Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.

M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Que les choses soient claires : la commission des finances ne s’est pas prononcée sur l’opportunité de la mesure, qui fait l’objet, me semble-t-il, d’un large consensus ; elle a simplement émis un avis technique et rappelé l’état du droit, s’agissant notamment de la directive TVA.

Permettez-moi d’apporter quelques éléments de contexte dont nous avons eu connaissance assez récemment. Tandis que la Commission européenne envisagerait de laisser plus de liberté aux États membres en matière de taux réduits de TVA – pour l’instant, ce n’est qu’une intention –, le Gouvernement a exprimé, par la voix du ministre Le Maire, sa volonté de revenir sur certains allégements de TVA. Il est donc un peu difficile de savoir dans quelle direction nous allons…

En ce qui concerne le dispositif Pinel, la commission des finances a le souci de protéger les épargnants qui seront démarchés par des agents chargés de placer des produits pour le compte de promoteurs. Cela étant, j’ai bien noté que votre dispositif prévoyait un encadrement assez fort : le préfet fixerait le nombre de logements et la superficie globale éligibles en fonction de la capacité d’absorption du marché local. À mes yeux, cela représente un garde-fou important.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Ces débats sont extrêmement utiles. Ils mettent en lumière la nécessité d’un financement spécifique solide.

Compte tenu des délais et de l’agenda législatif, l’objectif aujourd’hui est d’ouvrir le maximum de pistes pour enrichir techniquement le projet de loi ÉLAN. Celui-ci n’est effectivement pas, madame la secrétaire d’État, un projet de loi de finances, mais le présent débat nous permet précisément de roder nos arguments en vue de la discussion budgétaire, quand il s’agira d’instituer les dispositifs propres à financer les mesures que nous appelons de nos vœux. Nous serons ainsi prêts à mettre les bons outils aux bons endroits. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.

M. Patrice Joly. Il est nécessaire d’adopter ces amendements, dans un souci de cohérence globale du dispositif de la proposition de loi. Il est normal que la collectivité compense les surcoûts liés aux rénovations dans les centres-villes, qui, à la différence des constructions en périphérie, n’induisent pas la création d’infrastructures, d’équipements ou de réseaux supplémentaires. Cela étant dit, je retire mon amendement au profit de celui de mes collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin.

Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 3 est rétabli dans cette rédaction.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 3 (supprimé) (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs
Discussion générale

5

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux conditions d'exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain
Discussion générale (suite)

Formation des ministres des cultes

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d’une formation les qualifiant à l’exercice de ce culte, présentée par Mme Nathalie Goulet, M. André Reichardt et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 30, texte de la commission n° 538, rapport n° 537).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux conditions d'exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain
Article 1er (supprimé)

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, il est un peu dommage que ce débat ne mobilise guère les foules, car le sujet est intéressant ! Ce texte a au moins le mérite d’exister, même s’il n’est pas exempt de critiques.

Mme Esther Benbassa. N’est-ce pas ?

Mme Nathalie Goulet. Je sais que vous vous tenez en embuscade, madame Benbassa !

Passant récemment devant la pyramide du Louvre sous une pluie battante, j’ai constaté que l’arrosage automatique fonctionnait à plein, noyant des fleurs déjà détrempées, qui n’en demandaient pas tant !

Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas très écologique…

Mme Nathalie Goulet. C’est une image de notre incapacité à nous abstraire des mécanismes, des habitudes, des rituels. Quelles que soient les circonstances, on objecte que c’est difficile, compliqué, stigmatisant, que ce n’est pas le bon texte, pas le bon jour, que le Gouvernement va faire des annonces, qu’une loi-cadre va arriver et que, en prime, c’est inconstitutionnel…

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. C’est bien résumé !

Mme Nathalie Goulet. Ces réflexes d’autocensure sont encore beaucoup plus marqués quand on aborde la question des religions. L’objet de la proposition de loi dont nous allons discuter aujourd’hui va faire débat. Cela tombe bien, parce que c’est le but !

Parler des ministres des cultes, de leur formation ou des associations cultuelles ? J’entends déjà les commentaires : nous ne sommes plus au temps de Napoléon, ne stigmatisons pas les musulmans et l’islam, le texte est inconstitutionnel…

Je pense que personne dans cet hémicycle ne doute que nous ayons une vision totalement républicaine de l’islam. Les membres de la mission d’information sur l’islam ici présents peuvent en témoigner.

Le débat sur les questions religieuses est tendu et délicat. Il est néanmoins de notre responsabilité politique de l’aborder. C’est ce que fait le groupe Union Centriste, qui a décidé d’inscrire à son ordre du jour réservé une proposition de loi déposée par André Reichardt au nom du groupe Les Républicains.

Dans sa rédaction initiale, comme beaucoup de propositions de loi, ce texte comportait des dispositions d’appel et d’autres perfectibles, mais les objectifs sont clairs. Madame le ministre, nous vous l’avons soumis dès le mois de janvier, afin que vous nous livriez votre analyse, vos critiques, vos commentaires.

À ce stade, je voudrais remercier notre rapporteur de ses efforts pour obtenir un vote favorable de la commission des lois, après avoir taillé à la serpe druidique bretonne un texte qui, encore une fois, était perfectible.

J’approuve totalement l’intitulé de la proposition de loi tel qu’il résulte des travaux de la commission des lois : « proposition de loi relative aux conditions d’exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain ».

Notre texte répond en partie à de vraies préoccupations. Il se heurte d’ailleurs aux mêmes obstacles que ceux que vous aviez rencontrés à propos d’un texte relatif au contrôle des écoles hors contrat, madame le rapporteur.

Mon collègue André Reichardt, auteur de cette proposition de loi, évoquera plus longuement l’aspect constitutionnel. Pour ma part, je consacrerai mon propos aux questions de fond.

Le premier sujet est celui de l’alignement des statuts des lois de 1901 et de 1905.

Contraindre les associations gestionnaires de cultes à adopter un statut, celui prévu par la loi de 1905, serait inconstitutionnel, nous dit-on. Autrement dit, nous entretenons le doute, nous continuons le jonglage entre les statuts fixés par les lois de 1901 et de 1905 et les latitudes de gestion afférentes.

La commission ayant supprimé l’article 1er du texte, nous avons déposé un amendement visant non pas à contraindre l’adhésion au statut de 1905, mais à aligner les obligations financières et de transparence des deux statuts. Cette mesure avait été adoptée dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, dont Françoise Gatel était déjà le rapporteur. Elle est aujourd’hui prônée par l’Union des mosquées de France, qui demandait expressément, dans un document publié le 18 mars dernier, le placement des associations gestionnaires de mosquées sous le régime de la loi de 1905. L’autre option serait d’imposer aux associations régies par la loi de 1901 les mêmes exigences en matière de gestion et de transparence que celles qui s’appliquent aux associations régies par la loi de 1905. Nous ne demandons pas autre chose.

Notre proposition de loi reprend donc des mesures prônées par les musulmans eux-mêmes. Je ne vois pas quels autres cultes pourraient être opposés à une telle disposition.

Le deuxième sujet, également très important, est celui de la formation des ministres du culte.

L’an dernier, lors du dîner du Conseil français du culte musulman, le CFCM, le président Macron s’est exprimé sur ce sujet dans les termes suivants : « Notre […] combat, c’est celui de la formation des imams et des enseignants. […] L’enjeu est simple : il importe de former les imams sur le sol français et de façon adaptée aux valeurs de la République. »

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’instituer une formation civique obligatoire. D’ailleurs, aux termes de la proposition n° 10 du document publié le 18 mars dernier par l’Union des mosquées de France, il faut veiller à la « complémentarité entre la formation théologique dispensée par les instituts musulmans » et « la formation profane des diplômes universitaires sur 1’interculturalité, les principes et les institutions de la République ». Il est donc extrêmement important que ces deux formations soient dispensées de manière concomitante. Pour l’instant, ce n’est pas obligatoire.

Je voudrais m’arrêter maintenant sur la loi de 1905 et sur les conventions signées entre nos ministres français et les ministres du culte de pays étrangers pour la formation théologique des futurs imams de France et la politique officielle des imams détachés.

La déclaration conjointe franco-marocaine, que j’ai entre les mains, est tout de même un modèle du genre. Signée par Laurent Fabius et par le ministre marocain des affaires islamiques – quel formidable signe de respect de la laïcité… –, elle rappelle « la volonté des autorités françaises d’accompagner la formation d’un islam pleinement ancré dans les valeurs de la République, […] dont les imams seront à terme formés en France ». Il y est indiqué plus loin qu’« une formation académique supplémentaire est dispensée en France selon les modalités arrêtées par les autorités françaises » – mais on ignore quelles sont ces modalités – et qu’un comité bilatéral assurera la coordination régulière entre la formation profane et la formation religieuse, dont on a bien compris qu’il n’était pas question dans ce débat.

Si cette déclaration conjointe est conforme aux principes de laïcité, notre simple proposition d’aligner les statuts des lois de 1901 et de 1905 et de rendre obligatoire une formation civique de l’ensemble des ministres des cultes l’est tout autant !

Dans la période très difficile que nous traversons, nous ne pouvons pas laisser le débat sur les cultes aux extrêmes. Il est impératif de définir avec les représentants de tous les cultes un modus operandi, un socle de notre vie républicaine. C’est exactement ce que propose Françoise Gatel, en s’inspirant du modèle britannique de conseil consultatif des cultes. Je pense que c’est une excellente initiative, et j’espère que la Haute Assemblée votera ce dispositif.

Notre pire ennemi est l’ignorance. Il faut former les cadres religieux en France conformément aux principes de la République. Il faut absolument que l’enseignement du bloc de légalité soit formalisé et obligatoire. C’est une partie fondamentale de la proposition de loi que je défends aujourd’hui. Il faut sortir de la crainte révérencielle du hashtag #pasdamalgame. N’abandonnons pas ce débat aux moins républicains d’entre nous…

Madame le ministre, utilisez le travail parlementaire que nous avons fait pour éclairer les annonces attendues du Président de la République. Notre conviction est que l’ordre public républicain s’applique à tous et à toutes partout sur le territoire de la République. C’est aux religions de s’adapter à la République et à l’état de droit, et certainement pas à la République de s’adapter aux pratiques religieuses des uns et des autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, déposée par nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt pour faire suite à leur excellent rapport rédigé au nom de la mission d’information sur l’islam en France, la présente proposition de loi aborde un sujet à la fois épineux du fait de sa complexité juridique et incontournable en raison de sa résonance avec le pacte républicain.

Je tiens à remercier le président du groupe Union Centriste, Hervé Marseille, d’avoir inscrit l’examen de cette proposition de loi dans l’espace réservé à son groupe. Je remercie également M. Philippe Bas, président de la commission des lois, d’avoir soutenu les évolutions que j’ai proposées, en accord avec les auteurs du texte.

Le sujet est délicat, voire inflammable, mais j’affirme très posément, avec conviction, que, au Sénat, ce haut lieu de la démocratie, « gardien des libertés », pour reprendre une expression de notre éminent collègue François Pillet, nous devons pouvoir débattre des sujets qui tourmentent notre société.

J’affirme avec conviction et force le respect des centristes pour la laïcité et la liberté de conscience.

J’affirme avec conviction que le législateur, vivant au cœur de la société, ne peut ni ne doit éviter, esquiver, taire les réalités, a fortiori quand celles-ci troublent la société.

J’affirme tout aussi posément qu’il ne s’agit nullement de stigmatiser un culte, mais de reconnaître l’importance d’une religion qui compte 6 millions de fidèles dans notre pays, de la respecter et de préserver les musulmans eux-mêmes de l’opprobre qui peut naître de la peur et de la crainte de la diffusion du fanatisme, du repli identitaire.

Mes chers collègues, qui peut occulter ou nier ces questions urgentes et complexes que sont la structuration du culte musulman, la transparence des financements, la lutte contre la dérive radicale et la formation des imams ? Il n’est de jour sans débat ou article sur la laïcité et l’exercice du culte dans un cadre républicain.

Le ministre de l’intérieur, qui est chargé des cultes, a lui-même déclaré mardi, lors d’un dîner de rupture du jeûne du ramadan, que les enjeux sont trop importants pour que l’État s’en désintéresse.

Le texte que nous examinons aujourd’hui répond à deux objectifs principaux : rendre obligatoire l’organisation sous le régime de la loi de 1905 de toute association assurant l’exercice public d’un culte ou la gestion d’un lieu de culte, en supprimant ainsi la possibilité d’opter pour le régime plus souple de la loi du 1er juillet 1901 ; restreindre, sous peine de sanctions pénales, l’exercice de la faculté de célébrer publiquement un culte aux seuls ministres du culte ayant reçu une formation délivrée par une instance cultuelle à la représentativité reconnue par l’État.

Mais cette version initiale du texte se heurtait au cadre juridique très contraignant qui régit cette question et porte atteinte à plusieurs principes constitutionnels majeurs : la liberté de culte, la liberté d’association, la légalité et la nécessité des délits et des peines.

C’est pourquoi, en accord avec les auteurs, j’ai proposé des évolutions, qui ont été approuvées par la commission des lois. Elles sont le fruit d’une navigation délicate et serrée entre de grands monuments législatifs : la Constitution, les lois de 1905 et de 1907 sur la séparation de l’Église…

Mme Françoise Laborde. « Des » Églises !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. … et de l’État, la loi de 1901 sur la liberté d’association.

Ces lois sont de grandes œuvres législatives, du travail d’orfèvre. Elles ont permis à notre pays de traverser le XXe siècle dans un climat de paix sociale et religieuse qui honore encore les auteurs.

Toutefois, du haut de ces monuments législatifs, plus d’un siècle nous contemple, et force est de constater que la réalité de ce XXIe siècle suscite de nouvelles interrogations.

Parlons maintenant du texte.

Instaurer l’obligation, pour les associations ayant une activité cultuelle de se soumettre au régime de 1905, constitue une ingérence dans l’organisation d’un culte et se heurte au principe de liberté d’association. Or le Conseil constitutionnel a toujours veillé à ce que les associations puissent se « constituer librement », en application d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République. La commission des lois a donc, dans sa sagesse, supprimé toute disposition portant atteinte à ce principe.

Instituer l’obligation de la formation des ministres du culte reviendrait à réglementer l’accès à la fonction de ministre du culte, mais également la célébration du culte elle-même, qui ne pourrait pas avoir lieu en l’absence de ministre formé. La désignation par décret en Conseil d’État d’une instance suffisamment représentative de chaque culte reviendrait en outre à ce que l’État détermine lui-même quelles sont les instances représentatives.

Mettre en œuvre ces propositions constituerait une immixtion très forte dans l’organisation et la célébration des cultes, en complète contradiction avec le principe selon lequel l’État ne reconnaît aucun culte, et contreviendrait au principe constitutionnel de libre exercice des cultes.

Vous le savez, il ne peut pas être dérogé à ces principes que pour des raisons d’ordre public. Or, de telles obligations ne sont pas directement justifiées par un motif d’intérêt général, relevant de l’ordre public, de sorte que cette ingérence de l’État dans le libre exercice des cultes ne trouve pas de justification constitutionnelle.

La neutralité de l’État à l’égard des religions est telle que, de façon remarquable, il n’existe pas de définition juridique du culte. S’agit-il d’un flou volontaire, de la part du législateur, pour préserver la liberté de conscience ou d’une identification évidente des cultes existants dans notre pays en 1905 ?

Cette absence de définition juridique se double parfois d’une absence de signification dans certaines religions. Ainsi, chaque fidèle de l’islam est un ministre du culte en puissance, puisqu’il peut diriger la prière commune. Qui plus est, il n’existe pas aujourd’hui dans l’islam d’organisation formelle et hiérarchique telle qu’il en existe dans d’autres religions.

Appliquer ces dispositions initiales pourrait aussi créer une inégalité entre les citoyens dans l’exercice de leur religion, et plus largement entre les religions, selon qu’un culte disposerait ou non de la capacité à former des ministres du culte sur le territoire français. La commission a, de ce fait, supprimé ces dispositions.

Toutefois, la commission des lois a prévu d’instaurer une formation obligatoire civile et civique pour les aumôniers –ceux-ci étant rémunérés et recrutés par l’État – intervenant dans les établissements pénitentiaires, les centres hospitaliers et les armées, dans le respect du principe de liberté de culte pour des publics empêchés. Cette disposition reprend le contenu du décret du 3 mai 2017 de Bernard Cazeneuve, alors ministre. Ce décret fait actuellement l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, avec une possibilité d’annulation, notamment pour incompétence du pouvoir réglementaire sur le sujet.

La commission des lois propose en outre d’instaurer un conseil consultatif des cultes placé auprès du ministre de l’intérieur pour favoriser le dialogue entre les pouvoirs publics et les représentants des cultes. « Nous devons progresser ensemble », a d’ailleurs déclaré cette semaine le ministre de l’intérieur, lors du dîner de rupture du jeûne du ramadan que j’évoquais à l’instant.

Enfin, la commission des lois a écarté toute redondance avec des infractions existantes, mais assorties de peines différentes et inférieures, au profit de la création d’une circonstance aggravante pour les délits de provocation à la discrimination ou à la violence à caractère racial, de provocation ou d’apologie du terrorisme, lorsque ces délits sont commis dans le cadre d’une réunion pour la célébration d’un culte. Cette circonstance aggravante se justifie par l’influence qu’exerce un ministre du culte ou tout animateur d’un culte sur les fidèles.

Cette proposition de loi ne représente pas le Grand Soir au regard de la loi de 1905.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Elle nomme les choses, sans doute de manière incomplète, mais elle a le grand mérite d’amorcer un débat sur des interrogations qui troublent et hantent parfois notre société.

Mme Françoise Laborde. C’est vrai !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ces troubles et ces peurs conduisent à une laïcité parfois militante et exacerbée, voire radicale et accusatrice, contraire à l’esprit de la loi de 1905, qui définit une laïcité de neutralité.

Le Président de la République lui-même a clairement exprimé sa volonté de sortir d’une crise de confiance par l’émergence d’un islam de France structuré.

En débattant de ce texte, le Sénat s’inscrit dans cette exigence, largement partagée, car elle traverse notre société. Tel un premier de cordée, il ose ouvrir un chemin de crête entre liberté et respect de la République, pour retrouver l’esprit initial de la laïcité, celui de la paix religieuse et sociale. Ce chemin, c’est celui de l’exercice de la liberté de culte dans l’espace républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les conditions d’exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain – pour reprendre le nouvel intitulé de la proposition de loi adopté par la commission des lois – sont au cœur des préoccupations de nos concitoyens.

À vrai dire, ces préoccupations, et celles qui ont motivé, chère Nathalie Goulet, cher André Reichardt, les auteurs de cette proposition de loi, sont, pour l’essentiel, plus précises : elles concernent la place de l’islam au sein de la société française, sa place comme culte parmi d’autres cultes en France, soumis aux mêmes principes constitutionnels de laïcité, de liberté d’opinion et de culte, d’égalité devant la loi, mais aussi les défis que des expressions radicales, violentes, dévoyées de l’islam font peser sur notre cohésion nationale.

Face à ces défis, le Président de la République a, vous le savez, engagé une réflexion visant à poser, dans les prochains mois, les jalons d’une réforme de l’islam de France et des conditions d’exercice du culte.

La philosophie de cette réforme est claire ; le Président de la République l’a rappelée au mois de juin 2017.

D’une part, chaque Français de confession musulmane a le droit de vivre paisiblement sa foi, comme tous les autres Français, dans le respect du principe de laïcité. Cela signifie que chaque Français, partout en France, est libre de croire ou de ne pas croire, libre de pratiquer un culte ou de n’en suivre aucun. Le Gouvernement n’acceptera jamais que ce principe fondateur soit attaqué, remis en cause ou instrumentalisé. Il le fera respecter sans outrance et sans provocation, mais avec la ferme conviction que la laïcité est constitutive de ce que nous sommes : la France.

D’autre part, les Français musulmans ont à mener, avec l’ensemble de la société française et avec l’État, un combat commun essentiel, consistant à faire reculer les idées radicales, en particulier chez les jeunes.

Ce constat, vous le faites tous comme moi : si la grande majorité des musulmans français adhèrent pleinement aux idéaux républicains et aspirent à vivre dans la concorde, ils ne sont pas, tant s’en faut, les plus entendus ; les idées radicales progressent, allant du djihadisme meurtrier le plus abject à la volonté de vivre de façon séparée, voire ségréguée, selon des règles distinctes de celles de la société française. Nul ne peut nier que leur poids, sur internet, dans certains quartiers, mais aussi dans certains lieux de culte, est excessif.

Devant cette prédominance des idées radicales, le Gouvernement et le Président de la République refusent tout fatalisme, car c’est notre rôle de protéger l’ordre public et de préserver la cohésion nationale. Il est donc essentiel d’engager la réflexion, comme vous l’avez fait dès 2016 avec un rapport faisant désormais référence, intitulé « De l’islam en France à un islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés ».

Vous aviez déjà pointé, à cette occasion, les principaux chantiers à ouvrir en la matière : la formation des ministres du culte, le financement et l’encadrement juridique du culte musulman, la représentation de celui-ci. La réflexion est donc ouverte autour du Président de la République, et le Gouvernement partage à cet égard l’ensemble des interrogations que vous avez soulevées.

Instaurer une obligation de formation pour tous les ministres du culte ne peut être, nous le croyons, une solution conforme au principe de libre organisation du culte, qui est le pendant de la laïcité, mais nous partageons intégralement votre diagnostic : structurer une offre de formation des imams en France est indispensable.

Il en va de même s’agissant des obligations de transparence du financement du culte. Ces obligations, vous le savez, pèsent aujourd’hui sur les associations qui bénéficient de plus de 153 000 euros de dons ; elles pèseront demain sur toutes les associations cultuelles si l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance aboutit.

À cet égard, nous partageons largement les préconisations que vous formulez à propos de l’extension de ces obligations à toutes les associations au sein desquelles s’exerce le culte, y compris lorsqu’elles sont, comme c’est le cas de bon nombre de lieux de culte musulmans, organisées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901, même s’il nous semble qu’elles doivent être affinées techniquement pour pouvoir être pleinement applicables.

En clair, nous convergeons sur les constats, les interrogations, mais, malheureusement, le calendrier de ces réflexions, comme vous l’avez vous-même relevé, chère Nathalie Goulet, s’avère peu compatible avec l’examen aujourd’hui de cette proposition de loi : le Gouvernement ne saurait préempter la réflexion actuellement menée avec le Président de la République.

Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement ne peut être favorable à l’examen de la proposition de loi en l’état, sous quelque forme que ce soit. Il me paraîtrait préférable à cet égard que ce texte soit retiré.

Néanmoins, je puis vous assurer que nous avons pleinement entendu tant les préoccupations que vous avez exprimées que votre volonté d’être associés aux réflexions en cours. Cela me paraît utile, voire nécessaire ; je ne manquerai pas de le faire valoir dans la suite des discussions avec le Président de la République et le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)