Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.

1. Procès-verbal

2. Hommage à Robert-Paul Vigouroux, ancien sénateur

3. Organisme extraparlementaire

4. Candidature à une commission

5. Candidature à une délégation sénatoriale

6. Rétablissement de la confiance dans l'action publique – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Discussion générale commune

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, rapporteur

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Corinne Bouchoux

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

M. Alain Richard

Mme Éliane Assassi

M. Pierre-Yves Collombat

M. Vincent Capo-Canellas

M. François Bonhomme

M. Jean-Yves Leconte

M. Alain Fouché

M. Marc Laménie

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

Clôture de la discussion générale commune.

7. Nomination d’un membre d’une commission

8. Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale

9. Communication du Conseil constitutionnel

10. Décision du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac,

M. Bruno Gilles.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 6 juillet 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage à Robert-Paul Vigouroux, ancien sénateur

M. le président. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, c’est avec tristesse que nous avons appris hier le décès de notre ancien collègue Robert-Paul Vigouroux, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1989 à 1998. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, se lèvent.)

Neurochirurgien au talent mondialement reconnu, il adhéra à la SFIO en 1964 et s’engagea dans la vie politique marseillaise aux côtés de Gaston Defferre. Il fut élu conseiller général en 1967 et entra au conseil municipal de Marseille en 1971.

Devenu maire de Marseille au décès de Gaston Defferre, en 1986, il fut brillamment réélu à l’occasion des élections municipales de 1989. Il fut, à la tête de la cité phocéenne, l’initiateur de plusieurs grands projets d’aménagement, notamment du vaste quartier Euroméditerranée.

Élu sénateur en 1989, il se rattacha au groupe socialiste, puis au groupe du RDSE. Il fut membre de la commission des affaires étrangères, puis de la commission des lois.

Au nom du Sénat, je veux assurer sa famille et ses proches, ainsi que ceux qui l’ont connu, au sein de cet hémicycle ou ailleurs, de nos pensées.

Je vous propose d’observer un moment de recueillement en sa mémoire. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la garde des sceaux, observent une minute de silence.)

3

Organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein de la commission nationale du patrimoine et de l’architecture.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission de la culture a été invitée à présenter des candidatures.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

4

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et républicain a fait connaître à la présidence le nom de la candidate qu’il propose pour siéger à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Marie-Christine Blandin, démissionnaire.

Cette candidature a été publiée, et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

5

Candidature à une délégation sénatoriale

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe du RDSE a fait connaître à la présidence le nom de la candidate qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation en remplacement de M. Jacques Mézard, nommé ministre.

Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

6

Rétablissement de la confiance dans l'action publique

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique (projet n° 581, texte de la commission n° 609, rapport n° 607, avis n° 602) et du projet de loi organique rétablissant la confiance dans l’action publique (projet n° 580, texte de la commission n° 608, rapport n° 607, avis n° 602).

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche, du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Madame la garde des sceaux, nous vous accueillons avec plaisir, pour cette première prise de parole en séance publique au Sénat.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous remercie, monsieur le président, de ces mots chaleureux. C’est effectivement une première pour moi ; il est toujours à la fois impressionnant et émouvant de se trouver au Sénat, devant la représentation nationale.

Monsieur le président, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, conformément à l’engagement pris devant les Français par le Président de la République, vous êtes aujourd’hui saisis d’une réforme très attendue, je crois, par nos concitoyens, et dont l’ambition est de rétablir la confiance dans l’action publique.

Dès son entrée en fonction, mon prédécesseur, M. François Bayrou, a préparé un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire. Ces textes ont été présentés au conseil des ministres le 14 juin dernier et ont été déposés le même jour sur le bureau de votre assemblée.

J’ai aujourd’hui l’honneur de présenter devant vous, au nom du Gouvernement, ces deux textes.

La transparence, la probité des élus, l’exemplarité de leur comportement constituent une exigence sociale, politique et éthique fondamentale. Le respect de cette exigence a toujours constitué le fondement de la confiance que les citoyens éprouvent à l’égard de leurs gouvernants comme de tous ceux qui concourent à l’exercice de l’action publique.

Est-il nécessaire de rappeler que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame, en son article XV, que « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration » ? Ce principe de confiance est donc ancré dans notre histoire depuis longtemps et, ces dernières années, beaucoup a été fait pour mieux répondre à des exigences nouvelles.

Plusieurs textes ont été adoptés sur ces sujets. Je me contenterai de les énumérer brièvement : les lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, qui ont créé la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui a institué un procureur de la République financier, la loi du 20 avril 2016, qui a renforcé les obligations déontologiques des fonctionnaires et, plus récemment, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui a notamment créé l’Agence française anticorruption.

Avant même l’adoption de ces lois, le Parlement avait de son propre chef, il faut le souligner, agi en la matière. Dès 2009, le Sénat s’est doté, sur l’initiative du président Larcher, d’un comité de déontologie parlementaire ; il a été suivi par l’Assemblée nationale, qui a institué un déontologue en 2011. De grands progrès ont donc été accomplis au cours des dernières années, c’est absolument indiscutable.

Néanmoins, beaucoup reste encore à faire pour restaurer cette confiance, nécessaire dans une démocratie, entre les citoyens et leurs représentants.

Je souhaite le dire d’emblée et être très claire sur les intentions du Gouvernement : il n’est aucunement question ici de stigmatiser le comportement de l’ensemble des élus locaux et nationaux, dont l’engagement exemplaire doit être sans cesse rappelé. Cela dit, nul ne peut le nier, certains agissements ou certaines pratiques, qui hier étaient acceptés, ne le sont plus désormais. L’exigence éthique dans la société est aujourd’hui, plus encore qu’hier, à l’ordre du jour.

La détermination de règles claires – non de principes moraux – est d’ailleurs l’une des meilleures garanties qui puissent être apportées aux élus, car elle permet de leur donner des repères face à des situations parfois extrêmement complexes.

Je suis convaincue que le rétablissement de cette confiance permettra aux citoyens d’apprécier l’engagement des élus sous son meilleur jour et leur volonté d’agir efficacement dans le sens de l’intérêt général sans compter leur temps ni leurs efforts. Je sais cela suffisamment pour pouvoir l’affirmer ici avec force.

C’est précisément pour cela que nous avons collectivement besoin d’un choc de confiance. En vous proposant ces dispositions, nous sommes fidèles à une histoire et à un projet, celui qui faisait dire à Jean Jaurès, dans son discours à la jeunesse, à Albi, en 1903, « Dans notre France moderne, qu’est-ce donc que la République ? C’est un grand acte de confiance ». Le mot était lâché…

Par cette réforme, le Gouvernement entend apporter une réponse globale, fondatrice, en proscrivant définitivement certaines pratiques, mais également en renforçant la transparence et le pluralisme de la vie politique.

Tout en édictant de nouvelles règles qui renforcent les garanties de probité et d’intégrité des élus et la prévention des conflits d’intérêts, répondant ainsi à un objectif d’intérêt général défini par le Conseil constitutionnel en 2013, cette réforme se veut également respectueuse de la séparation des pouvoirs, à commencer par l’autonomie des assemblées.

Elle répond à quelques principes simples : sanctionner plus sévèrement ceux qui manquent à la probité et éviter les conflits d’intérêts ; mettre fin à des pratiques qui ne sont plus acceptées par les citoyens ; renforcer les contrôles sur les comptes des partis, tout en leur offrant, ainsi qu’aux candidats, un accès plus facile au financement, un moyen de garantir la réalité du pluralisme.

J’évoquais la prise de conscience collective qui nous conduit à cette réforme et je voudrais rendre hommage à votre commission des lois, de même qu’à son président-rapporteur, M. Philippe Bas, qui a montré ces derniers jours sa volonté de s’inscrire résolument dans cet esprit.

Mme Catherine Procaccia. C’est normal !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Les travaux de votre commission des lois, comme ceux d’ailleurs de la commission des finances et de son rapporteur pour avis, Albéric de Montgolfier, ont été marqués par une démarche collective et par une grande richesse des débats, qui ne manqueront pas de caractériser également, j’en suis sûre, les échanges dans cet hémicycle.

Nous verrons que les voies que vous souhaitez emprunter se distinguent parfois de celles qui ont été tracées par le Gouvernement, mais nos perspectives convergent, et c’est bien là l’essentiel.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite maintenant vous présenter sommairement ces perspectives, ainsi que les grandes lignes de la réforme qui vous est soumise par le Gouvernement. Cette réforme porte sur trois axes ; elle s’attache à l’exercice du mandat parlementaire, elle renforce les règles de probité des acteurs, et elle conduit à une refonte des règles de financement de la vie politique.

Premier axe de la réforme, l’exercice du mandat parlementaire. La fonction parlementaire est, depuis longtemps, la plus noble qui soit, et parce qu’ils représentent le peuple, parce qu’ils incarnent la souveraineté nationale, les parlementaires sont tenus à un devoir d’exemplarité particulièrement exigeant.

M. Charles Revet. Ils l’ont toujours rempli !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Vous devez pouvoir légiférer et contrôler l’action du Gouvernement en toute indépendance, sans subir en aucune manière le jeu des puissances ou des lobbies. Je sais combien vous êtes attachés à cette indépendance.

Les mesures applicables aux membres du Sénat et de l’Assemblée nationale sont donc au cœur des projets de loi et de loi organique. Elles ont été conçues – je le répète, parce que c’est important – dans le respect de la séparation des pouvoirs et de l’autonomie des assemblées, qui en découle.

Un renvoi au règlement des assemblées pour la mise en œuvre des dispositions a ainsi été prévu chaque fois que nécessaire, dans la limite du champ de compétence défini par le Conseil constitutionnel, à savoir l’organisation ou le fonctionnement des assemblées, la procédure législative et le contrôle de l’action du Gouvernement.

Votre commission a parfois adapté les dispositifs en prévoyant la compétence du bureau du Sénat ; le Gouvernement comprend les raisons qui peuvent dicter ce choix. Je précise en outre que, chaque fois que cela se justifiait, les mesures applicables aux parlementaires nationaux ont été étendues aux représentants français au Parlement européen.

Quatre aspects de l’exercice du mandat parlementaire sont traités : l’inéligibilité et l’incompatibilité, les conflits d’intérêts, l’indemnité représentative de frais de mandat, l’IRFM, et la réserve parlementaire.

Tout d'abord, de nouveaux cas d’inéligibilité et d’incompatibilité sont créés.

En premier lieu, les parlementaires dans l’incapacité de justifier qu’ils ont satisfait à leurs obligations fiscales ne pourront plus rester en fonction. Saisi par le bureau de l’assemblée, le Conseil constitutionnel pourra prononcer la démission d’office du parlementaire.

En second lieu, les incompatibilités relatives à l’activité de conseil sont renforcées et étendues. À l’heure actuelle, seule l’impossibilité pour un parlementaire de commencer, pendant son mandat, une activité de conseil existe. Cette interdiction ne s’applique d’ailleurs pas aux professions libérales réglementées, comme la profession d’avocat.

Cette disposition est apparue très insuffisante en raison des risques de conflits d’intérêts liés à ce type d’activité. Ce dispositif est donc complété selon trois axes complémentaires.

Tout d’abord, un parlementaire ne pourra commencer à exercer de telles activités pendant son mandat et devra cesser celles qui ont débuté au cours des douze mois précédant le début de son mandat. La dérogation qui s’applique pour les professions réglementées est par ailleurs supprimée.

Ensuite, les fonctions de direction exercées dans une société de conseil sont désormais prises en compte.

Enfin, le contrôle par un parlementaire d’une société de conseil est également visé. En effet, un parlementaire qui détient une société de conseil peut être influencé par les intérêts de ses clients, comme s’il en était le dirigeant. Actuellement, le code électoral ne prévoit rien ; le projet de loi y remédie.

Le dispositif proposé par le Gouvernement en matière d’encadrement des activités de conseil assure une conciliation entre les objectifs d’intérêt général visés par le texte, tels que l’indépendance des élus ou la prévention des risques de conflits d’intérêts, et d’autres droits et libertés constitutionnellement garantis, en particulier la liberté d’entreprendre reconnue au parlementaire comme à tout citoyen. Les dispositions prévues devraient permettre d’éviter les écueils constitutionnels mis en évidence par la décision du Conseil constitutionnel du 9 octobre 2013, qui avait censuré une interdiction trop générale.

Deuxième aspect, ces nouvelles règles sont complétées par des dispositions renforçant la prévention des conflits d’intérêts.

Le choix assumé du Gouvernement est de retenir une définition de la notion de conflit d’intérêts moins englobante que celle qui figure dans les lois du 11 octobre 2013 et du 20 avril 2016. Ce choix est justifié par le souci de ne pas mettre les parlementaires exerçant d’autres responsabilités, notamment électives, les conduisant à assumer un autre intérêt public, par exemple local, dans l’impossibilité récurrente de participer aux travaux du Parlement.

Il reviendra à chaque assemblée de préciser les règles internes de prévention et de traitement de ces situations de conflits d’intérêts.

Troisième aspect, dans un souci de transparence concernant les frais engagés par les parlementaires dans l’exercice de leur mandat, le projet du Gouvernement a prévu que l’indemnité représentative de frais de mandat, l’IRFM, soit remplacée par un remboursement de ces frais, sur une base réelle et sur présentation de justificatifs.

La commission des lois a adopté un nouveau dispositif dont nous débattrons, le Gouvernement étant attaché à quelques principes simples et lisibles sur ce sujet : il appartient aux assemblées de définir les conditions et les plafonds de remboursement des frais de mandats ; les frais doivent naturellement être réellement exposés et faire l’objet de justificatifs ; ils doivent faire l’objet de remboursements et non d’une indemnisation a priori. Nous débattrons au cours des prochains jours de ces sujets.

Enfin, quatrième aspect, le projet de loi organique met fin à la pratique de la « réserve parlementaire », pratique contestée et qui répond à une logique contraire à l’article 40 de la Constitution,… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE.)

M. Alain Fouché. Pas du tout !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … même si cela peut être présenté différemment. Nous pourrons en débattre.

La commission des lois a proposé un mécanisme de substitution. Le Gouvernement est ouvert à la discussion sur ce point, mais estime que ce débat doit avoir lieu en loi de finances, ce qui est naturel pour un dispositif de nature budgétaire.

Le deuxième axe de la réforme consiste à renforcer les règles de probité des acteurs politiques.

Premièrement, les obligations de transparence pesant sur le Président de la République sont renforcées. Chaque citoyen pourra juger de l’évolution de son patrimoine entre le début et la fin de son mandat, au regard de l’avis publié par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP.

Deuxièmement, le projet de loi étend l’obligation pour les juridictions répressives, sauf décision spécialement motivée, de prononcer la peine complémentaire d’inéligibilité pour tout crime et pour une série d’infractions à la probité comme la corruption, le détournement de fonds publics ou encore la fraude électorale ou fiscale, dans le respect du principe de nécessité des peines garanti par l’article VIII de la Déclaration de 1789 et du principe d’individualisation des peines, qui en découle.

Seront ainsi écartées des fonctions électives les personnes qui ont démontré qu’elles ne remplissent plus les conditions de moralité essentielles à l’exercice d’un mandat électif.

Troisièmement, il sera désormais interdit au Président de la République, aux membres du Gouvernement, aux parlementaires et aux titulaires de fonctions exécutives locales d’employer des membres de leur famille proche comme collaborateurs.

Cette pratique acceptée hier ne l’est plus aujourd’hui. Cette interdiction est déjà prévue, pour ce qui concerne les collaborateurs du Président de la République et des membres du Gouvernement, par le décret du 14 juin 2017, conformément au principe de séparation des pouvoirs. Des dispositions du texte qui est soumis visent les parlementaires.

Enfin, troisième axe, la présente réforme procède également à une refonte importante des règles de financement de la vie politique.

Les partis politiques dépendent très largement du financement public. Néanmoins, les règles qui s’appliquent à eux n’offrent pas toutes les garanties contre les abus ou les dérives. Ces règles sont par ailleurs peu favorables au renouvellement de la vie politique et au pluralisme.

Il est donc proposé, tout d’abord, de renforcer le contrôle des comptes des partis politiques et des campagnes électorales, dans le respect des dispositions de l’article 4 de la Constitution, selon lequel « les partis et groupements politiques […] se forment et exercent leur activité librement. »

Ainsi, le mandataire financier du parti recueillera l’ensemble des ressources reçues par ce dernier et non plus seulement les dons. Les partis politiques devront tenir une comptabilité selon un règlement établi par l’Autorité des normes comptables. Cette comptabilité devra inclure les comptes de toutes les organisations territoriales du parti ou groupement, afin de permettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de disposer d’un périmètre de contrôle consolidé.

La question se pose de savoir si ces obligations doivent être ou non étendues à tous les partis, même à ceux qui ne relèvent pas de la loi du 11 mars 1988. Votre commission des lois l’a souhaité, pour y intégrer les micropartis. Cette extension pose certaines difficultés, que nous évoquerons lors de l’examen de l’article concerné.

En outre, le financement des partis et des campagnes électorales sera mieux encadré en ce qui concerne les prêts des personnes physiques, afin d’éviter les dons déguisés. Une interdiction des prêts des personnes morales, y compris de droit étranger, à l’exception des partis et des établissements de crédit européens est également posée.

Toutefois, en contrepartie, l’accès au financement par les candidats et partis politiques sera amélioré grâce à la création d’un médiateur du crédit, que votre commission a souhaité désigner sous un autre titre. Nous y reviendrons.

Enfin, le Gouvernement souhaite la création d’une structure pérenne de financement, la banque de la démocratie, afin de remédier aux carences du financement bancaire privé. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur pour avis. À voir…

Mme Nicole Bricq. La commission l’a supprimée !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cette banque pourra se constituer sous la forme juridique d’un établissement doté de la personnalité morale, être adossée à un établissement de crédit existant ou prendre la forme d’un mécanisme de financement spécifique.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Cela mérite d’être précisé, car c’est un peu vague.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Une mission va être confiée en ce sens à l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration, pour étudier les conditions de mise en place de cette structure. Il semblerait que nous ayons là une divergence avec votre commission des lois.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Et avec celle des finances !

M. Roger Karoutchi. Cela fait beaucoup…

Mme Éliane Assassi. C’est bien dommage !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ensemble des dispositions que le Gouvernement soumet à votre examen entendent servir la démocratie, en lui apportant, je le répète, un surcroît de transparence, de justice et d’éthique.

Elles sont à la fois ambitieuses et équilibrées : ambitieuses, parce qu’elles s’attaquent aux vraies questions que se posent nos concitoyens depuis plusieurs années et singulièrement au cours des derniers mois ; équilibrées, parce qu’il s’agit non pas seulement de poser des interdits, mais aussi de consolider le pluralisme politique dans notre pays, la transparence de notre vie démocratique et, ainsi, la confiance de nos concitoyens dans les institutions et leurs représentants.

Comme vous le savez, ces mesures seront complétées par la réforme constitutionnelle annoncée par le Président de la République dans son discours au Congrès du Parlement, le 3 juillet dernier. Il s’agit donc ici du premier acte, inaugural, essentiel, de cette volonté de rétablir le lien de confiance entre les Français et leurs élus.

Dans les débats qui nous attendent, le Gouvernement sera naturellement attentif aux propositions de la Haute Assemblée. Il souhaite que cette réforme volontariste et souhaitée par les Français soit à la hauteur de leur attente.

Le président Bas s’est réjoui que les forces politiques du Sénat se soient fédérées pour travailler sur ces textes. Il faut effectivement s’en féliciter, car c’est par l’ardente fédération de toutes les volontés que nous pourrons progresser ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, madame la garde des sceaux, je me réjouis que vous ayez précisé, en conclusion de votre propos, que le Gouvernement serait très attentif aux propositions du Sénat.

En effet, en vous écoutant et en examinant les amendements du Gouvernement, j’étais plutôt tenté de penser que le Gouvernement voulait, à peu de chose près, rétablir ses textes, un point c’est tout.

M. Éric Doligé. Comme avant ! Rien n’a changé.

M. Philippe Bas, rapporteur. Du coup, vous avez raison de nous dire que l’examen de ces textes permettra peut-être de rapprocher les points de vue, que vous avez présentés de manière quelque peu antagoniste au début de ce débat.

Madame la garde des sceaux, c’est un honneur pour le Sénat d’être saisi en premier de ces projets, annoncés comme très importants par le Président de la République et le Gouvernement. Le Sénat est naturellement disponible pour aller de l’avant dans ces domaines.

Au fond, dans la nouvelle configuration, il y a, d’un côté, des pouvoirs alignés – le Président de la République, le Gouvernement, la majorité à l’Assemblée nationale – et, de l’autre, deux pouvoirs qui ne le sont pas : le Conseil constitutionnel, que vous connaissez bien et dont chacun est attaché à l’indépendance et au rôle de régulation de la vie publique, et le Sénat.

Le Sénat, c’est nous. C’est une assemblée indépendante, dont dire qu’elle est constructive serait un pléonasme. Par hypothèse, le Sénat construit ! Il construit toujours, car il sait bien que son apport peut être repoussé par les pouvoirs alignés, qui sont autour du Président de la République comme la limaille de fer dans un champ magnétique en présence d’un aimant. Face à cette hyperpuissance du bloc majoritaire, le Sénat est là, qui veut agir comme chambre de réflexion et comme défenseur des principes fondamentaux de la Constitution et de la séparation des pouvoirs.

M. Charles Revet. C’est très important !

M. Philippe Bas, rapporteur. Tel est précisément son rôle historique. Il continuera bien évidemment à tenter de l'assumer du mieux qu’il le pourra sur ces textes ! Nous défendrons les droits fondamentaux de nos concitoyens, la séparation des pouvoirs et l’autonomie des deux assemblées (M. Pierre Charon approuve.), comme l’exige notre Constitution, dans l’intérêt même de la démocratie.

À cet égard, nous défendrons l’égalité de traitement des parlementaires et des membres du Gouvernement ou des responsables exécutifs.

Bien sûr, nous défendrons aussi notre propre travail, car, au fil des années, sous l’impulsion notamment de notre président, Gérard Larcher, nous avons pris de l’avance dans nombre des domaines qui font l’objet des dispositions des deux textes présentés par le Gouvernement.

Ainsi, en ce qui concerne les règles applicables à l’indemnité représentative de frais de mandat, nous avons tous dans notre poche le petit guide vert qui précise ce que nous avons le droit de faire et ce qui nous est interdit (M. le rapporteur brandit un fascicule de couleur verte.), le bureau du Sénat assurant le contrôle du respect de ces règles. Par ailleurs, vous avez mentionné l’existence de notre comité de déontologie, aujourd'hui présidé par François Pillet, après l’avoir été par Jean-Jacques Hyest.

Nous avons réglementé les emplois familiaux, pour en restreindre l’importance. Nous avons posé des règles pour l’accès au Sénat des représentants des lobbies et nous avons également défini un certain nombre d’obligations et de contraintes s’agissant du déport, quand l’un ou l’une d’entre nous peut avoir un intérêt, souvent très légitime, dans la solution que le Sénat est amené à apporter à un problème de législation.

C’est dire que le Sénat a de multiples raisons de s’engager dans la discussion de ces textes l’esprit serein et avec le souhait de converger vers le Gouvernement. Encore faut-il que celui-ci admette l’éventualité d’un apport de notre assemblée… De ce point de vue, vous nous avez annoncé que nous aurions la possibilité d’en discuter avec vous de manière approfondie dans cet hémicycle. Je souhaite que cette discussion, qui n’a pas encore eu lieu, soit féconde.

Sur le fond, nous devons d'abord éviter que des personnes condamnées pour des manquements graves à la probité ou pour des crimes puissent siéger dans l’une ou l’autre des deux assemblées.

De ce point de vue, madame la garde des sceaux, le choix que vous avez effectué nous paraît convenir : le juge, qui est le garant des droits fondamentaux, se prononcera sur l’éventuelle inéligibilité des personnes condamnées à une peine pour manquement à la probité ou pour un crime, même bien longtemps après qu’elles ont purgé leur dette à l’égard de la société. Nous pensons que l’obligation d’un casier judiciaire vierge, qui a été repoussée par le Conseil constitutionnel, interrogeait gravement l’existence de la garantie du juge. Sa rétroactivité constituerait également une difficulté insurmontable.

En réalité, ce que l’on a maladroitement appelé, dans ce texte, le « quitus fiscal », lequel empêcherait un parlementaire de siéger s’il n’est pas en règle avec l’administration fiscale, n’en est pas un. C’est d'ailleurs heureux, car des centaines de milliers de Français peuvent avoir un litige tout à fait légitime avec l’administration fiscale sans pour autant être des fraudeurs.

Nous savons tous à quel point le code général des impôts est complexe et peut donner lieu à des interprétations contradictoires, si bien que vous avez limité cette exigence à l’obligation, pour le contribuable devenu parlementaire, de prouver qu’il a bien rempli ses déclarations et acquitté les impôts exigibles. Cette limitation me paraît très positive.

Le Sénat vous propose d’améliorer votre texte sur ce point, en prévoyant que toute erreur pourra être corrigée avant que le bureau de l’Assemblée nationale ne soit saisi. Il a aussi voulu que le bureau de l’Assemblée nationale ne soit pas une simple boîte aux lettres et que le Conseil constitutionnel ne soit pas réduit à une chambre d’enregistrement. Ces propositions nous semblent de nature à pouvoir être acceptées par le Gouvernement.

Nous avons traité de la question des intérêts, en demandant que les règles de déport appliquées aux parlementaires le soient aussi, en conseil des ministres, aux membres du Gouvernement.

Nous avons souhaité que les frais de mandat soient pris en charge par les assemblées sur la base de justificatifs, nous inspirant du système anglais, qui passe pour le plus rigoureux au monde. Ce faisant, nous avons essayé d’éviter l’excessive rigidité qui caractérisait votre texte.

Nous avons également voulu que les collaborateurs appartenant à la famille d’un parlementaire ne soient pas injustement pénalisés et qu’on leur laisse le temps de se retourner, de sorte qu’ils ne soient pas moins bien traités que n’importe quel salarié de France qui perd son emploi. Cela me paraît tout de même être la moindre des choses.

Nous proposons que les communes rurales, qui, avec les départements et les régions, ont perdu 9,6 milliards d’euros de dotations en trois ans, puissent continuer à bénéficier de fonds de l’État pour financer des projets signalés par les parlementaires, avec toutes les garanties de transparence voulues. Nous avions d'ailleurs déjà posé des règles en ce sens. Nous souhaitons évidemment que cette dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements voie le jour, en évitant tous les abus auxquels donnaient lieu les financements d’associations qui, parfois, étaient de simples officines politiques.

Enfin, nous ne voulons pas donner au Gouvernement le pouvoir législatif de mettre en place une banque de la démocratie, dont vous nous dites vous-même, madame la garde des sceaux, que vous ne savez pas encore ce que vous voulez en faire, ni quelle serait sa configuration. Ce n’est pas acceptable !

L’article 38 de la Constitution exige que les modalités et les conditions de la délégation du pouvoir législatif au Gouvernement soient clairement définies. Or ce n’est absolument pas ce que fait le projet de loi. Lorsque nous vous avons entendu en audition, vous nous avez confié que vous hésitiez encore entre trois options et que vous alliez demander une étude préalable à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale de l’administration.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. C’est ici que l’on discute la loi !

M. Philippe Bas, rapporteur. Madame la garde des sceaux, revenez nous voir quand vous serez prête sur ce sujet sensible ! Il ne faut pas que les partis politiques soient dans la main de l’État, avec une banque d’État qui décide de les financer ou non,…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Comme en Union soviétique !

M. Philippe Bas, rapporteur. … car l’article 4 de la Constitution garantit leur indépendance.

Une loi peut-elle moraliser ? Bien sûr que non ! La morale précède la loi.

M. Charles Revet. Elle a toujours existé !

M. Philippe Bas, rapporteur. Quant à la loi, elle ne crée pas la morale. Elle peut simplement créer des règles pour ceux qui ne la respectent pas spontanément et pour faire évoluer les pratiques.

Une loi est-elle de nature à rétablir la confiance ? Ce ne sera guère que la trente et unième loi depuis 1985, année de la première loi tendant à limiter le cumul des mandats, qui interviendra aux fins de régulation de la vie publique. N’en attendons pas plus qu’elle ne pourra nous donner !

La confiance reviendra quand le chômage reculera, comme en Allemagne et au Royaume-Uni, quand le pouvoir d’achat progressera, quand la sécurité des personnes et des biens sera assurée, quand le terrorisme sera éradiqué et, pour ce qui vous concerne, madame la garde des sceaux, quand le service public de la justice, qui est aujourd'hui en grande souffrance, épuisé et, à certains égards, exsangue, aura repris confiance en lui et trouvera les moyens de son redressement.

Dans ces conditions, il nous a paru plus exact de qualifier ces textes de projet de loi organique et de projet de loi « relatifs à la régulation de la vie publique ». J’espère que cette sobriété ne vous choquera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis des dispositions des deux projets de loi que nous examinons aujourd’hui concernant, d’une part, la suppression de la dotation d’action parlementaire, et, d’autre part, l’habilitation qui serait donnée au Gouvernement pour créer un dispositif souvent présenté comme la « banque de la démocratie ».

Le Gouvernement avance tout d’abord des motifs juridiques pour justifier la suppression de la « dotation d’action parlementaire » – c’est le terme que nous préférons au Sénat –, en évoquant tantôt un « contournement », tantôt une pratique « contraire » à l’article 40 de la Constitution, alors que le Conseil constitutionnel, que vous connaissez bien, madame la garde des sceaux, n’a jamais censuré cette pratique, qu’il a même validée. C’est du moins la lecture que nous faisons de sa décision du 9 octobre 2013.

Le Gouvernement met aussi en avant un risque de clientélisme. Cependant, si ces risques ont sans doute été réels par le passé, la transparence est, depuis 2013, totale. Sur l’initiative du Sénat, les deux assemblées publient désormais elles-mêmes, sous forme de données ouvertes, la liste des subventions. Cette publicité est supérieure à celle de nombre de subventions versées par les services de l’État…

Le Gouvernement annonce aussi l’économie de 6 emplois d’administration centrale, ce qui n’est pas extraordinaire, d’autant que ces effectifs seront maintenus pour gérer la réserve dite « ministérielle ». Comme vous le savez, la dématérialisation des procédures avait été engagée et l'on pouvait en attendre une réduction sensible des coûts administratifs.

Enfin, le Gouvernement évoque le respect de certains critères « normés », alors que l’administration nous a confirmé que les critères de recevabilité des demandes de subvention ne se distinguaient pas de ceux qui sont applicables aux subventions de l’État pour des projets d’investissement.

Sur le plan budgétaire, je rappelle que la dotation d’action parlementaire correspond à seulement 0,03 % des crédits du budget de l’État, soit 147 millions d’euros, dont un peu plus de 56 millions d’euros pour le Sénat, consacrés à plus de 80 % à l’investissement des collectivités territoriales. Elle apporte donc à l’investissement local un soutien qui n’est pas seulement symbolique dans le contexte actuel de baisse des dotations et subventions de l’État aux collectivités territoriales. Elle irrigue également le tissu associatif et contribue à la cohésion sociale. Je cite, dans mon rapport, les associations ainsi soutenues.

Elle apporte un soutien récurrent à certains programmes budgétaires : instituts français et alliances françaises, lycées français, irrigation culturelle des territoires, travaux sur les bâtiments religieux des petites communes, opérations en faveur des commerces de proximité, développement du tourisme, actions éducatives dans l’enseignement scolaire, etc.

La dotation d’action parlementaire n’a donc pas pour vocation de financer les sénateurs : elle permet à ces élus, forts de leur connaissance du terrain, d’apporter un soutien décisif à des projets d’intérêt général, au service de nos concitoyens. À cet égard, je le dis clairement, les élus me semblent avoir autant de légitimité démocratique que les préfets. La suppression de la dotation ne sera donc pas sans conséquence s’il s’agit, comme le souhaite le Gouvernement, d’économiser les crédits en cause.

Par ailleurs, nous constatons malheureusement que le fonds d’action pour les territoires ruraux annoncé par l’ancien garde des sceaux a disparu du texte. Il est désormais simplement question d’une « éventuelle réallocation des crédits vers des dispositifs existants ». Nous proposons donc, en lien avec la commission des lois, d’inscrire dans la loi organique relative aux lois de finances une dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements.

Nous proposons également d’améliorer la transparence de la réserve ministérielle en imposant sa publication par la loi, en format ouvert, en open data, sachant qu’elle aurait vocation à disparaître si la dotation pour les communes n’était pas adoptée.

Au-delà de l’investissement local, j’attends du Gouvernement, madame la garde des sceaux, qu’il nous précise ses intentions pour les programmes qui bénéficiaient de manière récurrente de la réserve parlementaire, comme les alliances françaises. Je sais d'ailleurs qu’un certain nombre de nos collègues, notamment ceux qui représentent les Français établis hors de France, ont déposé des amendements à ce sujet.

Concernant la « banque de la démocratie », comme vous le savez, le dispositif qui devait initialement figurer dans le projet de loi a été retiré à la suite de l’avis du Conseil d’État, qui l’a estimé trop lacunaire. Il a donc été remplacé par une demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance.

L’accès au crédit bancaire constitue évidemment un enjeu fondamental pour la démocratie, afin de garantir, comme le rappelait M. le rapporteur à l’instant, que l’article 4 de la Constitution est bien respecté concernant « les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation », et pour éviter le risque d’un financement opportun des campagnes et des partis.

Cependant, la demande d’habilitation qui nous est soumise, volontairement très large, ne repose sur aucune étude préalable des besoins et des mesures nécessaires pour y répondre. Elle présente donc, à notre sens, un caractère prématuré. C’est d’ailleurs ce que vous avez reconnu, madame la garde des sceaux, en annonçant une mission conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l’administration sur ce sujet.

Nous vous proposons de suivre un ordre logique, conduisant à analyser avant de légiférer, donc de supprimer cet article. C’est ce qu’a fait la commission des finances, à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, Jack Lang avait dit, à propos d’un événement considérable de la vie politique française, que l’on était passé de l’ombre à la lumière…

M. Jean-Claude Lenoir. Il avait la langue bien pendue… (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. L’expression était quelque peu emphatique. De manière tout aussi emphatique, les présents textes ont parfois été présentés ici ou là comme marquant une rupture, avec un « avant » et un « après ».

Je préfère considérer, à l’instar de Philippe Bas et comme vous l’avez vous-même noté, madame la garde des sceaux, qu’il s’agit des trente-deuxième et trente-troisième lois sur les sujets de financement, de transparence et de moralisation de la vie politique, depuis la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique et les lois présentées par les précurseurs en la matière que furent Michel Rocard et Alain Juppé, jusqu’à la dernière loi du 11 octobre 2013, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le Sénat et qui a créé la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, traité des conflits d’intérêts et permis de beaucoup avancer. Continuons à aller de l’avant sur ces sujets !

Je veux brièvement aborder cinq points.

Premièrement, je veux évoquer la question de la définition des partis politiques. J’ai appris avec surprise, madame la garde des sceaux, qu’il y avait aujourd'hui, en France, 451 partis politiques, et non, contrairement à ce que nos concitoyens peuvent peut-être penser, une quinzaine ou une vingtaine.

Ce chiffre s’explique par des règles assez complexes qui, dans les départements métropolitains, et surtout en outre-mer, permettent de constituer très facilement des partis politiques. Ainsi, un parti de la Moselle, que je ne citerai pas, a pu s’implanter en Guadeloupe grâce à quelques voyages, permettant à certains de ses candidats d’y glaner quelques voix… Il faut réformer cela ! Comme le disait justement Alain Richard, il ne s’agit pas tant du financement public que de la possibilité de dons, lesquels entraînent naturellement des réductions fiscales non négligeables, de 66 %.

On ne saurait laisser perdurer ce système. Les membres du groupe socialiste et républicain ont déposé un amendement en ce sens. Certains de nos collègues ont fait de même, et je sais que M. le président de la commission y travaille actuellement. J’appelle de mes vœux, madame la garde des sceaux, une ouverture de votre part sur cette question.

Deuxièmement, je veux aborder la question des emplois dits « familiaux ».

Comme certains l’ont considéré très justement, il faut cesser de faire la loi à partir de l’actualité. Je me souviens de ce Président de la République – chacun le reconnaîtra –, qui, après un crime crapuleux commis par une personne récemment sortie de prison, a annoncé une nouvelle loi depuis le perron de l’Élysée. Est-ce une bonne manière de légiférer ? En l’occurrence, il est évident que, sans les épisodes des derniers mois, personne ne parlerait aujourd'hui des emplois familiaux…

C’est pourquoi notre groupe, tout en souscrivant à la disposition du projet de loi, a proposé que celui-ci traite plus globalement de la question des collaborateurs parlementaires. En effet, ceux-ci pourraient ne pas apprécier, à juste titre, qu’il ne soit question d’eux dans la loi qu’au travers de la problématique des emplois familiaux. Nous formulerons donc des propositions, au travers de plusieurs amendements.

En particulier, compte tenu de la situation actuelle d’un certain nombre de collaborateurs parlementaires, notamment à l’Assemblée nationale, nous proposerons qu’une cessation d’activité pour cause de non-réélection ou de démission du parlementaire puisse être qualifiée de licenciement économique, sous réserve toutefois que le parlementaire ne soit pas assujetti aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 du code du travail, ce qui ce serait matériellement impossible.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Troisièmement, pour ce qui concerne la dotation d’action parlementaire, couramment appelée « réserve parlementaire », j’aurais compris que ces textes nous fussent proposés voilà dix ou quinze ans, madame la garde des sceaux.

Quand je suis arrivé dans cette noble assemblée, j’ai compris que la réserve parlementaire était un sujet complexe et qu’elle était parfois source de disparités – vous connaissez, mes chers collègues, mon sens de l’euphémisme… (Sourires.) Toutefois, il se trouve que, grâce à un travail qui a été mené au sein de notre assemblée, le fonctionnement de la réserve est aujourd'hui transparent. On connaît absolument le montant des « propositions », car il s’agit bien de propositions,…

M. François Pillet. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur. … que nous pouvons formuler pour l’utilisation de la ligne budgétaire correspondante du ministère de l’intérieur. Nous ne disposons pas d’une somme en tant que telle.

Toutes les sommes affectées, que ce soit aux petites communes rurales ou aux quartiers en difficulté – je me tourne vers ma collègue Évelyne Yonnet – sont publiques. Tout le monde peut les connaître. Elles sont totalement transparentes !

M. Charles Revet. C’est transparent !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous le voyez, madame la garde des sceaux, le système qui existe aujourd'hui est clair, ce qui n’était pas le cas jadis et naguère. Les membres de notre groupe ont donc considéré que ce dispositif était quelque peu hors sujet. Nous ne voyons pas en quoi affecter ces subventions à de petites communes qui se battent souvent pour joindre les deux bouts afin de réaliser des investissements entraverait la confiance et ne serait pas moral !

Telle est notre position. La commission a adopté un amendement de M. le rapporteur qui vise à proposer une définition extrêmement stricte du nouveau dispositif que vous proposez. Cette piste nous paraît intéressante, pour le cas où vous ne retiendriez pas notre proposition.

Quatrièmement, pour ce qui concerne les indemnités parlementaires, notre commission a pris une décision qui n’est pas sans intérêt ni sans effet. Et je pense que nous avons eu raison. Comme tout le monde le sait, les parlementaires perçoivent, au-delà de leur seule indemnité parlementaire, des indemnités supplémentaires lorsqu’ils exercent certaines fonctions – présidence d’une commission, d’un groupe politique, vice-présidence ou présidence du Sénat… Nous proposons que ces indemnités-là, qui sont liées à l’indemnité parlementaire, soient fiscalisées, en toute transparence.

Pour ce qui est de « l’indemnité représentative de frais de mandats », il est juste que l’on puisse justifier des sommes engagées correspondant à des dépenses professionnelles, sous l’autorité des bureaux de chaque assemblée, selon des règles que nous pourrions fixer conformément à la loi.

Cinquièmement, reste la question du bulletin n° 2 du casier judiciaire. En toute modestie, nous ne partageons pas votre interprétation de la position du Conseil constitutionnel. Je vous expliquerai la position qui est la nôtre et qui est aussi celle de l’Assemblée nationale, laquelle a publié un rapport qui me paraît digne d’être pris en considération.

Pour conclure, je souscris à ce qui a été dit précédemment : les 550 000 élus que compte ce pays sont, dans leur immense majorité, profondément dévoués à l’action publique et ne touchent pas d’indemnité.

Enfin, j’observe, madame la garde des sceaux, que la procédure accélérée a été engagée sur ces textes. Je ne voudrais pas que celle-ci devînt la procédure commune ! Toutefois, c’est un autre sujet, et je pense que, en tant que garde des sceaux, vous y serez très vigilante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’évoquerai trois points.

Tout d'abord, ces projets de loi font l’objet d’une consultation citoyenne, lancée par nos collègues Joël Labbé et Henri Cabanel. Cette consultation, ouverte jusqu’au 23 juillet prochain, permettra à nos concitoyens d’enrichir nos réflexions et de s’associer à notre travail législatif, comme pour la loi pour une République numérique. Cette ouverture de nos hémicycles va dans le bon sens et prouve notre volonté de coconstruire le débat en toute transparence. Au regard des nombreuses propositions formulées, des votes et des contributions déposés sur la plateforme, je suis sûre que cette consultation constituera une vraie réussite.

Ensuite, ne jamais légiférer dans la précipitation, cela signifie ne pas mettre de côté certains points essentiels. Aussi, nous regrettons que les projets de loi traitent si peu des élus locaux. Si ceux-ci sont visés par le biais de nouveaux devoirs, nous aurions souhaité leur accorder de nouveaux droits. La question récurrente de la formation des élus locaux me semble, en effet, prégnante. Un élu mieux formé est un élu qui prévient mieux les conflits d’intérêts.

Enfin, le renouvellement en profondeur des représentants nationaux, récemment évoqué par le Président de la République, reviendra à réduire d’un tiers le nombre de sénateurs, ce qui nous obligera à prendre nos responsabilités en tant qu’employeurs.

Nos collaborateurs – nous en conviendrons tous – sont un maillon essentiel de notre travail, au sein de cet hémicycle comme en circonscription. Il n’existe pourtant aucune définition ni aucun cadre juridique précis de leur fonction.

En tant que salariés de droit privé, nos collaborateurs devraient pouvoir bénéficier, en fin de mandat du parlementaire, de mesures sécurisantes, telles que la négociation collective ou le licenciement pour motif économique, comme l’évoquait à l’instant Jean-Pierre Sueur.

Alors même que le Gouvernement prône la négociation collective, garante d’un droit du travail à la fois plus respectueux des salariés et plus adapté aux enjeux actuels, les collaborateurs parlementaires peuvent-ils en être exclus ?

Ainsi, pour sécuriser les conditions de travail de ces derniers et permettre une fin de contrat digne, nous avons déposé des amendements visant à clarifier et à encadrer cette profession, ce qui n’empêche aucunement de garantir aux parlementaires une totale liberté de choix quant à leurs collaborateurs, dans les limites définies par le présent texte.

Je tiens à remercier tout particulièrement le président de la commission des lois, Philippe Bas, qui a reçu toutes les parties prenantes de ce dossier complexe.

Je remercie également la vice-présidente du Sénat, Françoise Cartron, qui préside l’Association de gestion des assistants de sénateurs, l’AGAS. Prise en quelque sorte entre le marteau et l’enclume, elle est gardienne des exigences sénatoriales, tout en étant soucieuse de ménager la dignité et la reconnaissance des collaborateurs, dont elle sait le grand travail.

Je remercie enfin le président du Sénat pour sa grande vigilance sur ce dossier, ainsi que l’ensemble de nos collègues, sur toutes les travées et de toutes les familles politiques, qui ont eu à cœur de réfléchir de manière transpartisane sur la question de la fin de mandat des sénateurs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

(M. Jean-Pierre Caffet remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ces projets de loi correspondent à un engagement pris par le Président de la République. Il est naturel que nous les examinions à l’aune de l’ouverture d’une nouvelle période de la vie publique.

Comme plusieurs orateurs l’ont déjà souligné, ces textes peuvent être vus à travers le prisme gênant d’une forme de suspicion à l’encontre de la collectivité des élus. Il me semble préférable de nous montrer lucides quant aux interrogations et aux critiques qui se développent dans notre société. Nos concitoyens ont une exigence supérieure touchant notre comportement et nos propres règles de conduite.

Il est de notre intérêt et de celui de la République de prendre de face cette préoccupation, et parfois cette tentation critique, et d’avoir la force de caractère de prendre, comme le Gouvernement nous y incite, un certain nombre de dispositions.

Je voudrais aussi dire, en écho aux propos que le Président de la République a tenus lundi dernier, que ces deux projets de loi témoignent, de la part de l’exécutif, d’un respect non seulement du Parlement, mais aussi du bicamérisme. Ce qui nous a été dit sur la qualité de la loi et sur la lutte contre la tentation de légiférer de façon exagérément abondante doit apporter un éclairage particulier aux débats que nous conduisons.

Quels sont les traits principaux de ces projets de loi et qu’en pensons-nous ?

Des règles éthiques plus précises sont posées à l’entrée du mandat politique. Il s’agit, d’une part, d’inéligibilités supplémentaires à la suite de condamnations pénales pour des faits contraires à la probité dans la gestion de ressources publiques, et, d’autre part, d’une attestation fiscale pour tout nouveau parlementaire. Ce sont là des exigences d’évidence, dont nous n’avons pas à nous plaindre. C’est un facteur supplémentaire de reconnaissance de l’honorabilité de la fonction.

Sont également proposées des mesures visant à mieux traiter les conflits d’intérêts, sujet dont l’importance a crû au cours des dernières années et que nous abordons avec le souci de nous rapprocher de ce qui se passe dans beaucoup d’autres démocraties parlementaires.

Nous avons déjà fait des progrès, de notre propre initiative,…

M. Charles Revet. Il est bon de le rappeler !

M. Alain Richard. … afin de répondre aux critiques de nos concitoyens.

Vu de notre assemblée, il ne s’agit que d’une officialisation et d’une formalisation d’attitudes que nous pratiquons déjà visant à réguler ou à prévenir les conflits d’intérêts. Nous pouvons encore nous perfectionner, et ce n’est pas mon collègue et ami, le président du comité de déontologie parlementaire qui me contredira.

En revanche, la limitation des activités de conseil nous place devant un paradoxe constitutionnel dont nous parlons rarement. Les articles 23 et 25 de la Constitution, que nous devrions relire chaque jour (Sourires.), disposent respectivement que les fonctions de membres du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de toute activité professionnelle – je puis vous assurer que le secrétariat général du Gouvernement veille au respect de cette règle – et qu’une loi organique fixe le régime des incompatibilités touchant les parlementaires.

Le Conseil constitutionnel en déduit logiquement que la possibilité d’exercer une activité professionnelle est une règle de droit commun pour les parlementaires, seules les exceptions figurant dans la liste limitative des incompatibilités.

Cette vision des choses me semble datée. Il s’agit en quelque sorte d’une rémanence du libéralisme aristocratique, première génération de la conception parlementaire à l’époque des Lumières. Michel Debré, qui a beaucoup compté dans l’écriture de la Constitution, avait un grand respect pour le parlementarisme britannique, dont il reste ici quelque chose…

Nous sommes donc obligés de naviguer entre le principe selon lequel les parlementaires sont libres d’avoir une activité professionnelle et une exigence de la société qui demande à ces mêmes parlementaires de se consacrer à l’exercice de leur mandat, sans conflits d’intérêts.

Ces projets de loi posent de nouvelles limites, assez strictes, à l’exercice de ces fonctions de conseil. Il s’agit d’un progrès. Il nous semble qu’il reste encore de la marge, notamment lorsque les volumes et les recettes de cette activité deviennent surprenants au regard du principe de disponibilité du parlementaire pour son mandat. Cette question nous donnera l’occasion d’ouvrir un petit débat.

S’agissant de la réserve parlementaire, nous comprenons qu’il faille faire disparaître la liaison directe individuelle entre la préconisation d’un parlementaire et l’attribution d’une aide financière à une association ou à une collectivité.

Toutefois, madame la garde des sceaux, nous nous demandons si l’idée, au départ « vertueuse », comme l’on dit trop souvent, de supprimer ce lien direct ne s’est pas transformée en « fric-frac budgétaire ». (Sourires.)

Alors que le Président de la République demande aux collectivités de continuer à faire des efforts en dépenses de fonctionnement tout en restant les plus dynamiques possible en matière d’investissement, sauf rectification de trajectoire, nous voyons ici disparaître environ 140 millions d’euros centrés sur l’investissement, notamment celui des collectivités les moins bien dotées en ressources propres. Cette situation me semble quelque peu paradoxale. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ajoutons que ces fonds permettent également de soutenir un certain nombre d’associations non lucratives nationales. Ce n’est d’ailleurs pas sans un petit sourire que j’écoutais ce matin le président d’une des principales associations environnementales, souvent promptes à critiquer le comportement des élus, mettre en garde les membres du Conseil national de la transition écologique contre le risque de disparition des fonds de la réserve. Prenons le temps d’en parler tranquillement…

S’agissant des emplois familiaux, nous soutenons la solution raisonnable retenue par le Gouvernement, quand bien même nous tirons un peu dans les coins – c’est en effet le détournement de l’emploi d’assistant parlementaire à des fins d’arrangement financier familial et non la proximité dans le travail qui faisait problème.

Je terminerai en évoquant la question des partis politiques. Les mesures rationnelles présentées dans ces projets de loi proviennent d’observations et de préconisations de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, laquelle œuvre depuis des années à un meilleur contrôle des finances des partis politiques ; elles permettent aussi de vérifier leur possibilité d’accéder au crédit.

Toutefois, Jean-Pierre Sueur l’a souligné, les difficultés portent sur le détournement du statut de parti politique, ou plutôt la réalité de l’étiquette de parti politique, afin de bénéficier des moyens du financement public.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, pourquoi ne pas profiter de la réforme constitutionnelle qui sera bientôt inscrite à l’ordre du jour du Parlement pour compléter l’article 4 de la Constitution et habiliter le législateur à fixer certains principes d’organisation des partis politiques ? Déjà la réforme de 2008 avait permis de préciser que les partis politiques, s’ils se forment et se gèrent librement, doivent respecter certains principes démocratiques. Cela nous permettrait de disposer, comme dans toutes les démocraties parlementaires que je connais, de règles à peu près lisibles pour distinguer ce qu’est un parti politique de ce qu’il n’est pas.

Le groupe La République en marche est convaincu de l’importance d’approuver cette réforme, au bénéfice de quelques précisions et clarifications sur lesquelles le président et rapporteur de notre commission s’est montré tout à fait « constructif » – j’espère seulement ne pas lui créer de difficultés en employant cet adjectif… (Sourires.)

Je salue le nouveau climat politique dans lequel le Sénat joue pleinement son rôle d’amélioration de la loi dans le respect du mandat confié au Président de la République. Je souhaite y voir l’augure d’une nouvelle période de bon travail entre l’exécutif et cette assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les textes que nous examinons aujourd’hui visent à répondre à la défiance de nos concitoyens à l’encontre non seulement de certains comportements de femmes et d’hommes politiques, mais aussi des vases communicants entre fonctions électives ou ministérielles, fonction publique et postes et intérêts privés.

La dernière campagne présidentielle, avec les affaires à tiroirs de l’un des candidats, a porté cette exaspération à son sommet.

Ce grand déballage a été vu comme l’aboutissement d’un parcours apportant régulièrement – trop régulièrement – son lot de révélations défrayant la chronique, de l’organisation de la campagne d’un ancien Président de la République à un ministre du budget avouant, sur une chaîne d’information, détenir des comptes bancaires secrets en Suisse.

Cette situation est insupportable, tant pour nos concitoyennes et nos concitoyens que pour la grande majorité des élus qui ont à cœur le débat politique et la défense de l’intérêt de leurs administrés.

Le nouveau chef de l’État a très vite annoncé sa volonté de présenter un projet de loi sur la « moralisation de la vie publique », rapidement devenu un projet de loi relatif à la « confiance dans la vie démocratique » pour finalement viser à rétablir « la confiance dans l’action publique ». Le président Bas nous propose, quant à lui, de « réguler » la vie publique.

Cette diversité sémantique provient, à mon avis, d’une difficulté à délimiter le champ d’intervention du législateur. Quelle est la source de la perte de confiance évidente de la population dans ceux qui font la politique, membres du Gouvernement et élus, en particulier parlementaires ?

Comment ne pas constater que le nouveau pouvoir fait déjà face un rejet dans l’opinion, notamment s’agissant des ordonnances qui s’attaquent au code du travail, alors même qu’une victoire importante aux élections législatives aurait dû s’accompagner d’une popularité inédite ?

De toute évidence, la raison de cette perte de confiance ne provient pas d’une vision désenchantée de l’exercice du pouvoir, mais plutôt d’un doute profond sur l’utilité du vote pour obtenir les changements attendus.

M. Philippe Bas, rapporteur. Absolument !

Mme Éliane Assassi. Or il ne s’agit pas seulement de supprimer les emplois familiaux ou d’assurer la transparence des revenus et du patrimoine des parlementaires ou des ministres. Le véritable changement, attendu depuis des décennies, c’est une vie meilleure, c’est le retour du plein emploi, ce sont des conditions de logement et de soins décents, ce sont des études gratuites et de qualité, ce sont des retraites permettant de vivre dignement, c’est une lutte résolue, efficace, pour une transition écologique échappant aux lobbies industriels et financiers.

Ce sont l’absence de résultats et les promesses non tenues qui exaspèrent nos concitoyens. Ceux qui « ne sont rien », ceux qui n’ont pas grand-chose, ne supportent plus l’image de certains qui réussissent en violant la loi, en profitant de la situation acquise à travers leur vote.

Nos institutions, qui ne permettent pas une juste représentation de la réalité politique du pays ni une réelle proximité entre représentants, gouvernants et citoyens constituent le deuxième élément de la perte de confiance du peuple.

Le dernier épisode des élections législatives est frappant : Emmanuel Macron et son gouvernement ont obtenu une large majorité à l’Assemblée nationale, alors qu’ils sont minoritaires dans le pays, comme l’a illustré le vote de confiance à l’Assemblée nationale.

M. Philippe Bas, rapporteur. Très juste !

Mme Éliane Assassi. L’opposition est donc totalement minorée par le rouleau compresseur de la VRépublique.

M. Philippe Bas, rapporteur. Exactement !

Mme Éliane Assassi. Pourtant, le Président de la République, élu par un vote nécessaire face à Marine Le Pen et non par un vote d’adhésion, entend appliquer son programme à la lettre, armé des prérogatives exceptionnelles que lui accorde la Constitution de 1958, sans tenir compte le moins du monde de la relativité de son élection.

Bien au contraire, il repousse quasiment chaque semaine les limites de l’hyperprésidence.

Madame la garde des sceaux, rétablir la confiance dans l’action publique exige un débat sur le caractère de plus en plus monarchique de notre régime. Irriguer la démocratie demande de casser la verticalité rigide qu’impose le nouveau pouvoir alors que le mouvement En Marche, qui se voulait révolutionnaire, me semble-t-il, visait à privilégier l’horizontalité. Comme trop souvent, on annonce des choses et on fait le contraire une fois élu. C’est de cela que le peuple a assez.

Instaurer la proportionnelle intégrale et non un saupoudrage est une exigence pour rétablir la confiance. Le mode de scrutin actuel apparaît de plus en plus comme un miroir déformant et déformé de la volonté populaire. Il y a danger. Persister dans cette voie peut conduire à une remise en cause de l’institution parlementaire elle-même.

Redonner dans le même temps ses pouvoirs au Parlement doit être une priorité : fin du 49-3, droit d’amendement pleinement restauré, en particulier en matière budgétaire, et pouvoir de contrôle accru sont des exigences. Comment redonner confiance au peuple dans son Parlement si les pouvoirs de ce dernier s’amenuisent en peau de chagrin ?

Les sujets sont vastes, comme celui, par exemple, d’une justice au service de tous, accessible aux plus faibles et à l’indépendance confortée pour affronter les dérives constatées au sein du pouvoir politique.

Le fonctionnement de la haute administration et ses relations avec le pouvoir politique doivent aussi être profondément modifiés, et les allers et retours entre ces deux mondes interdits.

Que dire des excès du CAC 40, de l’explosion des fortunes, des profits indécents gagnés sur des vies asservies et parfois brisées, comme chez Whirlpool et GM&S ? La répartition des richesses est une clé essentielle du retour de la confiance dans notre système politique.

Enfin, comment moraliser et rétablir la confiance sans s’attaquer aux liens frappants entre médias, pouvoir politique et finance ? Qui n’a pas constaté, durant la dernière campagne présidentielle, l’influence de certaines chaînes d’information, tombées peu de temps auparavant aux mains d’hommes d’affaires comme MM. Drahi et Bolloré, qui avaient choisi leur camp et le défendaient bec et ongles.

M. Alain Fouché. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Comment ne pas noter également la proximité des instituts de sondage avec les allées du pouvoir ou de la bourse, voire des deux ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Absolument !

Mme Éliane Assassi. Le texte dont nous allons débattre peut apparaître utile pour poser quelques rustines sur un pneumatique au bord de l’explosion.

Interdire les emplois familiaux, remettre en cause les réserves parlementaire et ministérielle, s’interroger sur les moyens de fonctionnement des élus, améliorer encore le tracé des financements des partis politiques et des campagnes électorales : ces mesures constituent parfois des évidences et toujours des progrès incontestables.

Au cours de la discussion, nous apporterons notre soutien à de telles dispositions améliorées de façon souvent pertinente par le président et rapporteur de la commission des lois.

Nous proposerons toutefois d’aller plus loin, même dans ce champ restreint. Je pense notamment à la création d’un véritable statut des collaboratrices et collaborateurs parlementaires, pour répondre enfin aux préoccupations très vives qui s’expriment, particulièrement au sein de notre assemblée, à quelques semaines du scrutin sénatorial.

Nous avons déposé d’autres amendements visant à élargir le débat et à desserrer le cadre imposé par le Gouvernement. Je regrette d'ailleurs que la consultation publique envisagée à l’origine sur ces projets de loi ait été abandonnée. Un aller et retour démocratique sur un tel sujet aurait sans doute été profitable. Vous n’en avez plus voulu, madame la garde des sceaux, ce qui me semble très dommageable.

Mes chers collègues, un grand quotidien a produit un dossier sur la montée en puissance du secteur privé dans nos sociétés occidentales, tout particulièrement en France, vieux pays de mixité de l’économie, des intérêts privés, en un mot de l’argent, en montrant que les occasions de conflits d’intérêts se sont tellement multipliées que les penseurs officiels constatent leur normalité. Ces textes, comme d’autres, viseraient donc simplement à réguler cette nouvelle normalité.

C’est sur cette question de fond que nous divergeons avec les partisans, parfois béats, de ces projets de loi. Le poison de l’argent distillé dans la vie politique ne peut être régulé, il doit être combattu, il doit être éradiqué.

Pour reprendre les mots utilisés par le Premier ministre sur un autre thème, nous estimons nécessaire de « désintoxiquer » notre société de la finance, de l’argent facile, de l’argent qui corrompt.

Pour notre part, trois siècles plus tard, nous serons guidés par Montesquieu, qui écrivait, dans De l’Esprit des lois : « Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintiennent ou se soutiennent. Les forces des lois dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre […]. Mais, dans un État populaire, il faut un ressort de plus, qui est la VERTU ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Lenoir applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur. Citer Montesquieu, voilà qui élève le niveau !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, qu’il soit urgent de se préoccuper de la défiance des Français envers les institutions et le personnel politique est une évidence.

Nul besoin de sondages, d’ailleurs dénués de toute rigueur scientifique, pour s’en convaincre. Il suffit de regarder les résultats des dernières élections : Emmanuel Macron aura été élu par seulement 43,6 % des électeurs inscrits, l’abstention et les votes blancs ou nuls atteignant, quant à eux, 34 % des inscrits.

Le désintérêt pour les législatives a été encore plus grand : au second tour, l’abstention, plus les blancs et nuls, atteignaient 62,3 % du jamais vu pour une consultation de cette importance. Ce qui signifie donc que 32,8 % seulement des électeurs inscrits ont choisi leur candidat, soit un score moyen de l’ordre de 20 % pour les heureux élus. Merveilleux système qui transforme une poignée d’électeurs en majorité écrasante !

Et l’on voudrait nous faire croire que c’est avec des projets de loi tels que ceux que nous examinons aujourd’hui que l’on renforcera « le lien qui existe entre les citoyens et leurs représentants », que l’on affermira « les fondements du contrat social ». Les comportements indélicats, parfois clairement délictueux, d’un certain nombre d’élus ou d’administrateurs, s’ils n’arrangent évidemment pas les choses, ne sont pas l’explication fondamentale de la décrédibilisation de l’action publique et de ses acteurs.

Comme la loi d’octobre 2013, née de la panique de l’Olympe face à « l’affaire Cahuzac », cette loi d’exorcisme n’a pas plus de chance de rétablir «la confiance dans l’action publique » que de mieux « réguler la vie publique ». Elle la compliquera seulement un peu plus.

Destinée à faire oublier « l’affaire Fillon » et celles qui l’ont suivie, touchant, cette fois, la nouvelle majorité, elle n’est pas une réponse à cette sécession civique. Et ce d’autant moins qu’elle n’a plus grand-chose à voir avec l’intention première de son initiateur, François Bayrou, qui, lui, voulait « lutter contre l’influence des intérêts industriels et financiers dans la vie politique ».

L’origine de cette sécession, sur fond de langueur économique depuis 2008, de crainte de déclassement pour les classes moyennes, ou de précarisation pour les plus exposés, c’est le verrouillage du système politique, le constat que changer la tête de l’État ne revenait qu’à perpétuer la même politique particulièrement efficace.

On comprend que ce système, dépourvu de perspectives, finisse par lasser et engendrer ce qui ressemble de plus en plus à des « émeutes électorales » aux effets imprévisibles.

Réservant l’analyse du détail des projets de loi pour l’examen des articles, vous me permettrez de revenir sur les raisons de cette sécession civique et sur la fonction des boucs émissaires en post-démocratie libérale.

Custine définissait le régime tsariste comme une « monarchie absolue, tempérée par l’assassinat ». (Sourires.) Je dirais de la Ve République néolibérale qu’elle est une république oligarchique – oligarchie de la finance et de l’héritage, régulée par la lapidation médiatique.

Oligarchie, car la pratique constante, le Conseil constitutionnel et l’instauration du quinquennat jointe à l’inversion du calendrier électoral ont fait du président de cette république consulaire, à la fois le chef de l’exécutif et celui de la majorité parlementaire, à laquelle il « fixe le cap » devant le Congrès. Manque seulement un statut de la « Première dame », ce qui ne saurait tarder. (Rires.)

Pas de séparation des pouvoirs donc, sauf pour les constitutionnalistes ayant de bons yeux. La « gouvernance » de cette république s’apparente à une cogestion de la nébuleuse politique présidentielle, de la haute bureaucratie d’État et des fondés de pouvoir des milieux d’affaires – finance et très grandes entreprises.

À cette altitude, plus de distinction public-privé. Quel sens pourrait-elle avoir ? La fonction de l’État n’est plus de faire prévaloir un intérêt général, distinct des intérêts particuliers, mais d’assurer la « concurrence libre et non faussée » des acteurs, l’intérêt général résultant du bon fonctionnement du marché, non des équilibres dont l’État est le garant.

D’où la porosité de plus en plus grande entre administration publique et direction des banques ou des grandes entreprises privées : pantouflages et revolving doors rehaussés de passages par les cabinets ministériels ou élyséens. L’explosion des Autorités administratives indépendantes, la diversification des formes de partenariat public-privé, le développement des agences de conseil en tout genre adossées à l’État en sont l’expression.

Mention spéciale pour les opérateurs de téléphonie mobile et de numérique, régnant par ailleurs sur les médias, dont l’activité et l’enrichissement dépendent de l’autorisation d’exploitation du domaine public par l’État et de la régulation des agences. Les médias sont en effet essentiels à la stabilité du système : propriétés d’une dizaine de milliardaires largement adossés à l’État, ils fabriquent le consensus politique sans lequel il ne saurait se perpétuer.

Laurent Mauduit peut même écrire que « jamais, depuis la Seconde Guerre mondiale, la liberté et le pluralisme de la presse n’ont à ce point été menacés ; jamais le droit de savoir des citoyens n’a été à ce point malmené. »

Ils protègent aussi ce bricolage menacé par une fièvre démocratique endémique en assurant une pression constante sur le seul vestige de pouvoir susceptible de perturber le business et cette belle harmonie : le Parlement. Telle est la fonction de la lapidation médiatique qui présente, en outre, l’avantage de faire vendre, pour un investissement intellectuel minimum et sans risque.

La manière dont François Fillon a été neutralisé au terme d’une longue carrière politique, traversée sans défrayer la chronique judiciaire, alors que sa candidature mettait en péril celle du meilleur candidat du système, est aujourd’hui un véritable cas d’école. Cette question mériterait de plus longs développements, mais le temps me manque.

M. François Pillet. Quel dommage ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. On veut des détails !

M. Pierre-Yves Collombat. Je vous donne rendez-vous à la discussion des articles de ces projets de loi devenus, grâce à notre commission des lois, un peu moins pires que ce qu’ils auraient pu être, mais toujours pas à la hauteur des enjeux. C’est au terme de cette discussion que les membres du RDSE, dans leur diversité, se détermineront. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les deux projets de loi qui nous réunissent aujourd'hui ont pour principal objet de répondre à un engagement de campagne du Président de la République, inspiré à cet égard par François Bayrou : moraliser la vie publique.

C’est un sujet ancien, presque éternel. J’ai relu sur ce point Montesquieu : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites », écrivait-il. On peut également lire, toujours dans L’Esprit des lois : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »

Trouver la bonne limite, empêcher les abus, tels doivent être nos objectifs, sans pour autant en venir à un autre danger. En effet, cultiver l’antiparlementarisme, flatter la dénonciation gratuite des élus de la République serait tout aussi choquant.

Oui, la transparence à l’égard des citoyens, la probité des élus et l’exemplarité de leur comportement, constituent autant d’exigences démocratiques essentielles. Toutefois, vous l’avez rappelé, madame la garde des sceaux, la quasi-totalité des élus exercent leur mandat avec rigueur, abnégation et un grand sens du service public, et il faut le réaffirmer ici.

Certes, la campagne électorale de 2017 a été ce qu’elle fut. Sans doute aurait-elle pu être d’une qualité supérieure. Il n’en demeure pas moins que les « affaires », une fois de plus et toujours une fois de trop, ont obstrué le débat public. Cette situation n’est pas neuve. Ces dernières années, on ne compte plus les chroniques relatant les turpitudes de tel ministre en délicatesse avec ses déclarations d’impôts ou de tel autre aux prises avec des comptes à l’étranger.

Il ne tient qu’à nous, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, d’y mettre un terme. Rien ne serait pire qu’une énième loi de circonstance !

Au demeurant, le Président de la République nous a communiqué lundi dernier lors de la réunion du Congrès son souhait d’ouvrir le débat sur la modernisation de nos institutions, notamment du Parlement. Nous avons donc une double exigence à respecter : être collectivement à la hauteur du débat que nos concitoyens attendent de nous et engager le chantier de la rénovation de nos pratiques institutionnelles.

Pour y parvenir, nous devons, au travers de l’examen de ces deux projets de loi, nous poser quatre séries de questions, dont la réponse aura nécessairement une grande importance dans les mois à venir.

La première question a trait au statut des parlementaires de demain. Je dirai ensuite un mot des collaborateurs parlementaires, puis des moyens d’action du parlementaire, enfin du financement de la vie politique.

La loi de 2013 interdisant le cumul des mandats et le futur texte visant à limiter le cumul dans le temps bouleverseront la démographie de la vie politique nationale. Nous avons vu de nombreux collègues députés renoncer à se présenter à un nouveau mandat. L’accélération des parcours politiques pose la question du statut, dans le sens où elle impose une réflexion sur la formation du parlementaire, sa reconversion et, donc, la prévention des conflits d’intérêts pendant l’exercice de son mandat.

À cet égard, le mécanisme de déport prévu par le projet de loi ordinaire interpelle. Comment évaluer les critères en fonction desquels un médecin devenu parlementaire serait de facto empêché de siéger à la commission des affaires sociales, sauf à renoncer à son droit de vote ? Faut-il que les anciens avocats cessent de participer à la commission des lois ? Derrière l’aspect provocateur de la question, on comprend la nécessité, madame la garde des sceaux, de définir un juste équilibre permettant à nos institutions de profiter de l’expérience passée acquise par les uns et les autres, tout en luttant, bien évidemment, contre le conflit d’intérêts.

Au passage, j’ose une deuxième provocation et un rappel : le meilleur moyen de lutter contre le conflit d’intérêts est de garantir l’attractivité du mandat parlementaire.

Le sujet de l’indemnité, même s’il est toujours difficile à aborder publiquement, mérite d’être éclairé. L’indemnité parlementaire – législative, disait-on à l’époque – a été créée par le décret du 5 mars 1848 instituant le suffrage universel. Dans l’esprit des révolutionnaires de 1848, l’indemnité participait de l’abolition du cens, qui concernait aussi les conditions d’éligibilité.

Ici, je citerai l’un de nos illustres prédécesseurs sur ces bancs, Georges Clemenceau, sénateur du Var : « Sous la Restauration, vous l’avez déjà deviné, pas d’indemnité. Sous Louis-Philippe, pas d’indemnité. Régime censitaire. » Clemenceau affirmait ainsi le caractère démocratique de l’indemnité parlementaire, qui assure aux représentants du peuple leur indépendance face aux pressions de toutes sortes. Par les temps qui courent, il me semble bon de le rappeler !

L’attractivité du mandat, c’est aussi la considération portée au travail parlementaire, souvent discret, hors du champ des caméras ou des fils d’information.

M. Roger Karoutchi. C’est vrai !

M. Vincent Capo-Canellas. Ce sont également les conditions de prise en charge des frais induits par l’exercice du mandat. Je salue, à cet égard, le travail de la commission des lois et de son rapporteur, qui a œuvré avec la précision et la prudence de l’horloger.

Plusieurs collègues auront des propositions à formuler pour nourrir un débat qui nous réunira à plusieurs reprises dans l’année qui vient. Je ne doute pas que nous parviendrons à définir d’ici à la révision constitutionnelle un équilibre satisfaisant sur lequel nous pourrons construire un Parlement avec, certes, moins d’élus, mais une efficacité qui n’en sera que plus grande.

Plus que du statut du parlementaire, ces deux textes posent frontalement la question du statut du collaborateur parlementaire. Personne n’en est dupe, ils trouvent leur origine dans l’article d’un hebdomadaire satirique bien connu daté du 26 janvier dernier.

Sans doute la pratique dite des « emplois familiaux » a-t-elle été montée en épingle. Combien d’emplois fictifs pour de vrais collaborateurs ? Très peu, évidemment, même si un seul serait déjà de trop. Ce texte conduira à la rupture de contrat de nombreux assistants de grande valeur, qui travaillent dans des conditions pour le moins assez frustes. Nous aurons des propositions à faire valoir au cours de ce débat pour sortir de cette situation avec humanité et dignité.

En deçà de ce problème, il apparaît que les dérives liées au détournement du crédit accordé pour la rémunération des collaborateurs procèdent de ce que ces derniers n’ont pas eu, pendant trop longtemps, d’existence textuelle avérée au-delà de leurs contrats.

À cet égard, les assemblées parlementaires ont effectué d’importants progrès ces dernières années. Le régime d’emploi des collaborateurs est désormais inscrit dans notre règlement. Bien évidemment, beaucoup reste à faire. C’est justement dans les interstices de cet édifice en construction que se nichent les voies de ceux, peu nombreux, qui abusent du système.

Les présents projets de loi ont le mérite de clarifier ce problème, bien qu’ils n’abordent pas la question dans sa globalité. Aussi prenons date, dès maintenant, pour engager le travail sur le parachèvement du statut de collaborateur parlementaire. Peut-être l’examen des amendements permettra-t-il d’avancer en la matière.

J’évoquerai brièvement la question des moyens d’action du parlementaire.

Le Parlement du non-cumul ne doit pas conduire à une fracture entre représentation nationale et action locale. Le mandat du parlementaire ne saurait être une mission purement juridique, textuelle et abstraite. L’action politique se nourrit du concret, donc de la relation à l’action locale. À cet égard, la suppression de la réserve parlementaire, certes compréhensible, peut susciter des interrogations.

En effet, la réserve demeure le seul moyen d’action locale propre au mandat parlementaire. J’entends par là le seul moyen concret, au-delà de l’influence et de la capacité que peut avoir un parlementaire à interpeller les pouvoirs publics sur les demandes des collectivités. Il est pourtant limité. La réserve représente en effet une somme de 146 millions d’euros, dont un peu moins de la moitié est dédiée aux collectivités territoriales.

Nous savons en outre que les finances locales, rigidifiées par la contribution au redressement des finances publiques, ne permettent pas à de nombreuses communes rurales, mais aussi urbaines, de réaliser des projets d’investissements importants tels que des travaux d’accessibilité, la réfection d’un monument ou l’équipement en défibrillateurs.

Je salue le travail réalisé par le rapporteur général de la commission des finances et par la commission des lois. Là encore, nous aurons un équilibre à définir en séance pour vous convaincre, madame la garde des sceaux, de sauvegarder un mécanisme de soutien à l’investissement local équilibré et dans lequel les parlementaires pourront jouer un rôle entier. La commission des lois a fait œuvre utile en la matière.

J’en viens à ma dernière question, à savoir le financement de la vie politique. Cette question nous concerne tous en tant qu’élus. Mesurons-le pleinement, après des évolutions électorales parfois brutales, aucune formation politique n’est désormais à l’abri du risque bancaire. Je pense à une crise de liquidité provoquée par le refus continuel d’une ligne de crédit. Les affaires, encore et toujours, ont conduit de nombreuses banques à considérer les partis politiques comme des débiteurs à risque, tout au moins en termes d’image. Il s’agit d’un immense problème de confiance entre les banques et la vie démocratique.

Comme beaucoup d’autres, j’ai pu expérimenter une telle situation, et je crains que le dispositif proposé par le Gouvernement ne soit quelque peu sous-dimensionné.

Concernant le médiateur du crédit, permettez-moi de formuler quelques réserves. Quels seront ses moyens d’action ? Comment l’État parviendra-t-il à le doter du capital de confiance nécessaire, dont il aura pour mission d’abonder les partis aux yeux des banques ?

Concernant la banque de la démocratie, nous craignons que le dispositif ne soit pas encore arrivé à maturité. En effet, sur le strict plan constitutionnel, il semble impossible que le Conseil constitutionnel, dont vous connaissez les habitudes mieux que nous, madame la garde des sceaux, valide une habilitation à légiférer par ordonnance dont le champ est fonction d’une enquête conjointe de l’IGA, l’Inspection générale de l’administration, et de l’IGF, l’Inspection générale des finances, toujours en cours.

Une hirondelle ne fait pas le printemps, et deux projets de loi ne suffiront pas à rétablir la confiance de nos concitoyens dans la vie publique. Oui aux dispositions qui concourent à une meilleure régulation de notre vie publique, mais il faut, dans le même temps, doter les parlementaires d’un vrai statut, tout comme leurs collaborateurs, et de moyens d’action. De ce point de vue, vos textes restent, selon nous, au milieu du gué.

Madame la garde des sceaux, nos concitoyens n’ont rien à gagner d’un Parlement affaibli. Faire du Parlement une cible serait le symptôme d’une crise démocratique sans doute plus grave encore que la crise de confiance que ces deux textes cherchent à combattre. En disant cela, je ne vous en fais pas le procès. Au contraire, je souhaite que nous indiquions à tous, ensemble, que nous sommes attachés au parlementarisme, qu’il convient de rénover. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tous.

Selon moi, nous pouvons, avec ces deux projets de loi, construire les fondations d’un nouvel acte de renforcement du parlementarisme à la française, après la révision du 23 juillet 2008. Nous devrons mener ce travail tout au long du chantier ouvert par le Président de la République, en gardant toujours à l’esprit qu’un Parlement affaibli est le symptôme d’une démocratie malade. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe La République en marche – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Madame la garde des sceaux, vous avez la difficile tâche de présenter deux textes visant à répondre à une attente forte de nos concitoyens, non plus pour « moraliser » la vie politique, mais « rétablir la confiance » dans l’action publique. Peut-être nous apprendrez-vous d'ailleurs à quelle époque vous situez le moment où la confiance entre les citoyens et les élus a été rompue, puisqu’il s’agit de la rétablir !

J’ai ma petite idée sur ce point : il est possible que cette rupture remonte aux origines même du pouvoir, un peu comme la crise du cinéma date des frères Lumières…

Vous nous présentez donc ces textes comme les tout premiers du nouveau gouvernement, au nom d’un sacro-saint principe, la transparence. Telle est l’injonction devenue le mot d’ordre de l’époque, au point parfois de rétrécir le débat que cette question appelle.

On pourrait gloser à loisir sur ce rêve, cher à André Breton de la « maison de verre », sur cette frontière poreuse entre la vie privée et la liberté individuelle et les exigences nouvelles de la vie publique. Il n’empêche, on doit accepter cette évidence : la transparence est devenue un fait majeur, alimenté par une circulation sans précédent de l’information, pas toujours vérifiée, rendue possible par les nouvelles technologies.

De fait, l’esprit public a changé en profondeur concernant les exigences minimales qu’on attend de celles et ceux d’entre nous qui aspirent à devenir des représentants. Quoi que l’on en pense, je suis de ceux qui prennent acte de cette exigence et de l’attente forte de nos concitoyens. Naturellement, cette attente, qui comporte sa propre limite, peut être dangereuse à certains égards. En effet, l’action publique n’est pas réductible à la seule morale, quoi qu’en pensent parfois certaines associations spécialisées dans la lutte contre la corruption, nées de manquements constatés ou invoqués à la morale publique.

Une partie d’entre elles – pas toutes – versent parfois dans un néo-puritanisme à la scandinave, qui n’est pas, certains le regretteront, dans notre culture politique. Naturellement, quand il est question de morale, on peut tomber dans ce que Nietzsche appelait la « moraline », c’est-à-dire cette petite morale, ivre d’elle-même, déversée par des parangons de vertu qui rivalisent dans la surenchère d’incantations, là où, au contraire, une détermination et une attitude sobre et distanciée paraissent nécessaires pour éviter un bûcher purificateur.

M. Alain Fouché. C’est sûr !

M. François Bonhomme. Voilà deux siècles, Jean-Baptiste Laborde ne craignait-il pas le travers d’une certaine mièvrerie en écrivant : « On aime à blâmer les vices que l’on n’a point, parce que c’est une manière tacite de se louer. » Le Nouveau Testament ne disait pas autre chose : « N’allez pas pratiquer la vertu avec ostentation pour être vu des hommes. » « Nous sommes tous pétris de faiblesses et d’erreurs », ajoutait Voltaire. Toute morale, y compris publique, est relative, historique, partielle. C’est la limite du texte qui arrive en discussion aujourd’hui : chacun se croit unique et peut se découvrir quelconque.

Cette réserve étant formulée, j’estime qu’un certain nombre de mesures contenues dans ces deux projets de loi sont fort opportunes. Peut-être ces textes auraient-ils encore plus de force, madame la garde des sceaux, si le Gouvernement lui-même donnait l’exemple.

Vous pourrez le constater au cours de l’examen des articles, le Sénat a véritablement complété, enrichi et fortifié votre projet, par des propositions sérieuses et neuves comme la création d’un registre des déports pour le Conseil des ministres ou encore la transparence, attendue, des réserves ministérielles.

Il convient de saluer particulièrement Philippe Bas, président de la commission des lois,…

M. Philippe Bas, rapporteur. Merci !

M. François Bonhomme. … dont la seule présence au sein de cette instance nous assure un bonheur complet.

M. Alain Fouché. C’est vrai !

M. François Bonhomme. Nous avons pu aussi le mesurer au fur et à mesure des auditions et avant que l’examen ne s’engage au fond, ce projet comporte des dispositions fort disparates, dont la cohérence d’ensemble n’est pas la première qualité.

Extension du régime d’inéligibilité et d’incompatibilités, suppression de la réserve parlementaire, interdiction des emplois familiaux, fixation des conditions de remboursement des frais de mandat des parlementaires et encadrement du financement des partis politiques : il y a là des mesures fort différentes, dont l’efficacité dépendra des modalités de mise en œuvre.

Très franchement, madame la garde des sceaux, on peut s’interroger sur la réunion, au sein d’un même texte, de la prévention des conflits d’intérêts et de la suppression de la réserve parlementaire, qui, si la mesure était votée en l’état, aboutirait dans les faits à pénaliser les plus petites communes rurales, lesquelles figuraient comme les principales bénéficiaires de cette aide.

M. Alain Fouché. Parfaitement !

M. François Bonhomme. Par ailleurs, je note l’existence d’un « angle mort », dans la mesure où la question du conflit d’intérêts entre deux fonctions publiques n’est pas prise en compte. J’espère que nous aurons l’occasion de discuter du cas de figure singulier et anachronique qui permet encore d’exercer un mandat électif et des fonctions de direction d’un groupe de presse.

Ces réserves étant faites, ces textes se révèlent nécessaires, à condition de rappeler que la question morale n’est pas l’alpha et l’oméga de la vie politique, tout simplement parce que la question du « bon gouvernement », comme on disait voilà cinq siècles, n’est pas soluble dans la morale, même à l’âge démocratique.

On pourrait d’ailleurs s’amuser à recenser dans notre histoire politique les « grands hommes », dont le comportement moral, loin d’être irréprochable, a parfois été condamnable. Pourtant, ils ont eu un rôle d’homme d’État, en tant que ministre ou dirigeant.

J’évoquerai tout d’abord Richelieu et Mazarin, qui ont amassé une fortune personnelle considérable dans des conditions suspectes. Ils furent pourtant de grands serviteurs de la France.

Je pense également au grand Colbert, dont la statue orne le petit hémicycle et surveille les sénateurs. On sait en effet que le contrôleur général des finances de Louis XIV, grand argentier du roi, n’était pas aussi désintéressé que l’on croit, à rebours de l’image convenue complaisamment forgée par les historiens du XIXe siècle. Il a pourtant été un serviteur du royaume de France.

Je citerai enfin Talleyrand, qui déclarait, fraîchement nommé ministre, « vouloir maintenant faire une immense fortune ». N’a-t-il pas néanmoins sauvé les intérêts majeurs de notre pays au Congrès de Vienne en 1815 ?

Je ne cherche pas à jouer du paradoxe. Évitons simplement les mauvais procès en vertu, en surjouant l’indignation. Nous le savons tous, la loi a ses limites. C’est pourquoi il faut avoir à l’esprit la réalité de l’exercice de la mission d’élu, sa complexité, ses vicissitudes. Ayons le courage de le dire, même si cette pensée n’est pas partagée par la majorité.

Sinon, la suspicion risque de continuer d’empoisonner la vie politique. Ainsi, au sortir de la campagne à laquelle nous avons assisté, on peut s’étonner que le point de vue moral ait complètement submergé et, finalement, atrophié le débat de fond qui aurait dû prévaloir dans notre pays, pour choisir le candidat le plus apte à exercer la fonction suprême.

De même, j’ai observé l’emballement qui a accompagné la publication du patrimoine des candidats à l’élection présidentielle. Elle a occupé les esprits et l’espace médiatique plus que de raison. Une sorte de curiosité envieuse et maligne s’est parfois manifestée.

D’ailleurs, je note sans malice, madame la garde des sceaux, que le nouveau gouvernement a lui-même pu mesurer cette pente dangereuse fort glissante, si j’en juge par les changements ministériels intervenus précipitamment, qui menacent la stabilité de tous les gouvernants.

Défions-nous de ce désir d’un supplément de transparence, qui peut vite se transformer en « tir au pigeon », mû par une certaine jubilation pernicieuse, que je perçois ici ou là dans la presse. C’est une forme de joie mauvaise à alimenter la chronique, à lancer des accusations. Elle se nourrit d’une quête sans fin de coupables. Ce jeu est mortifère pour la démocratie, car la recherche effrénée de coupables sous prétexte de pureté pourrait reléguer au second plan les enjeux vitaux de notre pays et, plus simplement, déstabiliser les gouvernements les plus fraîchement désignés.

En ce début de mandat, alors que les Français sont sortis saturés du débat présidentiel, j’ai la faiblesse de croire que ce débat, auquel le Sénat ne se dérobera pas, ne doit pas nous détourner des enjeux vitaux de notre pays et, donc, de votre capacité à réduire le chômage de masse et la pauvreté que connaît notre pays, à vaincre le terrorisme qui a ensanglanté la France et à annihiler sa menace permanente, à combattre la violence quotidienne, à relever l’école, qui ne remplit plus sa mission première, à enrayer la crise migratoire majeure que subi notre pays et l’Europe et, plus généralement, à sortir de l’impuissance publique généralisée.

C’est en tout cas dans cet état d’esprit que nous entamons la discussion de ce premier texte présenté par le Gouvernement et de cette trente-deuxième loi sur la régulation de la vie publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, par ce texte, il s’agit de tirer les enseignements de la dernière séquence électorale. Contrairement à ce qui se passait auparavant, la confiance de l’opinion publique et des citoyens dans leurs responsables politiques est une condition nécessaire pour que leur message politique et leur projet soient audibles.

C’est la raison pour laquelle il est important de progresser en la matière. Toutefois, le titre très ambitieux de ce texte va beaucoup plus loin que les mesures qui nous sont proposées.

Avant d’entrer dans le détail du projet de loi, il me paraît important de réfléchir aux causes du doute qui ternit l’action politique et publique. Car la démocratie représentative est remise en cause partout. Notre spécificité française, c’est l’hyperprésidentialisation de la vie politique. Tout procède de l’élection présidentielle. La responsabilité en incombe tout autant aux institutions qu’à une pratique, où chacun des acteurs importants, sans l’avouer, espère un jour profiter du système plutôt que de le remettre en cause pour faire progresser la démocratie parlementaire. Rappelons-le, le taux d’abstention aux élections législatives a atteint 52 %. La majorité silencieuse est très probablement en mode « scepticisme constructif ».

Toutefois, il existe des causes plus globales à une telle remise en cause. L’Union européenne est le cadre majeur de la vie économique et sociale de notre pays. C’est heureux, car c’est ainsi que nous pouvons peser sur l’ensemble du monde.

Les élections nationales ne peuvent pas tout. Finalement, c’est au niveau européen que nous pouvons formuler de vrais choix. Or l’action politique doit justement permettre d’effectuer les choix au niveau adéquat. Il y a donc besoin d’une démocratisation du fonctionnement de l’Union européenne. Il faut remplacer les couloirs du Conseil européen par l’exercice, par les citoyens européens, de leur souveraineté : c’est indispensable pour faire progresser la démocratie.

Certains de nos collègues l’ont dit, la révolution numérique remet en cause la place des parlementaires, auxquels le peuple a confié une mission de législateur et de contrôle de l’exécutif. Auparavant, on n’avait pas le choix, il fallait faire confiance aux élus. Personne ne disposait d’outil pour voir en temps réel ce que nous proposions, ce que nous faisions et ce dont nous étions capables. Aujourd'hui, tout est immédiatement visible. Le rôle du Parlement et de ses membres doit donc évoluer, pour mieux interagir avec l’ensemble de la société.

De ce point de vue, il est regrettable que l’agenda retenu pour l’examen de ce texte, pourtant fondamental pour progresser dans la confiance dans la vie démocratique, n’ait pas permis une interaction avec la société. L’examen en commission s’est en effet déroulé une semaine avant le débat en séance publique.

La révolution numérique, en rendant les zones d’ombre suspectes, impose une plus grande transparence. Les élus sont confrontés à des exigences nouvelles, notamment en termes d’explications. Ils peuvent même être amenés à expliquer les raisons pour lesquelles il convient de conserver quelques zones d’ombre pour préserver l’intérêt général, face à des intérêts privés.

Ne cédons jamais à la confusion populiste, qui amalgame, et c’est déplorable, lois, décrets, règlements des assemblées et morale personnelle.

Nous sommes parfois confrontés à la question suivante : à quoi servent les élus ? Sont-ils vraiment des acteurs politiques au service d’un projet ou d’un idéal ou une simple interface entre l’administration et l’opinion publique, que l’on change lorsqu’elle n’est plus audible ?

Nous sommes porteurs de projets et d’idéal. Nous ne pouvons pas accepter de devenir une sorte de technocratie gouvernante, qui ne permettrait pas l’expression complète de la démocratie. La transparence et la lutte anticorruption sont un moyen au service de la démocratie. Elles ne remplaceront pas les idées politiques, les projets et les valeurs.

En Italie, l’opération Mani pulite a produit Silvio Berlusconi ; au Brésil, l’enquête Lava Jato a favorisé l’arrivée au pouvoir de Michel Temer. Si la lutte contre la corruption et la transparence sont des exigences, nous devons conserver nos projets !

Certaines des mesures prévues par ce texte relèvent du règlement des assemblées, du décret ou de la loi de finances, notamment pour ce qui concerne la réserve parlementaire. Il y a là une sorte de confusion. Je me souviens des propos de l’un de nos collègues, Jacques Mézard, qui, à l'occasion de l’examen d’un texte législatif, affirmait que « la loi n’est pas un communiqué de presse »… Il est dommage que des dispositions aussi diverses se retrouvent aujourd'hui au sein d’un même texte. La séparation des pouvoirs est un principe absolu qui préserve la démocratie.

Certes, on a souvent l’impression que ce principe est invoqué pour protéger le Parlement. Toutefois, si l’on examine la situation qui prévaut de l’autre côté de l’Atlantique, on se rend compte à quel point il est important que les institutions soient fortes pour faire face au risque d’un exécutif intrusif ou invasif. La séparation des pouvoirs est essentielle pour préserver la démocratie. Nous ne pouvons pas faire progresser la transparence au détriment de la séparation des pouvoirs. Qu’il s’agisse du législatif, de l’exécutif ou du judiciaire, chacun doit rester à sa place.

J’en viens aux emplois familiaux, qui font également l’objet de ce texte. Je le rappelle, ce qui a surtout choqué, c’est le caractère éventuellement fictif de certains emplois et le détournement à des fins d’enrichissement personnel, qui constituent d’ores et déjà des infractions. Soyons-en conscients, l’opinion publique a évolué en la matière. Ce qui s’est passé au cours des derniers mois a jeté l’opprobre sur toute une profession, indispensable, nous le savons tous, au bon fonctionnement du Parlement.

Dans la mesure où les collaborateurs parlementaires se sont tous sentis visés par ce qu’ils ont entendu récemment, nous devons, je crois, leur exprimer notre solidarité.

Je le souligne, il ne faut pas légiférer en prévoyant des effets rétroactifs sur les contrats en cours, dès lors que la loi, telle qu’elle est aujourd'hui, est respectée. Nous devrons également aborder la question des licenciements, dans l’esprit dans lequel le président de la commission des lois l’a fait dans son rapport.

Concernant les activités de conseil des parlementaires, il faut effectivement mieux déceler et empêcher les conflits d’intérêts. Nous vous suivrons dans cette voie, madame la garde des sceaux, en formulant quelques propositions supplémentaires.

Néanmoins, veillons également à ce que l’accès à la fonction de parlementaire soit égal pour tous ; sinon, la démocratie sera en danger. Or les personnes issues du secteur privé seront plus touchées par les dispositions prévues que celles qui travaillent dans le secteur public.

Il faudra trouver les moyens d’assurer un équilibre, afin qu’il soit possible d’entrer dans la fonction parlementaire, mais aussi d’en sortir sans dommage. Les partis politiques et les campagnes électorales doivent fonctionner de manière plus transparente. Nous défendrons des amendements en ce sens, visant à promouvoir l’open data et à rendre le contrôle plus effectif.

J’ai brièvement parlé de l’Europe. C’est important ! Il s’agit d’un cadre essentiel de l’action publique ; nous ne pouvons donc pas la placer hors de nos débats. Il y a d’ailleurs des partis politiques européens. Nous parlons du financement de la vie politique ; il faudra bien, un jour, que nous discutions du financement de la vie politique européenne et de la relation entre les partis politiques européens et les législations nationales. Aujourd’hui, en la matière, rien n’est fait.

Sur la réserve parlementaire, beaucoup de choses ont été dites. Je me contenterai de rappeler que nombre d’associations ont besoin de cette réserve, dont les crédits doivent figurer dans la loi de finances. Nous pouvons en débattre sans fin ; je sais néanmoins combien un grand nombre d’associations, qui échappent aux radars du Gouvernement, en particulier à l’étranger – je pense notamment à des écoles –, ont besoin de notre aide pour pouvoir survivre, se développer, et répondre aux coups durs qui peuvent leur arriver.

Madame la garde des sceaux, le groupe socialiste et républicain fera tout son possible pour que le projet de loi réponde au mieux aux nouvelles exigences de la vie démocratique, mais chacun d’entre nous doit comprendre que rien ne remplacera, en la matière, l’éthique personnelle, qui doit nous inspirer à chaque instant.

Enfin, soulignons la nécessité de finaliser la réforme constitutionnelle sur l’indépendance du parquet ; il s’agit d’un impératif si nous voulons que l’édifice que nous essayons de construire aujourd’hui soit crédible et durable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République en marche. – Mme Corinne Bouchoux et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les projets de lois ordinaire et organique rétablissant la confiance dans l’action publique, présentés par le Gouvernement et discutés en procédure accélérée.

Si ces textes répondent à une profonde attente des Français, certains points méritent cependant réflexion.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Pour le moins !

M. Alain Fouché. S’agissant tout d’abord de la réserve parlementaire, je me félicite que la commission, si bien présidée – il est bon de le rappeler ! –, ait finalement, dans son texte, abandonné sa suppression pure et simple, telle qu’elle avait été initialement proposée par le Gouvernement.

L’étude d’impact du projet ne comportait en effet aucune analyse des conséquences de cette suppression sur le tissu local, en particulier sur la qualité des services rendus à nos concitoyens.

Si quelques abus ont pu être commis, la réserve parlementaire reste, madame la garde des sceaux, un mécanisme indispensable au financement de certains projets locaux, lesquels ne sont parfois éligibles à aucune autre subvention.

Si le principe de la réserve parlementaire n’est pas totalement supprimé, le dispositif issu de l’examen du texte par la commission des lois est cependant perfectible.

Est ainsi créé le principe d’une dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements. Le bénéfice de cette dotation est réservé aux projets d’investissement matériel et immatériel d’intérêt général qui « présentent un caractère exceptionnel ». Nous pourrons d’ailleurs discuter sur ce qu’il faut entendre par ce dernier terme ! Son montant ne peut excéder la moitié du montant total du projet, le plafond étant fixé à 20 000 euros. La liste des projets que les députés et sénateurs souhaitent soutenir sera adressée au Gouvernement par le bureau de chaque assemblée.

Le texte est aujourd’hui muet sur les conditions de répartition de la dotation. Or une part minimum de cette dotation doit être garantie à chaque parlementaire pour lui permettre de soutenir son territoire. En l’état du texte, ce minimum n’est pas garanti.

En outre, pour éviter toute dérive politique, chaque parlementaire doit disposer d’une somme identique. Aucun territoire ne doit être oublié !

Par ailleurs, je regrette que les associations soient définitivement exclues du bénéfice de ce dispositif. En effet, par exemple, ma région, la grande région Nouvelle-Aquitaine, met fin, pour une très grande part, aux aides qu’elle versait aux associations ; de mon côté, au fil de mon mandat, j’ai alloué une partie de ma réserve parlementaire à la lutte contre le sida, à la SPA, la Société protectrice des animaux, à un festival d’opéra en milieu rural, à des associations de l’écrit. Tout cela, on ne pourra plus le faire !

Quelle est la différence entre un parlementaire qui alloue des fonds de sa réserve et un élu local qui attribue une subvention ? Comme nous le savons bien, dans les départements, la répartition des subventions n’est pas toujours automatique : elle est fonction des dossiers présentés. Rien n’est automatique !

S’agissant d’un sénateur qui dispose d’environ 140 000 euros de réserve dans un département ne comptant pas moins de 500 communes – c’est le cas de certains départements ! –, je ne vois pas, madame la garde des sceaux, où est le risque de clientélisme – c’est pourtant le mot qui a été employé.

Si le parlementaire n’exerce aucun autre mandat électif, il ne disposera plus de moyens financiers lui permettant d’aider son territoire – vous conviendrez que le problème est réel !

Soulignons enfin le « deux poids, deux mesures » du Gouvernement, qui souhaite supprimer la réserve parlementaire tout en conservant les réserves ministérielles. Or, si l’on sait avec certitude que ces dernières sont utilisées à des fins politiques, on ne connaît ni leur montant ni leur destination. En outre, à ces réserves ministérielles s’ajoutent les sommes allouées aux associations sous forme de subventions : en 2015, l’État a distribué près de 2,06 milliards d’euros de subventions aux associations, en toute opacité.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Il faudra toutes les contrôler !

M. Alain Fouché. L’exigence de transparence doit être la même pour tout le monde.

S’agissant des incompatibilités, le texte est encore trop imprécis. En l’état, un avocat qui exerce en droit des affaires et qui aura créé son cabinet dans les douze mois précédant le premier jour du mois de son entrée en fonction au Parlement ne pourra poursuivre son activité. Au moment où il se lance, d’ailleurs, il n’est certain ni d’être investi par son parti ni d’être élu.

On lui demanderait donc de perdre son travail et sa clientèle naissante, alors que l’avocat qui exerce depuis vingt ans, lui, pourrait continuer son activité ! Une telle mesure, qui revient à discriminer la jeunesse, favorisera inévitablement la professionnalisation de la vie politique.

A contrario, sauf erreur de ma part, rien n’empêche le salarié d’une société de lobbying de se présenter aux élections. Le lobbying est une activité de conseil ; nous, parlementaires, sommes sollicités chaque semaine, invités dans les plus grands restaurants de Paris, par de telles sociétés, qui sont financées par des entreprises publiques, par les ministères ou par des sociétés privées.

Enfin, nous pencherons-nous un jour sur le fond du problème, en créant un véritable statut du candidat et un véritable statut de l’élu ? Il s’agit d’une vraie difficulté ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Pierre-Yves Collombat et Bernard Lalande applaudissent également.)

Mme Éliane Assassi. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, messieurs les rapporteurs de la commission des lois et de la commission des finances, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer sincèrement le travail de fond réalisé en peu de temps par nos collègues des commissions saisies.

L’examen de ce projet de loi et de ce projet de loi organique rétablissant la confiance dans l’action publique est en effet très attendu par nos concitoyens.

Certes, en la matière, depuis de nombreuses années, plusieurs textes ont été adoptés – notre collègue Jean-Pierre Sueur a évoqué quelques dates, dont certaines sont lointaines. S’agissant de la transparence, la mise en place de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la publication des déclarations de patrimoine, la lutte contre les conflits d’intérêts, sont de bons exemples du travail déjà effectué.

Parce que nous exerçons des mandats locaux et nationaux, nous nous devons de rendre des comptes. L’éthique, la morale, la transparence, l’exemplarité, sont des priorités. D’où l’importance des hautes juridictions, telles que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, et des tribunaux administratifs.

Depuis plusieurs années, sur l’initiative du président Gérard Larcher et du bureau du Sénat, nous avons été très sensibilisés, chacun à titre personnel, aux questions de rigueur et d’exemplarité, concernant notamment l’utilisation de l’IRFM. De ce point de vue, je partage tout à fait, comme bon nombre de mes collègues, les propos du président Philippe Bas. Nous devons être exemplaires par respect pour nos électeurs et, en l’occurrence, s’agissant de la Haute Assemblée, pour nos grands électeurs.

Pour cette même raison, je défends par ailleurs la loi sur le non-cumul des mandats, en particulier des indemnités. Nous sommes responsables de l’argent public ; élus, nous le sommes pour servir l’intérêt général. Le dévouement des élus locaux et nationaux mérite d’ailleurs d’être souligné, et je vous remercie, madame la garde des sceaux, de votre témoignage en ce sens.

Les textes dont nous nous apprêtons à débattre en séance publique sont très attendus, et nous n’avons pas droit à l’erreur. Il ne s’agit pas de rendre les contrôles plus complexes, mais de rétablir la confiance. C’est une priorité !

Je voudrais en quelques mots évoquer le problème de l’emploi des collaborateurs parlementaires – il en a déjà été question. Au sein de la Haute Assemblée, grâce notamment à l’AGAS, l’Association pour la gestion des assistants de sénateurs, et à sa présidente, Mme Françoise Cartron, un travail est effectué régulièrement pour que la confiance règne. Les contrats de travail, signés par les sénateurs employeurs et par leurs salariés, sont établis avec beaucoup de rigueur. Nous rendons compte d’un temps de travail, par semaine et par mois, qui correspond à des missions effectives.

Mon cas personnel servira d’exemple : je n’ai pas de collaborateur à Paris ; deux collaboratrices travaillent pour moi, réellement, à temps partiel, dans le département des Ardennes, avec efficacité et conviction. Elles n’ont absolument aucun lien de parenté avec moi. Ma suppléante, quant à elle, est totalement bénévole. Il s’agit là d’une petite équipe ; la plupart de mes collègues se reconnaîtront dans mon modeste exemple.

Autre sujet sensible : la réserve parlementaire.

M. Marc Laménie. C’est un sujet qui, parfois, fâche.

Dans nos départements, nous sommes très sollicités par les élus, les maires de petites communes en particulier, pour financer des projets d’investissement. La disparition totale de la réserve serait très regrettable, d’autant plus que son utilisation, dans le cadre de la dotation d’action parlementaire, est parfaitement encadrée.

En ma qualité de sénateur des Ardennes depuis le 26 août 2007, j’ai bénéficié, de 2008 à 2017, d’une dotation annuelle variant de 120 000 à 149 000 euros – ce dernier chiffre est celui de l’année 2017 –, exclusivement réservée aux communes et intercommunalités. À ce titre, j’ai pu aider chaque année trente à quarante projets d’investissement, le montant des subventions s’échelonnant de 500 à 12 000 euros environ.

L’instruction de ces dossiers par le ministère de l’intérieur est totalement transparente : devis estimatif et quantitatif, attestation de non-commencement des travaux, plan de financement, etc. Les notifications de subventions signées par les ministres de l’intérieur successifs sont elles aussi transparentes – les sommes engagées sont d’ailleurs prises en compte dans le budget de l’État. L’effectivité des versements est suivie avec rigueur par les services de nos préfectures, au fil de la réalisation de l’opération : les factures sont certifiées payées par nos comptables dépendant de la direction générale des finances publiques.

Ces aides, qui sont appréciées, permettent réellement de soutenir l’investissement de nos collectivités locales, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, lequel est souvent, hélas, en difficulté. C’est pourquoi, s’agissant des chances de maintien de cette réserve parlementaire, je reste confiant. Il s’agit d’un combat tout à fait légitime !

Cette dotation d’action parlementaire constitue une aide financière substantielle, au même titre que la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, ou que le fonds de soutien à l’investissement public local, qui sont financés par le budget de l’État. Ces aides s’ajoutent aux aides régionales classiques et aux subventions d’investissement des départements.

Je souhaite donc que le débat à venir soit placé sous le signe de la passion et de la conviction et qu’il nous éclaire utilement, afin que, dans l’exercice de nos mandats, nous fassions les bons choix, c’est-à-dire que nous servions avec rigueur l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, merci infiniment de vos interventions, que j’ai trouvées extrêmement riches, bien qu’elles aient parfois été critiques. Je prends évidemment toute la mesure de vos propos.

De manière liminaire, je voudrais rappeler ici que je n’ai pas prononcé le mot de « moralisation ». M. Sueur en a parlé, mais c’est un mot que j’ai évité à dessein. Il ne s’agit pas ici, en effet, de « moralisation » ; il s’agit de poser un certain nombre de règles de droit qui nous protègent, dans nos comportements et dans la gestion de la complexité des situations que nous avons à traiter. Je le dis donc clairement ici : ce projet de loi n’est pas un projet de loi de moralisation !

En revanche, mais nous aurons l’occasion d’y revenir, je ne suis pas certaine de me satisfaire pleinement du nouvel intitulé proposé par M. le président Bas et par la commission des lois : le terme de « régulation », que, quant à moi, je peux entendre, ne me semble pas aussi directement lisible que la formule proposée par le Gouvernement, à savoir celle de « rétablissement de la confiance », laquelle parle immédiatement à nos concitoyens. Or c’est bien un remède susceptible d’agir sur la relation entre les citoyens et les représentants de la Nation, entre les citoyens et leurs gouvernants, que nous devons trouver.

Monsieur le président de la commission, nous aurons l’occasion de revenir sur chaque volet du travail remarquable que vous avez accompli. Je voudrais simplement, à ce stade, mentionner deux points.

Vous avez dit expressément que vous souhaitiez converger, avec le Gouvernement, vers des propositions que les deux parties du débat pourraient comprendre et accepter. Il me semble que, parmi les éléments de réponse que j’apporterai et dont nous discuterons dès demain, ce souci de convergence apparaît, puisque le Gouvernement a d’ores et déjà entendu un certain nombre de préoccupations que vous avez exprimées sur la limitation de l’indemnité perçue par les ministres quittant leur fonction, sur l’attestation fiscale pour les parlementaires – vous en avez parlé  –, sur la publicité de la réserve ministérielle, sur l’extension du droit de communication directe de la HATVP, sur la possibilité que les collaborateurs parlementaires membres de la famille d’un parlementaire aient le temps de se retourner – nous y reviendrons également.

Le Gouvernement a donc d’ores et déjà pris en compte un certain nombre de vos propositions ; bien entendu, d’autres points demeurent en discussion, s’agissant notamment de la réserve et de l’IRFM, sur lesquelles nous avons des divergences. Toutefois, il me semble impossible d’en déduire que nous ne sommes pas mus, les uns et les autres, par la volonté très forte de travailler ensemble et d’œuvrer en faveur de cette convergence.

Monsieur de Montgolfier, merci également de votre intervention. Vous avez évoqué différents points, dont certains reviennent d’ailleurs de manière récurrente au fil des propos qui ont été successivement tenus.

Vous avez notamment abordé la question de la réserve. S’agissant de l’analyse constitutionnelle de ce problème, j’ai entendu, dans l’hémicycle, des murmures lorsque j’ai parlé d’une utilisation de la réserve non conforme à l’article 40 de la Constitution. J’ai parfaitement conscience que, sur le papier, c’est le Gouvernement qui a déposé un amendement sur ce point.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. D’accord !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Reste que c’est une convention de la Constitution qui est ainsi mise en place, révélant une pratique qui, elle, n’est pas exactement conforme aux dispositions de la Constitution. Nous aurons l’occasion d’en reparler et d’étudier la manière dont, en la matière, nous pourrions évoluer.

Monsieur de Montgolfier, vous avez également évoqué la question de la réserve ministérielle. Son montant est très modeste : 5 millions d’euros. Il me semble que les mesures de publicité qui ont été proposées par la commission des lois et la commission des finances seront les bienvenues et qu’elles permettront d’inscrire dans la loi un principe de transparence qui correspond à une pratique utile pour nos concitoyens.

Vous avez par ailleurs exprimé assez longuement vos craintes, ou votre opposition, devrais-je dire, s’agissant de la « banque de la démocratie ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. En l’état ! Cela me semble en effet prématuré.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce sujet a été évoqué par plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. J’ai bien sûr entendu les réserves qui ont accueilli cette proposition de demande d’habilitation.

Si le Gouvernement a souhaité aller dans le sens d’une réflexion sur la création d’une banque de la démocratie et, en la matière, d’une demande d’habilitation, c’est parce qu’il nous est apparu que le médiateur du crédit ne constituait pas, à lui seul, une institution suffisante pour remédier à l’ensemble des difficultés rencontrées par les partis politiques ou les candidats à une élection.

C’est pour cette raison qu’une loi d’habilitation a été proposée ; les pistes envisageables, que j’ai énoncées devant vous, y seraient fixées, à savoir la création soit d’une structure dédiée, liée à un opérateur existant, soit d’un mécanisme spécifique de financement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous dire, à ce stade, qu’en toute hypothèse, sur ces sujets, le Gouvernement avancera de manière totalement transparente avec vous. Il n’est pas question, par une loi d’habilitation, de mettre en œuvre un dispositif dont vous ignoreriez une partie. Vous savez d’ailleurs pertinemment que, le cas échéant, l’examen du projet de loi de ratification vous permet de vous prononcer sans réserve sur ce qui pourrait être proposé.

Monsieur Sueur, vous avez évoqué « l’ombre et la lumière ».

M. Jean-Claude Lenoir. Le jour et la nuit !

M. Jean-Pierre Sueur. Je citais Jack Lang. Cela vous a plu, madame la garde des sceaux ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Oui ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Nostalgie, quand tu nous tiens !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. On voyait très bien, alors, où était l’ombre et où était la lumière !

M. Christian Cambon. Cela se discute…

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Évidemment, chacun l’interprétera comme il l’entend !

M. Alain Richard. C’était au départ une formule de Goethe, pour évoquer 1789 !

M. Jean-Claude Lenoir. Pour ma part, je n’étais pas né en 1981 ! (Sourires.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Dois-je répondre à toutes les interpellations ?

M. le président. Non, madame la garde des sceaux !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué la définition des partis politiques. C’est évidemment un point extrêmement sensible. M. Hugues Portelli a abordé ce sujet lors de mon audition préalable en commission. La question notamment des micropartis qui n’entrent pas dans le cadre de la loi de 1988 est ancienne et récurrente. Comme l’a suggéré la commission des lois, nous devons avancer sur ce sujet en étant respectueux des dispositions de l’article 4 de la Constitution, que vous avez été nombreux à citer.

J’ai bien entendu, monsieur Alain Richard, votre suggestion de compléter l’article 4 de la Constitution. C’est un débat que nous ne pourrons pas avoir ici, mais qui pourrait être évoqué prochainement.

Monsieur Sueur, vous avez également posé la question du bulletin n° 2. Nous avons pris les dispositions qui figurent dans le texte, car le Conseil d’État a mis en évidence le risque constitutionnel lié à une inéligibilité totale et automatique. Cela ne correspond bien évidemment pas au dispositif que nous avons voulu, qui laisse au juge un pouvoir d’appréciation permettant selon nous de rendre le texte conforme à la Constitution.

Par ailleurs, vous avez abordé la fiscalisation des indemnités complémentaires à l’indemnité parlementaire. C’est un point important, qui doit être envisagé de manière globale ; il ne peut être traité de manière isolée, dans le cadre d’un tel texte, me semble-t-il.

M. Jean-Pierre Sueur. Il suffit de fiscaliser toutes les indemnités parlementaires !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est une autre démarche que celle qui a été proposée ; nous en reparlerons demain.

Mme Corinne Bouchoux a parlé de la consultation citoyenne, que son collègue Joël Labbé avait également évoquée en commission. Je lui avais répondu que je n’y étais pas sur le principe défavorable. Néanmoins, en la circonstance, et alors même que le débat parlementaire commence, je ne désire pas prendre personnellement position sur le sujet. Il n’est pas bon qu’une telle consultation se déroule en même temps que le travail avec les élus de la Nation. Il s’agit donc non pas d’une opposition de principe, mais plutôt d’une contre-indication circonstancielle.

Mme Bouchoux souhaite également que soit mis en place, si je ne déforme pas ses propos, un statut plus général pour les collaborateurs parlementaires. C’est une question qui a été reprise également par d’autres sénateurs. Il s’agit d’une demande sensible, qui concerne directement les assemblées. Le Gouvernement y est donc attentif, comme il sera attentif à ce que les solutions trouvées puissent s’inscrire dans le cadre plus général des principes applicables en droit du travail : c’est un point important. Quoi qu’il en soit, il appartiendra aux deux assemblées d’engager le dialogue, afin d’élaborer le texte tant attendu par les collaborateurs.

Monsieur Alain Richard, je vous remercie de l’ensemble de vos propos. Vous avez rappelé qu’il convenait de rester lucide sur la question de l’éthique et de la déontologie des parlementaires, mais aussi des dirigeants du pays. J’ai été extrêmement frappée par une enquête publiée il y a quelques jours dans Le Monde et faisant état de chiffres absolument atterrants : 69 % des Français estiment que les élus sont corrompus. C’est effroyable. Je le ressens, sinon comme une vexation, du moins comme une sorte d’échec personnel.

M. Alain Fouché. Les médias se plaisent à en parler à longueur de journée…

M. Éric Doligé. Ils font de la démagogie permanente !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Vous avez raison, monsieur Richard, il faut être lucide, et c’est tout l’objet de ce texte et du travail que vous avez réalisé.

Vous avez également évoqué la réserve parlementaire. Usant d’un joli jeu de mots, vous vous êtes demandé s’il ne s’agissait pas d’un « fric-frac budgétaire ». (Sourires.) De mon point de vue, il s’agit surtout d’un ping-pong législatif, puisque tout ce qui ne sera pas traité aujourd'hui pourrait l’être en loi de finances, surtout si nous décidons, comme vous le suggérez les uns et les autres, de satisfaire les attentes des territoires, dans le prolongement de ce qui existe déjà.

Du fric-frac au ping-pong, je suis certaine que nous arriverons à trouver un accord sur ce point ! (Nouveaux sourires.)

Vous avez encore évoqué la question de la limitation des activités de conseil. Je ne suis pas sûre qu’il faille interdire toute activité professionnelle aux parlementaires. Cela poserait d’ailleurs une très sérieuse difficulté de nature constitutionnelle.

Madame Assassi, j’ai été intéressée par la mise en perspective extrêmement globale que vous proposez de ce texte, dépassant même ses objectifs. Vous rappelez très justement que l’absence de résultats a largement contribué à la perte de confiance. Vous avez raison : l’action politique que nous essayons, chacun à notre niveau, de conduire, doit se traduire par des résultats concrets. C’est ce qu’essaient de faire aussi bien les élus locaux que les élus nationaux, même si leurs efforts ne sont manifestement pas probants pour le moment.

En revanche, je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous affirmez que les institutions ne permettent pas une juste représentation de la réalité politique du pays. Dire cela, c’est oublier les réformes que le Président de la République a souhaité engager, qu’il s’agisse de l’introduction de la proportionnelle, de l’accroissement du pouvoir de contrôle du Parlement grâce à différentes dispositions dont le contenu sera évoqué lors de la révision constitutionnelle ou de l’indépendance de la justice, que je défendrai en améliorant notamment le statut des parquets. Voilà quelques points que je souhaitais relever, en vous remerciant néanmoins de vos propos.

M. Pierre-Yves Collombat a eu une réflexion qui va bien au-delà du strict enjeu de la loi que nous examinons. Il a souligné, à juste titre, que ce texte ne suffira pas en lui-même à rétablir la confiance : il faudra que d’autres éléments viennent s’y adjoindre. Je ne puis que corroborer ses propos. Aucun des sujets qu’il a évoqués n’est illégitime, même si nombre d’entre eux vont bien au-delà du champ des présents textes. Ceux-ci répondent pourtant à maintes interrogations qu’il a exprimées. En tout état de cause, je serai attentive à toutes vos propositions, monsieur le sénateur.

M. Vincent Capo-Canellas a soulevé quatre questions directement liées aux enjeux de la loi ; il a raison, il s’agit pour nous d’être collectivement à la hauteur des enjeux et des défis qui nous sont posés. Il s’est par ailleurs interrogé sur le caractère démocratique de l’indemnité parlementaire. Effectivement, il importe que les parlementaires puissent exercer leur mandat en disposant pour ce faire des moyens nécessaires. Il s’agit d’une question qui mérite d’être posée et débattue, même si j’ignore si nous pourrons le faire à l’occasion de ces textes.

M. Capo-Canellas a soulevé un certain nombre de questions sur les emplois familiaux, que la société n’accepte plus aujourd'hui. C’est un fait dont nous devons prendre acte. J’ai répondu aussi à l’instant sur le parachèvement du statut des collaborateurs : c’est une démarche qui incombera aux assemblées, lesquelles devront résoudre les difficultés dans la concertation.

Monsieur Bonhomme, votre intervention m’a marquée par ses références historiques. Vous avez fort justement évoqué les mauvais procès en vertu. Vous avez raison : la question de la transparence, qui a été un ingrédient trop commodément utilisé et parfois mal dosé, a donné lieu à des dérives très problématiques.

Cependant, à la différence des époques historiques que vous avez citées, les citoyens sont actuellement extrêmement actifs dans l’histoire politique et sociale qui se construit, et l’on ne peut faire abstraction d’eux. Nul ne peut aujourd'hui avoir les mêmes faiblesses que Colbert ou Rousseau, lequel abandonnait ses enfants tout en écrivant de splendides ouvrages sur l’éducation… (Mme Éliane Assassi sourit.)

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai ! Belle référence.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur Jean-Yves Leconte, avec le concours de la commission des lois du Sénat, nous serons très attentifs à ce que la séparation des pouvoirs et l’autonomie des assemblées parlementaires soit respecté. Nous accepterons d’ailleurs un certain nombre d’amendements en ce sens.

Vous avez fait référence au financement de la vie politique européenne. Au fond, est-ce que cela ne relève pas du règlement du Parlement européen ? C’est un point sur lequel nous reviendrons ultérieurement.

Monsieur Fouché, je ne reviendrai pas sur ce que j’ai déjà dit au sujet de la réserve parlementaire. En revanche, pas une fois je n’ai utilisé le mot de « clientélisme », qui jette inutilement l’opprobre sur le travail des parlementaires.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Enfin, M. Laménie, sénateur des Ardennes, a fait clairement valoir son souhait de maintenir la réserve parlementaire. Je le dis donc ici en toute franchise : nous aurons peut-être un désaccord sur ce point, mais nous l’assumerons avec respect, comme il se doit.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois avoir répondu à l’ensemble de vos questions. Merci infiniment de vos propos. J’aurai plaisir à vous retrouver demain pour travailler avec vous et examiner dans le détail chacun des articles du projet de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La discussion générale commune est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

 
 
 

7

Nomination d’un membre d’une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et républicain a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Marie-Christine Blandin, démissionnaire.

8

Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du RDSE a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Josiane Costes membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en remplacement de M. Jacques Mézard.

9

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 6 juillet 2017, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui avait adressé un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le paragraphe 1 de l’article 757 B du code général des impôts (Assiette des droits d’enregistrement – Assurance vie ; 2017-658 QPC).

Par ailleurs, il a informé le Sénat, le lundi 10 juillet 2017, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État lui avait adressé deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur :

– le 1 de l’article 123 bis du code général des impôts (Imposition des revenus réalisés par l’intermédiaire de structures établies hors de France et soumises à un régime fiscal privilégié ; 2017-659 QPC) ;

– le premier alinéa du I de l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 (Contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués ; 2017-660 QPC).

Le texte de cet arrêt et de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

10

Décision du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 7 juillet 2017, deux décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

-l’exclusion de certaines plus-values mobilières de l’abattement pour durée de détention (n° 2017-642 QPC) ;

-la majoration de 25 % de l’assiette des contributions sociales sur les revenus de capitaux mobiliers particuliers (n° 2017-643 QPC).

Acte est donné de ces communications.

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 11 juillet 2017 :

À quatorze heures quinze : éloge funèbre de François Fortassin.

À quinze heures :

Suite du projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique (procédure accélérée ; n° 581, 2016-2017) et projet de loi organique rétablissant la confiance dans l’action publique (procédure accélérée ; n° 580, 2016-2017) ;

Rapport de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois (n° 607, 2016 2017) ;

Textes de la commission (nos 609 et 608, 2016-2017) ;

Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 602, 2016-2017).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq, le soir et la nuit : suite du projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique (procédure accélérée ; n° 581, 2016-2017) et projet de loi organique rétablissant la confiance dans l’action publique (procédure accélérée ; n° 580, 2016-2017).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD