Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche, M. Daniel Dubois.

1. Procès-verbal

2. Hommage à un ancien sénateur décédé

3. Communication relative à une commission mixte paritaire

4. Financement de la sécurité sociale pour 2018. – Discussion d’un projet de loi

Discussion générale :

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Deroche, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie

M. Bernard Bonne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse

Mme Élisabeth Doineau, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

Question préalable

Motion n° 442 de Mme Laurence Cohen. – M. Dominique Watrin ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales ; Mme Agnès Buzyn, ministre. – Rejet par scrutin public n° 11.

Discussion générale (suite)

Mme Véronique Guillotin

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

M. Michel Amiel

Mme Laurence Cohen

M. Yves Daudigny

M. Daniel Chasseing

M. Jean-Noël Cardoux

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Corinne Imbert

Mme Patricia Schillinger

Mme Nassimah Dindar

M. Bernard Jomier

M. Philippe Mouiller

Mme Laurence Rossignol

Mme Jacky Deromedi

Mme Agnès Buzyn, ministre

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion.

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

M. Daniel Dubois.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 9 novembre 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage à un ancien sénateur décédé

M. le président. Mes chers collègues, comme vous, c’est avec beaucoup de tristesse que, ce dimanche, j’ai appris le décès de notre ancien collègue Jack Ralite, qui fut sénateur de Seine-Saint-Denis de 1995 à 2011. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que Mme la ministre des solidarités et de la santé.)

Je le vois encore, avec son chapeau, son écharpe, sa veste noire…

Né en 1928 à Châlons-sur-Marne, Jack Ralite rêvait de devenir instituteur, mais il dut arrêter sa scolarité et devint employé municipal à Stains.

En 1947, Jack Ralite adhère au parti communiste français. Épris de littérature dès l’adolescence, il intègre la rédaction de l’Humanité Dimanche dont il devient plus tard responsable des pages culture, presque naturellement.

En 1959, notre ancien collègue est élu au conseil municipal d’Aubervilliers, ville dont il sera maire pendant près de vingt ans, de 1984 à 2003.

Député de la Seine-Saint-Denis de 1973 à 1981, Jack Ralite devient ministre de la santé en 1981 – c’est l’un de vos prédécesseurs, madame la ministre. Il est l’un des quatre membres communistes du gouvernement formé par M. Pierre Mauroy au lendemain de l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République.

De 1983 à 1984, Jack Ralite est ministre délégué à l’emploi.

En 1995, il est élu sénateur de la Seine-Saint-Denis. Il siège pendant seize ans au sein de notre Haute Assemblée et devient l’un des piliers de la commission de la culture.

La culture, qu’il considère comme un outil d’émancipation, est en effet le fil rouge de son engagement politique. À Aubervilliers, il est à l’origine de la création, dès 1960, du théâtre de la Commune, premier centre dramatique de la petite couronne.

Au sein de notre hémicycle, sa mobilisation aura été constante pour défendre artistes, éducation, accès à la culture, exception culturelle ou encore télévision de qualité.

Ceux qui l’ont connu comme moi au sein de notre assemblée se souviennent d’une grande voix, d’une forte voix, d’une expression toujours chaleureuse, d’un homme de conviction et au goût marqué pour les citations. Dans l’un de ses discours, il avait ainsi cité Pierre Boulez : « L’histoire est ce qu’on y fait, l’histoire est une chose qu’on agit et non pas qu’on subit ». Cette phrase s’applique parfaitement à Jack Ralite.

Au nom du Sénat, je veux présenter nos condoléances les plus attristées à sa famille et assurer ses proches, la présidente et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de notre sincère compassion.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose d’observer un moment de recueillement à la mémoire de Jack Ralite. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre, observent une minute de silence.)

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2018

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2018 (projet n° 63, rapport n° 77 [tomes I à III], avis n° 68).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Question préalable

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de présenter devant votre assemblée, avec le ministre de l’action et des comptes publics – qui ne peut malheureusement être présent parmi nous cet après-midi –, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette mandature.

Ce PLFSS est à la fois un texte dense et un texte qui fait des choix.

Il fait le choix du pouvoir d’achat pour les salariés par la baisse des cotisations sociales et par l’augmentation, au 1er octobre prochain, de la prime d’activité.

Il fait le choix de conforter notre modèle de protection sociale en adaptant son financement à l’évolution de notre économie et de notre société et en renforçant son universalité, afin que chacun puisse bénéficier de la même sécurité sociale quel que soit son statut professionnel.

Il fait le choix – j’y reviendrai – de la solidarité au bénéfice de nos concitoyens les plus fragiles, qu’il s’agisse des bénéficiaires du minimum vieillesse ou des familles les plus pauvres.

Choisir, c’est aussi assumer une politique de prévention ambitieuse qui protège nos concitoyens et prend à bras-le-corps la première des inégalités en matière de santé : l’inégalité devant la prévention.

Faire des choix, c’est également poser, dès maintenant, les jalons pour une transformation continue et résolue des modalités de tarification des actes et des prestations qui incitent à privilégier la pertinence et la qualité et qui prennent en compte les besoins des patients dans leur globalité.

Les choix que ce PLFSS vous propose sont ceux d’une France qui porte haut l’ambition d’un modèle de protection sociale et d’un modèle de santé solidaires, d’un modèle qui permette l’égal accès aux soins et à l’innovation pour tous, qui garantisse aux citoyens l’équité devant la retraite et qui réponde efficacement aux besoins prioritaires des familles.

Ces choix ne sont possibles, ces choix ne sont crédibles, mesdames, messieurs les sénateurs, que si nous nous donnons les moyens de rétablir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Je sais votre assemblée très attentive à cet objectif.

En tant que ministre des solidarités, je suis particulièrement attachée à ce que nos concitoyens puissent avoir durablement confiance dans leur système de protection sociale. Or, sans équilibre des comptes, il n’y a pas de confiance possible à moyen et à long terme.

L’année 2017 verra les comptes de la sécurité sociale s’améliorer de 2,6 milliards d’euros par rapport à 2016, avec toutefois un déficit encore important de 5,2 milliards d’euros.

En 2018, le déficit devrait à nouveau se réduire de 3 milliards d’euros par rapport à 2017.

C’est une trajectoire en ligne avec l’objectif fixé par le Premier ministre dans son discours de politique générale d’un retour à l’équilibre à l’horizon de 2020.

Suivre ce chemin exigeant, c’est certes faire des choix, mais c’est aussi ouvrir à nos concitoyens la perspective nouvelle de la fin du déficit de la sécurité sociale et offrir aux jeunes générations une protection sociale débarrassée de la dette sociale accumulée au cours des vingt dernières années.

Je souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, revenir plus précisément sur les orientations de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ce PLFSS est celui de la solidarité. Il s’adresse en effet d’abord aux personnes, aux familles les plus en difficulté et pour lesquelles la solidarité nationale doit jouer en priorité.

Ma première préoccupation concerne les personnes âgées les plus pauvres. Elles sont plus d’un demi-million en France à vivre avec 800 euros par mois. Nous augmenterons donc le minimum vieillesse de 100 euros par mois, conformément aux engagements du Président de la République. Cela commencera dès le 1er avril prochain, avec une augmentation de 30 euros ; l’augmentation sera ensuite de 35 euros en janvier 2019 et de 35 euros supplémentaires en janvier 2020. À mi-mandat, le minimum vieillesse aura donc augmenté de plus de 12 %.

Je veux aussi répondre aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie et poursuivre l’adaptation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, en renforçant l’encadrement soignant : 4 500 places d’hébergement permanent et près de 1 500 places d’accueil de jour ou d’hébergement temporaire seront créées et 100 millions d’euros seront consacrés au renforcement de l’encadrement soignant.

Par ailleurs, j’ai souhaité soutenir, avec ce PLFSS, le déploiement progressif d’astreintes infirmières la nuit. Ce dispositif permet un meilleur traitement des problèmes qui peuvent survenir la nuit et évite ainsi des hospitalisations inutiles dont on sait qu’elles sont toujours très délétères pour des personnes dépendantes et fragiles.

Ce PLFSS s’adresse aussi aux familles. Je veux mettre en adéquation les priorités et les outils de la politique familiale avec les besoins des familles.

Notre pays se distingue de longue date par l’importance qu’il attache à une politique familiale large et structurée.

Cette politique affiche des réussites manifestes : un taux de fécondité parmi les plus élevés d’Europe, une participation relativement forte des femmes au marché du travail et une conciliation entre vie familiale et vie professionnelle qui doit encore progresser, mais qui est facilitée par une offre d’accueil du jeune enfant substantielle, diverse et financièrement accessible.

Mais je fais aussi le constat que la politique familiale est aujourd’hui en perte de repères quant à ses finalités et ses priorités, et que le nombre de naissance est en baisse depuis plusieurs années.

La politique familiale est un élément essentiel pour faire société et construire le monde de demain. Elle mérite que nous ayons un débat ouvert, large, sur la façon dont elle répond aujourd’hui, concrètement, aux attentes des familles : comment augmenter et améliorer les solutions de garde des jeunes enfants et prendre mieux en compte les besoins des parents qui travaillent ou recherchent un emploi ? Comment aider les familles en difficulté éducative et être plus efficace dans le soutien à la parentalité ? Comment contribuer à réduire les situations de pauvreté ? La France compte aujourd’hui trois millions d’enfants vivant dans un foyer dont les revenus se situent en dessous du seuil de pauvreté. Cette réalité, nous devons nous en saisir pour la faire évoluer, et c’est pour moi une priorité.

Ce premier PLFSS fait un choix très clair, celui d’augmenter les prestations à destination des familles les plus fragiles. Les familles nombreuses les plus pauvres bénéficieront de la hausse du complément familial majoré au 1er avril 2018 – 450 000 familles seront concernées.

Pour les familles monoparentales, qui sont souvent parmi les plus en difficulté, le montant de l’allocation de soutien familial sera revalorisé, au 1er avril également – 750 000 familles en bénéficieront. Le montant maximal de l’aide à la garde d’enfants pour les parents qui recourent à un assistant maternel, à une garde à domicile ou à une microcrèche, augmentera de 30 %.

Ce PLFSS fait des choix, dont certains peuvent faire débat, mais il s’inscrit résolument dans la perspective plus large d’une concertation menée en 2018 avec l’ensemble des parties prenantes, avec les organisations familiales, avec les parlementaires également, pour redéfinir les objectifs assignés à notre politique familiale.

Ce PLFSS, je l’ai indiqué, est aussi un PLFSS de transformation : il engage des évolutions structurelles pour les années à venir. Cette ambition de réforme concerne d’abord l’organisation de la protection sociale.

Le 1er janvier 2018, le régime social des indépendants, le RSI, sera adossé au régime général. Cette réforme part du constat, largement partagé, que le lien de confiance entre les indépendants et leur régime de sécurité sociale a été durablement altéré par les difficultés de mise en place de l’interlocuteur social unique depuis 2008.

Cette réforme s’inscrit aussi dans la perspective d’une sécurité sociale universelle, qui vise à simplifier les démarches des citoyens, quel que soit leur parcours professionnel – salarié ou travailleur indépendant – ou leur statut – je pense notamment aux étudiants. Elle est donc une nouvelle étape de la construction de notre système de protection sociale et une forme de retour aux sources de l’ambition des fondateurs de la sécurité sociale en 1945.

Je vous sais légitimement très attentifs aux conditions de mise en œuvre de la réforme. Parce que c’est une réforme ambitieuse, nous donnons le temps et les moyens nécessaires à la transformation.

Vous le savez, au 1er janvier 2018, une période de transition de deux ans sera ouverte. Cette période permettra de faire évoluer progressivement les organisations de travail et de mener un dialogue social de qualité avec les salariés et leurs représentants. Je veux redire devant vous mon attention à l’accompagnement social et professionnel des salariés du RSI, comme de ceux des organismes conventionnés qui servent les prestations d’assurance maladie.

Cette période de transition est nécessaire, elle sera même un peu plus longue pour la reprise de l’activité des organismes conventionnés qui n’interviendra qu’en 2020. Elle ne doit pas être prolongée au-delà, de façon à donner aux organisations et aux personnels un cadre pérenne de travail.

Elle n’impose pas de date butoir s’agissant de l’évolution des systèmes d’information. Le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que l’organisation mise en place permette une évolution graduée et maîtrisée de ces systèmes, dans des conditions de sécurité garanties.

Je veux enfin dire l’attachement du Gouvernement à la reconnaissance, au sein du régime général, de la spécificité de la situation des travailleurs indépendants, de façon à adapter le service qui leur est rendu.

L’ambition de transformation concerne également notre système de retraite. Le Président de la République s’est engagé à le faire évoluer pour le rendre plus juste et plus transparent. Sa rénovation devra répondre à plusieurs enjeux majeurs.

Elle redonnera de la lisibilité à un système qui s’est construit par strates successives et qui est aujourd’hui devenu complexe et opaque pour les Français.

Elle devra également assurer la pérennité de notre système de retraite et rétablir la confiance que lui portent nos concitoyens, en particulier les jeunes.

Elle permettra de redonner confiance à nos concitoyens dans son équité. Aujourd’hui, compte tenu de la diversité des régimes et des règles, un euro cotisé n’ouvre pas les mêmes droits selon le statut, la forme d’emploi ou encore le profil de la carrière de l’assuré. Cette réforme permettra donc de garantir une équité de traitement entre l’ensemble des assurés.

Enfin, elle devra permettre à chacun de mener des carrières nécessairement plus diversifiées qu’elles ne l’ont été dans le passé, entre statuts et régimes, sans craindre l’impact de ces choix sur ses droits à retraite.

Ce projet ambitieux, nous le mènerons avec Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, dans le cadre d’une démarche exemplaire de concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

L’ambition de transformation concerne enfin le champ de la santé. Je construis, vous le savez, la stratégie nationale de santé pour les cinq prochaines années. Je ferai connaître, en décembre prochain, les orientations précises que je retiendrai au terme de plusieurs mois de consultations et d’une grande concertation publique qui s’est ouverte mardi dernier. Ces orientations serviront de cadre à l’élaboration d’un plan national de santé et de plans régionaux de santé, au printemps.

Cette stratégie privilégie quatre axes : la prévention, l’égal accès aux soins, l’innovation et la pertinence et la qualité des soins.

Je souhaite évoquer d’abord la prévention, parce qu’elle est au centre de mon action.

Notre système de santé est un système de soins performant. En revanche, c’est un système de prévention défaillant, à tout le moins perfectible. Les résultats médiocres que nous affichons pour certains indicateurs – je pense notamment à la mortalité avant l’âge de 65 ans – illustrent cette défaillance. C’est aussi la principale source des inégalités sociales que notre système de santé ne parvient pas à corriger.

Nous devons avoir comme première priorité de changer cet état de fait, de systématiser les démarches de prévention dès le plus jeune âge, de faire en sorte qu’elles soient davantage prises en compte par les professionnels de santé dans leur pratique et que la prévention et la promotion de la santé deviennent une part intégrante des objectifs de nos politiques publiques et des acteurs de notre société civile.

Je me réjouis profondément de l’intérêt que suscite cette approche au sein de votre assemblée. Je crois que nous pouvons partager collectivement, et de façon transpartisane, dans cet hémicycle, la volonté d’un changement de méthode, d’une ambition renouvelée pour la politique de santé et même d’un réel changement de paradigme dans la conduite des politiques publiques.

Ce PLFSS comporte, vous le savez, deux mesures très fortes et emblématiques de cette démarche. Nous souhaitons rendre obligatoires pour les jeunes enfants onze vaccins qui étaient jusqu’à présent, pour huit d’entre eux, simplement recommandés. Nous ne pouvons pas accepter une situation où des personnes, des enfants, sont victimes de maladies qui peuvent être évitées par la vaccination.

Entre 70 % et 80 % des enfants français reçoivent déjà ces onze vaccins. Il ne s’agit donc pas d’un bouleversement majeur des habitudes ni des attitudes vaccinales. Mais ce taux est malheureusement insuffisant pour obtenir une couverture vaccinale efficace, car il laisse la possibilité que se développent des situations épidémiques ayant des conséquences graves. Il revient donc à la puissance publique de prendre ses responsabilités. Vacciner son enfant, c’est le protéger, mais c’est aussi protéger les autres. Je veux insister sur la dimension profondément solidaire et altruiste du geste de la vaccination.

Ce PLFSS prévoit également une augmentation très importante des prix du tabac, sur trois ans, avec une première étape significative dès 2018 et une hausse de 1 euro par paquet.

Nous avons un problème particulier avec le tabagisme : nos jeunes fument plus que dans les pays voisins et le tabagisme des femmes est particulièrement élevé en France. Le résultat, c’est près de 80 000 morts par an. Ce sont surtout des vies abrégées, des souffrances importantes que l’on pourrait éviter.

Je l’ai déjà dit, il n’y a pas plus de fatalité dans ces morts qu’il n’y avait de fatalité dans la mortalité sur nos routes. Le prix du tabac, c’est un fait constaté, documenté, est un paramètre important du comportement des fumeurs : il faut donc agir sur ce levier. Ce n’est bien sûr pas le seul et je ferai connaître, dans le cadre du plan national de santé, les mesures de prévention et d’incitation que je souhaite mettre en place pour aider les fumeurs à s’arrêter.

J’ai déjà eu l’occasion de rappeler le dialogue très constructif que j’ai eu avec Gérald Darmanin pour progresser vers cet objectif de santé publique majeur. Je veux affirmer devant vous mon égale détermination à soutenir la lutte contre les marchés parallèles, légaux ou illégaux, dans le cadre national comme dans le cadre européen, et à veiller, toujours à l’échelon européen, à la mise en place d’un système de traçabilité efficace et indépendant.

L’Assemblée nationale a également souhaité, avec un soutien très large des différentes familles politiques, faire évoluer la taxation des boissons sucrées pour inciter les producteurs à réduire leur teneur en sucre.

Le Gouvernement soutient cette initiative et partage le constat de l’importance d’une politique résolue et constante visant à réduire l’obésité et le surpoids.

La consommation de boissons sucrées est un vecteur notable de la consommation excessive de sucre, notamment chez les plus jeunes. Il m’apparaît dès lors nécessaire et légitime de renforcer la prise de conscience collective autour des enjeux d’une alimentation équilibrée et d’inciter les acteurs de ce secteur à agir en ce sens.

Je veux dire enfin mon attachement à une meilleure prévention du cancer, dont j’ai souhaité renforcer l’efficacité pour les jeunes femmes par le vote, à l’Assemblée nationale, d’un amendement visant à mettre en place une consultation gratuite à partir de 25 ans.

Le deuxième axe de la stratégie nationale de santé concerne l’égalité d’accès aux soins. Les Français y sont légitimement très attachés, car c’est le fondement de notre modèle social. Je veux améliorer concrètement l’accès aux soins.

Les difficultés sont d’abord liées au montant des restes à charge. C’est en particulier vrai, de longue date, dans trois domaines du soin : l’optique, le dentaire et les audioprothèses, où l’assurance maladie couvre moins bien la dépense, où les assureurs complémentaires ont parfois pris le relais, mais où, globalement, le reste à charge pour le patient est très élevé.

Cette situation est le fruit de l’histoire, d’arbitrages successifs qui ont conduit à créer des « angles morts » de la protection sociale, pour des soins ou des prestations qui rendent pourtant un service important aux patients et réduisent le risque de « bascule » dans la dépendance. Il n’y a pas de fatalité à ce qu’il en soit toujours ainsi.

C’est pourquoi j’ai commencé le travail et la concertation pour aboutir à un reste à charge « zéro » dans les domaines de l’optique et des audioprothèses, en sus des négociations entamées à la mi-septembre dans le secteur dentaire. Ces travaux devront aboutir, en tout état de cause, avant la fin du premier semestre de 2018.

Permettez-moi, dans ce contexte, d’évoquer le tiers payant. Vous le savez, le récent rapport que l’IGAS – l’Inspection générale des affaires sociales – m’a remis a conclu que la généralisation du tiers payant à la date du 30 novembre prochain, telle que la prévoyait la loi du 26 janvier 2016, était irréaliste.

J’en ai tiré les conclusions en proposant au Parlement de lever cette obligation. Le tiers payant restera bien entendu obligatoire là où il s’applique déjà et où il fonctionne bien, c’est-à-dire pour les personnes souffrant d’une affection de longue durée, ou ALD, prise en charge à 100 %, pour les femmes enceintes ou pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et de l’aide à la complémentaire en santé.

Mais je veux vous dire également mon attachement à ce que le tiers payant se généralise pour les consultations médicales, comme cela a été le cas pour les médicaments, et ma détermination à faire aboutir les travaux qui permettront de rendre le système simple d’utilisation pour les professionnels.

Le Gouvernement s’est engagé à présenter au Parlement, d’ici au 31 mars 2018, un calendrier de déploiement opérationnel du tiers payant intégral dans des conditions techniques fiabilisées. À cette date, nous identifierons également des publics prioritaires, au-delà des publics déjà couverts, pour lesquels un accès effectif au tiers payant intégral devrait être garanti.

Nos concitoyens sont également de plus en plus préoccupés par l’égal accès aux soins sur le territoire, et je sais la Haute Assemblée fortement mobilisée sur cette question. J’ai présenté, le 13 septembre dernier, avec le Premier ministre, un plan pour renforcer l’égal accès aux soins.

Le constat que nous pouvons faire, c’est que nous n’avons pas su assez anticiper l’évolution de l’exercice médical, des attentes des nouvelles générations de médecins et surtout le fait que l’évolution du profil des patients nécessite une prise en charge par des équipes de soins composées du médecin et d’autres professionnels de santé.

Je ne crois ni la coercition ni à l’obligation. Il n’y a pas une solution unique aux difficultés que rencontrent nos concitoyens, mais des solutions, adaptées à chaque territoire, et portées par les acteurs de terrain.

Il faut « promouvoir l’innovation en santé dans les territoires », comme les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny l’ont préconisé dans leur rapport, donner à ces acteurs de terrain le maximum de possibilités d’organisation, libérer du temps médical en levant les freins administratifs, notamment en favorisant le cumul emploi-retraite, les remplacements, les consultations avancées et l’exercice coordonné sous toutes ses formes. Tel est le sens du plan d’action que nous avons bâti et qui devra continuer à être enrichi, avec la contribution des élus, au cours de la mandature.

En appui de ce plan, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la généralisation de l’usage de la téléconsultation et de la téléexpertise, en les sortant de leur cadre expérimental.

S’agissant maintenant de l’innovation et de la pertinence des soins, je veux en particulier faciliter l’expérimentation de formes nouvelles d’organisation et de rémunération. Elles permettront de dépasser les logiques sectorielles ville-hôpital, de rémunérer par exemple au forfait des séquences de soins, de prendre en compte la prévention, ainsi que la pertinence des actes réalisés.

Je vous proposerai donc d’adopter, à l’article 35 de ce projet de loi, un cadre général, valable pour le quinquennat, qui permettra de lancer et d’évaluer ces expérimentations. Elles pourront être financées par un fonds d’innovation qui sera abondé en tant que de besoin par l’assurance maladie.

Mon objectif, à terme, est bien de faire évoluer et de compléter les dispositifs actuels de rémunération, à savoir la rémunération à l’acte et la tarification à l’activité. Je suis en effet convaincue que le levier tarifaire est un levier fondamental de l’évolution de notre système de santé vers plus de prévention, de coopération entre professionnels et de pertinence des soins.

Je sais, monsieur le président Milon, monsieur le rapporteur général, que nous partageons l’idée selon laquelle la pertinence des soins est un enjeu majeur pour notre système de santé. Je veux vous dire ma disponibilité pour travailler de concert à ce que les professionnels et les organisations prennent mieux en compte cet objectif.

Je veux terminer en évoquant l’évolution de la dépense d’assurance maladie, et donc l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Il sera fixé à 2,3 %.

Ce taux est conforme à l’engagement du Président de la République. Il est supérieur à celui des trois années précédentes et permettra de consacrer 4,4 milliards d’euros supplémentaires à la couverture des soins.

Il prend en compte des engagements déjà souscrits, comme la convention médicale, signée en 2016, dont l’impact, déjà important en 2017, le sera plus encore en 2018. C’est pourquoi le sous-objectif des soins de ville, fixé à 2,4 %, sera supérieur au taux global de l’ONDAM. J’estime que cette convention va dans le sens des orientations que je porte : elle valorise mieux l’action des généralistes et prend mieux en compte, notamment, les actes complexes ou réalisés dans des situations d’urgence.

L’évolution des ressources des établissements de santé sera fixée pour sa part à 2,2 %, du fait de l’apport que constituera pour les établissements de santé le relèvement de 2 euros du forfait journalier.

Par ailleurs, 400 millions d’euros seront dédiés à l’investissement immobilier et numérique. Près de 600 millions d’euros seront consacrés à l’augmentation des dépenses de la liste en sus, liée à l’arrivée des nouvelles classes thérapeutiques innovantes. Des mesures nouvelles, financées à hauteur de plus de 200 millions d’euros, permettront de mettre en œuvre des actions indispensables dans le cadre de nos politiques publiques, visant notamment à mieux faciliter l’accès aux soins des populations précaires.

Enfin, le Fonds d’intervention régional, le FIR, sera augmenté de 3,1 %. Il doit être, avec le fonds d’innovation que j’évoquais précédemment, le support d’une politique de transformation au plus près du terrain.

Un taux d’ONDAM de 2,3 % reste un taux exigeant. Cela doit nous inviter à poursuivre la réorganisation de notre offre de soins et à orienter toujours plus notre offre de santé vers la pertinence : plusieurs dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient des actions en ce sens.

Nous devons également, pour les prestations de santé comme sur l’ensemble du champ de la sécurité sociale, être vigilants pour détecter et juguler la fraude. Nous avons formulé des propositions en ce sens dans le cadre de ce projet de loi.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons voulu, avec ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat, donner du sens et des perspectives.

Donner du sens, c’est mettre en œuvre, pour nos concitoyens, des réformes concrètes et faire des choix. Donner des perspectives, c’est engager des réformes en profondeur et bouger les lignes pour faire progresser notre collectivité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il s’agisse des ressources de la protection sociale, de son organisation ou des défis à relever pour la moderniser dans la période qui s’ouvre, ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat est porteur de réformes significatives. Nous attendons avec intérêt, madame la ministre, les projets que vous avez évoqués concernant l’accès aux soins et, notamment, la réforme des retraites.

Face à l’allongement de l’espérance de vie, au vieillissement, à la dépendance, au développement des maladies chroniques, mais aussi des thérapies personnalisées et des prises en charge innovantes, nous ne pourrons plus injecter de nouvelles recettes sans mettre à mal le pouvoir d’achat des actifs et la compétitivité des entreprises.

C’est donc dans la pertinence des actes et des prises en charge, dans la maîtrise médicalisée des dépenses, dans la recherche du meilleur soin au meilleur coût et au bon moment pour le patient que nous trouverons les ressources nécessaires pour faire de la place à l’innovation et aux besoins sociaux de la population. Le dossier médical partagé, le DMP, tant attendu, pourra y contribuer.

Le Sénat tient ce discours, et le répète, depuis longtemps. Je suis heureux, madame la ministre, de le voir enfin entendu, lorsque vous reprenez à votre compte l’impératif de la lutte contre les actes inutiles. Enfin, la politique du rabot, qui nuit tant à nos hôpitaux, cède la place à la recherche de l’efficience ! Bien sûr, c’est plus difficile, cela bouscule un peu les positions acquises. Mais vous nous trouverez à vos côtés dans cet engagement, parce que c’est l’avenir de notre système de protection sociale, au cœur de l’identité de notre pays, qui est en jeu.

La stratégie de santé que vous proposez affiche une autre priorité, la prévention. Nous trouvons, notamment dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, des taxes comportementales sur le tabac et les boissons sucrées, qui répondent à cet objectif et que nous approuvons.

Pour ce qui concerne les ressources de la sécurité sociale, la CSG est réaffirmée comme l’impôt de la protection sociale, en substitut de cotisations salariales, avec, à la clé, pour les actifs, plusieurs milliards d’euros de gains de pouvoir d’achat. Notre commission partage le constat selon lequel il convient de diversifier les recettes de la sécurité sociale, afin que son coût ne repose pas uniquement sur le travail. Mais cette réforme a été mal expliquée et, par conséquent, mal comprise. Seule l’augmentation de la CSG a été retenue parmi les annonces, en raison, notamment, du sort fait à certaines catégories de retraités, qui ne bénéficient ni de l’exonération ni du taux réduit.

À titre personnel, je l’ai dit en commission des affaires sociales, je ne suis pas hostile à une convergence progressive de la CSG des retraités et des actifs, dans la mesure où les niveaux de vie sont aujourd’hui comparables. Mais cette hausse n’est pas une convergence ; elle est perçue comme injuste et punitive, notamment pour les tranches supérieures, lesquelles ne bénéficieront d’aucune compensation, par exemple par le biais de la suppression de la taxe d’habitation.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales a marqué son opposition à cette mesure, et vous engage à explorer d’autres pistes, moins stigmatisantes.

Après les ménages, le texte s’adresse aussi aux entreprises, avec la baisse des cotisations pour les indépendants, l’année blanche pour les créations d’entreprises et la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en réduction de cotisations sociales.

Cette dernière s’opère par une réduction de 6 points du taux de cotisation maladie jusqu’à 2,5 SMIC. Le coût de cette mesure serait de 21,6 milliards d’euros. Elle se traduit également par un approfondissement des allégements généraux de cotisations au voisinage du SMIC, qui concernerait les contributions patronales d’assurance chômage et les cotisations aux régimes complémentaires de retraite. Au niveau du SMIC, les cotisations seraient donc résiduelles. Cet approfondissement des allégements généraux représente 3,3 milliards d’euros.

En 2019, les entreprises bénéficieront donc du versement du CICE dû au titre de 2018 et des réductions de cotisations, ce qui représente un effort plus que significatif.

Pour les entités bénéficiaires du crédit d’impôt de taxe sur les salaires, le CITS, – je pense notamment à l’aide à domicile –, le gain est de 800 millions d’euros.

Le positionnement des allégements sur les bas salaires a paradoxalement donné lieu à peu de débats, alors que les effets sectoriels de ces choix ne sont pas négligeables : les allégements généraux sur les bas salaires bénéficient prioritairement à des entreprises de petite taille, dans des secteurs peu exposés à la concurrence internationale. Ils ne profitent que faiblement à l’industrie.

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est exprimé sur la nécessité de réfléchir aux prélèvements sociaux sur les salaires plus élevés, et notre commission souhaite que ce débat soit ouvert.

La transformation du CICE nous offre l’occasion de revisiter toute une série de dispositifs sectoriels de réductions de cotisations. La réduction des fameuses « niches sociales » est un serpent de mer, et les tentatives, anciennes ou récentes, se sont soldées par des échecs : le cadre général étant désormais très incitatif sur les bas salaires, il serait souhaitable qu’elle aboutisse enfin.

S’agissant de la protection sociale des travailleurs indépendants, la commission des affaires sociales a pris acte du principe de l’intégration du RSI au régime général, tout en mettant en garde le Gouvernement. Sur ce sujet sensible, nous n’avons plus le droit à l’erreur, madame la ministre. Il faut apprendre de celles du passé ! Cette réforme exige un portage politique sans relâche, des systèmes d’information efficaces et, surtout, une attention constante aux acteurs de cette protection sociale, qu’il s’agisse des salariés du régime ou des indépendants, aux attentes légitimes. Pour reprendre les mots de nos collègues Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy, il faut restaurer la confiance. Vous trouverez notre commission vigilante sur ce dossier. Elle a adopté plusieurs amendements, qui soulèvent autant de questions sur lesquelles nous souhaitons que vous puissiez vous engager : l’accueil des travailleurs indépendants dans le nouveau schéma, le pilotage de la réforme, les systèmes d’information ou encore l’assiette des cotisations et leur paiement.

S’il est une population pour laquelle le prélèvement à la source a du sens, ce sont bien les travailleurs indépendants, dont les revenus se caractérisent par une forte volatilité.

Il faut traiter ces questions, faute de quoi la réforme passera à côté des sujets de préoccupation des indépendants et risque de décevoir. Plus encore, elle est le test de la capacité de ce gouvernement à réformer notre protection sociale. Nous n’oublions pas que se profile ensuite la réforme des retraites.

Ces différentes réformes et la perspective d’un retour à l’équilibre des comptes sociaux ne doivent pas faire oublier les déficits passés, qui représenteront 21,3 milliards d’euros, portés par l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, à la fin de l’année 2018.

S’agissant de la dette sociale n’ayant pas été transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, faute de contreparties suffisantes pour l’amortir, notre commission est particulièrement mobilisée. Les montants en jeu sont importants, alors que l’équilibre n’est pas acquis. Ils sont portés en trésorerie et potentiellement exposés à l’augmentation des taux d’intérêt à court terme.

Pour ce qui concerne cette dette, les intentions du Gouvernement sont à clarifier. Il a été indiqué devant notre commission que les excédents futurs des différentes branches viendraient la résorber à partir de 2019. Dans le même temps, le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit le plafonnement de l’excédent des comptes sociaux à partir de 2019, légèrement au-dessus du niveau de l’amortissement opéré par la CADES, dont le montant s’élève encore à 131 milliards d’euros. Ainsi n’y aura-t-il pas de marge de manœuvre pour résorber la dette supplémentaire de l’ACOSS.

Notre commission s’interroge très fortement sur l’opportunité d’une telle démarche, et même sur sa rationalité économique. La dette sociale est une anomalie qu’il convient de faire disparaître au plus vite. Si notre commission est tout à fait prête à un débat sur les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, le maintien de la dette sociale à court terme, en raison du transfert à l’État des excédents sociaux, ne lui paraît pas de bonne politique.

Telles sont les principales observations que je souhaitais faire, au nom de la commission des affaires sociales, sur ce PLFSS.

Dans la crise de défiance que nous vivons, il faut faire la démonstration de notre capacité à retrouver et à conserver l’équilibre des comptes sociaux, à assurer la pérennité du système de retraite, grâce à la réforme systémique que le Sénat appelle de ses vœux, et à garantir la transparence et l’équité du système de soins. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale trace quelques pistes, forcément insuffisantes, parfois risquées, encore à consolider, mais que notre commission souhaite encourager.

C’est pourquoi, sous réserve de l’adoption des amendements qui vous seront présentés par les rapporteurs, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Deroche, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’assurance maladie représente près de 200 milliards d’euros de dépenses, dont la croissance naturelle demeure dynamique et le restera. Elle porte également une part prépondérante du déficit des comptes sociaux.

Dans ce contexte, la trajectoire de retour à l’équilibre de la branche est un objectif que, bien entendu, nous partageons, bien qu’il s’agisse, nous le savons, d’un objectif exigeant. Il implique, dans la durée, des changements plus profonds que de simples ajustements, vécus chaque année dans la tension par les acteurs du système de santé. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale laisse, à cet égard, nombre d’observateurs interrogatifs, tant les attentes sont fortes.

Sans que le texte traduise encore des choix stratégiques, la commission des affaires sociales a estimé qu’il présentait, s’agissant de la branche maladie, des inflexions positives. Elle a ainsi salué l’accent porté sur la prévention, l’innovation et la pertinence des soins. Elle a apporté son soutien à l’extension de la vaccination obligatoire des jeunes enfants, comme au renforcement de la fiscalité du tabac. Elle a également approuvé le cadre expérimental pour l’innovation et le déploiement tant attendu de la télémédecine, qui apportera une réponse – ce ne sera pas la seule – aux enjeux de l’accès aux soins.

Notre système de santé ne se transformera pas sans la confiance de ses acteurs de terrain et, en premier lieu, des professionnels de santé. Les expérimentations devront offrir un cadre souple, associer l’ensemble des acteurs, soutenir les initiatives locales, pour déboucher, nous le souhaitons, sur des évolutions pérennes. Tel est le sens de plusieurs amendements que je présenterai.

Dans le même objectif d’accompagnement de l’innovation, la commission a souhaité rétablir la procédure accélérée d’inscription des actes à la nomenclature, tout en préservant le rôle dévolu aux professionnels de santé.

Elle a aussi regretté que les enjeux de l’accès précoce des malades aux traitements innovants soient absents du texte. Des adaptations du dispositif des autorisations temporaires d’utilisation, les ATU, sont souhaitées par les professionnels médicaux, en particulier pour faciliter les extensions d’indications. Les règles de recevabilité financière ne me permettent pas de proposer une telle évolution. Toutefois, je présenterai un ajustement plus technique sur cette question. Madame la ministre, pourrez-vous nous préciser vos intentions sur ce sujet, qui mériterait, me semble-t-il, une remise à plat globale ?

En ce qui concerne la maîtrise des dépenses de santé, la commission apprécie et soutient l’approche fondée sur la pertinence des soins. Cependant, sa traduction dans le texte demeure encore trop partielle et, parfois, discutable.

S’agissant ainsi de la régulation du dispositif médical, la commission a jugé nécessaire d’adapter les mesures proposées à la réalité de ce secteur économique, car il est important de ne pas fragiliser le tissu des petites entreprises. Ce sont des acteurs essentiels en matière de prise en charge en ambulatoire que vous souhaitez, à raison, consolider.

Pour terminer, je formulerai trois remarques.

La commission salue, madame la ministre, votre décision pragmatique sur le tiers payant. Sachez que nous restons opposés à toute obligation au-delà des publics prioritaires.

La confiance des professionnels de santé est aussi en jeu dans les discussions en cours avec les chirurgiens-dentistes. Vous savez notre attachement à la négociation conventionnelle. La commission a validé le report du règlement arbitral, à laquelle elle s’était toujours opposée, mais elle sera attentive à ce que les engagements pris soient tenus. Pourrez-vous nous donner, madame la ministre, au cours des débats, des assurances à ce sujet ?

Enfin, le plan que vous avez annoncé en faveur de l’accès aux soins est très attendu dans nos territoires. Je souhaite à cet égard attirer votre attention sur les complémentarités nécessaires entre les établissements publics et privés de santé. La possibilité, pour ces derniers, de se voir confier des missions de service public serait une reconnaissance fortement attendue de leur rôle dans l’offre de soins. Pourrez-vous nous faire part de vos orientations sur cette question ?

Telles sont les observations que je souhaitais formuler concernant l’assurance maladie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Bonne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec honneur et gravité que je rapporte pour la première fois devant vous les crédits consacrés par l’assurance maladie au financement du secteur médico-social.

Les chiffres peuvent a priori paraître satisfaisants. Un ONDAM médico-social à 20,5 milliards d’euros, en progression de 2 % par rapport à 2017, confirme l’effort entrepris en faveur des publics handicapés et en perte d’autonomie. Les autres produits affectés au financement des dépenses de soins en établissement, essentiellement de nature fiscale, ne peuvent faire l’objet de la même prévision, mais on anticipe pour l’ensemble de ces dépenses un montant global de 22 milliards d’euros en 2018.

Le Sénat maintiendra sa vigilance quant au suivi de ces dotations. Trop de mesures nouvelles ont été annoncées sans connaître de réalisation effective au cours des exercices précédents pour que nous placions une confiance aveugle dans les 515 millions d’euros supplémentaires promis par le Gouvernement.

Nous serons attentifs à ce que les plans de création de places voient le jour et que leur lancement subisse moins d’entraves administratives. Certes, le Gouvernement y veille en partie par l’introduction de la caducité partielle, mais nous devrons pousser plus loin la réflexion en questionnant en profondeur le modèle des appels à projets et l’extension de leur champ d’exonération.

La restructuration de l’offre médico-sociale est l’un des plus grands défis de ces prochaines années. C’est un chantier engagé depuis quelques années par des gouvernements qui ont rénové par retouches successives les modes de tarification des établissements, soumettant certains d’entre eux, ainsi que leur régime contractuel, à de brusques déséquilibres budgétaires.

Ces réformes, qui approfondissent la responsabilisation des gestionnaires, vont dans le bon sens ; nous les accueillons favorablement. Mais nous aurions préféré qu’elles fassent l’objet d’une concertation préalable de grande ampleur, en associant étroitement les acteurs des secteurs du grand âge et du handicap, plutôt que d’être glissées par fragments, de PLFSS en PLFSS, sans qu’aucun discours pédagogique vienne rassurer les gestionnaires ou les familles. L’attention très récemment portée par les médias à ces questions ne vous a-t-elle pas convaincue, madame la ministre, de l’impérieuse nécessité de parler, de partager, de communiquer sur ces réformes, au lieu de les concevoir dans l’ombre des cabinets et des administrations ?

Aujourd’hui, ce sont les EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui sont dans l’inquiétude. Nombre d’entre eux, particulièrement au sein du secteur public, s’estiment lésés par la réforme de la dotation à l’autonomie, conduite dans une opacité regrettable s’agissant de mesures en apparence paramétriques, mais aux incidences bien réelles.

Ce n’est que cet été que les acteurs de la prise en charge du grand âge ont pris conscience des retombées fâcheuses qu’un décret de décembre 2016 pouvait avoir sur leur budget. Entre-temps, les enquêtes menées par vos services ont apporté quelques éléments susceptibles de les rassurer ; quelques défauts méthodologiques ont néanmoins été soulevés et la représentation nationale ne s’estime pas totalement apaisée sur ce point.

Pouvez-vous réaffirmer aujourd’hui devant nous, madame la ministre, que les pertes subies par les EHPAD publics seront intégralement couvertes par les financements d’appui de 28 millions d’euros que vous annoncez ? Pouvez-vous garantir que cette réforme ne nous fera pas à terme courir le risque d’une déshabilitation massive à l’aide sociale ?

La commission des affaires sociales du Sénat a souhaité, pour sa part, contribuer à la lisibilité de la réforme de l’offre médico-sociale, en accompagnant le mouvement de contractualisation pluriannuelle et en sécurisant le régime de la caducité partielle. Elle a également apporté quelques modifications substantielles à la participation des conseils départementaux au secteur médico-social, en favorisant la fongibilité entre les deux tranches de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, et en permettant un rapprochement des CLIC, les centres locaux d’information et de coordination, et des MAIA, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales se félicite tout d’abord de la bonne santé financière de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Cette dernière est en effet bénéficiaire, ce qui est toujours encourageant. Il est vrai que les entreprises sont à l’origine, par leurs cotisations, de la totalité des recettes. Ainsi, malgré de nouvelles dépenses mises à sa charge, le solde prévisionnel de la branche s’élèverait à 500 millions d’euros en 2018. Ce résultat est d’autant plus remarquable que son financement repose intégralement, je le répète, sur les employeurs, qui ont consenti des efforts répétés ces dernières années pour apurer la dette. Car celle-ci, je le rappelle, ne fait pas l’objet de reprises par la CADES, contrairement à ce qui s’est passé pour les autres branches.

Compte tenu de cette situation, nous regrettons que les mesures nouvelles pour la branche AT-MP demeurent finalement assez timides, même s’il s’agit d’avancées auxquelles nous ne pouvons qu’être favorables et même si les résultats obtenus en matière de sinistralité sont très encourageants. Je le rappelle, on dénombre 33,8 accidents pour 1 000 salariés et le nombre d’accidents du travail est dix fois moins élevé qu’il y a cinquante ans. Des efforts importants ont donc été réalisés par l’ensemble des employeurs et des employés.

Une partie grandissante des ressources de la branche AT-MP est en fait consacrée à des transferts vers d’autres branches ou vers des fonds. Elle est en particulier le principal financeur des dispositifs mis en place pour les victimes de l’amiante, l’État s’étant de son côté clairement désengagé, ce que nous déplorons. En effet, je le rappelle, l’État a sa propre responsabilité, non seulement en tant qu’employeur, mais aussi pour son rôle dans le domaine régalien, l’interdiction de l’utilisation de l’amiante ayant été très tardive.

À lui seul, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, a été doté de 5,6 milliards d’euros depuis sa création, dont 5,1 milliards d’euros en provenance de la branche AT-MP. Pour la première fois, les dépenses d’indemnisation ont connu en 2016 une baisse, que l’exercice 2017 semble confirmer. Vingt ans après le début de l’interdiction de l’usage de l’amiante, une telle inflexion pourrait indiquer le passage d’un cap : compte tenu du délai de latence des maladies liées à l’amiante, les études épidémiologiques prévoyaient un pic des demandes en 2020. Avec une légère avance par rapport aux prévisions, ce pic pourrait donc être aujourd’hui dépassé, ce qui est encourageant.

La situation du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, n’appelle pas de remarques particulières. Je souligne simplement que le nombre de ses allocataires diminue également.

Notre commission vous proposera néanmoins un amendement visant à renforcer l’information des personnes ayant demandé l’inscription d’un établissement sur la liste des employeurs ouvrant droit à l’ACAATA, l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante - et non « la cata » !... Il s’agit d’une mesure adoptée par le Sénat l’année dernière, mais qui avait été supprimée par l’Assemblée nationale malgré l’avis contraire de nos collègues de la commission des affaires sociales.

Au total, les dépenses de la branche AT-MP au titre des fonds Amiante ont désormais plutôt tendance à diminuer. Tel n’est pas le cas des dépenses durablement générées pour la branche par la réforme du compte pénibilité, le 1er octobre dernier. La montée en charge de ce dispositif, dont la gestion et le financement seront tous deux dorénavant assurés par la branche AT-MP de la CNAMTS, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, fait encore l’objet de nombreuses incertitudes.

Il semble d’ailleurs que la CNAMTS ait pris connaissance assez tardivement du transfert envisagé par le Gouvernement ; l’évaluation de l’impact financier de la mesure demeure peu approfondie. La branche sera probablement confrontée à une hausse importante des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles.

En outre, si la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, avait mis en place un dispositif d’ouverture et de gestion des droits, elle n’avait pas développé l’activité de prévention en entreprise. Tout l’enjeu sera d’y affecter les moyens nécessaires et d’éviter de rester dans une simple logique de réparation. Dans ce domaine, madame la ministre, veillons à ce que les efforts d’économies demandés à la branche AT-MP de la CNAMTS n’obèrent pas sa capacité d’action.

Enfin, notre commission s’interroge une nouvelle fois sur l’avenir du versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP. Ce transfert, qui s’élève à 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas rien, est entièrement financé par des ressources mutualisées entre les employeurs. Les limites de l’exercice d’évaluation, qui débouche sur un mécanisme par nature inflationniste, sont connues. En outre, au regard de la progression continue du transfert, il est permis de s’interroger sur la réalité des efforts engagés pour lutter contre la sous-déclaration.

Au-delà de 2018, le PLFSS prévoit la poursuite de la croissance des excédents de la branche AT-MP. Il paraît légitime d’en tirer les conséquences pour les employeurs, en engageant une décroissance des taux de cotisation.

Il nous faudra cependant être vigilants concernant l’avenir des dépenses mutualisées, afin d’éviter qu’elles ne fragilisent les fondements assurantiels de ce système centenaire, qui a su s’adapter aux évolutions de la société et auquel notre commission des affaires sociales a toujours été très attachée.

En vous remerciant de votre attention, mes chers collègues, je vous engage à voter les objectifs de dépenses de la branche AT-MP pour 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’agissant de la branche vieillesse, mon propos se bornera, dans le temps qui m’est imparti, à poser trois questions à Mme la ministre, au nom de la commission des affaires sociales.

La première concerne la dégradation des perspectives financières du système de retraites. À l’horizon de 2021, le solde des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, se dégrade spectaculairement, alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoyait un retour à l’équilibre en 2020.

Le déficit passera de 2,1 milliards d’euros en 2018 à 4,7 milliards d’euros en 2021. Après la présentation abusivement optimiste des comptes l’an dernier, ce PLFSS remet les pendules à l’heure. Il dévoile un besoin de financement qui, sans être catastrophique, n’en demeure pas moins, me semble-t-il, inacceptable pour les générations futures, d’autant que les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites, le COR, montrent qu’à réglementation inchangée, le système de retraites demeurerait déficitaire d’environ 0,5 point de PIB – ça fait quand même un peu de sous ! – jusqu’en 2040 au moins.

Enfin, le comité de suivi des retraites a, pour la première fois depuis sa création, recommandé au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ramener le système de retraites sur une trajectoire d’équilibre.

Aucune mesure de ce PLFSS ne répond à l’enjeu financier, excepté le nouveau décalage de la revalorisation des pensions, qui ferait économiser environ 340 millions d’euros en 2018.

Madame la ministre, comment comptez-vous répondre au comité de suivi des retraites ? Vous êtes bien sûr consciente qu’une réforme, même systémique, ne nous dispensera pas de prendre des mesures pour combler ce besoin de financement. Il y a deux ans, le Sénat avait proposé de porter à 63 ans l’âge légal de départ, et d’accompagner ainsi l’accord courageux des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO signé en 2015. Nous prêchions à l’époque dans le désert. Qu’en sera-t-il sous ce quinquennat ?

Notre deuxième source d’inquiétude, madame la ministre, concerne le Fonds de solidarité vieillesse, dont le Sénat a suivi de près les évolutions grâce à ses rapporteurs de renom, Gérard Roche et Catherine Génisson. Les gouvernements successifs se sont accommodés du déficit de ce fonds, modifiant d’année en année ses recettes ou ses charges, à la faveur d’un jeu de tuyauterie habituel en matière de sécurité sociale.

En 2018, il affichera encore un déficit de 3,4 milliards d’euros, proche de ceux de 2016 et de 2017, alors même que la dernière loi de financement de la sécurité sociale, en lui retirant progressivement le financement du minimum contributif, le MICO, allégeait ses charges de 1 milliard d’euros pour 2017 et de près de 800 millions d’euros supplémentaires pour 2018.

Deux dispositions nous laissent craindre que votre gouvernement, madame la ministre, n’utilise lui aussi le FSV comme un agent de trésorerie des régimes de retraite.

L’article 18 le prive de 500 millions d’euros de recettes en lui retirant le prélèvement de solidarité sur les revenus du capital et en ne compensant que partiellement cette perte par une part de la hausse de la CSG. En outre, la revalorisation du minimum vieillesse sur trois ans, sans affectation de recettes supplémentaires – vous en êtes bien d’accord, madame la ministre –, creusera son déficit d’environ 115 millions d’euros en 2018 – vous le dites vous-même ! – et de 525 millions d’euros en 2020. Ainsi, l’une des mesures phares du Président de la République à destination des retraités les plus modestes n’est tout simplement pas financée, ou l’est par la dette !

Quant à la dette du FSV, portée par l’ACOSS, elle se creuse : 11 milliards d’euros en 2018, plus de 15 milliards en 2021. Il faudra profiter de la réforme à venir pour remettre à plat le circuit de financement des prestations de solidarité, en redonnant du sens au FSV. À défaut, nous pourrions aussi bien réfléchir à sa suppression !

Notre troisième et dernière inquiétude concerne la situation des retraités. Entre la hausse du taux de la CSG sans compensation directe – seuls les actifs bénéficient d’une telle compensation – et l’« année blanche » pour la revalorisation des pensions en 2018, l’effort actuellement demandé aux retraités est substantiel.

Mettre les retraités à contribution constitue l’un des trois leviers classiques pour équilibrer les retraites, avec la hausse des cotisations et l’allongement de l’activité. L’orientation prise dans ce PLFSS augure-t-elle des choix à venir au titre de la réforme des retraites ?

Le débat qui s’annonce s’agissant de cette réforme sera passionnant, mais difficile. Le Sénat est prêt à y participer pleinement.

Nous avons déjà rencontré le haut-commissaire aux retraites, et nous voulons vous rappeler, madame la ministre, notre adhésion à un certain nombre de convictions que semble partager le Gouvernement : nous sommes attachés au régime par répartition, qui est l’une des principales composantes de notre modèle de solidarité intergénérationnelle, et persuadés de l’intérêt d’un système par comptes notionnels ou par points.

Ce dernier reste à définir, mais il permettrait de simplifier un paysage morcelé – régime universel ne veut pas dire régime unique, rappelons-le. Nous devons réussir à réfléchir à cette question de façon apaisée, en ayant bien à l’esprit que la transition entre les deux modèles sera longue et délicate, raison pour laquelle l’intégration du RSI au régime général ne nous paraissait pas si urgente.

Telles sont, madame la ministre, les quelques réserves que je souhaitais formuler au nom de la commission, s’agissant de la branche vieillesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2017 marque le retour à l’équilibre de la branche famille, pour la première fois depuis dix ans. Attachée, comme nombre d’entre vous, à notre modèle de politique familiale, je ne peux, a priori, que me réjouir de cette situation.

Pour autant, les conditions de ce retour à l’équilibre suscitent des interrogations. Si le redressement des comptes de la branche résulte, en partie, de l’amélioration de la conjoncture économique et d’un transfert de charges vers l’État, il est aussi le fruit d’importantes mesures d’économies. L’impact de l’ensemble des réformes intervenues dans le champ de la politique familiale depuis 2012 s’élève environ, cette année, à 1,5 milliard d’euros d’économies, assumées par les familles.

La majeure partie de ces efforts a été supportée par des familles relativement aisées, au travers des abaissements du plafond du quotient familial et de la modulation des allocations familiales.

Pour autant, les familles des classes moyennes n’ont pas été épargnées par les mesures portant sur des prestations sous conditions de ressources.

Au-delà de ce rabotage, qui est préoccupant dans un contexte de baisse du nombre des naissances, l’évolution de la politique familiale au cours de la période récente nous interpelle. Elle remet en effet en cause quelques-uns des principes fondateurs de cette politique, alors même que certains de nos voisins souhaiteraient aujourd’hui s’en inspirer.

La politique familiale a été conçue dans une logique de compensation des charges de famille et de solidarité horizontale. Si des aides spécifiques ont été instaurées en faveur de publics ciblés, la notion d’universalité demeurait centrale. En supprimant presque intégralement les prestations d’entretien dont bénéficient les familles aisées et en resserrant les montants et les conditions de ressources des prestations destinées aux classes moyennes, les mesures prises durant le quinquennat précédent ont réorienté la politique familiale vers la lutte contre la pauvreté.

Cette évolution, qui a parfois semblé résulter davantage d’une succession de mesures d’économie que d’une orientation assumée, pose un certain nombre de questions. Doit-on renoncer au principe de compensation des charges de famille et aider uniquement les familles exposées au risque de pauvreté ? À revenus équivalents, une famille aisée avec enfants a-t-elle droit à davantage d’aides qu’un couple sans enfant ? Quelle serait l’acceptabilité sociale d’une politique familiale excluant de ses bénéfices ses principaux financeurs ? Enfin, si la politique familiale doit être transformée en outil de lutte contre la pauvreté, cette logique doit-elle être étendue à d’autres domaines, comme l’assurance maladie, voire l’accès aux services publics ?

Alors que s’ouvre un nouveau quinquennat et qu’une nouvelle convention d’objectifs et de gestion doit être conclue entre l’État et la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales – vous l’avez annoncé, madame la ministre –, il convient donc de définir la place que nous souhaitons collectivement accorder aux familles dans notre modèle de société.

Madame la ministre, j’ai bien entendu votre volonté de donner du sens à la politique familiale. C’est parce qu’elle y souscrit que la commission des affaires sociales a décidé d’apporter une petite modification à l’un des articles de votre PLFSS.

Ce dernier ne répond pas aux questions que j’ai soulevées. Sans doute vient-il trop précocement – j’en conviens totalement. Il tient compte d’un excédent de la branche famille qui dépasserait, en 2018, 1 milliard d’euros, pour atteindre 5 milliards d’euros en 2021, et contient peu de mesures relatives à la famille.

L’augmentation des plafonds de prise en charge au titre du complément de libre choix du mode de garde pour les familles monoparentales est relativement consensuelle. Il s’agit d’aider davantage un public, majoritairement féminin, qui est particulièrement touché par la pauvreté et l’éloignement du marché du travail.

Pour autant, il ne faut pas exagérer sa portée. Le coût de cette mesure, 40 millions d’euros en année pleine, indique que le bénéfice pour les familles concernées sera nettement moins important que les montants théoriques présentés par l’étude d’impact.

À l’inverse, l’alignement par le bas des montants et plafonds de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, sur ceux du complément familial représente une économie qui atteindrait à terme 500 millions d’euros par an.

Au vu de l’excédent que connaît la branche, la commission des affaires sociales a considéré que cette mesure d’économie ne s’imposait pas, d’autant qu’une grande concertation nationale sur la politique familiale a été annoncée et que l’examen de cette question pourrait à bon droit y être reporté. Les justifications avancées par le Gouvernement ne font pas disparaître le sentiment que les prestations familiales sont utilisées comme variables d’ajustement budgétaire, dans la continuité de la période précédente. Nous reviendrons sur ce point au cours des débats sur l’article 26, que la commission des affaires sociales vous proposera de supprimer, mes chers collègues.

Sous cette réserve, et tout en soulignant que ce PLFSS ne traite pas les défis auxquels la politique familiale fait face, la commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’objectif des dépenses de la branche famille. Mais le débat est ouvert, et nous y participerons avec plaisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus encore que les années précédentes, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2018 sont très imbriqués, s’agissant notamment des transferts financiers entre le budget de la sécurité sociale et celui de l’État ou du « poids » des administrations de sécurité sociale dans les finances publiques.

À ce titre, le Gouvernement compte principalement sur les administrations de sécurité sociale pour atteindre l’objectif de ramener le déficit public à 0,2 point de PIB en 2022, conformément à la trajectoire prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. D’après les estimations de la commission des finances, près de la moitié des économies à réaliser d’ici à 2022 reposent sur les administrations de sécurité sociale. C’est beaucoup, madame la ministre ! Il s’agit d’un pari risqué.

Compte tenu des mesures proposées pour 2018, qui reposent sur des leviers traditionnels déjà largement exploités, il est permis de douter de l’objectif que le Gouvernement s’est fixé d’un retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à l’horizon de 2020.

Je souhaiterais d’abord revenir sur la modification structurelle du financement de la sécurité sociale proposée par le Gouvernement et sur la suppression du CICE, qui sera transformé en baisse de charges en 2019.

La suppression des cotisations salariales d’assurance maladie et de chômage pour les salariés du secteur privé en contrepartie d’une hausse de 1,7 point du taux de CSG modifie en l’élargissant le mode de financement de la sécurité sociale, qui repose majoritairement, à l’heure actuelle, sur les revenus du travail.

Madame la ministre, nous approuvons cette orientation, même si, comme d’autres, je regrette le choix de la CSG en lieu et place de la TVA. Ce dernier levier aurait pourtant permis de taxer les importations – la croissance, en ce moment, repart à la hausse, mais notre déficit commercial ne se résorbe pas, bien au contraire – et d’élargir encore l’assiette.

Cette mesure est toutefois satisfaisante, à une exception près : celle des retraités qui ne bénéficieront d’aucune mesure de compensation, contrairement aux salariés. Je rappelle que, à partir de 1 440 euros par mois, ils seront prélevés de 324 euros par an. Ils sont 8 millions à être concernés par cette mesure, laquelle s’ajoutera au gel des pensions de retraite en 2018, « année blanche » résultant du report de la revalorisation des pensions. La commission des finances a donc adopté un amendement visant à supprimer la hausse de la CSG pour les 60 % de personnes retraitées qui auraient été concernées par cette augmentation.

La transformation proposée du CICE en baisse de cotisations patronales est une autre avancée positive. La réduction pérenne des charges est plus souhaitable qu’une subvention aléatoire, à laquelle s’apparentait le CICE. Je rappelle toutefois que l’État a récupéré 1 point au passage, puisque la compensation sera effectuée sur la base de 6 % et non de 7 % de la masse salariale.

J’en viens maintenant aux choix du Gouvernement en matière de maîtrise de la dépense sociale, qui conduisent à douter de la trajectoire annoncée des comptes sociaux.

En recettes, la réduction prévue des déficits repose sur le dynamisme des recettes, portées par des hypothèses de forte augmentation de la masse salariale du secteur privé, grâce à la baisse du chômage.

En dépenses, alors que la branche maladie concentre les déficits et les inquiétudes – l’un de mes collègues l’a rappelé tout à l’heure –, il ne nous est guère proposé de mesures nouvelles : 4,2 milliards d’euros d’économies sont attendus pour maîtriser un ONDAM dont le taux de progression serait de 2,3 %. Ces économies proviennent non pas de nouvelles mesures, mais de la poursuite des axes déjà mis en œuvre entre 2015 et 2017, pour des résultats assez limités.

Ce sont en réalité les familles et les retraités qui assumeront la charge des principales mesures d’économies. La commission des finances aurait préféré que les économies soient réalisées sur le fonctionnement des structures et non par des baisses des prestations destinées aux familles.

Quoi qu’il en soit, sur ces deux branches, des dépenses nouvelles sont annoncées par le Gouvernement, mais sont en réalité plus que compensées par de nouvelles mesures d’économies.

Le revalorisation du minimum vieillesse coûtera 115 millions d’euros en 2018 ; « en même temps », l’alignement des revalorisations des pensions de retraite et du minimum vieillesse au 1er janvier conduit à un gel des pensions de retraite qui permet d’économiser 380 millions d’euros en 2018, sur le dos des retraités.

L’augmentation de 30 % du complément de libre choix du mode de garde coûterait 40 millions d’euros en 2022 ; « en même temps », le montant et les plafonds d’éligibilité de la PAJE sont alignés par le bas sur ceux du complément familial. Un couple d’instituteurs, par exemple, perdrait près de 2 000 euros d’allocations l’année suivant la naissance de son premier enfant ! Voilà une nouvelle économie, de 500 millions d’euros par an à compter de 2022, réalisée cette fois sur le dos des familles. La commission des finances a donc voté la suppression de l’abaissement du montant et des plafonds de la PAJE.

Tels sont les deux amendements essentiels déposés par notre commission.

La commission des finances et la commission des affaires sociales proposent des améliorations à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ; si le Sénat les adopte, la commission des finances proposera, elle, d’adopter le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon propos par une citation : « Celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. »

Les propos de nos rapporteurs sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale témoignent de l’existence, aux yeux de la commission des affaires sociales, de points de désaccord – sur la CSG, sur la prestation d’accueil du jeune enfant–, de motifs d’inquiétude sur les conditions de rattachement des indépendants au régime général, mais aussi de vraies satisfactions, en particulier sur le volet « santé ».

Après un quinquennat dont nous ne partagions pas les choix, cette appréciation nuancée traduit néanmoins une certaine déception.

Globalement, à la faveur de meilleures perspectives économiques, le déficit de la sécurité sociale s’atténue, sans qu’il soit besoin de recourir, comme l’an passé, à de multiples artifices de présentation. Ce déficit pourrait même faire place, d’ici deux ans si les hypothèses se vérifient, à des excédents. C’est visiblement sur ces excédents que compte le Gouvernement pour apurer la dette d’une vingtaine de milliards d’euros qui reste aujourd’hui gérée en trésorerie par l’ACOSS.

La branche famille est excédentaire, mais c’est au prix de mesures que le Sénat avait dénoncées, et l’économie sur la PAJE, prévue à partir de l’an prochain, nous semble injustifiée.

Madame la ministre, devant notre commission, vous avez indiqué vouloir mener un débat « apaisé » sur l’avenir de notre politique familiale. Mais s’il en résultait de nouveau la réduction de toute forme de compensation des charges familiales au-delà d’un certain niveau de revenu, cela viderait de sa substance une politique dont la réussite tenait au profond sentiment qu’elle s’adressait à tous, sans exception.

S’agissant de la branche vieillesse, le déficit repart à la hausse. Je n’insiste pas, car nous avions absolument contesté, l’an dernier, l’idée selon laquelle le problème des retraites aurait été réglé. Il s’agit donc d’un retour à la réalité, sans pour autant que le Gouvernement, pour l’instant, en tire de conséquence.

Je souscris totalement à l’objectif d’unification des cotisations et des droits, mais il s’agit d’un objectif de moyen terme, laissant entière la question de l’accentuation à très court terme des déséquilibres. Il faudra donc y répondre rapidement, sans attendre une future modification de l’architecture et des paramètres des différents régimes, d’autant que l’exercice sera nécessairement complexe à mener.

Nous voyons, à l’échelle plus modeste du RSI, le soin que requièrent des réformes de ce type. C’est d’ailleurs pourquoi j’aurais pour ma part préféré, madame la ministre, que l’affiliation des professions indépendantes fasse l’objet d’un projet de loi séparé, et non d’un simple article soumis au Parlement dans les délais d’examen très brefs propres au PLFSS.

Sur l’assurance maladie, la commission des affaires sociales porte une appréciation plus positive. Nous soutenons pleinement les mesures sur le tabac, la vaccination, les consultations de prévention pour les jeunes femmes. La suppression de l’obligation générale du tiers payant témoigne d’un changement d’approche indispensable vis-à-vis des professionnels de santé.

Enfin, nous approuvons les mesures en faveur de nouvelles formes de prise en charge. Sans doute ne seront-elles pas suffisantes pour donner corps à cette ambition que nous partageons avec vous, madame la ministre, à savoir préserver l’accès à des soins de qualité en gagnant toutes les marges possibles d’efficacité dans nos modes d’organisation.

C’est un défi, avec une prévision de progression de l’ONDAM fixée à 2,3 % pour les quatre ans à venir, car notre système de santé reste sous tension, comme on le constate notamment dans les établissements hospitaliers.

Si j’ai parlé il y a quelques instants de déception, c’est que, sur la question essentielle du financement, je ne vois pas clairement où nous mènent les choix opérés par le Gouvernement ; je ressens même, en la matière, de réelles inquiétudes.

La principale mesure du programme de législature réside dans la hausse de la CSG au 1er janvier prochain.

De cette mesure, il ne résulte ni ressources supplémentaires pour la sécurité sociale ni baisse du coût du travail. Assortie de multiples compensations, dont toutes, à ce jour, ne sont pas arrêtées, elle entraîne un gain de pouvoir d’achat pour une majorité d’actifs et une perte pour beaucoup de retraités. Elle s’accompagne de complexes circuits de transferts, entre l’État et la sécurité sociale comme au sein de celle-ci. Tout cela, de mon point de vue, brouille plus qu’il ne clarifie le financement de la protection sociale.

C’est aussi la première fois, me semble-t-il, qu’on touche aux cotisations d’assurance chômage au sein d’un PLFSS. Cette première sera peut-être aussi une dernière, puisque l’exonération prévue équivaut à une suppression pure et simple de la part salariale.

Le plus étonnant est que cette modification du financement de l’assurance chômage s’opère alors que les discussions sur sa future réforme ne sont pas encore engagées.

Nous ignorons aujourd’hui ce qu’il en sera de l’extension aux démissionnaires et aux indépendants, ainsi que du financement d’une telle réforme et de ses implications sur la gestion paritaire de l’UNEDIC.

Madame la ministre, pourquoi ne pas avoir attendu un an de plus pour nous présenter un projet cohérent sur la couverture des différents risques et les ressources qui en garantiront le financement ?

La hausse de la CSG renforce la part de l’impôt dans le financement de la sécurité sociale, alors que cette dernière ne recevra pratiquement plus de TVA de la part de l’État. En définitive, la sécurité sociale sollicitera davantage les revenus d’activité et moins la consommation. Beaucoup d’entre nous pensent ici – plusieurs de mes collègues l’ont rappelé – qu’il aurait fallu faire l’inverse pour améliorer la compétitivité de notre pays tout en préservant son modèle social.

Cette mesure nous éloigne également un peu plus du principe selon lequel les impôts financent la solidarité et les cotisations les risques assurantiels.

Enfin, il me paraît nécessaire de préserver la spécificité des finances sociales. C’est d’ailleurs l’un des grands acquis de la réforme constitutionnelle de 1996. Ses auteurs ont voulu que le Parlement se prononce sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale, de manière à discuter dans un ensemble cohérent du niveau de couverture sociale de nos concitoyens et des ressources que la collectivité y consacre.

La semaine dernière, nous examinions un projet de loi de programmation quinquennale qui annonçait une remise en cause à venir de la compensation par l’État des exonérations de cotisations sociales. Avec la hausse de la CSG et les mesures qui l’accompagnent s’amorce déjà un déséquilibre des relations financières entre l’État et la sécurité sociale.

En supprimant la hausse de la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité, la commission des affaires sociales a voulu corriger le point le moins acceptable à ses yeux du volet « recettes » du PLFSS. Mais, au-delà de cet aspect particulier, je reste réservé sur l’orientation qui semble se dessiner en matière de financement de la protection sociale, ce qui ne m’empêche pas de reconnaître par ailleurs, dans le domaine de la politique de santé notamment, plusieurs mesures positives de ce PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Victoire Jasmin et MM. Michel Amiel et Guillaume Arnell applaudissent également.)

M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Discussion générale (début)

M. le président. Je suis saisi, par Mme Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 442.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2018 (n° 63).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour la motion.

M. Dominique Watrin. Mes chers collègues, c’est un autre projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous vous invitons à écrire, dégagé de la mainmise étatique que le Gouvernement veut imposer à la sécurité sociale, en contradiction avec ses principes fondateurs de solidarité, de gestion paritaire et de progrès continu. Tel est le sens de cette question préalable.

Le journal Les Échos ne pouvait cacher sa joie en sous-titrant le mardi 31 octobre : « Le transfert des cotisations sociales vers la CSG constitue une des réformes clefs de l’exécutif. »

De manière « emblématique » en effet, il n’y aura plus en 2019 de cotisation « employeur » au niveau du SMIC. Or la cotisation sociale est un prélèvement sur les profits des entreprises qui ouvre des droits salariaux sur la santé, les retraites, la politique familiale – et j’en passe –, que les représentants des salariés ont toute légitimité à cogérer. Il n’en est plus de même avec la fiscalisation massive des recettes de la sécurité sociale.

Derrière l’écran de fumée de la « hausse du pouvoir d’achat », c’est donc le détournement du salaire indirect, c’est-à-dire des cotisations, qui est organisé. Ainsi, entre 1990 et 2018, la part des cotisations sociales dans le financement de la sécurité sociale sera descendue à 55 %, quand celle des impôts et taxes, dont la CSG, pourrait approcher les 40 %. Or la CSG est acquittée à près de 90 % par les salariés et les retraités quand les cotisations sociales sont à 70 % à la charge de l’employeur. Parallèlement, et non sans lien, les dividendes versés aux actionnaires sont passés de l’équivalent de dix jours de salaire voilà trente ans à quarante-cinq jours en 2012 ! Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sanctuarise cette évolution ; nous proposons de dire stop !

Madame la ministre, vous prétendez – ce n’est qu’un exemple – donner un peu de pouvoir d’achat aux salariés en supprimant leur cotisation sociale au titre de l’assurance chômage. Vous vous donnez en réalité les pouvoirs pour imposer au régime le passage progressif d’un droit du salarié généré par la cotisation, particulièrement précieux dans une France à 6 millions de chômeurs, à une prestation sociale uniforme – pourquoi pas ? –, dont vous fixerez – pourquoi pas ? – le montant.

La fiscalisation massive du financement de la sécurité sociale, c’est aussi le détricotage de notre système solidaire. Sous couvert de rétablissement des comptes sociaux, vous voulez imposer, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, une nouvelle cure d’austérité à hauteur de 5,4 milliards d’euros, dont 4,2 milliards d’euros sur les dépenses de santé et 1,2 milliard d’euros au moins sur l’hôpital public.

Comme ma collègue Laurence Cohen le développera, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue donc un véritable déni de réalité, alors que les hôpitaux publics, les équipes médicales et de soignants, les patients sont déjà au bord de la crise de nerfs. Le plafonnement des dépenses d’assurance maladie à seulement 2 %, si l’on ne prend pas en compte l’augmentation du forfait hospitalier de 18 euros à 20 euros par jour, est insupportable quand les besoins évoluent naturellement de 4,5 % !

Ce sont aussi 10 % des recettes nouvelles déjà insuffisantes qui seront financées par une ponction supplémentaire sur les plus pauvres – assurés sans couverture, handicapés en maison d’accueil spécialisé –, mais aussi sur l’ensemble des patients, via l’augmentation quasi inévitable des « mutuelles ».

Le développement de l’ambulatoire, dont le bilan réel reste à faire en termes de qualité de prise en charge des malades et des coûts liés aux réadmissions, ne saurait justifier ce nouveau « délitement » de l’hôpital public !

Je sais bien que le président Macron est passé maître dans les tours de passe-passe, afin de présenter aux Français des reculs comme des avancées. Il faut reconnaître que vous savez aussi jouer de la division pour mieux imposer cette logique libérale, c’est-à-dire l’affaiblissement généralisé de notre système de protection sociale au nom de la sacro-sainte baisse des « charges patronales », comme ils disent !

Ainsi, vous instruisez de fait un procès à charge contre les retraités, que vous ponctionnerez d’un nouveau prélèvement de 1,7 point de CSG sans aucune compensation – sur celle qui est consentie aux salariés, il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire !

Et vous n’y allez pas de main morte, madame la ministre ! Ainsi, les retraités de plus de 65 ans à partir de 1 440 euros de pension, et même 1 331 euros pour les moins de 65 ans, seront taxés d’un nouveau prélèvement direct sur leur revenu et leur pouvoir d’achat. Comme si on était riche avec un tel niveau de ressources, que l’on soit d’ailleurs retraité ou salarié !

En somme, votre conception de la politique sociale, c’est l’alignement vers le bas des revenus modestes. C’est d’ailleurs ce qu’a très bien expliqué le rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée nationale, en pointant le fait que les retraités avaient été « moins impactés » par la crise !

En réalité, vous ne digérez pas le fait que la pension moyenne des retraités soit passée de 62,7 % à 66,1 % du revenu d’activité moyen, ce qui n’est pourtant que la conséquence d’une plus grande activité des femmes notamment. Il est vrai que c’est tout notre système de retraites que vous voulez bousculer en proposant, dès le printemps prochain, une retraite par points, où le montant des pensions pourrait varier à la baisse pour sanctuariser – c’est là le fond – les cotisations patronales à leur niveau le plus bas possible. Ce qui est en train de se passer au niveau des retraites complémentaires en est la parfaite préfiguration.

La politique familiale sera aussi une des grandes perdantes de ce budget. Non seulement vous réaliserez une économie de 760 millions d’euros, malgré l’excédent de la branche, mais les quelques mesures positives ne pourront pas masquer le véritable changement de paradigme que vous vous vantez d’imposer à la branche, contre l’avis majoritaire de son conseil d’administration. Ce dernier, en ne vous suivant pas, a marqué à juste titre son attachement à une véritable politique familiale favorisant – je rappelle ce qu’est une politique familiale ! – la natalité, l’autonomie et l’émancipation de la femme et l’épanouissement de chaque enfant.

Mais alors que ces indicateurs de la politique familiale sont au rouge, vous accélérez au contraire la fuite en avant de la mise sous conditions de ressources de certaines prestations à un plafond de ressources toujours plus bas. Où est la justice sociale ? Où est la politique familiale, quand les familles exclues de la prestation d’accueil du jeune enfant passeront de 20 % à 30 % des potentielles éligibles ? Les Français doivent savoir, par exemple, que les parents bénéficiaires actuels de la prestation à taux plein gagnant chacun plus de 1 660 euros et accueillant un deuxième enfant en perdront la moitié à partir du 1er avril 2018 !

Fondamentalement, les difficultés dans l’accès aux soins, la remise en cause de la politique familiale, le matraquage des retraités, l’étatisation de la sécurité sociale ou l’absence quasi totale d’anticipation des questions liées au vieillissement – selon la Cour des comptes, il y a 7 milliards d’euros de besoins de financement à trouver d’ici à 2040, mais vous les renvoyez à une énième mission – sont le résultat de la prédation toujours plus sauvage des richesses par les privilégiés de l’argent. Faut-il rappeler ici que la fortune des 500 Français les plus riches a été multipliée par sept en vingt ans et que chacun des 100 Français les plus riches va encore bénéficier d’un cadeau fiscal de 600 000 euros par an avec la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF ?

Nous ne le dirons jamais assez : les moyens existent dans notre beau pays, qui n’a jamais été aussi riche, pour donner une autre ambition que l’austérité et la confiscation toujours plus grande des moyens de gestion de la sécurité sociale aux assurés eux-mêmes.

Il faudrait au contraire mobiliser les intelligences et les moyens, rassembler les efforts pour lutter efficacement contre la désertification médicale ou le renoncement aux soins, particulièrement problématique dans certains territoires et chez les jeunes par exemple, pour reconstruire un système de prévention en milieu scolaire et au travail en en faisant une vraie priorité nationale et pour mettre fin à la casse de l’hôpital public.

Mais, au lieu de questionner les exonérations massives de cotisations sociales patronales, les nouveaux cadeaux contenus dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances – je pense au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et à la flat tax –, vous préférez emboîter le pas à la Commission européenne dans sa logique austéritaire. Vous imposez, avec le projet de loi de programmation des finances publiques que vous venez de faire voter ces jours-ci, un carcan limitant la croissance des dépenses de santé à 2,3 % sur la période 2018-2022 quand les réponses aux besoins devraient la porter à près de 5 %.

C’est pourquoi, mes chers collègues, en adoptant cette motion tendant à opposer la question préalable, vous affirmerez de manière forte votre refus d’une telle abdication et d’une telle soumission en même temps que votre attachement aux fondements humanistes de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Personne ne demande la parole contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission, qui a délibéré, considère que les questions soulevées par notre collègue Dominique Watrin sont précisément au cœur de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il nous semblerait donc dommage de vous priver d’un temps de parole, mes chers collègues. Certes, je sais bien que vous venez de gagner dix minutes supplémentaires en défendant cette question préalable (Sourires.), mais nous ne voudrions pas vous empêcher de vous exprimer sur les très nombreux amendements que vous avez déposés. (Nouveaux sourires.)

La commission a donc décidé, dans sa grande sagesse, d’émettre un avis défavorable sur la présente motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. À mon sens, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale mérite un véritable débat.

Cela me peinerait de devoir clore dès à présent l’ensemble des discussions que nous allons avoir sur des sujets touchant de très près la vie de nos concitoyens, qu’il s’agisse de la santé, de la politique familiale ou de la vieillesse.

Je souhaite donc que le débat puisse se poursuivre dans les jours à venir.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 442, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je rappelle en outre que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 264
Pour l’adoption 15
Contre 249

Le Sénat n’a pas adopté.

Discussion générale (suite)

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous connaissez tous, comme moi, la situation « réelle » des comptes de la sécurité sociale.

Malgré une amélioration sensible de la situation financière de l’ensemble des branches, la dette sociale de la France demeure à un niveau très élevé, trop élevé, aux alentours de 5 milliards d’euros cette année encore. Selon la Cour des comptes, le retour à l’équilibre ne pourrait pas intervenir avant 2020. C’est dire l’illusion entretenue jusqu’ici…

Nous sommes réunis aujourd’hui pour entamer l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, premier budget de la mandature. Il a pour objectif la réduction du déficit de la sécurité sociale à 2,2 milliards d’euros.

Madame la ministre, engagés sur le thème de la réduction des dépenses et le retour à l’équilibre, nous ne pouvons que soutenir votre volonté affirmée de réduire ce déficit, à l’impérieuse condition, bien entendu, que les mots rencontrent les actes, car un retour à l’équilibre est absolument nécessaire, et pas seulement dans le domaine de la santé !

C’est sur le volet « santé » que je souhaite intervenir plus particulièrement. Convaincue que la prévention et l’innovation sont les deux piliers d’une gestion moderne et équilibrée des comptes en matière de santé, j’aimerais tout d’abord insister sur les mesures qui leur sont consacrées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Vous indiquez, madame la ministre, que la prévention sera un axe central de la nouvelle stratégie nationale de santé et qu’elle sera arrêtée d’ici à la fin de l’année. D’ici là, l’une des mesures phares est l’extension d’obligation de vaccination pour les enfants, que je soutiens sans aucune réserve en tant que médecin.

C’est nécessaire compte tenu de la grande défiance des Français à l’égard de la vaccination, qui fait courir le risque d’un recul de la couverture vaccinale, avec comme conséquence la réapparition de maladies disparues aux conséquences graves, voire mortelles, pour nos enfants.

J’ajouterai même qu’un débat devrait être lancé sur la généralisation de la vaccination contre la grippe des professionnels de santé ; c’est aussi une question d’exemplarité et de solidarité.

Il en est de même pour le vaccin contre le papillomavirus. Madame la ministre, mes chers collègues, le constat est préoccupant. Notre pays accuse un retard considérable qui doit nous alerter : seulement 15 % des adolescentes françaises sont vaccinées, contre 90 % en Finlande et 85 % au Royaume-Uni. Nous sommes bien loin des objectifs de 60 % fixés par le plan Cancer 2014-2019.

En 2015, le cancer du col de l’utérus a encore touché près de 2 800 femmes en France et en a tué un peu plus d’un millier. Madame la ministre, il n’est pas acceptable que les femmes françaises soient plus exposées à ce cancer que nos voisines danoises, portugaises, finlandaises ou anglaises, alors qu’il est aujourd’hui considéré comme largement évitable grâce à la vaccination et au dépistage.

Je le sais, dans le domaine vaccinal, il vous faut combattre la désinformation, voire parfois l’obscurantisme, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation. Dans ce combat, je serai à vos côtés.

Toujours dans le champ de la prévention, j’aimerais évoquer le prix du tabac. Le Gouvernement prévoit plusieurs hausses successives jusqu’en 2020.

Le tabac, dont nous connaissons tous les conséquences néfastes sur la santé, doit faire l’objet d’une lutte sans merci de la part des pouvoirs publics, y compris avec le concours de nouvelles formes de communication, parfois innovantes, tout simplement pour atteindre en premier lieu le public jeune. La communication que je qualifierais de « punitive » n’a pas démontré en France toute son efficacité, vous en conviendrez. Votre combat pour lutter contre le tabagisme sera également le nôtre.

Cependant, une hausse des prix ne saurait à elle seule résoudre le problème. Je pense notamment aux habitants des territoires frontaliers, comme dans le Grand Est – région où je suis élue –, qui n’hésitent pas à se rendre au Luxembourg, à quelques kilomètres, pour s’approvisionner. Cette augmentation de la taxe sur le tabac, sans mesure d’accompagnement, serait la double peine pour ces territoires frontaliers, qui ont vu disparaître les bureaux de tabac, donc l’emploi. Mais, plus grave, le taux de prévalence du tabagisme, tout comme celui des maladies induites, y est bien supérieur à ceux des autres régions françaises.

Dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez indiqué qu’en parallèle à la hausse du prix du tabac sera engagée une politique de prévention et de sensibilisation, ainsi que des actions visant à lutter contre la contrebande et à limiter les achats transfrontaliers.

À l’instar, je le crois, de beaucoup de mes collègues, je souhaite que de telles mesures soient mises en place le plus rapidement possible. Je suivrai avec beaucoup d’intérêt les annonces sur le sujet. Certaines d’entre elles devront nécessairement être portées à l’échelon européen.

La prévention, c’est également la généralisation du sport à des fins de santé. L’élaboration d’un plan sport-santé fait partie des mesures annoncées que je soutiens. J’y vois toutefois des contradictions quand les associations sportives subissent dans le même temps des mesures qui les fragilisent, dont la suppression des emplois aidés ou la baisse de l’enveloppe dédiée au Centre national pour le développement du sport, le CNDS, et des dotations aux collectivités.

De plus, je ne vois toujours pas de grande évolution dans le domaine du sport-santé sur ordonnance depuis la publication du décret du 30 novembre 2016, qui permet aux médecins généralistes de prescrire une activité physique. Madame la ministre, quels financements envisagez-vous pour que cette mesure atteigne enfin son objectif ?

À titre personnel, je ne suis pas favorable à la disposition, introduite par l’Assemblée nationale, visant à moduler la taxe sur les boissons sucrées. Elle vise davantage à renflouer les caisses de l’État qu’à lutter réellement contre l’obésité infantile, dont les causes sont bien plus complexes. En plus d’être inefficace, une telle mesure me semble injuste, car elle touchera prioritairement le porte-monnaie des publics parmi les plus défavorisés et les plus éloignés de la prévention.

Encore une fois, l’effort doit être porté sur l’éducation à la santé, qui se révèle bien plus efficace : plus de prévention, c’est in fine moins de maladies chroniques et moins de soins. Encore faut-il avec audace inverser le logiciel, changer les comportements en profondeur dès le plus jeune âge, être ambitieux et innovants et octroyer à la prévention et à l’éducation un budget à la hauteur de l’enjeu !

L’innovation vient compléter le travail de prévention que je viens d’évoquer.

L’article 36 donne un cadre à la généralisation de la télémédecine en permettant notamment la tarification à l’acte. Je salue cette mesure attendue, qui répond à un réel besoin de la médecine moderne. Certes, elle répond aussi en partie aux problématiques des zones de désertification médicale, mais elle doit surtout être appréhendée comme un vecteur d’innovation et accompagner les nouvelles pratiques en matière de santé. Le champ de la formation dans ce domaine devra également appréhender rapidement les nouvelles orientations pour qu’elles soient efficaces sur le terrain.

Il est difficile d’évoquer le projet de loi de financement de la sécurité sociale sans s’arrêter sur les problématiques des déserts médicaux, qui touchent surtout les zones rurales, mais pas seulement… Sur certains de nos territoires, le torchon brûle ! Dans le nord de la Meurthe-et-Moselle, les projections à cinq ans indiquent qu’il n’y aura plus qu’un seul médecin généraliste dans une commune de 10 000 habitants que je connais bien.

Je ne crois aucunement aux mesures coercitives. Madame la ministre, vous avez annoncé vouloir doubler les maisons de santé pluriprofessionnelles, les MSP. Cela sera possible si les contraintes sont allégées. À ce jour, il faut environ cinq années pour qu’un projet de MSP aboutisse. C’est beaucoup trop long ; sur les territoires, l’urgence, c’est vraiment aujourd’hui !

Je crois que, dans ce domaine, il faut faire confiance et accompagner avec souplesse et réactivité toutes les initiatives des acteurs de terrain. C’est aussi cela, la nouvelle forme d’innovation !

Vous avez indiqué vouloir encourager l’expérimentation et son déploiement. Voilà quelques semaines, j’ai saisi votre cabinet du cas d’un projet porté par deux médecins de Herserange, dans mon département de Meurthe-et-Moselle. Comme beaucoup de projets innovants, celui-ci rencontre des difficultés administratives. Constatant le phénomène croissant de désertification médicale, les deux praticiens ont décidé de créer une société d’exercice libéral multisite, permettant d’installer des points de consultation de médecine générale sur des territoires considérés comme prioritaires. L’équipe serait constituée de généralistes jeunes diplômés et, proposition innovante, de lauréats de la procédure d’autorisation d’exercice, ou PAE, recrutés sous statut salarié. Il s’agit d’un modèle qui pourrait avoir vocation à se généraliser sur l’ensemble du territoire. C’est ce genre d’initiatives, je l’espère, que vous soutiendrez grâce à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Madame la ministre, comme vous l’avez déclaré dans vos propos, libérez l’initiative ! Libérez-nous d’organisations parfois inadaptées à ce siècle, parfois inadaptées à la révolution numérique en cours, à l’évolution rapide de la société ! Levez les nombreux obstacles bureaucratiques que les professionnels rencontrent. Permettez l’expérimentation, et n’hésitez pas à encourager tout ce qui pourrait être le fruit de l’imagination ou de la créativité dans le domaine de la santé.

Le groupe du RDSE se montrera particulièrement attentif au débat, auquel il contribuera de manière positive, afin d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens dans le domaine de la santé. Nous serons particulièrement attentifs au sort réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

(Mme Catherine Troendlé remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Michel Amiel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, disons-le clairement : on peut fustiger à l’infini la hausse de la CSG, l’alignement des plafonds des allocations familiales concernant l’allocation de base de la PAJE sur celui du complément familial, la baisse du coût du travail, qui favoriserait uniquement le patronat, mais on ne peut pas vouloir à la fois la réduction des dépenses publiques et exiger le maintien des financements actuels d’un certain nombre de prestations. Le Gouvernement veut non pas les abolir, mais en réduire le coût pour avoir un budget conforme aux critères de Maastricht, idée que l’on peut bien évidemment ne pas partager, surtout si l’on se moque des déficits et de la dette.

Le budget, la santé, l’assurance vieillesse… Voilà bien des sujets d’une extrême importance, qu’il conviendrait d’aborder avec le plus grand sérieux et la meilleure projection à long terme si nous voulons que notre système non pas simplement survive, mais puisse être aussi bénéfique et protecteur pour les générations à venir.

J’ai souvent évoqué l’introduction d’une pluriannualité dans notre processus budgétaire. Je me réjouis aujourd’hui de voir que ce budget s’annonce dans une vision à long terme et coordonnée des finances de la nation.

Le projet que le Gouvernement nous présente ici dans sa philosophie générale a un objectif clair de retour à l’équilibre des comptes pour les années à venir, en s’occupant à la fois des déficits et de la dette, qui devrait être résorbée en 2024.

Je souhaite souligner que ce budget s’est construit autour d’une prévision de croissance de 1,7 %, hypothèse semblable à celle de l’OCDE ; le Haut Conseil des finances publiques a salué la prise en compte d’un scénario macroéconomique à la fois prudent et raisonnable afin de déboucher sur un budget sincère.

La part du PIB consacrée aux dépenses de santé dans le monde est en moyenne de 9,92 % selon la Banque mondiale – ce sont les chiffres de 2014.

La France dépense de manière assez stable environ 12 % de son PIB, là où les États-Unis y consacrent 17,1 %, chiffre en hausse depuis 1995. Notre pays est souvent pointé comme ayant un bon système, issu des idées généreuses du Conseil national de la Résistance.

Mais depuis les Trente Glorieuses, le monde a changé, ne serait-ce que par l’augmentation des dépenses consacrées à la santé – elles sont passées de 6 % dans les années 1960 à 12 % actuellement – et par la baisse du nombre de cotisants depuis le retour des crises économiques successives.

Il faudra du courage pour aborder la problématique d’un cinquième sujet, que je ne saurais qualifier de risque, la dépendance. Cet aspect ne peut seulement représenter une variable d’ajustement dans notre système de protection sociale ; il représente un véritable défi puisque, selon les derniers chiffres de l’INSEE, en 2050, le nombre des personnes de plus de 65 ans aura doublé.

Je m’attarderai sur des décisions fortes prises pour la branche maladie, et tout d’abord sur l’aspect prévention.

Longtemps négligée, la prévention apparaît essentielle dans la réduction de l’occurrence et de la gravité des pathologies. Avec l’éducation à la santé, le dépistage est un levier essentiel pour notre politique de santé publique. Le texte qui nous est présenté contient deux mesures majeures dans cette lignée.

Tout d’abord, l’extension de l’obligation vaccinale à onze vaccins. N’en déplaise aux vendeurs de peur, cette mesure est une bonne mesure. Rappelons qu’un pourcentage important d’enfants est correctement vacciné, même si la cible préconisée par l’OMS n’est pas atteinte. Saluons au passage le rôle joué par la protection maternelle et infantile, ou PMI, dans le suivi et la vaccination d’enfants de familles modestes, mais pas seulement.

Les vaccins ont démontré leur efficacité et le rapport bénéfice-risque est nettement en leur faveur. Comment accepter que l’on puisse aujourd’hui mourir d’une maladie qu’un vaccin peut éviter : rougeole, méningite, cancer du foie causé par l’hépatite B ?

Dépassons les polémiques sur les adjuvants, puisque d’importants progrès ont été faits sur la tolérance vaccinale, ou sur les bénéfices des laboratoires pharmaceutiques, qui participent eux aussi activement à la recherche.

Vient ensuite l’augmentation du prix du tabac. Rappelons que le tabac est la première cause de mortalité en France, cancers et maladies cardiovasculaires confondus.

Notre pays est, hélas ! un des champions du tabagisme en Europe. Une fiscalisation plus importante du tabac a fait ses preuves, comme l’a montré une étude australienne, mais il faudra aussi s’attarder sur les effets pervers de cette mesure, qu’il s’agisse de la fraude ou de la contrebande, et développer activement une communication pour pointer les méfaits du tabagisme, en particulier chez les jeunes.

J’évoquerai maintenant la question de l’innovation développée par le PLFSS.

Il s’agit tout d’abord de l’innovation technologique, que ce soit en matière de diagnostic et de thérapeutique. La recherche, en particulier sur l’épigénétique, discipline de la biologie qui étudie les mécanismes moléculaires modulant l’expression du patrimoine génétique en fonction du contexte, a révolutionné le pronostic de certaines maladies qui, naguère fatales, sont devenues aujourd’hui curables. Certes, ces progrès ont un coût considérable, et il nous faudra réfléchir de façon approfondie à la question du prix du médicament, notamment à l’échelon européen.

Bien sûr cette innovation doit bénéficier à tous les patients, mais sans doute devrons-nous faire des choix, y compris sur le reste à charge des pathologies courantes.

L’innovation concerne aussi l’aspect organisationnel et la télémédecine – téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance – qui en est la clé de voûte. Cela n’ira pas sans une réflexion sur le développement de ces pratiques, en particulier par la formation initiale, ni sans une réflexion sur la tarification. Pour la première fois, un projet de loi de financement de la sécurité sociale aborde ce sujet.

Pour clôturer ce court chapitre sur l’innovation, je rappellerai que l’innovation scientifique doit s’accompagner d’innovation éthique, comme le souligne Emmanuel Hirsch dans une récente tribune. La révision des lois de bioéthique en 2018 abordera ce sujet. Comme l’écrivait déjà Rabelais, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

En matière d’organisation de notre système de soins, le PLFSS aborde aussi la question de la pertinence des actes. Selon une enquête récente de l’OCDE, 30 % d’entre eux ne seraient pas pertinents. C’est d’ailleurs un chiffre que vous avez repris, madame la ministre.

Une réflexion sera menée sur de nouveaux parcours de soins – décloisonnement ville-hôpital – et sur de nouveaux modes de rémunération, tels que la rémunération forfaitaire. En particulier, la tarification à l’acte à l’hôpital, la fameuse T2A, a révélé des effets pervers ; sans doute faudra-t-il remettre ce sujet à plat.

Mes chers collègues, le chantier est immense… et le sentier sera long. (Sourires.) Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne se réduit pas à de simples mesures d’économies budgétaires, mais il jette les bases d’une réforme structurelle en profondeur. Il intègre les progrès de la médecine dans sa dimension d’innovation tant scientifique qu’organisationnelle et il n’a d’autre but que de maintenir un système de santé juste, équitable et solidaire, en particulier d’un point de vue générationnel afin de ne pas faire supporter la dette aux générations de demain. Madame la ministre, vous êtes condamnée à réussir : nous vous y aiderons ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en rendant à mon tour un bref hommage à Jack Ralite, homme de culture et dirigeant communiste, décédé hier. Alors que nous examinons ce budget de la sécurité sociale, comment ne pas avoir une pensée pour ce grand humaniste qui fut sénateur, député, maire d’Aubervilliers et ministre de la santé, et qui plaçait l’être humain au cœur des politiques à mener ? J’espère qu’il inspirera nos travaux.

Je note que la motion tendant à opposer la question préalable défendue par mon collègue Dominique Watrin a été repoussée par souci du débat. Nous serons donc très exigeants quant aux réponses qui nous seront apportées.

Car ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 remet en cause les principes fondateurs de la sécurité sociale qui veulent que chacun cotise selon ses moyens et reçoive selon ses besoins.

Réduire les cotisations sociales, pour les supprimer in fine, sous prétexte d’augmenter le salaire direct est un leurre, voire une escroquerie intellectuelle.

Non seulement c’est une façon d’exonérer le patronat de toute augmentation de salaire, mais c’est couper les vivres à notre système de protection sociale, qui permet à chacune et à chacun de faire face, à égalité, à la maladie, aux accidents du travail, aux besoins de base de la famille et à la vieillesse. C’est faire voler en éclats le principe de solidarité entre générations, entre bien portants et malades, entre actifs et inactifs.

La politique qui est suivie avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à livrer encore un peu plus le droit à la santé à la spéculation et à la marchandisation, dans les perspectives tracées par la loi HPST, par l’accord national interprofessionnel ou encore par la loi Touraine. Ainsi, les plus riches disposeront d’une assurance privée protectrice et la majorité des Français d’une assurance minimaliste.

Comment ne pas dénoncer les budgets des PLFSS successifs qui contraignent les dépenses de santé, à la fois au détriment de l’offre et de la qualité des soins, mais aussi des conditions de travail des personnels ?

Vous nous dites, madame la ministre, que 30 % des dépenses de santé ne seraient pas pertinentes. Ainsi, les Françaises et les Français dépenseraient trop pour se soigner ! Faut-il rappeler qu’en France les dépenses de santé s’élèvent à 11 % des richesses nationales, contre 12,5 % pour la moyenne des pays de l’OCDE ? L’allongement de la durée de vie nécessiterait à lui seul plus d’argent public.

Parmi vos propositions de financement, il y a l’augmentation de la CSG. Quoi de plus injuste quand on sait qu’elle repose à 70 % sur les revenus du travail et à 18 % sur les retraites ? Quoi de plus injuste quand on sait que 2,5 millions de retraités modestes ne bénéficieront pas des compensations financières du Gouvernement ? Quoi de plus injuste quand on sait que cette cotisation entre pour partie dans le revenu imposable ?

Ainsi, vous supprimez l’impôt sur la fortune pour les cent foyers les plus riches tandis que vous demandez toujours plus aux autres. Nous ne voterons bien évidemment pas cette hausse de la CSG !

Nous ne sommes pas face à des choix de bons gestionnaires visant à réduire des dépenses inutiles, mais nous sommes face à des choix de réduction drastique du périmètre de la protection sociale et du service public de santé : nous sommes face à des choix de société !

Toujours au nom des 30 % des dépenses de l’assurance maladie non pertinentes, vous justifiez un ONDAM à 2,3 % alors que, selon la Confédération des syndicats médicaux français, la croissance naturelle des dépenses est de 4,5 %. Sur les 4,2 milliards de restrictions budgétaires pour la branche maladie, l’hôpital public devra supporter 1,2 milliard de coupes sombres. Comment résister à cette nouvelle ponction après les cures d’austérité successives qu’il a subies avec Mmes Bachelot et Touraine ?

Comment pouvez-vous affirmer vouloir recentrer l’hôpital sur l’excellence et la haute technicité quand vos choix budgétaires vont entraîner de nouvelles fermetures de lits, la disparition de services et d’hôpitaux, alors que les urgences sont ultra-saturées, que les déserts médicaux gagnent du terrain et que les personnels sont à bout ? Comment prétendez-vous parfaire l’ambulatoire dans un tel contexte avec des manques de généralistes, de spécialistes, de personnels paramédicaux, avec des centres de santé en nombre insuffisant ?

Permettez-moi, à cet instant, de rendre hommage au personnel hospitalier mobilisé il y a deux ans à l’occasion des attentats. Ce sont les mêmes agents dévoués au quotidien pour l’intérêt général qui permettent à l’hôpital de tenir debout alors que leurs moyens sont réduits chaque année.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner en commission, j’attire l’attention de mes collègues : certains d’entre eux votent des budgets imposant des économies drastiques à notre système de santé alors que, sur le terrain, ils se lamentent sur les fermetures de services et d’hôpitaux de proximité et sur la dégradation des soins. Les choses sont intimement liées, mes chers collègues !

Il n’y a pas besoin d’avoir travaillé vingt-cinq ans à l’hôpital, madame la ministre, pour se rendre compte de la dégradation des conditions de travail du personnel hospitalier et de la détérioration de la qualité des soins. La semaine dernière, un neurochirurgien a mis fin à ses jours au CHU de Grenoble : le syndrome France Télécom atteint, hélas ! l’hôpital.

Il faut d’autres choix que ce sous-financement chronique des hôpitaux, cette gestion purement comptable et ce management qui met les soignants en souffrance.

Les personnels se mobilisent d’ailleurs un peu partout pour contrer cette logique qui nuit gravement à la santé. Je pense aux personnels de l’AP-HP en Île-de-France, à ceux du centre hospitalier de Millau dans l’Aveyron, de l’hôpital de Boulogne-sur-Mer dans le Pas-de-Calais ou encore de la maternité du centre hospitalier régional d’Orléans dans le Loiret.

Alors que, selon le dernier baromètre Secours populaire français-IPSOS, quatre Français sur dix renoncent à se soigner du fait de l’augmentation incessante du reste à charge, le forfait hospitalier va augmenter !

Dans ce PLFSS, le gouvernement Macron-Philippe ne témoigne aucunement de la volonté de rechercher de nouvelles recettes sans pénaliser la grande masse des assurés sociaux.

Que dire de la transformation du CICE en exonération pérenne des cotisations sociales pour les salaires en dessous du SMIC ? Contrairement aux éléments de langage du Gouvernement, le CICE n’est pas supprimé. Au contraire, il est sanctuarisé jusqu’en 2019 avant la disparition définitive des cotisations à la branche famille, soit 25 milliards d’euros en moins pour les comptes de la sécurité sociale. Comment admettre qu’aucun bilan ne soit tiré de ce CICE ?

Ce sont 45 milliards de deniers publics, de 2013 à 2015, qui ont servi à la création de seulement 100 000 emplois : beaucoup d’argent pour un bien piètre résultat ! En outre, je rappelle à ceux qui justifient ces exonérations de cotisations par l’excédent de 300 millions d’euros de la branche famille que, sans la remise en cause de l’universalité des prestations familiales pour 500 000 familles, cet excédent n’existerait pas.

Aujourd’hui, tel un illusionniste, le Gouvernement communique sur l’augmentation de 30 % du montant du complément de garde pour les familles monoparentales. Mais derrière ce rideau de fumée, l’allocation de base de la PAJE est réduite pour tout le monde.

D’après la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, 44 000 familles obtiendront un gain mensuel moyen de 70 euros par enfant gardé, tandis que la baisse du montant de la PAJE entraînera une perte de 500 euros sur la durée de versement de la prestation pour les familles les plus modestes et de 250 euros pour les familles de catégorie intermédiaire ayant de jeunes enfants.

À cette diminution du montant, s’ajoute la baisse du plafond de la prestation, ce qui exclura demain près de 10 % des familles qui pourraient percevoir aujourd’hui la prestation.

En réalité, le Gouvernement veut transformer la branche famille universelle en un système d’aide ciblée vers les ménages les plus précaires. C’est l’amplification de la rupture de l’universalité des allocations familiales déjà assumée durant le précédent quinquennat.

Ce double discours se retrouve à propos de la revalorisation de 100 euros du montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, alors que le recul de la date de revalorisation au 1er janvier 2019 rapportera 380 millions d’euros en 2018 au budget de l’État.

L’adaptation de la société au vieillissement est un véritable enjeu pour notre modèle de protection sociale, comme l’a souligné Dominique Watrin. Plutôt que de considérer les retraités uniquement comme des personnes exploitables à volonté ou d’envisager de moduler le montant des pensions avec votre projet de réforme des retraites, il serait temps d’investir massivement pour améliorer les conditions de travail du personnel d’aide à domicile, des aidants familiaux et du personnel travaillant dans les établissements qui subissent la réforme de la tarification. En aucun cas ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne règle ces problèmes.

Ajoutons à cela la suppression du RSI, du tiers payant généralisé et le passage de trois à onze vaccins obligatoires. Si nous soutenons les vaccins, en général, en tant que formidables protections pour les populations, nous demandons des garanties pour une sécurité vaccinale, notamment en ce qui concerne les adjuvants. L’absence de transparence a créé de la défiance et ce n’est pas en imposant les vaccins que la confiance va revenir.

Il est troublant de constater que vous suivez les directives de grands laboratoires pharmaceutiques qui déclaraient ne pas pouvoir sortir trois vaccins – le DT-Polio –, mais qui aujourd’hui en sortent onze ! Il faut dire que le rapport financier est nettement plus avantageux pour eux : trois vaccins étaient facturés un peu plus de 20 euros en 2008 tandis qu’ils pourront aujourd'hui empocher 350 euros pour onze vaccins !

Si la mesure devient obligatoire, a minima elle doit être totalement gratuite et prise en charge par la sécurité sociale. Il faut aller au bout de cette logique, madame la ministre, c’est le sens d’un amendement que nous défendrons et qui visera à mettre les laboratoires à contribution !

Plus de moyens pour l’hôpital public et la médecine de ville, c’est possible : il suffit d’en avoir la volonté politique. Pourquoi n’avoir rien prévu contre la fraude patronale, qui coûte la bagatelle de 20 milliards d’euros par an aux comptes de la sécurité sociale selon la Cour des comptes ?

Vous êtes, à juste titre, attentive à l’argent public, madame la ministre. Pourquoi ne pas faire respecter la loi par les entreprises qui ne l’appliquent pas concernant l’égalité salariale ? La Fondation Concorde a estimé le manque à gagner pour l’économie française à 62 milliards d’euros et à 25 milliards d’euros de cotisations pour la sécurité sociale.

Pourquoi ne pas décider la suppression de la taxe sur les salaires à l’hôpital, qui rapporterait 4 milliards d’euros, alors que votre gouvernement n’hésite pas à dilapider 3,4 milliards d’euros de deniers publics en supprimant l’ISF ?

De l’argent, il y en a : supprimer les exonérations de cotisations patronales pour les entreprises qui ne créent aucun emploi en contrepartie, ce sont 45 milliards d’euros par an, soit 10 % de la totalité du budget de la sécurité sociale !

Être en prise avec les évolutions de son temps, c’est défendre un système de protection sociale juste, solidaire et pérenne qui prend ses racines dans les conquêtes du Conseil national de la Résistance, sous l’impulsion d’Ambroise Croizat. C’est défendre les principes fondateurs de la sécurité sociale tout en étant favorables à son évolution. C’est l’ambition que je porte avec mon groupe, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Nous voulons une évolution qui aille vers une plus grande prise en charge des soins, qui laisse moins de place aux complémentaires santé, et non l’inverse comme vous le proposez.

Au XXIe siècle, dans un pays riche comme la France, il est possible que la sécurité sociale rembourse les soins à 100 %, y compris les soins optiques, dentaires et les prothèses auditives. Il est possible de mener une politique ambitieuse de prévention qui passe notamment par l’arrêt du démantèlement de la médecine scolaire et de la médecine du travail, par le refus de voir disparaître les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, dans la réforme du code du travail. Il est possible de développer l’innovation, d’améliorer la sécurité sanitaire par la création d’un pôle public du médicament et de la recherche.

Nous sommes des progressistes modernes et pragmatiques puisque nous proposons des mesures de financement crédibles en mettant à contribution les revenus financiers, en tenant compte de la politique salariale, environnementale des entreprises, mais également en supprimant les exonérations de cotisations patronales en tout genre.

Les difficultés de la sécurité sociale sont organisées volontairement sous la pression de ceux qui possèdent les richesses et qui se font sans cesse exonérer de leur contribution au bien commun.

Notre groupe ne peut entériner un tel projet de démantèlement de notre système de protection sociale, contraire à l’intérêt du plus grand nombre. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, à moins que nos amendements soient pris en compte. On peut toujours rêver… (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce rendez-vous que constitue la première loi de financement de la sécurité sociale de la nouvelle législature était attendu. Quelle vision d’une sécurité sociale du XXIe siècle ? Quelles réponses apportées aux défis de notre système de santé : allongement de la vie, polypathologies, maladies chroniques, innovations médicamenteuses, inégalités territoriales et financières d’accès aux soins, culture de la prévention – quand 40 % des cancers, selon l’Institut national du cancer, pourraient être évités par des mesures alimentaires, comportementales et d’hygiène de vie –, soins dans la durée exigeant des interventions combinées de professionnels de santé ?

Une considération doit primer toutes les autres : la dimension humaine. Tel est l’héritage des ordonnances d’octobre 1945, le cœur de notre vivre ensemble, dont nous avons la responsabilité de maintenir les fondements de solidarité en leur donnant une efficience dans la réalité d’un monde ouvert à toutes les compétitions et où l’individualisme triomphe.

Madame la ministre, nous jugerons vos propositions sans a priori, en cohérence avec les valeurs que nous défendons, en premier lieu la justice sociale et la lutte contre les inégalités.

La pérennité de notre sécurité sociale repose sur notre responsabilité collective, celle des professionnels, celle des patients, des élus, à retrouver un équilibre financier, condition de la confiance de nos concitoyens en l’avenir, mais aussi enjeu de dignité et de responsabilité envers nos enfants et petits-enfants.

La sécurité sociale était excédentaire en 2001. Son déficit cumulé – régime général et fonds de solidarité vieillesse – a ensuite progressé jusqu’à 28 milliards d’euros en 2010. Il s’élèvera à 5,2 milliards d’euros en 2017 et à 2,2 milliards d’euros en 2018 avec, dans une conjoncture économique favorable, le retour à l’équilibre du régime général. Le déficit de la branche maladie, qui depuis 2001 fut supérieur à quatre reprises à 10 milliards d’euros, se réduit à 4,1 milliards d’euros en 2017 et passera, selon les prévisions, à 800 millions d’euros en 2018.

J’ai une question précise, qui s’adresse plutôt au ministre du budget : quelle est la part, dans ce résultat, du surplus de recettes, évalué par certains à 3,5 milliards d’euros, qui résulterait de l’écart entre la hausse de la CSG dès le 1er janvier prochain et les baisses de cotisations chômage et maladie ? Madame la ministre, du doute naît la suspicion : pouvez-vous nous éclairer précisément sur ce point ?

Si les déficits – ACOSS, dette restant à amortir par la CADES – représentent 140 milliards d’euros à la fin de 2017, la disparition de la dette sociale peut en effet être envisagée, à la condition, non satisfaite à ce jour, d’excédents à venir des branches ou de recettes nouvelles qui permettraient de couvrir 20 milliards d’euros de déficits cumulés de l’ACOSS. Prenons garde à la dangereuse illusion entretenue par les taux d’intérêt faibles ou même négatifs sur le court terme.

Madame la ministre, nous serons à vos côtés quand vous affirmerez la prévention, premier objectif de la stratégie nationale de santé.

L’article 11 porte l’obligation vaccinale à onze vaccins pour les enfants de moins de 24 mois. Quand une enquête réalisée dans soixante-sept pays en octobre 2016 classe la France championne du monde de la défiance vaccinale, quand des enfants meurent de la rougeole dans notre pays, il est rassurant que l’État prenne ses responsabilités. L’urgence sanitaire impose l’obligation.

En ce mois de novembre sans tabac, créé sur l’initiative de Marisol Touraine en 2016, une nouvelle étape est engagée dans la lutte contre la consommation du tabac, avec l’objectif d’un paquet de cigarettes à 10 euros en 2020. Les prix de vente sont fixés par les fabricants ; je reviendrai dans le cours du débat sur les modalités retenues. J’insiste sur trois points : l’accompagnement par des actions de communication en direction des jeunes avec leur langage, leurs codes ; l’évolution de la profession de buraliste qui structure nos territoires ; l’urgence, que vous avez évoquée tout à l’heure, de la lutte contre le commerce illicite de tabac en France, le plus important d’Europe, avec près de 9 milliards de cigarettes par an.

Une disposition module une taxe sur les boissons sucrées existant déjà afin de mieux lutter contre l’obésité infantile. L’accord sur cette mesure est assez large, même de la part des fabricants. Vous avez indiqué dans le débat, madame la ministre, que la disposition « vise non pas à gagner de l’argent sur la vente des boissons sucrées, mais à inciter les industriels à mettre moins de sucre dans les boissons ». Or il semble que les valeurs adoptées à l’Assemblée nationale conduisent à une forte augmentation du produit global de la taxe. Je défendrai donc un amendement dans l’esprit indiqué.

Je vous ai dit notre soutien, madame la ministre, j’en viens à notre opposition totale sur deux sujets emblématiques.

La CSG, créée par Michel Rocard, s’est appliquée au taux de 1,1 % pour la première fois en 1991. Augmentée par les gouvernements Balladur, puis Juppé, devenue pour partie déductible, elle progressera en 1999 de 4,1 points sous le gouvernement Jospin en contrepartie d’une baisse de 4,75 points des cotisations maladie, mais à l’époque la hausse limitée à 2,8 points pour les retraités était compensée totalement. L’idée était déjà de rendre du pouvoir d’achat aux salariés. Vous n’êtes pas dans cette continuité, vous n’y êtes pas en raison du transfert assumé entre les générations.

Une redistribution des ménages de plus de 60 ans vers les ménages de moins de 60 ans est-elle juste ? Peut-être l’est-elle au regard de données de l’INSEE ou d’économistes, mais encore faudrait-il juger de la limite de revenus choisie pour départager les retraités contributifs des autres.

Je vous le dis avec force, cette mesure est inacceptable, destructrice du pacte social, quand dans le même temps la suppression d’une partie de l’ISF et la mise en place de la flat tax allégeront de plusieurs milliards d’euros la contribution à la solidarité nationale des familles les plus aisées. Nous présenterons un amendement visant à supprimer cette disposition.

Nous soutiendrons de même un amendement de suppression de l’alinéa 6 de l’article 44 bis.

Madame la ministre, vous avez tort de supprimer le caractère obligatoire du tiers payant, qui va dans le sens de l’histoire. C’est un marqueur social répondant à une des difficultés d’accès aux soins.

Le rapport de l’IGAS est nuancé. Il sépare la part sécurité sociale de la part des complémentaires. La mise en place est techniquement réalisable à brève échéance pour la part sécurité sociale – 16,50 euros sur une consultation de 25 euros. Or, après la décision du Conseil constitutionnel, seule cette part pouvait voir le tiers payant s’appliquer au 30 novembre. Il était possible d’avancer en deux temps, progressivement, sans bras de fer avec les médecins, puisqu’aucune sanction n’est prévue. Pour les familles modestes, ce n’est pas la même chose de payer 25 euros au lieu des 7,50 euros de la part complémentaire. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser le calendrier après la remise du rapport ?

Dans la branche maladie, les articles 35 et 36 ouvrent un cadre général pour favoriser les expérimentations en matière d’organisation des soins, pour développer la télémédecine par le financement conventionnel de la téléexpertise et de la téléconsultation. J’en approuve la philosophie, même si des points doivent être précisés ou posent question, comme la composition et le rôle des comités stratégiques et techniques ou le montant alloué au fonds d’innovation. L’enjeu est bien de briser les rigidités, les cloisonnements existants, de remettre en cause le seul paiement à l’acte pour adopter des logiques de parcours ou de séquences de soins, de favoriser l’exercice collectif. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur le lien – s’il y en a un, ce que je souhaite – des articles 35 et 36 avec les logiques de territoires déjà créées grâce aux équipes de soins primaires et aux communautés professionnelles territoriales de santé ?

J’évoquerai enfin trois sujets d’inquiétude.

Premièrement, l’hôpital public n’assure ses missions que grâce au formidable engagement et au total dévouement du personnel soignant – médecins, infirmiers, aides-soignants, personnels paramédicaux – auquel je rends hommage. Quand, chaque année, plus de dix millions de personnes se rendent aux urgences, à l’interface de la médecine et des maux de la société, il y a obligation à redonner du sens à l’hôpital public.

Deuxièmement, l’accès aux médicaments innovants, sujet que vous connaissez bien et que je développerai ultérieurement, pose problème. Je partage les inquiétudes qui ont été précédemment exposées.

Troisièmement, la situation de la santé scolaire est difficile. Une récente enquête indique que les secteurs varient de 1 000 à 46 500 élèves par médecin.

Je terminerai par un élément de contexte et en osant rapprocher deux rapports récents. L’un du FMI, intitulé Lutter contre les inégalités, qui établit un lien entre les investissements dans l’éducation et la santé, la lutte contre la pauvreté et une croissance durable et inclusive ; l’autre du Secours catholique, sous le titre L’état de la pauvreté en France 2017, dont j’extrais ma conclusion : « La solidarité commence par le regard porté sur l’autre. Lorsque ce regard se fait dur, empreint de jugement, il est une véritable violence et entraîne le repli. » Nous sommes au cœur de nos préoccupations pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale marque la volonté du Gouvernement de rétablir l’équilibre des comptes sociaux, et notamment de l’assurance maladie, dont le déficit passerait de 4,1 milliards d’euros en 2017 à 0,8 milliard d’euros en 2018. La sécurité sociale, quant à elle, verrait son déficit passer de 5,2 milliards d’euros en 2017 à 2,2 milliards d’euros en 2018.

Vous souhaitez, madame la ministre, arriver à l’équilibre en 2020, malgré les difficultés très importantes qui s’annoncent pour la branche vieillesse.

Si l’ONDAM doit progresser de 2,3 %, vous prévoyez un effort de maîtrise des dépenses et des économies de 4,2 milliards d’euros. Pour ce faire, le taux de prise en charge en chirurgie ambulatoire passera de 54 % à 70 % en 2022. Les responsables des cliniques et hôpitaux que j’ai rencontrés m’ont fait part de leurs difficultés pour équilibrer ce secteur, du fait, selon eux, de cotations trop faibles – elles ont encore baissé – pour avoir la qualité et l’efficacité nécessaires.

Il faudra aussi tenir compte des malades atteints de polypathologies, qui peuvent être obligés de rester en service aigu. Ils ne devront pas être pénalisés.

Enfin, les services mobiles d’urgence et de réanimation des centres hospitaliers régionaux vont être en difficulté : ils vont devoir participer, sur leur dotation, aux paiements des transports secondaires vers les CHU, ce qui risque de les handicaper dans l’exercice de leur mission pourtant indispensable à la prise en charge des urgences au sein d’un département.

Pour ce qui concerne les dispositifs médicaux, l’amélioration semble possible, tout comme une meilleure coordination entre l’hôpital et le domicile.

Vous avez également, madame la ministre, des projets de prévention, dont ce projet de loi de financement de la sécurité sociale porte la marque.

Vous l’avez dit dans votre intervention liminaire : l’augmentation des prix du tabac qu’il prévoit ne doit pas être le seul paramètre pour diminuer le nombre de fumeurs. Nous souhaitons d’ailleurs la mise en place d’une évaluation des conséquences de cette mesure sur les buralistes. Une aide devra leur être apportée, car ils jouent un rôle important dans nos communes.

Vous proposez aussi d’améliorer la couverture vaccinale, avec la mise en place de onze vaccins obligatoires. Nous sommes tout à fait d’accord pour protéger les enfants.

Vous prônez aussi le développement du dépistage du cancer du sein, du cancer colorectal et du cancer de l’utérus. Nous proposons quant à nous celui du dépistage du cancer de la prostate.

Nous sommes également d’accord avec vos suggestions en faveur de la prévention de la consommation d’alcool ou de l’obésité.

Vous proposez également, madame la ministre, plus d’innovations et d’expérimentations : actes nouveaux en équipe ; télémédecine ; numérique ; remboursement des lunettes et des prothèses auditives ; incitation, pour les médecins s’installant dans une zone surmédicalisée, à réaliser un ou deux jours par semaine des consultations dans les zones sous-dotées ; création de 300 postes de médecins partagés ; cumul emploi-retraite facilité ; encouragement, pour les médecins spécialistes, à venir faire des consultations en maison de santé pluridisciplinaires, ou MSP ; poursuite des aides financières ; développement des stages extrahospitaliers ; coconstruction d’un projet d’aménagement du territoire avec les élus… Nous approuvons tous ces projets.

Permettez-moi néanmoins quelques suggestions.

Nous pensons nécessaire d’augmenter le numerus clausus, non pas de façon uniforme, mais dans les facultés établies sur des territoires risquant de devenir des déserts médicaux, avec pour critère, par exemple, l’âge des médecins y exerçant.

Il faudrait également organiser le concours de l’internat par faculté, au lieu de le faire via une épreuve nationale classante, et prévoir une spécialité de médecine générale, où l’interne travaillerait six mois avec son maître de stage, comme à l’hôpital.

Dans certains territoires ruraux, beaucoup de médecins ont plus de 60 ans. Nous pourrions mettre en place, en coconstruction avec les élus, un salariat pour les médecins généralistes qui seraient embauchés par un hôpital ou une clinique et qui pourraient intervenir dans les MSP. Ce modèle semble attractif.

On pourrait également recourir à une forme de coercition, en conventionnant un médecin installé en zone surmédicalisée s’il s’engage à aller deux jours par semaine dans une zone désertifiée.

À titre personnel, je pense qu’en cas d’échec de ces mesures, il faudrait se diriger vers un non-conventionnement des médecins s’installant en zone surmédicalisée, autrement dit vers un numerus clausus d’installation.

L’État doit s’engager à fournir des soins de premier recours dans toutes les MSP et dans tous les territoires. Il faut enfin associer les cliniques aux groupements hospitaliers de territoire, les GHT.

Le budget alloué aux personnes âgées et handicapées connaît quant à lui une augmentation de 2,6 %.

Il est également proposé aux personnes handicapées concernées d’entrer dans le quatrième plan Autisme, en coconstruction avec les familles. Nous approuvons cette démarche.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit également, pour les personnes âgées, la création de 4 500 places en EHPAD, mais aussi de 1 500 places d’accueil de jour ou d’hébergement temporaire, les deux derniers dispositifs étant des maillons très importants du maintien à domicile.

Actuellement, les centres pour l’accueil de jour doivent prévoir au moins six places ; il serait indispensable de pouvoir proposer quatre places seulement, mais cette hypothèse est toujours refusée par les ARS, ce qui est incompréhensible.

Pour la maladie d’Alzheimer, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit des unités de pôle d’activités et de soins adaptés, ou PASA. Il est souhaitable que les accueils de jour, lorsque c’est possible, puissent être intégrés dans ces unités.

Pour ce qui est de l’augmentation nécessaire du forfait soins, vous proposez 100 millions d’euros par an sur cinq ans. Cela nous semble indispensable, car les personnes âgées en EHPAD sont très dépendantes et le nombre d’employés de ces structures est très inférieur à ce que prévoient les outils AGGIR ou PATHOS.

J’en viens au tiers payant. Heureusement, la guerre n’aura pas lieu le 30 novembre ! Le tiers payant est maintenu seulement pour les personnes en CMU, en ALD ou en congé de maternité. Je rappelle que le tiers payant peut s’appliquer pour les ALD à 100 %, car il est actuellement, pour cette catégorie, à 70 %. Pour les malades en difficulté financière, il faudrait simplement ajouter dans la loi que le tiers payant doit s’appliquer à la demande du patient. Ce serait très simple à mettre en place.

Nous sommes d’accord avec la mesure de justice sociale qu’est l’augmentation de 100 euros par mois du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH.

En ce qui concerne la famille, vous proposez une augmentation sensible – 30 % – de la PAJE pour les familles monoparentales et fragiles, ce en quoi nous sommes d’accord.

Pour ce qui est des allocations familiales, vous prévoyez d’aligner en 2018 le plafond des ressources sur celui du complément familial. Cette mesure diminuera les allocations et pourrait être reportée.

Il serait par ailleurs souhaitable que la prime à la naissance soit versée dès le premier mois après la naissance. Nous nous associerons donc à l’amendement déposé par Élisabeth Doineau sur ce point.

J’aborde maintenant un point particulier, madame la ministre : l’arrivée en nombre des mineurs non accompagnés. Ils étaient 4 000 en 2011 ; ils sont plus de 30 000 en 2018. Cela pose un véritable problème. Il est nécessaire d’isoler certains de ces mineurs perturbés, qui ont souvent un vécu épouvantable, mais aussi les enfants qui souffrent de troubles du comportement, par la mise en place d’unités de dix lits dans les centres départementaux de l’enfance, les CDE, et les maisons d’enfants à caractère social, les MECS, avec un encadrement adapté. La différence entre les prix de journée pratiqués par ces deux structures pourrait être prise en charge par l’État.

Enfin, de nombreux jeunes majeurs vont se retrouver à la rue à 18 ans, sans pouvoir finir leur année de formation, car le département ne pourra pas financer seul.

J’en viens aux mesures concernant le pouvoir d’achat.

Les salariés vont bénéficier de la suppression des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage, ce qui représente un gain important. En contrepartie, la CSG va augmenter 1,7 point. Vous le savez, cette mesure fait couler beaucoup d’encre. La commission des affaires sociales du Sénat s’est d’ailleurs emparée du sujet : sur proposition du rapporteur général, elle a en effet supprimé la hausse de la CSG sur les pensions de retraite, afin d’éviter une baisse de pouvoir d’achat à cette catégorie de population. Conséquence : 4,5 milliards d’euros de recettes en moins pour le budget de la sécurité sociale.

Nous partageons cette inquiétude pour les retraités, mais notre groupe politique juge que l’effort de redressement des finances de la sécurité sociale doit être porté par tous les Français. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à limiter la hausse de la CSG sur les pensions de retraite à 1,2 point, cela afin de préserver les ménages les plus modestes, tout en ne mettant pas en difficulté le budget de la sécurité sociale.

Pour ce qui est du pouvoir d’achat des salariés, je tenais à rappeler la mesure proposée par Jean-Pierre Decool et Dany Wattebled, à l’occasion des débats de la semaine dernière, visant à étendre la participation des salariés dans l’entreprise.

J’en viens aux mesures relatives au soutien aux entreprises.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 met en place la transformation du CICE et du CITS en allégement des cotisations sociales, à compter du 1er janvier 2019. Cela représentera une baisse de charges totale pour des salaires allant jusqu’à 2,6 SMIC.

La précarité, c’est le chômage. C’est pourquoi nous soutenons ce choix, comme ceux de la fusion de la C3S et de la C4S, de l’extension du chèque emploi service universel, le CESU, de la réforme de l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, l’ACCRE, et du doublement du plafond du chiffre d’affaires applicable au régime de la micro-entreprise.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit également l’adossement du RSI au régime général, avec une période de transition de deux ans. Les instances régionales d’ores et déjà mises en place seront là pour continuer de jouer leur rôle social. Nous souhaitons que le personnel s’intègre bien dans le régime général.

Je voudrais, pour terminer, évoquer la situation de l’économie en zone hyper-rurale. Les zones comptant moins de 20 habitants au kilomètre carré devraient bénéficier, dans le cadre du zonage de revitalisation rurale, de cinq ans – au lieu d’un – d’exonération totale de cotisations sociales pour chaque embauche nouvelle. C’est nécessaire pour inciter les petites entreprises à s’installer dans les zones hyper-rurales, qui disposeraient ainsi d’un avantage par rapport aux autres secteurs. C’est important aussi pour les associations et entreprises de l’économie sociale et solidaire et du médico-social, qui sont souvent d’importants employeurs.

Madame la ministre, le groupe Les Indépendants – République et Territoires vous soutient dans votre volonté d’agir le plus vite possible afin de maîtriser les déficits sociaux sans renoncer à l’exigence d’une médecine pour tous, tout en limitant la participation des retraités afin de ne pas mettre en difficulté le budget de la sécurité sociale.

Nous soutenons donc vos propositions, expérimentations et innovations pragmatiques, madame la ministre, sans perdre de vue les objectifs que doit avoir l’État : aucun désert médical et maintien de la vie en zone rurale.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous serons force de proposition pour accompagner le projet du Gouvernement et soutenir la réforme de notre modèle de sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si ce projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit une volonté de retour à l’équilibre financier, le choix de privilégier des mesures conjoncturelles a été retenu au détriment de réformes structurelles.

Prenons d’abord le problème du déficit récurrent de l’ACOSS, qui se situe actuellement, selon les sources, entre 17 milliards d’euros et 21 milliards d’euros, quand son plafond de découvert est, je le rappelle, de 30 milliards d’euros.

Une démarche vertueuse, recommandée par la Cour des comptes, aurait consisté à rouvrir la possibilité de transferts entre l’ACOSS et la CADES, possibilité éteinte depuis l’année dernière avec la décision du secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics Christian Eckert d’épuiser les 22 milliards d’euros de reliquat autorisés par le Parlement.

Il aurait en effet été possible de transférer l’ensemble des déficits de l’ACOSS à la CADES en procédant à une augmentation de la CRDS de 0,25 %, sans toucher à la durée de vie légale de la CADES. C’eût été une démarche vertueuse, permettant de revenir à l’équilibre financier, sans exposer l’ACOSS à la variation des taux d’intérêt, dont on peut craindre qu’elle ne survienne dans les années à venir, tant les marchés financiers sont fébriles. Dans un tel cas de figure, l’ACOSS, déjà lourdement déficitaire, serait dans une situation désastreuse.

Plutôt que de privilégier cette démarche, le Gouvernement a choisi d’augmenter la CSG de 1,7 %. Il aurait pourtant été possible, un simple calcul le prouve, de ne l’augmenter que de 1,45 %, tout en augmentant la CRDS de 0,25 %. Au-delà, différents orateurs l’ont dit, on aurait même pu imaginer de ne pas l’augmenter du tout, en privilégiant une réforme de fond : la création de taux différentiels de TVA.

Il faut le savoir, beaucoup de pays européens ont un taux normal de TVA supérieur à celui de la France : il est de 25 % en Suède et au Danemark, de 23 % au Portugal, de 22 % en Italie et de 21 % en Espagne

En fixant un taux normal à 23 %, sans toucher bien sûr aux biens de première nécessité pour ne pas pénaliser les personnes les plus démunies, nous aurions engrangé des ressources supplémentaires. Nous aurions même pu aller plus loin, et créer un taux de TVA majoré à vocation environnementale qui s’applique aux produits d’importation, et même un taux super-majoré pour les véhicules polluants, à l’image de ce qu’ont déjà fait d’autres pays.

Cette démarche vertueuse n’a pas été retenue.

Je fais pourtant remarquer à tous les sénateurs que, si la CSG est un prélèvement « imposé », la consommation, sauf pour les produits de première nécessité, est le fruit d’un choix.

Je m’attarderai plus longuement sur le RSI. Plutôt que de le réformer en profondeur, le Gouvernement a choisi, avec l’article 11, de l’aligner sur le régime général de la sécurité sociale, dans un texte difficilement compréhensible ne comptant pas moins de 404 articles, dont on peut douter de la constitutionnalité.

Une telle réforme, incluse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale contre la volonté des principaux acteurs de terrain et après une concertation plus que limitée, pourrait être assimilée à un cavalier législatif.

Cette mesure d’affichage intervient alors que l’organisation du RSI est en voie d’amélioration depuis deux ans. Jean-Pierre Godefroy et moi-même y avions beaucoup travaillé avec acteurs du RSI. Je ne citerai que quelques propositions formulées par les parlementaires, Assemblée nationale et Sénat confondus : possibilité de faire des provisions fiscales pour charges, limitation des acomptes, projet d’autoliquidation. Tout cela allait dans le bon sens.

La réforme que l’on nous propose est le fruit d’une pression exercée par une certaine catégorie de population ; elle résulte de la confusion entre le poids des charges pesant sur les professions indépendantes et la façon dont les charges étaient recouvrées par l’interlocuteur social unique.

Le Gouvernement prend un grand risque en laissant espérer aux indépendants que cette réforme allégera leurs charges.

J’ai demandé à un cabinet d’expertise-comptable d’effectuer le calcul du coût d’un tel alignement sur le régime général pour trois catégories de revenus : 24 000 euros, 48 000 euros et 96 000 euros. Ce simple calcul montre que l’alignement générera pour ces catégories d’indépendants des augmentations de cotisations de 6 000 euros, 11 000 euros et 28 000 euros, respectivement.

C’est, à terme, ce qui risque de se produire. À prestations égales, cotisations égales : c’est automatique ! Vous avez certes avancé devant notre commission, madame la ministre, que ni les unes ni les autres ne changeraient. Vous avez également affirmé, tout à l’heure, que l’accompagnement social mis en place avec beaucoup de courage par les administrateurs du RSI serait maintenu.

Dans ces conditions, pourquoi faire une telle réforme, impliquant trois intervenants au lieu d’un seul – la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, la CARSAT, l’URSSAF et la CPAM –, et alors que le logiciel de l’ACOSS, le fameux SNV2, à l’origine de tous les déboires du RSI, a été à peine toiletté ? Il faudrait que par enchantement, par un coup de baguette magique, un système qui ne fonctionnait pas devienne subitement opérationnel !

Cette réforme n’est-elle pas en fait une convention de gestion déguisée, ne respectant pas la procédure d’appel d’offres ? Le problème doit être exposé ainsi, ce me semble.

Le réveil risque d’être douloureux, alors même que l’assurance chômage des indépendants, un moment évoquée, n’est pas prévue. Beaucoup d’indépendants s’imaginaient pouvoir bénéficier de la garantie chômage : ce ne sera pas le cas. Compte tenu de l’augmentation du coût des prestations chômage qu’elle aurait entraînée, cette réforme était en réalité difficilement envisageable.

Parallèlement à tout cela, une réforme complexe de la Caisse interprofessionnelle d’assurance vieillesse des professions libérales, la CIPAV, est engagée. Elle vise à créer trois ou quatre catégories différentes en fonction des années d’affiliation. Or, depuis quelques jours, des catégories socioprofessionnelles préconisent le dépôt d’amendements visant à les maintenir, selon leur activité, dans le périmètre de la CIPAV. Si de tels intervenants réagissent ainsi, c’est que la concertation a été plus que défaillante. Cela devrait nous amener à y réfléchir de façon plus approfondie.

Et puis, dernière remarque, sur un plan éthique, vouloir uniformiser le statut des salariés et des indépendants, c’est à mon sens la négation d’une approche libérale de notre système économique.

Dans notre esprit, une telle réforme aurait dû faire l’objet d’un texte spécifique et être soumise à une large concertation, souhaitée par tous les acteurs de terrain, au lieu d’être contenue dans 404 articles du présent projet de loi.

Je ne sais pas quels amendements seront adoptés dans les jours qui viennent. Si le texte reste en l’état, notre groupe, dans sa grande majorité, s’abstiendra ; il envisagera également la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel sur le fondement de la réforme du RSI telle que présentée aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale est important, car il marquera la trajectoire que vous comptez donner à votre politique sociale, madame la ministre.

Les annonces se sont multipliées ces dernières semaines : stratégie nationale de santé, lutte contre les déserts médicaux, lois de bioéthique, retraites, assurance chômage. C’est l’ensemble de notre politique sociale que vous comptez réformer, en tout début de quinquennat.

Nous approuvons la méthode qui consiste à engager une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés avant de faire des propositions. Il n’est plus acceptable que les réformes soient uniquement inventées dans des think tanks et traduites dans des cabinets ministériels avant d’être votées en bloc par des majorités aux ordres. Consultez, discutez, inspirez-vous des expérimentations et idées développées dans les territoires de métropole et d’outre-mer.

Je m’exprimerai sur les équilibres et les recettes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que sur la branche assurance maladie. Nassimah Dindar s’exprimera quant à elle sur les branches famille et vieillesse, et insistera sur la question de l’accès aux soins.

L’année dernière, à la même époque, la ministre de la santé nous présentait le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat comme l’aboutissement de mesures ayant permis le redressement des finances sociales. La protection sociale était réhabilitée, les comptes à l’équilibre, les retraites sauvées, les hôpitaux financés : le satisfecit était total.

La majorité sénatoriale avait alors exprimé des réserves – c’est peu dire – quant à la sincérité du texte qui était soumis au Sénat. Votre texte, madame la ministre, le confirme. Le déficit de la branche maladie était beaucoup plus dégradé que ce qui avait été prévu : il est de 4,1 milliards d’euros au lieu des 2,6 milliards d’euros annoncés. Nassimah Dindar aura l’occasion de le développer concernant la branche vieillesse : le Gouvernement avait fait preuve d’imagination pour afficher des comptes sous un jour favorable.

Le recours à des artifices comptables n’est pas l’apanage de votre prédécesseur ; il faut le reconnaître, tous les gouvernements y ont recouru. Les lois de financement de la sécurité sociale sont des textes difficiles à appréhender, techniques, où la communication prend logiquement une place importante. J’espère, madame la ministre, que vous assumerez vos projets de loi de financement de la sécurité sociale avec un peu plus d’honnêteté.

Pour 2018, vous prévoyez un déficit de 2,2 milliards d’euros. La progression de la masse salariale entraîne une importante hausse des recettes, de plus de 3 %. Quant à l’ONDAM, la progression de 2,3 % que vous proposez serait obtenue au prix d’un important niveau d’économies, de près de 4,2 milliards d’euros. Des objectifs exigeants, qui dépendent en partie d’informations tendancielles que nous ne maîtrisons pas.

Au-delà de ces chiffres conjoncturels, n’oublions pas la dette sociale qui, elle, est toujours bien présente.

Ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale tient l’une des promesses du président de la République : soutenir le pouvoir d’achat des actifs par la baisse de leurs cotisations sociales, financée par une hausse de la CSG.

L’article 7 va très vraisemblablement faire l’objet de nombreuses discussions dans cet hémicycle. Est-il juste de faire supporter cette baisse de cotisations par les retraités ? Certes, une partie d’entre eux bénéficiera d’une baisse de la taxe d’habitation, dont l’application, elle, est étalée sur trois années. Certains, cependant, subiront une perte nette de leur pouvoir d’achat.

On peut gloser des heures sur les chiffres, trouver les exemples que l’on veut ; à ce jeu chacun développe des trésors d’imagination, tous plus documentés les uns que les autres. Il y a là, en réalité, une question générale, un enjeu de société : doit-on solliciter davantage les retraités, notamment les plus modestes d’entre eux ? Nous aurons l’occasion d’en débattre, et le groupe Union Centriste proposera des solutions alternatives.

J’en viens au sujet, ô combien sensible, du RSI. Vivement critiqué pour les erreurs dont les indépendants font les frais dans le calcul de leurs cotisations ou de leur retraite, il a concentré les critiques de la majorité, si ce n’est la totalité, des candidats à la présidence de la République.

Emmanuel Macron met donc en œuvre une promesse de campagne. Il n’en demeure pas moins que des doutes et des inquiétudes subsistent sur les modalités de la réforme que vous nous proposez, madame la ministre. N’était-il pas préférable, conformément à votre méthode sur d’autres sujets, ceux que j’évoquais en préambule, de consacrer au RSI un texte en propre, plutôt que d’introduire un article de plus de trente pages dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Nous en débattrons, car il faut de la clarté en la matière.

Je terminerai sur les recettes, en abordant brièvement la question de la fiscalité du tabac. La lutte contre le tabagisme est un enjeu crucial de santé publique, et il est démontré que l’augmentation du prix des paquets de cigarettes conduit à une diminution de la consommation, au moins dans un premier temps. Les consommateurs, en effet, se tournent soit vers les revendeurs frontaliers – je puis vous en parler en connaissance de cause, en tant que sénateur mosellan –, soit vers les marchés de contrebande.

Augmenter le prix du tabac sans lutter efficacement contre la fraude est donc inutile et n’aura qu’un seul effet : faire disparaître le métier de buraliste. Il faut accentuer la lutte contre la contrebande et veiller à l’uniformisation, à l’échelle européenne, du prix des paquets de cigarettes. Il me semble que vous vous y êtes engagée, madame la ministre.

J’en viens maintenant à la situation de la branche maladie. Les dispositions du PLFSS relatives à cette branche sont organisées en quatre thématiques : prévention, innovation, pertinence et qualité des soins, modernisation du financement du système de santé.

Vous abordez la question de la prévention principalement via l’extension de l’obligation vaccinale. Cette mesure fait partie des choix de société sur lesquels nous devons être particulièrement attentifs. Il existe des doutes, fondés ou non, sur la dangerosité des vaccins ou des adjuvants qu’ils contiennent. Cela ne nécessiterait-il pas un état des lieux plus approfondi ? Je pense, par exemple, à la question de la vaccination des adolescents.

Un sujet qui n’apparaît pas, alors qu’il le mériterait, est celui de la médecine scolaire. Médecins et infirmières scolaires sont des rouages essentiels de la prévention. Et pourtant, depuis des années, l’État fait trop peu pour améliorer les conditions de travail de la médecine scolaire, au point que l’Académie de médecine tire la sonnette d’alarme. C’est dans ces services que peuvent être dépistés les grands problèmes de l’adolescence : addictions, obésité, troubles neuropsychiques.

Nous soutenons l’article 35 sur la mise en place d’un cadre légal permettant le déploiement d’expérimentations innovantes. Il faut encourager le décloisonnement sur le terrain, dans les départements notamment. Tel devra être le cas en matière de télémédecine, je parle ici de l’article 36 : c’est une des solutions visant à remédier à la désertification médicale. Il est urgent d’agir en la matière.

Pour conclure, sachez, madame la ministre, que les sénateurs du groupe Union Centriste abordent l’examen de ce texte de manière tout à fait positive. Nous aurons des discussions, des désaccords peut-être, mais nous partagerons le même objectif : garantir à tous l’accès à notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur général applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons ce jour l’examen du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat. Même s’il s’agit d’un projet de loi de financement ô combien important, je n’entrerai pas dans le détail de ses équilibres financiers, d’autres orateurs s’étant largement exprimés sur ce sujet.

Je m’attacherai plutôt, après quelques remarques générales, à aborder plus particulièrement deux sujets : la désertification médicale et l’hôpital, lequel subit, avec ce texte, un nouveau coup de rabot.

En tant que professionnelle de santé, je ne peux que me féliciter du contenu de ce PLFSS dans sa partie santé, que ce soit en matière de prévention, de pertinence des soins ou d’innovation. Le nier serait un manque d’honnêteté intellectuelle et contraire à ce que je pense être bon pour la santé de nos concitoyens.

Je salue également le financement de plus de 4 500 places d’EHPAD et de 1 500 places d’accueil de jour. C’est une bonne nouvelle pour nos territoires et pour les personnes âgées en perte d’autonomie.

Mais j’appelle votre attention, madame la ministre, sur les choix que vous-même et les agences régionales de santé serez amenés à faire. Dans certains départements, des lits d’EHPAD déjà autorisés ne sont pas encore installés. Souvent, les financements ne sont plus là. Je compte sur vous pour que ces lits ne passent pas systématiquement à la trappe ; ils doivent faire l’objet d’un examen attentif.

Malgré ces décisions que j’approuve, je ne peux vous donner, madame la ministre, un satisfecit général. Ce projet de loi présente en effet de grosses lacunes du point de vue financier. Je pense notamment à l’augmentation de la CSG. Je pense aussi aux 4 milliards d’euros d’économies que vous demandez au médicament, à la médecine de ville et à l’hôpital, en arrêtant une progression de l’ONDAM à 2,3 %.

J’en viens à la question de la désertification médicale, qui concerne des villes, des zones périurbaines et, bien entendu, le monde rural. Le constat est sans appel : un Français sur dix vit dans un désert médical. À l’inverse de l’évolution observée pour le très haut débit, le phénomène du désert médical s’amplifie et s’étend à une grande partie du monde rural.

Le Gouvernement prétend pouvoir régler ce problème en sollicitant les étudiants en médecine et les médecins retraités. Si la décision de favoriser le cumul emploi-retraite pour les médecins est louable, je soutiens l’idée d’exonérer de cotisation vieillesse les médecins pouvant prétendre à une retraite à taux plein, mais qui font le choix, faute de successeur, de prolonger leur exercice en zone sous-dotée.

Mais n’est-ce pas insuffisant ? Ne peut-on pas envisager de soigner avec des médecins diplômés et en âge de le faire ? On ne peut pas continuer à utiliser des méthodes de substitution, il est grand temps de réfléchir à des solutions qui permettront l’installation de nouvelles générations de médecins et le développement de délégations de tâches entre professionnels de santé.

Les départements se mobilisent pour attirer de nouveaux professionnels de santé ; beaucoup font le choix de l’incitation pour remédier aux départs en retraite de nombreux médecins. Prenons l’exemple de la Charente-Maritime, que je connais bien : ce département propose des bourses d’études aux internes en médecine générale, en contrepartie d’une installation de quatre ans au minimum dans une partie du département où se pose la question de la désertification médicale. Plus au sud, l’Aveyron propose un accompagnement personnalisé des futurs médecins souhaitant s’y installer.

La ruralité est dynamique, innovante, mais ces politiques départementales ne peuvent être efficaces si elles ne sont pas accompagnées d’une réforme structurelle de l’organisation de la médecine. La remise à plat du numerus clausus a été une piste longuement évoquée pour faire face à cette situation alarmante. Cette solution a ses adeptes et, surtout, ses opposants, mais force est de constater que, sur trois médecins qui s’installent, un a été diplômé à l’étranger. Aussi, il devient urgent d’innover afin de répondre aux enjeux démographiques.

Le Gouvernement entend régler la question des déserts médicaux en construisant des maisons de santé en grand nombre. Ce sont évidemment des équipements de qualité, qui offrent de très bonnes conditions de travail, mais encore faudrait-il qu’il y ait des médecins pour s’y installer ! Le problème majeur des maisons de santé, c’est qu’elles n’ont pas fait neuf ans de médecine et que les murs ne soignent pas…

La question des déserts médicaux ne peut pas être entièrement réglée par des mesures directement liées à la santé. Ces zones oubliées de la République doivent bénéficier de soutiens supplémentaires de la part de l’État. Tout à fait consciente des attentes des jeunes médecins en termes de qualité de vie personnelle, je pense que l’attractivité de ces territoires passe par la mise en place d’un réseau internet de très haut débit et par le maintien d’un minimum de services publics en zone rurale. C’est une question d’aménagement du territoire – à cet égard, permettez-moi de rappeler que le réseau des officines de pharmacie est exemplaire en matière d’aménagement du territoire national et qu’il constitue une véritable colonne vertébrale en matière d’accès à la santé.

Comme le médecin généraliste est la pierre angulaire des soins de ville, l’hôpital est le pilier de notre système de santé, mais il est l’un des grands perdants du PLFSS pour 2018, puisqu’une économie de plus d’un milliard d’euros lui est encore demandée.

Les gouvernements successifs des cinq dernières années ont pratiqué la politique du « rabot » sur le dos de l’hôpital. Les conséquences sur la qualité des soins et sur les conditions de travail du personnel hospitalier s’en ressentent aujourd’hui. L’hôpital a su prendre le virage ambulatoire, mais ne perdons pas de vue l’intérêt du patient ni celui du personnel, et ne risquons pas la sortie de route. L’intérêt financier prévaut depuis longtemps par rapport à l’intérêt de santé publique, mais n’avons-nous pas atteint les limites de cette politique ? Nous ne pouvons plus demander encore de telles économies à l’hôpital et à l’industrie pharmaceutique.

Le numérique, la télémédecine, avec téléconsultation et téléexpertise, et l’intelligence artificielle sont autant d’outils qu’il faut encore mieux intégrer pour améliorer la prise en charge des patients. Sur cet aspect, vous avez compris les nouveaux enjeux du domaine médical, mais il faudra aller plus loin et plus vite.

L’hôpital public exerce d’autres missions. La recherche demeure une priorité, car elle est source d’innovations médicales et pharmaceutiques. La formation continue des praticiens hospitaliers et non hospitaliers est également l’une des prérogatives de l’hôpital ; cette transmission du savoir est essentielle pour le maintien de la qualité des soins français ; il faut continuer.

Si le Gouvernement n’apporte pas de solutions viables au monde hospitalier, alors il doit se résoudre à donner plus d’autonomie aux hôpitaux, à remettre sur un pied d’égalité les cliniques et les hôpitaux en matière de missions de service public. De grâce, essayons, innovons, faisons preuve d’audace ! Il n’y a rien de pire que la résignation et l’attentisme.

Parce que le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques et l’innovation thérapeutique sont les enjeux d’aujourd’hui et de demain, des réformes structurelles s’imposent. La feuille de soins proposée par le Gouvernement est donc incomplète, trop prudente et parfois inadaptée à la pathologie observée. Les Français sont en droit de réclamer une qualité de soins décente ; les professionnels de santé sont en droit de réclamer des conditions de travail à la hauteur de l’énergie qu’ils dépensent dans l’exercice de leur profession. La tâche est immense et on ne peut plus se permettre d’attendre.

Soigner les soignants est notre mission aujourd’hui ; la santé du monde médical est en effet déclinante.

En conclusion, parce que le patient doit rester au cœur de nos préoccupations, je citerais le cruciverbiste Serge Mirjean, qui disait : « L’hôpital est un établissement public où les malades ont leurs maux à dire. » (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 que nous examinons cette semaine, le premier de la nouvelle législature et du quinquennat, cumule à mon sens deux qualités essentielles.

D’abord, il est marqué du sceau de la responsabilité, car il poursuit la trajectoire favorable des comptes sociaux entamée sous le gouvernement précédent. Les chiffres ont été rappelés, le déficit cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s’établira en 2018 à 5,2 milliards d’euros, contre 7,8 milliards d’euros en 2016. L’objectif est d’atteindre l’équilibre d’ici à 2020, et d’apurer la dette de la sécurité sociale d’ici à 2024.

Ensuite, ce budget est le fruit de choix assumés et d’une volonté de conduire sans attendre des réformes structurelles importantes pour assurer non seulement la pérennité de notre système de sécurité sociale, mais aussi un meilleur service à ses bénéficiaires.

Qu’il s’agisse de la baisse des cotisations des salariés, de la hausse de la CSG, de la transformation du CICE et du CITS en allégements de cotisations patronales, des mesures en faveur des indépendants ou de la politique familiale, il s’agit bien, chaque fois, d’oser faire des choix : oser libérer le pouvoir d’achat des actifs, oser augmenter la participation du capital au financement de la protection sociale, oser orienter la politique familiale vers la lutte contre la pauvreté et vers la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.

Comme l’a indiqué mon collègue Michel Amiel, notre groupe soutiendra donc, dans son ensemble, ce budget équilibré, responsable et réformateur.

Permettez-moi de revenir à présent sur quelques mesures de ce PLFSS. En ce qui concerne la prévention en santé, je m’associe pleinement à l’augmentation significative de la fiscalité sur le tabac, donc du prix de celui-ci. Je constate que ce volontarisme fiscal se double d’un engagement à lutter contre les marchés parallèles et à réviser la directive européenne n° 2008/118 sur les achats transfrontaliers. J’insiste sur ce point : les produits du tabac ne sont pas, dans notre marché unique, une marchandise comme les autres. Il faut en tirer les conséquences à l’échelon européen en limitant plus strictement les achats transfrontaliers. À défaut, toute politique nationale de prévention par le prix manquera sa cible et achèvera de déstabiliser nos buralistes en zone frontalière.

Pour ce qui concerne les mesures de couverture vaccinale, je tiens, là encore, madame la ministre, à vous apporter tout mon soutien dans votre volonté de protection générale de la population, mais aussi de cohérence et de lisibilité. En effet, la coexistence de vaccins obligatoires et de vaccins recommandés pour les nourrissons ne permet pas aujourd’hui d’atteindre l’objectif de 95 % de couverture vaccinale fixé par l’OMS. Or le bénéfice d’une couverture vaccinale accrue contre les maladies graves ne me semble pas discutable. C’est pourquoi je voterai le passage de trois à onze vaccins obligatoires pour qu’un enfant soit accueilli en collectivité.

Quant à la télémédecine, l’expérimentation menée dans certains territoires depuis 2009 a permis de tester plusieurs modalités de mise en œuvre. Dans le Haut-Rhin, une solution innovante de téléconsultation a été développée et expérimentée avec succès pour limiter les effets de la désertification médicale. Aussi, je me réjouis que, dès 2018, la téléconsultation sorte du champ de l’expérimentation pour être généralisée.

Pour terminer, je souhaite dire quelques mots du sort de la branche famille au sein du PLFSS. Rappelons que, au total, un effort de 70 millions d’euros est consenti pour la politique familiale en 2018, qui sera une année de transition. Nous reviendrons dans le débat sur certaines mesures.

Notre défi premier, collectif, immense, reste celui de la pauvreté des enfants dans notre pays. Malgré de nombreux dispositifs, la situation ne s’améliore pas assez vite ; madame la ministre, personne ne peut s’en satisfaire. Il est en effet grand temps de repenser les objectifs et les mécanismes de notre politique familiale. La simplification du système des prestations familiales est plus qu’un objectif louable, c’est une urgence ! Vous aurez tout mon soutien pour vous attaquer à celle-ci au cours des mois à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, et Mme Laurence Rossignol applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Nassimah Dindar. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Jean-Marie Mizzon a abordé, voilà quelques instants, les équilibres généraux et la branche maladie. Je concentrerai mon propos sur les branches famille et vieillesse, et sur l’accès aux soins, thématiques qui touchent au plus près la vie quotidienne d’un grand nombre de Français.

À mon tour, je tiens à saluer le travail de tous nos rapporteurs, qui éclaireront nos débats d’une analyse fine des dispositions que nous examinerons.

Avant toutes choses, je veux vous dire, madame la ministre, que vos premiers mois d’action à la tête de ce ministère nous rassurent. Vous agissez avec méthode, en lien avec le terrain, et vous semblez animée de la volonté de trouver des solutions pérennes, loin des dogmes qui provoquent l’immobilisme, voire qui créent de nouvelles difficultés.

Je tiens par ailleurs à saluer votre passage à La Réunion, territoire dont je suis élue, et, plus spécifiquement, au CHU Félix-Guyon, établissement d’excellence qui rencontre des difficultés, mais qui permet à la France de rayonner dans l’océan Indien.

Mes collègues et moi-même serons donc à vos côtés dans vos choix et dans votre volonté de redresser les comptes de la sécurité sociale pour assurer l’avenir de cette protection solidaire que nos voisins nous envient. Nous serons également à vos côtés lorsqu’il s’agira de moderniser notre système de santé et nos hôpitaux, d’agir sur la prévention – vous avez indiqué quelques pistes lors de votre intervention –, et de donner au personnel médical les moyens d’agir, dans de bonnes conditions, pour la santé de tous. Nous serons enfin à vos côtés pour que chacun, dans notre pays, en France hexagonale comme dans la France des outre-mer, puisse bénéficier d’un égal accès aux soins. Nous serons des alliés et la voix des élus de terrain, celle des collectivités que nous représentons.

J’en viens au PLFSS, que nous allons examiner tout au long de la semaine. Concernant la branche famille, je soutiens, ainsi que l’ensemble de mon groupe, la position développée précédemment par la rapporteur Élisabeth Doineau. Les décisions prises par le précédent gouvernement ont ébranlé l’universalité des allocations familiales qui caractérisait la politique familiale depuis des décennies. L’article 26 du PLFSS pour 2018 laisse à penser que vous prenez la même direction, allant ainsi à l’encontre de l’esprit originel des allocations familiales.

Je le regrette, et je soutiendrai la suppression de cet article. La politique familiale n’est pas seulement un acquis historique, elle tient aussi à une vision de la société et à une certaine idée de la France. Elle n’est pas seulement un principe bienfaisant de la redistribution horizontale, mais elle rime avec la condition, la responsabilité et les obligations éducatives du parent.

Comprenez-le bien, nous serons favorables au versement de la majoration du complément familial pour les familles les plus pauvres et monoparentales – elles sont nombreuses, dans les territoires d’outre-mer comme en France hexagonale –, mais notre groupe préfère faire rimer allocation familiale avec éducation familiale plutôt qu’avec charges.

Mme Nassimah Dindar. Aussi participerons-nous à cette grande concertation sur la politique familiale annoncée pour l’année 2018.

En ce qui concerne la branche vieillesse, qui est en équilibre budgétaire – c’est une bonne chose –, je m’associe à la prudence de notre rapporteur général quant à une future dégradation, s’il n’y a pas de réforme structurelle pérennisant le financement de la branche.

Nous saluons l’augmentation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, pour les plus fragiles ; cette mesure était très attendue par nos anciens, mais nous proposons que les nouveaux montants s’accompagnent de la revalorisation des plafonds de la CMU-C et de l’aide ménagère légale, sans quoi une rupture de droits pourrait se produire ; cela fera l’objet d’un amendement que nous proposerons à l’article 28.

Madame la ministre, mes chers collègues, parler des personnes âgées m’amène à aborder une question transversale, celle de l’accès aux soins pour les plus fragiles de nos concitoyens en perte d’autonomie. Tout d’abord, la réforme en 2015 de l’aide au paiement de la complémentaire santé, l’ACS, a conduit la CNAMTS à retenir onze offres généralisées, figées dans leurs prestations et dans leur coût – vous avez vous-même évoqué le reste à charge pour de nombreux publics. Ensuite, le contrat labellisé « senior » ouvre droit à un crédit d’impôt sur la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance maladie complémentaires, mais les deux décrets de juillet 2016 sont pour l’heure restés sans suite. Enfin, le Premier ministre, lors de son discours de politique générale du 4 juillet dernier, a proposé de parvenir en 2022 à l’absence de reste à charge pour les assurés sur les frais d’optiques, de soins dentaires et d’audioprothèses – vous venez de confirmer ce choix et nous saluons ce progrès. Malgré tout, nous voyons bien qu’il reste à apporter de la cohérence et à simplifier tous ces dispositifs pour personnes âgées.

Nous savons également que les personnes âgées s’inquiètent aussi du reste à charge sur tous les autres produits remboursés, qui augmente avec l’âge, puisque le coût des mutuelles augmente à partir de 60 ans pour les personnes en perte d’autonomie. Le dossier de l’accès aux soins exige donc une réforme harmonisée, simplifiée et des offres labellisées plus justes, à mesure que croît la perte d’autonomie. Les personnes porteuses de handicap sont également concernées par ces dispositifs d’accès aux soins et à la santé. Peut-être pourrons-nous d’ailleurs avoir besoin un jour, nous autres élus, de prothèses auditives pour mieux entendre la voix du peuple… (Sourires.)

Mme Nassimah Dindar. Le même type de simplification, mes chers collègues, serait donc bénéfique aux personnes porteuses d’un handicap, concernant non seulement l’AAH, mais encore le complément AAH, la majoration pour la vie autonome, la MVA, dont il est question dans le texte, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et l’allocation supplémentaire d’invalidité ; autant de dispositifs qu’il faudrait simplifier pour en améliorer la lisibilité pour les porteurs de handicap.

Madame la ministre, nous attendons, comme nos concitoyens, simplification et harmonisation, réformes et adaptations. Ces réformes doivent être conduites sans s’exonérer d’une vision globale des enjeux et des modalités de la politique familiale, et je sais que c’est l’esprit de ce gouvernement, qui sera sensible au pragmatisme des élus locaux, principalement de ceux qui sont chargés, dans les départements, des personnes âgées et des publics vulnérables dans les départements.

Le débat parlementaire doit aussi bénéficier de cette simplification. En tant que nouvelle sénatrice, j’aurais aimé aborder l’ensemble de la politique sociale cette semaine, sans attendre le projet de loi de finances, et parler de l’AAH, des personnes porteuses de handicap et des sujets que je viens d’évoquer, qui sont intimement liés. Or nous travaillons dans deux cadres financiers différents. Comme vous le dites, la politique de la famille doit évoluer comme la famille évolue, mais il me semble important que toutes les familles y aient accès.

Je ne pourrais pas terminer mon propos sans vous faire voyager un peu, de Mayotte à La Réunion, de la Guyane aux Antilles, sans oublier Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouméa, Papeete, ni, bien entendu, Wallis-et-Futuna. Nos outre-mer ont leurs réalités propres ; aussi, nous accueillons très favorablement l’article 35 de ce projet de loi, qui permet les expérimentations et les innovations, mais quels moyens allez-vous mettre, madame la ministre, à disposition des territoires, notamment les plus éloignés, pour assurer les soins et la solidarité à l’égard de tous ?

Vous l’aurez compris, madame la ministre, les sénateurs du groupe Union Centriste abordent les discussions de ce premier PLFSS du quinquennat avec bienveillance, mais une bienveillance qui ne nous empêchera pas de nous opposer à certaines mesures lorsque nous estimerons qu’elles ne prennent pas une direction satisfaisante, celle du redressement de nos comptes sociaux au profit d’une meilleure protection pour tous.

J’ajoute, et j’en aurai terminé, madame la présidente, que je partage les réserves de Mme Guillotin ; j’aurai l’occasion d’en reparler. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Madame la ministre, la présentation de votre premier projet de loi de financement de la sécurité sociale est l’occasion de donner corps aux orientations de votre politique de santé, d’autant plus que vous avez annoncé les quatre priorités de la stratégie nationale de santé.

Cela dit, l’objectif de la politique de santé doit être avant tout de répondre aux enjeux de la transition épidémiologique, du développement des pathologies chroniques, de la dépendance, de l’intrication du médical et du social et de la place des facteurs environnementaux. Il importe que le rôle des différents acteurs du système de soins, leurs missions, leurs modes d’organisation et leur coordination répondent bien à ces enjeux et ne restent pas figés dans des représentations passées.

L’hôpital d’aujourd’hui et de demain n’est bien sûr plus celui de 1958, ni même celui de 2007. Or les moyens qui lui sont accordés ne lui suffisent clairement plus pour assurer ses missions actuelles. Il nous faut garantir sa pérennité en tant qu’institution porteuse d’un accès égalitaire à des soins de qualité, sur tout le territoire, et cela nécessite de nouvelles orientations, tant pour ce qui concerne le financement de l’hôpital public que pour ce qui touche au périmètre des activités hospitalières.

Les investissements nécessités par le développement de l’ambulatoire, les technologies numériques et les impératifs écologiques ne trouvent pas de réponse satisfaisante dans les modes actuels de financement. Ceux-ci peinent à assurer le fonctionnement courant et les investissements d’entretien. Les retards s’accumulent alors que le personnel est de plus en plus désemparé par les plans successifs d’économie.

L’hôpital est un bien commun apprécié des Français, qui donne du sens à la solidarité et à l’engagement de l’État pour la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Les défis auxquels il est confronté doivent être résolus par un nouvel engagement national. Mieux inséré dans les parcours de soins, doté de capacités suffisantes pour rester à la pointe de la recherche et de l’innovation, garant de l’accès égal et de la participation des usagers à ses services, notre hôpital a un bel avenir devant lui ; nous devons lui en donner les outils.

Or la fixation à 2 % de l’ONDAM hospitalier, même abondé de la hausse du forfait journalier, pose un nouveau cadre financier très contraint ; l’heure d’un nouveau « plan Hôpital » est donc venue, madame la ministre.

Si l’on revient aux priorités, appréciables, de la stratégie nationale de santé, force est de constater qu’il n’est pas toujours aisé de les retrouver dans ce texte. La prévention est l’objet de mesures de fiscalité et d’une obligation concernant les vaccins ; l’Assemblée nationale y a ajouté le financement d’une consultation de dépistage pour les jeunes femmes.

Nous approuvons la décision concernant les vaccins, tout en prêtant une grande attention au message envoyé par plusieurs sociétés savantes, dont le Collège national des généralistes enseignants, qui nous alertent sur les risques que l’obligation accroisse in fine le phénomène de défiance, tant il est vrai que, en santé publique, les logiques d’autorité fonctionnent assez mal. Il est néanmoins tout aussi vrai que l’intérêt général et collectif doit être respecté par chaque individu.

C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle était parvenue, l’an dernier, la concertation nationale sur la vaccination, pilotée par le professeur Alain Fischer, qui insistait sur l’importance de plusieurs mesures : écoute de la population et des professionnels, transparence de l’information et des experts, diffusion d’informations validées, implication de l’école, campagnes de sensibilisation dans les médias ou encore facilitation de la pratique de la vaccination. C’est en complément de ces actions que le comité recommandait l’élargissement des obligations vaccinales de l’enfant. Il recommandait également la prise en charge à 100 % des vaccins obligatoires. C’est l’ensemble de ces axes qu’il faut appliquer pour réussir.

Une politique de prévention en santé doit s’attaquer aux causes : au tabac, certes, mais aussi à l’alcool, aux polluants, dont ceux de l’air, et aux substances chimiques, notamment aux perturbateurs endocriniens, dont le rôle dans l’accroissement de nombreuses pathologies se révèle, au fil des études scientifiques, bien plus important que ce que l’on imaginait. Que vienne le temps où la loi s’appuiera sur des recettes prélevées sur les polluants de l’alimentation pour financer un fonds alimentation-santé ainsi qu’une politique plus active en la matière !

À l’aune des évolutions sanitaires et sociales, notre système doit évoluer, et vite. C’est sans doute consciente de cette situation que vous avez introduit l’article 35 dans ce projet de loi, un article qui suscite l’intérêt, en raison des perspectives qu’il ouvre, mais qui ne doit pas terminer en déceptions multiples. Nous approuvons cette volonté, mais il faudra mieux en préciser les objectifs : la lutte contre les inégalités, la prévention et la participation des usagers sont essentielles et les modes d’organisation doivent se penser avec les territoires.

Madame la ministre, votre projet contient des pistes intéressantes, mais aussi des ambiguïtés, relatives par exemple au tiers payant intégral, et il ne faudrait pas que cette ambiguïté se mue en un rendez-vous manqué avec la réduction des inégalités sociales. C’est un objet précieux, car il s’agit de la sécurité sociale et, au fond, pour ce qui concerne la santé, de la capacité de notre pays à réaliser de nouveaux progrès.

Madame la ministre, ne nous décevez pas, portez la santé publique, toute la santé publique. C’est cela qui nous anime et qui fondera nos positions dans la discussion qui s’ouvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Amiel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, certains choix du Gouvernement présentés dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale recueillent l’approbation de notre groupe politique, que ce soit en matière de santé publique – c’est le cas de la lutte contre le tabagisme et de l’obligation vaccinale – ou en matière de politique de santé, avec le déploiement de la télémédecine et la mise en place d’organisations innovantes favorisant les initiatives des professionnels de santé.

En revanche, nous ne vous suivrons pas pour ce qui concerne les retraités et les familles. Le basculement des cotisations salariales vers la CSG est présenté comme une mesure de « justice sociale […] avec l’objectif d’une contribution équitable de l’ensemble des Français au financement de la protection sociale ». Mais où est la justice sociale ? En réalité, la mesure constitue une perte sèche pour huit millions de retraités qui avaient déjà subi une série de mesures sous les gouvernements précédents – la fiscalisation de la majoration de retraite pour charges de famille et la suppression de la demi-part des veuves, ces deux mesures ayant eu pour conséquence d’assujettir certains retraités au taux normal de CSG de 6,6 % et non plus au taux réduit de 3,8 % –, sans oublier le gel de leurs pensions depuis trois ans.

Par ailleurs, alors que le versement des cotisations obligatoires ouvre toujours des droits, vous transférez sur la CSG des retraités les cotisations des actifs pour les indemnités de chômage. De cette façon, vous faites le choix de ne plus financer uniquement l’UNEDIC par les cotisations des salariés.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons la proposition de nos rapporteurs de supprimer la hausse de 1,7 point de la CSG pour les retraités.

Nous regrettons également que vous ayez fait le choix de continuer la politique familiale du gouvernement précédent. Nous estimons que cette politique doit être universelle, car elle est la preuve que l’État reconnaît le rôle fondamental de la famille dans la société, indépendamment de toute considération financière. Il est essentiel de comprendre que la vocation de la politique familiale n’est pas l’assistance, mais l’équité.

Or la réduction du quotient familial et la modulation des allocations ont fortement fragilisé cette politique. Ce PLFSS prévoit une nouvelle baisse d’une des prestations familiales ; les familles seront progressivement concernées par la baisse du montant de la PAJE, certaines perdront leurs droits et d’autres verront le montant de leur prestation divisé par deux. Nous voterons donc la suppression de l’article 26 proposée par notre collègue Élisabeth Doineau.

J’en viens maintenant au domaine médico-social. Je tiens à remercier notre rapporteur pour ce secteur, Bernard Bonne, qui nous a expliqué qu’une hausse tendancielle du niveau de l’ONDAM médico-social, bien que réjouissante, ne pouvait être un motif suffisant de satisfaction. Au-delà de la dénonciation du manque de places dans les établissements, dont les élus et les représentants associatifs se font les infatigables relais, je souhaite appeler votre attention sur deux sujets particuliers, dont l’urgence requiert qu’une réponse leur soit apportée sans délai.

En premier lieu, je veux évoquer le cas de nos concitoyens atteints de handicap et contraints de recourir à des prises en charge à l’étranger. Voilà plus de deux ans que les alertes ont été déclenchées, notamment ici, au Sénat. Nous avons rendu des travaux, des préconisations ont été faites, mais peu de chose a été accompli.

Des efforts ont, certes, été fournis, et je veux saluer les deux principales initiatives que constituent la « réponse accompagnée pour tous » et le fonds d’amorçage de 15 millions d’euros.

Toutefois, l’ampleur et la cruauté du phénomène réclament des réponses d’une bien plus grande envergure ; un montant de 15 millions d’euros seulement pour contrer cet « exil des sans-solution » dont le coût s’élève à près de 400 millions d’euros ? Notre longue histoire de terre d’accueil nous inspire très justement l’horreur des départs contraints. Prompts à dénoncer ce mal quand il accable d’autres peuples, qu’attendons-nous pour y répondre quand il touche nos propres concitoyens ? L’intention du fonds d’amorçage doit être considérablement renforcée et, surtout, les conseils départementaux doivent être associés à la démarche.

En second lieu, il n’y a pas que le secours financier qui soit salutaire. J’évoquais la « réponse accompagnée pour tous », la confection sur mesure d’un parcours personnalisé pour chaque personne handicapée. Oui, c’est la voie qu’il nous faut désormais emprunter. Oui, c’est aux structures et aux intervenants médico-sociaux de s’adapter aux besoins spécifiques de la personne.

Mais à qui ce nécessaire et ambitieux projet est-il échu, sans qu’aucun moyen supplémentaire soit venu l’accompagner ? Aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. On veut en faire des interfaces performantes et réactives entre les publics touchés par le handicap et les acteurs chargés de leur prise en charge. Très bien ! Mais il faut alors leur donner les moyens d’assumer cette immense tâche.

J’entends bien que les MDPH ont récemment été déchargées de missions qui excédaient leur cœur de métier, et c’est fort bien. Mais, là aussi, le pas franchi est trop timide.

Nos MDPH sont trop souvent dépassées par l’ampleur des missions qui leur sont confiées, au détriment des familles et des personnes handicapées, malgré des efforts importants accomplis par les personnels.

Voilà, madame la ministre, les principaux sujets que je tenais à porter à votre connaissance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours un peu difficile de trouver la bonne distance à l’égard de sujets dont on a eu la responsabilité, entre une indifférence qui serait totalement contrainte et la nécessaire liberté qu’il faut laisser à un ministre et à son gouvernement.

Je veux évoquer devant vous deux sujets que je trouve importants, les modes d’accueil des enfants de moins de 3 ans, sujet qui est traité dans le présent PLFSS, et les violences faites aux enfants, sujet qui ne l’est pas. Enfin, je voudrais attirer votre attention sur deux outils qui sont à votre disposition et sur lesquels vous pouvez donc vous appuyer.

En ce qui concerne, premièrement, les modes d’accueil, le rapport de la Cour des comptes constate, à juste titre, que le gouvernement précédent n’a pas atteint les objectifs de création chiffrés qu’il s’était fixés. Les raisons en sont multiples, malgré les investissements réalisés et les choix budgétaires opérés, particulièrement par la CNAF, puisque, si ma mémoire est bonne, entre 2013 et 2016, 400 millions d’euros ont été consacrés à l’aide à l’investissement et 13 milliards d’euros l’ont été au fonctionnement des crèches. En effet, en dépit des subventions supplémentaires à l’investissement annoncées dans un plan en 2015, les collectivités locales n’ont pas jugé possible de prendre le risque d’engagements supplémentaires pour la création de structures d’accueil, en particulier en termes de fonctionnement.

Je crains que cet état des lieux, quelles que soient votre volonté et celle de la CNAF, ne perdure, les collectivités locales, encore davantage fragilisées par les baisses de dotations annoncées voilà quelques semaines, hésitant à s’engager durablement dans la création d’établissements d’accueil de jeunes enfants.

Sur ce sujet, ma conclusion, madame la ministre, est la suivante : je crois que nous sommes arrivés au moment où notre pays doit se doter d’un service public de la petite enfance. Le fait que l’accueil des enfants de moins de 3 ans ne soit une compétence obligatoire ni de l’État ni des collectivités locales conduit ces dernières, selon leurs choix de société, mais, le plus souvent, selon leurs contraintes budgétaires, à ne pas porter la création de structures d’accueil à la hauteur de l’attente des familles.

Si l’école maternelle fonctionne bien en France, c’est parce que chaque parent sait qu’il peut y trouver une place pour son enfant, dès 3 ans. Si nous voulons réellement que l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes progresse, il est indispensable de faire de l’accueil des moins de 3 ans une politique publique dont la compétence est clairement attribuée et le financement défini.

Deuxièmement, je veux évoquer le sujet des violences faites aux enfants.

Paradoxalement, on a beaucoup mieux pris en compte, depuis une dizaine d’années environ, les violences faites aux femmes. Tout le monde ou presque sait aujourd’hui qu’une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon, mais qui sait que deux enfants meurent probablement chaque jour de violences à leur encontre ? Qui sait que 10 % des enfants sont victimes de violences sexuelles ? Qui sait que 80 % de ces violences ont lieu dans la sphère familiale ? La visibilité sur les violences faites aux enfants est infiniment moins grande, probablement parce que le déni est encore plus lourd, le tabou plus difficile à lever, la famille étant tellement présupposée être un lieu de protection et d’épanouissement qu’il est parfois fort difficile d’admettre qu’elle est aussi, pour les enfants, le premier lieu de violence et de maltraitance. J’en veux pour preuve que l’on en est au cinquième plan de lutte contre les violences faites aux femmes et seulement au premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants. Cela dit bien le décalage dans le temps entre les deux prises de conscience !

Les femmes ont un ministère dédié – leur nom figure dans son intitulé. Vous avez, madame la ministre, la responsabilité de l’enfance, de sa protection et de la lutte contre les violences faites aux enfants. Cette lutte est une politique de santé publique. Je sais que vous en êtes parfaitement convaincue ; vous le savez d’autant mieux que la Haute Autorité de santé a déjà produit un premier rapport à ce sujet… D’ailleurs, la reconnaissance de cette lutte comme une politique de santé publique, et pas simplement comme une affaire privée ou de droit pénal, n’a pas été si évidente.

Il faut maintenant poursuivre la mise en œuvre du premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants, parce que les choses ne se feront pas d’elles-mêmes. Nous avons, sur ce sujet, tellement d’immobilisme et de résistances à combattre qu’une immense mobilisation est nécessaire, particulièrement des professions de santé, dont je rappelle qu’elles sont quasiment les derniers signalants en matière de violences faites aux enfants, alors qu’elles sont probablement celles qui sont le plus à leur contact.

J’insiste sur la nécessité de mener à bien ce premier plan et, en toute logique, de préparer bientôt le deuxième.

Enfin, je veux attirer votre attention sur deux outils remarquables que vous avez à votre disposition, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, et le Conseil national de la protection de l’enfance.

Souvent, on pense que les conseils sont des « machins » qui ne servent à rien. Bien au contraire, ces deux hauts conseils sont des lieux où la société civile réelle – et non les institutions de la société civile – est véritablement présente. Vous avez là de l’expertise, des relais et de véritables outils, pour peu que ces deux conseils soient dotés des moyens nécessaires à leur fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Laurence Cohen et Nassimah Dindar applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacky Deromedi. Madame la ministre, je sais que vous connaissez toutes les problématiques auxquelles nous sommes confrontés. Je vous ai saisie récemment du cas particulier d’un adolescent atteint d’une forme rare de cancer, qui, malgré la qualité de la recherche en France, ne peut être traitée actuellement qu’aux États-Unis. J’ai obtenu auprès de vos services un accueil et une compréhension qui vous font honneur. Je vous remercie de votre engagement dans ce domaine.

La question déborde d’ailleurs les cancers pédiatriques, puisque, dans ce cas, il s’agit d’une forme de cancer dont peuvent également être atteints des adultes.

Le code de la sécurité sociale prévoit la prise en charge forfaitaire de telles maladies. Il s’agit la plupart du temps de traitements coûteux. Il est heureux que notre législation ait prévu une telle possibilité de prise en charge. Je salue d’ailleurs l’engagement, dans ce domaine, des caisses de sécurité sociale, des médecins-conseils et des personnels, qui traitent ces cas avec beaucoup d’humanité.

Je vous ai entendue vous engager à donner les moyens nécessaires à la recherche. Bien entendu, je vous fais confiance. Il faudrait que la recherche contre le cancer fasse partie des priorités de ce quinquennat, au même titre que certains axes prioritaires, que je ne conteste pas.

Je suis convaincue qu’un effort peut être fait. Nous sommes tous prêts à apporter notre pierre à l’édifice, mais, en premier lieu, je souhaiterais que soient mis à contribution ceux qui produisent les médicaments.

Certains médicaments sont plus rentables que d’autres, mais, aujourd’hui encore, certains marchés moins rentables sont insuffisamment investis par la recherche. C’est le cas des médicaments spécifiques aux traitements des cancers pédiatriques.

Je souhaiterais qu’une contribution spéciale soit demandée à tous les fabricants de produits pour les traitements médicaux, pour les traitements de confort ou pour la cosmétique, que cette contribution soit partagée par moitié entre le fabricant et les consommateurs, le fabricant ayant ainsi la possibilité d’augmenter ou non le prix de vente de son produit de la moitié de la somme qu’il devra reverser pour la recherche, et que cette contribution soit consacrée à la recherche contre le cancer, avec l’obligation d’en réserver la moitié au moins à la recherche spécifique contre les cancers pédiatriques. Je vous présenterai un amendement à ce sujet.

Au reste, des associations de parents désemparés se sont créées pour recueillir des fonds privés afin de pouvoir faire face, dans l’urgence, à l’accompagnement de ces enfants. Ces parents, dans l’angoisse de ne pas pouvoir procurer à leur enfant les soins qu’il pourrait recevoir à l’étranger, créent des associations dans le but de pouvoir lever rapidement les fonds nécessaires au traitement de leur enfant.

Il serait souhaitable que ces associations puissent bénéficier du statut d’intérêt général et, en conséquence, qu’elles puissent délivrer un rescrit fiscal aux donateurs, ce qui leur permettrait de lever beaucoup plus rapidement les fonds nécessaires. Bien entendu, tous les justificatifs devront être fournis, mais avec une priorité d’examen pour une réponse rapide, car dans ces cas dramatiques, on parle en jours…

Je veux maintenant intervenir sur les sujets de préoccupation principaux des Français de l’étranger et, tout d’abord, sur les « certificats de vie », question récurrente depuis des années, qui peine à trouver une solution.

Nos compatriotes retraités résidant à l’étranger doivent prouver chaque année qu’ils sont vivants pour percevoir leur retraite. Quoi de plus normal ? Cependant, beaucoup de nos compatriotes retraités résidant à l’étranger vivent loin d’une administration locale qui acceptera de justifier de leur existence.

J’ai eu à traiter plusieurs cas de Français demeurant loin d’une représentation officielle qui puisse justifier de leur état. Pour s’y rendre, il faudrait qu’ils prennent l’avion ou le bateau et qu’ils en aient les moyens. Ceux qui sont trop âgés, malades ou sans ressources ne peuvent pas prendre ce risque. Par ailleurs, si le certificat n’est pas rédigé dans la langue du pays, qui voudra certifier ?

J’ai même vu plusieurs cas de retraités venus passer quelques mois avec leur famille en France, qui ne pouvaient pas obtenir de la commune dans laquelle ils résidaient provisoirement auprès de leur famille ce fameux « droit à vivre dans la dignité » qu’est le certificat de vie.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, avec l’accord du Gouvernement, l’article 55 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, aux termes duquel « les bénéficiaires d’une pension de retraite versée par un organisme français et résidant hors de France peuvent envoyer aux caisses de retraite leurs certificats d’existence par voie dématérialisée, dans des conditions fixées par décret. » Ce dispositif devait entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

Le Conseil constitutionnel l’a déclaré contraire à la Constitution pour de simples raisons de procédure, considérant qu’il s’agissait d’un « cavalier législatif ».

Madame la ministre, quelles solutions très pratiques et concrètes votre ministère peut-il apporter dans cet univers kafkaïen ?

Un autre sujet concerne la situation de nos compatriotes expatriés qui rentrent en France, quelle qu’en soit la raison, mais bien souvent à la suite de la rupture de leur contrat de travail ou d’un problème familial, après avoir la plupart du temps travaillé dans des entreprises de droit local qui ne les ont pas affiliés au régime de sécurité sociale français.

Le bénéfice de la protection maladie universelle est subordonné à la justification d’une activité professionnelle ou à une résidence stable et régulière ininterrompue depuis plus de trois mois. Ceux qui ne sont pas adhérents à la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, se retrouvent à leur arrivée en France et pour trois mois au moins sans assurance maladie, ce qui entraîne pour eux et pour leur famille des conséquences parfois gravissimes.

Il serait souhaitable qu’ils puissent, dès qu’ils ont connaissance de leur retour en France, signaler cette situation auprès du consulat afin de pouvoir bénéficier d’une couverture sociale dès leur arrivée.

Permettez-moi d’évoquer également la réforme du régime de la Caisse des Français de l’étranger. Cette réforme est en discussion depuis des mois, tant au niveau du conseil d’administration et de la direction de la CFE que dans un dialogue constant avec la direction de la sécurité sociale et votre cabinet.

La réforme prévoit de nombreuses mesures, notamment une réflexion sur une prise en compte accrue de la composante liée à l’âge, une offre spéciale pour les jeunes de moins de 30 ans, une offre 100 % digitale, un « produit France » pour prendre en charge uniquement les soins en France, un objectif de remboursement clarifié pour les hospitalisations, etc. Il s’agit d’une réforme ambitieuse, qui doit se traduire par une nouvelle loi.

Pouvons-nous espérer, madame la ministre, que ce texte puisse venir en discussion sans trop tarder ?

Pour terminer, j’évoquerai le problème crucial de la CSG-CRDS, qui inquiète nos compatriotes retraités.

L’augmentation des prélèvements les préoccupe, car il en résultera une diminution de leur pouvoir d’achat, sans parler de leur assujettissement à ces prélèvements.

Certaines compensations sont envisagées pour les anciens salariés ou fonctionnaires résidant en France, mais quid des autres retraités pénalisés par l’augmentation prévue, indépendamment de l’exonération partielle de la taxe d’habitation, qui ne sera pas complète cette année et qui ne bénéficie pas à la plupart des expatriés ?

Qu’en sera-t-il pour les non-résidents qui acquittent la taxe ? Quelles perspectives leur offre le Gouvernement ?

Je vous remercie d’avance, madame la ministre, des réponses que vous pourrez nous apporter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’ensemble de vos contributions.

Je note déjà avec satisfaction que, sur un certain nombre de sujets, notamment dans le champ de la santé, et particulièrement sur la prévention, nous pourrons peut-être arriver à des consensus dans les débats à venir. Cela me réjouit.

Je ne saurais répondre maintenant à l’ensemble des points que vous avez soulevés, mais j’aurai évidemment l’occasion de le faire lors de l’examen des amendements.

Je veux simplement revenir sur quelques grands axes que plusieurs d’entre vous ont évoqués.

Concernant la CSG, il faut considérer la politique du Gouvernement dans son ensemble. Ainsi, seuls les retraités assujettis au taux plein de CSG subiront la hausse de 1,7 point et 40 % des retraités – les plus modestes, dont les retraites se situent en dessous du seuil de la CSG à taux plein – échapperont à cette augmentation.

Par ailleurs, une grande partie des retraités qui seront assujettis à la hausse de 1,7 point bénéficieront de l’allégement de la taxe d’habitation. Au total, sur les 7 millions de retraités qui connaîtront une augmentation de la CSG, 3,8 millions seront compensés, voire plus que compensés – ils gagneront en pouvoir d’achat par la suppression de la taxe d’habitation.

J’ajoute que le PLFSS comportera des dispositions à destination des plus modestes, notamment la revalorisation du minimum vieillesse, qui augmentera dès le 1er avril 2018.

Prenant en compte la politique fiscale et sociale dans son ensemble, nous sommes attentifs à l’équilibre d’ensemble des réformes, dont il est très important de retracer l’impact, dans sa globalité, sur telle ou telle population. Il ne s’agit pas de travailler en silo.

Monsieur Milon, vous avez évoqué les conditions de financement de la sécurité sociale, et vous n’avez pas été le seul à relever que le projet de loi augmente fortement la part de la CSG dans ce financement. Il nous semble en effet que celle-ci est une ressource particulièrement adaptée, du fait de son assiette très large, qui assure une contribution de toutes les ressources productives. Il s’agit également d’une ressource adaptée au caractère de plus en plus universel de certaines branches, notamment des branches famille et maladie.

Nous voyons bien aujourd’hui que le ratio entre actifs et inactifs a tellement diminué depuis la création de la sécurité sociale que le modèle qui a été pensé en 1945 n’est plus soutenable. Nous sommes obligés de réfléchir à d’autres voies.

Concernant le RSI, beaucoup ont estimé que nous prenions des risques, voire que la réforme n’était pas souhaitée. Je rappelle tout de même que la perte de confiance des indépendants dans leur régime de sécurité sociale était telle que presque tous les candidats à la présidence de la République avaient inscrit dans leur programme la réforme du RSI ! Nous n’avons à aucun moment menti en évoquant une baisse des charges. Il s’agit d’une réforme qui vise simplement, à charges constantes, à améliorer la qualité du service rendu. Nous n’avons pas non plus vendu une harmonisation entre le régime général et le modèle des indépendants. En revanche, nous vendons une simplification pour ceux qui, dans leur vie professionnelle, sont amenés à changer de statut plusieurs fois, ou à avoir des statuts mixtes – je pense notamment aux travailleurs qui sont salariés à mi-temps et indépendants à mi-temps. Ces derniers verront leur parcours de vie simplifié par les dispositions du droit de la sécurité sociale qui les concernent. L’enjeu réside donc aussi, selon nous, dans la simplification des parcours. C’est d’ailleurs également la raison pour laquelle nous allons, à terme, intégrer le régime étudiant dans le régime général.

Nous sommes évidemment très attentifs à ce que ne se produise pas un nouvel accident industriel, tel que celui qui a été observé en 2008. Depuis le mois de juillet dernier, l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances ont été chargées d’une mission de préparation et de pilotage de la réforme et, contrairement à ce qui s’est passé en 2008, nous ne prendrons aucune décision aux conséquences irréversibles. Nous nous mettons donc en mesure d’assurer aux indépendants une bascule de leur régime vers le régime général, en prenant en compte toute la complexité du système. Nous avons, je pense, appris du passé, de façon à ne pas renouveler les erreurs.

Concernant, en particulier, les systèmes d’information, nous avons constitué un groupement d’intérêt économique, un GIE, formé par les différents organismes du régime général, pour maintenir et faire évoluer en commun les applications du RSI. McKinsey et Accenture se sont également vu confier la mission de définir un schéma type. Nous avons donc pris énormément de précautions.

Le projet de loi prévoit d’ailleurs la mise en place d’un comité de surveillance, qui sera chargé de valider chaque étape avant tout changement. Je pense que nous avons donc été vraiment très vigilants.

Sur la question de la dette et des besoins de financement de l’ACOSS, qui a été évoquée par beaucoup d’entre vous, le plafond de trésorerie de l’ACOSS devrait être porté à 38 milliards d’euros en 2018, contre 33 milliards d’euros en 2017. Le montant de l’encours de dette de l’ACOSS ne pose pas de problème de financement dès lors que les taux à court terme demeurent bas, ce qui sera visiblement le cas en 2018, eu égard à la politique conduite par la Banque centrale européenne.

Toutefois, face à davantage d’incertitudes à moyen terme, le Gouvernement est favorable à ce qu’une réflexion soit engagée dans le courant de l’année prochaine, visant à réduire cette dette via la CADES ou grâce aux excédents dégagés par les différentes branches. Nous y reviendrons.

Beaucoup de remarques ont également été faites sur les personnes âgées, sur l’ONDAM médico-social et sur les EHPAD. Je vais tâcher d’être brève, d’autant que nous aurons l’occasion de revenir sur l’ensemble de ces mesures.

S’agissant des EHPAD, nous sommes conscients que l’ONDAM médico-social, qui progresse plus que l’ONDAM général, correspond à un vrai besoin, compte tenu du vieillissement de la population dans les EHPAD, et à la part de soins, qui est importante.

En prenant nos responsabilités, nous avons pris acte de la réforme de la tarification qui avait été prévue dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Nous sommes en train de suivre de façon très étroite la mise en œuvre de cette réforme, qui commence à s’appliquer. Les inquiétudes d’un certain nombre d’EHPAD quant au modèle de tarification sont parvenues jusqu’à nous. C’est la raison pour laquelle nous accompagnons aujourd’hui cette évolution financièrement, en prévoyant des financements supplémentaires pour la partie relative aux soins. En effet, nous voyons non seulement que les personnes âgées sont de plus en plus dépendantes, mais qu’elles souffrent aussi de polypathologies qui nécessitent davantage de soins. Notre effort s’élève d’ores et déjà à 100 millions d’euros.

Nous avons également prévu un fonds pour accompagner les EHPAD qui ne s’y retrouveraient pas financièrement et resteraient en déficit. Ce fonds sera doté, de mémoire, de 26 millions d’euros pour l’année 2018.

Enfin, nous créons des postes d’infirmières de nuit, là aussi pour répondre à des besoins qui ont été exprimés sur le terrain.

Notre vigilance est donc très grande, ce qui ne nous exonérera pas d’une réflexion de moyen et de long terme sur notre modèle d’accompagnement de la perte d’autonomie dans notre société. En effet, l’EHPAD n’est pas un modèle unique. Le séjour en EHPAD correspond aujourd’hui clairement à la fin de vie, puisque les personnes qui entrent dans ces structures y restent en moyenne deux ans.

Nous avons à réfléchir collectivement, de façon interministérielle, à la politique d’accompagnement des aînés, à une politique de la ville qui rende la ville inclusive, à une politique d’adaptation des logements et à une tarification différente de la perte d’autonomie. La réflexion ne fait que débuter. Nous prenons acte d’un changement de tarification des EHPAD, que nous allons accompagner, mais il ne s’agit évidemment pas là de l’ultime réforme de l’accompagnement de la perte d’autonomie de nos aînés, puisque nous savons que le nombre de personnes âgées dépendantes va tripler d’ici à 2050.

J’ai d’ailleurs confié aujourd’hui une mission sur l’évolution à moyen terme du modèle d’accompagnement de la dépendance à deux hauts conseils, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, le HCAAM. Je pense que nous aurons l’occasion de reparler de ce virage dans cet hémicycle.

Monsieur Savary, vous avez évoqué la situation des retraites. Le Gouvernement est évidemment très attentif aux équilibres de la branche retraite à court et moyen termes. Nous allons suivre de très près les travaux du Conseil d’orientation des retraites, dont nous attendons le nouveau rapport. Il serait à mon avis prématuré de tirer, sur la base d’un seul point d’un seul rapport, des conclusions qui amèneraient à des réformes paramétriques, alors que nous nous engageons dans une réforme structurelle.

Nous avons d’ores et déjà intégré dans nos hypothèses de travail une prévision d’évolution à court terme plus réaliste que celle qu’avait retenue le PLFSS pour 2017, mais nous nous adapterons au fur et à mesure. Nous ferons preuve sur ce plan, d’une très grande vigilance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur moi pour tenir devant vous un discours de vérité sur ce sujet qui nous concerne tous et sur lequel nous aurons évidemment des choix stratégiques à faire dans les années qui viennent.

Concernant le Fonds de solidarité vieillesse, il n’est pas exact de dire que la hausse du minimum vieillesse n’est pas financée. Je vous fais remarquer que le déficit du Fonds de solidarité vieillesse devrait diminuer – vous l’avez d’ailleurs relevé – de 200 millions d’euros en 2018. Une revalorisation du minimum vieillesse n’est pas incompatible avec une réduction importante du déficit de ce fonds, qui devrait passer de 3,6 milliards d’euros cette année à 800 millions d’euros en 2021.

Beaucoup d’orateurs ont évoqué la politique familiale – je pense notamment à Mmes Doineau, Schillinger et Dindar. Je partage votre souhait, mesdames les sénatrices, de réfléchir en priorité aux objectifs de notre politique familiale. Nous avons par exemple une inquiétude : la baisse de la natalité en 2016 et 2017. Si cette baisse se confirme, nous devrons repenser une politique nataliste ; en effet, je ne sais pas si les allocations familiales telles qu’elles ont été conçues il y a quelques années correspondent aux besoins actuels des familles.

Nous avons un autre défi à relever : la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Nous devons réfléchir à une politique de création de places en crèche ou à d’autres modes de garde pour le jeune enfant. Mme Rossignol a évoqué ce point. Or les places de crèche telles qu’elles ont été pensées sous le quinquennat précédent ne semblent pas répondre exactement aux besoins des familles.

Enfin, je voudrais évoquer un troisième objectif : la pauvreté des familles nombreuses ou monoparentales. Notre politique familiale ne saurait se dédouaner totalement d’un sujet spécifique à la France : le nombre d’enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté, qui sont en quelque sorte assignés à résidence dans la pauvreté, est bien supérieur à la moyenne de l’OCDE. C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’on ouvre un grand débat en 2018 sur les objectifs assignés à notre politique familiale et sur la manière de les atteindre. Là encore, ce débat devra tenir compte de toutes les sensibilités représentées au sein de cette assemblée, mais également de toutes les parties prenantes.

La réflexion ne fait que commencer. On ne peut donc réduire le PLFSS aux mesures d’urgence que j’ai prises quand j’ai constaté que 36 % des familles monoparentales vivaient en dessous du seuil de pauvreté et que cela représentait 70 % des enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté. J’assume ce choix stratégique effectué dans l’urgence, mais le débat devra se prolonger en 2018.

Madame Deroche, vous m’avez posé une question sur les ATU. Les autorisations temporaires d’utilisation ont été créées à une période où l’industrie pharmaceutique présentait un médicament ayant une indication. On a vu qu’avec une nouvelle politique visant à obtenir une première indication, souvent dans une niche, puis à développer progressivement de très nombreuses indications, le système des ATU ne permettait pas, une fois l’AMM octroyée, d’avoir accès aux médicaments innovants dans les nouvelles indications de façon anticipée. J’ai vu ce problème arriver quand j’étais présidente de l’INCA. Le ministère en est parfaitement conscient également, et nous devons encore travailler pour essayer de proposer une solution dès 2018.

Vous m’avez aussi interrogée sur les chirurgiens-dentistes : la négociation de la nouvelle convention est en cours avec la CNAM et, pour l’instant, nous réfléchissons avec les chirurgiens-dentistes à la manière de définir un panier de soins minimum qui permettrait d’accentuer l’intérêt pour les actes de prévention et d’avoir un reste à charge de zéro pour les familles.

Vous m’avez également interpellée sur les vaccins, notamment les vaccins contre les HPV. La problématique des vaccins contre la grippe ou les HPV est légèrement différente de celle des vaccins de la petite enfance.

J’ai souhaité aujourd’hui axer l’obligation vaccinale sur les vaccins de la petite enfance, car un certain nombre d’enfants, notamment des enfants atteints de cancer, ne peuvent pas bénéficier de la couverture vaccinale et sont, de ce fait, particulièrement sensibles aux épidémies. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’une couverture vaccinale large pour éviter des décès d’enfants.

La problématique du vaccin contre les HPV est très différente, puisqu’il s’agit d’une protection individuelle. Si l’on veut considérer le vaccin anti-HPV sous l’angle de la protection collective, il faudrait alors s’interroger sur la vaccination des garçons. C’est un sujet réel. D’autres pays ont choisi de vacciner l’ensemble des jeunes, et pas seulement les filles. Nous aurons peut-être ce débat l’année prochaine. Mais nous avons déjà suffisamment de pain sur la planche pour convaincre nos concitoyens de l’utilité de vacciner les enfants de moins de deux ans !

J’ai regretté, madame Cohen, que vous évoquiez le suicide d’un praticien à Grenoble. Si la qualité de vie des professionnels de santé est, certes, une vraie question dans nos établissements, que ce soit en EHPAD ou à l’hôpital public, le cas particulier dont vous avez fait part relève, me semble-t-il, d’un autre problème. Veillons, sur des sujets aussi sensibles, à ne pas instrumentaliser le suicide d’un professionnel à un moment donné.

Cela étant, nous ouvrons évidemment la question de la qualité de vie au travail et du sens de l’hôpital public de demain. La tâche est immense, après des années d’une politique qui a voulu faire croire que l’hôpital public devait répondre à une logique d’entreprise. L’hôpital n’est pas une entreprise comme une autre, il ne doit pas rechercher des parts de marché. C’est la raison pour laquelle je souhaite revenir, au moins partiellement, sur la tarification à l’activité. Nous devons redonner à l’hôpital public le sens de sa magnifique mission, qui consiste à faire du progrès médical, de l’enseignement, de la recherche et à accueillir toutes les populations, sans reste à charge.

Nous allons travailler l’an prochain avec l’ensemble des acteurs pour que l’hôpital public retrouve la place qu’il n’aurait jamais dû cesser d’avoir. Les réformes successives – T2A, loi HPST, politique d’ONDAM très contraint – l’ont considérablement impacté et la politique du rabot sur la T2A n’a pas été compensée par un autre mode de tarification permettant de valoriser le savoir-faire de l’hôpital, notamment la pertinence des actes et la qualité des soins.

Je souhaite rééquilibrer cette politique de façon à ce que l’hôpital public ne se lance plus dans une course effrénée à l’activité. J’espère que nous pourrons mener ce débat de façon apaisée.

Je rappelle que 400 millions d’euros d’investissements sont prévus pour l’hôpital public, de même que 400 millions d’euros pour le numérique en santé, qui bénéficiera évidemment en partie à l’hôpital.

Monsieur Daudigny, vous estimez qu’on aurait pu mettre en place partiellement le tiers payant sur la part AMO. Mais on aurait alors perdu le sens de la réforme voulue par Marisol Touraine, qui devait déboucher sur un tiers payant complet et généralisé. Dans les débats, à aucun moment il n’a été question d’avancer par étapes, en commençant par un tiers payant sur la part AMO, puis en l’étendant aux complémentaires en cas de succès. L’esprit de la loi était d’offrir à tous les Français une facilité d’accès aux soins au moyen d’un tiers payant généralisé sur l’ensemble du champ tarifaire. Pour l’instant, il est clair que nous ne pouvons pas atteindre cet objectif. Je ne pense pas qu’on rendrait service à nos collègues médecins en généralisant le tiers payant seulement sur la partie AMO. Nous devons surtout rendre du temps médical aux praticiens.

Ce qui compte pour moi, c’est que le rapport commandé permette d’identifier – j’ai pris un engagement pour mars 2018 – le délai dans lequel nous serons en mesure de généraliser le tiers payant sur l’ensemble du champ tarifaire, complémentaire et obligatoire, de façon à ce que tout le monde y ait accès le plus vite possible. Ce rapport prévoit également d’identifier les populations qui sont vraiment gênées par l’absence de tiers payant généralisé, au-delà de celles qui en bénéficient déjà – CMU-C, ACS, ALD. Nous savons en effet qu’un certain nombre de nos concitoyens ont des difficultés à avancer ces sommes. L’idée est d’avancer par étapes en faveur des populations les plus en difficulté. Nous le savons tous ici, il n’y a pas urgence à ce que le tiers payant soit accessible à l’ensemble des foyers, quels que soient leurs revenus. Nous privilégions une démarche pragmatique, qui ne perd pas pour autant sa cible de vue, à savoir l’accessibilité pour ceux qui en ont vraiment besoin, le plus rapidement possible.

S’agissant du tabac, beaucoup de choses ont été dites sur les zones frontalières. Nous sommes parfaitement conscients de ce problème avec Gérald Darmanin. C’est la raison pour laquelle nous menons une politique acharnée de lutte contre la fraude : 200 postes supplémentaires vont être dédiés à la lutte contre la fraude et le commerce illégal de tabac dans l’administration des douanes. Le ministère des comptes publics travaille par ailleurs à un plan d’aide pour les buralistes. Enfin, les sanctions et les poursuites vont se durcir.

Outre ce renforcement des contrôles, je m’engage pour ma part à mener des négociations à l’échelon européen, notamment sur la traçabilité du tabac, un sujet sur lequel je suis très engagée avec mes homologues ministres de la santé, des finances ou de l’agriculture. Nous sommes aidés pour cela par la volonté farouche du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé et du commissaire européen à la santé, résolus à avancer vers une harmonisation de la fiscalité sur le tabac en Europe, avec la nécessité d’en faire réellement une priorité de santé publique pour l’ensemble des pays européens.

Je le rappelle quand même, s’il est aujourd’hui difficile d’harmoniser la fiscalité au niveau européen, c’est en partie parce que la France fait office d’exception. Le taux de prévalence du tabagisme dans les autres pays d’Europe n’a rien à voir avec le nôtre, et nos voisins ne sont donc pas confrontés à la même urgence sanitaire. L’Angleterre compte 15 % de fumeurs, contre 30 % pour la France. Les autres pays ont réussi là où nous avons échoué, et il est donc plus difficile de les embarquer vers une hausse drastique du prix du tabac, alors que leur santé publique est meilleure que le nôtre.

Je voudrais conclure sur les cancers des enfants, un sujet qui me tient à cœur depuis de nombreuses années. J’avais écrit le plan Cancer 2014-2019 en faisant des cancers des enfants l’une de mes priorités. Ce plan comportait, me semble-t-il, l’ensemble des mesures qu’on pouvait imaginer pour favoriser la recherche sur les cancers des enfants.

Aujourd’hui, une association de malades en particulier prône la taxation de certaines industries. Or nous avons besoin que les industriels fabriquent des médicaments pour les cancers pédiatriques. Il nous faut donc entraîner les industriels sur la voie de l’innovation médicamenteuse.

On peut décider d’instaurer une taxe, mais ce n’est pas elle qui permettra de développer de nouveaux médicaments.

Nous avons besoin de nous investir considérablement dans le nouveau règlement pédiatrique européen, qui favorise justement les investissements de l’industrie dans les médicaments pédiatriques. La France est leader en la matière.

Dans le cadre du plan Cancer, j’avais créé des centres d’essais cliniques de phase précoce pour les enfants et j’avais invité tous les grands industriels à nous donner leurs molécules innovantes pour les cancers réfractaires afin de les tester dans un cadre offrant une sécurité maximale aux enfants français. La France était donc pionnière dans l’accès aux médicaments innovants et aux essais cliniques.

Nous devons développer une réflexion intelligente, et non pas dogmatique, sur les cancers pédiatriques.

La question de la recherche est importante. J’avais mobilisé beaucoup d’acteurs de la recherche sur les cancers pédiatriques, mais nous avons peu d’équipes de recherche dédiées, probablement parce que la plupart des grands progrès médicaux ne proviennent pas d’une recherche appliquée.

Il faut certes avoir, en matière de recherche, des financements dédiés à un sujet. Mais, selon la formule consacrée, nous n’avons pas découvert l’électricité en essayant d’améliorer la bougie ! C’est une réalité : les grands progrès en médecine sont venus de recherches qui n’avaient rien à voir avec le sujet sur lequel allait s’appliquer le résultat des recherches. Vouloir à tout prix financer la recherche sur les cancers des enfants ne fera donc pas forcément progresser la recherche sur ces cancers. Ce qui compte, c’est d’avoir un très bon financement de la recherche en France de manière générale et de renforcer l’accessibilité aux essais cliniques. Cela doit devenir une priorité.

En revanche, je ne crois pas à la taxation des industriels : celle-ci risque de les freiner au lieu de les inciter. Toutes les incitations à la recherche sont pour moi positives, mais elles ne passent pas forcément par une taxation. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Discussion générale (suite)

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Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 14 novembre 2017 :

De quatorze heures trente à seize heures quinze : nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2017 (n° 84, 2017-2018).

À seize heures quarante : hommage à Georges Clemenceau.

À seize heures quarante-cinq : questions d'actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq et le soir :

Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2018 (discussion des articles) (n° 63, 2017-2018) ;

Rapport de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Catherine Deroche, MM. Bernard Bonne, Gérard Dériot, René-Paul Savary et Élisabeth Doineau (n° 77, 2017-2018) :

- Tome I : Exposé général ;

- Tome II : Examen des articles ;

- Tome III : Tableau comparatif ;

Avis de M. Alain Joyandet, fait au nom de la commission des finances (n° 68, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD