécanisme de contrôle demeure prévu. Dans ce cas, si les intérêts des enfants ne paraissent pas respectés, le notaire, officier public et ministériel, tenu à un devoir renforcé d’information et de conseil, devra faire part de ses doutes aux époux.

Il pourra ensuite, si la situation le justifie, saisir le juge des tutelles des mineurs, sur le fondement de l’article 387-3 du code civil. Dans ces situations, le contrôle judiciaire est prévu pour évaluer le changement envisagé.

L’intervention judiciaire sera ainsi plus lisible et mieux comprise de la part de nos concitoyens, qui attendent cette simplification.

Je souhaite donc que vous puissiez adopter cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. J’ai peur de vous décevoir, madame la garde des sceaux…

Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a souhaité maintenir l’homologation par le juge des modifications du régime matrimonial en présence d’enfants mineurs.

Lors de l’examen du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, en 2015, le Sénat s’était déjà opposé à la suppression de cette homologation en présence d’enfants mineurs, estimant que l’intervention du juge permettait de vérifier que la modification est bien conforme à l’intérêt de la famille prise dans sa globalité, et pas seulement à celui des époux.

La commission estime également inopportun de confier au notaire qui ne sera pas parvenu à convaincre les époux de renoncer à la modification envisagée au nom de l’intérêt de leurs enfants le soin de saisir le juge, car cela le placerait dans une position délicate vis-à-vis de ses clients.

En conséquence, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

M. François Pillet. Mon explication de vote s’apparente plutôt à une question.

Si je comprends bien, madame la ministre, cette disposition aurait surtout un intérêt dans le cas d’un changement de régime de la communauté légale vers la séparation de biens. On peut en effet en comprendre l’intérêt dans certaines circonstances.

Toutefois, dans l’hypothèse où le changement consiste à faire évoluer une séparation de biens ou un régime de communauté légale en communauté universelle, cela devient beaucoup plus risqué pour les mineurs, surtout en présence d’enfants d’un autre lit. Dans ce cas, malgré l’action en retranchement, il y a pour les enfants mineurs du couple qui désire changer de régime matrimonial un risque et l’on doit laisser au juge le soin de vérifier l’intérêt de la famille à ce changement de régime matrimonial.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Madame la ministre, vous ne pouvez pas simplement arguer du rendez-vous que les époux auront avec un notaire. Certes, c’est un officier ministériel, mais il faudrait qu’il demande à ses clients, qui le payent, de renoncer à un changement de régime matrimonial dans l’intérêt de leurs enfants. Ces derniers s’adresseront sans doute à un autre notaire, qui acceptera de procéder au changement.

Le juge, par définition, doit être le protecteur de la famille et des enfants. Je rejoins les propos de notre collègue François Pillet : en l’occurrence, on ne peut pas supprimer son intervention.

Certes, des parents dont le changement de régime matrimonial aura été homologué viendront se plaindre d’avoir perdu du temps. Mais faire perdre du temps pour assurer la protection des enfants ne me paraît pas dramatique, d’autant qu’il s’agit d’une procédure gracieuse, sans audience, et qui peut être relativement rapide si la requête est bien exposée.

Une fois de plus, vous faites la démonstration que vous cherchez par tous les moyens à retirer du travail aux juges, ce qui permettra en fin de compte d’en avoir moins…

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne peux absolument pas vous laisser dire cela, monsieur le sénateur !

J’ai été confrontée à des situations où il s’agissait d’une question de vie ou de mort. Quand des parents ont demandé un changement de régime matrimonial parce que l’un des deux époux était sur le point de mourir, et que le changement n’a pu avoir lieu car la décision est intervenue après le décès de la personne, je puis vous assurer que ce sont les enfants qui en font les frais !

Je respecte toutes les expressions, mais il ne faut pas non plus énoncer de contrevérités. Si je propose cette mesure, c’est parce que je sais qu’elle correspond à des réalités.

Je vous rappelle qu’il appartient au notaire, officier public et ministériel, de défendre l’intérêt des enfants mineurs et de saisir le juge en cas de difficulté.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 212.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
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Article 9 (supprimé)

Article 8

Le code civil est ainsi modifié :

1° L’article 116 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« En cas d’opposition d’intérêts entre le représentant et le présumé absent, le juge des tutelles autorise le partage, même partiel, en présence du remplaçant désigné conformément à l’article 115. » ;

b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans tous les cas, l’état liquidatif est soumis à l’approbation du juge des tutelles. » ;

2° (Supprimé)

3° L’article 507 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « En cas d’opposition d’intérêts avec la personne chargée de la mesure de protection, le partage à l’égard d’une personne protégée peut être fait à l’amiable sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge. » ;

b) Au début du deuxième alinéa, sont ajoutés les mots : « Dans tous les cas, » ;

4° La seconde phrase du premier alinéa de l’article 507-1 est ainsi rédigée : « Toutefois, il peut l’accepter purement et simplement si l’actif dépasse manifestement le passif, après recueil d’une attestation du notaire chargé du règlement de la succession. » ;

5° Au second alinéa de l’article 836, la référence : « et XI » est remplacée par les références : « , XI et XII ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.

Mme Esther Benbassa. Le présent article vise à supprimer le contrôle a priori du juge des tutelles pour certains actes concernant les majeurs protégés et à externaliser ce contrôle au profit des professionnels du chiffre et du droit.

Encore une fois, nous assistons à la déjudiciarisation d’un domaine du droit parmi les plus importants pour la justice, celui du droit des majeurs protégés et du contrôle des mesures de protection judiciaire.

Alors que les magistrats estiment que ce type d’actes ne représente pas une surcharge effective pour les juridictions, l’exécutif souhaite réaliser des économies en confiant le contrôle des comptes bancaires à des professionnels du chiffre et du droit.

Cette mesure tend à éloigner le majeur protégé du contrôle du juge des tutelles, seul à même de protéger de manière impartiale et indépendante les majeurs sous protection judiciaire, alors que les abus tutélaires sont régulièrement dénoncés.

Enfin, alors que la vérification des comptes par le directeur de greffe est aujourd’hui gratuite pour le majeur protégé, elle deviendrait payante en cas d’adoption du projet de loi et son coût serait mis à la charge de la personne protégée.

Outre que, pour les professionnels du chiffre et du droit, l’ouverture de ce nouveau marché représente une manne de plus de 60 millions d’euros, cette disposition illustre la volonté du Gouvernement de faire peser le coût de la carence de l’État sur les justiciables les plus fragiles, ce qui est inadmissible. Il est clair que ce dispositif est proposé dans l’unique objectif de faire des économies.

Une nouvelle fois, avec les dispositions de cet article, c’est l’accès à la justice des plus vulnérables qui est sciemment sacrifié.

Mme la présidente. L’amendement n° 213, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le 1° de l’article 63 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - le cas échéant, la justification de l’information de la personne chargée de la mesure de protection prévue à l’article 460 ; »

II. – Après l’alinéa 7

Insérer trente-sept alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 174 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots « À défaut d’aucun » sont remplacés par les mots : « À défaut d’ » et le mot : « aucune » est supprimé ;

b) Le 2° est ainsi modifié :

- les mots : « l’état de démence » sont remplacés par les mots : « l’altération des facultés personnelles » ;

- les mots : « la tutelle des majeurs, et d’y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement » sont remplacés par les mots : « ou faire provoquer l’ouverture d’une mesure de protection juridique » ;

…° L’article 175 est ainsi rédigé :

« Art. 175. – Le tuteur ou le curateur peut former opposition, dans les conditions prévues à l’article 173, au mariage de la personne qu’il assiste ou représente. » ;

…° L’article 249 est ainsi rédigé :

« Art. 249. – Dans l’instance en divorce, le majeur en tutelle est représenté par son tuteur et le majeur en curatelle exerce l’action lui-même, avec l’assistance de son curateur. Toutefois, la personne protégée peut accepter seule le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. » ;

…° L’article 249-1 est abrogé ;

…° L’article 249-3 est ainsi rédigé :

« Art. 249-3. – Si une demande de mesure de protection juridique est déposée ou en cours, la demande en divorce ne peut être examinée qu’après l’intervention du jugement se prononçant sur la mise en place d’une mesure de protection. Toutefois, le juge peut prendre les mesures provisoires prévues aux articles 254 et 255. » ;

…° À l’article 249-4, les mots : « ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage » sont supprimés ;

…° L’article 431 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le procureur de la République est saisi par un service social ou médico-social, la demande doit en outre comporter, à peine d’irrecevabilité, une évaluation de la situation sociale et pécuniaire de la personne. Le contenu de l’évaluation et les modalités de recueil des données sont définis par voie réglementaire. » ;

…° L’article 459 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :

- après le mot : « après », sont insérés les mots : « la mise en œuvre d’un mandat de protection future, le prononcé d’une habilitation familiale ou » ;

- les mots : « le tuteur » sont remplacés par les mots : « la personne chargée de cette mesure » ;

- sont ajoutés les mots et une phrase ainsi rédigée : « , y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle. Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection, le juge autorise l’un ou l’autre à prendre la décision, à leur demande ou d’office. » ;

b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :

- les mots : « à l’intégrité corporelle de la personne protégée ou » sont supprimés ;

- le mot : « sa » est remplacé par le mot : « la » ;

- sont ajoutés les mots : « de la personne protégée » ;

…° L’article 460 est ainsi rédigé :

« Art. 460. – La personne chargée de la mesure de protection est préalablement informée du projet de mariage du majeur qu’il assiste ou représente. » ;

…° L’article 462 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est supprimé ;

b) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :

- les mots : « L’intéressé est assisté » sont remplacés par les mots : « La personne en tutelle est assistée » ;

- sont ajoutés les mots : « par laquelle elle conclut un pacte civil de solidarité » ;

…° L’article 500 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Sous sa propre responsabilité, le tuteur peut inclure dans les frais de gestion la rémunération des administrateurs particuliers dont il demande le concours. » ;

b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :

- la première phrase est supprimée ;

- au début de la deuxième phrase, sont insérés les mots : « Si le tuteur conclut un contrat avec un tiers pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée, » ;

III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – Le code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L. 5 est abrogé ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 64 est complété par les mots : « , autre que l’une des personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 72-1, s’agissant des majeurs en tutelle » ;

3° Après l’article L. 72, il est inséré un article L. 72-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 72-1. – Pour l’exercice de son droit de vote, le majeur en tutelle ne peut donner procuration à l’une des personnes suivantes :

« 1° Le mandataire judiciaire à sa protection ;

« 2° Les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés de l’établissement ou du service soumis à autorisation ou à déclaration en application du code de l’action sociale ou d’un établissement de santé mentionné à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique ou d’un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail qui le prend en charge, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en son sein ou y exercent une responsabilité ;

« 3° Les salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l’article L. 7231-1 du même code. » ;

4° À l’article L. 111, après les mots : « des articles », sont insérés les mots : « L. 64 et ».

… – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier, dans un objectif d’harmonisation et de simplification, les dispositions fixant les conditions dans lesquelles est prise une décision portant sur la personne d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique et, selon les cas, intervenant en matière de santé ou concernant sa prise en charge ou son accompagnement social ou médico-social.

Un projet de loi de ratification est déposé au Parlement, au plus tard le premier jour du sixième mois suivant la publication de l’ordonnance.

La parole est à Mme la garde des sceaux.