M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons ce soir pour examiner, une dernière fois, deux projets de loi de ratification d’ordonnances issues de la loi de modernisation de notre système de santé, dont le processus législatif, entamé à l’automne, arrive à son terme.

En effet, lors de la réunion du 17 janvier dernier, les deux commissions mixtes paritaires sont parvenues à des accords, d’une part sur le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé, d’autre part sur le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique.

Les deux textes proposés par la CMP ont été adoptés par l’Assemblée nationale le jeudi 26 janvier dernier, et c’est aujourd’hui au Sénat qu’il revient d’approuver – ou non – le travail de la commission mixte paritaire.

Tout d’abord, j’aimerais revenir sur le projet de loi de ratification de l’ordonnance portant création de l’Agence nationale de santé publique.

Vous le savez, l’ANSP réunit aujourd’hui l’Institut de veille sanitaire – l’InVS –, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé – l’INPES – et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – l’EPRUS. Quelques mois seulement après sa création, cette agence est pleinement intégrée dans le paysage sanitaire français.

Grâce à cette ordonnance, l’Agence nationale de santé publique peut désormais intervenir dans l’ensemble du champ de la santé publique, de la production de connaissances à la préparation face aux menaces et à la gestion de crise sanitaire. Elle est également pleinement compétente pour élaborer des réponses efficaces dans le vaste champ de la promotion de la santé et de la prévention.

L’épidémie de grippe que notre pays a traversée cet hiver a pu démontrer au plus grand nombre l’intérêt de l’action d’un opérateur de l’État qui, tout à la fois, surveille la dynamique de l’épidémie, fournit des données sur les populations ou les territoires les plus touchés et, en cohérence, propose au Gouvernement des mesures d’information des professionnels et de communication en direction du grand public.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a soutenu la volonté des rapporteurs d’associer plus étroitement la représentation nationale à la définition des politiques de santé publique, en lui attribuant des sièges au sein du conseil d’administration de l’ANSP.

En revanche, vous vous en doutez, le Gouvernement ne peut que regretter que la commission mixte paritaire ait retenu la version de l’article 2 adoptée par le Sénat en première lecture.

La loi de modernisation de notre système de santé avait accordé au Gouvernement, dans les conditions précises fixées par l’article 38 de la Constitution, la possibilité de prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, toutes mesures législatives destinées à favoriser la mutualisation des fonctions transversales d’appui et de soutien entre les agences relevant des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

En adoptant aujourd’hui définitivement ce texte, vous supprimez a posteriori cette habilitation. Il vous appartiendra alors de ratifier – ou non – l’ordonnance prise sur son fondement.

J’en viens au projet de loi de ratification de l’ordonnance portant simplification des procédures mises en œuvre par l’ANSM.

Le texte élaboré par la commission mixte paritaire a conservé la totalité des amendements adoptés tant par le Sénat en première lecture que par l’Assemblée nationale. C’est donc un texte amélioré et consensuel qui est, aujourd'hui, soumis à votre approbation.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur ses apports. Au-delà des aspects techniques, il permet de moderniser en profondeur nos procédures de sécurité sanitaire, de compléter notre arsenal de lutte contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments et de renforcer la gouvernance de la politique vaccinale.

Je m’arrêterai néanmoins sur l’article 2, qui vise à expérimenter, pour les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques, mais aussi pour les industries pharmaceutiques, la déclaration des quantités de médicaments produits ou acquis, non consommés au sein du système de santé français et exportés.

Je me souviens évidemment très bien des débats que nous avions eus lors de l’examen de cet article devant votre commission et des interventions des sénateurs et sénatrices qui avaient alors relayé les inquiétudes des professions concernées.

C’est pourquoi je suis heureuse que le travail effectué au cours de la navette parlementaire ait permis de rassurer les grossistes-répartiteurs, qui avaient pu se sentir injustement ciblés par cette expérimentation, de rendre celle-ci plus cohérente en l’étendant à l’ensemble de la chaîne de distribution du médicament et de garantir la confidentialité des données. Je lis la satisfaction sur vos visages, mesdames, messieurs les sénateurs ; j’en suis fort aise !

Des engagements précis ont été pris par le Gouvernement quant à la nature du tiers de confiance chargé de recueillir les données. Celui-ci sera désigné en concertation avec tous les acteurs concernés. Cette mesure complétera utilement l’action engagée par Marisol Touraine pour lutter contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments, en renforçant la transparence et en donnant aux pouvoirs publics une meilleure visibilité sur les niveaux et contenus des stocks.

Je conclurai en indiquant que le Gouvernement se félicite du large consensus – malgré quelques différends mineurs – ayant accompagné le processus de ratification de ces ordonnances et permis leur adoption dans un délai rapide.

En soutenant ainsi la mise en place de l’Agence nationale de santé publique et la simplification des procédures de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, la représentation nationale aura démontré, une fois de plus, son attachement unanime aux maillons essentiels de la politique de santé que constituent nos agences sanitaires. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la loi santé prévoyait un grand nombre d’habilitations du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi. Je les avais accueillies avec une grande réserve. Mes collègues corapporteurs et moi-même avions proposé d’en supprimer plusieurs, compte tenu de la sensibilité des sujets concernés et de la difficulté à évaluer les conséquences des modifications affichées.

Dans une démocratie, le Parlement n’est pas une chambre d’enregistrement ; il est le plein détenteur du pouvoir législatif. Le Sénat était donc dans son rôle, me semblait-il, en procédant de la sorte.

Il s’agissait notamment de l’habilitation à prendre des ordonnances pour harmoniser les règles relatives aux missions, à l’organisation, au fonctionnement et aux ressources de l’InVS, de l’INPES et de l’EPRUS, ainsi que de la future Agence nationale de santé publique, dans la mesure où ces agences étaient déjà concernées par une habilitation.

Il s’agissait aussi, s’agissant de l’INPES et de la future Agence nationale de santé publique, de l’habilitation à prendre des ordonnances pour organiser la mutualisation des fonctions transversales d’appui et de soutien de plusieurs opérateurs.

En première lecture, j’avais affiché ma prudence sur le projet de loi de ratification relatif à la création de l’agence nationale Santé publique France, au motif que le Gouvernement tentait d’utiliser cette habilitation pour opérer un transfert définitif de compétence du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire concernant les mutualisations, ce qui ne correspondait pas à ce que prévoyait la loi santé.

Je me félicite que notre rapporteur, Gilbert Barbier, ait été entendu lors de la commission mixte paritaire. Le Parlement ne doit pas céder face aux tentatives des gouvernements, quels qu’ils soient, visant à circonscrire notre action. Je voterai, comme mon groupe, ce projet de loi délesté de l’habilitation portant sur les mutualisations.

Le projet de loi relatif à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, quant à lui, a trait à des enjeux importants en termes d’approvisionnement en médicaments, alors que les laboratoires affirment livrer les volumes nécessaires au marché français.

La France a connu dix fois plus de ruptures d’approvisionnement en médicaments d’intérêt thérapeutique majeur en 2014 qu’en 2008. Chaque jour, 5 % des médicaments sont en rupture de stock, et un vaccin sur dix manque.

L’expérimentation proposée ici est à saluer. Elle vise à s’assurer du volume globalement exporté, pour mieux appréhender les causes des crises.

À l’origine, l’obligation de déclaration s’imposait seulement aux grossistes-répartiteurs. J’étais, en première lecture, favorable à ce que l’ensemble des maillons de la chaîne du médicament participent à cette expérimentation : les laboratoires, les distributeurs ou encore les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché. L’Assemblée nationale a ainsi élargi le champ de cette obligation de déclaration ; je m’en réjouis.

Espérons que la communication de ces informations par tous les acteurs de la chaîne du médicament permette de comprendre l’origine des ruptures d’approvisionnement, afin que les solutions les plus adéquates puissent être apportées.

Le groupe UDI-UC votera en faveur de l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Poher.

M. Hervé Poher. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, s’agissant du projet de loi tendant à créer l’Agence nationale de santé publique, le groupe écologiste est très favorable au regroupement de trois institutions existantes, à condition, bien entendu, que les moyens financiers et humains ne soient pas diminués. Cela nous semble une évidence, et il serait souhaitable que celle-ci soit partagée par tous…

Concernant le deuxième projet de loi, tendant à établir diverses dispositions relatives aux produits de santé, nous sommes plus partagés. Certains d’entre nous sont même quelque peu réservés.

L’article 1er de ce projet de loi simplifie les procédures mises en œuvre par l’ANSM. Nous voulons toutefois insister sur le point suivant : le texte de l’ordonnance prévoit que la responsabilité du ministre de la santé soit transférée au directeur de l’ANSM, notamment en matière de détermination des bonnes pratiques de pharmacovigilance. Or le sujet est très sensible : je me bornerai à citer les cas, tristement célèbres, de la Dépakine ou du Mediator.

Dans ce domaine, le rôle de supervision du ou de la ministre chargée de la santé est essentiel, tant les enjeux sont importants et les lobbies puissants.

De toute façon, s’agissant de cet article 1er, nous avons compris, après quelques années passées dans cet hémicycle, qu’un mot magique rassemble tous les suffrages : celui de « simplification ». Cependant, la simplification n’empêche pas les interrogations !

L’article 2 est, quant à lui, sociologiquement et philosophiquement intéressant. En effet, comment expliquer que, dans une société libérale marchande dont le commerce est presque devenu un des piliers, nous puissions connaître une rupture d’approvisionnement de médicaments ? Or cela arrive, c’est un fait !

Évidemment, dans une société où, grâce à internet, on peut se procurer en vingt-quatre heures tout et n’importe quoi, tomber à court de médicaments ou de vaccins est une anomalie. On ne peut alors s’empêcher de fantasmer, d’imaginer un complot du « grand capital »… C’est normal, quand on songe aux bénéfices engrangés par les laboratoires pharmaceutiques, à certains produits, efficaces certes, parfois révolutionnaires, mais dont le prix de vente à la pilule ou au millilitre est tout de même un peu exagéré, même en tenant compte des dépenses de recherche, du taux de réussite, de l’investissement consenti…

Tout le monde se renvoie la balle et la faute en matière de rupture de la chaîne d’approvisionnement. Observer et expérimenter est indispensable, avant, peut-être, d’aller plus loin.

L’article 3 prête à discussion. En effet, certains d’entre nous sont, par principe, très opposés à la pratique d’une certaine marchandisation du corps humain et, en particulier, à l’importation de tissus ou de cellules humains en provenance de pays extérieurs à l’Union européenne, aux législations parfois nébuleuses, voire douteuses, et où se pratique, dans certains cas, une forme de marchandisation.

Certes, l’article 3, dans la rédaction proposée, transpose une directive européenne en augmentant la sécurité et prévoit des cadres pour l’importation et l’exportation de ces tissus. Mais le processus et la philosophie demeurent inchangés.

À titre personnel, je dirais que ce qui est validé dans cet article 3 est logique et normal, mais, à mon avis, ce n’est que le début d’une période de réflexion, de discussions, de travail législatif sur un sujet essentiel, que l’on pourrait résumer ainsi : science, recherche, médecine, jusqu’où ira-t-on ? À cet instant, je ne peux évidemment m’empêcher d’évoquer ces expériences menées aux États-Unis, où l’on a permis, récemment, que l’on fasse se développer des cellules humaines dans des embryons de porc.

Heureusement, l’éthique existe encore. Mais, nous le savons très bien, l’histoire a montré que, dans le domaine scientifique, en particulier, l’éthique est parfois un peu élastique… Alors, soyons prudents, et prévoyons des garde-fous ! En disant cela, j’ai bien conscience que je vais à l’encontre de la simplification, mais, dans ce domaine-là, nous n’avons pas vraiment le choix.

Enfin, l’article 4 tend à organiser le transfert du Comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé, afin de regrouper au sein d’une même instance ceux qui élaborent des recommandations vaccinales et ceux qui évaluent le service médical rendu. Cela nous paraît une très bonne chose. À propos des vaccins, permettez-nous de rappeler qu’il faut impérativement redonner à nos concitoyens confiance dans la démarche de vaccination et répondre, une bonne fois pour toutes, aux interrogations concernant les adjuvants, l’aluminium en particulier.

Mes chers collègues, malgré quelques doutes et quelques questionnements, le groupe écologiste votera ce second texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour voter deux projets de loi visant à ratifier des ordonnances prises en application de l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé, les commissions mixtes paritaires ayant abouti à un accord sur ces deux textes le 17 janvier dernier.

Je souhaite tout d’abord évoquer le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi du 26 janvier 2016.

Pourquoi avoir réuni trois agences au sein de Santé publique France ? L’existence en France d’un trop grand nombre d’acteurs en matière de prévention et de veille sanitaire était cause d’un manque de cohérence et de lisibilité, les différents établissements ayant été créés en réaction à des crises, souvent sans cohérence d’ensemble.

La nouvelle agence doit intervenir sur l’ensemble du champ de la santé publique, de la production des connaissances jusqu’à la gestion des crises sanitaires. Il s’agit de mieux connaître l’état de santé des populations, de comprendre ses déterminants et d’observer les signaux épidémiologiques, ainsi que d’assurer une veille sur les risques sanitaires. L’agence doit s’emparer de nombreux sujets : lutte contre le tabac, questions de nutrition ou encore inégalités de santé. La prévention est l’une de ses compétences les plus visibles, comme en témoigne la récente campagne « Moi(s) sans tabac ».

J’en viens maintenant aux résultats de nos travaux en CMP sur ce projet de loi.

Je me réjouis de l’adoption sans modification de l’article 1er bis, qui vise à assurer la représentation du Parlement au conseil d’administration de l’agence, aux côtés de représentants de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et de l’Assemblée des départements de France.

S’agissant de l’article 2, notre rapporteur Gilbert Barbier craignant, comme il vient de le rappeler, un dessaisissement du pouvoir législatif, a souligné le risque de mutualisations autoritaires et obtenu la suppression de l’habilitation donnée au Gouvernement à prendre des ordonnances pour mutualiser des fonctions support de plusieurs agences du champ sanitaire.

Toutefois, il importait que la commission mixte paritaire aboutisse, pour permettre la ratification de l’ordonnance de création de l’Agence nationale de santé publique. Un accord a été trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Le groupe socialiste et républicain du Sénat votera donc en faveur de l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de ratification de l’ordonnance portant création de l’Agence nationale de santé publique.

Quant au projet de loi tendant à ratifier l’ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification des procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé, il vise principalement à alléger la charge de travail administratif de cette agence sans remettre en cause le respect de la sécurité sanitaire.

L’article 2 de ce projet de loi prévoyait initialement l’expérimentation, pour une durée de trois ans, d’une obligation déclarative pour les seuls grossistes-répartiteurs concernant les médicaments qu’ils exportent. Les travaux de l’Assemblée nationale ont permis d’étendre cette expérimentation à tous les maillons de la chaîne du médicament, depuis la production jusqu’à l’approvisionnement. L’expérimentation concerne désormais les laboratoires pharmaceutiques, les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché, ainsi que les distributeurs en gros à l’exportation. Tous ces acteurs devront déclarer à un tiers de confiance les quantités de médicaments qu’ils exportent, dans le respect, bien évidemment, des exigences de confidentialité.

Les sénateurs socialistes soutiennent cette mesure, car sa mise en œuvre permettra de mieux estimer, en temps réel, les quantités de médicaments effectivement présentes sur le territoire français et d’apprécier la fluidité de la chaîne d’approvisionnement. Félicitons-nous que nos deux assemblées aient trouvé un accord sur ce point très important via l’adoption d’amendements de coordination ou rédactionnels.

Le projet de loi tend également à transposer, au travers de son article 3, la directive européenne du 8 avril 2015 sur les procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés. Cette directive encadre les conditions de l’importation, par les États membres de l’Union européenne, de tissus et cellules en provenance des pays tiers.

Le rapporteur du texte au Sénat avait fait adopter en commission lors de la première lecture, avec l’accord du Gouvernement, un amendement tendant à rejeter toute possibilité d’importation directe de tissus et cellules depuis les pays de l’Union européenne et à imposer le passage par les banques de tissus et cellules contrôlées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Notre collègue Hervé Poher vient de rappeler les règles fondamentales d’éthique.

Le projet de loi prévoit également, à la suite de l’adoption d’un amendement gouvernemental en commission des affaires sociales en première lecture, le transfert du Comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé. Les sénateurs socialistes approuvent ce transfert de la gouvernance des politiques de vaccination à la HAS. Le sujet est complètement d’actualité, après l’avis du Conseil d’État sur les vaccinations.

Notre groupe se félicite que le Sénat et l’Assemblée nationale aient trouvé un accord en commission mixte paritaire sur les dispositions très utiles de ce projet de loi, là encore grâce à l’adoption d’amendements de coordination ou rédactionnels. Nous voterons donc les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous devons nous prononcer sur les conclusions des commissions mixtes paritaires relatives à deux projets de loi ratifiant des ordonnances concernant la santé et pour partie de nature technique.

Le premier texte vise à ratifier l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

La création de l’Agence nationale de santé publique répond très largement à un souci de simplification et de rationalisation de nos politiques publiques. En effet, trois agences sont fusionnées, à savoir l’Institut de veille sanitaire, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, pour former l’agence Santé publique France.

Un sujet en particulier a fait l’objet de discussions avec le Gouvernement, au Sénat, et avec nos collègues députés en commission mixte paritaire : celui de l’habilitation donnée au Gouvernement de procéder par voie d’ordonnances à des modifications législatives aux fins de mutualisation de fonctions dites « support » de plusieurs organismes du champ sanitaire. Sur proposition du rapporteur, Gilbert Barbier, le Sénat avait en effet supprimé cette habilitation.

Comme le rapporteur, nous ne sommes pas opposés à la mutualisation des fonctions support entre l’Établissement français du sang, le Haut Conseil de la santé publique, l’Agence de la biomédecine ou l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, mais l’inclusion de l’Agence nationale de santé publique dans le champ de cette nouvelle ordonnance nous semblait hâtive. Il eût été préférable que la fusion de l’InVS, de l’INPES et de l’EPRUS soit bien engagée avant de lancer une nouvelle mutualisation.

C’est pourquoi la solution trouvée en commission mixte paritaire, consistant à ne pas inclure l’ANSP dans le champ de cette mutualisation, est selon nous sage, d’autant qu’elle permet au législateur de garder toute sa compétence.

Le second projet de loi vise à ratifier l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

L’article 2 de ce texte met en place une expérimentation, pour trois ans, visant à lutter contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments, que l’on ne compte plus depuis des mois. Initialement, le projet de loi limitait le champ de l’expérimentation aux seuls grossistes-répartiteurs. Il était pourtant nécessaire de l’étendre à tous les maillons de la chaîne du médicament, de la production jusqu’à l’approvisionnement. Je m’étais exprimée en ce sens en commission. Le texte de la commission mixte paritaire vise désormais les laboratoires pharmaceutiques, les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché et les distributeurs. L’ensemble de ces acteurs devront déclarer à un tiers de confiance, qui n’est pas défini dans le texte, les quantités de médicaments qu’ils exportent. La communication de ces informations doit permettre de comprendre l’origine des ruptures d’approvisionnement en médicaments. La mise en place d’un tel système risque d’être complexe. J’espère néanmoins que ce dispositif améliorera les analyses sur les exportations parallèles et leur lien éventuel avec les ruptures d’approvisionnement.

Dans son dernier rapport d’activité, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé constate en effet une multiplication par dix en cinq ans du nombre de déclarations de rupture d’approvisionnement. Ces ruptures d’approvisionnement concernent également des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Leurs causes sont nombreuses et multifactorielles. Il est urgent d’agir pour que les patients ne soient pas pénalisés.

Par ailleurs, les autres dispositions de ce projet de loi, relatives par exemple à la transposition de la directive relative aux procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés à des fins thérapeutiques ou au transfert des compétences du Comité technique des vaccinations à la HAS, n’appellent pas, de notre part, de remarques particulières.

On l’aura compris, rien ne s’oppose à ce que le groupe Les Républicains approuve les conclusions des commissions mixtes paritaires, car ses membres partagent les objectifs qui sous-tendent ces deux projets de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule, je souhaiterais rappeler que nous ne sommes pas favorables à l’utilisation par le Sénat de la procédure d’examen en commission, dite « PEC », qui réduit considérablement notre rôle de parlementaires en restreignant le cadre de nos discussions à celui, plus étroit, d’une commission. Même s’agissant de la ratification de deux ordonnances – nous désapprouvons également le recours à cette procédure –, nous ne pouvons pas accepter, en tant que législateur, que le pouvoir parlementaire soit si peu considéré !

Concernant l’ordonnance relative à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, dont l’objectif principal était la transposition d’une directive européenne relative à la qualité et à la sécurité des tissus et des cellules importés en provenance de pays tiers à l’Union européenne, notre groupe avait exprimé de nombreuses réserves lors de la première lecture.

Nous sommes favorables à un meilleur encadrement de la commercialisation des produits issus de pays tiers, mais nous persistons à penser que la marchandisation de tissus et de cellules d’origine extra-européenne devrait être interdite au nom de l’éthique.

Les amendements de précision introduits par l’Assemblée nationale ne lèvent pas totalement les risques potentiels de remise en cause, à terme, de notre modèle transfusionnel éthique, gratuit et bénévole.

Pour ce qui est de l’expérimentation destinée à lutter contre les ruptures d’approvisionnement des pharmacies, nous nous réjouissons de l’évolution du texte, qui vise désormais non plus uniquement les grossistes-répartiteurs, mais aussi les laboratoires. Nous espérons que l’obligation de déclaration, pour les grossistes-répartiteurs, des quantités de médicaments qu’ils exportent permettra d’améliorer l’approvisionnement des pharmacies. Je rappelle à mon tour que, en 2015, des ruptures d’approvisionnement de 391 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ont été signalées à l’ANSM.

Il est essentiel que les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché et les distributeurs en gros à l’exportation soient soumis aux mêmes règles en cas de ruptures d’approvisionnement.

Je me félicite de la décision du Conseil d’État du 8 février dernier, visant à demander au ministère de la santé de rendre disponibles les trois vaccins obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. J’avais déjà eu l’occasion de dénoncer le fait que ces vaccins soient désormais associés à d’autres vaccins polyvalents, non obligatoires. Les industriels qui avaient organisé une rupture d’approvisionnement en arrêtant la production du vaccin DT-polio non associé à d’autres en 2008 seront donc, je l’espère, obligés de commercialiser de nouveau ce vaccin. Je serai, pour ma part, très attentive à ce que la décision du Conseil d’État soit bien suivie d’effet et que les trois vaccins obligatoires soient de nouveau disponibles et commercialisés. Il revient à Mme Touraine, ministre de la santé, de prendre les mesures nécessaires pour garantir la disponibilité de ces vaccins. J’ajoute qu’il serait bon de mettre sur le marché des vaccins sans adjuvants aluminiques.

Permettez-moi d’évoquer quelques-unes des mesures possibles.

D’abord, la ministre de la santé peut sanctionner les laboratoires et les entreprises ne respectant pas « leur obligation d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de gestion des pénuries de vaccins ».

Elle peut également soumettre le brevet d’un médicament au régime de la licence d’office afin d’assurer sa mise à disposition en quantité suffisante.

Enfin, elle peut saisir l’Agence nationale de santé publique, qui a le pouvoir de procéder à l’acquisition, à la fabrication, à l’importation et à la distribution de médicaments pour pallier une commercialisation ou une production insuffisante.

Ces trois pistes de réflexion vont dans le sens de notre proposition de créer un pôle public du médicament et de mettre en œuvre la licence d’office.

Quant au projet de loi ratifiant l’ordonnance portant création de l’Agence nationale de santé publique, il s’agirait de procéder à une simplification.

Ainsi, depuis le 1er mai 2016, les compétences concernant la veille, la surveillance, la prévention et les réponses aux urgences sanitaires, précédemment dévolues à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, à l’Institut de veille sanitaire et à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, sont confiées à une seule et même entité, l’ANSP.

Cette agence a dû gérer sa première épidémie saisonnière avec la forte grippe hivernale qui a fait 14 300 morts, selon l’agence Santé publique France. Il est donc indispensable que notre pays puisse disposer d’un établissement assurant une expertise globale, afin de garantir la protection sanitaire de la population.

J’insisterai une nouvelle fois sur la question des moyens humains et financiers alloués à l’ANSP.

Après la diminution, en 2016, de 3,1 % du montant des subventions allouées aux huit opérateurs de santé dont faisaient partie l’EPRUS, l’InVS et I’INPES, le Gouvernement a prévu une nouvelle baisse des crédits, de près de 7 %, en 2017, avec la réduction de 7 millions d’euros de la dotation de l’État à l’établissement public, ainsi que la suppression de quarante emplois.

La création de l’Agence nationale de santé publique peut être une mesure positive si l’on décide de sortir du carcan des restrictions budgétaires et d’affecter les moyens nécessaires à l’accomplissement des missions de cette instance.

Nous avons le recul nécessaire pour constater que les politiques de santé menées depuis de nombreuses années vont à l’encontre des missions de service public. De toutes parts s’élèvent des voix appelant à modifier les choix qui sont faits. La souffrance au travail des personnels de santé n’est plus à démontrer, et plutôt que de vouloir gérer ce que l’on appelle pudiquement les risques psychosociaux, il serait urgent de remédier à leurs causes. La multiplication des déserts médicaux, le manque de spécialistes, l’engorgement services d’urgence plaident en faveur d’une augmentation des moyens humains et matériels donnés à notre système de santé.

Il en va de même pour les agences, qui doivent faire plus et mieux avec moins de personnel. En tant que membre du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, je puis en témoigner.

Outre qu’elles nous dessaisissent de notre pouvoir de législateur, les ordonnances que ces deux projets de loi visent à ratifier ne règlent pas la question des moyens dont les agences ont absolument besoin pour accomplir leurs missions et ne dissipent pas le flou, que nous avions dénoncé en première lecture, entourant les dispositions de certains articles. Notre groupe s’abstiendra, compte tenu des améliorations apportées par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)