M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour présenter l’amendement n° 87.

Mme Sophie Joissains. Comme le règlement à l’amiable de ces litiges ne sera pas effectué par un service public, certaines garanties d’impartialité, de fait, n’existeront pas. De surcroît, le justiciable ne sera pas soumis aux mêmes conditions financières. Cela me paraît incompatible avec l’appartenance indéniable du règlement des litiges au domaine de la justice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. Les amendements nos 17 et 87 visent à supprimer l’article 3. Cet article, en prévoyant des garanties pour les justiciables, instaure un cadre juridique plus contraignant pour les plateformes en ligne de résolution amiable des litiges et d’aide à la saisine des juridictions.

Si l’on adoptait ces amendements, qui sont contraires à la position de la commission, ces sites, qui existent déjà, pourraient prospérer sans aucun cadre juridique, ce qui n’est sans doute pas dans l’intention des auteurs des amendements.

Mme Éliane Assassi. Mais non, on n’en veut pas !

M. Yves Détraigne, corapporteur. L’avis de la commission sur ces amendements est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’objectif du Gouvernement n’est pas de faire baisser le nombre de saisines des juridictions – vous ne l’avez pas dit, madame Assassi, mais vos propos pouvaient s’inscrire dans une préoccupation d’ensemble que je sais être la vôtre –, mais au contraire d’apporter de la sécurité et de la confiance sur le marché des plateformes de résolution en ligne des litiges, marché qui, qu’on le veuille ou non, se développe.

Ce serait selon moi une erreur que de se voiler la face et de faire comme si ce marché n’existait pas. Il existe parce que la médiation n’est pas une activité réglementée et que nos concitoyens – là aussi, qu’on le veuille ou non – recherchent parfois des solutions alternatives.

Il est néanmoins essentiel à nos yeux d’énoncer des obligations positives qui pèseront sur l’ensemble des plateformes qui présentent leur activité sous diverses appellations : tantôt conciliation, tantôt médiation, tantôt arbitrage.

Parmi les obligations que nous proposons figurent celles de diligence, de compétence, d’indépendance et d’impartialité. Nous nous donnons ainsi les moyens de garantir à nos concitoyens des services de qualité en faisant la distinction entre des opérateurs qui sont vertueux et compétents et d’autres qui ne le seraient pas. C’est tout l’objet de cet article.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme Sophie Joissains. Je retire l’amendement n° 87, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 87 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 312, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A. – Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le service en ligne délivre une information détaillée sur les modalités selon lesquelles la résolution amiable est réalisée.

B. – Alinéa 3, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le service en ligne délivre une information détaillée sur les modalités selon lesquelles l’arbitrage est rendu.

C. – Alinéa 5, première phrase

1° Remplacer les mots :

résulter exclusivement d’un

par les mots :

avoir pour seul fondement un

2° Compléter cette phrase par les mots :

de données à caractère personnel

D. – Alinéa 5, dernière phrase

1° Supprimer les mots :

, dont le responsable doit s’assurer de la maîtrise et de ses évolutions,

2° Après le mot :

communiquées

insérer les mots :

par le responsable de traitement

E. – Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le responsable de traitement s’assure de la maîtrise du traitement et de ses évolutions afin de pouvoir expliquer, en détail et sous une forme intelligible, à la partie qui en fait la demande la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard.

F. – Alinéa 6, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le service en ligne délivre une information détaillée sur les conséquences des actions en justice qu’il permet de réaliser.

G. – Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’article L. 226-13 du code pénal leur est applicable.

H. – Alinéa 12

Après le mot :

certification

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. le corapporteur.

M. Yves Détraigne, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision et de clarification rédactionnelle, concernant notamment l’usage des traitements algorithmiques de données personnelles dans le cadre des services en ligne de résolution amiable des litiges, sur la base des dispositions de l’article 10 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans la rédaction qui résulte de la loi n° 2018–493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est favorable, car cet amendement me semble bienvenu : il apporte de la clarté et donc de la confiance.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 312.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 274 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux, Vall et Dantec, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf opposition de l’une des parties

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Dans l’esprit des amendements déjà adoptés en commission, celui-ci vise à encadrer les procédures numérisées d’arbitrage en permettant aux parties concernées de s’opposer à la voie numérique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. Il est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 274 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Cigolotti, Duplomb et Longeot, Mmes Loisier et Joissains, MM. Lafon, Moga, Le Nay et Laugier, Mmes Férat, C. Fournier et Guidez, MM. Kern, Delahaye, Delcros et Cazabonne, Mmes Billon, Gatel, Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, J.M. Boyer, Brisson, Cardoux et Chaize, Mme Chauvin, MM. Cuypers et Dallier, Mme Deroche, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Kennel et Laménie, Mmes Lamure et Lassarade, MM. D. Laurent et Magras, Mme Micouleau et MM. Mouiller, Perrin, Poniatowski, Raison, Savary et H. Leroy, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le consentement de chacun des intéressés pour un traitement par algorithme ou automatisé visé à l’alinéa précédent ne peut être formulé qu’après rencontre effective d’un médiateur ou d’un conciliateur selon les modalités mises en place au sein de la juridiction locale dont il relève. Les modalités de ces rencontres sont organisées par le ou les conseils départementaux de l’accès au droit dont relèvent les parties.

La parole est à Mme Sophie Joissains.

Mme Sophie Joissains. Un véritable mode amiable de résolution suppose l’intervention d’un tiers neutre et indépendant. Nous estimons quant à nous qu’il est important de recueillir le consentement de chacun des intéressés à un traitement par algorithme ou automatisé de ses données personnelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. Cet amendement nous semble en contradiction avec l’objet même du projet de loi, qui encadre les plateformes de résolution amiable des litiges en ligne. On ne comprend pas à quoi serviraient ces outils s’il faut également rencontrer un médiateur ou un conciliateur dans une juridiction.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est lui aussi défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 313, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7

A. – Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. 4-1-3-1. – Les personnes mentionnées aux articles 4-1, 4-1-1 et 4-1-3 ne peuvent…

B. – Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elles ne peuvent donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé qu’à la condition de respecter les obligations résultant de l’article 54 de la même loi.

La parole est à M. le corapporteur.

M. Yves Détraigne, corapporteur. Le présent amendement vise à affirmer plus clairement que les plateformes en ligne d’aide à la saisine des juridictions et de résolution amiable des litiges, quel que soit le mode de résolution, ne peuvent réaliser des actes d’assistance et de représentation sans le concours d’un avocat ni réaliser des consultations juridiques sans respecter les garanties et exigences de qualification prévues par la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

La certification de ces plateformes supposera une vérification du respect de ces obligations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement est tout à fait bienvenu : il vise à ajouter à cet article une référence à l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971, qui fixe les conditions dans lesquelles l’activité de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé peut être exercée. Cette disposition est par ailleurs rendue applicable tant aux services d’aide à la saisine en ligne qu’à ceux de résolution des litiges. La protection du périmètre du droit est une condition de la qualité des professions juridiques et judiciaires, et un gage de sécurité juridique. Nous en avons donc besoin.

L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 313.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 276 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux, Vall et Dantec, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Leur identité figure expressément sur le site du service en ligne le cas échéant.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. L’article dont nous débattons permet le développement de services en ligne de résolution de différends et interdit à ces sites internet d’offrir un service de rédaction d’actes sans la collaboration effective de professionnels habilités à rédiger ces actes.

Afin de prémunir les futurs consommateurs de ces services contre un risque d’escroquerie et de préserver les intérêts de ces professionnels, nous proposons que les sites internet vendant de tels services de production d’actes fassent explicitement mention du nom des professionnels collaborant à leurs services, ceci dans un souci de transparence et de meilleure protection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. La portée de cet amendement ne nous semble pas parfaitement claire, compte tenu de la rédaction de l’alinéa qu’il vise à compléter. Faudrait-il mentionner les noms des avocats sur les sites internet d’aide à la saisine des juridictions ? Certains éléments doivent être précisés. En l’état, je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est identique à celui de la commission. Autant il peut paraître pertinent qu’un service d’aide à la saisine en ligne qui offre le concours d’avocats fasse connaître leurs noms, autant cette précision ne me paraît pas indispensable si le service d’aide se limite à la saisine, sans autre intervention intellectuelle. La rédaction manque de précision ; je vous demande donc également, madame la sénatrice, le retrait de votre amendement.

M. le président. Madame Costes, l’amendement n° 276 rectifié est-il maintenu ?

Mme Josiane Costes. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 276 rectifié est retiré.

L’amendement n° 208, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les services mentionnés aux articles 4-1, 4-1-1 et 4-1-3 peuvent faire l’objet d’une certification par un organisme accrédité.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, les travaux de votre commission des lois ont permis, comme nous venons de le constater, d’affiner le dispositif de régulation des plateformes de résolution des conflits en ligne que le Gouvernement entend mettre en place.

Pour assurer la confiance de nos concitoyens – je répète ce mot à dessein –, il est nécessaire d’énoncer un certain nombre d’obligations positives qui s’imposeront aux plateformes opérant dans le secteur innovant de résolution en ligne des litiges.

Cependant, à la différence de la commission des lois, le Gouvernement considère que la certification doit rester facultative : dans un environnement concurrentiel, cela valorisera les opérateurs vertueux. Je rappelle que les cas où une certification est obligatoire sont aujourd’hui très rares : ils se justifient soit par des considérations de sécurité ou de santé publique, soit par le fait que la certification conditionne l’allocation de financements publics, soit par la protection des données de santé.

De plus, en pratique, une certification généralisée de l’ensemble des opérateurs préalablement à la mise en service de ce dispositif paraît illusoire. À titre d’exemple, le ministère de la justice n’aura aucun moyen de contrôler un site qui serait domicilié à l’étranger et qui ne demanderait pas de certification.

C’est pourquoi je vous propose, conformément au projet de loi initial, de donner un caractère facultatif à la certification des plateformes de résolution extrajudiciaire des conflits. Les utilisateurs pourront ainsi choisir, parmi les différents acteurs du marché, ceux qui sont certifiés et les autres.

Je précise enfin que cette certification sera assurée par un organisme accrédité par le Comité français d’accréditation ou COFRAC, aux frais des plateformes qui le solliciteront.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. La commission souhaite rendre obligatoire la certification des plateformes en ligne.

Sur le fond, si ce caractère obligatoire peut porter atteinte à la liberté d’entreprendre, il serait justifié par un objectif d’intérêt général de protection des justiciables. La résolution amiable des litiges peut s’apparenter à un démembrement d’une prérogative de puissance publique consistant à trancher des litiges, ce qui nécessite un cadre juridique précis et protecteur.

Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, vous affirmez que vous souhaitez développer les plateformes. Pour notre part, ce n’est pas ce que nous souhaitons. Nous constatons qu’elles existent et qu’elles peuvent avoir leur utilité, mais il faut absolument protéger les usagers.

Par ailleurs, dans les articles précédents, vous avez voulu imposer le recours à la conciliation ou à la médiation, y compris ce type de médiation, avant l’accès aux juges. Vous envisagez que l’obligation de se soumettre à une médiation puisse se faire avec des organismes qui n’auraient pas besoin de demander de certification.

Certes, dans l’absolu, on peut considérer qu’il appartient au justiciable de vérifier si l’organisme en ligne est certifié et quelle est sa qualité, mais vous commettez là une erreur : il faut protéger le justiciable. Je comprends que la Chancellerie, en l’état, n’en ait pas les moyens ; c’est sans doute pour cela qu’il faut lui donner plus de moyens financiers.

Toutefois, si l’on veut que ces services puissent exister tout en apportant des garanties aux justiciables, l’État a pour obligation de vérifier et de certifier. Pour exercer les professions judiciaires, il faut avoir un diplôme et s’inscrire à un barreau – c’est la loi de 1971 –, il peut en être de même pour ces organismes.

Je ne comprends pas, par conséquent, que la Chancellerie, parce qu’elle concède que ce sera difficile, accepte de laisser faire et laisse chacun choisir la qualité du service auquel il aura affaire ; dans les faits, il choisira la qualité du service auquel il aura l’obligation d’avoir affaire.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne suis pas un fanatique des sites : j’ai même failli tout à l’heure voter l’amendement communiste, ce qui a été un grand moment d’émotion ! (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Vous filez un mauvais coton ! (Nouveaux sourires.)

M. Roger Karoutchi. Je me range à l’avis du Gouvernement et de la commission sur le développement des sites de médiation.

Cependant, madame le garde des sceaux, je ne comprends pas cet amendement du Gouvernement. Selon vous, le ministère de la justice ne peut pas certifier des sites qui se trouvent à l’étranger.

De deux choses l’une : ou bien l’on se rend sur ces sites en confiance et les opérations que l’on y effectue ont valeur de médiation, ou bien ces sites ne sont pas sûrs, parce qu’ils sont à l’étranger ou parce qu’ils n’ont pas de certification, et vous créez alors une confusion dans l’esprit des utilisateurs.

Soit tous les sites sont certifiés et ceux qui les consultent considèrent avoir une sorte de garantie, soit ces sites ne le sont pas et ils disparaîtront, car les usagers s’en détourneront. Pour ma part, je ne consulterai pas un site qui n’a pas de certification, ce serait absurde !

Il faut un peu de cohérence : si vous considérez qu’il faut développer ces sites, vous leur donnez la garantie de la certification – à partir de là, on peut avancer –, dans le cas contraire, vous mettriez tout le monde en péril !

Je ne comprends pas très bien le sens de cet amendement. Si ces sites doivent se développer, il faut qu’ils soient certifiés.

Mme Éliane Assassi. Absolument ! Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour explication de vote.

Mme Brigitte Lherbier. La certification des sites, c’est aussi la certification des personnes qui se trouvent derrière.

Dans la mesure où il s’agit de répondre aux justiciables, il me paraît plus que nécessaire de garantir le niveau de qualification : cela relève du bon sens ! Pour s’assurer qu’ils seront bien accueillis et bien renseignés, il faut leur donner un minimum de certitudes à l’égard de l’interlocuteur qui répondra à leurs questions – je pense, par exemple, à son niveau d’études. Or on pourrait imaginer que ce genre de site recrute des personnes de niveau bac + 2, voire moins. Sans certification, on ne connaît pas la qualification des intervenants de ces sites.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Sans doute me suis-je mal exprimée : ce que je propose, c’est bien la certification des plateformes, mais celle-ci ne devra pas être obligatoirement demandée par l’ensemble des plateformes.

Mme Éliane Assassi. Elle est donc facultative !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vous rappelle que la liberté d’entreprendre est un principe en France. Sur internet apparaîtront clairement pastillés les sites de conciliation certifiés par l’organisme que nous accréditerons à cette fin.

Mme Éliane Assassi. Quel est-il ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Théoriquement – monsieur Karoutchi, je comprends parfaitement votre préoccupation –, le bon grain permettra de chasser les sites qui ne répondraient pas aux exigences des utilisateurs.

Mme Éliane Assassi. Par l’argent !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous proposons la certification des sites…

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vous l’ai précisé tout à l’heure : par un organisme mis en place par le COFRAC et permettant les labellisations de l’ensemble des plateformes. (Mme Éliane Assassi sexclame.) Vous savez très bien qu’il s’agit d’un organisme officiel.

Mme Éliane Assassi. Je n’en sais rien !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cette certification permettra de connaître les sites habilités, qui répondent aux conditions que nous aurons labellisées, que vous avez évoquées, madame Lherbier, et que j’ai décrites : formation, déontologie, etc.

Ainsi, nous respecterons la liberté d’entreprendre et nous indiquerons aux usagers les sites qui méritent la certification.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet échange est utile et susceptible de faire évoluer le point de vue de Mme la ministre.

La position du Gouvernement est très étrange. Il ouvre une piste pour que les justiciables puissent trouver une issue assez pratique, simple d’accès et peut-être peu coûteuse à un contentieux ou un précontentieux. Cependant, pour cela, il faut de la qualité et de la sécurité. Considérer qu’une certification facultative suffirait conduira à la floraison de sites en tous genres.

Nous en avons tous fait l’expérience : lorsque nous organisons un voyage, achetons un appareil d’électroménager, que sais-je encore, nous consultons une multitude de sites et essayons de connaître l’avis des autres consommateurs ; en d’autres termes, nous procédons à une évaluation par nos propres moyens du produit que nous cherchons à acheter sans aucune sécurité.

La différence, c’est que l’on parle ici de droit.

Que se passera-t-il ? Nombre de justiciables ne seront pas familiers avec ce process. La labellisation est bonne pour des praticiens ou pour ceux qui, pour des raisons qui m’échappent, auraient régulièrement affaire à ce type de prestation – en principe, ce type de démarche s’impose une ou deux fois dans une vie. L’information sur l’existence de sites labellisés n’atteindra pas les personnes concernées.

Se posera ensuite la question du prix. J’imagine que les sites qui ne seront pas labellisés auront comme force de conviction une force commerciale, clamant qu’ils sont moins chers que les autres. Nombre de justiciables peu aguerris et peu expérimentés tomberont dans ce piège.

Madame la ministre, alors même que certains sont réticents face à cette démarche et à un accès au juge en quelque sorte désincarné – nous en sommes ; mais admettons, ainsi va le monde désormais –, nous devons quoi qu’il en soit assurer une forme de sécurité aux personnes qui se tourneront vers ces sites et qui seront sans doute les plus vulnérables. En effet, les autres continueront à consulter des professionnels – avocats, conseils juridiques… – et n’auront sans doute pas recours aux plateformes en ligne.

Nous sommes un certain nombre à essayer de vous convaincre que ce n’est pas grave si ces plateformes se développent plus lentement à cause du processus de certification. Certes, ce sera une charge pour l’organisme certificateur, mais c’est le prix de la confiance.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Je viens ajouter ma voix à ce débat.

Nous allons tomber dans le charlatanisme, madame la ministre ! Lorsqu’un citoyen se tourne vers un site ou un médiateur pour demander conseil, c’est bien souvent parce qu’il est dans la détresse, qu’il est affolé ou au bord du drame pour une affaire qui l’affecte et le touche. Et on l’enverrait sur internet, pensant qu’il saura trier le bon grain de l’ivraie ?

Madame la ministre, il faut redescendre sur terre et voir à qui l’on s’adresse : souvent, ce sont des gens très peu lettrés, qui n’ont pas l’habitude des procédures, qui sont perdus devant le maquis judiciaire et administratif et la traditionnelle paperasserie à remplir.

La République doit protection et sécurité aux citoyens. C’est un principe fondamental que nous ne devons pas détourner pour des raisons de rapidité ou au nom de je ne sais quelle efficacité érigée au rang de vertu sacrée et qui semble présider à tout depuis quelque temps. Il faut protéger les citoyens et ne pas donner à tous ces charlatans qui traînent aujourd’hui sur internet et qui viennent ajouter de l’escroquerie à l’escroquerie l’occasion de fleurir et d’exploiter la misère et les drames humains. Ceux qui s’adresseront à eux sont très éloignés du droit et des procédures et agiront dans l’affolement parce qu’ils sont perdus.

S’il faut plus de temps pour que ces sites aient des certifications, prenons-le ! Sinon, nous continuerons à voir de tout sur internet, du marabout au charlatan, en passant par les sites de rencontres, tout cela au nom du libéralisme et du profit.

Protégeons nos citoyens. Il y va de notre devoir, il y va du devoir de la République. (Mme Michèle Vullien applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le corapporteur.

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Madame la ministre, il ne faudrait pas confondre la liberté d’entreprendre et la légitime sécurité juridique que nous devons à nos concitoyens.

Mme Françoise Férat. Tout à fait !

M. François-Noël Buffet, corapporteur. En réalité, il ne s’agit que de cela.

Nous sommes tous favorables ici à ce que chacun puisse exercer librement une activité, ce n’est pas le problème. D’ailleurs, dans le cadre de ses auditions, la commission a reçu plusieurs acteurs qui se sont engagés dans ce dispositif. Ce qu’elle souhaite toutefois, c’est que la certification émane du ministère de la justice, car c’est un gage de qualité et un gage de sérieux.

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Nos concitoyens qui utiliseront ce dispositif sauront que les structures existantes ont reçu le label du ministère. Il faut un minimum de garanties. Il ne s’agit que de cela.

Si nous voulons que le système fonctionne – et nous y sommes favorables –, il faut que cette certification soit obligatoire, ni plus ni moins.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce débat est très intéressant. En parlant de certification facultative, nous concilions et la liberté d’entreprendre – je ne vois d’ailleurs pas comment nous pourrons interdire à un site de se créer –…