M. Michel Savin. Mais bien sûr ! Vous êtes des spécialistes !

M. Jean Bizet. C’était une bonne idée !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Toutefois – j’insiste sur ce point –, votre proposition de loi va dans le sens de l’action du Gouvernement, et nous nous en félicitons. (Murmures et protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Aussi, nous vous donnons rendez-vous pour l’examen du projet de budget par la Haute Assemblée : nous ne doutons pas une seule seconde de votre plein et entier soutien à cette disposition du futur budget.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Je vous remercie vivement de votre attention et de votre intérêt, qui est aussi celui du Gouvernement, pour le monde combattant. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours du siècle dernier, la France a dû panser les plaies des grands conflits qui l’ont successivement minée. Aujourd’hui encore, à côté du devoir de mémoire, nous poursuivons le travail de réparation à l’égard de toutes celles et de tous ceux que l’histoire a emportés dans ses tourments.

La carte du combattant, par les droits qui lui sont attachés, constitue le principal vecteur de la reconnaissance de la Nation envers les anciens combattants. Pensée en 1926 pour la première génération du feu de la Grande Guerre, elle a été progressivement étendue jusqu’à concerner une deuxième, puis une troisième et enfin une quatrième génération du feu de soldats engagés dans les opérations extérieures.

Nous sommes tous très attachés à la mise en œuvre constante par l’État de la reconnaissance des sacrifices endurés par les militaires de carrière, par les appelés et par les supplétifs. Pour autant, nous n’ignorons rien des quelques imperfections de ce régime de reconnaissance, en particulier de l’iniquité qui perdure parfois au sein de certains de ses dispositifs. Il revient au législateur de les corriger.

Comme vous le savez, mes chers collègues, la spécificité des conflits issus des indépendances a rendu plus tardive la reconnaissance du droit à réparation pour les anciens combattants d’Afrique du Nord. Il aura en effet fallu attendre 1974, soit douze ans après les accords d’Évian, pour que les militaires et les appelés accèdent clairement au statut d’ancien combattant et bénéficient enfin de la carte du combattant. Comment pouvait-il en être autrement ? Malgré les combats, malgré les souffrances, malgré les sacrifices, il n’a été question pendant longtemps que « d’opérations effectuées en Afrique du Nord ». Ce déni a été effacé par la loi du 18 octobre 1999, qui a reconnu la qualification de guerre d’Algérie.

Nous le devions aux 1 700 000 soldats mobilisés à l’époque.

Depuis lors, les conditions sont théoriquement réunies pour que le droit à réparation s’exerce pleinement, avec justice.

La proposition de loi soumise à notre examen est fidèle à cet esprit : il s’agit de mieux réparer.

Comme l’ont souligné les auteurs du texte, en limitant l’attribution de la qualité de combattant aux soldats présents entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, pour les trois conflits d’Afrique du Nord, la loi de 1974 n’a pas tenu compte de la réalité du terrain, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie. Pourtant, après le 1er juillet 1962, près de 75 000 militaires ont encore été déployés pendant deux ans de l’autre côté de la Méditerranée, afin de consolider les accords d’Évian. Malheureusement, 535 soldats français ont été tués sur un territoire, où, malgré le cessez-le-feu, les horreurs ont continué. Je pense notamment au terrible massacre d’Oran, le 5 juillet, et je refuse d’oublier le sort tragique des harkis.

Face à tout cela, le groupe du RDSE considère comme un devoir l’attribution de la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964.

L’adoption de la proposition de loi rétablirait une égalité de traitement entre les différentes générations du feu, mais aussi entre les frères d’armes, car la carte dite « à cheval », bien que légitime et attendue, avait introduit une nouvelle injustice.

De plus, un vote favorable concrétiserait un engagement de campagne du Président de la République.

Devant la commission des affaires sociales du Sénat, Mme la secrétaire d’État Geneviève Darrieussecq avait confirmé la décision du Gouvernement d’accéder à cette revendication du monde combattant. Elle avait également indiqué que la loi de finances pour 2019 prévoirait les financements nécessaires : 37,5 millions d’euros au titre de la retraite du combattant et 30 millions d’euros au titre de la demi-part fiscale dont bénéficient les anciens combattants. Je m’en félicite.

Mes chers collègues, pendant longtemps, les parlementaires ont connu des débats passionnés, s’agissant de la guerre d’Algérie. Il faut dire que ce conflit n’opposait pas seulement deux peuples – les Français aux Algériens –, mais aussi les Algériens aux Algériens et les Français aux Français. Certains d’entre nous ont vécu au plus près cette période tragique. Aujourd’hui, le temps et le travail de mémoire ont fait œuvre d’apaisement. C’est donc dans la sérénité que nous pouvons approuver l’initiative de nos collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en ouvrant le bénéfice de la carte du combattant aux soldats ayant servi en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964, notre nation va enfin accorder à ces combattants la reconnaissance symbolique et financière à laquelle ils aspirent bien légitimement.

Comme l’a rappelé dans son rapport notre collègue Philippe Mouiller, dont je salue de nouveau le travail, cette revendication s’est heurtée durant de trop nombreuses années à des obstacles politiques et budgétaires, de sorte que nous réparons aujourd’hui une longue injustice, grâce à cette proposition de loi et, surtout, grâce à l’engagement pris par le Gouvernement d’inscrire cette mesure et la dépense correspondante dans le projet de loi de finances pour 2019, soit 37 millions d’euros en coût budgétaire et 30 millions d’euros en coût fiscal. Sans cette volonté présidentielle et gouvernementale, mes chers collègues, le texte que nous votons aujourd’hui n’aurait probablement pas porté ses fruits, à l’image de ses prédécesseurs. Cela doit être souligné !

Notre groupe, qui a soutenu sans faille cette revendication auprès de Mme la secrétaire d’État Geneviève Darrieussecq, se félicite de la voir aboutir et votera ce texte, qui sera pleinement satisfait par la prochaine loi de finances.

À l’occasion de ce vote, nous souhaitons marquer notre entier soutien à la méthode retenue par Mme la secrétaire d’État, qui avait pris devant nous, en décembre dernier, l’engagement de mener, avec toutes les parties prenantes, une concertation d’ensemble sur les demandes du monde combattant, avec une écoute attentive, afin d’identifier précisément les priorités et les urgences.

En l’occurrence, cette méthode de travail a permis d’affiner le chiffrage, par les services de l’État, de la mesure d’équité que nous adoptons aujourd’hui, puis d’en sécuriser le financement auprès du Premier ministre. Il était de sa responsabilité de procéder ainsi, tout comme le Parlement est entièrement dans son rôle en déposant et en discutant une proposition de loi sur le sujet.

Il est heureux que les deux démarches aient enfin convergé au bénéfice des anciens combattants. Rendez-vous est donc pris pour le prochain débat budgétaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je regrette que nous débattions des anciens combattants sans qu’au moins un secrétariat d’État à part entière leur soit dédié, même si Mme Darrieussecq s’occupe de cette question.

La proposition de loi que nous examinons vise à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian, du 2 juillet 1962 jusqu’au 1er juillet 1964.

La loi en vigueur depuis 1974 fait courir le bénéfice de la carte du combattant pour les opérations en Afrique du Nord jusqu’au 2 juillet 1962, veille de l’indépendance de l’Algérie. Cette date concerne les engagés en Algérie comme en Tunisie et au Maroc. Pourtant, si la fin de la guerre d’Algérie est officiellement fixée à la signature des accords d’Évian et l’indépendance algérienne au 2 juillet 1962, le contingent français est resté sur zone jusqu’en 1964. Ainsi, 305 000 soldats étaient présents au 2 juillet 1962, 103 000 en janvier 1963 et encore 50 000 en juillet 1964. En outre, 535 soldats français sont morts en Algérie après l’indépendance et le début du retrait des troupes.

Dans un premier temps et afin de pallier cet arrêt brusque de la reconnaissance, la loi de finances pour 2014 a créé la carte dite « à cheval », qui a permis à 11 000 anciens combattants, présents en Algérie à cheval sur les deux périodes – avant et après le 2 juillet 1962 –, de faire valoir leur droit à reconnaissance.

Les dispositions prévues dans cette proposition de loi répondent à une vieille revendication des associations d’anciens combattants, que nous avons l’habitude de rencontrer. Pouvons-nous encore, en 2018, accepter que le statut d’ancien combattant ne soit toujours pas accordé aux militaires français déployés en Algérie entre 1962 et 1964 ? Ceux qui ont perdu la vie pendant cette période ont droit à la qualification de « morts pour la France », les autres, à un titre de reconnaissance de la Nation. La preuve, en accordant ce titre, l’État français reconnaît le climat de dangerosité qui régnait à cette époque en Algérie.

Nous sommes face à une aberration : celui qui est arrivé sur place le 1er juillet 1962 a pu obtenir la carte du combattant, alors que celui qui est arrivé le 3 juillet 1962 n’a pu en bénéficier. Pourtant, vous en conviendrez, ces deux personnes se trouvaient dans le même peloton et y ont effectué, ensemble, les mêmes missions, les mêmes jours, aux mêmes horaires.

Je souhaite préciser qu’il ne s’agit ici en aucun cas de réécrire l’histoire. Cette décision ne doit pas conduire à changer de vision quant à la date de la fin de la guerre. Il s’agit d’une harmonisation qui ne vise ni plus ni moins qu’à conférer le même statut aux soldats envoyés en Algérie.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, plusieurs amendements avaient été déposés en ce sens. À l’époque nous nous étions heurtés à un refus du Gouvernement, qui nous demandait du temps.

Nous avons attendu, et nous avons tous pris connaissance de l’intention du Gouvernement d’accorder cette carte. Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, vous avez l’occasion de mettre en œuvre ce que vous avez annoncé.

Malheureusement, nos anciens combattants disparaissent chaque année, compte tenu de leur âge, et cela n’ira qu’en s’aggravant. Ils ont assez attendu et leurs associations, dans leur ensemble, souhaitent que cette inégalité de traitement soit réparée au plus vite.

Nous avons entendu votre position de principe, mais il manque encore des crédits, et nous demeurerons vigilants lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, afin de garantir l’affectation des crédits nécessaires et l’application de cette mesure.

La forte précarité sociale dans laquelle se trouvent ces anciens combattants ainsi que la légitimité de leurs revendications encouragent à soutenir cette délivrance de la carte de combattant. Le groupe CRCE se prononcera donc favorablement sur ce texte, tout en restant vigilant quant à la mise en œuvre de cette disposition. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer cette belle initiative parlementaire, qui fait mentir la phrase de Benjamin Constant : « La reconnaissance a la mémoire courte. » Elle répond à un souhait que j’avais formulé lorsque je m’étais exprimée au nom de mon groupe à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2018. Je suis ravie de soutenir cette avancée concrète, à laquelle je me suis jointe en cosignant ce texte. Baignant dans un environnement familial militaire, je ne saurais rester insensible à cette demande si légitime.

Je poursuivrai mes propos en évoquant le dénominateur commun qui nous unit aujourd’hui : la République. Nous tous ici croyons en la République de l’égalité et de la justice, en la République de la dignité. Oui, tous, ici, nous défendons l’expression de la reconnaissance de la Nation envers ses combattants d’hier et d’aujourd’hui, tous, sans la moindre distinction !

Ainsi, ne pas permettre aux soldats ayant combattu en Algérie après 1962 de bénéficier de la carte du combattant, contrairement aux militaires français engagés au Maroc ou en Tunisie après les indépendances de ces pays, est une inégalité. Les oublier est une injustice, ignorer leur sacrifice et leur courage, une profonde indignité.

De plus, il ne s’agit pas de travestir l’histoire, mais de rétablir des faits. Si les accords d’Évian entendent instaurer le cessez-le-feu et la fin de la guerre d’Algérie, alors les opérations de sécurité conduites entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 l’ont été dans le cadre d’opérations extérieures.

Est-il vraiment utile de rappeler, mes chers collègues, que le titre de reconnaissance de la Nation, qui, par nature, marque la participation à un conflit armé comportant un risque d’ordre militaire, est attribué aux soldats présents jusqu’au 1er juillet 1964 ?…

En outre, je veux croire, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement demeure sensible à cette cause. En effet, je me souviens de l’intervention de Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées, à l’occasion de la discussion de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » au mois de décembre dernier, ainsi que de son sens de l’écoute. Je la crois imprégnée de sincérité et de la ferme volonté de faire avancer ce douloureux dossier.

L’annonce de l’inscription de cette mesure dans le projet de loi de finances pour 2019 confirme ses propos, et nous saluons cet engagement. C’est la première fois qu’un gouvernement va jusqu’au bout en donnant satisfaction à cette demande ; il est important de le souligner.

Cependant, il y a urgence. Le temps est compté. N’attendons pas la disparition des derniers soldats pour enfin prendre en considération ce qu’ils demandent depuis tant d’années. Ils ont tout donné, parfois même jusqu’au dernier souffle, ils méritent notre reconnaissance, ils méritent le bénéfice de la carte du combattant. Reconnaître l’action de nos anciens, c’est aussi l’honneur de notre pays. Ils sont la France.

Enfin, une question majeure se pose à nous aujourd’hui : quel regard la France porte-t-elle sur son passé, mais aussi, dans un certain sens, sur son avenir ? La transmission de ce témoin aux générations actuelles et futures représente un enjeu qu’il ne faut pas méconnaître. D’une certaine manière, ce texte participe à cet exercice.

Mes chers collègues, n’oublions pas ces noms, ces visages, ces vies consacrées. C’est pourquoi le groupe Union Centriste apporte tout son soutien à cette proposition de loi déposée par Philippe Mouiller et la votera. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Corinne Féret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour trouver une issue favorable à une demande qui a souvent occupé nos débats ces dernières années, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, autour de propositions de loi émanant de tous les bancs. C’est ce travail parlementaire que je veux d’abord saluer, qui va finalement aboutir et permettre de répondre à une sollicitation récurrente des associations d’anciens combattants, telles que l’UNC, la FNACA et d’autres, dont j’ai l’habitude de côtoyer les représentants dans mon département, le Calvados.

Oui, nous allons réparer une inégalité persistante entre soldats français, selon qu’ils ont été engagés en Algérie avant ou après le 2 juillet 1962 !

Dans les faits, l’indépendance de l’Algérie n’a nullement signifié le départ immédiat de nos troupes du territoire algérien. Entre 1962 et 1964, plusieurs dizaines de milliers de soldats français y étaient toujours présents et 535 d’entre eux y ont trouvé la mort.

La présente proposition de loi permet de considérer cette période non pas comme un temps de guerre, mais comme un moment pouvant relever de la caractérisation d’opérations extérieures, ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant. Rappelons que cette dernière, qui manifeste la reconnaissance de la Nation envers ceux qui l’ont servie par les armes, permet de bénéficier d’avantages symboliques, comme le port de la croix du combattant, ou d’avantages matériels : une retraite annuelle de près de 750 euros et une demi-part fiscale supplémentaire. Les soldats qui ont été engagés en Algérie avant comme après le 2 juillet 1962 y ont bien évidemment droit. Il y va de l’équité entre frères d’armes et, au-delà, de l’égalité entre générations du feu.

Chaque quinquennat connaît des avancées en faveur du monde combattant. Je me félicite donc de la décision récemment annoncée par le Gouvernement d’octroyer, à partir de 2019, la carte du combattant aux soldats français déployés en Algérie après le 2 juillet 1962. Selon le Gouvernement, cela concernerait potentiellement 50 000 bénéficiaires. Je m’étais moi-même fait la porte-parole de leur légitime demande de reconnaissance lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018 et, encore plus récemment, le mois dernier, lors de l’audition de Mme Darrieussecq par le groupe d’études Sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante, dont je suis membre.

Je voudrais terminer mon propos en rappelant que beaucoup de choses ont été faites en direction du monde combattant lors du dernier quinquennat, comme la carte « à cheval », qui est une sorte de première étape dans la reconnaissance du rôle des anciens engagés en Algérie. Il faut également évoquer la revalorisation de 11 % des retraites des anciens combattants, l’abaissement à soixante-quatorze ans de l’âge requis pour bénéficier d’une demi-part supplémentaire, la refonte des aides sociales de l’ONACVG ou encore le travail mémoriel souhaité par le Président François Hollande, lequel a multiplié les signes forts. Toutes ces actions méritent d’être saluées.

Le groupe socialiste votera ce texte, comme une nouvelle main tendue à ces anciens soldats et pour les assurer que la France ne les oublie pas. Nous voterons cette proposition de loi également pour saluer le rôle du Parlement et souligner son travail, particulièrement sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi de nos collègues de Legge et Mouiller fait œuvre de justice et de bon sens. Elle répond à une demande des associations d’anciens combattants et répare une inégalité persistante entre militaires français, selon qu’ils ont été engagés en Algérie avant ou après le 2 juillet 1962.

Comme cela a été rappelé, 50 000 d’entre eux étaient encore présents sur le territoire algérien en 1964 et 535 ont perdu la vie après l’accès de l’Algérie à l’indépendance. Ce chiffre n’est pas anecdotique, il équivaut presque au nombre de soldats français morts pour la France de 1964 à nos jours.

Le devoir de reconnaissance que nous devons aux militaires français engagés après les accords d’Évian fait consensus au Parlement depuis longtemps. Les désaccords entre certaines associations ont été levés, et le monde combattant est maintenant unanime. Pourtant, les gouvernements successifs ont refusé d’accéder à leurs demandes. Pourquoi ?

Premièrement, on avance des raisons budgétaires. Cet argument est faible dans l’absolu, lorsque l’on parle d’hommes qui ont risqué leur vie pour la France, mais il est en outre de moins en moins pertinent à mesure que la population concernée diminue. Cette mesure coûterait 37,5 millions d’euros au titre de la retraite du combattant et entraînerait une dépense fiscale que l’on peut évaluer à 30 millions d’euros au titre de la demi-part fiscale, soit une dépense totale de 70 millions d’euros.

Reconnaissons que, face aux dépenses abyssales, passées ou à venir, engagées par l’État pour gommer des fautes de gestion – je pense à AREVA, mais aussi à la reprise de la dette de la SNCF, dont nous avons discuté récemment – cette somme est dérisoire. N’est-ce pas, monsieur le secrétaire d’État ? (M. le secrétaire dÉtat, sourit.) Elle l’est encore plus au regard des sacrifices consentis par nos soldats. Elle est enfin appelée à diminuer avec le temps, les combattants de la fin des années cinquante ayant aujourd’hui plus de quatre-vingts ans, le nombre de décès parmi eux ne cesse malheureusement de croître.

Deuxièmement, on avance un argument diplomatique : cette mesure nous brouillerait avec l’Algérie. À mon sens, elle aurait précisément un effet contraire et permettrait de tourner la page de ce conflit en nous conduisant à assumer les opérations qui ont eu lieu après les accords d’Évian, non pour remettre ces derniers en question, mais pour les consolider et permettre une transition pacifique.

Le Président de la République a eu des mots justes lors de sa visite en Algérie en décembre dernier : il ne faut rien renier du passé, n’avoir aucun tabou, mais regarder vers l’avenir d’une relation assainie et refondée.

Cette proposition de loi permet de reconnaître symboliquement une dimension de notre passé commun, qui doit enfin être assumée pour être dépassée.

Les oppositions sont donc aujourd’hui levées. Nous sommes entrés dans l’ère du consensus. Nous sommes heureux de constater que ce consensus est désormais partagé par le Gouvernement.

Le Gouvernement s’était d’ailleurs engagé, lors des discussions autour du projet de loi de finances pour 2018, à mener un travail sur le sujet et, notamment, à évaluer le coût d’une telle mesure. Il a tenu parole. Le Gouvernement souhaite désormais inscrire cette disposition dans le prochain projet de loi de finances. Ce choix courageux était attendu depuis plusieurs années. Notre groupe salue donc le respect de la parole donnée et la volonté d’avancer avec toutes les parties prenantes : parlementaires, associations et anciens combattants.

Cette proposition de loi n’en est que plus importante. Elle constitue une étape bienvenue sur la route de la reconnaissance de nos anciens combattants, qui révèle une fois de plus l’engagement continu des parlementaires, en particulier des sénateurs, sur ce sujet. Notre groupe votera donc ce texte à l’unanimité, en attendant d’obtenir pleinement satisfaction dans le prochain projet de loi de finances. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai déposée avec mes collègues Philippe Mouiller, Charles Revet et Jean-Marie Morisset vise à résoudre un problème aussi ancien que récurrent. Les associations d’anciens combattants comme de nombreux parlementaires réclamaient depuis longtemps cette mesure.

En effet, de très nombreuses propositions de loi ont été déposées sur le sujet sans qu’aucune d’entre elles n’aboutisse à un vote effectif. Monsieur le secrétaire d’État, je vous rappelle que votre collègue Gérald Darmanin, lorsqu’il était député, avait déposé dès 2012 un texte sensiblement identique à celui qui nous rassemble.

Au Sénat, à plusieurs reprises, des amendements ont été déposés. Lors du dernier débat budgétaire, une mesure avait été votée en ce sens.

Son dernier avatar fut la proposition de loi de notre collègue Gilles Lurton à l’Assemblée nationale, qui a été privée de débat, le 5 avril, au motif qu’elle était « bien trop prématurée au regard de la politique » que Mme la secrétaire d’État entendait mettre en œuvre en faveur du monde combattant.

Six semaines plus tard, alors que nous nous apprêtions à débattre en commission de notre texte, le Gouvernement annonçait le financement de cette mesure dans le prochain budget et concluait qu’il n’y avait plus lieu de débattre, puisque le problème était réglé.

Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de nous expliquer que ce déblocage était le fruit des travaux de la secrétaire d’État et des nombreux groupes de travail qu’elle a réunis. Je n’en doute pas, mais vous conviendrez avec moi qu’il n’était pas besoin de réunir tant de groupes de travail pour faire droit à une revendication portée depuis des années par les associations d’anciens combattants et, surtout, pour honorer une promesse du Président de la République faite bien avant que ces groupes de travail ne se réunissent.

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Dominique de Legge. La méthode, un peu grossière, n’est pas nouvelle : elle a été utilisée pour de nombreux textes d’initiative sénatoriale, qui furent ainsi purement et simplement récusés à l’Assemblée nationale pour renaître sous une forme sensiblement identique, mais, cette fois, sur l’initiative du Gouvernement.

M. Jean Bizet. C’est un hasard…

Mme Patricia Schillinger. Vous exagérez ! Lorsque vous étiez au pouvoir il y a quelques années, vous n’avez rien fait !