compte rendu intégral

Présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann

vice-présidente

Secrétaires :

M. Joël Guerriau,

M. Dominique de Legge.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
Discussion générale (suite)

Organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (texte de la commission n° 313, rapport n° 312).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
Article 1er

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Vous le savez, une polémique est née récemment dans les médias : nous ne pourrions organiser ces jeux ni dans les délais ni avec les budgets prévus et souhaités. Vous avez assuré, madame la ministre, que tel ne serait pas le cas. Nous souhaitons que vous ayez raison, parce que ne pas tenir ces engagements sur les délais et le budget serait, aux yeux du monde, un camouflet tant pour le Gouvernement que pour la France, et nous avons, en l’espèce, une responsabilité collective à assumer.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avions abordé l’examen de ce projet de loi, qui permettait de mener à bien les jeux Olympiques et Paralympiques et les travaux et investissements nécessaires. Quelle que soit la position que nous ayons pu avoir, les uns et les autres, sur l’organisation de ces jeux, la décision a été prise, et il nous appartient de faire en sorte qu’ils se réalisent dans les meilleures conditions possible. Je crois que l’Assemblée nationale a compris notre approche.

Je rappellerai brièvement les trois principaux enjeux de ce projet de loi.

Tout d’abord, le texte prévoyait de transcrire dans la législation française les engagements pris dans le cadre du contrat de ville hôte signé entre la Ville de Paris et le CIO, le Comité international olympique, et définissant les obligations et les droits de chacun. Des ajustements législatifs étaient nécessaires.

Ensuite, ce projet de loi visait à simplifier diverses procédures, en particulier en matière d’urbanisme, afin de réaliser les investissements nécessaires à ces jeux Olympiques et Paralympiques, notamment la rénovation et l’installation des équipements prévus.

Cette simplification concernait aussi ce qui est parfois appelé l’héritage olympique, c’est-à-dire la reconversion des équipements qui vont être construits. Le Gouvernement comme nous-mêmes voulons à tout prix éviter les « éléphants blancs », c'est-à-dire des équipements abandonnés après les quelques semaines de jeux ; il est évident que nous n’en souhaitons pas pour la France.

Enfin, il s'agissait, par des dispositions législatives, de garantir l’éthique – pour utiliser un terme générique –, sur le plan tant sportif que financier. C’était évidemment un élément essentiel.

Le Sénat a adhéré à ces trois axes. Il a également enrichi le projet de loi, en en améliorant la rédaction – c’est l’un des bienfaits habituels du passage d’un texte devant notre assemblée –, mais aussi en sécurisant un certain nombre de procédures.

Par ailleurs, le Sénat a adopté deux amendements qui me paraissent importants et que je vais évoquer maintenant.

Il s’agit d’abord de l’amendement dit « péniches » – non pas que nous ayons proposé qu’une compétition de péniches devienne une discipline olympique… (Sourires.) Il est simplement prévu que plusieurs compétitions se déroulent sur la Seine.

Or, aujourd’hui, ce fleuve n’est pas en état de les accueillir pour des raisons sanitaires et écologiques, du fait notamment de l’absence de raccordement d’un certain nombre de péniches au réseau des eaux usées. Parfois, un tel réseau n’existe pas, et la Ville de Paris s’est engagée, de son côté, à le réaliser autant que faire se peut. L’amendement que nous avons adopté vise à demander aux propriétaires de péniches de se raccorder à ces réseaux, afin d’assurer le bon état des eaux de la Seine.

Il s’agit ensuite d’un amendement que le Sénat a adopté sans difficulté, ce qui montre son importance ; il a pour objet l’héritage paralympique. En effet, on parle beaucoup des jeux Olympiques, mais il ne faut pas oublier les jeux Paralympiques. Ainsi, nous avons décidé de simplifier les procédures de mise en accessibilité des stations de métro, tant à Paris qu’à Marseille. Dans la capitale, 3 % seulement des stations sont aujourd’hui accessibles aux personnes à mobilité réduite. La simplification permettra, si tant est que les pouvoirs publics s’emparent du dispositif, d’aménager ces stations.

J’arrêterai là l’énumération des traits saillants de ce projet de loi et du travail réalisé par le Sénat. C’est sur cette base que nous avons discuté de manière positive avec nos collègues de l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission mixte paritaire. Nous avons abouti à un accord, que les députés ont eux-mêmes adopté hier.

Lors de ces discussions, nous nous sommes aperçus que l’Assemblée nationale tenait beaucoup à une disposition prévue à l’article 17 bis, selon laquelle un député et un sénateur siégeraient au comité des rémunérations et au comité d’éthique du COJOP, le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.

Au Sénat, nous ne tenions pas beaucoup à cette mesure, parce qu’il existe des principes, que certains d’entre vous connaissent depuis plus longtemps que moi, en particulier celui qui veut que les sénateurs ne siègent pas dans des comités – Théodule ou non – éloignés de leurs missions premières. Nous avions donc supprimé cet article, tout en prévoyant d’autres modalités de contrôle.

L’Assemblée nationale y tenait, tandis que nous étions attachés, de notre côté, à d’autres éléments du texte voté par le Sénat. Un compromis, qui me paraît tout à fait acceptable, a été trouvé : nous avons rétabli l’article 17 bis dans sa rédaction initiale et nous avons globalement maintenu le texte tel qu’il résultait des travaux du Sénat. Au-delà du maintien des ajouts de notre assemblée, nous avons aussi pu conserver le sens premier du projet de loi et les trois axes que j’ai évoqués tout à l’heure.

En conclusion, mes chers collègues, je vous propose de voter aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire, de façon à ce que nous puissions adopter définitivement le texte relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Comme il me reste un peu de temps, je voudrais formuler une observation d’ordre général relative à la simplification.

Au cours de la discussion du présent projet de loi, comme lors des débats que nous avons tenus ces deux derniers jours sur le texte désormais appelé « projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public », nous avons adopté diverses simplifications – elles représentent un pan important du texte que nous examinons aujourd’hui.

Comme le disait devant l’Assemblée nationale M. le secrétaire d’État Julien Denormandie, se libérer des carcans procéduraux constitue l’un des grands défis que nous avons à relever. Cette intention est louable et partagée par tous, mais je ne suis pas certaine que la méthode qui est aujourd’hui utilisée soit la bonne, car elle se contente de modifier quelques dispositions au fil de l’eau.

Par exemple, dans le projet de loi sur l’efficacité de l’administration, dont nous avons terminé l’examen hier soir, les dispositions étaient tellement disparates et sans lien entre elles que nous nous demandions si, au détour d’un article, nous n’allions pas tomber sur la « tourniquette à faire la vinaigrette » de Boris Vian ou sur le « raton laveur » de Jacques Prévert… (Sourires.)

Les dispositions que nous avons prises sont louables sur le principe, mais je crois que la méthode n’est pas la bonne, qu’elle est pauvre. Plutôt que de procéder au fil de l’eau, il faudrait examiner notre législation par pans entiers.

Madame la ministre – je m’adresse à vous en tant que représentante du Gouvernement –, le Sénat est prêt à faire preuve de bonne volonté et à mettre sa force de travail et de conviction au service d’un tel exercice, qui faciliterait la vie des collectivités territoriales et des Français de manière générale.

Simplifier la législation est un service à rendre aux Français. Le texte que nous examinons aujourd’hui, comme celui dont nous avons débattu hier et avant-hier, participe de cet effort et le Sénat est prêt à poursuivre ce mouvement.

Mes chers collègues, c’est aussi pour montrer la bonne volonté du Sénat que je vous propose, je le répète, d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je reviens de Pyeongchang, où je suis allée soutenir nos athlètes paralympiques. Quelle fierté, quelle émotion de voir Marie Bochet, Arthur Bauchet, Frédéric François, Benjamin Davier ou encore Cécile Hernandez ! La France a treize médailles, et ce n’est pas terminé : les athlètes, qui sont au repos aujourd’hui, reprendront demain la compétition. J’ai une pensée pour toute la délégation française, qui est soudée, motivée, radieuse.

La fête olympique et paralympique est belle. Nos athlètes, leurs guides et entraîneurs et tout l’encadrement mêlent leur énergie pour faire rayonner la France. Des années de préparation pour un mois de compétition, mais quelle compétition !

Les jeux, ce sont aussi des milliards de téléspectateurs, des millions de spectateurs, des retombées économiques considérables et, plus que tout peut-être, un formidable moment de communion nationale.

Avant d’en arriver là, les jeux, c’est surtout beaucoup de travail… Pour ceux que nous allons accueillir, nous nous engageons dans une organisation minutieuse, avec deux engagements majeurs : tenir les délais ; respecter le budget. Et quand on sait ce qu’il nous faut réaliser, je vous le dis, nous n’aurons pas trop de six ans et demi !

Ce double objectif a motivé le projet de loi, qui vous a été soumis à la fin de l’année dernière et sur lequel vous êtes amenés à vous prononcer définitivement aujourd’hui.

Nous sommes conscients que des dérives ont pu, par le passé, écorner l’image des Jeux. Nous ne voulons pas de cela et nous nous dotons, grâce à ce texte et aux structures mises en place, de tous les garde-fous nécessaires pour respecter nos engagements vis-à-vis du CIO et surtout vis-à-vis des Français.

Avec mon collègue Gérald Darmanin, j’ai demandé un rapport d’inspection générale pour vérifier que nous étions sur de bons rails. Certains points d’alerte nous ont été communiqués et, pour une parfaite transparence, je vous précise que nous rendrons public ce rapport au début du mois d’avril.

Je saurai prendre les décisions qui s’imposent pour concilier héritage et maîtrise des coûts, après m’être entretenue avec les élus locaux et les acteurs concernés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens sincèrement à vous remercier de votre travail, de votre investissement et de votre écoute tout au long de l’examen de ce projet de loi. Je salue d’ailleurs la complémentarité qui, durant les débats, s’est instaurée entre les deux chambres. Vous avez su, collectivement, enrichir ce texte, tout en préservant ses grands équilibres.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a su parvenir à un accord, qui aboutit aujourd’hui à un texte dont nous pouvons être satisfaits.

Pour autant, je mesure la frustration qui a pu être la vôtre dans un exercice relativement contraint et dont l’objet était finalement peu sportif. En effet, nous avons parlé protection des termes, publicité, urbanisme, sécurité, éthique et transparence, mais pas de sport ! Et parce que je partage cette frustration, je prends un engagement devant vous : je prends date pour 2019, afin que nous débattions, ensemble, d’une grande loi « sport et société ».

Nous travaillerons de manière concertée et anticipée au développement de la pratique sportive, à la démocratie sportive et à l’éthique du sport. Comme je le dis souvent, je ne suis pas seulement la ministre des Jeux, bien que leur attribution à la France soit une source de fierté incommensurable. Je suis la ministre des sports et des pratiques sportives sous toutes leurs formes. C’est ce dont nous débattrons ensemble, dès demain.

Enfin, j’en terminerai par un élément d’actualité pour mon ministère : le sport est touché, comme tous les secteurs, par des discriminations et différentes formes de violence.

Nous ne fermons pas les yeux et, avant de vous rejoindre, j’ai lancé, ce matin même, une campagne nationale de lutte contre les discriminations, afin de sensibiliser nos compatriotes aux bonnes pratiques et de lutter contre les comportements qui n’ont pas leur place dans le sport et sur notre territoire en général. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe de l’Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Vous avez sans doute devant vous, madame la ministre, l’équipe sénatoriale qui va concourir pour les JO de 2024… (Sourires.)

En tout cas, j’ai découvert, pour le début de mon expérience parlementaire, qu’il était possible de travailler ici de manière cohérente et avec des collègues tout à fait constructifs – au sens classique de ce terme, bien sûr… (Rires.)

Ce texte, vous l’avez dit, madame la ministre, a suscité quelques frustrations, mais c’est un peu la loi du genre, car il est de nature technique. Vous avez annoncé un autre projet de loi, et nous pourrons alors nous pencher sur des questions plus substantielles. Pour autant, nous avons pu faire avancer les choses sur certains points très symboliques, et le groupe socialiste et républicain y a pris toute sa part.

Le premier de ces points, qui a également été porté par d’autres groupes, concerne la tendance vers la parité. J’utilise cette formule, car l’amendement qui a été adopté à ce sujet n’est pas totalement révolutionnaire… J’ai d’ailleurs découvert à cette occasion que le monde du sport de haut niveau, que je connais peu, restait à convaincre sur ce type de questions. Pour autant, cet amendement, qui a été soutenu par plusieurs groupes politiques, dont le groupe socialiste et républicain, tend à marquer une ambition, ce dont je m’en félicite.

Ensuite, nous avons pu faire avancer les choses de manière très utile sur les questions d’éthique, de transparence et de contrôle.

À cet égard, je suis un peu triste à la lecture de la presse depuis hier. En effet, l’État et le comité de candidature ont mis en place des procédures de contrôle permanent, de manière à vérifier que le calendrier et le coût de réalisation des équipements seront respectés. Or certains, se précipitant quelque peu, ont pu croire qu’il y avait un risque de dérapage. Nous le savons, un tel risque existe toujours ! C’est pourquoi il est si important de mettre en place des procédures de contrôle et de surveillance ; c’est ce qu’ont fait l’État et le comité de candidature, ce qui doit nous rassurer.

Enfin, comme l’a indiqué notre collègue rapporteur, le Sénat, collectivement – c’est l’esprit des Jeux ! –, a apporté des améliorations sur la question de la qualité de l’eau de la Seine. Une épreuve en eau libre aura lieu durant les JO ; elle sera, comme d’autres, très spectaculaire. Ensuite, les Parisiens, et les Français en général, pourront enfin se baigner dans la Seine, alors que cette possibilité apparaissait utopique depuis tant d’années…

Vous l’aurez compris, le groupe socialiste et républicain, qui a participé à l’ensemble des travaux sur ce projet de loi de manière positive, votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi portant sur l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 est le fruit d’une attention collective soutenue et d’un travail constructif, j’y insiste. Je remercie tout particulièrement les rapporteurs de ce projet de loi, notamment Mme Muriel Jourda, ainsi que l’ensemble des députés et sénateurs qui se sont mobilisés à l’occasion de son examen.

Cet événement sportif revêt tout d’abord un caractère diplomatique, puisqu’il rassemblera 15 000 athlètes, 70 000 bénévoles, 11 millions de spectateurs et des milliards de téléspectateurs. À l’heure des replis identitaires, des rassemblements nationaux et des crispations frontalières, la France sera, pendant près d’un mois, la terre d’accueil de 206 comités nationaux olympiques et de presque autant de nationalités différentes.

Si l’on estime les retombées économiques de cet événement à un montant de 5 à 10 milliards d’euros pour la région francilienne, la valeur réelle et symbolique de ces jeux en termes d’échanges internationaux et interculturels est quant à elle inestimable.

Qui plus est, l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 est l’occasion pour la France de démontrer que les enjeux éthiques, économiques, sociaux et environnementaux, que l’on oppose encore trop souvent, peuvent être conciliés au sein d’un même projet d’envergure internationale.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires a présenté un amendement visant à assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du Comité national olympique et sportif français. D’abord retiré à la demande du Gouvernement, l’amendement a été déposé de nouveau par Marie-Pierre de la Gontrie et finalement adopté lors de la commission mixte paritaire.

Je félicite les sénateurs et les députés pour leur persévérance et leur désir d’exemplarité en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. Je vous rappelle que moins d’une fonction de direction sur cinq est occupée par une femme dans le monde. Grande cause nationale du quinquennat, l’égalité entre les femmes et les hommes nécessite de faire preuve de persévérance et d’un certain courage politique.

L’aménagement d’infrastructures olympiques est aussi l’occasion de remédier, en partie, à certains déséquilibres territoriaux. À titre d’exemple, la construction d’un centre aquatique en Seine-Saint-Denis, où la moitié des élèves arrive au collège sans savoir nager, donne un sens et une portée sociale aux investissements publics et privés.

Je me dois néanmoins de rappeler que les déséquilibres territoriaux s’étendent bien au-delà de la région parisienne. Une question reste en suspens : comment étendre les retombées socio-économiques des jeux Olympiques 2024 à l’ensemble des territoires, y compris aux zones rurales ?

Par ailleurs, le groupe Les Indépendants – République et Territoires salue l’adoption de l’article 10 ter, qui vise à doter la Société de livraison des ouvrages olympiques, ou SOLIDEO, d’une charte d’insertion permettant de favoriser l’accès des entreprises locales à la commande publique.

Cette disposition s’inscrit dans une volonté plus large de valoriser les critères de responsabilité sociétale dans les décisions prises par les acteurs publics et privés. Je note qu’un rapport a été remis cette semaine au ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, proposant de changer la définition même de l’entreprise.

Enfin, les jeux Olympiques de 2024 seront aussi les premiers jeux paralympiques français. À ce titre, la France devra relever le défi de l’accessibilité des espaces ouverts au public pour les 4 000 athlètes et les milliers de spectateurs concernés. Au-delà de cet événement de quelques semaines, il s’agira bien sûr de trouver des solutions durables d’accessibilité – vous en avez parlé, madame le rapporteur – pour les 12 millions de personnes qui vivent chaque jour, en France, avec un handicap.

S’il appartient au Parlement d’offrir un cadre législatif sur mesure pour faciliter l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024, les attentes de la société en termes de soutenabilité budgétaire, de sécurité et d’exemplarité de la gouvernance sont fortes et légitimes. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires maintiendra donc une vive attention sur le respect des impératifs financiers, sécuritaires et éthiques tout au long de la mise en œuvre du projet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, les conclusions de la commission mixte paritaire ont été très largement adoptées hier à l’Assemblée nationale, et il est acquis que cette majorité sera plus large encore au Sénat. Le groupe du RDSE votera d’ailleurs très majoritairement ce texte, qui est nécessaire pour que Paris et la France soient au rendez-vous en 2024.

Ce projet de loi ne lève cependant pas toutes les interrogations relatives à la préparation et à l’organisation des Jeux. Il est vrai que ces derniers sont nimbés d’une aura presque magique, qui repose sur le sentiment que la ville hôte accueille le monde, le temps de deux quinzaines, olympique et paralympique.

Cette mythologie, qui renvoie à l’antique, s’enrichit à chaque olympiade du récit des exploits des athlètes, de Spyrídon Loúis, lointain descendant de Phidippidès, à Martin Fourcade ou Marie Bochet. Je tiens d’ailleurs à féliciter cette dernière, ainsi que les autres athlètes paralympiques, qui écrivent actuellement à Pyeongchang de belles pages de l’histoire du sport français.

Cette dimension magique a cependant souvent aveuglé les organisateurs, prêts à tout pour décrocher les jeux, causant des dépassements de budget parfois pharaoniques. Le Gouvernement semble déterminé à se prémunir contre cette dérive, bien aidé, il est vrai, par le fait que la grande majorité des installations est déjà construite.

Pour celles qu’il faut encore ériger, le titre II de ce projet de loi vient apporter des assouplissements importants en matière de construction et d’aménagement. L’impératif du respect des délais de livraison justifie des mécanismes dérogatoires au droit commun.

Je me réjouis, à cet égard, que la commission mixte paritaire ait maintenu la modification adoptée par le Sénat, visant à encourager les travaux de mise en accessibilité des métros parisien et marseillais. Nous aurons à reparler de ces enjeux dans le futur projet de loi « mobilités ».

Je me réjouis également du maintien, dans la rédaction du Sénat, de l’article 10 ter relatif à la charte d’insertion et de responsabilité sociale. Je souhaite que la SOLIDEO et l’ensemble des maîtres d’ouvrage intègrent une clause d’insertion sociale et professionnelle dans tous les marchés publics, comme le permet la législation, afin que les grands chantiers olympiques, dont la majorité se situe en Seine-Saint-Denis, puissent bénéficier à ce territoire et à ses habitants.

La première partie du projet de loi, qui rassemblait les aménagements législatifs rendus nécessaires par le contrat de ville hôte, a, elle aussi, subi peu de modifications. Telle était la volonté du Gouvernement, même si l’on peut s’interroger sur les conditions qui entourent la conclusion de ces documents fondamentaux et sur certaines clauses exorbitantes.

Quelques menues améliorations ont néanmoins été apportées pour encourager la parité au sein du mouvement olympique et sportif français et un compromis a été trouvé en commission mixte paritaire à ce sujet.

En matière de transparence, la commission mixte paritaire a rétabli l’article 17 bis dans la rédaction de l’Assemblée nationale : il prévoit qu’un député et un sénateur siègent, avec voix consultative, au sein des comités d’éthique et de rémunérations du COJOP.

Les sénateurs du groupe du RDSE seront particulièrement attentifs à ce que la représentation nationale soit régulièrement informée de l’état d’avancement des différents chantiers et de l’apparition de nouvelles contraintes. Ils demeureront également vigilants sur le respect des garanties apportées, notamment s’agissant des monuments inscrits ou classés.

Le rapport de la Cour des comptes, prévu à l’article 18, et le jaune budgétaire, qui sera annexé aux prochains projets de loi de finances, y contribueront. Et j’ai noté que Mme la ministre a fait part de sa disponibilité pour répondre aux questions des parlementaires.

Je regrette néanmoins d’avoir appris, par la voie de fuites opportunes dans la presse, l’existence d’un rapport de plusieurs administrations s’inquiétant de possibles dérapages budgétaires... Sa lecture nous aurait sans doute permis de légiférer de manière plus éclairée, alors qu’un montant de 1,5 milliard d’euros d’argent public sera consacré aux jeux Olympiques et Paralympiques.

Madame la ministre, vous accordez également une grande importance à l’impact et à l’héritage de ces jeux. Ils se mesurent à l’aune des retombées économiques à court et moyen terme, mais aussi à celle des transformations apportées à la métropole.

Madame la ministre, vous assignez un autre objectif ambitieux à l’horizon 2024, celui d’encourager l’activité physique et sportive de trois millions de personnes. Cet enjeu relève de la santé publique et des politiques d’inclusion.

Or, pour atteindre cet objectif, il faudra des infrastructures sportives de qualité sur tout le territoire national et un fort tissu associatif sportif. À cet égard, l’importante baisse des crédits du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, nous alerte. En 2018, celui-ci soutiendra moins de projets d’équipement et subventionnera moins d’associations. Et la privatisation annoncée de la Française des jeux, renforce l’inquiétude sur la pérennité de ses ressources.

De surcroît, le secteur associatif sportif est particulièrement affecté par la diminution des aides en faveur des contrats aidés.

Une autre inquiétude porte sur la diffusion télévisée des jeux Olympiques. Je veux brièvement redire à cette tribune notre attachement à la diffusion « en clair » de la majorité des épreuves. La plupart de nos compatriotes ne verront, en effet, les JO qu’à la télévision.

À ce sujet, je regrette que l’amendement que nous avions déposé, en première lecture, pour rendre gratuite la retransmission publique d’épreuves par les collectivités et les associations ait subi les foudres de l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, selon une interprétation maximaliste.

Madame la ministre, mes chers collègues, je suis convaincue que, pour être belle, la grande fête des Jeux doit irriguer tous nos territoires. Nous avons l’ardente obligation d’inventer un modèle de jeux plus durables, plus sobres, moins mercantiles. Et je ne parle pas du mouvement olympique international, qui aurait aussi besoin d’une vaste réforme.