M. Alain Milon. Le groupe Les Républicain votera majoritairement contre cet amendement, et je vais expliquer pourquoi.

L’amendement présenté par Mme Schillinger reprend mot à mot l’amendement qui avait été présenté par Mme la rapporteur et adopté par le Sénat dans le cadre de la première lecture de la proposition de loi.

Le texte que nous avons voté a été rejeté de manière quelque peu cinglante par les députés lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous avons trouvé cela inadmissible, d’autant qu’un tel rejet nous a privés de la possibilité de discuter de sujets extrêmement importants.

Il pourrait certes paraître cohérent de revoter ce texte, mais il ne sera pas adopté par l’Assemblée nationale.

Mme Laurence Rossignol, ministre. Qui sait ?

M. Alain Milon. Madame la ministre, vous savez très bien que l’Assemblée nationale, qui a déjà rejeté ce texte en commission mixte paritaire, le rejettera de nouveau au profit de son texte lors de la nouvelle lecture.

C’est pourquoi je propose que nous allions cette fois jusqu’au bout de notre cohérence en rejetant l’amendement de Mme Schillinger. Nous pourrons ainsi nous prononcer sur le texte issu de l’Assemblée nationale et exprimer notre désaccord. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. J’entends parfaitement les arguments de notre excellent président de la commission des affaires sociales. Comme lui, je regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas fait l’effort suffisant pour arriver à un consensus constructif sur ce texte.

Il n’en demeure pas moins normal et naturel que le Sénat continue à exprimer son sentiment. Il ne me semblerait pas raisonnable de changer d’opinion sur le fond, et je ne souhaite pas que ce soit le cas pour mon groupe.

Nous devons au contraire exprimer à l’Assemblée nationale que nous n’avons pas changé de sentiment, en espérant, bien que cela semble extrêmement difficile, que cette dernière sera sensible à nos arguments.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. J’ai également entendu les arguments du président de la commission des affaires sociales, mais je suis tentée de lui répondre que nous avons le droit d’être nous-mêmes, et donc de persévérer dans notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. On ne peut pas accepter que des personnes notoirement opposées à l’IVG continuent leur lutte sous prétexte de donner des conseils médicaux erronés ou très exagérés sur des sites internet. C’est pourquoi l’amendement de compromis proposé par Mme Gatel, qui permettait de renvoyer ce délit devant une juridiction civile et non pénale, était plein de sagesse.

Cela étant dit, il nous incombe d’envoyer un message à la population. Il n’est pas normal que certains entendent imposer leurs convictions profondes sous prétexte de réserve médicale sur un acte. Si nous respectons ces convictions, nous ne pouvons accepter l’escroquerie intellectuelle que constituent ces sites internet.

Nous devons être cohérents avec notre premier vote. J’ai entendu les arguments de notre ami Alain Milon, mais je trouve bon que nous revotions la proposition de loi dans notre rédaction initiale, d’autant que cela ne changera rien : le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale passera bien sûr en commission mixte paritaire et nous voterons alors contre.

À titre personnel, je voterai donc cet amendement et j’invite mes amis du groupe centriste à le voter aussi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je reconnais la force de conviction de Mme Gatel et sa fidélité à des arguments qu’elle a développés dès la première lecture, mais je me réjouis que le Sénat soit resté fidèle à sa position en première lecture et que l’amendement que notre collègue a présenté ait été rejeté. Après des interventions et un vote pour le moins ambigus en commission, il y a eu un ressaisissement. Je le répète, je m’en réjouis.

Le Sénat doit maintenir jusqu’au bout sa position vis-à-vis de l’Assemblée nationale. Il me semble en effet que le message que notre Haute Assemblée enverrait en montrant que nous sommes majoritairement unis pour revoter notre texte serait suffisant fort pour que celui-ci passe, dans l’intérêt des femmes.

Dans mon intervention liminaire, j’ai indiqué un certain nombre d’éléments justifiant que l’on combatte ceux qui entravent le droit à l’interruption volontaire de grossesse. Il est très important que les législateurs que nous sommes, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, affirment une même volonté de sanctionner les sites mensongers qui mettent en grand désarroi de nombreuses jeunes femmes cherchant à avorter. L’Assemblée nationale se trouverait alors face à ses responsabilités.

Pour cette raison, j’appelle mes collègues à voter majoritairement l’amendement qui nous est présenté par Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Permettez-moi de rendre hommage aux interventions de Mme Gatel. Bien que je ne sois pas en accord avec ce qu’elle pense, elle a su troubler la commission et imposer un point de vue. À une époque où triomphe la pensée unique, cela mérite d’être souligné.

Je remercie également notre rapporteur pour son travail d’équilibriste compliqué, ainsi que le président Milon. Bien que je sois très souvent d’accord avec ce qu’il dit, nous voterons, non seulement pour l’amendement de Mme Schillinger, mais aussi et surtout pour le Sénat.

Pardonnez-moi de me répéter, mais alors qu’aujourd'hui certains voudraient se passer du Sénat ou diviser par quatre le nombre de sénateurs et racontent des ignominies, y compris dans la presse de qualité, nous devons montrer sur chaque texte que le Sénat est plus constructif que l’Assemblée nationale, qu’il n’est pas dans l’immédiateté et que si des désaccords existent entre nous, nous pouvons travailler ensemble et apporter notre pierre à l’édifice.

Mon groupe votera donc pour l’amendement de Mme Schillinger et pour le Sénat, et nous invitons tous nos collègues à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Chaque liberté gagnée mérite d’être défendue, non seulement pour nos compatriotes, mais aussi en souvenir de ceux qui ont lutté pour les obtenir.

Ceux qui cherchent aujourd’hui à entraver l’exercice des libertés, comme certains l’ont encore fait ces dernières semaines en nous abreuvant de mails, méritent d’être combattus.

M. Olivier Cadic. Je remercie Mme Schillinger d’avoir déposé cet amendement tendant à revenir au texte que nous avions voté au Sénat en première lecture.

La voix du Sénat mérite d’être entendue, et l’Assemblée nationale se prononcera en fonction de notre avis. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Au terme de cet examen en nouvelle lecture, le groupe socialiste regrette encore une fois qu’un compromis utile n’ait pu être trouvé afin que le Sénat et l’Assemblée nationale apportent une réponse commune aux inacceptables manifestations contemporaines du délit d’entrave à l’IVG.

Les femmes attendent du législateur une réponse ferme, une réponse susceptible de les protéger de ceux qui portent atteinte à leur libre arbitre et, en définitive, n’acceptent pas qu’elles aient le droit de disposer de leur corps.

C’est le moins que l’on puisse faire, cinquante ans après l’adoption de loi Neuwirth, qui a donné aux femmes le droit à la contraception, ouvrant une ère nouvelle de la grande histoire des femmes, une ère où les grossesses non désirées ne seraient plus leur lot commun, leur fatalité. Ce fut en effet un moment historique.

La sociologue Françoise Héritier rappelait en 2002, dans son ouvrage Masculin/Féminin qu’une enquête d’opinion avait à l’époque interrogé les hommes et les femmes pour savoir quels étaient à leurs yeux les principaux événements du XXe siècle. Les femmes avaient placé en premier, à 90 %, le droit à la contraception, les hommes, majoritairement, la conquête de l’espace… Peut-être venons-nous vraiment de planètes différentes ! Mais aujourd’hui, ensemble, nous devons conforter le droit des femmes et répondre aux entraves dont elles sont la cible.

Je remercie vivement M. Roche et tous les intervenants qui ont dit que nous devions porter un message positif et cohérent, dans la constance. Nous ne pouvons pas changer de position à chaque nouvelle lecture !

J’espère que cet amendement sera voté et que la rédaction du Sénat sera adoptée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Laurence Rossignol, ministre. Monsieur Milon, je n’imagine pas que le Sénat ait changé d’avis entre la précédente lecture et celle-ci. Je n’imagine pas non plus qu’ait pu intervenir, à un quelconque moment, un vote tactique ou de circonstance. Je sais que le vote du Sénat lors de la précédente lecture était un vote de conviction et que ses convictions n’ont pas changé. C’est pourquoi je vais prendre un engagement.

Monsieur Milon, vous connaissez mon obstination et vous savez que je tiens parole. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Si la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture l’est de nouveau aujourd'hui, je m’engage à tout mettre en œuvre pour que cette même rédaction soit adoptée par l’Assemblée nationale lors de la prochaine lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Charles Revet. Pourquoi ne pas l’avoir fait en première lecture ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je connais en effet la détermination de Mme la ministre et sa volonté de trouver un accord, mais, malheureusement, je connais aussi la détermination de la majorité de l’Assemblée nationale…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis tendant à rédiger l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 99 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l’adoption 171
Contre 147

Le Sénat a adopté la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE et sur certaines travées de l’UDI-UC.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse
 

7

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Mes chers collègues, j’appelle chacun de vous au respect du temps de parole qui lui est imparti comme au respect des uns et des autres.

suppression de postes de fonctionnaires

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour le groupe du RDSE.

M. Alain Bertrand. J’ai deux explications à demander au Gouvernement, et je préférerais que ce soit le Premier ministre qui me réponde, car c’est important. (Rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. C’est gentil pour les autres ! (Sourires.)

M. Alain Bertrand. Premièrement, on a voté le budget : on a fait des économies tout en créant des postes dans l’éducation nationale ou dans la police, par exemple. Tout cela est très bien, et on est d’accord !

Mais, en Lozère – je pourrais aussi prendre l’exemple du Cantal, de la Corrèze ou des Hautes-Pyrénées, mais je cite la Lozère (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) –, on va supprimer cette année onze postes à la direction régionale des finances publiques, pour 75 000 habitants. Dans l’Hérault, qui compte 1,1 million d’habitants, on supprimera également onze postes.

M. Alain Bertrand. Monsieur le Premier ministre, madame la ministre de la fonction publique, le rabot doit-il passer au décuple, voire plus, dans les petits départements ?

Deuxième question : on nous rebat les oreilles avec les maisons de service public, qui offrent très peu de services publics et qui devraient plutôt s’intituler « maisons de services au public ». Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre – ou est-ce involontaire ? –, que ces maisons masquent la disparition des véritables services publics dans les petits départements ? (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC. – M. Bruno Sido applaudit.)

Mme Laurence Cohen. Et voilà !

M. Alain Bertrand. Je veux parler des gendarmeries, des tribunaux de police, des postes de police, des tribunaux, des écoles, de la direction départementale des territoires, de la direction départementale des finances publiques, etc.

La réponse à cette question est importante, y compris pour l’avenir ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur, une telle manifestation d’amitié et d’empressement justifie que je fasse un effort pour vous être agréable. (Sourires.)

Aussi, il est normal que, sur la question de la présence des services publics en milieu rural, question importante à laquelle nous prêtons une grande attention, vous disposiez d’une réponse extrêmement précise. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous sommes tous, quelles que soient nos appartenances et nos sensibilités politiques, dans l’obligation de redresser nos comptes. Nous ne les redresserons pas si nous ne faisons pas un effort de maîtrise des effectifs de la fonction publique locale et territoriale. Je le sais, nous sommes dans une période électorale, durant laquelle chacun va expliquer qu’il va faire beaucoup d’économies en créant beaucoup de postes, …

M. François Grosdidier. Le revenu universel !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … mais je refuse, pour ce qui me concerne, de céder à cette pente. Face aux Français, nous sommes, me semble-t-il, compte tenu de la gravité du contexte, dans une obligation de vérité.

Les efforts budgétaires réalisés, qui ont permis de diminuer le déficit de l’État – nous atteindrons nos objectifs de déficit public cette année –, ne nous ont pas empêchés de créer des postes là où des priorités se faisaient sentir.

Vous avez évoqué la suppression de postes dans la police et la gendarmerie. Je veux rappeler – vous auriez pu le dire dans votre question, car je sais votre grande rigueur intellectuelle – que nous avons créé 9 000 postes dans la police et la gendarmerie,…

M. Alain Bertrand. Je l’ai dit !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … là où 13 000 avaient été supprimés.

Par ailleurs, Bruno Le Roux, en tant que ministre de l’intérieur, comme je l’avais fait à l’époque où j’avais la responsabilité de ce ministère, veille à ce que le déploiement des effectifs de gendarmerie dans les territoires ruraux et de police sur le territoire national soit rehaussé pour répondre à des formes de violences nouvelles, face auxquelles nous serions démunis si nous n’augmentions pas les moyens des forces de sécurité intérieure.

Le deuxième point sur lequel je veux insister – vous le savez parfaitement puisque je me suis rendu dans votre département, accompagné des élus, dont vous-même – concerne les préfectures et sous-préfectures : 2 700 postes ont été supprimés entre 2007 et 2012. Sachant qu’il y a à peu près 280 postes par préfecture, cela équivaut à la suppression d’une douzaine de préfectures en cinq ans.

Nous avons décidé d’en finir avec cette politique en mettant en place le plan Préfectures nouvelle génération, qui conduit à faire des efforts par la création de plateformes de titres. Cela permet de réinjecter dans les préfectures et sous-préfectures des effectifs nouveaux.

Les effectifs pourront ainsi être renforcés, en particulier dans la préfecture de la Lozère, monsieur le sénateur, pour conforter les services publics, comme je vous l’avais annoncé, à votre grande satisfaction d’ailleurs, une satisfaction que vous m’aviez exprimée au moment de ma visite (M. Alain Bertrand opine.) et à laquelle j’avais été particulièrement sensible. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Le troisième point sur lequel je veux insister a trait au fait que nous allons créer un millier de maisons de service public, ainsi que des maisons de l’État. Ces maisons de service public sont destinées non pas à mettre en place des services étiques et riquiqui dans les territoires, mais à regrouper des services publics là où il y avait un risque de désertification de manière à les maintenir et à assurer un service de qualité.

Pour prendre un exemple très concret, lorsque nous décidons dans des territoires ruraux de faire en sorte qu’il y ait des maisons de service public des services de La Poste et une relocalisation de la gendarmerie, qui profite d’ailleurs de cette relocalisation pour bénéficier de la modernisation de locaux, nous sommes dans le confortement du maillage territorial.

Monsieur le sénateur, je vois dans votre question l’expression, au travers de la faconde et de la fougue qui vous caractérisent, d’une volonté de précision que je vous apporte bien volontiers. Vous pourrez ainsi rentrer dans votre département rasséréné et rassuré, j’en suis convaincu, et diffuser ma réponse à l’ensemble des élus qui vous ont demandé de m’interpeller cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour la réplique.

M. Alain Bertrand. Monsieur le Premier ministre, j’ai dit que le Gouvernement avait créé des postes dans la police et l’éducation nationale, et je le soutiens. Mais vous savez que vous pouvez délocaliser, démétropoliser, implanter dans l’enseignement supérieur des écoles d’ingénieur, faire des efforts pour inciter les implantations d’entreprise. Quelle que soit la nouvelle majorité – j’espère que ce sera la même ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) –, elle devra prendre cela en compte.

M. le président. Votre temps de parole est épuisé !

M. Alain Bertrand. La fonction publique dans la ruralité est un squelette !

nucléaire en france

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste.

M. Ronan Dantec. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

L’actualité du nucléaire est cette semaine particulièrement dense. L’incident de la semaine dernière à Flamanville, troisième incendie dans une centrale en dix jours – deux à Cattenom et un à Flamanville –, rappelle que le risque zéro n’existe pas et souligne tout particulièrement la fragilité de nos installations vieillissantes.

Pendant ce temps, personne ne sait vraiment où sont passés les noyaux fondus de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, qui se sont fait la malle en perçant un trou dans la dalle de béton, mais qui se rappellent à notre bon souvenir par des radiations intenses. Le dernier rapport de TEPCO, l’exploitant de la centrale, annonce ainsi des taux de radiation dans le réacteur numéro 2 de nature à tuer immédiatement tout individu s’en approchant.

La catastrophe est bel et bien aussi économique. À l’échelle mondiale, le conglomérat industriel japonais Toshiba, après une perte de plus de 3 milliards d’euros liée à sa filiale nucléaire Westinghouse, a annoncé ce mardi qu’il allait limiter les risques dans l’activité nucléaire à l’étranger, en ne prenant plus en charge la construction de nouveaux projets. Il se désengage même de l’Inde, que certains dépeignent pourtant en eldorado du nucléaire.

En France, cet échec économique est aussi patent. La publication des résultats annuels d’EDF montre une baisse de près de 15 % de son résultat net courant, avec un cash flow négatif de 1,6 milliard d’euros, alors que ce qu’il est convenu d’appeler le mur d’investissement – Hinkley Point, grand carénage des centrales existantes, reprise d’Areva moribonde, et j’en passe – se rapproche, lui, à toute vitesse.

Le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, impute une large part de ce résultat à la baisse des prix du marché, dans un contexte de surproduction européenne, et il a donc de nouveau demandé une hausse des tarifs de l’électricité.

Madame la ministre, pour cette dernière question avant la fin de cette session, connaissant votre liberté de ton (Sourires.), pouvez-vous nous dire, en toute liberté puisque ce n’est vraisemblablement pas ce gouvernement qui sera chargé de cette décision, si vous considérez vous aussi, comme M. Lévy, inéluctable l’augmentation des prix de l’électricité en France pour faire face aux coûts d’investissement dans le nucléaire ou pensez-vous qu’une autre voie est possible ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’environnement.

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Monsieur le sénateur, vous avez abordé beaucoup de points, mais je répondrai directement à votre question.

Concernant la hausse des tarifs réglementés de vente de l’électricité, le Gouvernement a mis en place, vous le savez, une réforme, que l’on disait d’ailleurs impossible : les tarifs sont aujourd'hui calculés non plus uniquement en fonction des coûts d’EDF, qui était, d’une certaine manière, à la fois juge et partie – les calculs d’EDF permettaient de fixer la hausse du prix de l’électricité –, mais également en fonction des prix du marché de l’électricité en France globalement et au niveau mondial.

Grâce à cette réforme, depuis plus de dix ans, les tarifs adoptés au 1er août 2016 ont baissé en moyenne de 0,5 % pour les particuliers et de 1,5 % pour les artisans. Nous continuerons à être extrêmement vigilants quant à la hausse des tarifs. Parallèlement, vous le savez – vous avez beaucoup contribué à l’adoption au Sénat de la loi de transition énergétique pour la croissance verte –, nous accélérons la transition énergétique pour la croissance verte, qui porte aujourd'hui ses fruits.

S’agissant de l’équilibre entre l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables dont vous avez parlé, au vu des derniers résultats, les raccordements d’éoliennes ont augmenté de 45 % au cours de l’année qui vient de s’écouler.

Par conséquent, on peut dire que c’est grâce aux énergies renouvelables qu’il n’y a pas eu de coupure de courant pendant le pic de froid (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) dans la mesure où neuf réacteurs nucléaires étaient à l’arrêt, pour des raisons de sûreté. Nous avons aujourd'hui l’équivalent de six réacteurs nucléaires en énergies renouvelables. Je me réjouis de voir qu’EDF devient un opérateur très important des énergies renouvelables et des énergies alternatives, puisqu’il investit 2 milliards d’euros dans cette filière et que le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, dont j’ai récemment visité le site de Grenoble avec le Premier ministre, développe la route solaire, chère à Jean-Claude Lenoir,…

M. le président. Je vous prie de conclure, madame la ministre !

Mme Ségolène Royal, ministre. … ainsi que toutes les nouvelles technologies. Le mouvement est en marche ! (Rires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.) Il est en accélération. Il est irréversible…

M. le président. Votre temps de parole est épuisé, madame la ministre !

Mme Ségolène Royal, ministre. … et la France peut s’honorer d’être la nation de l’excellence environnementale. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. Je demande instamment aux orateurs et aux membres du Gouvernement de respecter les deux minutes imparties.

suppression de postes à edf

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour le groupe CRC.

Mme Annie David. Ma question s'adressait à M. Sirugue, secrétaire d'État chargé de l'industrie, mais j’écouterai avec beaucoup d’attention la réponse de Mme Pinville.

À l’heure où les enjeux sur l’approvisionnement et la transition énergétique sont des plus importants, comme on vient de l’entendre, à l’heure où la question de la sécurité nucléaire se pose avec acuité, au moment où des milliers de nos concitoyennes et concitoyens sont privés d’électricité à cause des tempêtes et où les agents EDF sont à pied d’œuvre, c’est une véritable imposture à laquelle se prépare la direction d’EDF !

Alors qu’elle a entamé plusieurs chantiers industriels de grande ampleur et après déjà de nombreuses suppressions de postes au fil des années – 2 000 suppressions l’an dernier –, ce ne sont pas moins de 5 000 nouvelles suppressions qui sont annoncées par le président de cette belle entreprise publique, soit 7 % de l’effectif !

Tous les secteurs seront touchés, la recherche et le développement ne sont pas épargnés et, dans mon département, les agents des boutiques EDF m’ont déjà alertée.

EDF doit avoir les moyens d’assurer le service public de l’électricité dans la durée. Elle doit être le pivot de la transition énergétique et du développement des énergies renouvelables, alors que l’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques la prive de la première d’entre elles.

EDF, belle entreprise publique, à l’instar de l’ensemble de nos services publics, doit être présente sur tous nos territoires.

Madame la secrétaire d'État, quand l’État aura-t-il une politique industrielle et énergétique de long terme cohérente et déconnectée des enjeux financiers ?

Quand jouera-t-il son rôle de stratège pour assurer la sécurité des approvisionnements, notre indépendance énergétique et la préservation de nos savoir-faire irremplaçables ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)