Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale est important, car il marquera la trajectoire que vous comptez donner à votre politique sociale, madame la ministre.

Les annonces se sont multipliées ces dernières semaines : stratégie nationale de santé, lutte contre les déserts médicaux, lois de bioéthique, retraites, assurance chômage. C’est l’ensemble de notre politique sociale que vous comptez réformer, en tout début de quinquennat.

Nous approuvons la méthode qui consiste à engager une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés avant de faire des propositions. Il n’est plus acceptable que les réformes soient uniquement inventées dans des think tanks et traduites dans des cabinets ministériels avant d’être votées en bloc par des majorités aux ordres. Consultez, discutez, inspirez-vous des expérimentations et idées développées dans les territoires de métropole et d’outre-mer.

Je m’exprimerai sur les équilibres et les recettes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que sur la branche assurance maladie. Nassimah Dindar s’exprimera quant à elle sur les branches famille et vieillesse, et insistera sur la question de l’accès aux soins.

L’année dernière, à la même époque, la ministre de la santé nous présentait le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat comme l’aboutissement de mesures ayant permis le redressement des finances sociales. La protection sociale était réhabilitée, les comptes à l’équilibre, les retraites sauvées, les hôpitaux financés : le satisfecit était total.

La majorité sénatoriale avait alors exprimé des réserves – c’est peu dire – quant à la sincérité du texte qui était soumis au Sénat. Votre texte, madame la ministre, le confirme. Le déficit de la branche maladie était beaucoup plus dégradé que ce qui avait été prévu : il est de 4,1 milliards d’euros au lieu des 2,6 milliards d’euros annoncés. Nassimah Dindar aura l’occasion de le développer concernant la branche vieillesse : le Gouvernement avait fait preuve d’imagination pour afficher des comptes sous un jour favorable.

Le recours à des artifices comptables n’est pas l’apanage de votre prédécesseur ; il faut le reconnaître, tous les gouvernements y ont recouru. Les lois de financement de la sécurité sociale sont des textes difficiles à appréhender, techniques, où la communication prend logiquement une place importante. J’espère, madame la ministre, que vous assumerez vos projets de loi de financement de la sécurité sociale avec un peu plus d’honnêteté.

Pour 2018, vous prévoyez un déficit de 2,2 milliards d’euros. La progression de la masse salariale entraîne une importante hausse des recettes, de plus de 3 %. Quant à l’ONDAM, la progression de 2,3 % que vous proposez serait obtenue au prix d’un important niveau d’économies, de près de 4,2 milliards d’euros. Des objectifs exigeants, qui dépendent en partie d’informations tendancielles que nous ne maîtrisons pas.

Au-delà de ces chiffres conjoncturels, n’oublions pas la dette sociale qui, elle, est toujours bien présente.

Ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale tient l’une des promesses du président de la République : soutenir le pouvoir d’achat des actifs par la baisse de leurs cotisations sociales, financée par une hausse de la CSG.

L’article 7 va très vraisemblablement faire l’objet de nombreuses discussions dans cet hémicycle. Est-il juste de faire supporter cette baisse de cotisations par les retraités ? Certes, une partie d’entre eux bénéficiera d’une baisse de la taxe d’habitation, dont l’application, elle, est étalée sur trois années. Certains, cependant, subiront une perte nette de leur pouvoir d’achat.

On peut gloser des heures sur les chiffres, trouver les exemples que l’on veut ; à ce jeu chacun développe des trésors d’imagination, tous plus documentés les uns que les autres. Il y a là, en réalité, une question générale, un enjeu de société : doit-on solliciter davantage les retraités, notamment les plus modestes d’entre eux ? Nous aurons l’occasion d’en débattre, et le groupe Union Centriste proposera des solutions alternatives.

J’en viens au sujet, ô combien sensible, du RSI. Vivement critiqué pour les erreurs dont les indépendants font les frais dans le calcul de leurs cotisations ou de leur retraite, il a concentré les critiques de la majorité, si ce n’est la totalité, des candidats à la présidence de la République.

Emmanuel Macron met donc en œuvre une promesse de campagne. Il n’en demeure pas moins que des doutes et des inquiétudes subsistent sur les modalités de la réforme que vous nous proposez, madame la ministre. N’était-il pas préférable, conformément à votre méthode sur d’autres sujets, ceux que j’évoquais en préambule, de consacrer au RSI un texte en propre, plutôt que d’introduire un article de plus de trente pages dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Nous en débattrons, car il faut de la clarté en la matière.

Je terminerai sur les recettes, en abordant brièvement la question de la fiscalité du tabac. La lutte contre le tabagisme est un enjeu crucial de santé publique, et il est démontré que l’augmentation du prix des paquets de cigarettes conduit à une diminution de la consommation, au moins dans un premier temps. Les consommateurs, en effet, se tournent soit vers les revendeurs frontaliers – je puis vous en parler en connaissance de cause, en tant que sénateur mosellan –, soit vers les marchés de contrebande.

Augmenter le prix du tabac sans lutter efficacement contre la fraude est donc inutile et n’aura qu’un seul effet : faire disparaître le métier de buraliste. Il faut accentuer la lutte contre la contrebande et veiller à l’uniformisation, à l’échelle européenne, du prix des paquets de cigarettes. Il me semble que vous vous y êtes engagée, madame la ministre.

J’en viens maintenant à la situation de la branche maladie. Les dispositions du PLFSS relatives à cette branche sont organisées en quatre thématiques : prévention, innovation, pertinence et qualité des soins, modernisation du financement du système de santé.

Vous abordez la question de la prévention principalement via l’extension de l’obligation vaccinale. Cette mesure fait partie des choix de société sur lesquels nous devons être particulièrement attentifs. Il existe des doutes, fondés ou non, sur la dangerosité des vaccins ou des adjuvants qu’ils contiennent. Cela ne nécessiterait-il pas un état des lieux plus approfondi ? Je pense, par exemple, à la question de la vaccination des adolescents.

Un sujet qui n’apparaît pas, alors qu’il le mériterait, est celui de la médecine scolaire. Médecins et infirmières scolaires sont des rouages essentiels de la prévention. Et pourtant, depuis des années, l’État fait trop peu pour améliorer les conditions de travail de la médecine scolaire, au point que l’Académie de médecine tire la sonnette d’alarme. C’est dans ces services que peuvent être dépistés les grands problèmes de l’adolescence : addictions, obésité, troubles neuropsychiques.

Nous soutenons l’article 35 sur la mise en place d’un cadre légal permettant le déploiement d’expérimentations innovantes. Il faut encourager le décloisonnement sur le terrain, dans les départements notamment. Tel devra être le cas en matière de télémédecine, je parle ici de l’article 36 : c’est une des solutions visant à remédier à la désertification médicale. Il est urgent d’agir en la matière.

Pour conclure, sachez, madame la ministre, que les sénateurs du groupe Union Centriste abordent l’examen de ce texte de manière tout à fait positive. Nous aurons des discussions, des désaccords peut-être, mais nous partagerons le même objectif : garantir à tous l’accès à notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur général applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons ce jour l’examen du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat. Même s’il s’agit d’un projet de loi de financement ô combien important, je n’entrerai pas dans le détail de ses équilibres financiers, d’autres orateurs s’étant largement exprimés sur ce sujet.

Je m’attacherai plutôt, après quelques remarques générales, à aborder plus particulièrement deux sujets : la désertification médicale et l’hôpital, lequel subit, avec ce texte, un nouveau coup de rabot.

En tant que professionnelle de santé, je ne peux que me féliciter du contenu de ce PLFSS dans sa partie santé, que ce soit en matière de prévention, de pertinence des soins ou d’innovation. Le nier serait un manque d’honnêteté intellectuelle et contraire à ce que je pense être bon pour la santé de nos concitoyens.

Je salue également le financement de plus de 4 500 places d’EHPAD et de 1 500 places d’accueil de jour. C’est une bonne nouvelle pour nos territoires et pour les personnes âgées en perte d’autonomie.

Mais j’appelle votre attention, madame la ministre, sur les choix que vous-même et les agences régionales de santé serez amenés à faire. Dans certains départements, des lits d’EHPAD déjà autorisés ne sont pas encore installés. Souvent, les financements ne sont plus là. Je compte sur vous pour que ces lits ne passent pas systématiquement à la trappe ; ils doivent faire l’objet d’un examen attentif.

Malgré ces décisions que j’approuve, je ne peux vous donner, madame la ministre, un satisfecit général. Ce projet de loi présente en effet de grosses lacunes du point de vue financier. Je pense notamment à l’augmentation de la CSG. Je pense aussi aux 4 milliards d’euros d’économies que vous demandez au médicament, à la médecine de ville et à l’hôpital, en arrêtant une progression de l’ONDAM à 2,3 %.

J’en viens à la question de la désertification médicale, qui concerne des villes, des zones périurbaines et, bien entendu, le monde rural. Le constat est sans appel : un Français sur dix vit dans un désert médical. À l’inverse de l’évolution observée pour le très haut débit, le phénomène du désert médical s’amplifie et s’étend à une grande partie du monde rural.

Le Gouvernement prétend pouvoir régler ce problème en sollicitant les étudiants en médecine et les médecins retraités. Si la décision de favoriser le cumul emploi-retraite pour les médecins est louable, je soutiens l’idée d’exonérer de cotisation vieillesse les médecins pouvant prétendre à une retraite à taux plein, mais qui font le choix, faute de successeur, de prolonger leur exercice en zone sous-dotée.

Mais n’est-ce pas insuffisant ? Ne peut-on pas envisager de soigner avec des médecins diplômés et en âge de le faire ? On ne peut pas continuer à utiliser des méthodes de substitution, il est grand temps de réfléchir à des solutions qui permettront l’installation de nouvelles générations de médecins et le développement de délégations de tâches entre professionnels de santé.

Les départements se mobilisent pour attirer de nouveaux professionnels de santé ; beaucoup font le choix de l’incitation pour remédier aux départs en retraite de nombreux médecins. Prenons l’exemple de la Charente-Maritime, que je connais bien : ce département propose des bourses d’études aux internes en médecine générale, en contrepartie d’une installation de quatre ans au minimum dans une partie du département où se pose la question de la désertification médicale. Plus au sud, l’Aveyron propose un accompagnement personnalisé des futurs médecins souhaitant s’y installer.

La ruralité est dynamique, innovante, mais ces politiques départementales ne peuvent être efficaces si elles ne sont pas accompagnées d’une réforme structurelle de l’organisation de la médecine. La remise à plat du numerus clausus a été une piste longuement évoquée pour faire face à cette situation alarmante. Cette solution a ses adeptes et, surtout, ses opposants, mais force est de constater que, sur trois médecins qui s’installent, un a été diplômé à l’étranger. Aussi, il devient urgent d’innover afin de répondre aux enjeux démographiques.

Le Gouvernement entend régler la question des déserts médicaux en construisant des maisons de santé en grand nombre. Ce sont évidemment des équipements de qualité, qui offrent de très bonnes conditions de travail, mais encore faudrait-il qu’il y ait des médecins pour s’y installer ! Le problème majeur des maisons de santé, c’est qu’elles n’ont pas fait neuf ans de médecine et que les murs ne soignent pas…

La question des déserts médicaux ne peut pas être entièrement réglée par des mesures directement liées à la santé. Ces zones oubliées de la République doivent bénéficier de soutiens supplémentaires de la part de l’État. Tout à fait consciente des attentes des jeunes médecins en termes de qualité de vie personnelle, je pense que l’attractivité de ces territoires passe par la mise en place d’un réseau internet de très haut débit et par le maintien d’un minimum de services publics en zone rurale. C’est une question d’aménagement du territoire – à cet égard, permettez-moi de rappeler que le réseau des officines de pharmacie est exemplaire en matière d’aménagement du territoire national et qu’il constitue une véritable colonne vertébrale en matière d’accès à la santé.

Comme le médecin généraliste est la pierre angulaire des soins de ville, l’hôpital est le pilier de notre système de santé, mais il est l’un des grands perdants du PLFSS pour 2018, puisqu’une économie de plus d’un milliard d’euros lui est encore demandée.

Les gouvernements successifs des cinq dernières années ont pratiqué la politique du « rabot » sur le dos de l’hôpital. Les conséquences sur la qualité des soins et sur les conditions de travail du personnel hospitalier s’en ressentent aujourd’hui. L’hôpital a su prendre le virage ambulatoire, mais ne perdons pas de vue l’intérêt du patient ni celui du personnel, et ne risquons pas la sortie de route. L’intérêt financier prévaut depuis longtemps par rapport à l’intérêt de santé publique, mais n’avons-nous pas atteint les limites de cette politique ? Nous ne pouvons plus demander encore de telles économies à l’hôpital et à l’industrie pharmaceutique.

Le numérique, la télémédecine, avec téléconsultation et téléexpertise, et l’intelligence artificielle sont autant d’outils qu’il faut encore mieux intégrer pour améliorer la prise en charge des patients. Sur cet aspect, vous avez compris les nouveaux enjeux du domaine médical, mais il faudra aller plus loin et plus vite.

L’hôpital public exerce d’autres missions. La recherche demeure une priorité, car elle est source d’innovations médicales et pharmaceutiques. La formation continue des praticiens hospitaliers et non hospitaliers est également l’une des prérogatives de l’hôpital ; cette transmission du savoir est essentielle pour le maintien de la qualité des soins français ; il faut continuer.

Si le Gouvernement n’apporte pas de solutions viables au monde hospitalier, alors il doit se résoudre à donner plus d’autonomie aux hôpitaux, à remettre sur un pied d’égalité les cliniques et les hôpitaux en matière de missions de service public. De grâce, essayons, innovons, faisons preuve d’audace ! Il n’y a rien de pire que la résignation et l’attentisme.

Parce que le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques et l’innovation thérapeutique sont les enjeux d’aujourd’hui et de demain, des réformes structurelles s’imposent. La feuille de soins proposée par le Gouvernement est donc incomplète, trop prudente et parfois inadaptée à la pathologie observée. Les Français sont en droit de réclamer une qualité de soins décente ; les professionnels de santé sont en droit de réclamer des conditions de travail à la hauteur de l’énergie qu’ils dépensent dans l’exercice de leur profession. La tâche est immense et on ne peut plus se permettre d’attendre.

Soigner les soignants est notre mission aujourd’hui ; la santé du monde médical est en effet déclinante.

En conclusion, parce que le patient doit rester au cœur de nos préoccupations, je citerais le cruciverbiste Serge Mirjean, qui disait : « L’hôpital est un établissement public où les malades ont leurs maux à dire. » (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 que nous examinons cette semaine, le premier de la nouvelle législature et du quinquennat, cumule à mon sens deux qualités essentielles.

D’abord, il est marqué du sceau de la responsabilité, car il poursuit la trajectoire favorable des comptes sociaux entamée sous le gouvernement précédent. Les chiffres ont été rappelés, le déficit cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s’établira en 2018 à 5,2 milliards d’euros, contre 7,8 milliards d’euros en 2016. L’objectif est d’atteindre l’équilibre d’ici à 2020, et d’apurer la dette de la sécurité sociale d’ici à 2024.

Ensuite, ce budget est le fruit de choix assumés et d’une volonté de conduire sans attendre des réformes structurelles importantes pour assurer non seulement la pérennité de notre système de sécurité sociale, mais aussi un meilleur service à ses bénéficiaires.

Qu’il s’agisse de la baisse des cotisations des salariés, de la hausse de la CSG, de la transformation du CICE et du CITS en allégements de cotisations patronales, des mesures en faveur des indépendants ou de la politique familiale, il s’agit bien, chaque fois, d’oser faire des choix : oser libérer le pouvoir d’achat des actifs, oser augmenter la participation du capital au financement de la protection sociale, oser orienter la politique familiale vers la lutte contre la pauvreté et vers la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.

Comme l’a indiqué mon collègue Michel Amiel, notre groupe soutiendra donc, dans son ensemble, ce budget équilibré, responsable et réformateur.

Permettez-moi de revenir à présent sur quelques mesures de ce PLFSS. En ce qui concerne la prévention en santé, je m’associe pleinement à l’augmentation significative de la fiscalité sur le tabac, donc du prix de celui-ci. Je constate que ce volontarisme fiscal se double d’un engagement à lutter contre les marchés parallèles et à réviser la directive européenne n° 2008/118 sur les achats transfrontaliers. J’insiste sur ce point : les produits du tabac ne sont pas, dans notre marché unique, une marchandise comme les autres. Il faut en tirer les conséquences à l’échelon européen en limitant plus strictement les achats transfrontaliers. À défaut, toute politique nationale de prévention par le prix manquera sa cible et achèvera de déstabiliser nos buralistes en zone frontalière.

Pour ce qui concerne les mesures de couverture vaccinale, je tiens, là encore, madame la ministre, à vous apporter tout mon soutien dans votre volonté de protection générale de la population, mais aussi de cohérence et de lisibilité. En effet, la coexistence de vaccins obligatoires et de vaccins recommandés pour les nourrissons ne permet pas aujourd’hui d’atteindre l’objectif de 95 % de couverture vaccinale fixé par l’OMS. Or le bénéfice d’une couverture vaccinale accrue contre les maladies graves ne me semble pas discutable. C’est pourquoi je voterai le passage de trois à onze vaccins obligatoires pour qu’un enfant soit accueilli en collectivité.

Quant à la télémédecine, l’expérimentation menée dans certains territoires depuis 2009 a permis de tester plusieurs modalités de mise en œuvre. Dans le Haut-Rhin, une solution innovante de téléconsultation a été développée et expérimentée avec succès pour limiter les effets de la désertification médicale. Aussi, je me réjouis que, dès 2018, la téléconsultation sorte du champ de l’expérimentation pour être généralisée.

Pour terminer, je souhaite dire quelques mots du sort de la branche famille au sein du PLFSS. Rappelons que, au total, un effort de 70 millions d’euros est consenti pour la politique familiale en 2018, qui sera une année de transition. Nous reviendrons dans le débat sur certaines mesures.

Notre défi premier, collectif, immense, reste celui de la pauvreté des enfants dans notre pays. Malgré de nombreux dispositifs, la situation ne s’améliore pas assez vite ; madame la ministre, personne ne peut s’en satisfaire. Il est en effet grand temps de repenser les objectifs et les mécanismes de notre politique familiale. La simplification du système des prestations familiales est plus qu’un objectif louable, c’est une urgence ! Vous aurez tout mon soutien pour vous attaquer à celle-ci au cours des mois à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, et Mme Laurence Rossignol applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Nassimah Dindar. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Jean-Marie Mizzon a abordé, voilà quelques instants, les équilibres généraux et la branche maladie. Je concentrerai mon propos sur les branches famille et vieillesse, et sur l’accès aux soins, thématiques qui touchent au plus près la vie quotidienne d’un grand nombre de Français.

À mon tour, je tiens à saluer le travail de tous nos rapporteurs, qui éclaireront nos débats d’une analyse fine des dispositions que nous examinerons.

Avant toutes choses, je veux vous dire, madame la ministre, que vos premiers mois d’action à la tête de ce ministère nous rassurent. Vous agissez avec méthode, en lien avec le terrain, et vous semblez animée de la volonté de trouver des solutions pérennes, loin des dogmes qui provoquent l’immobilisme, voire qui créent de nouvelles difficultés.

Je tiens par ailleurs à saluer votre passage à La Réunion, territoire dont je suis élue, et, plus spécifiquement, au CHU Félix-Guyon, établissement d’excellence qui rencontre des difficultés, mais qui permet à la France de rayonner dans l’océan Indien.

Mes collègues et moi-même serons donc à vos côtés dans vos choix et dans votre volonté de redresser les comptes de la sécurité sociale pour assurer l’avenir de cette protection solidaire que nos voisins nous envient. Nous serons également à vos côtés lorsqu’il s’agira de moderniser notre système de santé et nos hôpitaux, d’agir sur la prévention – vous avez indiqué quelques pistes lors de votre intervention –, et de donner au personnel médical les moyens d’agir, dans de bonnes conditions, pour la santé de tous. Nous serons enfin à vos côtés pour que chacun, dans notre pays, en France hexagonale comme dans la France des outre-mer, puisse bénéficier d’un égal accès aux soins. Nous serons des alliés et la voix des élus de terrain, celle des collectivités que nous représentons.

J’en viens au PLFSS, que nous allons examiner tout au long de la semaine. Concernant la branche famille, je soutiens, ainsi que l’ensemble de mon groupe, la position développée précédemment par la rapporteur Élisabeth Doineau. Les décisions prises par le précédent gouvernement ont ébranlé l’universalité des allocations familiales qui caractérisait la politique familiale depuis des décennies. L’article 26 du PLFSS pour 2018 laisse à penser que vous prenez la même direction, allant ainsi à l’encontre de l’esprit originel des allocations familiales.

Je le regrette, et je soutiendrai la suppression de cet article. La politique familiale n’est pas seulement un acquis historique, elle tient aussi à une vision de la société et à une certaine idée de la France. Elle n’est pas seulement un principe bienfaisant de la redistribution horizontale, mais elle rime avec la condition, la responsabilité et les obligations éducatives du parent.

Comprenez-le bien, nous serons favorables au versement de la majoration du complément familial pour les familles les plus pauvres et monoparentales – elles sont nombreuses, dans les territoires d’outre-mer comme en France hexagonale –, mais notre groupe préfère faire rimer allocation familiale avec éducation familiale plutôt qu’avec charges.

Mme Nassimah Dindar. Aussi participerons-nous à cette grande concertation sur la politique familiale annoncée pour l’année 2018.

En ce qui concerne la branche vieillesse, qui est en équilibre budgétaire – c’est une bonne chose –, je m’associe à la prudence de notre rapporteur général quant à une future dégradation, s’il n’y a pas de réforme structurelle pérennisant le financement de la branche.

Nous saluons l’augmentation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, pour les plus fragiles ; cette mesure était très attendue par nos anciens, mais nous proposons que les nouveaux montants s’accompagnent de la revalorisation des plafonds de la CMU-C et de l’aide ménagère légale, sans quoi une rupture de droits pourrait se produire ; cela fera l’objet d’un amendement que nous proposerons à l’article 28.

Madame la ministre, mes chers collègues, parler des personnes âgées m’amène à aborder une question transversale, celle de l’accès aux soins pour les plus fragiles de nos concitoyens en perte d’autonomie. Tout d’abord, la réforme en 2015 de l’aide au paiement de la complémentaire santé, l’ACS, a conduit la CNAMTS à retenir onze offres généralisées, figées dans leurs prestations et dans leur coût – vous avez vous-même évoqué le reste à charge pour de nombreux publics. Ensuite, le contrat labellisé « senior » ouvre droit à un crédit d’impôt sur la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance maladie complémentaires, mais les deux décrets de juillet 2016 sont pour l’heure restés sans suite. Enfin, le Premier ministre, lors de son discours de politique générale du 4 juillet dernier, a proposé de parvenir en 2022 à l’absence de reste à charge pour les assurés sur les frais d’optiques, de soins dentaires et d’audioprothèses – vous venez de confirmer ce choix et nous saluons ce progrès. Malgré tout, nous voyons bien qu’il reste à apporter de la cohérence et à simplifier tous ces dispositifs pour personnes âgées.

Nous savons également que les personnes âgées s’inquiètent aussi du reste à charge sur tous les autres produits remboursés, qui augmente avec l’âge, puisque le coût des mutuelles augmente à partir de 60 ans pour les personnes en perte d’autonomie. Le dossier de l’accès aux soins exige donc une réforme harmonisée, simplifiée et des offres labellisées plus justes, à mesure que croît la perte d’autonomie. Les personnes porteuses de handicap sont également concernées par ces dispositifs d’accès aux soins et à la santé. Peut-être pourrons-nous d’ailleurs avoir besoin un jour, nous autres élus, de prothèses auditives pour mieux entendre la voix du peuple… (Sourires.)

Mme Nassimah Dindar. Le même type de simplification, mes chers collègues, serait donc bénéfique aux personnes porteuses d’un handicap, concernant non seulement l’AAH, mais encore le complément AAH, la majoration pour la vie autonome, la MVA, dont il est question dans le texte, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et l’allocation supplémentaire d’invalidité ; autant de dispositifs qu’il faudrait simplifier pour en améliorer la lisibilité pour les porteurs de handicap.

Madame la ministre, nous attendons, comme nos concitoyens, simplification et harmonisation, réformes et adaptations. Ces réformes doivent être conduites sans s’exonérer d’une vision globale des enjeux et des modalités de la politique familiale, et je sais que c’est l’esprit de ce gouvernement, qui sera sensible au pragmatisme des élus locaux, principalement de ceux qui sont chargés, dans les départements, des personnes âgées et des publics vulnérables dans les départements.

Le débat parlementaire doit aussi bénéficier de cette simplification. En tant que nouvelle sénatrice, j’aurais aimé aborder l’ensemble de la politique sociale cette semaine, sans attendre le projet de loi de finances, et parler de l’AAH, des personnes porteuses de handicap et des sujets que je viens d’évoquer, qui sont intimement liés. Or nous travaillons dans deux cadres financiers différents. Comme vous le dites, la politique de la famille doit évoluer comme la famille évolue, mais il me semble important que toutes les familles y aient accès.

Je ne pourrais pas terminer mon propos sans vous faire voyager un peu, de Mayotte à La Réunion, de la Guyane aux Antilles, sans oublier Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouméa, Papeete, ni, bien entendu, Wallis-et-Futuna. Nos outre-mer ont leurs réalités propres ; aussi, nous accueillons très favorablement l’article 35 de ce projet de loi, qui permet les expérimentations et les innovations, mais quels moyens allez-vous mettre, madame la ministre, à disposition des territoires, notamment les plus éloignés, pour assurer les soins et la solidarité à l’égard de tous ?

Vous l’aurez compris, madame la ministre, les sénateurs du groupe Union Centriste abordent les discussions de ce premier PLFSS du quinquennat avec bienveillance, mais une bienveillance qui ne nous empêchera pas de nous opposer à certaines mesures lorsque nous estimerons qu’elles ne prennent pas une direction satisfaisante, celle du redressement de nos comptes sociaux au profit d’une meilleure protection pour tous.

J’ajoute, et j’en aurai terminé, madame la présidente, que je partage les réserves de Mme Guillotin ; j’aurai l’occasion d’en reparler. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)