M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Corinne Imbert, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, un très grand nombre d’ordonnances – trente-trois à ce jour – ont été publiées au titre de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016.

Nous examinons aujourd’hui les projets de loi de ratification de quatre d’entre elles, dont les dispositions sont de nature et de portée extrêmement diverses.

Deux de ces textes ont été approuvés sans modification par la commission des affaires sociales : l’ordonnance de mise en cohérence des textes et celle relative à la profession de physicien médical.

La commission a salué la reconnaissance dans la loi de cette profession de santé. Cette avancée répond à une attente forte des acteurs concernés et à une double exigence de sécurité et de qualité des prises en charge.

Par ailleurs, la commission a approuvé la ratification de l’ordonnance relative au fonctionnement des ordres des professions de santé, tout en ajustant plusieurs de ses dispositions.

Certaines mesures vont dans le bon sens, qui améliorent la transparence interne de ces instances ou renforcent les exigences d’indépendance et d’impartialité. Elles sont de nature à conforter la nécessaire confiance des professionnels de santé à leur égard.

Toutefois, la commission s’est interrogée sur la pertinence d’autres évolutions, susceptibles de faire peser sur les ordres de lourdes charges de gestion. Les soumettre à des procédures de marchés publics paraît quelque peu disproportionné, alors que des ordres se sont déjà autoresponsabilisés sur ces sujets.

La commission a également estimé inopportune la possibilité nouvelle de remplacement des pharmaciens d’officine en cas de « circonstances exceptionnelles », alors que la loi Santé avait déjà permis une avancée pour tenir compte de situations individuelles.

Sur la forme, l’articulation de l’ordonnance que nous nous apprêtons à ratifier et d’une autre, publiée deux mois plus tôt, pose quelques difficultés de lisibilité du droit. En outre, la décision de ne ratifier qu’un seul de ces textes suscite des interrogations. Peut-être pourrez-vous nous éclairer, madame la secrétaire d’État, sur la stratégie du Gouvernement concernant le calendrier de ratification des nombreuses ordonnances prises sur le fondement de la loi Santé.

Sur le fond, je souhaiterais attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur deux points concernant l’ordonnance de février 2017.

Le premier porte sur la limite d’âge de 71 ans révolus applicable aux candidats aux élections ordinales. Cette disposition a donné lieu à des interprétations divergentes. Une clarification de votre part permettrait de sécuriser les opérations de renouvellement qui vont s’échelonner dans les mois à venir.

Le second point concerne les effets contre-productifs des binômes d’élus visant à favoriser la parité au sein des conseils ordinaux : comment entendez-vous prendre en compte les difficultés concrètes constatées par certains ordres à l’occasion de récentes élections ?

Je terminerai – en l’évoquant plus longuement – par la plus sensible des questions, celle de l’accès partiel des ressortissants européens aux professions médicales et paramédicales, traitée par l’ordonnance transposant une directive européenne de 2013.

Ce sujet, certes technique, mérite une attention particulière de notre assemblée. Ces dispositions pourraient en effet avoir des conséquences très importantes sur l’organisation et la cohérence de notre système de santé.

La mise en place d’un accès partiel, sous l’impulsion des instances communautaires, s’explique par les différences de choix des États membres quant à l’organisation de leurs systèmes de santé, articulés autour de professions dont les contours ne se recoupent pas nécessairement d’un pays à l’autre.

Faut-il pour autant, au motif d’assurer la liberté d’établissement et la libre prestation de services des professionnels de santé européens, remettre en cause la cohérence de notre propre organisation des soins ? La commission des affaires sociales a estimé que non. Elle a, en conséquence, choisi d’abroger les dispositions relatives à l’accès partiel, en se fondant sur quatre séries de considérations.

En premier lieu, notre commission a été frappée par le degré d’impréparation entourant la mise en place d’une évolution aussi fondamentale : à l’heure où il nous est demandé de ratifier cette ordonnance, on ne dispose ainsi d’aucun d’élément d’évaluation sur le nombre de professionnels susceptibles de formuler une demande en France ou sur la nature même des professions qui pourraient être concernées. Mme la ministre des solidarités et de la santé a indiqué qu’une cartographie des professions de santé des États membres avait été demandée aux instances communautaires : cette requête intervient un peu tard, me semble-t-il…

Comment, sans connaître les professions en jeu, le Gouvernement peut-il prétendre préparer un texte d’application garantissant la sécurité de l’ensemble des situations ? Il me semble que l’on avance ici à l’aveugle et, si vous me pardonnez cette expression, que l’on mettrait la charrue devant les bœufs en autorisant un dispositif dont nous ne connaissons pas la portée concrète.

En deuxième lieu, cette mesure me semble de nature à déstabiliser en profondeur de l’organisation notre système de santé, qui n’est certes pas parfaite, mais a au moins le mérite de garantir généralement la qualité et la sécurité des soins.

Il ne s’agit pas ici de faire un procès d’intention aux professionnels formés dans d’autres pays, dont je ne remets pas en cause la compétence. C’est sur la compatibilité de l’accès partiel avec l’organisation et l’efficacité de notre système de santé que je m’interroge ici.

De ce point de vue, la reconnaissance d’un accès partiel ne pourra qu’aboutir, me semble-t-il, à une fragmentation des professions dont on peine encore à mesurer toutes les conséquences. Je me demande ainsi comment les services hospitaliers pourront fonctionner avec des équipes réunissant des professionnels n’ayant pas tous le même champ de compétences. Comment pourra-t-on contrôler qu’un professionnel exerçant en libéral n’outrepasse pas le champ de ses compétences ?

Je vous avoue également ma perplexité : à l’heure où le débat semble plutôt porter sur une élévation de la qualification des professionnels médicaux et paramédicaux dans le cadre européen LMD – licence, master, doctorat – et où l’enjeu majeur paraît plutôt résider dans le développement des coopérations interprofessionnelles, la création de « sous-professions » – j’utilise cette expression sans porter de jugement de valeur – ne pourra que renforcer la complexité de notre organisation des soins.

En troisième lieu, il est permis de redouter que les problèmes de qualité et de sécurité des soins n’affectent d’abord les patients les moins informés, et donc les populations les plus fragiles.

On pourrait même craindre, sans céder à une trop forte méfiance, que ces professionnels soient opportunément recrutés par des établissements de santé en pénurie de personnel ou par nos collectivités frappées par la désertification médicale, ce qui serait de nature à renforcer les inégalités territoriales de santé.

J’en viens enfin aux difficultés pratiques pointées lors de mes auditions.

Il s’agit tout d’abord du surcoût potentiel pour la sécurité sociale si des patients se trouvent contraints de consulter deux professionnels au lieu d’un, compte tenu de la limitation des compétences du premier.

Il s’agit ensuite de l’effet d’aubaine procuré notamment aux formateurs étrangers, alors que la formation des personnels médicaux et paramédicaux fait déjà l’objet d’un marché très disputé dans certains pays de l’Union européenne.

Quid, enfin, de la sécurité réellement garantie au patient, alors que des difficultés importantes sont d’ores et déjà constatées dans le cadre de la procédure de reconnaissance automatique, s’agissant notamment de la compétence linguistique des professionnels ou de leur niveau réel de formation ? Nous aurons l’occasion d’évoquer cette question de la maîtrise de la langue lors de la discussion d’amendements déposés par plusieurs de nos collègues.

La commission des affaires sociales, je tiens à le souligner, a bien pris la mesure à la fois des obligations communautaires pesant sur la France, de l’analyse juridique du Conseil d’État, des garanties apportées par le Gouvernement au dispositif, ainsi que de la menace d’éventuelles sanctions européennes en cas de défaut de transposition ; elle ne saurait être taxée d’irresponsabilité sur ce dernier point.

Au contraire, il nous a semblé qu’il relevait de notre responsabilité de ne pas faire passer la satisfaction d’une obligation d’ordre juridique avant l’intérêt des patients. J’ai d’ailleurs pu observer, au cours des auditions que j’ai conduites, que l’ensemble de ces observations était largement, sinon unanimement, partagé par les acteurs du monde de la santé. Les professionnels de santé se prononcent d’une seule voix en faveur du retrait de cette mesure.

Il est à cet égard révélateur que les arguments invoqués par le Gouvernement à l’appui de la ratification de cette ordonnance ne portent que sur les obligations communautaires de la France, et non sur l’intérêt intrinsèque de la procédure d’accès partiel pour l’évolution de notre système de santé. Il me paraît dès lors inacceptable de sacrifier, contre l’avis de tous les acteurs de la santé, la qualité des soins à des considérations essentiellement juridiques.

L’Allemagne a fait un autre choix en matière de transposition, en n’ouvrant pas l’accès partiel à l’ensemble des professions de santé. Même si, comme vous l’avez rappelé, elle pourrait de ce fait se trouver exposée à des sanctions européennes, cela montre qu’une nouvelle négociation est encore possible, et même souhaitable, et que le Gouvernement devrait avant tout œuvrer à trouver une solution acceptable par tous au niveau européen.

Telles sont, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, les principales observations et conclusions de la commission des affaires sociales sur ces textes, qu’elle demande au Sénat d’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe République et Territoires / Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, les trois projets de loi de ratification que nous examinons aujourd’hui en discussion commune découlent de différentes dispositions habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances contenues dans la loi de modernisation de notre système de santé de 2016. Elles répondent à des objectifs et des enjeux qui leur sont propres.

Le groupe La République en marche votera sans réserve le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 12 janvier 2017 relative à la mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé, qui a été adopté sans modification en commission des affaires sociales. Les neuf articles de l’ordonnance opèrent diverses coordinations, principalement au sein du code de la santé publique, du code de la sécurité sociale, du code général des impôts, et n’appellent pas de remarques particulières.

S’agissant du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, notre groupe soutient pleinement l’objectif de faire évoluer les compétences des organes des ordres concernés, de consolider leurs règles de gestion interne et, enfin, de renforcer l’indépendance et l’impartialité des juridictions ordinales.

Certes, la mesure visant à rendre applicables aux conseils nationaux les grands principes des marchés publics va modifier en profondeur leur fonctionnement. On comprend donc que certaines réticences s’expriment. Pour autant, l’objectif n’est pas discutable, puisqu’il tend à rendre applicables les principes de liberté d’accès à la commande, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Aussi, le groupe La République en marche ne peut soutenir la position de la commission, qui a supprimé les dispositions prévues en matière de marchés publics.

L’approche de l’Assemblée nationale, qui a allongé la période de transition jusqu’au 1er janvier 2020, au lieu du 1er janvier 2019, nous semble préférable, car elle permet à la fois de répondre aux recommandations de la Cour des comptes et de laisser aux ordres le temps nécessaire pour s’adapter. C’est pourquoi, en l’état du texte, nous nous abstiendrons sur ce second projet de loi.

Enfin, le dernier projet de loi procède, quant à lui, à la ratification de deux ordonnances distinctes du 19 janvier 2017 : la ratification de l’ordonnance relative à la profession de physicien médical en son article 1er ; la ratification de l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé en son article 2.

La première consacre la profession de physicien médical en tant que profession de santé, définit le cadre général de la profession et les missions du physicien, le tout au terme d’un fructueux travail de concertation avec les représentants des physiciens médicaux et des spécialités médicales concernées.

Cette avancée, qui répond à l’un des objectifs du plan cancer 2014-2019, permet également d’offrir une suite constructive aux recommandations du Comité national de suivi des mesures nationales pour la radiothérapie après l’accident survenu à d’Épinal en 2005.

Ce texte contribuera à renforcer la qualité des prestations et à améliorer les pratiques dans le domaine de l’utilisation des rayonnements ionisants, tout en sécurisant l’exercice de la profession.

Le groupe La République en marche votera donc l’article 1er du projet de loi, qui s’inscrit dans le prolongement de l’amélioration de la qualité des soins de notre système de santé.

J’en viens à l’article 2 et à l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

L’ordonnance procède à la transposition dans notre droit de la directive 2013-55 du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013, et en particulier de trois dispositifs : la carte professionnelle européenne, l’accès partiel et le mécanisme d’alerte.

La transposition proposée suscite des inquiétudes chez les professionnels de santé, dont nos travaux en commission se sont largement fait l’écho. L’inquiétude porte en particulier sur l’accès partiel aux professions de notre système de santé, qui risque d’entraîner une fragmentation des professions de santé, voire une mise en cause de la qualité et la sécurité des soins.

Madame la secrétaire d’État, vous avez exposé le contexte et les raisons juridiques qui conduisent aujourd’hui le Gouvernement à procéder sans plus attendre à cette transposition pour l’ensemble des professions de santé sans exemptions, même partielles.

Le groupe La République en marche vous apporte son soutien dans le choix responsable de ne pas exposer la France à une procédure pour défaut de transposition, alors qu’elle a déjà reçu deux avis motivés de la Commission européenne.

Rappelons par ailleurs que des garanties existent pour contenir les risques et inquiétudes, à travers les trois conditions cumulatives posées par la directive transposée.

Tout d’abord, le professionnel doit être pleinement qualifié pour exercer dans son État d’origine l’activité pour laquelle il sollicite un accès partiel.

Ensuite, si les différences entre l’activité professionnelle exercée dans l’État d’origine et la profession qui pourrait lui correspondre en France sont importantes, il faudra appliquer des mesures de compensation de formation, qui reviendront à faire suivre au demandeur un cycle complet d’enseignements.

Enfin, l’activité sollicitée en accès partiel doit pouvoir être objectivement séparée d’autres activités relevant de la profession correspondante en France.

Si l’une de ces trois conditions n’est pas remplie, l’autorisation d’exercice partiel ne pourra être délivrée. Nous serons donc particulièrement attentifs aux mesures réglementaires qui seront adoptées sur la base de cette ordonnance et à leur mise en œuvre concrète.

Compte tenu des amendements adoptés en commission, qui, à notre avis, exposent la France à des poursuites, nous nous abstiendrons sur le vote de l’article 2 de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d’avoir une pensée pour Laurence Cohen, touchée par un deuil familial.

Le Sénat est appelé ce jour à ratifier quatre ordonnances prévues par la loi de modernisation de notre système de santé. Le groupe CRC avait voté contre cette loi, dont il ne partage pas la philosophie générale ; il serait d’ailleurs intéressant d’en faire un bilan, notamment sur l’une de ses principales dispositions : les groupements hospitaliers de territoire.

Au lendemain d’une journée de grève dans la fonction publique qui a rassemblé plusieurs centaines de milliers de manifestants, je souhaiterais rendre hommage au personnel de la fonction publique hospitalière. Ces hommes et ces femmes se battent au quotidien pour soigner les patients dans des conditions de travail de plus en plus dégradées, avec des rémunérations bien en dessous de leurs qualifications et des horaires à rallonge.

L’hôpital est aujourd’hui au bord de la crise de nerfs, avec le non-remplacement des départs en retraite causé par des années d’austérité financière, qui ont été imposées par les gouvernements successifs.

Notre groupe est le seul à s’être opposé de manière constante à ces régressions, car il a toujours estimé que l’humain devait primer la finance et non l’inverse. De la même manière, nous nous sommes toujours opposés à l’utilisation des ordonnances, qui retirent aux parlementaires leur pouvoir de législateur.

Concernant l’ordonnance sur l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, je rappelle l’opposition de principe de notre groupe aux ordres professionnels. Ce sont pour nous des organisations corporatistes défendant les intérêts particuliers d’une catégorie professionnelle, contrairement aux syndicats, lesquels défendent les intérêts professionnels de l’ensemble des travailleurs sans distinction.

Par ailleurs, les évolutions proposées ne règlent pas les véritables dysfonctionnements constatés dans les ordres professionnels, qui sont dépourvus de système démocratique et de véritables instances représentatives du personnel. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi.

L’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance relative à la mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé me permet d’illustrer nos critiques sur le recours abusif aux ordonnances.

L’article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé prévoit d’« assurer la cohérence des textes au regard des dispositions de la présente loi et à abroger les dispositions devenues sans objet ». Une phrase vague, à laquelle il semble difficile de s’opposer… Pourtant, derrière cette formule, le gouvernement de l’époque a essayé de mettre un terme à un imbroglio juridique. Il était en effet interdit aux professionnels du secteur privé d’exercer une activité libérale à l’hôpital public, tandis que les praticiens hospitaliers du public pouvaient continuer à facturer des dépassements d’honoraires.

Le texte de l’ordonnance explicite donc l’articulation entre le principe de l’interdiction des dépassements d’honoraires au sein du service public hospitalier et le maintien d’une dérogation possible dans le cadre de l’activité libérale des praticiens statutaires à temps plein.

Alors que près d’un quart des Français renoncent à leurs soins ou les reportent dans l’année, principalement en raison des dépassements d’honoraires, nous proposons de supprimer la possibilité pour les professionnels de santé exerçant dans les établissements publics d’avoir recours à de telles pratiques.

Enfin, concernant le dernier projet de loi de ratification des ordonnances relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé et à la profession de physicien médical, nous sommes satisfaits de la suppression par la commission de l’accès partiel aux activités médicales ou paramédicales.

Nous continuons néanmoins à refuser la libéralisation des professions réglementées imposée par l’Union européenne, dans une logique de nivellement par le bas et de remise en cause des qualifications.

Nous demandons aussi à reconnaître la maîtrise de la langue comme faisant partie du champ des compétences des orthophonistes. Afin de garantir aux patients souffrant de troubles du langage des soins de qualité, il est indispensable que les orthophonistes maîtrisent eux-mêmes la langue française ; c’est le sens de l’amendement que nous avons déposé.

Enfin, la création de la profession de physicien médical comme profession de santé à part entière est une bonne nouvelle, et ce d’autant que leur nombre est encore largement insuffisant au regard des besoins de notre pays.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce dernier projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous commençons cette nouvelle session parlementaire avec trois projets de loi de ratification d’ordonnances qui, sous des aspects très techniques, abordent des sujets particulièrement importants.

Je tiens tout d'abord à remercier Mme la rapporteur Corinne Imbert de son excellent travail, très complet, très documenté, et qui plus est effectué au cœur de l’été !

Je ne reviendrai pas sur le premier projet de loi ratifiant une ordonnance de mise en cohérence des textes au regard de la loi de modernisation de notre système de santé, qui n’appelle pas de commentaire particulier.

Ce n’est pas le cas du deuxième projet de loi, en tout cas en ce qui concerne l’ordonnance ouvrant l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales. Je partage, comme l’ensemble de mes collègues du groupe Union Centriste, les réticences de Mme la rapporteur sur cette disposition. Cette dernière fait en effet peser des risques inconsidérés sur l’organisation de notre système de santé, mais aussi, et surtout, sur la qualité des soins et la sécurité des patients.

L’uniformisation des règles en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne participe à son renforcement, c’est indéniable. Les professions de santé ne doivent pas y échapper. Elles doivent en revanche faire l’objet d’une attention particulière, comme du reste toute règlementation les concernant, pour les raisons de sécurité des patients que je viens d’évoquer.

Comme l’a rappelé Mme la rapporteur, plusieurs professions médicales bénéficient déjà d’une reconnaissance automatique, laquelle permet d’exercer dans un pays différent de celui où s’est déroulée la formation. C’est le cas pour les médecins, infirmiers, dentistes, sages-femmes ou pharmaciens, pour lesquels les exigences minimales en matière de formation ont été harmonisées à l’échelon européen.

Cette mesure est essentielle pour notre propre système de santé, dont le fonctionnement est assuré en partie par ces professionnels de santé venus d’autres pays européens. Elle permet notamment de participer à l’accès aux soins et de lutter contre les déserts médicaux.

Je suis en revanche nettement moins favorable à l’accès partiel, ouvert par cette ordonnance et la directive qu’elle transpose, aux professionnels ne pouvant bénéficier de la procédure de reconnaissance automatique. Je ne reviendrai pas sur le fonctionnement de ce dispositif, qui a déjà été expliqué. Le principe dégagé par la Cour de justice de l’Union européenne se comprend en soi, mais, comme je le disais, il ne peut être adapté de manière absolue aux professions médicales.

En dépit de ses difficultés, notre système de santé est organisé et solide. Il ne peut enregistrer l’arrivée de professionnels en partie seulement compétents sans présenter de risques pour la sécurité des patients, vous en conviendrez, mes chers collègues.

À l’heure où l’on parle d’une amélioration des parcours de santé et de pertinence des soins, peut-on envisager d’ajouter des difficultés supplémentaires ? Je ne crois pas cela opportun. Nous avons effectivement des besoins en matière d’accès aux soins, afin de lutter contre les déserts médicaux. L’accès partiel pourrait être envisagé par certains comme une solution. Je pense, quant à moi, qu’il faut des médecins, des infirmières, des dentistes pleinement formés et compétents.

Avec les autres membres de mon groupe, je m’opposerai donc à cette disposition, en votant la version du texte adopté par la commission des affaires sociales. J’ai d’ailleurs noté dans votre rapport, madame la rapporteur, que l’Allemagne avait refusé cet accès partiel. Cette décision nous expose aux sanctions de l’Union européenne. Ne pourrait-on donc envisager, madame la secrétaire d’État, d’engager avec les Allemands une procédure commune de modification de la directive européenne, afin de tenir compte des remarques qui viennent de tous bords ?

Le troisième et dernier projet de loi a trait à la ratification d’une ordonnance sur les ordres des professions de santé. Il me semble utile que les règles applicables à ces structures soient quelque peu revues, afin d’en garantir la fiabilité. À ce titre, les recommandations du Conseil d’État, de l’Inspection générale des affaires sociales et de la Cour des comptes sont bienvenues ; nous les retrouvons dans ce texte. Elles concernent naturellement la nécessaire transparence, mais aussi les exigences d’indépendance et d’impartialité des instances disciplinaires.

Ces acteurs sont utiles dans la définition et l’organisation de notre système de santé. Il est par conséquent souhaitable et normal qu’ils soient soumis à des règles communes garantissant leur bon fonctionnement. Nous voterons donc ce troisième projet de loi, tel qu’il a été amendé par la commission des affaires sociales.

Le Gouvernement n’est pas responsable, sur le fond, des textes qui nous sont présentés aujourd’hui. On le sait, ses premières réformes en matière de santé nous seront proposées à l’occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le groupe Union Centriste fera preuve, à cette occasion, de la même analyse qui préside à sa prise de position sur ces trois projets de loi : maintenir la cohérence de notre système de santé ; en corriger les imperfections, évidemment ; le tout sans l’alourdir de règles inutilement complexes ou au contraire l’alléger imprudemment.

Dans l’immédiat, nous voterons ces trois projets de loi tels qu’ils ont été amendés par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)