compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

M. Daniel Dubois.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 9 novembre 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage à un ancien sénateur décédé

M. le président. Mes chers collègues, comme vous, c’est avec beaucoup de tristesse que, ce dimanche, j’ai appris le décès de notre ancien collègue Jack Ralite, qui fut sénateur de Seine-Saint-Denis de 1995 à 2011. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que Mme la ministre des solidarités et de la santé.)

Je le vois encore, avec son chapeau, son écharpe, sa veste noire…

Né en 1928 à Châlons-sur-Marne, Jack Ralite rêvait de devenir instituteur, mais il dut arrêter sa scolarité et devint employé municipal à Stains.

En 1947, Jack Ralite adhère au parti communiste français. Épris de littérature dès l’adolescence, il intègre la rédaction de l’Humanité Dimanche dont il devient plus tard responsable des pages culture, presque naturellement.

En 1959, notre ancien collègue est élu au conseil municipal d’Aubervilliers, ville dont il sera maire pendant près de vingt ans, de 1984 à 2003.

Député de la Seine-Saint-Denis de 1973 à 1981, Jack Ralite devient ministre de la santé en 1981 – c’est l’un de vos prédécesseurs, madame la ministre. Il est l’un des quatre membres communistes du gouvernement formé par M. Pierre Mauroy au lendemain de l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République.

De 1983 à 1984, Jack Ralite est ministre délégué à l’emploi.

En 1995, il est élu sénateur de la Seine-Saint-Denis. Il siège pendant seize ans au sein de notre Haute Assemblée et devient l’un des piliers de la commission de la culture.

La culture, qu’il considère comme un outil d’émancipation, est en effet le fil rouge de son engagement politique. À Aubervilliers, il est à l’origine de la création, dès 1960, du théâtre de la Commune, premier centre dramatique de la petite couronne.

Au sein de notre hémicycle, sa mobilisation aura été constante pour défendre artistes, éducation, accès à la culture, exception culturelle ou encore télévision de qualité.

Ceux qui l’ont connu comme moi au sein de notre assemblée se souviennent d’une grande voix, d’une forte voix, d’une expression toujours chaleureuse, d’un homme de conviction et au goût marqué pour les citations. Dans l’un de ses discours, il avait ainsi cité Pierre Boulez : « L’histoire est ce qu’on y fait, l’histoire est une chose qu’on agit et non pas qu’on subit ». Cette phrase s’applique parfaitement à Jack Ralite.

Au nom du Sénat, je veux présenter nos condoléances les plus attristées à sa famille et assurer ses proches, la présidente et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de notre sincère compassion.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose d’observer un moment de recueillement à la mémoire de Jack Ralite. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre, observent une minute de silence.)

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2018

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2018 (projet n° 63, rapport n° 77 [tomes I à III], avis n° 68).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Question préalable

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de présenter devant votre assemblée, avec le ministre de l’action et des comptes publics – qui ne peut malheureusement être présent parmi nous cet après-midi –, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette mandature.

Ce PLFSS est à la fois un texte dense et un texte qui fait des choix.

Il fait le choix du pouvoir d’achat pour les salariés par la baisse des cotisations sociales et par l’augmentation, au 1er octobre prochain, de la prime d’activité.

Il fait le choix de conforter notre modèle de protection sociale en adaptant son financement à l’évolution de notre économie et de notre société et en renforçant son universalité, afin que chacun puisse bénéficier de la même sécurité sociale quel que soit son statut professionnel.

Il fait le choix – j’y reviendrai – de la solidarité au bénéfice de nos concitoyens les plus fragiles, qu’il s’agisse des bénéficiaires du minimum vieillesse ou des familles les plus pauvres.

Choisir, c’est aussi assumer une politique de prévention ambitieuse qui protège nos concitoyens et prend à bras-le-corps la première des inégalités en matière de santé : l’inégalité devant la prévention.

Faire des choix, c’est également poser, dès maintenant, les jalons pour une transformation continue et résolue des modalités de tarification des actes et des prestations qui incitent à privilégier la pertinence et la qualité et qui prennent en compte les besoins des patients dans leur globalité.

Les choix que ce PLFSS vous propose sont ceux d’une France qui porte haut l’ambition d’un modèle de protection sociale et d’un modèle de santé solidaires, d’un modèle qui permette l’égal accès aux soins et à l’innovation pour tous, qui garantisse aux citoyens l’équité devant la retraite et qui réponde efficacement aux besoins prioritaires des familles.

Ces choix ne sont possibles, ces choix ne sont crédibles, mesdames, messieurs les sénateurs, que si nous nous donnons les moyens de rétablir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Je sais votre assemblée très attentive à cet objectif.

En tant que ministre des solidarités, je suis particulièrement attachée à ce que nos concitoyens puissent avoir durablement confiance dans leur système de protection sociale. Or, sans équilibre des comptes, il n’y a pas de confiance possible à moyen et à long terme.

L’année 2017 verra les comptes de la sécurité sociale s’améliorer de 2,6 milliards d’euros par rapport à 2016, avec toutefois un déficit encore important de 5,2 milliards d’euros.

En 2018, le déficit devrait à nouveau se réduire de 3 milliards d’euros par rapport à 2017.

C’est une trajectoire en ligne avec l’objectif fixé par le Premier ministre dans son discours de politique générale d’un retour à l’équilibre à l’horizon de 2020.

Suivre ce chemin exigeant, c’est certes faire des choix, mais c’est aussi ouvrir à nos concitoyens la perspective nouvelle de la fin du déficit de la sécurité sociale et offrir aux jeunes générations une protection sociale débarrassée de la dette sociale accumulée au cours des vingt dernières années.

Je souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, revenir plus précisément sur les orientations de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ce PLFSS est celui de la solidarité. Il s’adresse en effet d’abord aux personnes, aux familles les plus en difficulté et pour lesquelles la solidarité nationale doit jouer en priorité.

Ma première préoccupation concerne les personnes âgées les plus pauvres. Elles sont plus d’un demi-million en France à vivre avec 800 euros par mois. Nous augmenterons donc le minimum vieillesse de 100 euros par mois, conformément aux engagements du Président de la République. Cela commencera dès le 1er avril prochain, avec une augmentation de 30 euros ; l’augmentation sera ensuite de 35 euros en janvier 2019 et de 35 euros supplémentaires en janvier 2020. À mi-mandat, le minimum vieillesse aura donc augmenté de plus de 12 %.

Je veux aussi répondre aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie et poursuivre l’adaptation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, en renforçant l’encadrement soignant : 4 500 places d’hébergement permanent et près de 1 500 places d’accueil de jour ou d’hébergement temporaire seront créées et 100 millions d’euros seront consacrés au renforcement de l’encadrement soignant.

Par ailleurs, j’ai souhaité soutenir, avec ce PLFSS, le déploiement progressif d’astreintes infirmières la nuit. Ce dispositif permet un meilleur traitement des problèmes qui peuvent survenir la nuit et évite ainsi des hospitalisations inutiles dont on sait qu’elles sont toujours très délétères pour des personnes dépendantes et fragiles.

Ce PLFSS s’adresse aussi aux familles. Je veux mettre en adéquation les priorités et les outils de la politique familiale avec les besoins des familles.

Notre pays se distingue de longue date par l’importance qu’il attache à une politique familiale large et structurée.

Cette politique affiche des réussites manifestes : un taux de fécondité parmi les plus élevés d’Europe, une participation relativement forte des femmes au marché du travail et une conciliation entre vie familiale et vie professionnelle qui doit encore progresser, mais qui est facilitée par une offre d’accueil du jeune enfant substantielle, diverse et financièrement accessible.

Mais je fais aussi le constat que la politique familiale est aujourd’hui en perte de repères quant à ses finalités et ses priorités, et que le nombre de naissance est en baisse depuis plusieurs années.

La politique familiale est un élément essentiel pour faire société et construire le monde de demain. Elle mérite que nous ayons un débat ouvert, large, sur la façon dont elle répond aujourd’hui, concrètement, aux attentes des familles : comment augmenter et améliorer les solutions de garde des jeunes enfants et prendre mieux en compte les besoins des parents qui travaillent ou recherchent un emploi ? Comment aider les familles en difficulté éducative et être plus efficace dans le soutien à la parentalité ? Comment contribuer à réduire les situations de pauvreté ? La France compte aujourd’hui trois millions d’enfants vivant dans un foyer dont les revenus se situent en dessous du seuil de pauvreté. Cette réalité, nous devons nous en saisir pour la faire évoluer, et c’est pour moi une priorité.

Ce premier PLFSS fait un choix très clair, celui d’augmenter les prestations à destination des familles les plus fragiles. Les familles nombreuses les plus pauvres bénéficieront de la hausse du complément familial majoré au 1er avril 2018 – 450 000 familles seront concernées.

Pour les familles monoparentales, qui sont souvent parmi les plus en difficulté, le montant de l’allocation de soutien familial sera revalorisé, au 1er avril également – 750 000 familles en bénéficieront. Le montant maximal de l’aide à la garde d’enfants pour les parents qui recourent à un assistant maternel, à une garde à domicile ou à une microcrèche, augmentera de 30 %.

Ce PLFSS fait des choix, dont certains peuvent faire débat, mais il s’inscrit résolument dans la perspective plus large d’une concertation menée en 2018 avec l’ensemble des parties prenantes, avec les organisations familiales, avec les parlementaires également, pour redéfinir les objectifs assignés à notre politique familiale.

Ce PLFSS, je l’ai indiqué, est aussi un PLFSS de transformation : il engage des évolutions structurelles pour les années à venir. Cette ambition de réforme concerne d’abord l’organisation de la protection sociale.

Le 1er janvier 2018, le régime social des indépendants, le RSI, sera adossé au régime général. Cette réforme part du constat, largement partagé, que le lien de confiance entre les indépendants et leur régime de sécurité sociale a été durablement altéré par les difficultés de mise en place de l’interlocuteur social unique depuis 2008.

Cette réforme s’inscrit aussi dans la perspective d’une sécurité sociale universelle, qui vise à simplifier les démarches des citoyens, quel que soit leur parcours professionnel – salarié ou travailleur indépendant – ou leur statut – je pense notamment aux étudiants. Elle est donc une nouvelle étape de la construction de notre système de protection sociale et une forme de retour aux sources de l’ambition des fondateurs de la sécurité sociale en 1945.

Je vous sais légitimement très attentifs aux conditions de mise en œuvre de la réforme. Parce que c’est une réforme ambitieuse, nous donnons le temps et les moyens nécessaires à la transformation.

Vous le savez, au 1er janvier 2018, une période de transition de deux ans sera ouverte. Cette période permettra de faire évoluer progressivement les organisations de travail et de mener un dialogue social de qualité avec les salariés et leurs représentants. Je veux redire devant vous mon attention à l’accompagnement social et professionnel des salariés du RSI, comme de ceux des organismes conventionnés qui servent les prestations d’assurance maladie.

Cette période de transition est nécessaire, elle sera même un peu plus longue pour la reprise de l’activité des organismes conventionnés qui n’interviendra qu’en 2020. Elle ne doit pas être prolongée au-delà, de façon à donner aux organisations et aux personnels un cadre pérenne de travail.

Elle n’impose pas de date butoir s’agissant de l’évolution des systèmes d’information. Le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que l’organisation mise en place permette une évolution graduée et maîtrisée de ces systèmes, dans des conditions de sécurité garanties.

Je veux enfin dire l’attachement du Gouvernement à la reconnaissance, au sein du régime général, de la spécificité de la situation des travailleurs indépendants, de façon à adapter le service qui leur est rendu.

L’ambition de transformation concerne également notre système de retraite. Le Président de la République s’est engagé à le faire évoluer pour le rendre plus juste et plus transparent. Sa rénovation devra répondre à plusieurs enjeux majeurs.

Elle redonnera de la lisibilité à un système qui s’est construit par strates successives et qui est aujourd’hui devenu complexe et opaque pour les Français.

Elle devra également assurer la pérennité de notre système de retraite et rétablir la confiance que lui portent nos concitoyens, en particulier les jeunes.

Elle permettra de redonner confiance à nos concitoyens dans son équité. Aujourd’hui, compte tenu de la diversité des régimes et des règles, un euro cotisé n’ouvre pas les mêmes droits selon le statut, la forme d’emploi ou encore le profil de la carrière de l’assuré. Cette réforme permettra donc de garantir une équité de traitement entre l’ensemble des assurés.

Enfin, elle devra permettre à chacun de mener des carrières nécessairement plus diversifiées qu’elles ne l’ont été dans le passé, entre statuts et régimes, sans craindre l’impact de ces choix sur ses droits à retraite.

Ce projet ambitieux, nous le mènerons avec Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, dans le cadre d’une démarche exemplaire de concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

L’ambition de transformation concerne enfin le champ de la santé. Je construis, vous le savez, la stratégie nationale de santé pour les cinq prochaines années. Je ferai connaître, en décembre prochain, les orientations précises que je retiendrai au terme de plusieurs mois de consultations et d’une grande concertation publique qui s’est ouverte mardi dernier. Ces orientations serviront de cadre à l’élaboration d’un plan national de santé et de plans régionaux de santé, au printemps.

Cette stratégie privilégie quatre axes : la prévention, l’égal accès aux soins, l’innovation et la pertinence et la qualité des soins.

Je souhaite évoquer d’abord la prévention, parce qu’elle est au centre de mon action.

Notre système de santé est un système de soins performant. En revanche, c’est un système de prévention défaillant, à tout le moins perfectible. Les résultats médiocres que nous affichons pour certains indicateurs – je pense notamment à la mortalité avant l’âge de 65 ans – illustrent cette défaillance. C’est aussi la principale source des inégalités sociales que notre système de santé ne parvient pas à corriger.

Nous devons avoir comme première priorité de changer cet état de fait, de systématiser les démarches de prévention dès le plus jeune âge, de faire en sorte qu’elles soient davantage prises en compte par les professionnels de santé dans leur pratique et que la prévention et la promotion de la santé deviennent une part intégrante des objectifs de nos politiques publiques et des acteurs de notre société civile.

Je me réjouis profondément de l’intérêt que suscite cette approche au sein de votre assemblée. Je crois que nous pouvons partager collectivement, et de façon transpartisane, dans cet hémicycle, la volonté d’un changement de méthode, d’une ambition renouvelée pour la politique de santé et même d’un réel changement de paradigme dans la conduite des politiques publiques.

Ce PLFSS comporte, vous le savez, deux mesures très fortes et emblématiques de cette démarche. Nous souhaitons rendre obligatoires pour les jeunes enfants onze vaccins qui étaient jusqu’à présent, pour huit d’entre eux, simplement recommandés. Nous ne pouvons pas accepter une situation où des personnes, des enfants, sont victimes de maladies qui peuvent être évitées par la vaccination.

Entre 70 % et 80 % des enfants français reçoivent déjà ces onze vaccins. Il ne s’agit donc pas d’un bouleversement majeur des habitudes ni des attitudes vaccinales. Mais ce taux est malheureusement insuffisant pour obtenir une couverture vaccinale efficace, car il laisse la possibilité que se développent des situations épidémiques ayant des conséquences graves. Il revient donc à la puissance publique de prendre ses responsabilités. Vacciner son enfant, c’est le protéger, mais c’est aussi protéger les autres. Je veux insister sur la dimension profondément solidaire et altruiste du geste de la vaccination.

Ce PLFSS prévoit également une augmentation très importante des prix du tabac, sur trois ans, avec une première étape significative dès 2018 et une hausse de 1 euro par paquet.

Nous avons un problème particulier avec le tabagisme : nos jeunes fument plus que dans les pays voisins et le tabagisme des femmes est particulièrement élevé en France. Le résultat, c’est près de 80 000 morts par an. Ce sont surtout des vies abrégées, des souffrances importantes que l’on pourrait éviter.

Je l’ai déjà dit, il n’y a pas plus de fatalité dans ces morts qu’il n’y avait de fatalité dans la mortalité sur nos routes. Le prix du tabac, c’est un fait constaté, documenté, est un paramètre important du comportement des fumeurs : il faut donc agir sur ce levier. Ce n’est bien sûr pas le seul et je ferai connaître, dans le cadre du plan national de santé, les mesures de prévention et d’incitation que je souhaite mettre en place pour aider les fumeurs à s’arrêter.

J’ai déjà eu l’occasion de rappeler le dialogue très constructif que j’ai eu avec Gérald Darmanin pour progresser vers cet objectif de santé publique majeur. Je veux affirmer devant vous mon égale détermination à soutenir la lutte contre les marchés parallèles, légaux ou illégaux, dans le cadre national comme dans le cadre européen, et à veiller, toujours à l’échelon européen, à la mise en place d’un système de traçabilité efficace et indépendant.

L’Assemblée nationale a également souhaité, avec un soutien très large des différentes familles politiques, faire évoluer la taxation des boissons sucrées pour inciter les producteurs à réduire leur teneur en sucre.

Le Gouvernement soutient cette initiative et partage le constat de l’importance d’une politique résolue et constante visant à réduire l’obésité et le surpoids.

La consommation de boissons sucrées est un vecteur notable de la consommation excessive de sucre, notamment chez les plus jeunes. Il m’apparaît dès lors nécessaire et légitime de renforcer la prise de conscience collective autour des enjeux d’une alimentation équilibrée et d’inciter les acteurs de ce secteur à agir en ce sens.

Je veux dire enfin mon attachement à une meilleure prévention du cancer, dont j’ai souhaité renforcer l’efficacité pour les jeunes femmes par le vote, à l’Assemblée nationale, d’un amendement visant à mettre en place une consultation gratuite à partir de 25 ans.

Le deuxième axe de la stratégie nationale de santé concerne l’égalité d’accès aux soins. Les Français y sont légitimement très attachés, car c’est le fondement de notre modèle social. Je veux améliorer concrètement l’accès aux soins.

Les difficultés sont d’abord liées au montant des restes à charge. C’est en particulier vrai, de longue date, dans trois domaines du soin : l’optique, le dentaire et les audioprothèses, où l’assurance maladie couvre moins bien la dépense, où les assureurs complémentaires ont parfois pris le relais, mais où, globalement, le reste à charge pour le patient est très élevé.

Cette situation est le fruit de l’histoire, d’arbitrages successifs qui ont conduit à créer des « angles morts » de la protection sociale, pour des soins ou des prestations qui rendent pourtant un service important aux patients et réduisent le risque de « bascule » dans la dépendance. Il n’y a pas de fatalité à ce qu’il en soit toujours ainsi.

C’est pourquoi j’ai commencé le travail et la concertation pour aboutir à un reste à charge « zéro » dans les domaines de l’optique et des audioprothèses, en sus des négociations entamées à la mi-septembre dans le secteur dentaire. Ces travaux devront aboutir, en tout état de cause, avant la fin du premier semestre de 2018.

Permettez-moi, dans ce contexte, d’évoquer le tiers payant. Vous le savez, le récent rapport que l’IGAS – l’Inspection générale des affaires sociales – m’a remis a conclu que la généralisation du tiers payant à la date du 30 novembre prochain, telle que la prévoyait la loi du 26 janvier 2016, était irréaliste.

J’en ai tiré les conclusions en proposant au Parlement de lever cette obligation. Le tiers payant restera bien entendu obligatoire là où il s’applique déjà et où il fonctionne bien, c’est-à-dire pour les personnes souffrant d’une affection de longue durée, ou ALD, prise en charge à 100 %, pour les femmes enceintes ou pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et de l’aide à la complémentaire en santé.

Mais je veux vous dire également mon attachement à ce que le tiers payant se généralise pour les consultations médicales, comme cela a été le cas pour les médicaments, et ma détermination à faire aboutir les travaux qui permettront de rendre le système simple d’utilisation pour les professionnels.

Le Gouvernement s’est engagé à présenter au Parlement, d’ici au 31 mars 2018, un calendrier de déploiement opérationnel du tiers payant intégral dans des conditions techniques fiabilisées. À cette date, nous identifierons également des publics prioritaires, au-delà des publics déjà couverts, pour lesquels un accès effectif au tiers payant intégral devrait être garanti.

Nos concitoyens sont également de plus en plus préoccupés par l’égal accès aux soins sur le territoire, et je sais la Haute Assemblée fortement mobilisée sur cette question. J’ai présenté, le 13 septembre dernier, avec le Premier ministre, un plan pour renforcer l’égal accès aux soins.

Le constat que nous pouvons faire, c’est que nous n’avons pas su assez anticiper l’évolution de l’exercice médical, des attentes des nouvelles générations de médecins et surtout le fait que l’évolution du profil des patients nécessite une prise en charge par des équipes de soins composées du médecin et d’autres professionnels de santé.

Je ne crois ni la coercition ni à l’obligation. Il n’y a pas une solution unique aux difficultés que rencontrent nos concitoyens, mais des solutions, adaptées à chaque territoire, et portées par les acteurs de terrain.

Il faut « promouvoir l’innovation en santé dans les territoires », comme les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny l’ont préconisé dans leur rapport, donner à ces acteurs de terrain le maximum de possibilités d’organisation, libérer du temps médical en levant les freins administratifs, notamment en favorisant le cumul emploi-retraite, les remplacements, les consultations avancées et l’exercice coordonné sous toutes ses formes. Tel est le sens du plan d’action que nous avons bâti et qui devra continuer à être enrichi, avec la contribution des élus, au cours de la mandature.

En appui de ce plan, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la généralisation de l’usage de la téléconsultation et de la téléexpertise, en les sortant de leur cadre expérimental.

S’agissant maintenant de l’innovation et de la pertinence des soins, je veux en particulier faciliter l’expérimentation de formes nouvelles d’organisation et de rémunération. Elles permettront de dépasser les logiques sectorielles ville-hôpital, de rémunérer par exemple au forfait des séquences de soins, de prendre en compte la prévention, ainsi que la pertinence des actes réalisés.

Je vous proposerai donc d’adopter, à l’article 35 de ce projet de loi, un cadre général, valable pour le quinquennat, qui permettra de lancer et d’évaluer ces expérimentations. Elles pourront être financées par un fonds d’innovation qui sera abondé en tant que de besoin par l’assurance maladie.

Mon objectif, à terme, est bien de faire évoluer et de compléter les dispositifs actuels de rémunération, à savoir la rémunération à l’acte et la tarification à l’activité. Je suis en effet convaincue que le levier tarifaire est un levier fondamental de l’évolution de notre système de santé vers plus de prévention, de coopération entre professionnels et de pertinence des soins.

Je sais, monsieur le président Milon, monsieur le rapporteur général, que nous partageons l’idée selon laquelle la pertinence des soins est un enjeu majeur pour notre système de santé. Je veux vous dire ma disponibilité pour travailler de concert à ce que les professionnels et les organisations prennent mieux en compte cet objectif.

Je veux terminer en évoquant l’évolution de la dépense d’assurance maladie, et donc l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Il sera fixé à 2,3 %.

Ce taux est conforme à l’engagement du Président de la République. Il est supérieur à celui des trois années précédentes et permettra de consacrer 4,4 milliards d’euros supplémentaires à la couverture des soins.

Il prend en compte des engagements déjà souscrits, comme la convention médicale, signée en 2016, dont l’impact, déjà important en 2017, le sera plus encore en 2018. C’est pourquoi le sous-objectif des soins de ville, fixé à 2,4 %, sera supérieur au taux global de l’ONDAM. J’estime que cette convention va dans le sens des orientations que je porte : elle valorise mieux l’action des généralistes et prend mieux en compte, notamment, les actes complexes ou réalisés dans des situations d’urgence.

L’évolution des ressources des établissements de santé sera fixée pour sa part à 2,2 %, du fait de l’apport que constituera pour les établissements de santé le relèvement de 2 euros du forfait journalier.

Par ailleurs, 400 millions d’euros seront dédiés à l’investissement immobilier et numérique. Près de 600 millions d’euros seront consacrés à l’augmentation des dépenses de la liste en sus, liée à l’arrivée des nouvelles classes thérapeutiques innovantes. Des mesures nouvelles, financées à hauteur de plus de 200 millions d’euros, permettront de mettre en œuvre des actions indispensables dans le cadre de nos politiques publiques, visant notamment à mieux faciliter l’accès aux soins des populations précaires.

Enfin, le Fonds d’intervention régional, le FIR, sera augmenté de 3,1 %. Il doit être, avec le fonds d’innovation que j’évoquais précédemment, le support d’une politique de transformation au plus près du terrain.

Un taux d’ONDAM de 2,3 % reste un taux exigeant. Cela doit nous inviter à poursuivre la réorganisation de notre offre de soins et à orienter toujours plus notre offre de santé vers la pertinence : plusieurs dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient des actions en ce sens.

Nous devons également, pour les prestations de santé comme sur l’ensemble du champ de la sécurité sociale, être vigilants pour détecter et juguler la fraude. Nous avons formulé des propositions en ce sens dans le cadre de ce projet de loi.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons voulu, avec ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat, donner du sens et des perspectives.

Donner du sens, c’est mettre en œuvre, pour nos concitoyens, des réformes concrètes et faire des choix. Donner des perspectives, c’est engager des réformes en profondeur et bouger les lignes pour faire progresser notre collectivité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)